Voie d'eau et évacuation des passagers
navire affrété « VANCOUVER SPIRIT »
au large de West Vancouver (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le navire affrété « VANCOUVER SPIRIT » a quitté False Creek, (C.-B.) à destination de Bowen Island (C.-B.) avec à son bord 24 passagersNote de bas de page 1 et un équipage de trois personnes. Le navire a commencé à prendre l'eau au large de West Vancouver, à proximité de rochers voisins des îlots Grebe. Les passagers ont été transbordés sur un autre navire affrété, le «SUMMER SUN», qui se trouvait dans le voisinage. On s'est servi de pompes portatives pour étaler la voie d'eau dans le compartiment machines, et le « VANCOUVER SPIRIT » a été remorqué vers un endroit abrité pour y être sorti de l'eau et réparé.
Autres renseignements de base
Fiche technique du bâtiment
Nom | « VANCOUVER SPIRIT » |
---|---|
Port d'immatriculation | Vancouver (C.-B.) |
Pavillon | Canadien |
Numéro officiel | 320222 |
Type | Yacht |
Jauge brute | 82,1 tonneaux |
Équipage | 3 personnes |
Passagers | 24 |
Longueur | 1,22 m |
Tirant d'eau (max.) | Canadien |
Construction | 1947, en bois, Québec (Qc) |
Propulsion | Deux hélices |
Propriétaires | Real Holdings Ltd. Vancouver (C.-B.) |
Le « VANCOUVER SPIRIT » a deux ponts passagers, chacun doté à l'avant de commandes de gouverne; les commandes principales de gouverne et de manoeuvre se trouvent au pont inférieur. L'aire de spectacle à l'intention des passagers se trouve aussi au pont inférieur, tandis que la salle à manger est située au pont supérieur. Un panneau encastré dans le pont inférieur donne accès au compartiment machines. L'embarquement se fait à l'extrémité arrière du pont inférieur.
Vers midiNote de bas de page 2 le 11 juin 1995, 24 passagers, dont des adultes et des enfants, sont montés à bord du« VANCOUVER SPIRIT » pour une excursion. Le voyage faisait partie d'une sortie organisée par la direction d'une entreprise de fabrication d'ordinateurs à l'intention des familles et des amis de ses employés. La compagnie avait embauché une entreprise de relations publiques spécialisée dans l'organisation de telles activités pour gérer l'excursion, et celle-ci avait réservé les services du « VANCOUVER SPIRIT » à cette fin.
Aucun des trois membres de l'équipage, y compris le patron , n'était breveté, et ils n'étaient pas tenus de l'être en vertu des règlements. Néanmoins, le second avait suivi les volets A1 et A2 du cours de Fonctions d'urgence en mer. Avant le départ, un des membres de l'équipage s'était servi du système de sonorisation du bord pour donner quelques consignes de sécurité, notamment faire connaître l'emplacement des gilets de sauvetage et des autres équipements de sécurité du à bord. Le bateau a ensuite quitté False Creek à destination de Bowen Island. Il participait aux Services du trafic maritime (STM), et communiquait périodiquement avec les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) de Vancouver par radiotéléphone VHF.
Après avoir doublé la pointe Atkinson, le navire a mis le cap au nord en direction du feu de Grebe au large d'Indian Bluff, à West Vancouver. Le patron tenait la barre et gouvernait en se fiant à sa connaissance des lieux; il surveillait la progression du navire et assurait la veille. Le second s'occupait des passagers. Il n'y avait aucun moyen de déterminer la position du navire à partir du pupitre de commande de barre car le radar était hors d'usage. Les passagers participaient à un jeu qui consistait à identifier des repères à terre.
Vers 13 h 40, alors que le navire se trouvait à proximité du feu de Grebe, on a entendu un fort bruit de déchirement malgré la musique diffusée par le système de sonorisation. Le son s'est fait entendre une fois de plus et le navire a commencé à mal répondre à la barre.
