Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 29 mai 2024, le pilote et propriétaire du planeur LAK-17B FES de Sportinė Aviacija ir Ko (Sportinė) (immatriculation C-FMXC, numéro de série 229) a assemblé son aéronef en vue de sa participation à une compétition de vol à voile. La compétition était basée à l’aérodrome Black Diamond/Cu Nim (CEH2) (Alberta). L’événement du jour consistait en un vol-voyage en 3 étapes totalisant 401 km vers le sud-est de CEH2.
Après avoir gréé le planeur, le pilote a assisté à une séance d’information sur la sécurité à 10 h 30Les heures sont exprimées en heure avancée des Rocheuses (temps universel coordonné moins 6 heures). avec les autres concurrents. Il a préparé son ordinateur de vol nouvellement acquis pour le vol-voyage et a attendu son tour pour partir. Le 1er groupe de planeurs est parti vers 12 h 30, et le groupe de planeurs du pilote de l’aéronef à l’étude devait partir à 13 h. Les conditions de vol à voile étaient mauvaises, c’est-à-dire que la portance atmosphérique était faible, et les planeurs du 1er groupe sont retournés à l’aérodrome après avoir volé moins de 20 minutes.
À 13 h 01, le pilote de l’aéronef à l’étude a été le 6e de son groupe à partir. Son planeur a été remorqué jusqu’à 2000 pieds au-dessus du sol (AGL) au sud de CEH2 avant de se libérer du câble de remorquage. Certains planeurs de son groupe sont également retournés à l’aérodrome peu après le lancement.
Au cours des 23 minutes qui ont suivi, le pilote de l’aéronef à l’étude a tenté de gagner de l’altitude en vol thermique à quelques milles au sud de CEH2 (figure 1); cependant, il n’a gagné que quelques centaines de pieds au total. Il a ensuite viré vers l’aérodrome et, alors qu’il se trouvait à l’étape vent arrière gauche de la piste 25, il a tenté de gagner encore de l’altitude et a effectué 5 virages à gauche.
Le planeur se trouvait en moyenne à une hauteur de 1350 pieds AGL pendant les virages et a pris de l’altitude, mais pas beaucoup. Pendant le 5e virage à gauche, le planeur a décroché à une vitesse indiquée de 74,7 km/hLe manuel de vol du planeur à l’étude indique une vitesse de décrochage avec les ailes à l’horizontale de 80 km/h (43,2 nœuds), sans lest et avec les volets réglés à +3. (Source : Sportinė Aviacija ir Ko, Flight Manual for the Self-sustaining Powered Sailplane LAK-17B FES [19 avril 2022], section 5.2.2 : Stall speeds, p. 5-3 Appr.) et a amorcé une vrille à droite (figure 1, image en médaillon). Les données de vol montrent une perte d’environ 200 piedsLe manuel de vol de l’aéronef à l’étude indique une perte de 50 m (164 pieds) au cours d’un décrochage en virage si la sortie de décrochage est immédiate. (Source : Ibid.) et une augmentation subséquente de la vitesse indiquée pour passer à environ 185 km/h. Le planeur est sorti de la vrille et a gagné environ 10 pieds d’altitude avant que sa verrière ne soit éjectée.
Des observateurs à CEH2, qui s’occupaient des planeurs qui revenaient, ont vu quelque chose tomber du planeur et se sont rendu compte qu’il s’agissait de la verrière, suivie peu après par le pilote, qui abandonnait le planeur sans voilure de parachute visible. Le planeur s’est alors cabré, a amorcé une vrille vers la gauche et est entré en collision avec le relief, entraînant des dommages importants.
Le pilote, qui portait un parachute, a percuté le sol et a subi des blessures mortelles. Aucun renseignement recueilli au cours de l’enquête n’indique que le pilote a heurté le planeur lors de l’abandon de celui-ci.
Vol thermique
Les ascendances thermiques ont tendance à être plus faibles à basse altitude et à prendre de l’expansion à mesure qu’elles s’élèvent. Par conséquent, un angle d’inclinaison plus prononcé est nécessaire à basse altitude, et des angles d’inclinaison plus faibles peuvent souvent être utilisés en prenant de l’altitude. Continuez à adapter les techniques tout au long du vol. […]
Il y a deux autres raisons d’éviter les vols thermiques trop lents : le risque de décrochage et le manque de manœuvrabilité. […]
La sortie de décrochage doit être une seconde nature, de sorte que si des signes d’un décrochage imminent se présentent pendant le vol thermique, la sortie se fera intuitivement. En fonction des caractéristiques de décrochage du planeur en question ou dans les ascendances thermiques turbulentes, une entrée en vrille est toujours possible. Les pilotes de planeurs doivent surveiller attentivement la vitesse et l’assiette à basse altitudeFederal Aviation Administration, FAA-H-8083-13A, Glider Flying Handbook (2013), chapitre 10 : Soaring Techniques, p. 10-6 et 10-7..
