Naufrage
du navire de pêche «NADINE»
Golfe du Saint-Laurent
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 16 décembre 1990, en retournant par gros temps de lieux de pêche dans le golfe du Saint-Laurent, le «NADINE», navire de pêche de 37 mètres, a gîté sur bâbord et coulé par l'arrière. Une opération de recherches et sauvetage a aussitôt été déclenchée pour retrouver l'effectif de 10 personnes. Deux membres de l'équipage ont été rescapés et les corps de six victimes ont été repêchés. Deux membres de l'équipage sont toujours portés disparus.
Le Bureau a déterminé que le «NADINE» a coulé parce que les ouvertures sur le pont arrière et celles des cloisons transversales n'étaient pas fermées hermétiquement. De l'eau a ainsi pu s'infiltrer et a éventuellement envahi la cambuse, les cales à poisson et la salle des machines. Cette infiltration d'eau a graduellement réduit la stabilité du navire jusqu'à ce que la réserve de flottabilité soit épuisée et que le navire coule. Le mauvais temps, l'obscurité, le manque de formation de même que la rapidité de l'engloutissement ont nui à l'abandon du navire et ont contribué aux pertes de vie.
8 avril 1994
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique du navire
"NADINE" | |
---|---|
Port d'immatriculation | Cap-aux-Meules (Québec) |
Numéro officiel | 368320 |
Type | Chalutier à pêche arrière |
Jauge brute | 493,20 tonneauxNote de bas de page 1 |
Jauge nette | 245,42 tonneaux |
Longueur | 37 m |
Creux | 5,06 m |
Tirant d'eau (approximatif au moment de l'événement) | av.Note de bas de page 2 : 3,53 m ar. : 4,02 m |
Construction | 1975, en acier, Verreault Navigation Inc. Les Méchins (Québec) |
Groupe propulseur | Un diesel Polar-Nohab, huit cylindres, entraînant une hélice à pas variable |
Propriétaire | Madelipêche Inc. Cap-aux-Meules (Québec) |
1.1.1 Historique du «NADINE»
Bien qu'il ait été construit pour être un chalutier, le «NADINE», pendant quelques années au milieu de sa vie, avait été modifié en senneur pour ensuite être refondu en chalutier vers la fin de ses années de service. Il semble que la conception d'origine ait été fidèlement copiée pendant la dernière refonte, sauf pour l'emplacement des treuils de fune qui ont été installés à l'avant des écoutilles des cales à poisson (voir l'annexe A).
1.2 Déroulement du voyage
Le «NADINE» a appareillé de Cap-aux-Meules (Québec), vers 8 h 30Note de bas de page 3 le 12 décembre, à destination de lieux de pêche situés à 30 milles marins (M) au large de Cape St. George (Terre-Neuve). Il y avait neuf membres d'équipage et une biologiste du ministère des Pêches et Océans (P&O) à bord. Le «NADINE» est arrivé sur les lieux de pêche 4Rd et 4Ss de la zone de pêche 1 (voir l'annexe B) quelque neuf heures et demie plus tard et a commencé la pêche.
Le lendemain, le navire s'est retiré dans la baie St. George pour se mettre à l'abri de vents forts du secteur SE. Vers 19 h, il a mis le cap sur Stephenville, où la journée du 14 décembre a été passée à effectuer des réparations au gréement de pêche.
Dans la matinée du 15 décembre, après le départ de Stephenville, le chef mécanicien a signalé au capitaine que le compartiment de l'appareil à gouverner avait dû être vidangé à Stephenville parce qu'une voie d'eau avait atteint un niveau au-dessus du parquet. Il semble que le presse-étoupe de la mèche du gouvernail avait dû être resserré de nouveau, comme il avait déjà fallu le faire.
Vers 15 h 30 le 16 décembre, après avoir remonté le dernier trait de chalut, le «NADINE» a mis le cap sur son port d'attache, Cap-aux-Meules, avec une prise d'environ 149,7 tonnes (330 000 lb) de sébaste. Étant donné qu'une très grosse mer faisait constamment déferler des paquets de mer sur le pont arrière, l'équipage a décidé de laisser environ 6,6 tonnes (14 500 lb) de sébaste du dernier trait de chalut dans le chalut sur le pont arrière au lieu de les arrimer dans les cales à poisson.
Le mauvais temps a réduit la vitesse en surface du «NADINE» à huit ou neuf noeuds (kn) tandis que la visibilité était réduite à 2 ou 3 M dans la pluie au cours du voyage de retour.
Le navire a changé de cap à plusieurs reprises dans des vents de l'est de plus en plus forts (voir le sillage approximatif à l'annexe C). Vers 21 h 30, à environ 15 M à l'ESE de la Pointe de l'Est, le capitaine a transmis au second des directives quant à la navigation du navire et a demandé à être réveillé lorsque le navire se trouverait à la hauteur du récif Alright (Trois Pierres). Il s'est ensuite retiré dans sa cabine, laissant le second assurer la veille. Il est possible qu'une autre personne, peut-être la biologiste, ait aidé le second.
Vers 21 h 40, le capitaine du navire-jumeau du «NADINE», le «RALI II», se trouvait à bord du navire de pêche «ADÈLE» dans le port. Il a appelé le «NADINE» pour s'informer de son voyage. Le second a rapporté que le voyage de retour se déroulait sans incident et que le «NADINE» arriverait le lendemain matin.
Vers 22 h 30, le second a réveillé le capitaine; il lui a dit que quelque chose n'allait pas : le gouvernail ne fonctionnait pas et le navire s'enfonçait. Le capitaine s'est rendu à la passerelle où il a constaté que l'indicateur de barre indiquait 10° vers bâbord, que le navire tournait vers la gauche en gîtant d'environ 20° sur bâbord et que le pont arrière était à fleur d'eau du mât portique sur tribord jusqu'au treuil de fune sur bâbord. Il s'est aussitôt dirigé vers la salle des machines pour s'informer de la situation. Du haut de la descente donnant accès à la salle des machines, il a demandé au chef mécanicien de vidanger la cambuse. Le chef mécanicien, qui se trouvait au pied de la descente, le regard tourné vers l'entrée avant du tunnel, lui a répondu qu'il faisait son possible.
Revenu à la timonerie, le capitaine a demandé au second de réveiller les membres de l'équipage, de leur dire d'enfiler leur combinaison d'immersion et de se rassembler dans la timonerie. On a vu la biologiste quitter la timonerie à ce moment-là.
À 22 h 35, le capitaine a lancé un appel de détresse par radiotéléphone très haute fréquence (VHF), informant la station radio de la Garde côtière (SRGC) de Cap-aux-Meules que le «NADINE» était en perdition par 47°26′N et 61°19′W, tel qu'indiqué par le Loran C. Le NGCC «SIMON FRASER» qui mouillait l'ancre au SW de l'île du Havre-Aubert a également entendu l'appel et a amorcé les préparatifs de départ.
Le capitaine a alors tenté de remettre le navire sur sa route mais le gouvernail ne répondait pas. Le pas de l'hélice a été réduit. En peu de temps, le «NADINE» a pris une gîte de 60 à 70° sur bâbord.
L'équipage s'est rassemblé dans la timonerie; on n'a pas fait le compte et, apparemment, une certaine panique régnait à bord. On a conseillé aux membres de l'équipage d'enfiler leur combinaison d'immersion tout de suite mais certains ont préféré attendre d'être rendus à bord du radeau de sauvetage pour l'enfiler.
Le capitaine est alors descendu chercher sa combinaison d'immersion dans sa cabine. Lorsqu'il est remonté dans la timonerie, il a enfilé sa combinaison, a réduit de nouveau le pas à une très faible vitesse avant puis s'est rendu sur le pont des embarcations tribord. La plupart des membres de l'équipage étaient déjà à l'extérieur.
Le navire était alors couché sur son flanc bâbord et la partie arrière du navire ainsi que la moitié de la timonerie étaient submergées. Les dernières personnes à sortir de la timonerie l'ont fait par une fenêtre tribord.
Le second a avisé le capitaine que tout l'équipage semblait s'être rassemblé en vue de l'abandon du navire. Certains s'étaient rassemblés sur la muraille tribord tandis que d'autres se tenaient debout du côté tribord des emménagements.
Le radeau de sauvetage tribord s'est gonflé à l'envers quand le second l'a lancé à l'eau. En se tenant debout sur la muraille tribord, certains membres de l'équipage ont réussi à le redresser. À peu près au même moment, la génératrice a calé et le navire a été plongé dans la noirceur totale. À 22 h 47, le «NADINE» a subitement coulé par l'arrière, par 47°26′58″N et 61°19′32″W. L'équipage a été projeté dans l'eau et seul le maître d'équipage a réussi à monter à bord du radeau de sauvetage. Quelques moments plus tard, le radeau s'est éloigné rapidement et le maître d'équipage a perdu de vue les autres membres de l'équipage.
Le capitaine a perdu contact avec la plupart de l'équipage quand il est tombé à la mer; seuls le second et un marin-pêcheur sont demeurés avec lui. Le capitaine a retenu le second avec ses jambes jusqu'à ce que l'épuisement le force à lâcher prise à l'aube. Le marin-pêcheur est demeuré avec le capitaine jusqu'à ce que celui-ci soit repêché.
1.3 Victimes
Équipage | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 5 | - | 1 | 6 |
Disparus | 2 | - | - | 2 |
Blessés graves | - | - | - | - |
Blessés légers/indemnes | 2 | - | - | 2 |
Total | 9 | - | 1 | 10 |
1.4 Avaries et dommages
1.4.1 Avaries au navire
Lors des inspections sous-marines effectuées par le BST sur les lieux du naufrage en juillet 1991 et après le renflouement en novembre 1991, on a constaté que :
- le ballast bâbord arrière était avarié;
- la partie inférieure du bordé de carène de la hanche bâbord était perforée;
- la tôle du pont arrière entourant le ballast bâbord était gauchie;
- la porte bâbord des emménagements sur le pont des embarcations était enfoncée vers l'intérieur et son hublot était fracassé;
- le ber du radeau de sauvetage bâbord sur le pont des embarcations était manquant;
- le ber avant et la partie avant de l'embarcation de sauvetage sur le pont des embarcations étaient manquants;
- la charnière arrière du panneau d'écoutillon de la cambuse était sectionnée;
- certains cabochons du tableau d'alarme dans la timonerie étaient fracassés.
1.5 Certificats et brevets
1.5.1 Certificat du navire
Le «NADINE» faisait l'objet d'un certificat d'inspection de bateau de pêche de commerce pour la côte est du Canada, voyage au cabotage, classe II, émis par le ministère des Transports. Le certificat avait été émis le 3 mai 1990 et était valide jusqu'au 2 mai 1991. De plus, une exemption au navire permettait au chef mécanicien d'occuper ledit poste sans être titulaire d'un brevet de Chef mécanicien de bateau de pêche ou du brevet équivalent, soit le brevet de Mécanicien, moteur, classe III.
Un certificat d'inspection (SIC 7) émis en 1989 permettait au propriétaire, Madelipêche Inc., d'augmenter l'équipage des navires de la flotte jusqu'à 12 personnes, à la condition que chaque membre d'équipage dispose d'une combinaison d'immersion.
1.5.2 Brevets du personnel
Poste | Brevet | FUMNote de bas de page 4 |
---|---|---|
Capitaine | Capitaine de pêche, classe III | I |
Second capitaine | Capitaine de pêche, classe IV | I |
Chef mécanicien | Mécanicien, moteur, classe IV | A1,B1,B2 |
Second mécanicien | - | - |
Maître d'équipage | - | - |
Cuisinier | - | - |
Marin-pêcheur | Mécanicien, quart de pêche, moteur | I |
Marin-pêcheur | - | I |
Marin-pêcheur | - | - |
1.5.3 Formation aux Fonctions d'urgence en mer (FUM)
Les membres de l'équipage brevetés avaient suivi les cours FUM requis pour leurs brevets. L'un des cinq autres membres de l'équipage avait également reçu une formation FUM.
La biologiste n'avait pas suivi de cours FUM. Au moment de l'accident, les scientifiques de P&O n'étaient pas tenus de suivre de tels cours avant d'aller en mer.
1.6 Antécédents du personnel
L'effectif était régulier sauf le cuisinier qui remplaçait un membre régulier en congé d'un voyage et la biologiste qui se trouvait à bord du navire pour un seul voyage relié à l'installation prévue, sur le chalut du navire, d'un instrument d'enregistrement de la température en vue de déterminer le rapport entre les concentrations de poisson et la température de l'eau à diverses profondeurs.
1.6.1 Capitaine
Le capitaine a obtenu le brevet de Capitaine de pêche, classe III, en novembre 1987 et, depuis, il occupait le poste de capitaine à bord du «NADINE». Il avait précédemment occupé le poste de second capitaine pendant deux ans et de capitaine pendant un an à bord d'un autre navire. Il était alors titulaire d'un brevet de Capitaine de pêche, classe IV. Depuis 1967, il avait travaillé à bord de plusieurs navires en qualité de marin-pêcheur et de maître d'équipage. Il a reçu une formation FUM à Cap-aux-Meules en 1983.
1.6.2 Officiers
Le chef mécanicien faisait partie de l'équipage depuis le printemps 1990; il avait antérieurement occupé le poste de chef mécanicien à bord du «G.C. GRANDE ENTRÉE». Il était titulaire d'un brevet de Mécanicien, moteur, classe IV, depuis février 1990 et avait suivi son cours FUM en 1989.
