Rapport d'enquête maritime M96H0016

Échouement
Navire à passagers «HANSEATIC»
Détroit de Simpson, Territoires du Nord-Ouest

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Au cours de la traversée de Gjoa Haven à Resolute Bay, le «HANSEATIC» s'est échoué dans le détroit de Simpson. Le temps était beau et clair et l'on naviguait à vue, en se guidant sur des alignements terrestres, et au radar. On a dérogé au plan de la traversée quand on a cru qu'une bouée qui avait été laissée dans le détroit à la saison de navigation précédente, indiquait un haut-fond. La bouée avait été déplacée par la glace.

    Le Bureau a déterminé que le «HANSEATIC» s'est échoué parce que l'équipage à la passerelle n'a pas rigoureusement respecté le plan de navigation qui avait été élaboré pour la traversée du détroit. Le fait qu'on se soit fié à une bouée de navigation laissée dans le détroit à la fin de la saison de navigation précédente a contribué à l'échouement.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    Nom « HANSEATIC »
    Numéro officiel 720407
    Port d'immatriculation Nassau, Bahamas
    Pavillon Bahamas
    Type Navire à passagers
    Jauge bruteNote de bas de page 1 8 378 tonneaux
    Longueur 122,80 m
    Tirant d'eau 4,8 m (max.)
    Construction 1991, Rauma, Finlande
    Groupe propulseur 2 moteurs diesels de 2 940 kWNote de bas de page 2 entraînant deux hélices à pas variable
    Propriétaires Bunnys Adventure & Cruise Shipping Co., Hambourg, Allemagne
    Passagers 149
    Équipage 110 personnes

    1.1.1 Renseignements sur le navire

    Le «HANSEATIC» est un navire à passagers typique dont la superstructure occupe toute la longueur, derrière un pont avant court. La passerelle se trouve à l'extrémité avant de la superstructure.

    La passerelle est moderne. Le pupitre de commande se trouve dans la partie avant de la timonerie. Il y a trois radars dans la timonerie, un de chaque côté et un presque au centre.

    La vue est dégagée vers l'avant, mais la superstructure empêche quelqu'un qui se trouve dans la timonerie de voir vers l'arrière. Pour améliorer le champ de vision vers l'arrière, les ailerons de passerelle débordent la superstructure. On retrouve dans chaque aileron un pupitre de manoeuvre comportant un répétiteur de gyrocompas.

    Le «HANSEATIC» est un paquebot haut de gamme qui, depuis 1993, se spécialise dans ce que la presse maritime appelle les croisières aventure. Il est muni de plusieurs petites embarcations qui permettent aux passagers de descendre à terre quand le navire fait relâche à un endroit où il n'y a pas d'installations portuaires.

    La coque du navire est renforcée pour la navigation dans les glaces.

    1.2 Déroulement du voyage

    Le 29 août 1996, le «HANSEATIC» en était au onzième jour d'une croisière dans le Passage du Nord-Ouest qui avait débuté à Nome en Alaska et devait se terminer au Groenland. La croisière avait amené le paquebot à plusieurs localités d'Alaska, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest.

    Le matin du 29 août, le «HANSEATIC» se dirigeait vers l'est dans le détroit de Simpson pour se rendre au village de Gjoa Haven où il devait mouiller une partie de la journée pendant que les passagers descendaient à terre pour visiter le village. Pendant le voyage, on a aperçu dans le détroit plusieurs bouées inattendues. Le capitaine ne croyait pas voir de bouées dans le détroit parce que le Système de trafic de l'Arctique canadien (NORDREG CANADA) l'avait informé que les bouées du détroit de Simpson se trouvaient toujours à bord du NGCC «SIR WILFRID LAURIER», qui n'avait pas encore eu l'occasion de les mettre en place. La majorité des balises d'alignement pour les différents segments de route du trajet d'aller se trouvaient devant le navire et la traversée s'est déroulée rondement et sans incident. On a prêté peu d'attention aux bouées et l'on n'a pas cherché à savoir si elles étaient à leur place.