Le patron est allé voir ce qui se passait et a constaté que de l'eau s'infiltrait dans le compartiment machines près du gouvernail. Les SCTM et les navires du voisinage ont été informés que le « VANCOUVER SPIRIT » avait apparemment heurté un rocher. à ce moment, nulle mention n'a été faite ni aux SCTM ni aux autres navires venus prêter assistance de la possibilité que le navire ait heurté une bille flottante ou de l'existence d'un tel obstacle. Toutefois, on a plus tard signalé que le « VANCOUVER SPIRIT » avait peut-être heurté une bille flottante. D'autres bateaux se trouvant dans les parages ont vu le « VANCOUVER SPIRIT » très près des rochers des îlots Grebe. Certains de ces rochers étaient submergés.
Le patron a appelé le navire affrété «SUMMER SUN» qui se trouvait à proximité. Celui-ci s'est placé bord à bord et les passagers du « VANCOUVER SPIRIT » y ont été transbordés. Un patrouilleur de la Garde côtière canadienne et un aéroglisseur ont aussi prêté assistance, de même qu'un bateau d'intervention du propriétaire du « VANCOUVER SPIRIT ». Des pompes additionnelles ont été mises en marche pour évacuer l'eau, tandis que la brèche dans la coque était temporairement colmatée; le bateau fut remorqué à un endroit sûr où il a été sorti de l'eau et réparé.
Historique du navire
Le navire est immatriculé en tant que «yacht» dans le registre des navires, mais il est consigné comme «navire à passagers» dans le Système d'enregistrement et d'inspection des navires de Transports Canada. Depuis 1991, le navire a été inspecté à cinq reprises et on lui a délivré un certificat d'inspection (SIC) 16. La dernière inspection du navire par la Sécurité maritimeNote de bas de page 3 de Transports Canada (TC) remontait au 8 décembre 1994. L'expert maritime n'avait à cette occasion délivré qu'un certificat SIC 16 à court terme devant expirer le 7 janvier 1995, parce que les travaux destinés à corriger des anomalies identifiées à l'inspection précédente et susceptibles de compromettre la sécurité du navire n'avaient pas été effectués à sa satisfaction. Les correctifs requis comprenaient l'installation d'un système d'assèchement des cales approuvé. Au moment de l'accident, le navire était exploité sans certificat d'inspection valide.
Selon la Sécurité maritime de TC, le « VANCOUVER SPIRIT » était exploité en vertu d'une «charte-partie». La lettre d'entente entre l'entreprise de relations publiques et les propriétaires du « VANCOUVER SPIRIT » fixait les heures de départ et d'arrivée à l'île Granville de même que le prix par personne, et elle énumérait une liste d'aliments et de boissons à servir au cours du voyage. La charte-partie ne contenait aucune exigence relativement à la navigabilité ou à la sécurité.
Analyse
Étant donné que le radar n'était pas en état de marche et qu'il n'y avait aucun autre moyen d'établir la position du navire à partir du pupitre de commande de barre, aucune disposition n'avait été prise pour le relèvement de la position exacte du bâtiment. Le patron se fiait plutôt à sa connaissance des lieux, et cela, en dépit du fait que le navire passait très près des rochers. Comme le patron était seul sur la passerelle à s'occuper de tâches multiples, une vigie adéquate n'était pas maintenue.
Navires affrétés
L'affrètement de navires suscite depuis longtemps beaucoup de controverse sur la côte ouest du Canada. En 1986, la Sécurité maritime de TC (auparavant la GCC) a mis en place un programme volontaire de conformité appelé «Programme de conformité des navires à passagers». Toutefois, celui-ci n'a connu qu'un succès mitigé; certains propriétaires ont trouvé qu'il n'était pas appliqué de façon uniforme, et on y a mis fin en 1989. Il y a eu des frictions entre les propriétaires qui dépensaient des sommes d'argent considérables pour se conformer au programme et ceux qui ne le faisaient pas.
Le «navire affrété» n'est pas défini dans la Loi sur la Marine marchande du Canada (LMMC). Un «yacht de plaisance» est défini dans la Loi comme «un navire utilisé exclusivement pour l'agrément et qui ne transporte pas de passagers» le terme «passager»Note de bas de page 4 est défini par une série d'exclusions.