Le second capitaine avait obtenu son brevet de Capitaine de pêche, classe IV, en avril 1985.
1.6.3 Maître d'équipage
Le maître d'équipage avait débuté sa carrière de navigateur à bord d'un crevettier. Depuis 1987, il naviguait à bord du «NADINE» et il occupait le poste de maître d'équipage depuis trois ans.
1.6.4 Formation
Les membres de l'équipage avaient été choisis par le capitaine et ceux qui n'avaient pas acquis leur expérience sur d'autres navires de la flotte avaient été formés par lui.
Le maître d'équipage ne savait pas que la fermeture des ouvertures du pont autres que les couvercles des trous à poisson relevait de sa responsabilité. Il pensait que la responsabilité de fermer hermétiquement le panneau de l'écoutillon de la cambuse relevait du chef mécanicien puisque ce dernier devait visiter périodiquement ce compartiment dans l'exercice de ses fonctions. Aucune consigne écrite n'avait été émise concernant la fermeture des ouvertures.
Après trois ans de navigation à bord du même navire, le capitaine ne savait pas que les boutons-poussoirs au droit de la commande-passerelle servaient à débrayer l'arbre porte-hélice et à stopper la machine principale tout comme il ne savait pas que le tableau d'alarme dans la timonerie ne comportait pas d'alarme de niveau d'eau pour les cales à poisson.
1.6.5 Biologiste invitée
Au cours des trois dernières années, la biologiste avait effectué un voyage en mer par an, dont l'un d'une durée d'environ trois semaines. Il s'agissait de son deuxième voyage en mer au cours de 1990.
1.7 Conditions météorologiques
1.7.1 Prévisions météorologiques
Voici les prévisions maritimes émises par le Centre de prévisions des Maritimes d'Environnement Canada à 11 h 30 HNA, le dimanche 16 décembre 1990 :
Moitié est de Golfe-Madeleine
Avertissement de vents de tempête toujours en vigueur. Vents de l'est de 30 kn à coups de vent de 40 kn, augmentant à coups de vent du nord-est de 40 à 50 kn cet après-midi. Coups de vent du sud-ouest diminuant à 20 kn tard ce soir. Vents augmentant à coups de vent du nord-ouest à 35 kn dans l'après-midi lundi. Pluie et brouillard se changeant en averses de neige pendant la nuit [...] Visibilité passable sous les précipitations et dans le brouillard. Température zéro à trois degrés.
Les prévisions émises à 17 h HNA faisaient état de conditions météorologiques qui ressemblaient sensiblement à celles émises à 11 h 30.
1.7.2 Conditions météorologiques enregistrées
Vers 22 h 35, les conditions météorologiques enregistrées à l'aéroport de Havre-aux-Maisons, situé 18,5 M à l'ouest du lieu du naufrage, étaient les suivantes : ciel couvert, visibilité de 7 M, pluie légère et vents du 110 °(V) à 25 kn avec rafales jusqu'à 32 kn.
À son départ de Cap-aux-Meules vers 23 h le 16 décembre, le CGCC «CAP-AUX-MEULES» a enregistré des vents du secteur SE qui soufflaient à force 9, une mer de 4 à 5 m et une pluie qui réduisait la visibilité à 2 à 4 M. À son arrivée sur les lieux des recherches à 1 h 28, le cotre a observé que les vents du secteur ESE soufflaient de 35 à 40 kn, que la visibilité était réduite en raison des embruns et que la température de l'air et de l'eau étaient de +2 °C et −1 °C respectivement. Il y avait des vagues de 6 à 7 m.
1.7.3 Code de sécurité
Le Recueil de règles de sécurité pour les pêcheurs et les navires de pêche de l'OMI, sous la rubrique «Sécurité du navire», se lit comme il suit :
3.1.6 L'équipage sera mis en garde contre les dangers engendrés par la mer déferlant de l'arrière ou de trois-quarts arrière. Si le navire gîte ou embarde trop, la vitesse sera réduite.
3.3.1 Toutes les portes, manches à air et autres ouvertures par lesquelles l'eau pourrait s'introduire dans la coque, les roufs, le gaillard, etc., seront bien fermées par mauvais temps, et tous les dispositifs utilisés à cet effet devront être en bon état.
3.3.2 Les appareils de fermeture et d'assujettissement des écoutilles devront être en bon état.
3.3.3 Les écoutilles et les trous à poisson à plat pont seront fermés et bien verrouillés lorsqu'ils ne seront pas utilisés pendant la pêche.
3.3.5 Par mauvais temps, on s'assurera que les panneaux de cale et leurs saisines sont en bon état.
La publication de la Garde côtière canadienne (GCC) intitulée, Petits bateaux de pêche : Manuel de sécurité, TP 10038, qui traite de ces sujets est distribuée sur demande aux personnes employées dans l'industrie de la pêche, à titre gratuit.
1.8 Équipement de navigation
1.8.1 Instruments de navigation
Le «NADINE» était équipé des instruments de navigation suivants :
Radars | deux |
Sondeurs | trois |
Loran C | deux |
Appareil à bande latérale unique (BLU) | un |
Appareils à très haute fréquence (VHF) | deux |
Gyro-compas | un |
Compas magnétique | un |
Pilote automatique | un |
1.8.2 Aides à la navigation
Toutes les aides à la navigation fonctionnaient de manière satisfaisante.
1.9 Communications radio
1.9.1 Entre les navires
Vers 21 h 40 le 16 décembre, lorsque le «ADÈLE» est entré en communication radio avec le «NADINE», le second capitaine du «NADINE» a fait état d'une bonne pêche, de n'avoir eu aucun problème durant la tempête du 13 décembre, d'essuyer des vents du secteur SE et d'une grosse mer qui faisait laver le pont arrière. Il a aussi mentionné que, de temps en temps, on voyait le cul du navireNote de bas de page 5. Il n'a parlé d'aucune voie d'eau mais il a indiqué que le navire roulait beaucoup.
À 22 h 35, le «SIMON FRASER» et la SRGC de Cap-aux-Meules qui assuraient une veille radiotéléphonique ont pris note du message de détresse du «NADINE» et ont amorcé les préparatifs d'une opération de recherches et sauvetage.
1.9.2 Station radio de la Garde côtière (SRGC)
À 22 h 35, la SRGC de Cap-aux-Meules a reçu un appel «Mayday» du «NADINE». L'interlocuteur a signalé la position par 47°26′N et 61°19′W, la présence d'un effectif de 10 personnes et la forte possibilité d'un naufrage. De 22 h 40 à 22 h 45, les appels de la SRGC au «NADINE» sont demeurés sans réponse.
1.10 Équipement d'urgence
1.10.1 Embarcation de sauvetage
Une embarcation non pontée d'une capacité de huit personnes qui servait d'embarcation de sauvetage était installée à bâbord sur le pont des embarcations. Elle n'était pas accessible à l'équipage au moment de l'abandon en raison de la forte gîte du navire. Par la suite, elle s'est rompue en deux; la partie arrière est demeurée assujettie sur son ber tandis que la partie avant s'est dégagée.
1.10.2 Radeaux de sauvetage pneumatiques
Deux radeaux de sauvetage d'une capacité de 12 personnes chacun se trouvaient sur le pont des embarcations, de part et d'autre de la timonerie. Les radeaux n'étaient pas munis de dispositifs de dégagement hydrostatique.
En raison de la forte gîte sur bâbord au moment de l'abandon, le radeau bâbord n'était pas accessible. Il est toutefois remonté à la surface où il s'est gonflé. Aucun indice ne laisse croire que ce radeau ait été utilisé.
Alors que le «NADINE» s'enfonçait, la mer a projeté l'équipage à l'eau et a éloigné le radeau redressé; le radeau s'est dirigé vers l'avant du navire. L'ancre flottante n'avait pas été larguée et ce dispositif ne se déploie pas automatiquement.
1.10.3 Bouées de sauvetage
Trois des quatre bouées de sauvetage ont été récupérées pendant les recherches. On n'a pas signalé les avoir utilisées à l'abandon du navire.
1.10.4 Gilets de sauvetage et combinaisons d'immersion
De tous les naufragés retrouvés, seul un membre de l'équipage portait un gilet de sauvetage lorsque son corps a été repêché. Cinq autres membres de l'équipage, dont les deux survivants, étaient vêtus de combinaisons d'immersion. L'autre membre de l'équipage et la biologiste ne portaient ni gilet de sauvetage ni combinaison d'immersion.
Aucun indice n'a révélé quel engin de sauvetage les deux victimes qui sont toujours portées disparues auraient pu utiliser.
1.10.4.1 Type des combinaisons d'immersion
Selon le propriétaire, le «NADINE» était équipé de neuf combinaisons d'immersion, toutes de marque Narwhal, modèle E-38-001 (voir l'annexe D). On entreposait à terre les combinaisons d'immersion supplémentaires qui étaient fournies aux navires de la flotte au besoin. Le «NADINE» n'avait pas demandé une combinaison de plus pour le voyage en cause, mais ceci n'a pas paru inusité puisqu'on croyait que les employés du gouvernement apportaient habituellement leur propre combinaison à bord.
Les combinaisons utilisées par l'équipage portaient la date de fabrication du 27 mai 1985. Chaque combinaison a son propre certificat d'enregistrement, émis par le fabricant, qui indique le nom du propriétaire et le numéro de série.
1.10.4.2 Caractéristiques des combinaisons d'immersion
Selon le fabricant, ces combinaisons d'immersion en néoprène d'une épaisseur de 3/16 de pouce assurent 42 % de flottabilité de plus que les gilets de sauvetage; elles étaient conformes aux exigences minimales de la GCC, soit maintenir la chute de température du corps à moins de 2 °C pour une période de six heures.
Les combinaisons sont sensées être inspectées périodiquement en portant une attention particulière aux fermetures à glissière qui doivent être propres, en bon état et lubrifiées pour assurer un rendement adéquat. Toute combinaison soupçonnée d'être défectueuse devrait être enlevée et remplacée. La durée de vie de ces combinaisons est estimée à 10 ans. Pendant les exercices d'entraînement, les instructeurs de cours FUM exigent qu'un collègue s'assure que la combinaison de l'autre personne soit bien fermée.
1.10.4.3 Exigences relatives aux combinaisons d'immersion
La GCC exige l'utilisation de combinaisons d'immersion depuis 1985. La réglementation exige un nombre de combinaisons suffisant pour l'effectif du navire.
La GCC recommande que 80 % des combinaisons d'immersion transportées soient de taille universelle, 10 % de petite taille adulte et 10 % de grande taille adulte. La taille universelle est conçue pour des adultes d'un poids de 50 à 150 kg (110 à 330 lb), c'est-à-dire qu'elle convient à 90 % des Canadiens adultes. Toutes les combinaisons à bord du «NADINE» étaient de taille universelle.
Pendant l'inspection annuelle du «NADINE» effectuée le 3 mai 1990 par la GCC, aucun membre de l'équipage n'a fait de commentaire concernant la taille universelle ou la fermeture à glissière des combinaisons.
Au moment du naufrage, P&O ne fournissait pas de combinaison d'immersion à ses scientifiques lors de leurs voyages en mer et il n'était pas tenu de le faire. On n'a pas pu confirmer si l'équipage du «NADINE» avait remis une combinaison d'immersion à la biologiste.
1.10.4.4 Entreposage des combinaisons d'immersion
Le capitaine et le chef mécanicien entreposaient leur combinaison dans leur cabine des emménagements sur le pont de gaillard. Les autres combinaisons étaient entreposées, dans leur sac, dans une cabine qui servait de magasin près de la sortie arrière, dans la coursive bâbord des emménagements sur le pont principal.
1.10.4.5 Utilisation des combinaisons d'immersion
Durant le rassemblement de l'équipage dans la timonerie, personne ne s'est plaint de ne pas avoir une combinaison d'immersion en sa possession.
Deux combinaisons d'immersion ont été retrouvées dans la timonerie au cours d'une inspection sous-marine du navire effectuée en 1991.
Les combinaisons d'immersion doivent être conçues pour laisser à la personne qui en est vêtue une certaine liberté de mouvement dans l'eau; mais nager vers un radeau de sauvetage dans des conditions météorologiques comme celles qui règnaient au moment de l'abandon peut s'avérer une tâche difficile pour certaines personnes vêtues de combinaisons.
1.10.4.6 Combinaisons d'immersion des survivants
Les deux survivants (le capitaine et le maître d'équipage) ont déclaré avoir eu de la difficulté à enfiler et à fermer leur combinaison. Le capitaine a éventuellement réussi à fermer sa fermeture à glissière tandis que le maître d'équipage, après avoir tenté à plusieurs reprises dans la timonerie puis dans le radeau de sauvetage, n'a jamais réussi à fermer sa combinaison.
Le capitaine n'avait pas reçu de formation concernant les combinaisons d'immersion durant le cours FUM I qu'il avait suivi en 1983 mais, étant donné qu'il fait de la plongée sous-marine, il savait comment enfiler cet équipement. Au moment de l'accident, il portait un t-shirt, un slip, des chaussettes de coton et un pantalon en velours côtelé. Il a enfilé sa combinaison d'immersion dans la timonerie.