    Le «HANSEATIC» a quitté Gjoa Haven dans l'après-midi du 29 août à destination de Resolute Bay. Dans la première partie du trajet vers Resolute, le «HANSEATIC» devait refaire en sens inverse (vers l'ouest) la traversée du matin dans le détroit de Simpson. L'itinéraire comporte de multiples changements de cap et, comme pour l'arrivée le matin, c'est le capitaine qui avait la conduite du navire. Il y avait avec lui sur la passerelle un timonier ainsi que le second capitaine qui l'assistait pour la navigation. Le navire, qui a une vitesse commerciale de 14 noeuds, faisait environ 10 noeuds et il n'y a pas eu de problème pendant la première partie du trajet. Une position relevée à 17 h 38Note de bas de page 3 a confirmé que la trajectoire du navire était parallèle à la route au 288° indiquée sur la carte pour l'alignement de l'île Eta, à une encablure à peu près au sud de cette route. Si le navire se trouvait au sud de la route indiquée sur la carte, c'était pour éviter un haut-fond de 6,1 m signalé près de la route. Une fois passé le haut-fond, à peu près à mi-chemin sur ce segment de route, le «HANSEATIC» a repris sa route au 288. À 17 h 45, le second a vérifié la position du navire et a constaté que celui-ci se trouvait à peu près exactement sur la route au 288, avec l'extrémité nord-ouest de l'île Saatuq par son travers. À cet endroit, le navire était à environ un demi-mille de la position du changement de cap suivant et le second a entrepris de régler le radar pour le prochain segment de route.

    Pendant ce temps, le capitaine contrôlait la position du navire par rapport à la route à suivre au 288 en se guidant sur l'alignement de l'île Eta. Comme cet alignement se trouvait à l'arrière du navire, et que les ordres à la barre variaient entre 290 et 293, le capitaine devait fréquemment se rendre dans l'aileron tribord de la passerelle pour regarder les repères d'alignement. Selon les témoignages, il tenait un cap de plus en plus à droite de la route à suivre pour corriger la dérive due au vent du nord-ouest.

    Alors que le «HANSEATIC» approchait de la position de changement de cap, le capitaine s'est rendu compte que le navire était trop au nord de l'alignement, mais la vue d'une bouée verte sur son côté tribord l'a persuadé qu'il parerait ainsi un haut-fond situé juste au nord de la route à suivre. Il s'agissait cependant d'une bouée qui n'avait pas été enlevée à la fin de la saison de navigation précédente et que les glaces hivernales avaient déplacée d'environ 200 m au nord-est. Par conséquent, le «HANSEATIC» s'est échoué sur le haut-fond, par 6833,75' N et 09732,2' W.

    Comme le navire ne semblait pas en danger, on a permis aux passagers, les jours suivants, d'explorer les îles voisines avec les embarcations en attendant de l'aide. Le 5 septembre 1996, les passagers, sauf quelques-uns qui avaient demandé à être ramenés chez eux par avion, ont été transbordés sur un autre navire afin de poursuivre leur croisière dans le Passage du Nord-Ouest.

    Après plusieurs tentatives infructueuses, le navire a finalement été renfloué le 8 septembre 1996, avec l'aide du remorqueur «EDGAR KOTOKAK», et du garde-côte «NAHIDIK».

    1.3 Victimes

    Personne n'a été blessé dans l'échouement.

    1.4 Avaries et dommages

    Les avaries ont été limitées aux oeuvres vives entre les couples 77 et 126. Le bordé de coque a été perforé et fortement gondolé de part et d'autre de la carlingue axiale, mais l'accident n'a pas fait de pollution.

    1.5 Certificats et brevets

    1.5.1 Navire

    Le navire possédait les certificats, l'équipage et l'équipement exigés par les règlements.

    1.5.2 Personnel de navigation

    Le capitaine et le second possédaient les qualifications exigées pour la jauge du navire et le type de voyage en cours.

    1.6 Expérience du personnel

    Le capitaine du «HANSEATIC» avait 26 ans d'expérience comme capitaine sur de nombreux navires à passagers. Il était venu plusieurs fois dans l'Arctique canadien, mais en était à sa première traversée du détroit de Simpson.

    Le second du «HANSEATIC» avait 25 ans d'expérience de la navigation, dont 10 comme capitaine. Il possédait sept mois d'expérience comme second capitaine du «HANSEATIC».

    1.7 Équipage à la passerelle

    Le capitaine, le second et le timonier se trouvaient sur la passerelle avant et pendant l'échouement. Un officier de navigation dans les glaces était présent à bord du «HANSEATIC», mais à cette époque de l'année, le navire était autorisé à circuler dans le détroit de Simpson sans son aide et il ne se trouvait pas sur la passerelle.

    L'équipage à la passerelle était bien reposée au moment de l'accident.

