Explosion de carter
Pétrolier «IRVING NORDIC»
au large de l'île aux Oeufs (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 11 mars 1993, il s'est produit une explosion de carter dans la machine principale du pétrolier «IRVING NORDIC», lequel était parti de Matane (Québec), avec une cargaison de produits pétroliers raffinés, à destination de Grindstone (Québec). L'explosion a entraîné la perte de toute la puissance de propulsion. Le navire a été remorqué jusqu'à Sept-Îles (Québec) pour y être inspecté et réparé.
Le Bureau a déterminé que l'explosion du carter de la machine principale du «IRVING NORDIC» a vraisemblablement été causée par l'inflammation des vapeurs ou du brouillard d'huile contenus dans le carter, par suite de l'apparition de points chauds au droit de la chemise du cylindre no 8 ou de la fuite des gaz de combustion, ou des deux. Le principal facteur qui a contribué à cet événement a été le mauvais état de la machine principale.
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique du navire
«IRVING NORDIC» | |
---|---|
Numéro officiel | 369846 |
Port d'immatriculation | Saint John (Nouveau-Brunswick) |
Pavillon | Canadien |
Type | Pétrolier |
Jauge brute | 7 745 tonneaux Note de bas de page 1 |
Longueur | 132,26 m |
Tirant d'eau | av. Note de bas de page 2 : 5,5 m ar. : 6,5 m |
Construction | 1980, Saint John (Nouveau-Brunswick) |
Groupe propulseur | Un diesel 9M552 MaK développant 5 520 kW (7 500 BHP), et entraînant une seule hélice à pas variable |
Propriétaires | Irvingdale Associates Saint John (Nouveau-Brunswick) |
1.1.1 Renseignements sur le navire
Le «IRVING NORDIC» est un pétrolier assurant le transport de produits pétroliers raffinés. Les emménagements et la salle des machines se trouvent à l'arrière.
1.2 Déroulement du voyage
Le 3 mars 1993, le «IRVING NORDIC» se trouvait au large de Yarmouth (Nouvelle-Écosse) lorsqu'il s'est produit une explosion de carter dans la machine principale. Un cognement entendu avant l'explosion de carter et l'état de l'unité no 7 après cette explosion donnaient à penser que l'incident était attribuable à une défaillance du fond de piston, de la bague ou de l'axe de piston (voir l'annexe A). On a remplacé l'unité no 7. Inquiet de l'usure excessive relevée sur la chemise de l'unité no 7, le chef mécanicien a décidé d'inspecter les huit autres chemises à la première occasion. Le navire a ensuite poursuivi sa route jusqu'à Matane.
Pendant qu'on déchargeait la cargaison à Matane, le 10 mars 1993, les mécaniciens ont déposé les soupapes d'échappement des cylindres nos 1, 2 et 4, et ont vérifié au toucher l'usure des chemises. Ils ont relevé une certaine usure dans celle du cylindre no 2. Toutefois, étant donné la durée limitée de l'escale, on a décidé d'attendre l'escale suivante pour continuer l'inspection.
Le même après-midi, le «IRVING NORDIC» a appareillé de Matane à destination de Grindstone, mais a été forcé de s'arrêter pour la nuit à cause des glaces.
Le navire a repris sa route vers 10 h Note de bas de page 3 le lendemain matin. Le second mécanicien était de quart dans la salle des machines et faisait des travaux d'entretien courant. Vers 11 h 12, il a entendu un bruit sourd provenant de la machine principale et a vu de la fumée blanche et des vapeurs d'huile qui sortaient des portes antidéflagration du carter, du côté tribord de la machine principale. Constatant qu'une explosion de carter venait de se produire, il a stoppé manuellement la machine et a fait évacuer la salle des machines. Il n'y a pas eu d'incendie, et aucun des 20 membres de l'équipage n'a été blessé. Après avoir évalué la situation, les mécaniciens sont retournés à la salle des machines. Un premier examen a révélé que la chemise, le piston, le maneton et la bielle du cylindre no 8 avaient été endommagés et devaient être remplacés. Comme on s'était déjà servi des pièces de rechange pour réparer l'unité no 7, il était impossible de procéder à des réparations permanentes. Le navire a donc été remorqué jusqu'à Sept-Îles. Entre-temps, on avait entamé les préparatifs en vue d'une inspection et de réparations plus élaborées.