Le maître d'équipage n'avait jusqu'alors jamais enfilé de combinaison d'immersion. Quand il a plongé dans le radeau de sauvetage, qui était déjà envahi d'eau, il ne portait qu'un slip sous sa combinaison ouverte. Sa combinaison s'est vite remplie d'eau, ses jambes de même que ses pieds sont devenus très froids, ses mains se sont engourdies et il n'a pu enfiler le seul gant qu'il avait retrouvé.
1.10.4.7 Combinaisons d'immersion des victimes
Aucune des trois victimes qui portaient une combinaison d'immersion ne l'avait entièrement enfilée ou fermée pour en assurer l'étanchéité.
La première victime portait une combinaison enfilée jusqu'aux épaules, le capuchon n'étant pas revêtu; on n'a pas retrouvé de gants. La deuxième victime avait complètement enfilé sa combinaison mais la fermeture à glissière n'était pas fermée hermétiquement; la combinaison était déchirée, le coussin de flottabilité horizontal manquait ainsi que les gants. La troisième victime portait une combinaison d'immersion mais son torse était complètement dégagé; la fermeture était coincée et un gant manquait.
1.10.4.8 Inspection des combinaisons d'immersion
Les fermetures à glissière de trois des quatre combinaisons d'immersion récupérées pendant l'opération de sauvetage étaient difficiles à utiliser. Toutefois, les combinaisons avaient été immergées dans l'eau salée pendant plusieurs heures avant que les naufragés ne soient repêchés. Il n'a pas été possible de tirer de conclusions quant aux deux autres combinaisons récupérées de la timonerie au cours de l'inspection sous-marine effectuée au mois de juillet 1991, étant donné qu'elles étaient demeurées submergées pendant environ sept mois. On a trouvé une botte dans l'une de ces deux combinaisons.
1.10.5 Radiobalises de localisation des sinistres (RLS)
Le «NADINE» était muni d'une RLS de classe I et de deux de classe II. Ces trois émetteurs avaient été installés à l'automne 1990 et le propriétaire les avait enregistrés le 14 novembre 1990 à l'Enregistrement des RLS du Canada mais ils n'avaient pas encore été inspectés par un inspecteur de la Sécurité des navires ou un inspecteur radio.
1.10.5.1 Classes des RLS
Dans le cas d'un naufrage, les RLS de classe I se dégagent automatiquement du navire et commencent à transmettre automatiquement dès qu'elles sont à la surface. Un émetteur de cette classe, ayant un dispositif de dégagement hydrostatique, avait été installé sur le toit de la timonerie (voir l'annexe E).
Les RLS de classe II doivent être retirées de leur boîtier (qui doit être situé près des engins de sauvetage), être armées manuellement puis larguées à l'eau ou apportées à bord des embarcations de sauvetage. À bord du «NADINE», les deux RLS de ce type étaient installées l'une dans la timonerie et l'autre dans la coursive bâbord des emménagements sur le pont principal (voir l'annexe F).
Le capitaine a déclaré avoir amorcé la RLS de classe I conformément aux directives du manuel sans avoir préalablement reçu de formation. La RLS s'est dégagée automatiquement et est remontée à la surface comme prévu mais elle n'a pas transmis. À la suite d'une inspection, on a constaté que le bouton d'armement de la RLS n'avait pas été tourné de la position "sûreté" à la position "armé" pendant l'installation (voir l'annexe G). Le directeur de la flotte du propriétaire a déclaré avoir lu le manuel d'instruction en présence du capitaine dans son bureau. Cependant, les faits ne corroborent pas cette affirmation puisque ni le capitaine ni les membres de l'équipage ne savaient faire fonctionner les RLS. En fin de compte, c'est au capitaine qu'il incombe de connaître tous les engins de sauvetage du navire et de donner à l'équipage la formation voulue.
Le Règlement sur les RLS stipule que les navires transportant plus de deux embarcations de sauvetage doivent avoir des RLS de classe II installées à proximité des embarcations de sauvetage et que celles-ci doivent être placées dans les deux premières embarcations mises à la mer. À bord du «NADINE», les RLS de classe II n'ont pas été utilisées.
1.10.5.2 Récupération des RLS
Le 17 décembre 1990, la RLS de classe I du «NADINE» a été récupérée par 47°33′N et 61°24′W.
Ni le nom du navire, ni la date de l'entretien n'était inscrit sur l'émetteur. Cependant, la date du dernier changement de la pile était indiquée. Selon la réglementation, il est interdit aux navires tenus d'avoir à bord une RLS d'entreprendre un voyage au cabotage, classe II, à moins que le nom ou le numéro de certificat du navire n'apparaisse sur la surface externe de la RLS.
En juillet 1991, les deux RLS de classe II ont été récupérées à une trentaine de mètres de profondeur après sept mois d'immersion. Elles reposaient toujours dans leur ber.
1.10.5.3 Essai des RLS
En janvier 1991, la direction de l'Assurance de la qualité du ministère de la Défense nationale a effectué un essai opérationnel de la RLS de classe I. La radiobalise s'est avérée être en bon état de fonctionnement. En octobre 1991, les deux RLS de classe II ont été inspectées. L'une n'était pas étanche et ne fonctionnait pas; les circuits électriques de l'autre fonctionnaient mais cette RLS n'a pas passé l'essai de stabilité de fréquence de courte durée.
1.10.6 Rôle d'appel
Des exemplaires du rôle d'appel du navire-jumeau du «NADINE», le «RALI II», rédigé par le propriétaire, étaient affichés dans la timonerie, la coursive des emménagements sur le pont principal et la cuisine du «NADINE». Le rôle d'appel, qui n'est pas requis par la réglementation canadienne en vigueur, présentait néanmoins les lacunes suivantes :
- le lieu du rassemblement où l'appel devait être effectué;
- les postes d'urgence des membres de l'équipage qui devaient ramasser les deux RLS de classe II;
- les tâches du neuvième membre de l'équipage;
- les tâches de la biologiste de P&O ou le poste d'urgence du membre de l'équipage qui devait la superviser.
Au-dessus des couchettes dans les cabines, il n'y avait pas d'affiche décrivant le poste à être occupé par chaque membre de l'équipage pendant les exercices d'embarcation et d'incendie; aucun règlement n'exige un tel affichage.
1.10.7 Exercices de situation d'urgence
Un exercice avait été effectué le 3 mai 1990 au moment de l'inspection annuelle. On a déclaré qu'un deuxième exercice était habituellement effectué en mer durant la saison estivale. Cependant, d'autres ont affirmé qu'on n'effectuait ordinairement qu'un seul exercice par année. Les règlements exigent que de tels exercices aient lieu au moins une fois par mois à bord des navires de plus de 150 tonneaux de jauge brute (tjb). Les capitaines doivent alors instruire les membres de l'équipage de leurs tâches, des dispositions et des installations du navire de même que de la façon d'utiliser tout matériel dont ils peuvent être appelés à se servir. L'équipage doit démontrer ses connaissances de cet équipement, y compris les combinaisons d'immersion.
Durant l'exercice d'embarcation et d'incendie annuel tenu en mai 1990, les membres de l'équipage ont enfilé un gilet de sauvetage et se sont présentés à leur poste d'appel avec leur combinaison d'immersion. Des équipages d'autres navires étaient rassemblés sur le quai à ce moment-là; parmi la soixantaine de marins-pêcheurs, un ou deux volontaires seulement ont enfilé leur combinaison d'immersion et se sont jetés à l'eau.
Le propriétaire n'avait pas émis de consignes concernant les exercices d'embarcation et d'incendie et aucun règlement ne l'exigeait.
Il n'y avait pas de sonnerie d'alarme générale à bord du «NADINE» et aucune n'était requise. Durant les exercices annuels, l'alarme était donnée à l'aide du sifflet de navire.
1.11 Recherches et sauvetage (SAR)
1.11.1 Appel de détresse
L'appel de détresse du «NADINE» a été capté à 22 h 35 le 16 décembre par la SRGC de Cap-aux-Meules et par le «SIMON FRASER», qui mouillait l'ancre au SW de l'île du Havre-Aubert. À 22 h 37, la SRGC de Cap-aux-Meules a informé le Centre de coordination de sauvetage (CCS) de Halifax de l'événement.
1.11.2 Mobilisation SAR
Dès la réception du message de détresse, le CCS de Halifax a mobilisé quatre unités de surface de la GCC et a assigné des tâches aux bâtiments en transit ou à quai dans le golfe du Saint-Laurent qui pouvaient répondre à l'appel d'urgence.
À 1 h 28, soit environ 2 heures et 45 minutes après le naufrage, le «CAP-AUX-MEULES» a été la première unité de surface à arriver sur les lieux. Une mer de 6 à 7 m gênait les recherches visuelles, la passerelle du cotre n'étant que 3 m environ au-dessus de la surface de l'eau.
À son arrivée sur les lieux des recherches à 3 h 20, le «SIMON FRASER» a exercé les fonctions de coordonnateur des recherches en surface et a assigné des secteurs de recherche aux unités à mesure qu'elles arrivaient.
Le CCS de Halifax a aussi alerté les bases des Forces canadiennes (BFC) de Summerside, de Shearwater et de Greenwood afin de mobiliser des aéronefs à voilure fixe et des hélicoptères. Les conditions météorologiques défavorables ont nui considérablement aux opérations aériennes mais quatre hélicoptères de même que deux aéronefs à voilure fixe ont réussi à décoller le 17 décembre et ont participé aux recherches. Le premier aéronef, un Aurora de la BFC de Greenwood, est arrivé sur les lieux du naufrage à 4 h 45, soit environ six heures après le naufrage.
1.11.3 Objets des recherches
À 6 h 10, le premier objet des recherches, soit l'embarcation de sauvetage, a été repéré par l'aéronef Aurora de concert avec le «SUZANNE P». Il s'agissait de la partie avant de l'embarcation qui avait été sectionnée en deux et aucun survivant n'y a été retrouvé.
À 6 h 35, le «SUZANNE P» a aperçu un feu stroboscopique et a repéré le capitaine ainsi que la première victime. Le «SUZANNE P» a recueilli le capitaine et le «MARY HICHENS» a repêché la victime.
Au lever du jour, le temps s'est apaisé; les vents du secteur est soufflaient de 10 à 15 kn et on observait une mer de 2 à 3 m dans le brouillard.
À 7 h, l'Aurora a repéré un survivant, le maître d'équipage, dans le radeau de sauvetage no 2151 à l'aide d'un détecteur de chaleur. Il a ensuite été recueilli par le «CAP-AUX-MEULES».
À 7 h 15, le «CAP-AUX-MEULES» a repéré le deuxième radeau de sauvetage, no 2077, sans occupant et dont la tente était dégonflée; le «SIMON FRASER» l'a récupéré par la suite.
Vers 8 h, le CCS a décidé que toutes les recherches subséquentes seraient effectuées uniquement pour retrouver des personnes à l'eau; à 8 h 44, tout l'équipement de sauvetage avait été récupéré.
À 9 h 10, le «G.C. GORTON» a repéré une deuxième victime qui a, par la suite, été repêchée par le «SIMON FRASER». À 9 h 30, un aéronef Buffalo a aperçu une troisième victime qui a été repêchée par le «MARY HICHENS». À 9 h 42, le «SIMON FRASER» a repéré et repêché la quatrième et dernière victime de la journée.
À 11 h 40, le «G.C. GORTON» a récupéré la RLS de classe I.
Les recherches de la journée du 17 décembre se sont terminées avec la rentrée des bateaux de pêche entre 18 et 20 h.
Le 18 décembre, les recherches ont repris avec l'aide d'un aéronef Buffalo, d'un hélicoptère Labrador, de quatre navires de la GCC et de plusieurs bateaux de pêche.
À 15 h 10, le «SOULEIADO» a localisé l'épave du «NADINE» par 47°26,43′N et 61°19,35′W par 28 m de profondeur. Des plongeurs à bord du «G.C. GORTON» ont retiré le corps d'un marin-pêcheur de l'épave. À 18 h, le CCS de Halifax a réduit les recherches et, à la tombée du jour, l'opération a pris fin. Le bilan : deux survivants, cinq morts et trois disparus.
Pendant l'inspection sous-marine de l'épave en juillet 1991, le corps de la biologiste a été découvert dans le placard sous la timonerie. Les deux autres disparus n'ont pas été retrouvés.
1.11.4 Survie
Des études démontrent qu'à une température de l'eau de −1 °C, l'espérance de survie d'une personne ne portant pas de combinaison d'immersion est d'environ 20 à 60 minutes (voir l'annexe H). Des cas de personnes qui portaient une combinaison d'immersion et qui ont survécu dans l'eau à des températures de près de zéro jusqu'à 24 heures ont été consignés.
Chaque fois que le capitaine, qui flottait sur l'eau, se mettait à grelotter, il dégonflait sa combinaison d'immersion avant d'y souffler à nouveau de l'air chaud. Il répétait cette opération de trois à quatre fois l'heure. En outre, il s'est retenu d'uriner pour demeurer au sec.
Le maître d'équipage, qui était seul à bord du radeau de sauvetage, a lancé une fusée parachute vers minuit mais aucune unité de sauvetage n'était en vue. Une quinzaine de minutes plus tard, il a aperçu des lumières à l'horizon et il a lancé une deuxième fusée parachute. Les feux pyrotechniques à main n'ont pas été utilisés. Quelques moments plus tard, un aéronef a survolé les lieux.
