Disparition et naufrage présumé
du B.P. «LE BOUT DE LIGNE»
entraînant la perte des
trois membres de l'équipage
Golfe du Saint-Laurent
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Pendant le trajet entre Cap-aux-Meules aux Îles-de-la-Madeleine et Rivière-au-Renard (Québec) par gros temps, le 13 décembre 1990, le «LE BOUT DE LIGNE» est disparu avec tous ses occupants. La dernière position connue du bateau se trouve à environ 20 milles au sud-est du cap de Gaspé. En dépit d'une opération de recherches et sauvetage intensive, on n'a trouvé trace ni du bateau ni des trois membres de l'équipage.
Le Bureau a déterminé que la cause la plus probable de la disparition du «LE BOUT DE LIGNE» est le chavirement soudain du bateau par gros temps à cause d'une perte de stabilité transversale attribuable à l'effet de l'accumulation de glace combiné au fait que le bâtiment lège naviguait par mer déferlante arrière et avec les engins de pêche qui n'étaient pas arrimés au plus bas niveau possible. Après avoir chaviré, le navire a fini par perdre toute sa réserve de flottabilité et couler.
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique du navire
« LE BOUT DE LIGNE » | |
---|---|
Numéro officiel | 802578 |
Port d'immatriculation | Québec (Québec) |
Pavillon | Canadien |
Type | Chalutier à pêche arrière en polyester armé |
Jauge brute | 58,8 tonneauxNote de bas de page 1 |
Longueur | 16,8 m |
Largeur | 5,59 m |
Creux | 2,83 m |
Tirant d'eau (approximatif au moment de l'accident) | av.Note de bas de page 2 : 1,9 m ar. : 2,3 m |
Construction | En 1983, à Saint-Antoine de Tilly (Québec) |
Groupe propulseur | Un moteur diesel de 340 BHP entraînant une seule hélice à pas fixe et permettant d'atteindre une vitesse d'environ 9 noeuds |
Propriétaire | Norman O'Connor Cap-des-Rosiers (Québec) |
1.1.1 Renseignements sur le navire
Le «LE BOUT DE LIGNE» a été le premier d'une série de 47 bateaux de pêche de 16,8 m (55 pi.) de longueur qui ont été construits en 1983 à Saint-Antoine de Tilly par AMT Marine Inc. Même si tous ces bateaux avaient une coque en polyester armé provenant du même moule, plusieurs variantes ont été réalisées pour les divers types de pêche. Quatre autres bateaux seulement sont véritablement identiques au « LE BOUT DE LIGNE » (série 200 d'AMT).
1.2 Déroulement du voyage
Le «LE BOUT DE LIGNE» pêchait dans la zone de pêche 4T près des côtes de la Nouvelle-Écosse depuis la mi-novembre. Le 10 décembre 1990, une fois sa saison de pêche terminée, le bateau est parti à lège de Chéticamp (Nouvelle-Écosse) en direction de Rivière-au-Renard (Québec), son port d'attache. Dans la soirée, le petit chalutier a fait escale à Cap-aux-Meules aux Îles-de-la-Madeleine et y est demeuré un peu moins de deux jours en attendant que les conditions météorologiques s'améliorent.
Dans l'après-midi du 12 décembre, les forts vents du nord-ouest se sont apaisés et les prévisions météorologiques indiquaient que le vent tournerait bientôt au sud-est. Le «LE BOUT DE LIGNE» est donc reparti de Cap-aux-Meules vers 16 h 40Note de bas de page 3 et a informé la station radio de la Garde côtière (SRGC) de Cap-aux-Meules (indicatif d'appel VCN) qu'il comptait se diriger vers l'île Le Corps-Mort et, de là, directement vers le cap de Gaspé. La distance à parcourir était d'environ 170 milles. (Voir l'annexe A.)
Le lendemain matin à 3 h 28, le «LE BOUT DE LIGNE» a rapporté à VCN qu'il se trouvait à 78,3 milles du cap de Gaspé qu'il prévoyait doubler en matinée vers 10 h 30, et que ses coordonnées étaient 47°46'56"N par 062°46'56"W. Le capitaine a déclaré de plus avoir réduit la vitesse de son bateau près de l'île Le Corps-Mort à cause des embruns verglaçants. Même si sa voix trahissait une certaine anxiété et s'il s'est dit inquiet qu'il n'y avait aucun autre navire dans les parages, rien ne laissait supposer que le bateau était en difficulté.
Vers 8 h 30, alors qu'il se trouvait à quelque 30 ou 35 milles du cap de Gaspé, le «LE BOUT DE LIGNE» est entré en communication avec un particulier utilisant un radiotéléphone très haute fréquence (VHF) à son domicile situé près de Rivière-au-Renard. Une deuxième et dernière communication avec la même personne a eu lieu vers 9 h 40 et, à ce moment, le bateau se trouvait à 20 milles au sud-est du cap de Gaspé; le capitaine a estimé la vitesse de son bateau à 10,8 ou 10,9 noeuds et il prévoyait arriver à Rivière-au-Renard entre 13 h 30 et 14 h.
À compter de 10 h 1, le bateau de pêche «LINA ROBERT», mouillé à Rivière-au-Renard, a tenté en vain de contacter le «LE BOUT DE LIGNE» par radiotéléphone VHF. Une autre série d'appels faits à 11 h 10 par le radiotéléphoniste amateur sont aussi restés sans réponse. À 14 h 10, le retard du «LE BOUT DE LIGNE» a été signalé à VCN et, à 14 h 26, une opération de recherches et de sauvetage (SAR) officielle a été déclenchée.
1.3 Victimes
Équipage | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | - | - | - | - |
Disparus | 3 | - | - | 3 |
Blessés graves | - | - | - | - |
Blessés légers/indemnes | - | - | - | - |
Total | 3 | - | - | 3 |
1.4 Avaries et dommages
1.4.1 Avaries au navire
On présume que le bateau a coulé et il est considéré comme une perte totale.
1.4.2 Dommages à l'environnement
Lorsque le navire a coulé, une certaine quantité de mazout a dû se déverser dans la mer et se disperser rapidement sous l'effet du vent et des vagues.
1.5 Certificats et brevets
1.5.1 Certificats du navire
Après la dernière inspection périodique du «LE BOUT DE LIGNE» par la Direction de la sécurité des navires de la Garde côtière canadienne (GCC), le 8 avril 1987, un certificat SIC 29 a été délivré au navire. Il s'agissait d'un certificat à court terme dont la date d'expiration du 31 décembre 1990 coïncidait avec les inspections réglementaires de l'arbre porte-hélice, du gouvernail et des aiguillots ainsi que des soupapes sur coque et de la boîte à clapet. Le ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) avait inspecté le navire en 1988 et 1990 avant l'octroi de prêts, et les rapports indiquent que le bateau était alors dans un état satisfaisant; ces inspections ne peuvent cependant pas remplacer l'inspection de sécurité prévue dans le Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche (RIPBP) et ne doivent pas être confondues avec celle-ci.
1.5.1.1 Modifications apportées au navire et inspections
Une première boîte à poisson, en bois, avait été installée en 1983, peu après la construction du «LE BOUT DE LIGNE». La GCC avait noté la présence de cette boîte en 1985 lors de la mesure de la période de roulis (voir section 1.12.6), indiquant qu'elle était très lourde et pouvait à elle seule causer une assiette arrière importante; toutefois, aucune mesure corrective n'avait été proposée.
Des stabilisateurs avaient été installés à bord du «LE BOUT DE LIGNE» au printemps 1988 et la GCC avait jugé l'installation satisfaisante. Cependant, aucune analyse de la stabilité n'avait été faite à cette occasion.
En 1990, les bras stabilisateurs avaient été remplacés et une nouvelle boîte à poisson en aluminium, plus légère que l'ancienne boîte en bois, avait été installée. On ne sait cependant pas pourquoi on a remplacé les bras stabilisateurs ni si les nouveaux stabilisateurs étaient plus légers ou plus lourds que les anciens. La GCC n'a pas été informée de ces modifications effectuées en 1990.