Une récente décision de la CourNote de bas de page 5 fait ressortir les lacunes dans l'application des dispositions actuelles de la Loi aux navires affrétés. Essentiellement, les bateaux loués à bord desquels les passagers ne paient pas ou ne contribuent pas directement au paiement du navire sont considérés comme des embarcations de plaisance, et les personnes qu'elles transportent ne sont pas des passagers au sens de la Loi. Cela signifie donc que les personnes transportées à bord de ces navires ne sont pas protégées par les mêmes normes de sécurité que celles qui voyagent à bord de «navires à passagers».
Jusqu'à ce que la définition de «passager» et «navire à passagers» soit élargie pour englober les embarcations de plaisance comme le « VANCOUVER SPIRIT », des navires sans certificat vont continuer de transporter des personnes sans offrir les mêmes garanties de sécurité que les navires à passagers. Dans la plupart des cas, ces personnes ignorent complètement les différences dans les exigences en matière de sécurité.
Chartes-parties
Bien des affréteurs sont aussi totalement ignorants des mesures de sécurité qu'implique la location d'un navire. Dans la plupart des cas, ils pensent qu'ils n'ont qu'à verser au propriétaire le montant nécessaire pour le nombre de personnes à bord et que celui-ci va automatiquement leur fournir un navire en bon état de navigabilité et offrant toutes les caractéristiques de sécurité exigées pour un navire de ce tonnage et de ce type. Cela explique qu'il soit si rare que les affréteurs stipulent expressément dans leurs contrats des normes de navigabilité et de sécurité, ou encore le responsable du respect de ces normes.
État de navigabilité du navire
Pour un navire, «en bon état de navigabilité» signifie que le navire est «bien construit, préparé, armé en personnel, équipé et pourvu pour le voyage prévuNote de bas de page 6... La garantie de navigabilité porte non seulement sur l'état de la structure du navire, mais exige aussi que le bâtiment soit correctement chargé et pourvu d'un capitaine compétent ainsi que d'un nombre suffisant d'officiers et de matelots qualifiés... en vue du voyage.»(Traduction libre).
Aucun membre de l'équipage du « VANCOUVER SPIRIT » n'était breveté. En outre, le navire était exploité sans qu'on ait remplacé le système d'assèchement des cales non approuvé et inefficace, remplacement qui était une condition du renouvellement du certificat d'inspection.
Faits établis
- à cause de la définition de «passager» et de «navire à passagers» dans la Loi sur la Marine marchande du Canada, le « VANCOUVER SPIRIT » a pu être exploité sans certificat d'inspection valide et sans équipage breveté.
- Le grand public et les affréteurs potentiels ne mesurent pas toujours bien les incidences de la location d'une embarcation de plaisance, et il peut arriver que la sécurité des personnes transportées à bord de ces bâtiments affrétés soit compromise.
- La validité du dernier certificat d'inspection délivré au « VANCOUVER SPIRIT » avait pris fin environ six mois avant l'accident.
- Le certificat avait été délivré pour une courte période parce que les propriétaires n'avaient pas apporté certains correctifs recommandés pour améliorer la sécurité du navire.
- L'inefficacité du système d'assèchement des cales du navire compromettait effectivement l'aptitude du navire à tenir la mer ainsi que la sécurité des passagers et de l'équipage.
- Le radar à bord était hors d'usage et aucune disposition n'était prise pour relever systématiquement la route du navire sur la carte, même si celui-ci se trouvait à proximité de rochers, et aucune vigie adéquate n'était maintenue.
- Le bateau a heurté un obstacle immergé, probablement un rocher, et a commencé à prendre l'eau à proximité des îlots Grebe.
Causes et facteurs contributifs
Le « VANCOUVER SPIRIT » a commencé à prendre l'eau après avoir heurté un objet immergé, probablement un rocher, à proximité des îlots Grebe. Le fait qu'une vigie adéquate n'était pas maintenue et que la position du navire n'était pas relevée a contribué à l'accident. Les passagers ont été évacués sains et saufs, lorsqu'on a constaté que le système d'assèchement de la cale était incapable d'étaler la voie d'eau.
Mesures de sécurité prises
TC a proposé de modifier la définition de «passager» dans la Loi sur la Marine marchande du Canada . La nouvelle définition des passagers incluera les invités d'un affréteur. La proposition a reçu l'approbation du Cabinet en mai 1996.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Par conséquent, le Bureau, composé du président, Benoît Bouchard, ainsi que des membres, Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros, en a autorisé la publication, le .