Abordage
entre le vraquier «OAKBY» et le
senneur «PACIFIC CHALLENGER»
Détroit de Juan de Fuca
(Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Au cours de la nuit du 3 au 4 août 1993, le vraquier « OAKBY » se dirigeait vers la station de pilotage de Victoria (Colombie-Britannique), en provenance de Vancouver (Colombie-Britannique), afin d'y débarquer son pilote. Au même moment, une flottille de bateaux de pêche, dont le « PACIFIC CHALLENGER » faisait partie, se dirigeait vers Vancouver en provenance de la zone de pêche no 20. Les vents étaient calmes et la visibilité, excellente. Au sud des îles Trial, les deux navires ont changé de cap, l'un à tribord, l'autre à bâbord, et ils se sont abordés à 2 h 6. Le « OAKBY » n'a signalé aucune avarie alors que le « PACIFIC CHALLENGER » a subi de lourdes avaries et un membre de son équipage a été blessé.
Le Bureau a déterminé que le « OAKBY », qui était au courant de la présence de la flottille de bateaux de pêche dans le secteur, faisait route à une vitesse excessive dans les circonstances. Le « PACIFIC CHALLENGER » n'assurait pas une veille efficace; on n'a pas réduit l'allure et aucune mesure n'a été prise pour éviter une situation très rapprochée. Aucun des deux navires n'a pris de mesures correctives en temps voulu pour éviter l'abordage, et ni l'un ni l'autre n'a tenté d'informer l'autre navire de ses intentions, soit par radio, soit par signaux sonores ou visuels.
Le fait que le « PACIFIC CHALLENGER » faisait route en sens inverse de la direction générale du trafic à l'intérieur du dispositif de séparation du trafic a également contribué à l'abordage.
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique des navires
« OAKBY » | « PACIFIC CHALLENGER » | |
---|---|---|
Numéro officiel | 723169 | 347140 |
Port d'immatriculation | Nassau, Bahamas | Vancouver (C.-B.)Note de bas de page 1 |
Pavillon | Bahamas | Canadien |
Type | Vraquier | Bateau de pêche |
Jauge brute | 35 603 tonneauxNote de bas de page 2 | 61,1 tonneaux |
Longueur | 224,37 m | 17,43 m |
Largeur | 32,26 m | 5,33 m |
Creux | 18 m | 2,2 m |
Tirant d'eau | av. : 11,74 m ar. : 11,75 m | av. : 1,82 m ar. : 2,59 m |
Équipage | 24 | 5 |
Construction | 1983, Hyundai Heavy Industries Co. Ltd., Ulsan, Corée | 1973, Delta (C.-B.) |
Groupe propulseur | Un diesel B&W 2SA de 10 666 kW entraînant une hélice à pas fixe | Un diesel Caterpillar de 272 kW entraînant une hélice à pas fixe |
Propriétaires | Ropner Shipping Co. Ltd., Darlington, Angleterre | Jim Pattison Entreprises Ltd., Vancouver (C.-B.) |
1.1.1 Renseignements sur les navires
« PACIFIC CHALLENGER »
Le « PACIFIC CHALLENGER » est un bateau de pêche de type courant sur la côte ouest. Les emménagements sont situés à l'avant et les engins de pêche sont placés à l'arrière. Sa vitesse commerciale est d'environ huit noeuds et sa distance d'arrêt est d'environ 40 mètres.
« OAKBY »
Les emménagements du « OAKBY » sont situés à l'arrière et il n'y a aucun équipement sur le pont pouvant nuire à la visibilité du personnel à la passerelle. Sa vitesse commerciale est de 14 noeuds.