La Loi sur la marine marchande du Canada (LMMC) exige que les petits bateaux de pêche fassent l'objet d'une inspection tous les quatre ans. Toutefois, il arrive que, comme dans le cas présent, les propriétaires apportent des modifications à leurs bateaux ou y rajoutent de l'équipement entre les inspections sans en informer la GCC. Pourtant, c'est aux propriétaires qu'il appartient d'avertir la GCC des modifications ainsi apportées. Il n'existe pas de règlements particuliers concernant les caractéristiques des boîtes à poisson et des stabilisateurs; toutefois, selon le paragraphe 377 (2) de la LMMC, lorsque la coque est modifiée ou qu'un équipement est modifié ou remplacé, le propriétaire doit en informer la Direction de la sécurité des navires de la GCC pour s'assurer que son navire est toujours conforme au règlement.
1.5.2 Brevets du personnel
Un navire du tonnage et du type du «LE BOUT DE LIGNE» n'est pas tenu, en vertu de la LMMC, d'avoir du personnel breveté. Toutefois, le capitaine était titulaire d'un certificat de capacité de capitaine de pêche de classe IV, émis le 20 mars 1980.
1.6 Antécédents du personnel
1.6.1 Capitaine
Avant de faire l'acquisition du «LE BOUT DE LIGNE» au début de 1990, le capitaine avait déjà été propriétaire de deux petits bateaux de pêche. Il était capitaine depuis trois saisons, dont les tout derniers mois à bord du «LE BOUT DE LIGNE». En outre, il avait été capitaine de relève sur d'autres petits bateaux de pêche, et second capitaine sur les grands navires de pêche «LUMAAQ» et «KRISTINA LOGOS». Il en était à sa sixième ou septième saison de pêche dans la zone 4T près des côtes de la Nouvelle-Écosse.
1.7 Renseignements sur les conditions météorologiques et sur la marée
La SRGC du golfe du Saint-Laurent (indicatif d'appel VCP) diffusait continuellement des bulletins météorologiques. Le capitaine du «LE BOUT DE LIGNE» s'était rendu à la station VCN et était au courant des prévisions météorologiques.
1.7.1 Prévisions
Le bulletin météorologique concernant le secteur du golfe et des Îles-de-la-Madeleine émis par Environnement Canada à 16 h le mercredi 12 décembre 1990 prédisait des vents du nord-ouest de 20 à 30 noeuds devenant légers pendant la nuit et des vents du sud-est de 30 noeuds avec des rafales à 40 noeuds vers midi le 13 décembre. Des avertissements de coups de vent et d'embruns verglaçants étaient en vigueur.
Toutefois, les embruns verglaçants étaient censés se terminer vers minuit. On prévoyait des bourrasques de neige commençant pendant la nuit et se changeant en pluie dans l'après-midi du lendemain.
1.7.2 Conditions météorologiques enregistrées par le navire
Dans son dernier message à 9 h 40, le «LE BOUT DE LIGNE» faisait état de vents du sud-sud-est de 35 noeuds, d'une grosse mer et d'une visibilité rendue pratiquement nulle par les rafales de neige.
1.7.3 Conditions météorologiques enregistrées par la station la plus proche
D'autres navires ont enregistré des vents forts du nord-ouest de 25 à 35 noeuds dans le golfe du Saint-Laurent jusque vers minuit. Le vent a ensuite tourné au sud-est et a rapidement atteint 25 à 35 noeuds. La visibilité était mauvaise au moment de la disparition du bateau de pêche. Le remorqueur «IRVING MIAMI», qui se trouvait en eau profonde au large du cap de Gaspé vers 14 h 30 le 13 décembre, a indiqué que les vagues atteignaient de 3,5 à 4,5 m de hauteur.
1.7.4 Embruns verglaçants et givrage
Selon les observations effectuées par des navires se trouvant dans le golfe du Saint-Laurent ce jour-là, la température de l'air se situait entre −6 et −9 °C au moment où le «LE BOUT DE LIGNE» quittait les Îles-de-la-Madeleine, puis elle a augmenté lentement pour atteindre environ −4 °C à 10 h le 13 décembre, à peu près au moment du dernier message du «LE BOUT DE LIGNE». Vers 13 h, la température avait presque atteint le point de congélation.
La température de l'eau de mer rapportée par les navires naviguant dans le golfe était de 1 à 2 °C. Des embruns verglaçants provoquant une accumulation de glace sur les superstructures ont été signalés à 22 h le 12 décembre, par le vraquier canadien «SAUNIÈRE» qui se trouvait alors à une trentaine de milles au nord-ouest des Îles-de-la-Madeleine.
Aux Îles-de-la-Madeleine, le capitaine du «LE BOUT DE LIGNE» s'était procuré des maillets en bois pour dégivrer son bateau au besoin. Bien qu'il ait fait état d'embruns verglaçants lors de la communication radio de 3 h 28 avec VCN, il n'a pas précisé la quantité de glace qui s'était accumulée sur le pont et la superstructure de son bateau.
Plusieurs publications, largement diffusées parmi les pêcheurs et les autres intéressés, traitent du danger du givrage pour les navires. Les causes du givrage, les dangers inhérents et les précautions à prendre sont traités dans diverses publications de Transports Canada, dont le Manuel de sécurité et d'hygiène pour les pêcheurs, TP 1283, qui s'inspire du recueil de règles de sécurité de l'OMI à l'intention des pêcheurs et des bateaux de pêche, ainsi que la publication intitulée, Une introduction à la stabilité des bateaux de pêche, TP 8161, qui se veut un outil de sensibilisation à la sécurité. Le Manuel de sécurité pour les petits bateaux de pêche, TP 10038, contient aussi des passages qui traitent des dangers du givrage.
Les publications susmentionnées, outre qu'elles traitent de problèmes touchant la stabilité du navire, soulignent la nécessité de garder libre de glace tout l'équipement de navigation, y compris les antennes et les engins de sauvetage.
1.8 Équipement de navigation
1.8.1 Instruments de navigation
Le «LE BOUT DE LIGNE» était muni d'un Loran C de marque Furuno LC90 relié en interface à un traceur vidéo Furuno GD180. Il était aussi doté d'un Loran C Furuno LC80. De plus, il possédait deux radars Furuno : un FR810 d'une portée de 72 milles et un FR240 d'une portée de 24 milles.
Ces instruments de navigation conçus pour la navigation hauturière étaient apparemment en bon état de fonctionnement au départ des Îles-de-la-Madeleine.
1.8.2 Aides à la navigation
On n'a signalé aucune défectuosité des aides à la navigation terrestres qui aurait pu jouer un rôle dans l'événement.
1.9 Communications radio
Le «LE BOUT DE LIGNE» était équipé d'un radiotéléphone à bande latérale unique (BLU) Hull 922 ainsi que de deux radiotéléphones VHF : un Sailor RT146 et un Cibernet 7660.
1.9.1 Services du trafic maritime (STM) et stations radio de la Garde côtière (SRGC)
Les déplacements des navires dans le golfe du Saint-Laurent sont régis par le Règlement sur la zone de trafic de l'est du Canada (ECAREG). La participation au système n'est pas obligatoire pour les navires de moins de 500 tonneaux de jauge brute (tjb).
En situation d'urgence ou lorsqu'un navire est en retard, la possession de certains renseignements est capitale pour que les autorités puissent entreprendre une opération SAR efficace. C'est pourquoi la GCC incite les bateaux de pêche et les embarcations de plaisance à préparer un plan de route et à en laisser une copie entre les mains d'une personne responsable sur la terre ferme. Dans le cas à l'étude, le plan de route avait été laissé à la station VCN. Toutefois, il convient de noter que les renseignements contenus dans les plans de route sont principalement destinés à permettre d'organiser une opération SAR efficace advenant le retard d'un navire.
Au départ du bateau des Îles-de-la-Madeleine, VCN a informé le «LE BOUT DE LIGNE» qu'elle entrerait en communication avec la SRGC de Rivière-au-Renard (indicatif d'appel VCG) afin de l'aviser de l'arrivée prochaine du bateau. VCN a aussi demandé au capitaine de communiquer avec VCG dès que son navire arriverait au port. Ce n'est que lorsque le retard du «LE BOUT DE LIGNE» a été signalé que VCN a communiqué avec VCG au sujet du bateau.
On a écouté les enregistrements de VCG des transmissions faites par radiotéléphone VHF sur la voie 16 entre 8 h 15 et 15 h 10 le 13 décembre. Cependant, aucun appel de détresse ni aucune autre communication ayant pu provenir du «LE BOUT DE LIGNE» n'a été repéré.