1.12 Conception du navire
La coque du navire en acier était divisée par trois cloisons transversales étanches, soit une cloison d'abordage entre la citerne du coqueron avant et la soute à combustible au couple 76, une cloison entre l'arrière de la salle des machines et l'avant des cales à poisson au couple 43 ainsi qu'une cloison entre l'arrière des cales à poisson et l'avant de la cambuse au couple 11 (voir l'annexe J). Les deux dernières cloisons étaient munies d'une porte étanche donnant accès au tunnel sous les cales à poisson. Il n'y avait pas de commande à distance de fermeture de ces portes et aucune n'était requise. En outre, aucune affiche n'était apposée sur ces portes recommandant leur fermeture en mer. Plusieurs Bulletins de la sécurité des navires (BSN) de la GCC soulignent que c'est au capitaine qu'il incombe de s'assurer que ces dispositifs de fermeture sont fermés en mer, en cas de besoin.
1.12.1 Cambuse
Sous la rampe arrière, le compartiment de l'appareil à gouverner est entouré de chaque côté des ballasts tribord et bâbord. Le magasin à filets à l'avant est entouré de chaque côté des soutes à combustible tribord et bâbord. À l'avant, le long de l'axe longitudinal, on retrouve un caisson muni d'une porte étanche donnant accès au tunnel de ligne d'arbre et, à bâbord, une descente pour l'écoutillon qui donne accès au pont arrière. Le compartiment de l'appareil à gouverner et le magasin sont séparés par une cloison transversale qui a une ouverture permanente. La cambuse a un volume de 60,4 m3 (voir les annexes J et K).
1.12.2 Tunnel de ligne d'arbre
Ce compartiment s'étend longitudinalement du caisson dans la cambuse à la cloison arrière de la salle des machines. Dans ce compartiment, on retrouve l'arbre porte-hélice, les paliers et le mécanisme de pas variable. Le tunnel fait saillie dans la partie inférieure des cales à poisson. Étant donné que l'espace de service se situe sur bâbord de l'arbre, le tunnel occupe une plus grande partie de la cale bâbord. Le tunnel a un volume de 46,9 m3.
1.12.3 Cales à poisson
Les deux cales à poisson longitudinales s'étendent entre la salle des machines et la cambuse. Une cloison longitudinale étanche au-dessus du tunnel sépare les deux cales. Chaque cale est subdivisée en deux par un plancher, sur le plan horizontal, et en trois par des plaques de séparation en aluminium ondulé, sur le plan vertical. On retrouve un puisard d'assèchement au milieu de chaque cale au droit du tunnel. Le volume des cales tribord et bâbord est de 221 m3 et 213 m3 respectivement.
1.12.4 Salle des machines
Ce compartiment se trouve à l'avant des cales à poisson, sous les emménagements du gaillard d'avant. La salle des machines a un volume de 340 m3.
1.12.5 Ouvertures
1.12.5.1 Écoutillon de la cambuse
Un panneau d'écoutillon, monté sur deux charnières et installé sur le côté bâbord du pont arrière, donne accès à la cambuse (voir l'annexe J). Le panneau de l'écoutillon est fermé hermétiquement par un dispositif de fermeture avec coins en acier. La cambuse était surtout utilisée pour l'entretien du gréement et par le chef mécanicien pour l'inspection de l'appareil à gouverner. Apparemment, personne ne s'est assuré que cet accès était fermé hermétiquement avant d'entreprendre le voyage de retour et aucune voie d'eau dans la cambuse n'aurait été remarquée au cours de la dernière journée. Aucun des deux survivants n'était entré dans la cambuse le jour du naufrage.
1.12.5.2 Tunnel
On a signalé que la porte avant entre le tunnel et la salle des machines demeurait ouverte en tout temps, sur le «NADINE» autant que sur les autres chalutiers, et que la porte arrière au caisson de la cambuse était apparemment fermée au moment de l'événement. Le capitaine n'a pas remarqué d'envahissement par le tunnel durant sa dernière visite au haut de la salle des machines et le chef mécanicien, qui avait le regard fixé vers l'entrée du tunnel, n'a pas parlé d'envahissement au capitaine lors de cette visite.
1.12.5.3 Trous à poisson
Pendant n'importe quelle opération de relevage, le chalut est hissé sur le pont arrière au-dessus des trous à poisson, puis ouvert. La prise, qui se répand sur le pont arrière, descend dans les cales à poisson par ceux des trous à poisson dont on a retiré les couvercles. La prise est alors arrimée dans les divers compartiments des cales à poisson. Quand l'arrimage du poisson dans un compartiment de cale est terminé, et avant que les couvercles soient remis en place, le rebord du ou des trou(s) à poisson est recouvert de silicone pour assurer plus d'étanchéité. Les couvercles sont ensuite remis en place et les cavaliers de couvercle tournés à la position fermée (hermétiquement). Sans cette application de silicone, l'eau pourrait s'infiltrer par les rebords ou les cavaliers des trous à poisson. Les couvercles sont remplacés sur demande, lorsqu'une défectuosité se présente.
On retrouvait 20 trous à poisson sur le pont arrière du «NADINE». Dix-huit des couvercles avaient trois cavaliers, un en avait quatre et un était une tôle soudée de façon permanente.
Durant le dernier voyage de pêche, plusieurs membres de l'équipage avaient participé à la fermeture des trous à poisson. Le maître d'équipage n'a donc pas pu dire avec certitude si tous les trous à poisson avaient été scellés avec du silicone et fermés hermétiquement.
Ni le propriétaire ni le capitaine n'avait émis de directives précisant à quelle personne en particulier incombait la tâche de s'assurer que les ouvertures étaient fermées.
Il est habituel que les trous à poisson soient fermés hermétiquement pendant le voyage de départ et de retour des lieux de pêche pour préserver la glace puis la prise (voir les annexes L, M et N). La GCC a inspecté ces ouvertures en mai 1990 et n'a noté aucune anomalie.
Le Règlement sur l'inspection des grands bateaux de pêche stipule que les couvercles doivent être fixés ou retenus par une chaîne permanente dans l'intérêt de la sécurité. Le BST a constaté la présence d'un seul bout de chaîne à l'envers d'un seul couvercle.
1.12.5.4 Écoutilles
Les écoutilles des cales à poisson servent au chargement de la glace et au déchargement de la prise. Il y en a une par cale sur le pont arrière. Les panneaux de ces écoutilles sont généralement fermés par l'équipe de terre avant l'appareillage et demeurent fermés hermétiquement pendant tout le voyage. Au début du dernier voyage, ces panneaux avaient été fermés hermétiquement par l'équipage. L'inspection sous-marine de 1991 a révélé qu'ils étaient toujours fermés hermétiquement.
En vue de la sécurité, le Règlement sur l'inspection des grands bateaux de pêche stipule que les panneaux d'écoutille doivent être munis de dispositifs pour en assurer l'étanchéité.
1.12.5.5 Salle des machines
Une porte étanche sur le pont arrière fermait la descente extérieure vers la salle des machines tandis qu'on retrouvait une porte coupe-feu au haut de la descente intérieure donnant accès aux emménagements. De chaque côté de la coque, il y avait un conduit de ventilation avec sortie sur le pont des embarcations et arrivée dans la partie supérieure de la salle des machines.
1.12.5.6 Portes des emménagements
On avait l'habitude de laisser ouverte la porte bâbord de la coursive donnant accès au pont arrière afin d'aérer les emménagements. Les hublots sur ce pont étaient condamnés de façon permanente.
1.12.5.7 Évents
Durant la refonte du chalutier en senneur au milieu de sa vie, en 1979, les évents d'origine des ballasts arrière ont été remplacés par des évents sans clapet de non-retour ni couvercle. Le «NADINE» a de nouveau été refondu en chalutier mais les évents n'ont pas été munis de clapets de non-retour ni de couvercles.
Les règlements en vigueur ne font pas mention d'un dispositif d'obturation pour la ventilation.
1.12.5.8 Sabords de décharge
Les paquets de mer qui déferlaient par-dessus le pavois du pont arrière étaient vidangés de chaque côté du navire par une série de quatre sabords de décharge. Le cinquième sabord de chaque côté à l'avant était soudé en position fermée. Au moment de son lancement, le «NADINE» avait six sabords, soit un de 0,179 m² et cinq de 0,336 m² pour un total de 1,859 m².
La surface minimum des sabords de décharge requise pour ce navire était de 1,990 m².
Au moment du naufrage, la surface totale des sabords de décharge était de 1,523 m².
On a signalé que, par gros temps, le «NADINE» était porté à s'engouffrer et à prendre un certain temps avant d'évacuer la mer qui lavait le pont arrière.
1.13 Inspections
1.13.1 Inspections sous-marines
Les inspections sous-marines du BST effectuées sur les lieux du naufrage en avril et juillet 1991 ont permis d'établir les faits suivants :
- la manette du régime était en position plein régime et la manette du pas de l'hélice était en position marche arrière toute;
- le tableau d'alarme dans la timonerie ne comportait pas d'alarme de niveau d'eau pour les cales à poisson ni la cambuse;
- les deux RLS de classe II étaient toujours assujetties dans leur boîtier;
- les évents de la salle des machines, situés de chaque côté des emménagements sur le pont des embarcations, étaient ouverts;
- la porte tribord sur le pont arrière donnant accès à la salle des machines était fermée mais non hermétiquement;
- la porte bâbord sur le pont arrière donnant accès à la coursive des emménagements était ouverte;
- environ 10 m de filet étaient déroulés du tambour de chalut;
- quatorze trous à poisson étaient fermés hermétiquement (voir l'annexe M):
- il n'y avait aucun indice d'avarie aux couvercles des trous à poisson en place;
- six trous à poisson étaient ouverts, deux sur tribord et quatre sur bâbord;
- il y avait cinq couvercles, dont les cavaliers étaient en position ouverte, sur le pont arrière;
- il n'y avait aucun indice d'avarie aux couvercles déplacés;
- il n'y avait aucun indice d'avarie aux rebords des trous à poisson, ouverts et fermés;
- le panneau de l'écoutillon de la cambuse était fermé mais non hermétiquement, la charnière arrière était rompue et les coins d'acier n'étaient pas en place;
- la porte arrière du tunnel dans la cambuse était entrouverte et une section de filet reposait sur le seuil de la porte;
- la porte avant du tunnel dans la salle des machines était fermée mais non hermétiquement.
Le 10 novembre 1991, les plongeurs de la Sureté du Québec (SQ) ont inspecté la carène et ont constaté que la coque n'avait subi aucune avarie majeure, sauf une fissure au bordé de carène au droit du ballast bâbord arrière, et que le pas de l'hélice était en marche arrière.
1.13.2 Inspection à quai
Le 8 novembre 1991, le «NADINE» a été renfloué à l'aide de la grue flottante «TAKLIFT 4» et remorqué au quai de Grande-Entrée, aux Îles-de-la-Madeleine. L'inspection à quai du BST a révélé les faits suivants :
- le navire flottait à quai sans l'aide de pompe;
- sur la console tribord dans la timonerie, on retrouvait les touches suivantes sans étiquetage (voir l'annexe O) :
- embrayage de l'arbre porte-hélice,
- débrayage de l'arbre porte-hélice,
- arrêt d'urgence de la machine principale;
- un levier rouge en position «usage» indiquait que la machine principale était en marche au moment du naufrage;
- le tableau de distribution était alimenté par la génératrice bâbord juste avant le naufrage;
- des 23 valves qui se trouvaient dans la salle des machines, les suivantes ont été retrouvées en position ouverte :
- aspiration d'eau de mer;
- assèchement des ballasts;
- refroidisseur de quille;
- décharge d'incendie et de nettoyage de pont;
- décharge par-dessus bord.
Au cours de l'hiver 1992, les propriétaires actuels ont fait les constatations suivantes :
- on a pompé dans le tunnel l'eau huileuse qui se trouvait dans la cambuse pour en garder le niveau à environ 5 cm sous le parquet du compartiment de l'appareil à gouverner et on n'a remarqué aucune voie d'eau;
- le ballast tribord arrière n'a pu être asséché de façon permanente.
Une inspection de la cambuse effectuée par le BST en avril 1993 a révélé que :
- le niveau de l'eau huileuse dans la cambuse avait augmenté de quelque 10 cm (soit à 5 cm au-dessus du parquet du compartiment de l'appareil à gouverner) après environ un an;
- le presse-étoupe de la mèche du gouvernail était inaccessible.
1.14 Stabilité
Le «NADINE», lorsque chargé comme il l'était au moment de l'accident et avec toutes les ouvertures propices à un envahissement fermées hermétiquement, aurait bénéficié d'un angle d'envahissement de 45,3°, l'envahissement se produisant lorsque les louvres du conduit de ventilation (salle des machines) sur le pont des embarcations étaient submergés. Cependant, lorsque la porte des emménagements sur le pont arrière était ouverte, l'angle d'envahissement n'était plus que de 25,7°. Les normes de stabilité pour les bateaux de pêcheNote de bas de page 6 stipulent que «l'on doit juger qu'un navire a épuisé totalement sa réserve de stabilité à l'angle (d'envahissement)» et les critères de la STAB. 4 de la GCC supposent que l'angle d'envahissement minimal ne devrait pas être inférieur à 30°.
