Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A23W0048

Atterrissage brutal
Airbus Helicopters AS350 B2 (hélicoptère), C-FAVX
Range Helicopters Inc.
Aéroport d’Edson (CYET) (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 4 mai 2023, l’hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B2 exploité par Range Helicopters Inc. (Range Helicopters) (immatriculation C-FAVX, numéro de série 4242) effectuait un vol de retour vers l’aéroport d’Edson (CYET) (Alberta), à partir d’une zone de rassemblement pour la lutte contre les incendies de forêt située à environ 49 milles marins (NM) à l’est. Lorsque l’hélicoptère se trouvait à 5 NM à l’est de CYET, un vol de 4 aéronefs CL-215T de Canadair approchait de l’aéroport par l’ouest et avait l’intention d’atterrir sur la piste 07, qui était alors en service. Des vents forts soufflant en rafales de l’est-sud-est ont été signalés. L’approche habituelle du pilote de l’événement vers le hangar de Range Helicopters à CYET consistait à passer au sud de la ville d’Edson (Alberta), puis à approcher de l’aéroport par l’ouest. Quand il a entendu les intentions des aéronefs CL-215T, le pilote de l’événement, ne voulant pas retarder leur arrivée, a décidé d’approcher de l’aéroport en vent arrière et au nord de la piste 07, entre la piste et la voie de circulation, et avait l’intention d’effectuer un virage serré à droite pour mettre l’hélicoptère face au vent (Figure 1).

    Figure 1. Trajectoire de vol de l’hélicoptère vers l’aéroport d’Edson (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Trajectoire de vol de l’hélicoptère vers l’aéroport d’Edson (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Alors que l’hélicoptère était en approche entre la piste 07 et la zone de terrain gazonné située entre les voies de circulation A et B, le pilote a commencé à ralentir et a atteint une vitesse sol de 30 nœuds Note de bas de page 1. Il a remarqué 2 avions-citernes à la base du service de lutte contre les incendies devant lui et à sa droite, et, ne voulant pas les survoler, il a ralenti davantage. L’hélicoptère était en descente à une vitesse située entre 300 et 500 p/min, par un vent arrière de 27 à 36 nœuds. Juste avant d’entamer le virage à droite vers le hangar, l’hélicoptère a amorcé une descente non contrôlée lorsqu’il était entre 50 et 30 pieds au-dessus du sol (AGL). Le pilote a actionné le pas collectif pour réduire la vitesse verticale de descente, mais celle-ci a augmenté. Ce scénario correspond à un état d’anneau tourbillonnaire (VRS) Note de bas de page 2. L’aéronef a percuté le sol et a basculé sur le côté droit à 20 h 05 Note de bas de page 3. Le pilote a subi des blessures légères. Il a réussi à s’extirper de l’épave. Il n’y a pas eu d’incendie. La radiobalise de repérage d’urgenceNote de bas de page 4 s’est activée.

    Renseignements sur le pilote

    Le pilote détenait une licence de pilote professionnel – hélicoptère et était titulaire d’un certificat médical valide de catégorie 1. Il avait accumulé 1901 heures de vol au total. Selon son carnet personnel, il avait été aux commandes de divers hélicoptères légers, principalement dans le cadre de patrouilles de gazoducs. Il avait accumulé 121 heures de vol sur l’AS350 B2, dont 118 heures comme commandant de bord.

    Dans le cadre des activités de lutte contre les incendies, le pilote avait été en service de vol pendant les 7 jours précédant l’événement à l’étude, au cours desquels il avait effectué 46,6 heures de vol Note de bas de page 5. Pendant cette période, il avait été en service pendant 85,5 heures, et pendant plusieurs journées de 14 heures Note de bas de page 6. Cependant, la compagnie avait atténué le risque posé par les longues heures de travail en logeant les équipages dans des hôtels à proximité des incendies, ce qui leur permettait d’avoir plus de temps de repos ininterrompu. Dans le cadre de la présente enquête, le BST a évalué l’état de fatigue du pilote a déterminé que la fatigue n’avait probablement pas été un facteur dans cet événement.

    Formation de l’entreprise

    Le pilote avait suivi l’entraînement périodique annuel et avait terminé toute la formation au sol sur ordinateur et l’entraînement au vol avant la fin mars 2023. L’entraînement au vol comprenait des exercices de reconnaissance d’un VRS et de manœuvres de rétablissement d’un VRS. Ces exercices avaient été effectués à des altitudes sécuritaires offrant des marges suffisantes pour effectuer les manœuvres de rétablissement sécuritaires.