1.9.2 Qualité des communications
La communication de 3 h 28 enregistrée par VCN montre que la réception était bonne. Toutefois, la conversation de 8 h 30 et celle de 9 h 40 avec le radiotéléphoniste amateur de Gaspé qui ont eu lieu, respectivement, sur les voies 88B et 70 du radiotéléphone VHF, n'ont pas été enregistrées, car ce ne sont pas des fréquences désignées pour les SRGC. Ces stations ne maintiennent donc pas une écoute sur ces fréquences et n'y enregistrent pas les messages.
Lors de ces deux dernières conversations, le «LE BOUT DE LIGNE» disait avoir une bonne réception, tandis que le signal était très faible pour le radiotéléphoniste amateur. Toutefois, la réception s'est améliorée à mesure que le petit bateau approchait de la côte gaspésienne. Le capitaine du «LE BOUT DE LIGNE» aurait apparemment déclaré que son meilleur radiotéléphone VHF (le Sailor RT146) ainsi que le radiotéléphone BLU étaient hors d'usage. Le poste BLU ne fonctionnait pas au départ de Chéticamp. Le capitaine n'a fourni aucune explication à cet égard.
Un technicien qui s'était rendu sur le navire en août 1990 a affirmé que les deux radiotéléphones VHF fonctionnaient normalement lors de sa visite.
1.10 Équipement d'urgence
1.10.1 Équipement de sauvetage
Le navire était muni de 6 fusées de signalisation à parachute et de 12 feux à main, d'une seule combinaison de flottaison Mustang, d'au moins 3 gilets de sauvetage, d'une chaloupe d'aluminium de 4,3 m (14 pi.) et d'un radeau de sauvetage pneumatique pour six personnes. Le radeau avait été inspecté pour la dernière fois par la GCC le 3 mai 1990 et avait alors été jugé en bon état. Le radeau de sauvetage n'était pas tenu, en vertu de la réglementation, d'être muni d'un dispositif de largage hydrostatique ni d'un autre dispositif de dégagement automatique.
Le «LE BOUT DE LIGNE», jaugeant moins de 150 tjb et ayant moins de 20 m de longueur, n'était pas tenu d'avoir à bord une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) en vertu du Règlement sur les RLS. Le RIPBP n'exigeait pas non plus qu'il ait à bord des habits de survie.
1.11 Recherches et sauvetage (SAR)
Dès que le «LINA ROBERT» a signalé le retard du «LE BOUT DE LIGNE» à 14 h 10 le 13 décembre, VCG a immédiatement prévenu le Centre secondaire de sauvetage maritime (CSSM) de Québec, déclenchant ainsi une intervention SAR en bonne et due forme. Les bateaux de pêche ont été les premiers à quitter Rivière-au-Renard pour se diriger vers la dernière position connue du «LE BOUT DE LIGNE». Ils ont poursuivi leurs recherches jusqu'au lendemain matin dans des conditions rendues très dangereuses par les vents de tempête et les embruns verglaçants. Le secteur initial des recherches était compris entre le cap des Rosiers et le cap d'Espoir, le long de la côte et jusqu'à 40 milles au large en direction sud-est.
La pluie verglaçante a empêché les hélicoptères SAR de décoller au début de l'après-midi du 13 décembre, mais peu après, un avion de recherche a survolé le secteur. Il a cependant dû retourner à sa base de Summerside (Île-du-Prince-Édouard) parce que la visibilité était nulle.
Des recherches minutieuses se sont poursuivies dans le secteur compris entre la péninsule gaspésienne et les Îles-de-la-Madeleine pendant plus de trois jours. Au cours de cette période, trois navires de la GCC, des aéronefs SAR ainsi que plusieurs navires marchands et bateaux de pêche ont ratissé une superficie de quelque 2 670 milles carrés. Des débris ont été récupérés au cours des recherches, mais aucun n'a été positivement identifié comme provenant du «LE BOUT DE LIGNE».
On a mis fin aux recherches intensives à 17 h le 16 décembre. Au moment de la rédaction du présent rapport, on n'avait encore rien retrouvé du «LE BOUT DE LIGNE» ou de son équipage.
1.11.1 Recherche de l'épave
Le BST a tenté de repérer l'épave du «LE BOUT DE LIGNE» avec l'aide du «LINA ROBERT».
Du 20 au 26 juin 1991, plus de 50 heures de recherche ont été effectuées au moyen d'un sonar à balayage latéral sur une superficie totale de 7,6 milles carrés. Le secteur des recherches était compris dans un périmètre rectangulaire dont le centre était la route du bateau disparu et qui était situé à 18,5 milles au sud-est du cap de Gaspé. Malheureusement, l'épave n'a pas été retrouvée.
1.12 Stabilité du navire
1.12.1 Répartition des masses
Puisque la pêche était terminée, le bateau était lège au départ des Îles-de-la-Madeleine. Les engins de pêche, excluant les filets de pêche, d'un poids d'environ 180 kg, étaient arrimés dans la cale à poisson au lieu de se trouver sur le pont comme à l'habitude. Deux chaluts avec leurs diabolos, chacun pesant 1 360 kg, se trouvaient à bord, l'un sur l'enrouleur du portique et l'autre dans la boîte à poisson. Les deux panneaux de chalut, pesant chacun entre 500 et 550 kg, étaient assujettis de chaque côté du portique. L'éviscéreuse ne se trouvait pas à bord.
Le «LE BOUT DE LIGNE» possédait quatre soutes à combustible, deux à l'avant, de 1 595 L (351 gallons), et deux à l'arrière, de 2 174 L (478 gallons). Le navire avait fait le plein de combustible et d'eau potable à Chéticamp le 3 décembre. Une quantité estimée à 2 880 L (633 gallons) de combustible avait dû être consommée en commençant par les soutes arrière pour des raisons d'assiette. La citerne d'eau douce avait une capacité de 569 L (125 gallons).
1.12.2 Installation de la boîte à poisson
Afin de traiter le poisson avant de l'arrimer dans la cale, on avait installé sur le pont arrière une boîte d'aluminium rectangulaire mesurant 3 m X 3 m X 0,8 m et pesant environ 680 kg. On y avait installé deux tôles de roulis, à l'avant et à l'arrière, d'une hauteur d'environ 0,6 m. Pour faciliter l'écoulement de l'eau de mer, on avait percé plusieurs trous de 25 mm (1 po.) de diamètre dans le fond de la boîte. Cinq couvercles rectangulaires, dont l'un avait été perdu en mer antérieurement, servaient à couvrir la boîte. Ceux-ci n'étaient toutefois pas étanches. Une telle installation est courante sur les chalutiers pêchant dans le golfe du Saint-Laurent.
1.12.3 Mécanismes anti-roulis
Le bateau était muni de chaque côté d'un stabilisateur à paravane suspendu au bout d'un bras fixé au niveau du pont, au milieu du bateau. Chacun des bras de forme triangulaire était fait de métal et avait une longueur de 10 m et un poids d'environ 225 kg.
Comme l'un des deux stabilisateurs avait précédemment été endommagé, les deux avaient été rentrés et solidement assujettis en position verticale alors que le bateau se trouvait à Cap-aux-Meules. Rien n'indique qu'ils aient été utilisés pendant le voyage vers Rivière-au-Renard.
1.12.4 Documents de stabilité
Le «LE BOUT DE LIGNE» n'était pas conçu pour la pêche au hareng ou au capelan. Il n'était donc pas assujetti aux exigences en matière de stabilité à l'état intact de la partie I, article 29 du RIPBP et il n'était pas tenu d'avoir un livret de stabilité.
Malgré le fait que le «LE BOUT DE LIGNE» ait été le premier d'une série, il ne possédait pas de livret de stabilité. D'ailleurs, aucun des quatre autres chalutiers de la série AMT 200 ne possède de livret de stabilité.
Comme on ne possédait pas de données de stabilité, on a effectué des essais de stabilité sur le «BAROUDEUR», un chalutier-jumeau de la série AMT 200. Les essais, effectués au printemps 1991 à Newport en Gaspésie, visaient principalement à déterminer la position du centre de gravité du bateau. Cela était indispensable afin d'évaluer la stabilité du «LE BOUT DE LIGNE» au moment de sa disparition. Le résultat de ces calculs est examiné dans la partie consacrée à l'analyse.