Le BST a fait des calculs pour vérifier les caractéristiques hydrostatique et de compartimentage du navire. On a constaté qu'elles étaient conformes aux données d'origine du constructeur et elles ont été utilisées pour vérifier la stabilité transversale et l'assiette du navire au moment de l'accident.
La condition de stabilité du navire a été évaluée en tenant compte de la condition signalée au départ du voyage de retour et de la perte progressive de stabilité positive pendant quatre heures d'envahissement. Avec un chargement d'environ 150 tonnes de poisson, le navire n'avait qu'environ la moitié de sa capacité maximale. La prise laissée sur le pont arrière n'a eu qu'une incidence marginale sur la stabilité du navire mais, aux fins de la présente étude, on a supposé qu'environ 6,6 tonnes de poisson étaient dans le chalut.
Au début du voyage de retour, le navire bénéficiait d'une stabilité statique et dynamique positive intacte. Cependant, le «NADINE» ne répondait pas aux exigences de la STAB. 4 de la GCC, qui exigent l'intégrité de l'étanchéité de la coque, parce que la porte des emménagements était demeurée ouverte.
Toutefois, même si la cambuse, le tunnel et les deux cales à poisson étaient emplis d'eau, le navire aurait conservé une réserve de flottabilité suffisante et serait demeuré à flot. La stabilité statique et dynamique a diminué graduellement à mesure que l'enfoncement par l'arrière s'est accentué. L'effet de carène liquide induit par l'eau de mer sur le pont arrière a réduit davantage la stabilité résiduelle du chalutier. Malgré l'envahissement complet de certains compartiments, le navire a conservé momentanément une stabilité positive et est demeuré à flot jusqu'à l'épuisement de la réserve de flottabilité.
Il faudrait plusieurs heures d'envahissement au rythme signalé pour que le «NADINE» coule dans de telles conditions.
1.15 Machinerie
1.15.1 Commande-passerelle
Le navire était muni d'un système de commande-passerelle Seffle composé de trois jeux de manettes de commande synchronisés : une manette de pas variable sur la console centrale; une manette de pas variable sur la cloison bâbord de la passerelle; et un jeu de deux manettes sur une console près de la fenêtre ouverte du côté tribord de la timonerie. La petite manette à gauche commandait le régime de la machine principale et la plus grande à droite commandait le pas de l'hélice.
La commande-passerelle était reliée à une installation hydraulique de pas variable fabriquée par Osborne Propellers Ltd. La commande de pas variable était située dans la partie arrière du tunnel tandis que les pompes se trouvaient sous le parquet dans la salle des machines.
Le navire pouvait être immobilisé en mer à partir de la timonerie à l'aide des commandes suivantes :
- le bouton-poussoir noir d'arrêt d'urgence de la machine principale;
- le bouton-poussoir de débrayage de l'arbre porte-hélice;
- la réduction du pas de l'hélice à zéro;
- la réduction du régime de la machine principale.
Au moment de l'abandon du navire, la manette du pas de l'hélice a été ajustée au calibrage deux vers l'avant; ce calibrage équivalant au point mort, le pas a donc été réduit à zéro.
1.15.2 Pannes de pas variable récurrentes
On a déclaré qu'à de nombreuses reprises, à la suite d'une panne d'électricité lors de manoeuvres en mer, le pas était soudainement et automatiquement passé en marche arrière tandis que le navire faisait route. Les alarmes du pas variable ne s'étaient apparemment pas fait entendre lors de ces pannes.
La commande de pas variable du «RALI II» est similaire à celle du «NADINE». Sous la supervision du chef, Division des navires des Laurentides de P&O, des essais de performance de la commande de pas variable ont été effectués à bord de ce navire-jumeau le 17 septembre 1991. On a constaté que, si le navire subit une panne d'électricité lorsqu'il est en marche avant toute, le pas de l'hélice passe de la position avant toute à la position arrière toute en 7 minutes et 15 secondes. Par contre, il n'y a pas de changement du pas de l'hélice si le navire est immobile et l'hélice arrêtée. Le rapport en conclut que, quand le navire fait allure avant toute et que le pas variable devient inopérant, la poussée de l'eau sur les pales amène le pas de l'hélice à passer graduellement de l'avant vers l'arrière. Lorsque le régime de la machine principale est au ralenti, le temps de changement du pas de l'avant vers l'arrière augmente considérablement.
Des renseignements du fabricant de l'hélice à pas variable ont confirmé que «les forces hydrodynamiques feront passer le pas à en arrière toute s'il y a perte de pression hydraulique». La vitesse à laquelle ceci se produit dépend, en partie, du débit auquel «l'huile s'échappe de l'arbre hydraulique intermédiaire vers la citerne».
La banque de données du BST, où sont consignés les événements survenus depuis 1976, ne contient aucun rapport de telles pannes d'électricité ou de tels changements de pas à bord du «NADINE».
1.15.3 Appareil à gouverner
Le groupe électro-hydraulique qui alimentait l'appareil à gouverner comportait un moteur électrique non étanche installé sur la cloison à l'arrière du compartiment de l'appareil à gouverner dans la cambuse.
Quand le capitaine est monté sur la passerelle, le navire virait vers bâbord et l'indicateur de barre, qui ne fonctionnait plus, continuait d'indiquer environ 10° d'angle de barre à bâbord.
Le capitaine a d'abord essayé de remettre le navire sur le cap original en ajustant le cap à suivre du pilote automatique mais ce dernier ne répondait pas. Il a ensuite débranché le pilote automatique mais le navire n'a toujours pas réagi. Après ces tentatives, le pas a été réduit au point mort.
Le capitaine a déclaré qu'il avait tenté d'utiliser le gouvernail en mode manuel, mais que ces tentatives n'avaient pas porté fruit. Le contraire s'est produit lors d'essais effectués sur le navire-jumeau «RALI II» avec la barre en mode manuel. Ces essais ont permis de constater que le gouvernail tourne à l'aide du télémoteur sans qu'il soit nécessaire d'alimenter l'appareil à gouverner.
L'appareil à gouverner du «NADINE» fonctionnait normalement lors du départ de Stephenville.
1.15.4 Groupe électrogène
Deux génératrices assuraient à tour de rôle l'éclairage permanent; elles ne pouvaient pas fonctionner en parallèle. Si la première génératrice tombait en panne, on devait mettre en marche la deuxième manuellement à partir de la salle des machines. Au moment du naufrage, la génératrice bâbord était en marche.
1.15.5 Éclairage d'urgence
L'éclairage d'urgence dans les descentes et la salle des machines était alimenté par deux batteries en série. Le tableau de distribution de l'éclairage d'urgence se trouvait dans la timonerie mais, au moment du naufrage, l'alimentation n'était pas actionnée. Le navire a subi une perte d'éclairage avant de s'engloutir et l'abandon s'est fait dans la noirceur totale.
1.16 Renseignements sur l'assèchement
1.16.1 Aspirations d'assèchement
Il y avait une aspiration d'assèchement dans le compartiment de l'appareil à gouverner, le magasin de la cambuse, le tunnel et chaque cale à poisson de même que deux dans la salle des machines.
L'assèchement était assuré par deux pompes principales branchées l'une sur une génératrice et l'autre sur un moteur électrique. En cas d'urgence, une troisième pompe auxiliaire pouvait être amorcée. De plus, une pompe manuelle pouvait épuiser le magasin du gaillard d'avant. Aucune pompe submersible à lancement automatique n'était installée à bord. Tout pompage était amorcé de la salle des machines.
L'inspection des valves effectuée après le renflouement du navire a permis de constater que l'assèchement de la cambuse, du tunnel et de la salle des machines n'était pas en marche au moment du naufrage. Seules les valves des ballasts arrière étaient ouvertes.
1.16.2 Tableau d'alarme
On retrouvait, dans la timonerie, un tableau qui comportait des alarmes sonores et visuelles pour le tunnel et la salle des machines seulement. Il n'y avait aucun détecteur de niveau d'eau pour les cales à poisson et la cambuse, qui comprenait le magasin arrière et le compartiment de l'appareil à gouverner (voir photographies à l'annexe P).
Le tableau a été récupéré de l'épave mais, bien que les filaments de plusieurs ampoules de voyant étaient rompus, l'examen n'a pas permis de déterminer si les voyants étaient allumés au moment du naufrage.
Aucun règlement n'exige l'installation d'alarme de niveau d'eau dans les divers compartiments d'un bateau de pêche canadien.
1.16.3 Voie d'eau
Deux jours avant le naufrage, soit le vendredi 14 décembre, le chef mécanicien a vidangé la cambuse en utilisant la pompe de la salle des machines. Il a resserré le presse-étoupe de la mèche du gouvernail au même moment. La voie d'eau aurait été appréciable, car le niveau d'eau était supérieur au parquet du compartiment de l'appareil à gouverner. Ce n'est que le lendemain que le chef mécanicien a signalé au capitaine cette voie d'eau, qui semble avoir envahi seulement le compartiment de l'appareil à gouverner et dont la source est inconnue. Le capitaine n'a pas questionné de nouveau le chef mécanicien ni vérifié lui-même le niveau d'eau dans la cambuse pour s'assurer que la voie d'eau était aveuglée de façon permanente.
Le capitaine a vu le chef mécanicien descendre dans la cambuse le jour du naufrage mais aucune nouvelle voie d'eau ne lui a été signalée. Le maître d'équipage n'avait pas vu la voie d'eau du 14 décembre et n'est pas descendu dans la cambuse le 16 décembre.
1.17 Renseignements sur le voyage
1.17.1 Chargement
Au début du voyage, on a fait le plein d'eau potable et les soutes à combustible accusaient un creux d'environ 250 mm. Cinquante-six tonnes de glace avaient été chargées dans la cale à poisson pour la conservation de la prise.
Selon le capitaine, la majorité des chalutiers à pêche arrière sont chargés de l'arrière vers l'avant de la cale à poisson. Puisque le «NADINE» accusait une assiette sur le cul en condition lège, les cales à poisson ont été chargées en diagonale, soit simultanément dans la partie avant de l'une et dans la partie arrière de l'autre. Les parties au centre n'étaient jamais remplies à pleine capacité puisque le «NADINE» ne chargeait jamais du sébaste à sa pleine capacité à cause d'un quota par voyage de quelque 147 tonnes (325 000 lb). La capacité maximale des cales à poisson du «NADINE» était de 325 tonnes (716 800 lb).
Durant ce dernier voyage, cinq traits de chalut avaient permis au «NADINE» de remonter une prise totale de 149,7 tonnes (330 000 lb).
Lorsque la dernière prise a été laissée sur le pont arrière, dans le chalut de 1 m de haut et de 10 m de long, ce dernier a été coincé contre le tambour plutôt que d'être assujetti sur le pont. Il aurait fallu une vingtaine de minutes pour arrimer le reste de la dernière prise de poisson dans les cales.
Avant le naufrage, les deux ballasts à la hauteur du compartiment de l'appareil à gouverner étaient vides. Ces ballasts pouvaient servir à équilibrer le navire au besoin.
1.17.2 Heurt
Selon les témoignages, le navire n'aurait pas heurté un récif ou tout autre objet qui aurait pu provoquer une voie d'eau.
1.18 Repos
Pendant les traits de chalut, le capitaine assurait normalement la conduite du navire. Le capitaine a passé la conduite du navire au second vers 21 h 30 le 16 décembre après avoir dirigé l'équipage durant une période de plus de deux jours, à part quelques périodes de repos. Il n'était dans sa cabine que depuis moins d'une heure quand le second l'a rappelé à la timonerie à 22 h 30 le 16 décembre.
Le second avait pris une période de repos pendant la journée du 16 décembre avant de relever le capitaine au quart. Les éléments de preuve recueillis n'ont pas permis de déterminer si le «NADINE» se conformait à l'exigence réglementaire pour un navire de sa taille, à savoir qu'une personne qualifiée supplémentaire soit à la passerelle.
Les équipages ont une période de congé d'environ deux jours entre chaque voyage de pêche d'une durée de cinq à six jours chacun.
1.19 Entretien et sécurité
Au retour de chaque voyage, le second capitaine et le chef mécanicien soumettaient une liste de réparations à faire effectuer par l'équipe d'entretien de terre. Un registre était tenu seulement pour l'entretien de la machine principale et des moteurs auxiliaires (vidange d'huile, etc.). Le directeur de la flotte rencontrait le capitaine et le chef mécanicien pour les demandes et pour transmettre les directives du propriétaire concernant la gestion des pêches.
Le propriétaire ne semble avoir reçu aucun document de la GCC et le directeur de la flotte avait cessé de recevoir les Avis à la navigation parce qu'il ne les trouvait pas utiles. Toutefois, on n'a pas pu faire la distinction entre un Avis aux navigateurs, un Avis à la navigation (Avnav) et un Bulletin de la sécurité des navires.
Le capitaine avait l'entière responsabilité de la sécurité à bord.