    1.8 Conditions environnementales

    1.8.1 Conditions météorologiques

    Le temps était beau et clair avec un vent du nord-ouest de 17 à 21 noeuds. La mer était calme dans les eaux abritées du détroit, et la visibilité était de 5 milles environ. La température de l'air était de 7 C et celle de la mer, de 4 C.

    1.8.2 Marée et courant de marée

    Selon le volume I des Instructions nautiques - Arctique canadien, l'amplitude moyenne de la marée dans le détroit de Simpson est d'environ 0,6 m. L'amplitude pour le cycle de marée pendant lequel l'échouement s'est produit a été évaluée à environ 0,5 m. L'échouement est survenu environ quatre heures après la pleine mer.

    Les Instructions nautiques indiquent : «D'après de brèves observations intermittentes, le courant de marée semble rectiligne et porte à peu près parallèlement à l'axe du détroit . . . .» Elles avertissent aussi «. . . qu'on a signalé des courants de marée atteignant 4 noeuds, et même 7 noeuds près de l'île Eta, ainsi que des changements marqués de leur direction, des rides de courant de marée et des tourbillons autour des îlots et des hauts-fonds.» La carte no 7735 du Service hydrographique du Canada (SHC) indique la présence de clapotis de marée dans le secteur de l'échouement.

    Après avoir analysé l'information disponible, l'Institute of Marine Sciences de Sidney (Colombie-Britannique) a émis l'opinion qu'il ne serait pas censé y avoir de fortes déviations du courant par rapport à la direction du chenal à proximité de l'axe de l'alignement. Les représentants de l'Institute ont conclu qu'il était improbable que les courants aient contribué de façon importante à faire dévier le «HANSEATIC» de sa route.

    1.9 Navigation

    1.9.1 Équipement de navigation

    L'équipement de navigation était apparemment en assez bon état. Deux postes radars étaient utilisés pour diriger le navire et aucune défectuosité n'a été signalée.

    Le Système de positionnement global (GPS) n'était pas utilisé. Les positions obtenues par GPS dans le détroit de Simpson peuvent montrer des différences atteignant un mille lorsqu'on les reporte sur la carte. Ce manque de précision est dû à l'inexactitude des coordonnées géographiques des cartes du secteur.

    1.9.2 Cartes et publications

    La carte marine utilisée à bord était la carte no 7735 du SHC, soit celle du détroit de Simpson.

    Pour bien des régions de la côte arctique, les cartes sont soit incomplètes soit inexactes, ou les deux. Les coordonnées géographiques ne sont pas exactes sur certaines cartes (dont la carte no 7735), mais les positions relatives des lignes de rivage et des autres particularités sont correctement représentées sur la carte no 7735. Les positions obtenues au radar et relevées visuellement seront correctement illustrées sur la carte.

    Les volumes 1 et 3 des Instructions nautiques - Arctique canadien s'appliquent au secteur de l'accident; ces publications se trouvaient à bord du «HANSEATIC».

    1.9.3 Aides à la navigation

    Les Instructions nautiques indiquent que le chenal dans le détroit de Simpson est marqué par des balises, des repères d'alignement et des bouées. Les Instructions nautiques indiquent aussi que les bouées dans le détroit de Simpson sont saisonnières. Cependant, comme la Garde côtière canadienne (GCC) estime que les besoins opérationnels de déglaçage priment sur le retrait des bouées dans le détroit, celles-ci ne sont pas toujours enlevées à la fin de la saison de navigation. À chaque saison, ce n'est qu'après la diffusion d'un Avis à la navigation mentionnant expressément que les bouées ont été mises en place dans la région que la GCC considère que le détroit est balisé. Cet Avis à la navigation n'avait pas été diffusé au moment de l'accident. Les bouées ont beau être conçues pour ne durer qu'une saison, certaines résistent à l'hiver et continuent de flotter dans le détroit ou s'échouent sur les plages adjacentes. Celles qui demeurent à flot ne sont presque jamais à leur position selon la carte. La bouée qui marquait le haut-fond sur lequel le «HANSEATIC» s'est échoué avait été déplacée d'environ 200 m au nord-est, tandis que celle qui indiquait le haut-fond de l'autre côté du chenal a été retrouvée à quelque 1 300 m à l'ouest de sa position selon la carte.

    Une bande d'une vingtaine de milles du chenal navigable illustrée sur la carte no 7735 du SHC englobe onze segments de route, dont huit sont définis par une série de repères d'alignement terrestres. Les vétérans de la navigation dans l'Arctique savent que certains de ces repères d'alignement se trouvent sur des îles basses et peuvent être déplacés par la glace, et ils affirment que les navigateurs ne doivent s'y fier qu'avec prudence. Six des huit séries de repères d'alignement se trouvent devant un navire qui fait route vers l'est.