1.12.5 Critères de stabilité
L'approbation règlementaire se fonde sur la conformité avec les critères contenus dans la publication de la GCC intitulée Normes de stabilité, de compartimentage et de ligne de charge, TP 7301, STAB. 4. Même si le «LE BOUT DE LIGNE» n'était pas tenu de se conformer à ces exigences, celles-ci sont néanmoins utiles comme point de repère pour évaluer les caractéristiques de stabilité des bateaux de pêche de ce tonnage, peu importe le type de pêche auquel ils peuvent être employés (voir les extraits de la STAB. 4 à l'annexe B).
1.12.6 Problèmes antérieurs de stabilité
En 1985, le caseyeur «CHRISTIAN P.», bateau de la série AMT 400 de 16,8 m de longueur, a failli chavirer en mer. Une enquête effectuée par la Direction des enquêtes sur les sinistres maritimes de Transports Canada avait conclu à l'époque que le navire possédait une bonne stabilité transversale statique initiale. Un livret de stabilité produit ultérieurement pour un navire-jumeau confirme que le bateau répondait aux critères minimaux de la STAB. 4 sans accumulation de glace. Toutefois, il faut souligner que le «CHRISTIAN P.» faisait la pêche au crabe et avait environ 10 000 livres de crabe et de glace dans la cale à poisson. Il n'était pas muni de bollards ni de bras stabilisateurs et n'avait ni filet, ni boîte à poisson sur le pont.
Pourtant, le lendemain de l'événement mettant en cause le «CHRISTIAN P.», le propriétaire du «BAROUDEUR» a fait part à la GCC de ses inquiétudes au sujet de la stabilité de son bateau et de la sécurité de l'équipage. À l'époque, la capacité de chargement en poisson du «LE BOUT DE LIGNE» et du «BAROUDEUR» était l'objet d'un litige entre le constructeur et les propriétaires des deux bateaux de pêche. Ces derniers soutenaient que leurs bateaux ne pouvaient charger à pleine capacité sans risquer de provoquer une forte assiette arrière et de réduire le franc-bord à l'arrière.
En août 1985, la GCC a procédé à des mesures de la période de roulis sur les deux bateaux afin d'évaluer leur hauteur métacentrique (GM) en charge. On avait aussi procédé à des mesures analogues sur le «BAROUDEUR» à l'état lège. À partir des valeurs de GM ainsi obtenues, la GCC a calculé que la stabilité transversale des deux bateaux était adéquate à condition qu'ils soient «chargés de façon raisonnable», mais aucune ligne directrice n'a été donnée.
Limites de la mesure de la période de roulis
Il est question de la «mesure de la période de roulis» dans l'annexe B de la STAB. 2, intitulée «Détermination de la hauteur métacentrique (GM) d'un navire d'après la période de roulis». On peut lire, dans cette partie des Normes de stabilité, de compartimentage et de ligne de charge, le passage suivant :
1 (iv) Il y a lieu de remarquer qu'un essai de roulis ne peut être accepté comme base pour déterminer les caractéristiques de stabilité d'un navire :
(c) lorsqu'il existe un doute raisonnable sur l'exactitude des caractéristiques de stabilité à l'état intact du navire, pour toutes les conditions de marche.
La GM n'est que l'une des caractéristiques de stabilité d'un navire les plus souvent mentionnées. Il ne faut pas oublier que les caractéristiques de stabilité transversale d'un navire sont calculées à partir d'une «mer statique idéale» et que, dans des conditions dynamiques réelles, les angles de roulis sont généralement supérieurs. Sous l'effet combiné du mouvement provoqué par les vagues, du vent et de la vitesse du navire, la réserve de stabilité calculée des petits bâtiments est sujette à des fluctuations considérables. La combinaison simultanée d'un certain nombre d'influences dynamiques qui seraient mineures en elles-mêmes peut éliminer la stabilité d'un navire, particulièrement lorsque celle-ci est déjà faible.
1.13 Appareil à gouverner
Le bateau de pêche avait récemment subi une panne de l'appareil à gouverner causée par une défectuosité du circuit hydraulique. Toutefois, le problème avait été corrigé et rien n'indique qu'une panne de ce genre se soit reproduite.
1.14 Navires à proximité du «LE BOUT DE LIGNE»
Un examen des registres des STM indique qu'aucun navire ne s'est rapporté dans les environs immédiats du «LE BOUT DE LIGNE» vers le moment de la disparition de celui-ci. Le navire le plus proche était le «SAUNIÈRE» qui avait quitté les Îles-de-la-Madeleine à 14 h 30 le même jour, soit environ trois heures avant l'appareillage du «LE BOUT DE LIGNE», et il se dirigeait vers le fleuve Saint-Laurent.
1.15 Statistiques relatives aux chavirements
Selon les statistiques sur les accidents tenues depuis 1975, il y a eu 65 chavirements de petits bateaux de pêche de plus de 15 tjb. Toutefois, il convient de noter que seulement deux bateaux de pêche de plus de 150 tjb ont fait naufrage à cause de problèmes de stabilité, même si les bâtiments de ce tonnage constituent 10 p. 100 de la flotte de pêche canadienne.
2.0 Analyse
2.1 Reconstitution de la route du bateau
Comme le «LE BOUT DE LIGNE» a disparu, sa route a été reconstituée (voir l'annexe A) à partir de la route habituellement suivie. La présente analyse suit la progression du bateau le long de la route projetée, à la lumière des renseignements fournis par la SRGC et le radiotéléphoniste amateur du cap de Gaspé.
2.1.1 Position à 3 h 28, le 13 décembre 1990
Les coordonnées fournies par le navire à 3 h 28, soit 47°46'56" de latitude nord par 062°46'56" de longitude ouest, correspondent à une distance de 78,3 milles du cap de Gaspé. En outre, à 8 h 30, le navire se trouvait de 30 à 35 milles et, à 9 h 40, à une vingtaine de milles du cap de Gaspé. Toutes les positions montrent que le «LE BOUT DE LIGNE» suivait à peu près la route projetée.
2.1.2 Vitesse du bateau de pêche
Le bateau a franchi une distance d'environ 60 milles en 6,2 heures entre 3 h 28 et 9 h 40, ce qui donne une vitesse fond d'environ 9,5 noeuds et correspond à la vitesse calculée de 3 h 28 à 8 h 30, compte tenu du caractère approximatif des positions et du manque de précision des heures.
2.2 Accumulation de glace sur le pont et sur la superstructure
Le givrage étant l'un des dangers les plus graves auxquels les pêcheurs ont à faire face dans les conditions climatiques de nos hivers canadiens, la présente analyse se penche sur les facteurs qui influencent l'accumulation de glace ainsi que sur les effets néfastes que cette glace peut avoir sur la stabilité du navire. En l'absence de données précises concernant la quantité de glace qui s'était accumulée sur le pont et sur la superstructure du «LE BOUT DE LIGNE», cette quantité a été estimée.
2.2.1 Facteurs influençant l'accumulation de glace
Les gouttelettes d'eau qui se déposent sur la structure du navire sont la cause la plus commune de la formation de glace. Ces gouttelettes proviennent des embruns produits par le vent sur la crête des lames ou encore des paquets de mer qui déferlent sur le navire. Cette eau se congèle au contact du navire lorsque la température de l'air est de −2,2 °C ou moins et que le vent souffle à une vitesse de 17 noeuds ou plus. Si la température de l'air baisse ou si le vent s'intensifie, il y a un accroissement de la formation de glace. Dans le cas du «LE BOUT DE LIGNE», le facteur de refroidissement éolien a facilité la formation de glace sur la superstructure (voir l'annexe C).
La propension au givrage est différente pour chaque navire et elle dépend d'un certain nombre de facteurs dont le tonnage et la forme du navire, ainsi que la vitesse et la direction de celui-ci par rapport au vent, les conditions de charge et l'aptitude du navire à tenir la mer. Dans ces conditions, le givrage s'intensifie lorsque le navire fait route le nez au vent et à la mer à pleine allure. Par vent de travers ou vent largue, la glace s'accumule plus rapidement du côté au vent, amenant ainsi le navire à prendre de la gîte ce qui, si cette condition persiste, peut devenir extrêmement dangereux.
2.2.2 Estimation de l'accumulation de glace à bord du «LE BOUT DE LIGNE»
Avant la disparition du navire, le «LE BOUT DE LIGNE» a été incapable d'évaluer précisément combien de glace s'était accumulée sur le pont et sur la superstructure. On ne peut donc qu'estimer la quantité de glace accumulée dont le poids affaiblissait la stabilité du navire.