    Renseignements sur l’aéronef

    Tableau 1. Renseignements sur l’aéronef
    Constructeur Eurocopter*
    Type, modèle et immatriculation AS350 B2, C-FAVX
    Année de construction 2007
    Numéro de série 4242
    Date d’émission du certificat de navigabilité 22 mai 2007
    Total d’heures de vol cellule 5334,2 (temps de vol estimatif le jour de l’événement : 7,5 heures)
    Type de moteur (nombre) Turbine libre Arriel 1D1 de Turbomeca, turbomoteur (1)
    Type de rotor (nombre de pales) Semi-rigide (3)
    Masse maximale autorisée au décollage 2250 kg (4961 lbs)
    Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1, Jet B
    Type de carburant utilisé Jet A

    * En 2014, le constructeur Eurocopter est devenu Airbus Helicopters, qui détient actuellement le certificat de type pour ce type d’aéronefs.

    L’AS350 B2 d’Airbus Helicopters est un hélicoptère monoturbine à 6 places piloté par 1 seul pilote. Il est équipé d’un rotor principal à 3 pales tournant dans le sens horaire (lorsque vu du dessus). Le pilote est normalement assis sur le siège de droite. L’hélicoptère de l’événement à l’étude était muni d’un panier à fret externe installé sur le côté gauche.

    D’après les renseignements disponibles sur l’équipement et le personnel à bord de l’hélicoptère, la masse et le centre de gravité de l’hélicoptère se trouvaient dans les limites prescrites.

    L’hélicoptère était certifié et équipé pour les vols de jour selon les règles de vol à vue (VFR), conformément à l’article 605.14 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) Note de bas de page 7.

    Au moment de l’événement, le carnet de route de l’hélicoptère (récupéré dans l’épave) ne faisait état d’aucune anomalie. La dernière entrée du carnet de route, datée du 4 mai 2023, faisait état d’une inspection quotidienne qui avait été effectuée par le pilote de l’aéronef de l’événement à l’étude. On y trouvait des mentions répétitives des inspections exigées par une consigne de navigabilité en vigueur.

    Renseignements sur l’épave et sur l’impact

    L’hélicoptère a percuté le sol entre la piste et la voie de circulation dans une assiette en cabré, ce qui a provoqué la rupture du rotor de queue. L’hélicoptère a ensuite tourné vers la droite et a percuté le sol avec suffisamment de force pour briser le patin droit. Il a ensuite basculé sur le côté droit, et le rotor principal est entré en contact avec le sol, entraînant le fuselage selon un arc d’environ 100° dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le cadre latéral avant droit de la cabine s’est rompu, mais la cabine a conservé sa forme générale. Le moteur et la boîte de transmission se sont détachés de certains de leurs points de fixation, mais sont restés principalement dans le compartiment du groupe motopropulseur. Une conduite de carburant s’est rompue. Un déversement de carburant s’est produit, mais pas d’incendie (figure 2).

    Figure 2. Lieu de l’accident, vue vers le nord (Source : BST)
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    Lieu de l’accident, vue vers le nord (Source : BST)

    Renseignements météorologiques

    Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) de l'aéroport d'Edson émis à 20 h était le suivant :

    • vents du 150° vrai à 27 nœuds, avec des rafales atteignant 36 nœuds;
    • visibilité de 1 ½ mille terrestre dans de la brume sèche;
    • couche de nuages épars à 3000 pieds AGL, plafond de nuages fragmentés à 10 000 pieds AGL;
    • température de 24 °C, point de rosée de 2 °C;
    • calage altimétrique de 29,73 pouces de mercure (inHg);
    • altitude-densité de 5000 pieds.

    Aucune prévision d’aérodrome n’est émise pour CYET.

    Il a été rapporté que même si la visibilité était bonne pendant le vol de retour, elle avait commencé à se détériorer à environ 10 NM à l’est de CYET. Une fois que l’aéronef de l’événement à l’étude s’est trouvé près de l’aéroport, la visibilité était réduite à 1 ½ mille terrestre. Le pilote était au courant des conditions de vent étant donné que les pilotes des aéronefs CL-215T à l’arrivée en parlaient sur la fréquence de trafic d’aérodrome.