1.2 Déroulement du voyage
Au cours de la nuit du 3 au 4 août 1993, le bateau de pêche « PACIFIC CHALLENGER » se dirigeait vers le port de Vancouver (C.-B.) après avoir pris part à une « ouverture de la pêche au saumon » dans le détroit de Juan de Fuca, et le vraquier « OAKBY » naviguait vers le large en direction de la station de pilotage de Victoria dans le détroit de Juan de Fuca après avoir appareillé du terminal Westshore du port de Vancouver. Le « PACIFIC CHALLENGER » avait une prise d'environ six tonnes de saumon à bord. Il faisait partie d'une flottille d'une cinquantaine de bateaux de pêche qui rentraient tous à Vancouver après avoir quitté les lieux de pêche de la zone no 20 vers 19 hNote de bas de page 3 le 3 août. Le « OAKBY » avait appareillé du terminal Westshore à 22 h 34 le 3 août avec un chargement de 50 113 tonnes métriques de charbon à destination d'Immingham au Royaume-Uni. Les deux navires évoluaient à l'intérieur de la zone des Services du trafic maritime (STM) de Vancouver, zone qui est pourvue d'un dispositif de séparation du trafic pour les routes les plus utilisées.
Comme il n'a pas plus de 20 m de longueur, le « PACIFIC CHALLENGER » n'était pas tenu de participer au système des STM ni d'utiliser le système de routes du dispositif de séparation du trafic, et il ne le faisait d'ailleurs pas. Le « OAKBY » devait obligatoirement participer au système des STM et au système d'organisation du trafic du détroit de Juan de Fuca, et il se conformait à ces exigences.
Les deux navires se sont rapprochés l'un de l'autre alors qu'ils se trouvaient dans les parages du dispositif de séparation du trafic à quelque deux milles à l'est de la station de pilotage de Victoria.
« PACIFIC CHALLENGER »
À partir du passage Race, certains des bateaux de pêche, dont le « PACIFIC CHALLENGER », ont fait route sur un cap au 063° environ pour passer au sud des îles Trial avant de virer vers le nord pour s'engager dans le passage Mayor et le chenal de Baynes pour se rendre dans le détroit de Haro.
Peu après 2 h le 4 août 1993, le « PACIFIC CHALLENGER » était rendu à environ un demi-mille marin au sud de la pointe Staines aux îles Trial. Il filait une vitesse-surface de huit noeuds. Le bateau se trouvait alors dans la voie de circulation en direction ouest du dispositif de séparation du trafic à l'est de la station de pilotage de Victoria.
La personne qui avait la conduite de la navigation a aperçu les deux feux latéraux d'un navire, presque droit devant. Le radar indiquait que ce navire était à un demi-mille marin. Au moyen du pilote automatique, il a alors changé de cap sur bâbord pour prendre la direction du chenal de Baynes.
Il a graduellement changé de cap tout en surveillant les autres bateaux de pêche qui effectuaient la même manoeuvre. Les bateaux évoluaient près les uns des autres, plus ou moins en file indienne, pour effectuer le passage du récif Fiddle, ce qui a accaparé l'attention du marin qui avait la conduite de la navigation du « PACIFIC CHALLENGER ». Lorsqu'il a de nouveau regardé en direction du vraquier, il ne voyait plus que la proue du navire à proximité. Il a effectué une manoeuvre d'urgence, mais il était déjà trop tard pour éviter l'abordage.
« OAKBY »
Le « OAKBY » a doublé l'île Discovery vers 1 h 50 le 4 août, en sortant du détroit de Haro pour pénétrer dans le détroit de Juan de Fuca, pour l'avant-dernière partie de son voyage en direction de la station de pilotage de Victoria.
Vers 2 h, lorsque le « OAKBY » a commencé à croiser la flottille de bateaux de pêche à l'est des îles Trial, il suivait une route au 243 °(V), et il filait une vitesse-surface d'environ 13 noeuds. Après avoir rencontré deux bateaux de pêche, on a observé deux autres bateaux sur l'avant tribord du vraquier à une distance estimée, selon les témoignages, d'un demi-mille à plus d'un mille et demi, et qui montraient leurs feux latéraux de bâbord. On a alors donné l'ordre de changer de cap sur tribord, et le vraquier a commencé à venir sur un cap au 270° pour laisser plus d'espace de manoeuvre aux bateaux de pêche tout en se dirigeant vers la station de pilotage.
En raison du changement de cap du « OAKBY », les bateaux de pêche se trouvaient dorénavant sur l'avant bâbord du vraquier et lorsqu'on a remarqué qu'ils montraient leurs feux latéraux de tribord, on a de nouveau donné l'ordre de mettre la barre à droite. Un signal sonore consistant en cinq sons brefs au sifflet a été émis, mais l'abordage n'a pas pu être évité.
À 2 h 6, les navires se sont abordés alors qu'ils étaient à la position approximative de 48°23′N par 123°18,5′W. L'angle d'impact était d'environ 70 degrés. L'avant bâbord du « PACIFIC CHALLENGER » a heurté l'avant bâbord du « OAKBY ».
1.3 Victimes
« PACIFIC CHALLENGER »
Équipage | Passagers | Tiers | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | - | - | - | - |
Disparus | - | - | - | - |
Blessés graves | - | - | - | - |
Blessés légers | 1 | - | - | 1 |
Indemnes | 4 | - | - | 4 |
Total | 5 | - | - | 5 |
« OAKBY »
On n'a signalé aucune victime sur ce navire.
1.4 Avaries et dommages
1.4.1 Avaries aux navires
« PACIFIC CHALLENGER »
Le « PACIFIC CHALLENGER » a subi de lourdes avaries à l'avant. Le pavois et l'ancre ont été tordus sous la force de l'impact. Les structures du pont avant et de la coque, lesquelles sont construites en bois, se sont rompues à plusieurs endroits. Les planches de bordé se sont détachées et ont été endommagées sur la partie avant du bateau.
« OAKBY »
À l'exception de quelques éraflures, ce navire n'a subi aucune avarie.
1.4.2 Dommages à l'environnement
L'accident n'a fait ni pollution ni autre dommage à l'environnement.
1.5 Certificats et brevets
1.5.1 Certificats des navires
« PACIFIC CHALLENGER »
Le « PACIFIC CHALLENGER » avait l'armement en personnel, les certificats et l'équipement qu'il était tenu d'avoir en vertu des règlements en vigueur.
« OAKBY »
Le « OAKBY » avait l'armement en personnel, les certificats et l'équipement qu'il était tenu d'avoir en vertu des règlements pertinents.
1.5.2 Brevets du personnel
« PACIFIC CHALLENGER »
Le patron et la personne qui avait la conduite de la navigation au moment de l'accident ne détenaient aucun brevet de compétence. Ils n'étaient d'ailleurs pas tenus d'avoir de tels brevets.
« OAKBY »
Tout le personnel navigant à bord de ce navire était dûment breveté.
1.6 Antécédents du personnel
1.6.1 Membres de l'équipage du « PACIFIC CHALLENGER »
Le patron du « PACIFIC CHALLENGER » est employé à bord de bateaux de pêche depuis 1971 et commande ce genre de bateau depuis 1982. Il a assumé le commandement du « PACIFIC CHALLENGER » en 1992. La personne qui avait la conduite de la navigation au moment de l'abordage travaillait sur des bateaux de pêche depuis 18 ans, dont 10 à bord de bateaux semblables au « PACIFIC CHALLENGER » et 2 ans sur ce dernier.
1.6.2 Capitaine du « OAKBY »
Le capitaine du « OAKBY » a commencé sa carrière de marin en 1954. Il est commandant à bord de différents navires depuis 1971. Il a assumé le commandement du « OAKBY » le 1er juin 1993.
1.6.3 Pilote du « OAKBY »
Le pilote du « OAKBY » détient une licence de pilotage de la classe appropriée et est pilote dans cette circonscription depuis 14 ans.
1.7 Dispositif de séparation du trafic du détroit de Juan de Fuca
Les règles qui régissent la conduite des navires naviguant à proximité ou à l'intérieur du dispositif de séparation du trafic du détroit de Juan de Fuca sont établies dans la Règle 10 du Règlement international pour prévenir les abordages en mer (Colregs). Les modifications canadiennes précisent que les navires à propulsion mécanique de plus de 20 m de longueur doivent utiliser le dispositif de séparation du trafic. La Règle 10 exige notamment que les navires qui coupent les voies de circulation le fassent en suivant autant que possible un cap perpendiculaire à la voie, que les navires de longueur inférieure à 20 m ne gênent pas le passage des navires qui suivent une voie de circulation et que les navires qui n'utilisent pas un dispositif de séparation du trafic s'en écartent largement; les bateaux de pêche ne sont exemptés de ces obligations que lorsqu'ils sont en train de pêcher. La règle stipule que les navires de moins de 20 m de longueur peuvent naviguer dans les « zones de navigation côtière » ces zones étant définies comme des zones entre le dispositif de séparation du trafic et la côte adjacente destinées au trafic local. Au large des îles Trial, la limite, vers la côte, de la voie de circulation en direction du large est à environ une encablure de la courbe bathymétrique des 10 mètres.
Une trajectoire en ligne droite du passage Race aux îles Trial coupe la voie de circulation vers le large du dispositif de séparation du trafic à deux endroits, soit à l'est et au large de la station de pilotage de Victoria, dans les deux cas, sous un angle et en sens inverse par rapport à la direction générale du trafic sur une distance d'un mille environ. Cette trajectoire en ligne droite traverse également le rayon de deux milles de la station d'embarquement et de débarquement des pilotes de l'Administration de pilotage du Pacifique tel que décrit dans les Instructions nautiques pour la côte de la Colombie-Britannique (partie sud) publiées par le ministère des Pêches et Océans.
1.8 Conditions météorologiques
Au moment de l'événement, la mer était calme, les vents légers et la visibilité excellente.
1.9 Communications radio
1.9.1 Entre les navires
Le « PACIFIC CHALLENGER » assurait une veille sur les voies 16 et 78 du radiotéléphone très haute fréquence (VHF). La voie 16 est la fréquence internationale d'appel et de détresse et la voie 78 est la fréquence qu'utilisent les pêcheurs pour communiquer entre eux. Le bateau de pêche n'était pas tenu d'assurer une écoute sur la voie 11, fréquence utilisée par le Centre du trafic maritime (CTM) de Vancouver. Il n'était donc pas au courant qu'un navire sortant du détroit de Haro se dirigeait vers lui avant d'avoir détecté le « OAKBY » visuellement ou au radar.
Tel que l'exige le règlement, dans la zone des STM, le « OAKBY » assurait une veille sur les voies 16 et 11 du radiotéléphone VHF.
Aucun des deux navires n'a tenté de communiquer avec l'autre lorsqu'il est devenu évident qu'une situation rapprochée était en train de se créer.
1.9.2 Centre du trafic maritime (CTM) et station radio de la Garde côtière (SRGC)
« PACIFIC CHALLENGER »
Ce bateau n'a eu aucune communication radio avec le CTM de Vancouver ni avec la SRGC de Vancouver avant l'événement.
« OAKBY »
Le « OAKBY » prenait part au système d'organisation du trafic maritime de Vancouver. Sa dernière communication avec le CTM avant l'abordage a eu lieu à 1 h 39 sur la voie 11 du VHF. Le vraquier a alors été informé par le CTM de la présence d'une flottille d'une cinquantaine de senneurs dans le secteur qui se dirigeaient vers Vancouver et dont aucun ne participait au système d'organisation du trafic maritime de Vancouver.
1.10 Recherches et sauvetage
Le 4 août 1993, à 2 h 8, le « PACIFIC CHALLENGER » a signalé à la SRGC de Vancouver par radiotéléphone VHF qu'il avait été heurté par un vraquier et qu'il prenait l'eau. Le Centre de coordination du sauvetage de Victoria a été avisé de la situation dans la minute qui a suivi cette conversation.
Aucun navire n'a été mobilisé immédiatement puisque deux bateaux de pêche, le « MISS CARMEN » et le « REBEL », étaient déjà le long du bateau endommagé. Pour éviter que le « PACIFIC CHALLENGER » ne coule, les deux bateaux de pêche venus à son aide se sont attachés de chaque côté de ce dernier.
À 2 h 29, le « PACIFIC CHALLENGER » a signalé à la SRGC de Vancouver qu'un membre de l'équipage était blessé. Le « AUXILIARY 35 » a alors été dépêché sur les lieux avec du personnel médical et une pompe portative à son bord. Il est arrivé 54 minutes plus tard et est revenu à quai avec le blessé vers 3 h 57.
Le « PACIFIC CHALLENGER » a été escorté jusqu'à Victoria par les deux bateaux de pêche attachés de chaque côté.
Le « OAKBY » n'a subi aucune avarie et n'a eu recours à aucun service de sauvetage.
1.11Composition du quart à la passerelle
« PACIFIC CHALLENGER »
Les quarts à la passerelle à bord du « PACIFIC CHALLENGER » sont déterminés en fonction du trajet à parcourir. Pour le voyage en question, les quarts étaient répartis de façon à ce que chaque membre de l'équipage soit de service pour une période de 3 heures et 15 minutes, ce qui représentait la période de navigation requise pour effectuer le voyage de retour. La seule personne qui se trouvait dans la timonerie au moment de l'accident était un aide-pêcheur. Il était responsable de la conduite de la navigation depuis minuit.
« OAKBY »
Le personnel navigant à la passerelle du « OAKBY » se composait du capitaine, du second lieutenant, d'un timonier et d'un pilote. Le capitaine et le pilote étaient sur la passerelle depuis le départ du terminal, tandis que le second lieutenant et le timonier y étaient depuis minuit.
2.0 Analyse
2.1 Introduction
La présente analyse porte sur les communications et sur la gestion des ressources à la passerelle des navires en cause dans l'accident. L'omission de faire entendre les signaux prescrits pour éviter les abordages et les changements de cap effectués alors que les navires se trouvaient en situation très rapprochée sont aussi examinés. Le danger que représente la rencontre et parfois le croisement entre des navires de commerce en route vers la station de pilotage de Victoria et des bateaux de pêche empruntant le chenal de Baynes, à l'intérieur du dispositif de séparation du trafic, mérite aussi une attention particulière.
2.2 Communications radio
Aucun des deux navires ne pouvait entendre les communications de l'autre en ce qui avait trait à la conduite du navire ou à leurs intentions puisqu'ils utilisaient des fréquences de travail différentes; le « PACIFIC CHALLENGER » était à l'écoute sur la voie utilisée par les bateaux de pêche de l'endroit alors que le « OAKBY » était à l'écoute sur la voie des STM. Toutefois, et le « PACIFIC CHALLENGER » et le « OAKBY » étaient à l'écoute sur la voie 16, voie qu'ils auraient pu utiliser pour entrer en communication l'un avec l'autre.
2.3 Signaux sonores
Les deux navires ont amorcé des changements de cap avant l'abordage. Une reconstitution des événements, à partir des témoignages recueillis et du tracé de l'enregistreur de route du « OAKBY », indique que ce dernier a amorcé un changement de cap sur tribord alors qu'il se trouvait à environ un mille et demi du « PACIFIC CHALLENGER » et que celui-ci a changé de cap sur bâbord lorsque les navires n'étaient plus qu'à un demi-mille l'un de l'autre. Ces changements de cap ont été amorcés sans avertissement par radiotéléphone, signaux sonores ou lumineux. L'émission de signaux de la part des navires aurait indiqué la manoeuvre amorcée par chacun d'eux et aurait pu éviter que ces derniers changent de cap dans la même direction.
Le « OAKBY » a émis cinq sons brefs pour indiquer le danger lorsqu'on a vu le « PACIFIC CHALLENGER » changer de cap et venir en travers de la route du vraquier.
2.4 Vitesse des navires
Le « OAKBY » a filé environ 14 noeuds, soit sa vitesse commerciale, jusqu'à ce qu'il réduise l'allure à environ 13 noeuds, sa vitesse de manoeuvre, quelques minutes avant l'accident. Cette vitesse ne tenait pas compte des conditions de trafic dans le secteur où il s'engageait. Le navire avait été informé qu'une flottille d'une cinquantaine de bateaux de pêche se dirigeait vers le chenal de Baynes. Les bateaux étaient en vue et la situation exigeait beaucoup plus de prudence.
Les deux navires, sur une route réciproque, filaient une vitesse combinée de plus de 20 noeuds. Le « OAKBY » a mis la barre davantage à droite lorsqu'on a vu le « PACIFIC CHALLENGER » changer de cap et venir en travers de la route du vraquier, mais ceci ne lui a pas permis d'éviter l'abordage.
2.5 Veille
Bien que la visibilité ait été bonne, le personnel de quart à la passerelle du « PACIFIC CHALLENGER » n'a détecté la présence du « OAKBY » sur l'avant que lorsque les navires se sont trouvés à un demi-mille l'un de l'autre. Le vraquier, qui faisait route en direction du « PACIFIC CHALLENGER », a été en vue dès qu'il a doublé l'île Discovery, soit plus de 15 minutes avant la rencontre des navires. L'attention du personnel de quart à la passerelle du bateau de pêche a surtout porté sur les autres bateaux de pêche qui se déplaçaient près de lui, dans la même direction. Lorsqu'on s'est de nouveau rendu compte de la présence du « OAKBY », l'abordage était inévitable.
Le personnel de quart à bord des bateaux de pêche aurait pu prévoir que le « OAKBY » changerait de cap au sud des îles Trial pour se diriger vers la station de pilotage de Victoria. Il s'agit du changement de cap normal que doit effectuer tout navire tenu de respecter les règles de navigation à l'intérieur du dispositif de séparation du trafic de l'endroit.
Le personnel de quart à la passerelle du « OAKBY » avait été informé par radiotéléphone de la présence d'une flottille de bateaux de pêche dans le secteur. De nombreux bateaux étaient en vue et le vraquier en avait déjà croisés quelques-uns. Le personnel navigant du vraquier aurait également pu prévoir le changement de cap effectué par les bateaux de pêche. La flottille de bateaux de pêche emprunte régulièrement le chenal de Baynes pour retourner à Vancouver après la journée de pêche, fait connu des pilotes de l'endroit.
2.6 Dispositif de séparation du trafic
Étant donné que la limite, vers la côte, de la voie de circulation en direction ouest se trouve à proximité de la côte aux îles Trial et que les Instructions nautiques mettent les navigateursen garde quant à l'utilisation du passage au nord de ces îles, la zone de navigation côtière destinée aux navires qui n'utilisent pas le dispositif de séparation du trafic entre le détroit de Juan de Fuca et le détroit de Haro est très restreinte. Pour se rendre des rochers Race au chenal de Baynes, les navires qui n'utilisent pas une zone de navigation côtière doivent couper le dispositif de séparation du trafic à deux endroits. Toutefois, s'il coupe les voies de circulation suivant un cap perpendiculaire à celles-ci, comme l'exige le Règlement pour prévenir les abordages en mer, on estime qu'un navire comme le « PACIFIC CHALLENGER » s'allongera de deux milles et demi à trois milles, soit d'une vingtaine de minutes, sur le chemin du retour. Les navires qui suivent une trajectoire en ligne droite, comme l'a fait le « PACIFIC CHALLENGER » le jour de l'événement, doivent changer de cap au large des îles Trial, soit dans les parages de l'endroit où les navires qui se dirigent vers le large à l'intérieur du dispositif de séparation du trafic mettent le cap sur la station de pilotage.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis
- Une flottille d'une cinquantaine de bateaux de pêche se dirigeait vers Vancouver en passant par le détroit de Juan de Fuca.
- La flottille de bateaux de pêche ne participait pas au système d'organisation du trafic maritime de Vancouver.