Après avoir paré la pointe sud-ouest des Îles-de-la-Madeleine, le «LE BOUT DE LIGNE» a mis le cap au nord-ouest et a été exposé à des embruns verglaçants poussés par des vents du nord-ouest pendant environ quatre heures. Vers minuit, le vent a tourné au sud-est. Le navire a ensuite navigué dans des conditions de vent et de mer arrière, ce qui a dû réduire les embruns, provoquant ainsi une diminution proportionnelle du taux de givrage.
Selon le diagramme de givrage de Mertin, avec des vents de force 6 ou 7 (de 22 à 33 noeuds) selon l'échelle de Beaufort, à une température de l'air de −8 °C et une température de l'eau de 1,5 °C , le givrage est modéré et produit une accumulation de glace de 3 cm aux 24 heures (voir l'annexe D). Ces chiffres ne tiennent pas compte de la forme du navire, de sa vitesse, de la direction et de la vitesse relatives du vent, etc. Ainsi, le taux d'accumulation de glace serait probablement supérieur pour les petits bateaux (Mertin, 1968) vu leur taille, la génération accrue d'embruns et leur vitesse plus grande.
En conséquence, on estime qu'un maximum de 2 à 3 cm de glace a pu s'accumuler sur la superstructure et que le givrage devait probablement être plus considérable à l'arrière, sur le pont et dans la boîte à poisson.
Il est reconnu que l'accumulation de glace sur l'antenne peut affaiblir, voire même couper le signal radio. De plus, le navire se trouvait presque à la limite de la portée du radiotéléphone VHF. Il est donc impossible de faire des déductions quant à la quantité de glace accumulée et l'effet possible de cette glace sur le fonctionnement du radiotéléphone VHF.
2.3 Conclusions de l'évaluation de la stabilité faite après le naufrage
Après l'accident, des calculs des caractéristiques de stabilité du bateau ont été préparés pour six conditions de fonctionnement, à savoir :
Condition no 1 : Le bateau est à l'état lège avec les approvisionnements consommables (combustible, eau potable, etc.) à bord, un chalut dans la boîte à poisson sur le pont arrière, un chalut enroulé sur le tambour au-dessus du niveau du pont, les panneaux de chalut et les bras stabilisateurs arrimés en position verticale et le reste des engins de pêche arrimés dans la cale à poisson, conformément à la situation qui prévalait apparemment à bord du «LE BOUT DE LIGNE» au moment de sa disparition.
La condition no 2 est similaire à la condition no 1 sauf pour l'accumulation de glace tel qu'indiquée à l'article 29 du RIPBP.
La condition no 2A est similaire à la condition no 2, mais tous les chaluts sont arrimés dans la cale à poisson.
La condition no 3 est similaire à la condition no 1, mais avec seulement 50 p. 100 de l'accumulation de glace prévue à l'article 29 du RIPBP.
La condition no 3A est similaire à la condition no 3, mais avec l'addition d'un poids correspondant à 50 p. 100 du volume de la boîte à poisson remplie d'eau de mer.
La condition no 4 est similaire à la condition no 1, mais avec la boîte à poisson remplie d'eau de mer.
La condition no 5 est similaire à la condition no 2, mais avec l'élimination des bras stabilisateurs.
La condition no 6 est similaire à la condition no 1, mais avec tous les chaluts arrimés dans la cale à poisson.
Les calculs effectués pour les conditions no 1 et no 6 montrent que le «LE BOUT DE LIGNE» avait des caractéristiques de stabilité qui atteignaient ou excédaient les critères de la STAB. 4. Toutefois, dans la condition no 4, le bateau ne respectait pas le critère de l'angle de gîte pour le GZ maximal. De plus, dans les conditions nos 2, 2A, 3, 3A et 5, le navire ne répondait pas à tous les critères de stabilité énoncés à la STAB. 4.
L'analyse de stabilité effectuée après l'événement a révélé qu'à l'état lège (sans accumulation de glace), le navire avait une bonne stabilité transversale à des angles de gîte inférieurs à 25°, mais que le moment de redressement diminuait considérablement à des angles de gîte supérieurs. En outre, avec accumulation de glace, le navire ne réunissait pas toutes les caractéristiques de stabilité prévues à la STAB. 4, même lorsque tout l'équipement mobile était arrimé au plus bas niveau possible. (Voir l'annexe E.)
2.3.1 Influence des paquets de mer retenus sur le pont et dans la boîte à poisson sur la stabilité du bateau
Au moment de l'événement, le «LE BOUT DE LIGNE» avait un franc-bord relativement faible à l'arrière, soit 0,53 m. Par gros temps avec mer arrière, un navire est susceptible de recevoir des paquets de mer sur l'arrière. L'eau ainsi embarquée peut remplir la boîte à poisson et s'accumuler sur le pont. Les anguillers étaient peut-être moins efficaces parce qu'ils étaient partiellement obstrués par de la glace ou par le chalut, particulièrement dans les conditions de givrage qui prévalaient au moment de la disparition du «LE BOUT DE LIGNE». La boîte à poisson, une fois complètement remplie d'eau, devait peser plus de cinq tonnes (compte tenu de la perméabilité). Ce poids, conjugué au poids et à l'effet de carène liquide de l'eau emprisonnée dans l'abri sur le pont, a pu élever considérablement le centre de gravité (virtuel) du navire, diminuant de ce fait la stabilité de celui-ci.
2.4 Facteurs influençant la hauteur des vagues
Il est notoire que la hauteur des vagues peut varier considérablement dans les eaux côtières et dans les eaux où la profondeur est inférieure à 50 m; un avertissement à cet effet est d'ailleurs donné avec les prévisions concernant l'état de la mer.
Les forts vents qui soufflaient du sud-est au moment de la disparition du «LE BOUT DE LIGNE» ont été précédés par de forts vents contraires du nord-ouest. En outre, les vents du sud-est étaient aussi opposés aux courants dominants du sud-est qu'on retrouve dans cette partie du golfe du Saint-Laurent. Ces deux facteurs, conjugués à la profondeur de l'eau et à la proximité du banc des Américains, ont pu amener une augmentation considérable de la hauteur des vagues. Ainsi, on ne peut écarter la possibilité que les vagues auxquelles le «LE BOUT DE LIGNE» avait à faire face au moment de l'événement aient atteint une hauteur considérablement supérieure aux 3,5 à 4,5 m signalés par le «IRVING MIAMI».
2.5 Navigation par mer arrière
Il a été impossible d'établir avec précision le cap et la vitesse du bateau au moment de l'événement. Toutefois, on sait que peu de temps avant sa disparition, le «LE BOUT DE LIGNE» naviguait par mer arrière à une vitesse d'environ 9,5 noeuds.
Pour mieux comprendre les mécanismes du chavirement, un certain nombre d'études ont été effectuées dont l'une par l'Institut de dynamique marine du Conseil national de recherches du Canada. Cette étude inclut les résultats d'essais sur modèles réduits captifs et télécommandés représentant un chalutier canadien à pêche arrière de 19,75 m typique. Les essais ont montré qu'un navire ayant un fond plat incliné de la quille au milieu du navire à la rampe arrière ainsi qu'une courbe d'étambot prononcée, lorsqu'il manoeuvre à lège dans des vagues arrivant sur la hanche :
- est soumis à de fréquentes accélérations vers l'avant en raison du choc des vagues (sur le tableau et l'arrière), ce qui augmente le risque qu'il tombe en travers de la houle ou chevauche les vagues;
- la composition des mouvements du navire dans une mer de la hanche est telle que, si le pavois et le livet de pont sont immergés, il se crée un moment d'inclinaison hydrodynamique additionnel qui accentue la gîte du navire ou empêche celui-ci de se redresser. Plus la vitesse est grande, plus les mouvements du navire sont amplifiés et les effets négatifs de l'immersion du pavois ou de la position en travers de la lame sont intensifiés, ce qui accroît le risque de chavirement. Cela peut causer le chavirement de navires qui, selon les critères de stabilité actuels, seraient autrement considérés comme sûrs;
- le moment de redressement est considérablement réduit sur la crête d'une vague à cause d'une importante diminution de l'aire à la flottaison lorsque la crête de la vague se trouve près du milieu du navire. Si la courbe de stabilité en eau calme répond tout juste aux critères, alors l'aptitude du navire à se redresser est pratiquement nulle sur la crête d'une vague très abrupte.