Au moment de l'explosion de carter, le navire transportait 1 005 tonnes de produits pétroliers raffinés, 6 600 tonnes d'eau de ballast, 587 tonnes de mazout intermédiaire (IFO), 85 tonnes de gasole et 20 000 litres d'huile de graissage.
1.3 Dommages à la machine principale
À Sept-Îles, on a démonté toutes les unités de la machine principale et on les a inspectées en présence de représentants de la MaK (fabricant de la machine), de la société de classification Lloyds, du service canadien d'inspection des navires à vapeur et d'experts des assureurs. Parmi les dommages qui ont été relevés et les constatations qui ont été faites, les suivants sont les plus pertinents à l'enquête :
- Usure anormale, supérieure à la limite recommandée du fabricant, aux chemises des unités nos 2, 3, 8 et 9, et usure supérieure à 50 p. 100 dans l'unité no 6.
- Jeu anormal dans les gorges des segments de piston de toutes les unités sauf l'unité no 7.
- Le segment supérieur de piston dans les cylindres nos 2, 8 et 9, et le segment de piston no 4 dans les unités nos 2 et 9 étaient rompus.
- Le segment supérieur de piston dans l'unité no 4 avait été monté à l'envers; la dernière révision par le personnel du navire remontait au 6 juillet 1992.
- Tous les paliers principaux et paliers de bielle étaient rayés, et certains montraient des marques laissées par des morceaux de métal provenant de l'épurateur final de sécurité d'huile de graissage.
- L'épurateur final de sécurité d'huile de graissage était détruit.
- La bielle et l'axe du piston de l'unité no 8 étaient grippés.
- Les têtes de piston étaient recouvertes d'un dépôt dur de couleur blanc/gris.
- Quatre portes de carter étaient légèrement endommagées et ne scellaient plus efficacement le carter.
1.4 Certificats et brevets
1.4.1 Certificats du navire
Les certificats, l'équipement et l'armement en personnel du navire étaient conformes aux règlements en vigueur.
1.4.2 Brevets du personnel
Le chef mécanicien et le second mécanicien possédaient tous deux des brevets valides correspondant à leur poste et au genre de voyage que le navire effectuait.
1.5 Antécédents du personnel
Le chef mécanicien avait été affecté à bord du «IRVING NORDIC» pour une période d'environ un an, en vertu d'un système de rotation, et son dernier tour de service avait commencé le 7 janvier 1993. Avant d'entrer au service de la compagnie, il avait accumulé une grande expérience à titre de chef mécanicien, et avait notamment passé trois ans à travailler sur des machines du même type.
Le second mécanicien, qui était de quart, s'est joint au «IRVING NORDIC» le 19 janvier 1993 pour trois mois. Au service de son employeur actuel, il avait occupé différentes fonctions à titre de mécanicien breveté à bord de navires équipés d'autres types de machines.
1.6 Analyse du mazout
Des échantillons de mazout ont été prélevés dans les caisses de décantation et la caisse journalière du navire et ont été expédiés à un laboratoire indépendant pour analyse. Les résultats ont révélé que le mazout était conforme aux spécifications recommandées par le fabricant de la machine.
1.6.1 Analyse de l'huile de graissage
Les mécaniciens du navire prélevaient des échantillons d'huile de graissage à toutes les 500 heures de fonctionnement et les expédiaient à un laboratoire spécialisé en analyse des huiles.
Le dernier échantillon d'huile de graissage avait été prélevé le 12 décembre 1992, après 900 heures de fonctionnement. Les résultats avaient révélé la présence d'un niveau anormalement élevé de chrome dans l'huile.
Après l'explosion, un laboratoire indépendant a prélevé et analysé un échantillon de l'huile de graissage de la machine principale. Les résultats de l'analyse montrent que l'échantillon contenait moins de 0,2 p. 100 d'eau (en deçà des limites acceptables), des traces de mazout et des concentrations élevées de cuivre, de chrome, de fer et d'aluminium.
1.6.2 Analyse des dépôts sur les têtes de piston
Un échantillon du dépôt blanc/gris recouvrant les têtes de piston a été envoyé à un laboratoire indépendant pour analyse. Les résultats ont révélé que l'échantillon contenait 72 p. 100 de sulfate de calcium, 21,33 p. 100 de calcium, 0,23 p. 100 de sodium et 0,14 p. 100 de potassium; le reste se composait de cendre et de divers éléments à l'état de traces.