Renseignements sur le planeur
L’aéronef Sportinė LAK-17B FES est un planeur monoplace à aile médiane avec volets doté d’un empennage en T, d’un train d’atterrissage principal escamotable et de 5 réservoirs de lest d’eau. Il est construit à partir de matériaux composites hybrides (Kevlar, carbone et fibre de verre). Le planeur est également équipé d’un moteur de soutien électrique monté à l’avant, dont la batterie est située derrière le pilote.
Le pilote de l’aéronef à l’étude avait acheté le planeur à l’été 2023 et l’avait fait importer au Canada. Certains travaux de maintenance mineurs nécessaires à l’importation avaient été effectués au cours de l’été 2023. Le planeur n’avait quitté Invermere (Colombie-Britannique) que 4 jours avant la compétition de vol à voile.
Un examen technique du planeur effectué après l’événement n’a révélé aucun problème lié aux systèmes du planeur, y compris aux commandes de vol. Les volets étaient à la position +3Le manuel de vol de l’aéronef recommande la position des volets +3 pour l’atterrissage et +2 pour le vol thermique. (Source : Sportinė Aviacija ir Ko, LAK 17B-FES Flight Manual [19 avril 2022], section 4.5.3 : Free flight, p. 4-9 Appr.). Le système de compensateur de profondeur à ressort pour le manche était à la position arrière/en cabré, ce qui est également courant pendant le vol thermique. Tous les réservoirs de lest d’eau étaient vides.
Les renseignements recueillis au cours de l’enquête indiquent que le pilote n’avait pas l’intention d’utiliser le moteur de soutien pendant la compétition. Les pales de l’hélice ne présentaient aucun dommage qui aurait indiqué qu’elles tournaient au moment de l’impact.
La masse et le centre de gravité de l’aéronef se trouvaient dans les limites prescrites.
Renseignements sur le pilote
Au moment de l’événement, le pilote possédait une licence de pilote de planeur et un certificat médical de catégorie 3 valide. Il pratiquait le vol à voile depuis près de 30 ans et avait accumulé environ 750 heures de vol sur des planeurs. De plus, il avait enseigné le vol à voile au club de vol à voile de CEH2.
Au cours des 12 mois précédant l’accident, le pilote avait effectué 5 vols seulement. Le 24 mai 2024, le pilote a effectué 2 vols avec instructeur pour une révision en vol annuelle, dans un planeur biplace Alexander Schleicher ASK 21. Au cours de ces vols, les décrochages, les vrilles et les virages serrés ont été passés en revue parmi d’autres manœuvres.
Après la révision en vol, le pilote a effectué 3 vols dans le planeur à l’étude : 2 vols le 27 mai et 1 vol le 28 mai. La durée totale des 3 vols a été de 1,1 heure. Les données de vol récupérées de l’ordinateur de vol à bord ont été examinées. Aucun renseignement ne donne à croire que le pilote aurait effectué des virages serrés, des décrochages ou des vrilles au cours de ces 3 vols. Le vol à l’étude était son 4e vol dans le planeur.
Renseignements sur le parachute
Le BST a récupéré le système de parachuteLe harnais et le conteneur du parachute sont un SOFTI MINI de Para-Phernalia Inc., numéro de série 4890-5, fabriqués en février 1998. L’ensemble du parachute de secours est un parachute conique de 24 pieds de Free Flight Enterprises Inc. Preserve 1 Model FFE-201 (-C), numéro de série 62369, fabriqué en janvier 1998. et l’a envoyé au groupe des Forces armées canadiennes chargé d’inspecter les parachutes de tiers. Deux arrimeurs de parachutes - spécialistes ont effectué [traduction] « une inspection technique complète et impartiale [du parachute] pour vérifier son état de service et sa conformité avec les normes de pliage et de maintenance telles qu’elles sont prescrites par le fabricant. L’évaluation portait aussi sur le respect des règlements canadiens et fédéraux relatifs aux parachutesRapport d’inspection des parachutes de tiers par les Forces armées canadiennes (13 septembre 2024), section 3 : Aim.. »
Le rapport a relevé 2 problèmes concernant la date du dernier pliage et l’âge du parachute. Le dernier pliage avait eu lieu le 14 mars 2023; le pliage suivant, prévu le 14 janvier 2024, n’avait pas été effectué. Le système de parachute lui-même était âgé de 26 ans au moment de l’événement, dépassant la durée de vie de 20 ans recommandée par les fabricants du parachute, du harnais et du conteneur. Il est important de noter que la durée de vie recommandée est à titre indicatif et que la détermination finale de l’état de service du système de parachute incombe à l’arrimeur de parachute qui plie celui-ci et en certifie l’état de navigabilité.