Il est certain que le modèle réduit utilisé pour les essais ne correspond pas exactement au «LE BOUT DE LIGNE». Toutefois, les mécanismes du chavirement décrits ci-dessus s'appliquent aussi en général au «LE BOUT DE LIGNE». En l'occurrence, il est probable que le «LE BOUT DE LIGNE» suivait à une vitesse relativement élevée une route faisant un angle de 0° à 20° avec la direction de propagation des vagues. Il s'agit de l'une des conditions les plus dangereuses que peut rencontrer un navire, car celle-ci peut réduire l'aptitude de ce dernier à se redresser alors qu'il se trouve sur la crête d'une vague et l'exposer à venir en travers à la lame. Les forces dynamiques peuvent faire gîter un navire sous un grand angle jusqu'à ce que le livet de pont soit immergé et des moments d'inclinaison dangereux peuvent alors être créés. À noter qu'en l'occurrence, à cause du faible franc-bord du «LE BOUT DE LIGNE», le livet de pont a dû être immergé à un angle de gîte d'environ 15°, ce qui exposait le bateau à embarquer de l'eau sur le pont. Il arrive souvent que de l'eau envahisse le pont par la rampe arrière, réduisant encore davantage l'aptitude du navire à se redresser.
2.6 Cause probable de l'événement
Puisque rien n'a été retrouvé du «LE BOUT DE LIGNE» ou de son équipage, il est impossible de connaître avec certitude la ou les causes de la disparition du bateau. Un abordage, un incendie ou une explosion aurait sans doute laissé des débris. De plus, aucun autre navire n'a été signalé dans les parages du «LE BOUT DE LIGNE» vers le moment de sa disparition, ce qui rend peu plausible l'hypothèse de l'abordage.
Les portes et les ouvertures de la timonerie et des emménagements de l'équipage étaient sans doute fermées à cause du froid et du mauvais temps. Les enquêtes effectuées dans d'autres cas de chavirement de bateaux de pêche indiquent qu'il arrive souvent qu'en cas de chavirement soudain, un petit bateau de pêche à coque en fibre de verre flotte à l'envers pendant une période indéterminée avant de couler. Comme aucun message de détresse n'a été reçu du bateau et que rien n'indique qu'on ait tenté d'en envoyer un, le naufrage a sans doute été soudain et rapide.
Vu la disparition du «LE BOUT DE LIGNE», sans la moindre trace, il n'a pas été possible de procéder à un examen de l'épave. Ainsi, en l'absence de toute preuve du contraire, la cause la plus probable de la disparition du «LE BOUT DE LIGNE» semble liée à des facteurs dynamiques d'une ampleur telle que le navire a été incapable d'y résister; ainsi, le bateau peut être venu en travers à la lame, et cela, conjugué à la réduction de la stabilité transversale due à l'accumulation de glace sur la superstructure, a pu provoquer le chavirement soudain du navire; par la suite, l'élimination de la réserve de flottabilité consécutive à un envahissement par les hauts a finalement fait couler le navire.
2.7 Urgence d'atteindre la péninsule gaspésienne
Le bateau a tenté de se rendre de Cap-aux-Meules jusqu'à la péninsule gaspésienne entre deux tempêtes, en dépit de la diffusion d'avertissements de coups de vent et d'embruns verglaçants qui étaient en vigueur au moment de l'appareillage. Les prédictions faisaient état de vents du sud-est de 30 noeuds avec des rafales à 40 noeuds vers midi le lendemain. Le bateau avait besoin de 19 heures de route à une vitesse de 9 noeuds pour franchir la distance de 170 milles qui le séparait de sa destination. Les filets de pêche n'avaient pas été arrimés dans la cale.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis
- Un des couvercles rectangulaires de la boîte à poisson avait été perdu en mer antérieurement, et la boîte risquait donc de s'emplir d'eau, situation néfaste pour la stabilité du navire.
- Le «LE BOUT DE LIGNE» n'était pas tenu, en vertu de la réglementation, de se conformer à des exigences de stabilité à l'état intact ni d'avoir un livret de stabilité à bord.
- L'organisme de réglementation, après la mesure de la période de roulis, avait conclu que le bateau avait une stabilité transversale suffisante s'il était «chargé de façon raisonnable», mais aucune ligne directrice n'avait été fournie à cet effet.
- Le «LE BOUT DE LIGNE» a tenté de se rendre de Cap-aux-Meules à Rivière-au-Renard entre deux tempêtes, sans se garder une marge de sécurité pour les retards causés par le mauvais temps.
- Le bateau a appareillé à l'état lège avec les chaluts arrimés sur le pont et les bras stabilisateurs rentrés en position verticale.
- Dans cette condition, le bateau répondait à toutes les exigences de stabilité sans accumulation de glace selon les critères de la STAB. 4, mais il ne pouvait satisfaire à toutes les exigences avec accumulation de glace.
- Au moment de l'appareillage, le bateau avait aussi une bonne stabilité transversale aux angles de gîte inférieurs à 25°, mais le moment de redressement diminuait considérablement à des angles de gîte supérieurs.
- Au cours de la traversée, le bateau a signalé du givrage et une quantité indéterminée de glace s'était accumulée sur la superstructure au moment de sa disparition.
- Même avec tout le matériel mobile arrimé au plus bas niveau possible, le «LE BOUT DE LIGNE», au moment de l'événement, n'aurait pas satisfait à toutes les exigences de stabilité pour un bateau soumis à une accumulation de glace selon les critères de la STAB. 4.
- Il y a eu une détérioration soudaine et rapide de la situation à bord du bateau, et aucun message de détresse n'a été capté.
- Il se peut que les vagues auxquelles le bateau avait à faire face au moment de l'événement dans les environs du banc des Américains étaient plus hautes que les 3,5 à 4,5 m signalés par un remorqueur qui naviguait en eau plus profonde.
- On sait que le «LE BOUT DE LIGNE» naviguait par mer déferlante arrière, une des conditions les plus dangereuses pour un navire.
- À cause de son franc-bord relativement peu élevé, le «LE BOUT DE LIGNE» était vulnérable aux paquets de mer et à l'accumulation d'eau sur le pont, situation néfaste pour sa stabilité.
- Le navire n'était pas tenu en vertu des règlements d'avoir à bord une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) ou des combinaisons d'immersion, et il n'en avait pas.
3.2 Causes
La cause la plus probable de la disparition du «LE BOUT DE LIGNE» est le chavirement soudain du bateau par gros temps à cause d'une perte de stabilité transversale attribuable à l'effet de l'accumulation de glace combiné au fait que le bâtiment lège naviguait par mer déferlante arrière et avec les engins de pêche qui n'étaient pas arrimés au plus bas niveau possible. Après avoir chaviré, le navire a fini par perdre toute sa réserve de flottabilité et couler.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 Stabilité dans des conditions de givrage
En février 1991, le BST a fait parvenir à la Garde côtière canadienne (GCC) un Avis de sécurité maritime concernant le danger que peuvent présenter les boîtes à poisson transportées sur le pont des bateaux de pêche. Par la suite, la GCC, Région des Laurentides, a demandé à ses experts maritimes de porter une attention particulière à ces boîtes à poisson, d'en limiter les dimensions et de limiter leur nombre sur le pont des bateaux de pêche. De plus, lors d'une réunion annuelle de pêcheurs, la GCC a expliqué que les experts maritimes devaient examiner l'installation des boîtes à poisson, étant donné les risques que posaient ces boîtes pour la stabilité des bateaux en raison du givrage, d'anguillers de dimension inadéquate et de l'emplacement de ces boîtes.
En novembre 1991, la GCC a également publié un «Avis important» à l'intention de tous les pêcheurs, dans lequel il était fortement recommandé que tous les bateaux de pêche de 15 à 150 tonneaux de jauge brute (tjb), qui prennent la mer entre le 1er décembre et le 31 mars, aient à bord des calculs de stabilité certifiés pour les conditions avec accumulation de glace ainsi qu'un avis affiché dans la timonerie expliquant les diverses précautions à prendre lorsque l'accumulation de glace présente un danger.