1.7 Inspection d'entretien de la machine
Les inspections courantes recommandées par le fabricant aux fins de l'entretien de la machine principale ont été faites suivant les exigences du manuel d'instruction du fabricant, et on a tenu les dossiers pertinents. Une copie a été conservée à bord, et une autre envoyée à la compagnie.
Le fabricant recommande qu'on mesure l'usure des chemises de cylindre toutes les 10 000 heures. Cette recommandation a été suivie dans l'ensemble.
Les pistons de la machine principale ont par la suite été modifiés lorsque le navire est entré en cale sèche en septembre 1993, conformément à une recommandation d'un représentant du fabricant qui était sur place. Une inspection effectuée peu après que le navire eût quitté la cale sèche a permis de constater que la machine principale fonctionnait de façon satisfaisante depuis les modifications.
1.7.1 Usure des chemises de cylindre
L'usure des chemises est un phénomène inévitable dans n'importe quelle machine. Une usure excessive entraîne une fuite des gaz de combustion dans le carter. Pour limiter l'usure le plus possible, il faut faire en sorte qu'une pellicule d'huile soit répartie uniformément entre les segments et la chemise. Habituellement, l'usure des chemises est à son maximum dans la partie du cylindre où se produit la combustion ou près de celle-ci.
L'usure des chemises de cylindre peut se faire de deux façons : par corrosion et par abrasion.
1.7.1.1 Usure des chemises par corrosion
Le processus de combustion dans le cylindre produit de l'eau, du bioxyde de carbone et des oxydes de soufre. S'il y a de la condensation, le bioxyde de carbone et les oxydes de soufre se diluent dans une solution et forment des acides forts. Des recherches ont démontré que l'usure par corrosion se produit surtout pendant la manoeuvre, pendant le fonctionnement à faible puissance et après l'arrêt de la machine. L'augmentation du graissage du cylindre pendant la manoeuvre et pendant le fonctionnement à faible puissance, et le fait de laisser tourner la machine quelques tours après l'arrêt réduisent effectivement la corrosion des chemises. On n'a pas recueilli de preuves visuelles témoignant d'une usure par corrosion des chemises dans le cas à l'étude.
1.7.1.2 Usure des chemises par abrasion
L'usure des chemises par abrasion se produit lorsque le piston se déplace à l'intérieur de la chemise. L'usure est attribuable à un contact métal contre métal entre la chemise et les segments, en raison d'un mauvais graissage de la chemise ou de la présence de particules abrasives coincées entre les segments et la chemise, particules qui ont pour effet de détruire la pellicule d'huile.
D'après le manuel d'instruction de la MaK, le diamètre nominal d'une chemise neuve installée dans une machine MaK 552 est de 450 mm. La limite d'usure est de 451 mm, et l'ovalisation maximale tolérée est de 0,4 mm.
Après l'événement à l'étude, la chemise no 8 montrait des rayures très visibles dans sa partie avant, et montrait à sa surface des marques allongées laissées par ce qui semblait être le matériau de la jupe de piston (à base d'aluminium). La chemise avait un diamètre de 451,85 mm d'avant en arrière et de 451,32 mm de gauche à droite, ainsi qu'une ovalisation de 0,53 mm. D'après les dossiers, la chemise comptait 14 738 heures de fonctionnement depuis qu'elle avait été installée à l'état neuf. (Pour plus de renseignements pertinents quant à l'état des chemises et des segments de piston, voir l'annexe B.)
D'après le fabricant, le rythme d'usure des chemises de cylindre devrait se situer entre 0,010 et 0,015 mm/1 000 heures de fonctionnement. L'usure mesurée de la chemise du cylindre au moment de l'événement et lors des travaux d'entretien périodique a montré que le rythme moyen d'usure variait de 0,157 mm/1 000 heures à 0,223 mm/1 000 heures, soit plus de 14 fois le rythme d'usure normal.
Entre les deux dernières inspections périodiques consécutives, faites le 7 mai 1992 et le 15 mars 1993, le nombre d'heures de fonctionnement de la chemise no 8 a été de 4 307, ce qui donne un rythme d'usure de 0,3761 mm/1 000 heures, c'est-à-dire 25 fois le rythme d'usure normal.