2.0 Analyse
2.1 Voie d'eau dans le dernier port de refuge
Il y a incertitude en ce qui concerne l'origine de la voie d'eau constatée durant l'escale à Stephenville. Aucun élément de preuve ne porte à croire qu'il y ait eu un heurt ou un talonnage. Le presse-étoupe de la mèche du gouvernail avait été resserré et la cambuse avait été vidangée. On a déclaré que, sur ce navire tout comme sur d'autres navires de la flotte, le presse-étoupe devait être resserré périodiquement. On ne sait pas si les mesures correctives prises à Stephenville étaient permanentes. Les survivants ne s'étaient pas rendus dans la cambuse au cours du voyage de retour. Le presse-étoupe étant toujours inaccessible et le propriétaire n'ayant fourni que des registres d'entretien sommaires, l'état et l'entretien du presse-étoupe n'ont pas pu être vérifiés. On a signalé que de telles voies d'eau s'étaient produites par le passé. Peu importe l'ampleur de la voie d'eau, l'inspection d'avril 1993 a permis de constater que, lorsque le navire était à quai et la mèche du gouvernail était immobile depuis un bon moment, très peu d'eau pénétrait dans le compartiment de l'appareil à gouverner. Les faits laissent supposer que l'entrée d'eau avant le naufrage n'a pu se produire que par suite d'un envahissement par les hauts.
2.2 Fermeture des ouvertures
Lorsque l'équipage a jugé bon de laisser une partie de la dernière prise sur le pont, les trous à poisson situés sous le chalut sont devenus inaccessibles. Les couvercles de ces trous à poisson n'ont donc pas été fermés hermétiquement. D'autres trous à poisson sur la partie avant du pont arrière n'ont pas été fermés hermétiquement, probablement parce qu'on aura oublié de le faire.
2.3 Veille
Bien que le second se soit reposé pendant la journée du 16 décembre, il se peut très bien qu'il était fatigué à cause de la pêche des deux derniers jours, lorsqu'il a pris le dernier quart. Il se peut également qu'aucun autre membre de l'équipage ne se trouvait dans la timonerie pour aider le second à demeurer vigilant. Le second n'était donc peut-être pas au meilleur de sa forme lorsque la situation d'urgence s'est présentée.
Le chef mécanicien n'avait pas d'horaire fixe et il est donc impossible de déterminer s'il a travaillé dans la soirée du 16 décembre.
2.4 Premier indice de voie d'eau
Lorsque le «ADÈLE» a communiqué avec le «NADINE», le second capitaine du «NADINE» a mentionné que le navire roulait beaucoup. Ceci aurait pu indiquer que la stabilité du navire avait été modifiée par suite d'un envahissement par les hauts. Une accumulation d'eau et l'effet de carène liquide qui en découle peuvent altérer la manoeuvrabilité d'un navire. Ce premier indice que le navire était en difficulté a été confirmé quand le second à la passerelle a constaté que l'appareil à gouverner était en panne. Quelques moments plus tard, on a constaté l'envahissement de la cambuse. L'envahissement a court-circuité le moteur électrique, causant la panne du groupe électro-hydraulique de l'appareil à gouverner. Il n'y avait pas de détecteur de niveau d'eau dans la cambuse et, par conséquent, il n'y avait pas d'alarme dans la timonerie pour avertir le personnel navigant.
Des inspections de la carène effectuées en 1991 ont révélé que le navire n'avait pas coulé à la suite d'une voie d'eau importante sous la flottaison. En outre, puisque le «NADINE» naviguait depuis une quinzaine d'années et avait essuyé à maintes reprises des tempêtes au moins aussi grosses, la conception du navire ne peut être mise en cause dans l'événement à l'étude.
2.5 Envahissement des compartiments
L'augmentation de l'assiette sur le cul qu'on a signalée doit être le résultat de l'envahissement des compartiments arrière du navire. Il est possible qu'une voie d'eau dans le presse-étoupe ait contribué à l'envahissement de la cambuse mais ce compartiment aurait tout de même été envahi par l'écoutillon puisque les inspections sous-marines ont révélé que le panneau de l'écoutillon de la cambuse n'était pas fermé hermétiquement, les coins n'ayant pas été mis en place. Probablement sous l'effet de la mer qui lavait continuellement le pont, une des charnières du panneau de l'écoutillon a été endommagée parce que le panneau n'était pas fermé hermétiquement. Le mouvement de l'eau de mer sur le pont arrière qui était causé par le tangage, le roulis et la gîte du navire a mis le chalut en mouvement et les couvercles des trous à poisson qui n'étaient pas fermés hermétiquement se sont désencastrés de leur rebord.
Il y avait deux fois plus de couvercles fermés non hermétiquement sur la cale à poisson bâbord que sur celle de tribord (voir l'annexe M). Des couvercles des trous à poisson qui n'étaient pas fermés hermétiquement, ceux situés le plus à l'arrière étaient les plus susceptibles de s'ouvrir en premier, car ils auraient été déplacés par le chalut. Il s'agissait des trous à poisson de la cale bâbord. La cale bâbord a fort probablement été envahie en premier par les trous à poisson situés à l'arrière. Pendant que les compartiments arrière se remplissaient, l'enfoncement par l'arrière s'accentuait et de plus en plus de paquets de mer déferlaient sur le pont arrière au-dessus des cales à poisson.
Puisqu'elles n'étaient pas fermées hermétiquement, les portes du tunnel ont favorisé un envahissement du tunnel par la cambuse et, par conséquent, de la salle des machines. En outre, l'ouverture des portes de la coursive et de la descente sur le pont arrière a également favorisé l'envahissement de la salle des machines.
Puisque les évents des ballasts arrière n'étaient pas munis de clapets de non-retour ni de couvercles, il est possible que ces ballasts aient été envahis.
La porte bâbord des emménagements étant demeurée ouverte par gros temps, l'eau de mer a pu gagner les emménagements lorsque le navire a pris de la gîte sur bâbord.
Quand le navire a atteint une gîte de 45°, les louvres du conduit de ventilation bâbord de la salle des machines ont contribué à l'envahissement.
2.6 Rassemblement
Compte tenu de l'entraînement insuffisant aux exercices d'embarcation et d'incendie de même que de la fatigue des membres de l'équipage, il est possible que leur rendement en situation d'urgence ait quelque peu manqué d'efficacité. À bord du «NADINE», la participation aux exercices d'embarcation et d'incendie était obligatoire. Cependant, un seul exercice par année ne permet pas à l'équipage de connaître à fond le plan d'action à adopter en situation d'urgence.
Le propriétaire avait affiché un rôle d'appel qui était une copie de celui du navire-jumeau («RALI II») et qui ne comprenait pas le lieu du rassemblement pour l'appel, le poste d'urgence des membres de l'équipage responsables de ramasser les RLS de classe II ni les tâches assignées au neuvième membre de l'équipage et à la biologiste. Le manque de tels renseignements a pu nuire à la manière dont les membres de l'équipage ont réagi à la situation d'urgence.
Parce que le capitaine a décidé d'envoyer le second réveiller individuellement chaque membre de l'équipage, on a perdu un temps précieux pour l'abandon. Les derniers à être réveillés ont disposé de peu de temps pour s'habiller et se rendre au pont des embarcations avant le naufrage. En outre, le temps que le second a passé à donner l'alerte a retardé la mise à l'eau du radeau de sauvetage. On a déclaré s'être servi du sifflet du navire pour sonner l'alarme, mais rien n'indique qu'on l'ait entendu. Le rassemblement s'est toutefois fait mais aucun compte n'a été fait à la sortie de la timonerie.
Quand on a évacué la timonerie, le pas de l'hélice a été réduit au point mort mais l'arbre porte-hélice n'a pas été débrayé et la machine principale n'a pas été stoppée.
2.7 Mise à l'eau du radeau de sauvetage
Le manque de formation adéquate ou la formation limitée relativement aux procédures en situation d'urgence des membres de l'équipage a pu contribuer à la difficulté à mettre à l'eau le radeau de sauvetage tribord. Le mauvais temps a sûrement joué un rôle mais, si les membres de l'équipage avaient utilisé de bonnes méthodes, il est possible que plus d'un d'entre eux auraient réussi à monter à bord du radeau.
Les radeaux de sauvetage pneumatiques comme ceux du «NADINE» sont conçus pour qu'on y embarque de la mer. Le premier naufragé peut sauter sur la tente du radeau et se rendre à l'intérieur tandis que les autres naufragés doivent se jeter à l'eau près du radeau et se hisser à bord avec l'aide de la personne s'y trouvant déjà.
2.8 Perte d'éclairage
Lorsque la génératrice bâbord en usage a été immergée, le navire a été plongé dans la noirceur totale. Il n'y avait aucun éclairage d'urgence parce qu'on n'a pas actionné le commutateur dans la timonerie. Il est possible que l'obscurité ait contribué à la confusion et à la panique pendant l'abandon.
2.9 Engloutissement
Étant donné que l'envahissement initial s'est produit dans les compartiments à l'arrière, le navire a commencé par avoir une assiette sur le cul et cette assiette sur le cul a augmenté à mesure que l'envahissement se poursuivait. Lorsque la réserve de flottabilité a été épuisée, le navire a coulé par l'arrière.
2.10 Survie et sauvetage
La survie des membres de l'équipage du «NADINE» dépendait directement de l'utilisation des combinaisons d'immersion. Le capitaine, qui avait enfilé sa combinaison correctement, a survécu de nombreuses heures sans conséquence grave. Ceux qui portaient une combinaison mais ne l'avaient pas fermée avaient une meilleure chance de survie que ceux qui n'en avaient pas du tout. Les membres de l'équipage qui n'avaient pas revêtu leur combinaison n'avaient que peu de chances de survivre au-delà de quelques minutes.
Pour être efficace, une combinaison d'immersion doit être étanche. Il est donc d'une importance primordiale que la fermeture à glissière soit fermée hermétiquement. Certains membres de l'équipage semblent avoir sous-estimé l'importance d'enfiler leur combinaison d'immersion et de la fermer hermétiquement avant de quitter la timonerie.
2.11 RLS
Les RLS avaient été installées sur le «NADINE» peu avant la fin de la saison 1990. Toutefois, ni le capitaine ni l'équipage ne savait comment les utiliser et ces dernières n'ont pas contribué aux opérations de sauvetage. Aucun de ces trois émetteurs n'a transmis de signal de détresse mais le message radiotéléphonique de détresse a été capté par la GCC et les unités SAR ont trouvé le lieu du naufrage sans difficulté.
2.12 Avaries
L'inspection sous-marine de la coque a révélé qu'il n'y avait qu'une seule fissure susceptible de provoquer une voie d'eau. Il a été impossible de déterminer la cause cette avarie. Toutefois, les témoins ont déclaré n'avoir senti aucune secousse avant le naufrage et il n'existe aucun indice qu'un problème structural se soit manifesté avant le naufrage.
L'endroit où la fissure s'est produite aurait été le point de contact du navire avec le fond de la mer. On croit donc que le navire a peut-être subi cette avarie lorsqu'il a heurté le fond.
Après avoir été récupéré, le navire flottait bien droit sans aide de pompe, malgré la présence d'eau dans la cambuse et les deux ballasts arrière.
2.13 La biologiste
La biologiste n'avait pas participé à un exercice d'embarcation et d'incendie à bord du «NADINE» et, au moment de l'accident, le personnel de P&O, comme la biologiste, n'était pas tenu de suivre des cours FUM avant d'aller en mer.
On ne sait pas si la biologiste avait reçu une combinaison d'immersion. Il y de fortes chances que, si la biologiste avait reçu une combinaison, elle l'aurait entreposée dans le magasin avec celles de l'équipage.
Bien qu'il soit possible d'avancer plusieurs hypothèses, on ignore pourquoi le corps de la biologiste se trouvait dans le placard sous la timonerie.
On sait toutefois qu'il y avait un corps de même que deux combinaisons dans la timonerie et que les plongeurs ont noté un courant appréciable à l'intérieur de l'épave. Le membre de l'équipage et la biologiste tentaient peut-être d'enfiler leur combinaison dans la timonerie quand le navire a coulé.
2.14 Fatigue
Le dernier jour, l'équipage se ressentait probablement de la fatigue accumulée durant la pêche. Les éléments de preuve indiquent qu'il est possible qu'ils aient été moins vigilants qu'à l'ordinaire quand est venu le temps de sceller les couvercles des trous à poisson et de les remettre en place.
2.15 Température froide
Certains membres de l'équipage se ressentaient sans doute du froid. Ils ont donc pu éprouver de la difficulté à mettre le radeau de sauvetage à l'eau.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis
- L'origine de la voie d'eau à Stephenville demeure inconnue et on ignore si elle avait été aveuglée de façon permanente. La voie d'eau n'a été signalée au capitaine que le 15 décembre, alors que le navire avait déjà repris le large.
- Le presse-étoupe de la mèche de gouvernail avait fait eau à de nombreuses reprises par le passé et il a dû être resserré à Stephenville.
- Cinq des 10 personnes composant l'effectif avaient suivi des cours FUM.
- Seul le radeau de sauvetage pneumatique tribord était accessible au moment du naufrage. Le radeau de sauvetage bâbord et l'embarcation de sauvetage bâbord n'étaient pas accessibles en raison de la forte gîte du navire.
- Parce qu'ils n'avaient pas reçu une formation suffisante à cet égard, les membres de l'équipage ne savaient pas tous qu'ils devaient enfiler une combinaison d'immersion avant d'abandonner le navire.
- Cinq membres de l'équipage ont revêtu une combinaison d'immersion mais un seul l'a fermée hermétiquement.
- Les deux survivants portaient leur combinaison d'immersion.
- Certains membres de l'équipage ont eu de la difficulté à enfiler leur combinaison d'immersion et à les fermer hermétiquement.
- La RLS de classe I s'est dégagée automatiquement mais elle n'a pas fonctionné parce qu'elle n'avait pas été armée lors de son installation à bord du navire.
- Les deux RLS de classe II n'ont pas été armées et n'ont pas été jetées à l'eau ou apportées à bord du radeau de sauvetage.
- L'équipage n'avait pas reçu une formation adéquate concernant l'utilisation des RLS.
- Les RLS n'étaient pas dûment marquées de façon à être facilement identifiées.
- L'équipage n'était pas soumis à un exercice de sauvetage réglementaire à tous les mois.
- Le rôle d'appel ne comprenait pas l'étape de faire le compte de l'équipage en un lieu précis ni la responsabilité de larguer les RLS.
- Les cloisons transversales à l'avant et à l'arrière des cales à poisson du «NADINE» n'étaient pas étanches parce que les portes du tunnel n'étaient pas fermées hermétiquement.
- Il n'y avait pas d'avis affiché sur les portes étanches indiquant qu'elles devaient être fermées.
- Le panneau de l'écoutillon donnant accès à la cambuse n'était pas fermé hermétiquement.
- La porte bâbord de la coursive donnant accès au pont arrière était ouverte et la porte tribord donnant accès à la salle des machines n'était pas fermée hermétiquement.
- Il n'y avait pas de couvercle pour fermer hermétiquement les évents.
- La surface totale des sabords de décharge était inférieure au minimum requis à des fins de sécurité.
- Les interrupteurs de l'installation d'éclairage d'urgence étaient en position ouverte (off) et l'éclairage d'urgence n'a pas fonctionné lors de la panne d'électricité.
- Il y avait 143 tonnes de poisson arrimé dans les cales à poisson et 7 tonnes sur le pont arrière (chiffres approximatifs).
- Avant l'envahissement des compartiments arrière, le chalutier aurait bénéficié d'une stabilité statique et dynamique respectant les normes STAB. 4, si les ouvertures sur le pont arrière avaient été fermées hermétiquement.
- Seules les valves des ballasts arrière étaient ouvertes.
- Les boutons-poussoirs d'arrêt d'urgence de la machine principale, de l'embrayage et du débrayage de l'arbre porte-hélice n'étaient pas identifiés et le capitaine ne connaissait pas leur usage.
- On n'a pas stoppé la machine principale avant d'abandonner le navire.
- Le tableau d'alarme de la timonerie ne comportait pas une alarme de niveau d'eau pour les cales à poisson et la cambuse.
- Il y avait deux trous à poisson non fermés hermétiquement dans la cale à poisson tribord et quatre dans celle de bâbord. Une dizaine de trous à poisson n'avaient pas été scellés au silicone.
- Après le naufrage, la manette du régime de la machine principale a été trouvée en position plein régime et la manette du pas de l'hélice était en position marche arrière toute.
- L'appareil à gouverner électro-hydraulique a été le premier mécanisme auxiliaire à tomber en panne.
- Le navire fuyait devant une grosse mer.
- À la suite d'un envahissement, l'arrière du chalutier s'est enfoncé et une gîte vers bâbord s'est développée mais ceci n'a été remarqué que lorsque la situation est devenue critique.
- La réserve de flottabilité a été épuisée par l'envahissement.
- Une seule personne a réussi à monter à bord du radeau de sauvetage tribord.
- Le bordé de carène au droit du ballast bâbord arrière a été retrouvé rupturé au fond de la mer.
- Même si le CGCC «CAP-AUX-MEULES» a été la première unité à arriver sur les lieux du naufrage (LKP), il n'a pas pu faire de recherches visuelles adéquates dans la grosse mer en raison de sa faible dimension.
3.2 Causes
Le «NADINE» a coulé parce que les ouvertures sur le pont arrière et celles des cloisons transversales n'étaient pas fermées hermétiquement. De l'eau a ainsi pu s'infiltrer et a éventuellement envahi la cambuse, les cales à poisson et la salle des machines. Cette infiltration d'eau a graduellement réduit la stabilité du navire jusqu'à ce que la réserve de flottabilité soit épuisée et que le navire coule. Le mauvais temps, l'obscurité, le manque de formation de même que la rapidité de l'engloutissement ont nui à l'abandon du navire et ont contribué aux pertes de vie.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 La société Madelipêche Inc.
Les combinaisons d'immersion qui se trouvaient à bord du «NADINE» étaient d'une taille universelle et certains membres de l'équipage ont eu de la difficulté à les enfiler et à les fermer de façon étanche. Depuis cet événement, Madelipêche remet à chaque membre des équipages de sa flotte sa propre combinaison d'immersion. La société a aussi fait l'acquisition de combinaisons d'immersion de très grande taille.
4.1.2 Le ministère des Pêches et Océans (P&O)
Par suite de l'événement à l'étude, P&O exige désormais que tous les membres de son personnel scientifique allant en mer suivent des cours sur les Fonctions d'urgence en mer (FUM).
4.1.3 La Garde côtière canadienne (GCC)
La radiobalise de localisation des sinistres (RLS) de classe I qui se trouvait à bord du «NADINE» s'est dégagée automatiquement mais elle n'avait pas été armée. Une inspection subséquente a indiqué que le bouton d'armement de la RLS n'avait pas été tourné de la position «sûreté» à la position «armé» pendant l'installation. La GCC a par la suite émis un Avis à la navigation (Avnav) et un Bulletin de la sécurité des navires (BSN no 1/91) soulignant l'importance de régler convenablement dès l'installation toutes les RLS de classe I à dégagement hydrostatique pour qu'elles fonctionnent automatiquement en situation d'urgence.
4.1.4 Le Bureau de la sécurité des transports (BST)
4.1.4.1 Avis de sécurité maritime
À la lumière des premières constatations de l'enquête, en mai 1991, on a fait part à la GCC des préoccupations liées à la sécurité suivantes :
- le caractère adéquat des cours FUM et des habiletés en matière de survie des membres des équipages de navire;
- l'efficacité des méthodes utilisées pour les exercices d'embarcation et d'incendie;
- le caractère adéquat des procédures de réglage et des méthodes d'utilisation des RLS;
- l'usage en ce qui concerne la fermeture de façon hermétique des ouvertures dans les cloisons étanches des navires;
- l'utilisation des combinaisons d'immersion.
4.1.4.2 Recommandations en matière de sécurité maritime
Après le naufrage du dragueur de pétoncles «CAPE ASPY» en janvier 1993, le Bureau a constaté des manquements à la sécurité communs à la fois au «NADINE» et au «CAPE ASPY» et a fait trois recommandations :
- Étanchéité et ouvertures dans la coque
Vu les naufrages qui continuent d'être causés par l'envahissement par les hauts dû à des ouvertures mal fermées, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports mette au point et prenne des mesures pour s'assurer que les propriétaires, les exploitants et les capitaines de navires qui relèvent de sa compétence reçoivent la formation voulue et disposent de procédures concernant la fermeture de toutes les ouvertures extérieures et intérieures de leurs navires afin de préserver l'intégrité de l'étanchéité de la coque dans les conditions ambientes rencontrées.
Recommandation M93-01 du BSTDans sa réponse, Transports Canada (TC) a indiqué que les examinateurs des capitaines, des lieutenants et des mécaniciens rappelleraient à l'attention de l'industrie l'importance de l'intégrité de l'étanchéité, en particulier pour la stabilité des navires, en posant davantage de questions sur ces sujets. En outre, la GCC a diffusé un BSN demandant instamment aux navigateurs et aux exploitants de garder les ouvertures étanches bien fermées en tout temps sauf lorsqu'il est absolument nécessaire de les ouvrir pour accéder à certains compartiments (BSN no 16/92). La GCC a aussi fait circuler à nouveau les BSN nos 1/83 et 4/87 portant sur le même sujet.
- Diffusion de l'information sur la sécurité maritime
Compte tenu du manque de connaissances qui persiste chez les pêcheurs vis-à-vis de renseignements importants pour la sécurité dont beaucoup ont déjà été diffusés par TC dans des BSN, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports évalue l'efficacité de ses méthodes de diffusion de l'information sur la sécurité maritime destinée aux capitaines de bateaux de pêche et aux pêcheurs.
Recommandation M93-02 du BSTPour faire suite à la recommandation M93-02, TC a envoyé un BSN spécial à plusieurs milliers de nouveaux destinataires dont de nombreux propriétaires de bateaux de pêche. Dans ce numéro spécial, on demandait à tous les lecteurs d'informer les collègues, les propriétaires de navires et les compagnies de l'existence des BSN afin que ceux-ci se fassent ajouter sur la liste de diffusion. On trouvait aussi dans ce numéro une liste des titres de tous les BSN publiés depuis 1977, lesquels ont été inclus dans un Avis aux navigateurs.
- Arrimage et mise à l'eau manuelle des radeaux de sauvetage
Compte tenu des conditions extrêmement difficiles dans lesquelles les abandons sont souvent effectués, le Bureau estime que tous les engins de sauvetage devraient être facilement accessibles et faciles à déployer afin de permettre l'abandon du navire en toute sécurité. En conséquence, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports s'assure qu'à bord de tous les navires approuvés ou inspectés par le gouvernement fédéral, les radeaux de sauvetage soient arrimés de façon à faciliter la mise à l'eau manuelle dans toutes les conditions que le navire est susceptible de rencontrer.
Recommandation M93-03 du BSTEn réponse à la recommandation M93-03, la GCC a diffusé le BSN no 9/93 qui contient des recommandations relatives à l'arrimage et à l'installation des radeaux de sauvetage pneumatiques à jeter manuellement par-dessus bord, recommandations qui ont pour but de faciliter la mise à l'eau dans des conditions propices au givrage.
- Sabords de décharge
Les règlements exigent que les bateaux de pêche soient munis de sabords de décharge ayant une surface de dégagement combinée suffisante pour assurer une évacuation rapide et efficace de l'eau embarquée sur le pont. Il y avait six sabords de décharge de chaque côté du «NADINE». Toutefois, le cinquième sabord le plus à l'avant, de chaque côté, était soudé en position fermée. On a signalé que le «NADINE» était lent à évacuer les paquets de mer qui lavaient le pont arrière.
Il n'est pas rare de trouver, sur de nombreux bateaux de pêche, des sabords de décharge qui ont été soudés ou boulonnés en position fermée afin d'empêcher que la prise ou de l'équipement ne glisse à la mer. Apparemment, les équipages ne sont pas toujours conscients des dangers associés à l'accumulation d'eau sur le pont.
Après un événement survenu en 1990 et ayant entraîné le naufrage du bateau de pêche «STRAITS PRIDE II», le Bureau, préoccupé par les effets néfastes sur la stabilité d'un navire que peut avoir l'incapacité d'évacuer adéquatement l'eau embarquée sur le pont, a recommandé que :
Le ministère des Transports souligne, grâce à un programme de sensibilisation en matière de sécurité à l'intention des exploitants, officiers et équipages de bateaux de pêche, les conséquences d'une insuffisance des moyens d'assèchement des ponts sur l'aptitude des navires à tenir la mer.
Recommandation M92-09 du BSTEn réponse à cette recommandation, TC a indiqué que le Ministère continuerait à diffuser largement le Petits bateaux de pêche : Manuel de sécurité, TP 10038, qui traite de la stabilité des petits bateaux de pêche.
4.2 Mesures à prendre
4.2.1 Détecteurs de niveau d'eau
L'eau qui a envahi la cambuse, les cales à poisson et, finalement, la salle des machines du «NADINE», a graduellement réduit la stabilité du navire jusqu'à ce que la réserve de flottabilité soit épuisée et que le navire coule. L'envahissement de la cambuse a créé un court-circuit dans le moteur électrique et a rendu l'appareil à gouverner inopérant. Les cambuses sont des compartiments qui présentent des dangers particuliers qui ont été à l'origine de nombreux accidents de bateaux de pêche. Par conséquent, la North Pacific Fishing Vessels Owners Association des États-Unis suggère fortement qu'on y installe des alarmes de niveau d'eau.
Les bateaux de pêche comportent de nombreuses ouvertures au-dessus et en-dessous des ponts et l'intégrité de leur étanchéité dépend de la vigilance et de la rapidité de réaction de l'équipage. Ces dernières années, l'incapacité de dépister et d'aveugler rapidement des voies d'eau a provoqué le naufrage de plusieurs bateaux de pêche. Par exemple, le bateau de pêche «NORTHERN OSPREY» a coulé parce que l'envahissement de la salle des machines n'a pas été décelé à temps. L'alarme de haut niveau d'eau de la salle des machines était alors débranché.
À l'heure actuelle, les règlements n'exige pas l'installation d'alarmes de niveau d'eau dans divers compartiments des bateaux de pêche. En conséquence, il n'y avait à bord du «NADINE» ni détecteur ni alarme de niveau d'eau dans les cales à poisson, la cambuse et le compartiment de l'appareil à gouverner. L'absence de détecteurs de niveau d'eau et de dispositifs d'alarme sur la passerelle explique que l'équipage ait tardé à déceler l'envahissement qui a éventuellement provoqué le naufrage du «NADINE».
Tout retard dans le dépistage d'une voie d'eau et l'assèchement d'un compartiment peut compromettre la navigabilité d'un navire à cause des effets néfastes de l'effet de carène liquide sur la stabilité du navire. Par conséquent, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports exige l'installation de détecteurs de niveau d'eau dans tous les compartiments situés sous la flottaison des grands bateaux de pêche.