4.1.2 Plans de route
À la suite de l'événement à l'étude, des modalités nationales relatives aux plans de route sont entrées en vigueur en mai 1991. Ces modalités exigent que la station radio de la Garde côtière (SRGC) qui accepte un plan de route le fasse parvenir à la station de destination, laquelle doit alors prendre les mesures voulues advenant qu'un navire soit en retard.
4.2 Mesures à prendre
4.2.1 Livret de stabilité
De petits bateaux de pêcheNote de bas de page 4, tels que le «LE BOUT DE LIGNE», forment plus de 90 p. 100 de la flotte de pêche canadienne. Aux termes de la réglementation actuelle, ces bateaux ne sont pas tenus de se conformer aux critères de stabilité de la GCC, à moins qu'ils ne servent à la pêche au hareng ou au capelan. Le «LE BOUT DE LIGNE» n'était pas conçu pour la pêche au hareng ou au capelan, de sorte qu'il n'était pas assujetti aux exigences en matière de stabilité à l'état intact (STAB. 4) et n'était pas tenu d'avoir à bord le livret de stabilité exigé par l'actuel Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche (RIPBP).
Le Bureau a appris que la GCC entend remplacer l'actuel RIPBP par le projet de Règlement sur la sécurité des petits bateaux de pêche, qui exigera que tous les bateaux de pêche de plus de 15 m de longueur soient munis d'un livret de stabilité. De plus, les bateaux de pêche qui naviguent dans des secteurs propices au givrage dans les eaux de l'est et du nord-est du Canada seraient aussi tenus d'être conformes aux critères de la STAB. 4 relativement à l'accumulation de glace.
Le «LE BOUT DE LIGNE» a été le premier d'une série de 47 bâtiments du même genre; quatre bateaux gréés de façon identique ont été construits par le même chantier en 1983. On croit qu'aucun de ces bateaux ne possédait de livret de stabilité. L'analyse de stabilité effectuée après l'événement a indiqué que le «LE BOUT DE LIGNE» n'aurait pas satisfait à toutes les exigences de stabilité pour un bateau soumis à une accumulation de glace selon les critères de la STAB. 4, même avec tout le matériel mobile arrimé au plus bas niveau possible.
Le Bureau se réjouit de l'initiative de la GCC au sujet des exigences de stabilité des petits bateaux de pêche. Entre temps, étant donné qu'un grand nombre de navires-jumeaux du «LE BOUT DE LIGNE» naviguent actuellement et risquent d'éprouver des problèmes de stabilité dans des circonstances semblables, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports détermine si la stabilité des navires-jumeaux du «LE BOUT DE LIGNE» est adéquate, compte tenu de leurs conditions d'exploitation actuelles et du type de voyage qu'ils effectuent.
Recommandation M94-29 du BST
4.2.2 Critères de stabilité
Les critères actuels de la norme STAB. 4 visaient au départ les grands bateaux de pêche mesurant 24 m et plus de longueur. Les caractéristiques hydrostatiques et géométriques, le comportement hydrodynamique et les caractéristiques d'exploitation des petits bateaux diffèrent sensiblement de ceux des grands bateaux. Les critères de stabilité actuels ne reflètent pas avec exactitude les conditions réelles de la mer, à savoir les effets dynamiques du mouvement causé par les vagues, le vent, la houle et la vitesse du bâtiment qui peuvent avoir un effet marqué sur la réserve de stabilité des petits bateaux de pêche. Par exemple, le moment de redressement d'un navire sur la crête d'une vague est sensiblement inférieur à ce qu'il est en eau calme, moment dont font état les critères actuels de stabilité. De plus, les mouvements du bateau dans une mer de la hanche occasionnent des forces d'inclinaison ou de chavirement additionnelles. Une étude menée récemment sur le chavirement de petits bateaux de pêche (par le Conseil national de recherches du Canada) a conclu que lorsque leur vitesse augmente, des bateaux considérés comme sûrs selon les critères de stabilité actuels peuvent accuser des mouvements de plus en plus grands qui mènent au chavirement.
Le Bureau remarque qu'une stabilité insuffisante, empêchant le bateau de résister aux forces d'inclinaison causées par les conditions dynamiques de la mer, a été un facteur commun dans plusieurs chavirements récents de petits bateaux de pêche, par exemple le «FLYING FISHER», le «JERICHO», le «SAMWISE», le «MISS JOYE» et le «VIKING LEADER».
En raison de la fréquence des problèmes de stabilité des petits bateaux de pêche, et comme la GCC élabore actuellement des exigences selon lesquelles les petits bateaux de pêche devront avoir des livrets de stabilité, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports mette au point et valide des critères de stabilité adéquats pour les petits bateaux de pêche, qui tiennent compte de leurs caractéristiques et du type de voyage qu'ils effectuent, ainsi que des conditions dans lesquelles ils sont exploités.
Recommandation M94-30 du BST
4.2.3 Modification des bateaux
La boîte à poisson à bord du «LE BOUT DE LIGNE» alourdissait le bateau de 680 kg lorsqu'elle était vide et relevait le centre de gravité du bâtiment, ce qui réduisait sa stabilité. La stabilité pouvait être altérée davantage lorsque des paquets de mer remplissaient la boîte à poisson.
À l'heure actuelle, les petits bateaux de pêche de moins de 150 tjb, tels que le «LE BOUT DE LIGNE», sont inspectés tous les quatre ans par la GCC. Entre ces inspections, nombre de propriétaires ajoutent des articles lourds ou modifient leurs engins de pêche et leur matériel, sans en aviser la GCC. Dans bien des cas, ces modifications sont susceptibles d'altérer la stabilité du bateau et de compromettre la sécurité de l'équipage.
Vers la fin de 1989, le «DALEWOOD PROVIDER», petit bateau de pêche de 39 tonneaux, a chaviré dans le détroit de Juan de Fuca alors que le temps était relativement calme. Des modifications apportées au bateau au fil des ans avaient rehaussé le centre de gravité vertical; on a découvert qu'une réduction de la stabilité transversale avait contribué au chavirement. La GCC avait inspecté le «DALEWOOD PROVIDER» pendant la période où il avait été modifié; toutefois, la stabilité transversale du bateau n'avait pas été réévaluée après ces modifications. De même, une enquête menée en 1985 sur les causes du chavirement du bateau de pêche «FLYING O» a indiqué que la stabilité transversale avait été altérée par la présence de grandes caisses d'engins de pêche posées sur le toit de la cabine.
Il semble que bien des pêcheurs et des exploitants de bateaux de pêche ne sachent pas que les modifications et l'ajout de matériel peuvent altérer la stabilité d'un bateau et, de ce fait, poser un risque pour la sécurité de l'équipage. Par conséquent, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports, au moyen d'un programme de sensibilisation à la sécurité à l'intention des propriétaires, exploitants et officiers de bateaux de pêche, souligne les effets indésirables que des modifications de la structure des bateaux et l'ajout de matériel peuvent avoir sur la stabilité.
Recommandation M94-31 du BST
Le ministère des Transports étudie des façons de faire en sorte que les modifications apportées à la structure et l'ajout d'articles lourds soient consignés et soient pris en compte au moment de la réévaluation de la stabilité des petits bateaux de pêche.
Recommandation M94-32 du BST
En août 1985, après avoir procédé à des essais de roulis sur le «LE BOUT DE LIGNE» et le «BAROUDEUR», la GCC a déterminé que les deux bateaux avaient une stabilité transversale suffisante s'ils étaient «chargés de façon raisonnable». Toutefois, on n'a pas énoncé de lignes directrices claires permettant de déterminer en quoi consistent des conditions de chargement sûres. La plupart des pêcheurs ne possèdent pas une véritable formation en matière de stabilité et ne sont pas en mesure de faire des projections pour déterminer ce que sera la stabilité de leur navire dans différentes conditions. (Actuellement, les capitaines de pêche ne sont pas tenus de posséder un certificat de capacité.)
Nombre de livrets de stabilité actuels qui renferment des données sur les caractéristiques de stabilité et sur les différentes conditions de chargement des bateaux de pêche sont complexes et difficiles à consulter. Il s'ensuit que des renseignements essentiels peuvent passer inaperçus. Par conséquent, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports établisse des lignes directrices relatives aux livrets de stabilité, de façon que les renseignements qu'ils renferment soient présentés sous une forme simple, claire et utilisable par les usagers.