    Les alignements 108-288 de l'île Eta ont été vérifiés après l'échouement du «HANSEATIC» et ils étaient à la position normale.

    Il n'y a pas d'aide à la navigation lumineuse dans le détroit de Simpson.

    1.9.4 Avertissements concernant le balisage

    Les publications canadiennes traitant de la traversée du détroit de Simpson contiennent plusieurs mises en garde de ne pas se fier sur les bouées dans le secteur.

    Une note sur la carte no 7735 prévient que le chenal traversant le détroit de Simpson est balisé par des bouées saisonnières qui peuvent être déplacées par la glace. Toutes les Instructions nautiques publiées par le ministère des Pêches et des Océans (MPO) préviennent les navigateurs qu'ils ne doivent pas se fier aveuglément aux bouées, lesquelles ne sont pas toujours à la position indiquée sur la carte. Les bouées doivent être considérées comme de simples repères et les capitaines doivent toujours se guider sur les relèvements ou les gisements d'amers terrestres. Le volume 1 des Instructions nautiques - Arctique canadien précise aussi que les bouées mouillées dans les eaux arctiques doivent être considérées uniquement comme des aides à la navigation temporaires et d'une fiabilité très discutable, parce qu'elles sont toujours susceptibles d'être déplacées par les glaces. Le volume 3 des Instructions nautiques - Arctique canadien avertit que les bouées du détroit de Simpson sont des bouées saisonnières qui «sont formées de 4 barils soudés les uns aux autres et peinturés rouges ou verts. Certaines années, dû à la condition des glaces, il n'est pas possible de mouiller les bouées et on ne peut s'attendre à ce que des bouées restent en place très longtemps dans ces eaux infestées de glace; on ne peut guère se fier à ces aides.»

    1.10 Planification de la traversée et gestion des ressources sur la passerelle

    Le capitaine et le second ont participé à la planification de la traversée. Selon les Instructions nautiques, «En raison du grand nombre de hauts-fonds, des chenaux étroits et des forts courants de marée, le passage du détroit Simpson constitue probablement l'étape la plus dangereuse pour la navigation de tout le passage le long de la terre ferme.» Cette publication explique aussi qu'un grand nombre de hauts-fonds se trouvent près du chenal et qu'il est possible que ces hauts-fonds soient considérablement modifiés par la glace chaque saison.

    En ce qui concerne la topographie, les Instructions nautiques mentionnent que du côté nord du détroit de Simpson, la côte présente un profil bas, régulier et plutôt uniforme, sans amer distinctif, alors que la côte sud est un petit peu plus élevée que la côte nord, ajoutant que dans l'ensemble l'altitude est modérée et le terrain s'élève doucement jusqu'à des collines éloignées. Les îles du détroit de Simpson sont principalement constituées de pierres et de gros blocs erratiques et tendent à se fondre l'une avec l'autre ainsi qu'avec le littoral adjacent.

    Pour la traversée du détroit de Simpson, le capitaine assurait la conduite du navire, assisté du second qui faisait le point. Dans les parties du détroit où l'orientation du chenal est indiquée par des repères d'alignement terrestres, le capitaine est en mesure de déceler promptement toute déviation latérale du navire par rapport à l'alignement. Pour indiquer la progression du navire dans l'axe du chenal, le second devait obtenir et porter sur la carte des distances et des relèvements radar. Aucune vérification supplémentaire à l'aide de l'alidade mécanique n'a été faite alors que le navire se trouvait sur l'alignement de l'île Eta, mais on s'est servi de l'alidade mécanique pour le segment de route suivant. Alors que le navire faisait route en direction ouest sur ces deux segments de route, les repères d'alignement se trouvaient derrière lui. Lorsque le navire suivait la route de l'île Eta, l'échelle de distance radar utilisée était variable selon l'application.

    1.11 Officier de navigation dans les glaces

    Selon le Règlement sur la prévention de la pollution des eaux arctiques par les navires, le «HANSEATIC» n'était pas tenu d'avoir à son bord un officier de navigation dans les glaces, même s'il y en avait un à bord depuis le départ de Nome. Le «HANSEATIC» se trouvait en eaux libres au moment de l'échouement et l'officier de navigation dans les glaces ne se trouvait pas sur la passerelle et il n'était pas tenu d'y être.