Un examen des mesures des chemises prises entre juin 1990 et mars 1993 a révélé que toutes les chemises, sauf la chemise no 5, accusaient un rythme d'usure supérieur à la normale. Dans cette dernière chemise, le rythme d'usure était un peu plus élevé que la normale. De plus, six des neufs unités dont l'équipage avait fait la révision depuis 1991 montraient des rythmes anormaux d'usure des chemises.
Au cours de l'examen du circuit d'huile de graissage et des graisseurs de cylindre effectué après l'événement, on a pu constater qu'ils fonctionnaient de façon satisfaisante.
1.7.2 Pistons et segments de piston
La largeur de plusieurs gorges de segments de chaque piston, sauf le piston no 7, était supérieure à la limite recommandée par le fabricant, ce qui signifie que les pistons devaient être remplacés.
Si la largeur des gorges de segments est excessive, le segment martèle le logement pratiqué dans la gorge, ce qui entraîne une usure accrue du segment et de la gorge.
Lorsque le piston descend dans la chemise, l'huile dont est enduite la paroi de la chemise est poussée dans l'espace situé sous le segment et derrière celui-ci. Quand le piston remonte, l'huile est transférée vers l'espace situé au-dessus du segment. C'est de cette façon que le segment d'étanchéité est lubrifié. Un jeu excessif du segment dans la gorge entraîne une consommation supérieure à la normale d'huile de graissage et, à cause de la chaleur engendrée par la combustion, il se forme dans la gorge du carbone qui gêne le processus de graissage et accroît le rythme d'usure de la chemise. Ce carbone emprisonne ensuite les matériaux libérés par suite de l'usure de la chemise, de sorte que le problème s'aggrave d'autant. La rupture du segment peut se produire.
Dans le cas à l'étude, on a trouvé six segments qui étaient rompus, dont deux dans l'unité no 8. Dans cette dernière unité, le segment de piston no 1 était brisé en sept morceaux, et le segment no 5 (segment racleur) était brisé en deux. Le piston no 8 montrait de profondes éraflures dans la tête de piston. Il y avait des stries brillantes sur la jupe du piston et des éraflures sous le segment racleur. Les gorges de segment contenaient un peu de saleté. On a trouvé un dépôt dur de couleur blanc/gris sur la tête du piston. Les dossiers montrent que la consommation d'huile de graissage avait été plus grande que prévu pendant l'année qui a précédé l'événement.
1.7.3 Paliers
Les coquilles des paliers principaux et des paliers de bielle, sauf les coquilles des paliers de bielle du cylindre no 7, montraient toutes des rayures, et certaines montraient des marques laissées par des matériaux du filtre provenant de l'épurateur final de sécurité d'huile de graissage. Les rayures sur les surfaces des coquilles de palier excédaient les critères du fabricant quant à la réutilisation des pièces.
1.7.4 Bielle et axe de piston
L'huile de graissage destinée à la bague de palier est acheminée sous pression par le circuit de graissage de la machine. Si l'arrivée d'huile à la bague de palier devait cesser pendant le fonctionnement, il se produirait un grippage de l'axe dans la bague. Dans le cas à l'étude, on a constaté que l'axe de piston no 8 était grippé dans la bague de palier de la bielle. La cause la plus probable de ce grippage, mais non la seule possible, serait une défectuosité du circuit de graissage.
1.7.5 Explosion de carter
Dans les moteurs diesel, il se produit une explosion de carter lorsque des vapeurs ou un brouillard d'hydrocarbures viennent en contact avec une source d'inflammation ou un point chaud.
1.8 Pratiques d'emploi et de formation de la compagnie
À bord du «IRVING NORDIC», les membres d'équipage étaient employés par rotation. La compagnie n'a pas de critère bien établi quant à l'affectation des mécaniciens à bord d'un navire en particulier. La compagnie croit que les mécaniciens qu'elle emploie, du fait qu'ils possèdent des brevets d'aptitude valides, sont suffisamment qualifiés et compétents pour s'acquitter de leurs fonctions, en consultant le cas échéant les manuels relatifs aux machines. La compagnie n'offre aucun programme de formation.