Le rapport concluait ce qui suit [traduction] :
Le système de parachute complet, comprenant le parachute individuel, le harnais et le système de conteneur, a été jugé en bon état de service, à l’exception des dommages constatés sur le système de conteneur et la gaine de câble. Les dommages observés correspondent au type de dommages qui sont typiquement observés à la suite d’un impact important avec le solIbid., section 10 : Summary..
Utilisation des parachutes dans les situations d’urgence
En général, le parachutisme est une activité complexe qui nécessite des actions coordonnées dans des environnements extrêmes. Le parachutisme exige de s’y exercer de manière assidue pour atténuer les risques connexes.
Le fait de se parachuter inopinément depuis un aéronef dans une situation d’urgence présente de nombreux risques additionnels. Par exemple, dans une situation d’urgence, un pilote peut abandonner un aéronef lorsque ce dernier n’est pas nécessairement en vol rectiligne en palier, sur une trajectoire non contrôlée, à une hauteur non contrôlée ou dans un environnement non contrôlé, lorsque le pilote n’est pas préparé ou lorsqu’il subit potentiellement les effets d’une réaction de stress débilitanteM.E. Lewis, « Restraint systems and escape from aircraft », dans Ernsting’s Aviation and Space Medicine, cinquième édition (2016), p. 177 à 186.. Toutefois, même s’il peut être impossible d’atténuer tous les risques, une formation périodique est néanmoins utile. Plus précisément, il est important de souligner que la pratique régulière du parachutisme est essentielle pour augmenter les chances de réussir l’évacuation en vol.
Le pilote s’était exercé à évacuer un planeur, mais uniquement lorsque celui-ci était immobile au sol. Rien n’indique que le pilote avait déjà fait du parachutisme.
Effet du stress sur la performance humaine
Le stress en ce qui a trait à la performance des pilotes renvoie généralement au stress aigu, lorsqu’un facteur de stress particulier a déclenché un état émotionnel d’éveil accru qui peut nuire à l’exécution d’une tâche donnéeC.D. Wickens, W.S. Helton, J.G. Hollands et al., Engineering Psychology and Human Performance, 5e édition (2022), p. 492 à 498.,A. Landman, E.L. Groen, M.M.R. van Paassen et al., « Dealing With Unexpected Events on the Flight Deck: A Conceptual Model of Startle and Surprise », dans Human Factors, vol. 59, no 8 (2017), p. 1161 à 1172..
Lorsque la charge de travail et le stress augmentent, la capacité cognitive diminue généralement. Plus précisément, la mémoire de travail et l’attention sont touchées. Le stress est également associé à des symptômes physiologiques supplémentaires, tels qu’une accélération du rythme cardiaque, une élévation de la tension artérielle, une transpiration accrue, des tremblements et, parfois, l’incapacité à contrôler les réactions physiques. Dans des scénarios de stress extrême, des tâches qui d’ordinaire sont très simples peuvent devenir impossibles à exécuter.
Un facteur de stress important est la surprise. La surprise est une réaction émotionnelle et cognitive qui découle d’un décalage entre les attentes et les perceptions d’une personneIbid.,Agence européenne de la sécurité aérienne, NLR-CR-2018-242, Startle Effect Management (2018), à l’adresse easa.europa.eu/en/document-library/research-reports/easarepresea20153 (dernière consultation le 15 octobre 2024)..
Le stress peut avoir une incidence sur la capacité cognitive et la capacité à traiter l’information, auxquelles les symptômes physiologiques peuvent nuire davantage. Le stress peut aussi avoir une incidence sur la capacité d’une personne à gérer une situation et à choisir et exécuter les actions appropriées. Cela vaut particulièrement dans les situations d’urgence, où une personne est typiquement surprise et confrontée à une contrainte de temps et à une menace potentielle ou imminente pour sa vie. C’est pourquoi il est important qu’une personne s’exerce régulièrement à une tâche d’urgence afin de se familiariser avec le scénario et de l’exécuter « de manière automatique », sans solliciter de manière ingérable ses ressources cognitives.
Messages de sécurité
On rappelle aux pilotes de planeurs que, lorsqu’ils utilisent un aéronef qu’ils ne connaissent pas bien, ils devraient consacrer suffisamment de temps à l’apprentissage des systèmes et des procédures d’urgence. Ils devraient accorder une attention particulière aux caractéristiques de vol du planeur (vol lent, décrochage, vrille) avant d’effectuer des virages serrés à faible vitesse (comme en vol thermique) dans des conditions exigeantes et près du sol.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 18 décembre 2024. Le rapport a été officiellement publié le 7 janvier 2025.