    État d’anneau tourbillonnaire

    Les hélicoptères sont vulnérables à un phénomène aérodynamique connu sous le nom d’état d’anneau tourbillonnaire (VRS). Un VRS se produit lorsque la trajectoire de vol, la vitesse anémométrique et le taux de descente d’un hélicoptère coïncident avec la déflexion de l’air vers le bas de l’hélicoptèreNote de bas de page 8. En vol normal, l’écoulement d’air du rotor principal est dirigé vers le bas. En VRS, les tourbillons d’extrémité générés par le rotor principal recirculent à travers le rotor, ce qui nuit à la portance. L’augmentation de la puissance (augmentation du pas collectif) a pour effet d’accélérer encore plus la déflexion de l’air vers le bas à travers le rotor principal, ce qui aggrave la situation. Dans un VRS intégral, l’hélicoptère peut subir des oscillations intempestives en tangage et en roulis, et son taux de descente peut approcher les 6000 pi/minNote de bas de page 9.

    Le Helicopter Flying HandbookNote de bas de page 10 , publié par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, indique que la combinaison des conditions suivantes est susceptible d’entraîner un VRS :

    • une descente verticale ou presque verticale à une vitesse d’au moins 300 pi/min;
    • un vol propulsé, généralement dans la plage de couple moteur de 20 à 100 %;
    • une vitesse horizontale plus lente que la portance nette de translation.

    Pour éviter le VRS à l’approche et à l’atterrissage, Airbus Helicopters recommandeNote de bas de page 11 ce qui suit [traduction] :

    Lorsque la vitesse est inférieure à 30 nœuds, soyez conscient de votre RoD [vitesse verticale de descente]. Utilisez le pas collectif (la puissance) pour contrôler la vitesse verticale. NE LAISSEZ JAMAIS UNE RoD DÉPASSER LES 500 pi/min SI VOTRE VITESSE EST INFÉRIEURE À 30 KIAS. ÉVITEZ LES DÉCÉLÉRATIONS BRUSQUES PENDANT LA DESCENTE OU PENDANT UN VIRAGE VERS UNE POSITION EN VENT ARRIÈRE.[majuscules et caractères gras dans le texte original]

    Afin de réduire le risque de se retrouver en VRS, les pilotes d’hélicoptère sont formés pour éviter de faire pénétrer leur hélicoptère dans sa propre déflexion d’air. Transports Canada recommande les 2 méthodes de rétablissement suivantes aux pilotes d’hélicoptère à rotor principal simple qui se retrouvent en VRS :

    • Le piqué de redressement – Le pilote doit pousser le cyclique vers l’avant tout en réduisant le collectif afin d’essayer de regagner de la vitesse anémométrique. À mesure que la vitesse anémométrique augmente, l’hélicoptère sort de sa déflexion vers le bas et le vol normal peut reprendre.
    • La mise en autorotation – Cette manœuvre entraîne un changement de l’écoulement d’air, le faisant passer de l’écoulement perturbé dû au VRS à l’écoulement vers le haut de l’autorotation. Le pilote peut alors pousser lentement le cyclique vers l’avant, prendre de la vitesse et augmenter la puissance afin de reprendre le vol normalNote de bas de page 12.

    Ces dernières années, une nouvelle technique de rétablissement, la méthode Vuichard, a gagné en popularité. Cette technique recourt à [traduction] « une poussée cyclique latérale combinée à une augmentation de la puissance et de la une poussée anticouple latérale [...] pour éliminer le taux de descente plutôt que sortir de l’anneau tourbillonnaire »Note de bas de page 13.

    Généralement, un hélicoptère en VRS subira une perte considérable d’altitude avant de pouvoir reprendre un vol normal. Si l’altitude initiale est insuffisante, l’hélicoptère peut entrer en collision avec le relief avant de parvenir à se rétablir d’un VRS.

    Idéalement, les hélicoptères devraient être face au vent pour l’approche finale afin de réduire le risque d’entrer en VRS. Un pilote effectuant une approche en vent arrière doit gérer consciencieusement la vitesse sol, la puissance et le taux de vitesse verticale de descente de l’hélicoptère afin d’éviter que l’hélicoptère ne descende dans sa propre déflexion d’air et n’y reste pris, et ce possiblement à une altitude rendant les manœuvres de rétablissement impossibles.

    Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP074/2023 – NVM Recovery – GPS and Flight Tracker [Récupération de la mémoire non volatile – système de positionnement mondial et système de suivi de vol]

    Messages de sécurité

    Cette enquête souligne l’importance de la planification de l’approche et de la gestion de la puissance, surtout au cours d’une approche en vent arrière vers un site d’atterrissage. Ainsi, il est critique que les pilotes d’hélicoptère restent conscients des conditions de vol pouvant causer un VRS et qu’ils évitent ces conditions. Par ailleurs, avant de tenter une approche en vent arrière, les pilotes doivent soigneusement évaluer le gain de temps potentiel d’une telle approche par rapport aux risques inhérents.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .