ÉCHOUEMENT du vraquier «ANAX»
sur le fleuve Saint-Laurent au
large de Beaumont (Québec)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 10 décembre 1994, le «ANAX», chargé de 17 717 tonnes métriques de blé en provenance de Duluth aux États-Unis, transitait sur le fleuve Saint-Laurent à destination de Baie-Comeau (Québec) avec deux pilotes à son bord. Alors que le navire se trouvait au large de Beaumont, une interruption de courant s'est produite sur le circuit électrique d'urgence qui alimente les instruments de navigation et le poste de gouverne. Quelques minutes plus tard, le navire s'est échoué sur un fond de roches du côté sud du chenal. Le navire a subi d'importantes avaries à la coque, et il a dû être mis en cale sèche. Personne n'a été blessé et aucune pollution n'a été signalée par suite de cet accident.
Renseignements de base
Fiche technique du navire
Nom | « ANAX » |
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Port d'immatriculation | Nassau, Bahamas |
Pavillon | Bahamas |
Numéro officiel | 723181 |
Genre | Cargo |
Jauge brute | 18 392 tonneaux |
Longueur | 189,6 m |
Tirant d'eau | Avant : 8,22 m Arrière : 8,48 m |
Construction | 1979, Yougoslavie |
Propulsion | MAN 2SA, cinq cylindres, développant 7 606 kW, entraînant une hélice à pas fixe |
Propriétaires | Anax Navigation Co. SA Panama 7 |
Le 10 décembre 1994 à 12 h 15Note de bas de page 1, après avoir changé de pilote à Québec (Québec), le «ANAX» a repris sa vitesse commerciale à la sortie des limites du port de Québec en route vers Baie-Comeau. Afin d'avoir une consommation plus économique, on est passé du gazole à l'huile lourde pour alimenter la machine principale.
Vers 13 h 10, alors que le navire se trouvait au large de Beaumont, une interruption de courant a paralysé les instruments de navigation et le poste de gouverne; le navire a embardé vers la droite. Le personnel à la passerelle a aussitôt informé celui de la salle des machines par téléphone que l'appareil à gouverner était en panne et le transmetteur d'ordres a été mis en «marche arrière toute».
Surpris, le personnel de la salle des machines a hésité à répondre à la manoeuvre. Le capitaine, appelé d'urgence sur la passerelle, a ordonné, par téléphone, aux mécaniciens de quart de mettre immédiatement la machine en marche arrière. L'ordre de manoeuvre a été exécuté, mais, vers 13 h 12, le navire s'est échoué sur le côté sud du chenal en amont de la bouée K147, avant que la machine ne se soit engagée en marche arrière. La marée était de jusant depuis environ 1 heure et 30 minutes.
Le «ANAX» s'est échoué sur un tiers de sa longueur, laissant l'arrière en eau libre. Le peak avant, les citernes de double-fond no 1 de bâbord et tribord ainsi que la citerne de double-fond no 3 de tribord ont été défoncées. Le navire a dû être délesté de 1 800 tonnes et demander l'assistance de remorqueurs pour être renfloué à la faveur de la marée haute, le 14 décembre 1994.
Lors d'essais exécutés en présence d'inspecteurs, on a constaté que l'ouverture du disjoncteur sur le tableau de distribution principal, qui alimente le circuit électrique d'urgence, avait sensiblement les mêmes effets que ceux observés par le personnel à la passerelle au moment de l'échouement. Aucun autre scénario n'a reproduit les mêmes effets et aucune pièce du cicuit en cause n'a été identifiée comme pouvant être à l'origine de cette panne.
Des inspections ont été effectuées après l'échouement par des inspecteurs de la direction de la Sécurité des navires de la Garde côtière canadienne en vue de déterminer la cause technique de l'échouement de même que dans le cadre du contrôle par l'État du port. Ce qui a permis de relever certaines lacunes, notamment :
- la génératrice d'urgence ne s'est pas mise en marche automatiquement;
- le disjoncteur du circuit de la génératrice d'urgence ne s'est pas refermé automatiquement;
- les fusibles du tableau d'alimentation d'urgence et ceux du tableau de distribution principal pour les groupes moteurs de l'appareil à gouverner n'étaient pas conformes au diagramme;
- dans la timonerie, les indicateurs pour les divers modes de fonctionnement étaient peu visibles ou manquaient complètement;
- le système d'alarme en cas de panne d'alimentation des moteurs électriques ne comportait aucun signal sonore;
- le téléphone d'urgence entre la timonerie et la salle des machines ne fonctionnait pas;
- le moteur de l'embarcation de sauvetage de tribord ne pouvait pas démarrer;
- le mécanisme de mise à l'eau des embarcations de sauvetage était trop lent.
Analyse
À bord du «ANAX», il y a trois groupes électrogènes principaux et un groupe électrogène d'urgence avec disjoncteur à ouverture et fermeture automatiques. L'appareil à gouverner est actionné par deux groupes moteurs dont l'un est alimenté par le groupe électrogène principal et l'autre par le circuit électrique d'urgence. Chacun des deux groupes moteurs est doté d'une unité d'assistance (power unit); l'une alimentée par le groupe électrogène principal et l'autre par le circuit électrique d'urgence.
Dans la salle des machines, on retrouve le tableau de distribution principal relié au tableau d'urgence dans le compartiment de la génératrice d'urgence. Ce dernier alimente les instruments de navigation, les alarmes et le poste de gouverne dans la timonerie.
Un commutateur, placé sur le pupitre du poste de gouverne, permet de sélectionner l'unité d'assistance no 1 ou l'unité d'assistance no 2.
Les deux pompes hydrauliques de l'appareil à gouverner étaient en marche avant l'échouement. Étant donné que l'alimentation électrique principale était disponible, l'un des groupes moteurs et une unité d'assistance fonctionnaient encore. Toutefois, aucune instruction n'était affichée sur la passerelle pour informer le personnel des procédures à suivre en cas de panne de l'appareil à gouverner, contrairement à ce qui est prescrit par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) 1974.
L'ouverture du disjoncteur sur le tableau de distribution principal aurait dû faire démarrer la génératrice d'urgence automatiquement. Toutefois, des essais ont démontré que la génératrice d'urgence n'était pas en état de démarrer et que son disjoncteur ne se refermait pas automatiquement.
Il est possible d'engager la machine principale en «marche arrière» en cas d'urgence même si celle-ci est alimentée à l'huile lourde. Toutefois, il doit y avoir des procédures d'exécution précises entre le personnel de quart à la passerelle et celui de la salle des machines, pour qu'ils puissent exécuter sans hésitation des manoeuvres d'urgence. Les procédures en vigueur à bord du «ANAX» ne prévoyaient pas de telles manoeuvres en cas d'urgence.
Faits établis
- L'ouverture du disjoncteur du circuit électrique d'urgence sur le tableau de distribution principal semble avoir été à l'origine de l'interruption momentanée de courant qui s'est produite sur la passerelle.
- Des inspections et des essais ont permis de déterminer qu'aucune pièce du circuit électrique en cause n'était défectueuse.
- Une inspection minutieuse a permis d'établir que la génératrice d'urgence n'était pas en état de fonctionner.
- Une meilleure connaissance du système de l'appareil à gouverner ainsi que des procédures d'urgence affichées sur la passerelle auraient permis au personnel de quart de réagir promptement et de reprendre le contrôle de la gouverne.
- La machine principale était alimentée à l'huile lourde alors que le navire se trouvait dans des eaux restreintes.
- L'allure de la machine aurait pu être renversée même si cette dernière était alimentée à l'huile lourde.
Causes et facteurs contributifs
L'échouement du «ANAX» est attribuable à l'ouverture du disjoncteur du circuit électrique d'urgence quoique la cause exacte demeure indéterminée. La génératrice d'urgence n'a pas démarré automatiquement en raison de son mauvais état. En l'absence de procédures en cas d'urgence, le personnel de quart à la passerelle n'a pas pu faire face à la situation et éviter l'échouement.
Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.
Annexes