2.0 Analyse
2.1 Cause de l'explosion de carter
Les rayures et les matériaux relevés sur la chemise no 8, et les éraflures sur la tête de piston correspondent à des conditions que causerait la dégradation de la pellicule d'huile de graissage de la chemise de cylindre. Cette dégradation a dû entraîner un contact métal contre métal entre les segments de piston et la chemise, ce qui a dû faire apparaître des points chauds dans la chemise. De plus, la fuite des gaz de combustion peut elle aussi enflammer des vapeurs d'hydrocarbures. Donc, les points chauds ou la fuite des gaz de combustion, ou les deux, auraient probablement enflammé les vapeurs ou le brouillard d'huile de graissage, ce qui a causé l'explosion de carter.
La réaction rapide du second mécanicien, qui a stoppé la machine principale, a probablement permis d'éviter une explosion secondaire qui aurait été plus grave.
2.2 Défectuosité de l'épurateur final de sécurité d'huile de graissage
On croit que l'épurateur final de sécurité d'huile de graissage s'est rompu après l'événement du 3 mars puisqu'on n'avait trouvé aucune trace des matériaux du filtre lorsqu'on a démonté le palier de bielle no 7 après cet événement. On ignore à quel moment précis la désintégration de l'épurateur s'est produite, mais cette information n'est pas jugée importante puisqu'elle n'a eu aucune incidence sur le résultat final de l'événement à l'étude.
2.2.1 Huile de graissage et usure de la machine principale
Comme les composantes de la machine principale sont faites de métaux différents, on peut associer à l'usure de certaines composantes de la machine la présence de concentrations élevées de certains métaux dans un échantillon d'huile de graissage. Par exemple, la présence de cuivre dans l'huile pourrait indiquer une usure des paliers; celle de chrome, une usure des segments de piston; celle de fer, une usure de la chemise et des segments de piston; de plus, la présence d'aluminium peut dénoter une usure du piston. Les concentrations élevées de ces quatre éléments dans l'échantillon d'huile de graissage concordent avec l'usure relevée dans la machine.
Le fait que l'axe de piston no 8 était grippé dans la bague de palier de la bielle indiquerait que l'arrivée d'huile de graissage dans la bague de palier a cessé pendant le fonctionnement.
2.3 Dépôts sur la tête de piston
Quand les dépôts sur la tête du piston sont entrés en contact avec le lubrifiant du cylindre, un composé abrasif s'est formé, qui a dû contribuer à l'usure de la chemise du cylindre.
2.4 Surveillance du rythme d'usure et mesures préventives
Les chemises de cylindre avaient été inspectées périodiquement et leur usure consignée. À partir de ces données, il aurait été possible de calculer le rythme d'usure des chemises par période de 1 000 heures de fonctionnement. Cette information, combinée à d'autres renseignements disponibles comme, par exemple, la consommation plus élevée que la normale d'huile de graissage, aurait donné un aperçu de l'état général de la machine. Dans le cas à l'étude, l'analyse d'un échantillon d'huile de graissage, faite en décembre 1992, a révélé une concentration anormale de chrome (matériau des segments de piston); ces données, ajoutées au fait qu'on avait relevé un rythme d'usure anormal de certaines chemises lors d'inspections antérieures, auraient justifié qu'on fasse des recherches plus poussées pour trouver la cause du problème. Au cours de l'enquête, rien n'a indiqué que de telles mesures avaient été prises avant l'explosion du 3 mars.
2.5 Pratiques d'emploi et de surveillance - Formation et sécurité
La compagnie aurait dû exercer un contrôle serré du programme d'entretien de la machine principale, étant donné que l'entretien de cette machine est essentiel à l'exploitation efficace, économique et sûre du navire, qu'il y avait un fort roulement de personnel et que la compagnie n'offrait aucun programme spécifique de formation. Toutefois, comme les composantes de la machine principale accusaient depuis un certain temps un rythme d'usure anormal et qu'on n'avait pris aucune mesure efficace pour y remédier, il semble évident que la compagnie ne surveillait pas étroitement l'état de la machine principale.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis
- L'usure marquée des chemises de cylindre peut être attribuée à la dégradation / destruction de la pellicule d'huile de graissage, par suite de l'abrasion causée par les dépôts de combustion et de l'action des débris métalliques provenant de la rupture des segments de piston et de l'usure des chemises.
- La rupture des segments de piston a probablement été le résultat d'un jeu excessif dans les gorges de segment.