- Dans ce secteur du détroit de Juan de Fuca, la route suivie par ces bateaux de pêche les a amenés à naviguer à l'intérieur du dispositif de séparation du trafic, en sens inverse de la direction générale du trafic, sur une distance de plus de deux milles.
- Les deux navires étaient à l'écoute sur la voie 16 du radiotéléphone très haute fréquence (VHF), mais ils utilisaient des fréquences de travail différentes pour leurs communications en ce qui avait trait à la conduite du navire et à leurs intentions respectives.
- Le « OAKBY » faisait route en direction de la station de pilotage de Victoria.
- Le vraquier a filé sa vitesse commerciale jusqu'à ce qu'il réduise l'allure à sa vitesse de manoeuvre quelque six minutes avant l'abordage.
- Avant l'abordage, les deux navires se rapprochaient l'un de l'autre sur une route réciproque à une vitesse combinée de plus de 20 noeuds.
- Aucun des deux navires n'a tenté de communiquer avec l'autre de quelque façon que ce fut, même lorsqu'il est devenu évident qu'une situation rapprochée était en train de se créer.
- Les deux navires ont changé de cap avant l'abordage, ce qui leur a fait faire route dans la même direction alors qu'une situation rapprochée se créait.
- Aucun des deux navires n'a tenté d'informer l'autre, par signaux sonores ou autres, de son intention de changer de cap.
- L'attention du marin qui avait la conduite de la navigation du « PACIFIC CHALLENGER » a été détournée du « OAKBY » alors qu'il manoeuvrait près des autres bateaux de pêche de la flottille.
- L'abordage s'est produit à un angle d'impact d'environ 70 degrés, l'avant bâbord du « PACIFIC CHALLENGER » heurtant l'avant bâbord du « OAKBY ».
- Le « PACIFIC CHALLENGER » a subi de lourdes avaries et un membre de son équipage a été blessé.
- En raison de l'espace restreint, il n'existe pas de zone de navigation côtière au sud des îles Trial.
3.2 Causes
Le « OAKBY », qui était au courant de la présence de la flottille de bateaux de pêche dans le secteur, faisait route à une vitesse excessive dans les circonstances. Le « PACIFIC CHALLENGER » n'assurait pas une veille efficace; on n'a pas réduit l'allure et aucune mesure n'a été prise pour éviter une situation très rapprochée. Aucun des deux navires n'a pris de mesures correctives en temps voulu pour éviter l'abordage, et ni l'un ni l'autre n'a tenté d'informer l'autre navire de ses intentions, soit par radio, soit par signaux sonores ou visuels.
Le fait que le « PACIFIC CHALLENGER » faisait route en sens inverse de la direction générale du trafic à l'intérieur du dispositif de séparation du trafic a également contribué à l'abordage.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
4.1.1 Avis aux navires de commerce et aux bateaux de pêche
En juin 1995, des représentants de la Garde côtière canadienne, du Fisheries Council of British Columbia, de la British Columbia Coast Pilots et de l'industrie maritime se sont rencontrés pour discuter de questions de sécurité d'intérêt pour les navires de commerce et les bateaux de pêche sur la côte ouest. Par suite de cette rencontre, un avis intitulé 1995 Advisory Notice to Commercial Ships and Fishing Vessels Using the Inside Passage Waters of British Columbia During the Commercial Fishing Season a été distribué au sein de l'industrie maritime et il a aussi été publié dans plusieurs publications spécialisées dont le Westcoast Fisherman, le Westcoast Mariner, et le Fisherman, le journal syndical. On y recommande notamment que les exploitants de bateaux de pêche assurent une écoute sur la voie des Services du trafic maritime (STM) lorsqu'ils font route et qu'ils se conforment aux mesures de sécurité de la Règle 10 du Règlement pour prévenir les abordages en mer lorsqu'ils coupent un dispositif de séparation du trafic ou qu'ils y naviguent. Il y est également recommandé que les navires de commerce assurent une écoute sur la voie 78A du radiotéléphone très haute fréquence (VHF) en plus de la voie des STM lorsqu'ils naviguent sur des lieux de pêche.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.
Annexes