Recommandation M94-33 du BST
4.3 Préoccupations liées à la sécurité
4.3.1 Sensibilisation aux conditions de mer défavorables
Le «LE BOUT DE LIGNE» a entrepris une traversée de 170 milles entre Cap-aux-Meules et Gaspé alors que des avis de coups de vent et d'embruns verglaçants étaient en vigueur.
L'accumulation de glace sur les bateaux de pêche est un problème perpétuel au Canada. Le poids additionnel dans les hauts, attribuable à l'accumulation de glace sur la superstructure, les mâts et le gréement, a pour effet de réduire la stabilité initiale, de sorte que le bateau roule plus facilement et avec plus d'amplitude. Ce roulis fait alors en sorte que le bateau embarque plus de paquets de mer sur le pont.
En janvier 1993, le navire de pêche «CAPE ASPY» a chaviré, entraînant la mort de cinq membres de l'équipage (rapport du BST no M93M4004); il a été déterminé que les embruns verglaçants avaient contribué au chavirement. Le Bureau a alors fait part de son inquiétude quant à la sécurité des pêcheurs qui exploitent des navires lorsque de la glace s'accumule pendant l'hiver. La perte du «LE BOUT DE LIGNE» ne fait que raviver cette préoccupation.
Les causes du givrage, les dangers inhérents et les précautions à prendre sont traités dans diverses publications de Transports Canada, dont le Manuel de sécurité et d'hygiène pour les pêcheurs, TP 1283, et Une introduction à la stabilité des bateaux de pêche, TP 8161, qui se veulent des moyens de sensibilisation à la sécurité.
Le Bureau espère que, grâce à la diffusion du présent rapport d'enquête, l'industrie de la pêche commerciale sera mieux sensibilisée aux risques liés à l'accumulation de glace.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Gerald E. Bennett, Zita Brunet, l'hon. Wilfred R. DuPont et Hugh MacNeil.
Annexes
Annexe A - Route reconstituée du «LE BOUT DE LIGNE»
Annexe B - Normes de stabilité, de compartimentage et de ligne de charge
Norme: Stab.4
Normes de stabilité pour les bateaux de pêches:
- qui doivent observer le Règlement sur l'inspection des grands bateaux de pêche, ou
- qui sont tenus par le Règlement sur l'inspection des grands bateaux de pêche de présenter des données sur la stabilité.
Conditions de fonctionnement sans accumulation de glace
- Il y a lieu d'utiliser les critères minimaux ci-dessous pour l'approbation des données de stabilité pour les bateaux mentionnés ci-dessus :
- L'aire sous-tendue par la courbe du bras de redressement (GZ) ne doit pas être inferieure à 0,055 mètre-radian jusqu'à un angle de gîte Ø = 30°, ni inferieure à 0,09 mètre-radian jusqu'à Ø = 40°, ou l'angle d'envahissement Øf si ce dernier est inferieur à 40°.
En outre, l'aire sous-tendue par la courbe du bras de redressement (GZ) entre 30° et 40° d'angle gîte, ou entre 30° et Øf si cet angle est inferieur à 40°, ne doit pas être inferieure à 0,03 mètre-radian. - Le bras de redressement GZ doit mesurer au moins 0,20 mètre lorsque l'angle de gîte est égal à 30° ou plus.
- Le bras de redressement GZ doit atteindre sa valeur maximale à un angle de gite de préférence supérieur à 30° mais en aucun cas inferieur à 25°.
- La hauteur métacentrique initiale (GM) ne doit pas être inferieure à 0,35 mètre.
Condition de fonctionnement la plus défavorable avec accumulation de glace
- L'aire sous-tendue par la courbe du bras de redressement (GZ) ne doit pas être inferieure à 0,055 mètre-radian jusqu'à un angle de gîte Ø = 30°, ni inferieure à 0,09 mètre-radian jusqu'à Ø = 40°, ou l'angle d'envahissement Øf si ce dernier est inferieur à 40°.
- On doit utiliser les poids des accumulations de glace et les centres de gravité sur la verticale prescrits par le Règlement sur l'inspection des bateaux de pêche approprié.
- L'aire sous-tendue par la courbe du bras de redressement (GZ) ne doit pas être inferieure à 0,04 mètre-radian jusqu'à 30° d'angle de gîte, ni inferieure à 0,058 mètre-radian jusqu'à 40°, ou l'angle d'envahissement si ce dernier est inferieur à 40°.
En outre, l'aire sous-tendue par la courbe du bras de redressement (GZ) entre 30° et 40° d'angle de gîte, ou entre 30° et l'angle d'envahissement si cet angle est inferieur à 40°, ne doit pas être inferieur à 0,016 mètre-radian. - Le bras de redressement (GZ) doit mesurer au moins 0,15 mètre quant l'angle de gîte est égal à 20° ou plus.
- Le bras de redressement doit atteindre sa valeur maximale à 20° de gîte au moins.
- La hauteur métacentrique initiale (GM) ne doit pas être inferieure à 0,23 mètre.
- L'aire sous-tendue par la courbe du bras de redressement (GZ) ne doit pas être inferieure à 0,04 mètre-radian jusqu'à 30° d'angle de gîte, ni inferieure à 0,058 mètre-radian jusqu'à 40°, ou l'angle d'envahissement si ce dernier est inferieur à 40°.
- Normalement, les courbes hydrostatiques et les courbes de stabilité doivent être préparées sur la base d'une assiette de calcul. Toutefois, lorsque l'assiette dans les conditions de fonctionnement ou la forme et l'agencement du navire sont tels qu'un changement d'assiette a un effet appréciable sur le bras de redressement, il faut tenir compte de ce changement.
- Pour les calculs, on peut tenir compte du volume jusqu'à la surface supérieure du revêtement de pont, s'il y en a. Dans le cas des bateaux de bois, il faut prendre les dimensions jusqu'à l'extérieur de la coque et du bordé de pont.
- Pour les abaques de stabilité, il est permis de tenir compte des volumes suivants à condition qu'une note explicative y soit jointe :
- superstructures fermées étanches aux intempéries et roufs de construction semblable;
- coffres étanches aux intempéries, et
- écoutilles avec moyen efficaces de fermeture.
- Définitions de certains termes utilisés à l'article 5 :
Superstructure : désigne une construction pontée qui se trouve sur le pont de franc-bord et s'étend sur toute la largeur du navire ou dont le bordé latéral est en retrait du bordé de la coque d'au plus 4 % de la largeur hors membrures maximale du bâtiment mesurée au maitre-couple. Une demi-dunette est considérée comme une superstructure.
Étanche aux intempéries : signifie que quelles que soient les conditions en mer, l'eau ne peut pas pénétrer dans le navire.
- Dans les cas où l'eau pénétrerait dans un navire par une ouverture, la courbe de stabilité doit être interrompue à l'angle d'envahissement correspondant et il faut considérer que le navire a entièrement perdu sa stabilité à cet angle.
- Dans les calculs des conditions de chargement, il faut tenir compte du poids des filets et des engins de pêche mouillés.
- Dans tous les cas, il faut supposer que la cargaison est homogène à moins que cela ne soit pas conforme à la pratique.
- Les conditions suivantes ne sont pas considérées comme des conditions d'exploitation. Par conséquent, les critères ci-dessous ne s'appliquent pas et la norme à obtenir dans ces conditions est un GM positif :
- état lège;
- au port après déchargement de la cargaison, avec seulement 10 % de combustible, d'eau douce et d'approvisionnements et une certaine accumulation de glace sur l'accastillage et le gréement.
(L'état lège est défini comme étant l'état d'un bâtiment prêt à prendre la mer, mais ayant ni approvisionnements, ni denrées, ni les liquide, ni équipage à bort.)
Annexe C - Taux de refroidissement éolien
Annexe D - Diagrammes de givrage de Mertin
ACCUMULATION DE GLACE EN CM/24 HEURES
ÉCHELLE DE BEAUFORT (VENT)
VENT DE FORCE 6 À 7
ÉCHELLE DE BEAUFORT (VENT)
VENT DE FORCE 8
ÉCHELLE DE BEAUFORT (VENT)
VENT DE FORCE 9 À 10
ÉCHELLE DE BEAUFORT (VENT)
VENT DE FORCE 11 À 12
Annexe E - Liste des rapports
Le rapport suivant a aussi été rédigé :
M90L3033-S1 Analyse de stabilité
On peut se procurer ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.