- Le segment supérieur de l'unité no 4 avait été monté à l'envers.
- L'analyse de l'échantillon d'huile prélevé avant l'événement a révélé des concentrations anormalement élevées de chrome, mais rien n'indique qu'on ait pris des mesures de suivi.
- On a relevé un rythme d'usure anormal des chemises de cylindre dans six des neuf unités qui avaient été révisées depuis 1991.
- La surface des coquilles de palier était rayée à cause du métal provenant de l'épurateur final de sécurité d'huile de graissage qui s'était désintégré lors de l'explosion de carter.
- La dégradation de la pellicule d'huile de graissage dans la chemise de l'unité no 8 a occasionné l'apparition de points chauds dans la chemise.
- Les points chauds dans l'unité no 8 ou la fuite des gaz de combustion, ou les deux, ont causé l'inflammation des vapeurs ou du brouillard d'huile dans le carter de la machine principale.
- La réaction rapide du second mécanicien, qui a stoppé la machine principale, a probablement permis d'éviter une explosion secondaire qui aurait été plus grave.
3.2 Causes
L'explosion du carter de la machine principale du «IRVING NORDIC» a vraisemblablement été causée par l'inflammation des vapeurs ou du brouillard d'huile contenus dans le carter, par suite de l'apparition de points chauds au droit de la chemise du cylindre no 8 ou de la fuite des gaz de combustion, ou des deux. Le principal facteur qui a contribué à cet événement a été le mauvais état de la machine principale.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
Après l'accident, la machine principale a été complètement révisée. En septembre 1993, le navire est entré en cale sèche, et on a vérifié de nouveau l'usure de la machine principale. Par la suite, il a été décidé de modifier les têtes de piston de la machine principale, conformément aux recommandations du fabricant. Au cours de la révision de la machine principale, la compagnie a changé de qualité de mazout afin d'assurer un fonctionnement plus propre de la machine.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau dela sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.
Annexes
Annexe A - Croquis d'un piston à vitesse moyenne type
Annexe B - Tableau décrivant l'état des chemises et des segments de piston
Le présent tableau a été dressé par le BST à partir des observations faites et des renseignements obtenus au cours de l'enquête. Le tableau décrit l'état des chemises et des segments de piston et n'a pour but que de donner un aperçu de l'état général de la machine principale.
Unité no | Usure des chemises | Ovalisation | Segments de piston | |||
---|---|---|---|---|---|---|
max. (mm) | limite (mm) | max. (mm) | limite (mm) | État des gorges | Rompus | |
1 | 450,07 | 451,00 | 0,03 | 0,30 | 1 & 5 - usure supérieure à la limite | Aucun |
2 | 451,95 | 451,00 | 0,60 | 0,30 | 1, 4 & 5 - usure supérieure à la limite - segments très usés | 1 - 8 mcx 4 - 2 mcx |
3 | 451,70 | 451,00 | 0,30 | 1 gorge de segment dont l'usure est supérieure à 1 mm | Aucun | |
4 | 450,43 | 451,00 | 0,02 | 0,30 | 1 segment installé à l'envers - tous les segments avaient une accumulation de carbone | Aucun |
5 | 450,21 | 451,00 | 0,12 | 0,30 | 1 & 5 - usure supérieure à la limite | Aucun |
6 | 450,43 | 451,00 | 0,02 | 0,30 | 1, 3 & 5 - usure supérieure à la limite | Aucun |
7 | * | * | nouvelle | unité | * | * |
8 | 451,85 | 451,00 | 0,53 | 0,30 | Piston grippé | 1 - 7 mcx 5 (segment racleur) - 2 mcx |
9 | 451,30 | 451,00 | 0,06 | 0,30 | 1 - profil de la face aplati 3 - segment bouge librement dans la gorge, profil évident 5 - bouge librement | 1 - 2 mcx 4 - 5 mcx |
Annexe C - Photographie
Annexe D - Sigles et abréviations
- ar.
- arrière
- av.
- avant
- BHP
- puissance au frein
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- HNE
- heure normale de l'Est
- IFO
- mazout intermédiaire
- kW
- kilowatt(s)
- m
- mètre(s)
- mcx
- morceaux
- mm
- millimètre(s)
- OMI
- Organisation maritime internationale
- SI
- système international (d'unités)
- UTC
- temps universel coordonné