Recommandation
M94-06 du BST
4.2.2 Exercices d'embarcation et d'incendie à bord des bateaux de pêche
La décision d'abandonner un navire en mer est souvent prise très rapidement et sous une pression très forte. Mieux les membres de l'équipage connaissent l'équipement de survie de leur navire et la façon de s'en servir, mieux ils seront en mesure de faire face à une situation d'urgence.
Le fait de revêtir les combinaisons d'immersion pendant des exercices qui se tiennent à plusieurs reprises au cours de la saison peut raccourcir le temps nécessaire pour trouver et enfiler ces combinaisons dans une situation d'urgence réelle. Pendant les exercices, il est en outre possible de déceler les défectuosités des fermetures à glissière des combinaisons d'immersion ou des mécanismes de dégagement des embarcations de sauvetage, etc. et d'apporter les correctifs nécessaires avant qu'une situation d'urgence réelle ne survienne.
Certains membres de l'équipage du «NADINE» ont eu de la difficulté à enfiler et à fermer leur combinaison d'immersion. Certaines combinaisons étaient déchirées, les fermetures à glissière d'autres combinaisons, mal entretenues, étaient difficiles à fermer. Des cinq membres de l'équipage qui avaient enfilé leur combinaison d'immersion, seul le capitaine a réussi à fermer la sienne correctement. Le maître d'équipage, malgré plusieurs tentatives, n'est pas parvenu à fermer sa combinaison convenablement. Il n'avait jusqu'alors jamais enfilé de combinaison d'immersion.
L'actuel Règlement sur les exercices d'embarcation et d'incendie exige que des exercices soient effectués régulièrement à des intervalles d'au plus un mois à bord des navires de la catégorie du «NADINE». Le capitaine doit consigner dans le journal de bord officiel ou dans un autre registre tous les détails de chacun des exercices d'embarcation et d'incendie. Toutefois, de tels exercices ne se tenaient pas régulièrement sur le «NADINE». Il n'est pas rare que les navires qui sont tenus d'organiser régulièrement des exercices d'embarcation et d'incendie dérogent au règlement.
Étant donné que les équipages qui ont peu ou pas d'expérience dans l'utilisation des engins de survie sont exposés à faire des erreurs qui peuvent leur coûter la vie, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports prenne les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que les propriétaires et les exploitants de bateaux de pêche respectent l'esprit du Règlement sur les exercices d'embarcation et d'incendie en ce qui a trait à la sécurité.
Recommandation M94-07 du BST
4.2.3 Accessibilité de l'équipement de survie
Pendant l'abandon du «NADINE», les membres de l'équipage ont dû descendre sous le pont afin d'aller chercher leur combinaison d'immersion dans un magasin situé près de la sortie arrière, dans la coursive bâbord des emménagements, sur le pont principal.
Dans l'événement à l'étude, la situation a évolué si rapidement que les dernières personnes à sortir de la timonerie ont dû le faire par une fenêtre tribord. Dans de telles circonstances, il est capital que le matériel de survie comme les combinaisons d'immersion soit facilement accessible et puisse être récupéré rapidement sans confusion.
Compte tenu des précédents chavirements et naufrages soudains de bateaux de pêche au cours desquels les équipages n'ont souvent pas eu le temps d'utiliser l'équipement de sauvetage qui se trouvait à bord, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports procède à une évaluation formelle des usages actuels en matière d'arrimage de l'équipement de survie et des combinaisons d'immersion à bord des bateaux de pêche dans le but d'en assurer l'accessibilité immédiate.
Recommandation M94-08 du BST
4.2.4 Rôles d'appel
En vertu du Règlement sur les exercices d'embarcation et d'incendie actuel, les navires ayant 12 membres d'équipage ou moins ne sont pas tenus d'avoir des rôles d'appel écrits. Comme l'équipage du «NADINE» comptait neuf personnes, le navire n'était pas tenu d'avoir un rôle d'appel écrit. Il convient néanmoins de signaler que certains renseignements capitaux pour la sécurité manquaient dans le rôle d'appel du «NADINE», par exemple le lieu du rassemblement pour l'appel, le poste d'urgence des membres de l'équipage responsables de ramasser les deux RLS, et les tâches assignées à chaque membre de l'équipage, y compris aux invités.
En mer après l'abandon, la survie des membres d'équipage dépend essentiellement des connaissances acquises et de l'état de préparation de chacun des individus ainsi que de l'ensemble du groupe. Le rôle d'appel prévoit des fonctions capitales qui doivent être remplies dans des situations d'urgence par chacun des membres de l'équipage; il fournit aussi à ces derniers une ligne de conduite à suivre en cas de situation d'urgence, augmentant par le fait même les chances de survie. Étant donné que le rôle d'appel n'a que peu d'incidences financières pour les propriétaires, le Bureau recommande que :
Le ministère des Transports incite tous les capitaines et les propriétaires de bateaux de pêche à rédiger et à tenir à jour des rôles d'appel appropriés pour tous les navires, peu importe le nombre de membres d'équipage.
Recommandation M94-09 du BST
4.2.5 Formation FUM pour les pêcheurs
Pendant la majeure partie de l'année dans les eaux canadiennes, la protection contre l'hypothermie est essentielle à la survie. À bord du «NADINE», certains membres de l'équipage ainsi que la biologiste ne portaient pas leur combinaison d'immersion au moment de l'abandon. Seulement 5 des 10 personnes à bord avaient reçu une formation FUM et 2 seulement ont survécu. Parce qu'ils n'avaient pas reçu une formation suffisante, les membres de l'équipage du «NADINE» ne savaient pas tous qu'ils devaient enfiler leur combinaison d'immersion avant d'abandonner le navire. Un manque d'entraînement aux techniques de survie a sans aucun doute contribué aux pertes de vie.
En janvier 1993, lors du naufrage du dragueur de pétoncles «CAPE ASPY», 10 survivants ont été recueillis après avoir passé trois heures à bord d'un radeau de sauvetage tandis qu'un autre était toujours vivant lorsqu'il a été repêché de la mer glacée environ six heures après le naufrage. On estime que ces personnes doivent la vie à leurs combinaisons d'immersion.
Au cours des années 1986 à 1991, on a enregistré la perte de plus de 30 navires de pêche canadiens qui ont chaviré, coulé ou fait naufrage. Plus de 70 pêcheurs ont perdu la vie au cours de la même période après avoir abandonné leur navire. Tout comme dans l'accident du «NADINE», certaines de ces pertes de vie ont pu être plus ou moins directement causées par une méconnaissance de certaines règles de sécurité qui sont inculquées dans les cours FUM.
À l'heure actuelle, les membres d'équipage non brevetés ne sont pas tenus de suivre de cours FUM. Sur les navires de pêche de 100 à 400 tonneaux de jauge brute (tjb), seul le capitaine doit être titulaire d'un brevet. Or, environ 98 % des bateaux de pêche de commerce du Canada jaugent moins de 100 tjb et la majorité d'entre eux sont exploités par des équipages non brevetés.
À la suite de l'enquête sur le naufrage du bateau de pêche canadien «STRAITS PRIDE II» survenu en 1990, le Bureau a recommandé que :
Le ministère des Transports s'assure que tous les membres réguliers d'équipages de bateaux de pêche pontés reçoivent une formation en bonne et due forme sur l'équipement de sauvetage et les techniques de survie.
Recommandation M92-06 du BST
Transports Canada nous a laissé savoir qu'il avait élaboré un projet de modification à la Loi sur la marine marchande du Canada (LMMC) allant dans le sens de cette recommandation. Toutefois, nous ne savons pas quand celui-ci entrera en vigueur. Entre-temps, le manque de connaissance des techniques de sauvetage et de survie continue de compromettre les chances de survie des pêcheurs dans des situations d'urgence.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Gerald E. Bennett, Zita Brunet, l'hon. Wilfred R. DuPont et Hugh MacNeil.
Annexes
Annexe A - Croquis du "NADINE"
Annexe B - Zone de pêche 1
Annexe C - Sillage approximatif du "NADINE", le 16 décembre 1990
Annexe D - Habit de survie (combinaison d'immersion)
Annexe E - Croquis des RLS 406H(Y) et 406HH(Y) de Lokata
Annexe F - Croquis d'une RLS 406M(Y) de Lokata
Annexe G - Panneau de commande de la RLS de classe I
Annexe H - Tableau de survie en eau froide
Annexe J - Coupe transversale vers l'avant au couple 9
Annexe K - Répartition des compartiments
Annexe L - Photographie d'un couvercle de trou à poisson et son cavalier
Annexe M - Diagramme indiquant les trous à poisson, les écoutilles et les portes tel que retrouvés après le naufrage
Annexe N - Condition des couvercles et des trous à poisson après le renflouement
Annexe O - Console des commandes de la timonerie
Annexe P - Photographies
Annexe Q - Sigles et abréviations
- ar.
- arrière
- av.
- avant
- Avnav
- Avis à la navigation
- BFC
- base des Forces canadiennes
- BLU
- bande latérale unique
- BSN
- Bulletin de la sécurité des navires
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- C
- Celsius
- CCS
- Centre de coordination de sauvetage
- CGCC
- Cotre de la Garde côtière canadienne
- ESE
- est-sud-est
- FUM
- Fonctions d'urgence en mer
- GCC
- Garde côtière canadienne
- HNA
- heure normale de l'Atlantique
- kg
- kilogramme(s)
- kn
- noeud(s): un mille marin à l'heure
- lb
- livre(s)
- LKP
- dernière position connue
- m
- mètre(s)
- m²
- mètre(s) carré(s)
- m3
- mètre(s) cube(s)
- M
- mille(s) marin(s)
- mm
- millimètre(s)
- N
- nord
- NGCC
- Navire de la Garde côtière canadienne
- OMI
- Organisation maritime internationale
- P&O
- Pêches et Océans Canada
- RLS
- radiobalise de localisation des sinistres (EPIRB)
- SAR
- recherches et sauvetage
- SE
- sud-est
- SI
- système international (d'unités)
- SIC
- Steamship Inspection Certificate
- SQ
- Sûreté du Québec
- SRGC
- station radio de la Garde côtière
- SW
- sud-ouest
- tjb
- tonneau(x) de jauge brute
- UTC
- temps universel coordonné
- V
- vrai
- VHF
- très haute fréquence
- W
- ouest
- °
- degré(s)
- ′
- minute(s)
- ″
- seconde(s)
Définitions
- ancre flottante
- Cône en toile utilisé par les embarcations de sauvetage pour maîtriser la dérive par gros temps.
- appareil à gouverner
- Ensemble des dispositifs transmettant au gouvernail les mouvements de la roue de commande.
- appareiller
- Quitter un port ou un mouillage.
- arrière
- Portion du navire située entre le centre de gravité et le gouvernail.
- arrimage
- Répartition convenable, placement de la cargaison dans une cale.
- assiette
- Manière dont le navire est assis dans l'eau, différence des tirants d'eau arrière et avant.
- auxiliaires
- Terme générique désignant les machines autres que celles du groupe propulseur.
- avarie
- Dommage survenu au navire ou à la cargaison.
- aveugler
- Boucher une voie d'eau par les moyens du bord.
- ballast
- Compartiment situé à la partie inférieure des navires en acier et destiné à transporter le lest liquide.
- bouée de sauvetage
- Bouée en forme d'anneau.
- cabotage
- Navigation entre deux ports d'une même côte ou d'un même pays.
- cambuse
- Magasin du bord à l'arrière du navire.
- chalutier à pêche arrière
- Type de chalutier à bord duquel le chalut est relevé par l'arrière.
- cloison
- Séparation plane en tôle d'acier entre les différents compartiments d'un navire.
- coursive
- Passage, couloir dans les emménagements d'un navire.
- descente
- Passage qui traverse les ponts et est muni d'une échelle.
- envahissement
- Inondation d'un compartiment.
- fune
- Filin d'acier servant à traîner le chalut.
- maître d'équipage
- Contre-maître des matelots de pont ou des marins-pêcheurs.
- parquet
- Plates-formes de circulation entourant un moteur.
- pas de l'hélice
- Longueur dont avancerait l'hélice en un tour.
- presse-étoupe
- Boîte entourant une pièce tournante munie d'une couronne et garnie d'étoupe pour la rendre étanche à l'eau.
- réserve de flottabilité
- Partie de la coque qui n'est pas immergée.
- rôle d'appel
- Tableau définissant la position de chaque marin durant les exercices de sauvetage et d'incendie.
- second capitaine
- Officier du bord venant immédiatement après le commandant (chef officier et/ou premier maître).
- senneur
- Navire de pêche muni d'un gréement composé de nappes de filets formant muraille et délimitant sur le fond un demi-cercle; les deux extrémités sont halées de manière à le refermer progressivement.
- télémoteur
- Système hydraulique de commande à distance d'un servomoteur d'appareil à gouverner.
- tonneau (de jauge)
- Unité internationale de volume employée pour la détermination du tonnage des navires (valeur : 100 pieds cubes).
- trait de chalut
- Coup de filet entre la mise à l'eau et le relevage du filet.
- voie d'eau
- Entrée d'eau imprévue par suite d'une ouverture accidentelle dans la coque.