    1.12 Assistance après l'échouement et renflouement du navire

    1.12.1 Assistance

    Après l'échouement, le capitaine a communiqué avec NORDREG, pour faire part de la situation et demander l'assistance de remorqueurs. Le NGCC «NAHIDIK», qui se trouvait dans les parages, a été dépêché pour aider le navire échoué. Il est arrivé à pied d'oeuvre à 3 h 34 le 30 août.

    Le matin du 30 août, le NGCC «HENRY LARSEN» a aussi été envoyé pour participer à l'intervention. Cependant, son tirant d'eau l'a empêché de pénétrer dans le chenal et il n'a pu s'approcher à moins d'une centaine de milles marins du navire échoué. Le 5 septembre 1996, le NGCC «LOUIS ST. LAURENT» a été envoyé pour remplacer le «HENRY LARSEN», mais il avait lui aussi un tirant d'eau trop fort pour se rendre sur les lieux.

    1.12.2 Opération de renflouement

    Le 30 août, le «NAHIDIK» a tenté à deux reprises de libérer le «HANSEATIC» en le tirant par l'arrière. À la seconde tentative, la remorque s'est brisée et le travail a été interrompu pour la journée. Une autre tentative était prévue pour le 31 août, mais le «NAHIDIK» a endommagé son mât de misaine en manoeuvrant pour recevoir une ancre du «HANSEATIC», et on a cessé toute tentative en attendant l'arrivée de remorqueurs commerciaux.

    Le 5 septembre, les passagers ont quitté le navire. Ceux qui n'avaient pas demandé à être ramenés chez eux par avion ont été transbordés par voie aérienne sur un paquebot russe doté d'une capacité de déglaçage, le «KAPITAN DRANITSYN». Les propriétaires du «HANSEATIC» avaient affrété le «KAPITAN DRANITSYN» qui était libre dans la région à l'issue d'un engagement promotionnel. Dix membres d'équipage du «HANSEATIC» ont aussi été transbordés sur le navire russe pour s'occuper des passagers.

    Le 7 septembre, le «HANSEATIC» a déchargé une ancre et sa chaîne, de même que la plus grande partie de son combustible, sur un chaland amené à couple par le remorqueur canadien «EDGAR KOTOKAK». On a mis à l'eau les embarcations de sauvetage et les zodiacs. Le lendemain, soit le 8 septembre, le «NAHIDIK» et le «EDGAR KOTOKAK» se sont attachés au «HANSEATIC» qu'ils ont réussi à remettre à flot à 10 h 33.

    1.12.3 Recherches et sauvetage

    Même si le «HANSEATIC» n'a pas transmis d'appel de détresse, le Centre de coordination du sauvetage de Trenton a été averti de l'échouement. Il n'y a pas énormément d'activité maritime dans l'Arctique canadien et aucune ressource de recherches et sauvetage (SAR) maritime spécialisée n'est affectée à cette région.

    Le gros de l'activité maritime dans la région vient des bâtiments commerciaux de ravitaillement et des navires de l'État. Au cours des huit derniers étés, trois paquebots en moyenne ont fait des croisières de deux ou trois semaines dans l'Arctique canadien. Des brise-glace de la Garde côtière et des navires scientifiques du MPO fournissent une couverture SAR accessoire en été et au début de l'automne.

    Pour la plupart des incidents SAR maritimes qui surviennent dans la région, l'intervention est assurée par des ressources aériennes spécialisées et non par des ressources maritimes. Trois aéronefs Twin Otter C-138 et un aéronef Hercules C-130 assurent la couverture dans toute la région.

    Le trafic maritime est minime dans le détroit de Simpson et aucun accident aux navires n'a été signalé dans le secteur depuis le début des dossiers informatisés en 1975.

    1.13 Politique concernant les passagers

    La politique du bord est d'admettre les passagers sur la passerelle du «HANSEATIC» pendant que le navire fait route. L'équipage de navigation est habitué à la présence de passagers et n'est apparemment pas distrait par ceux-ci. Le directeur de la croisière ainsi qu'une vingtaine de passagers étaient présents sur la passerelle pendant le trajet vers l'ouest dans le détroit de Simpson. Ils se tenaient à l'arrière, en silence, dans un espace réservé et entouré de cordes. Le capitaine n'a pris conscience de leur présence qu'après l'échouement, et il est improbable qu'ils l'aient distrait.

    Les passagers présents sur la passerelle ont décrit l'atmosphère comme empreinte de sérieux et de professionnalisme.

    1.14 Conscience de la situation

    La conscience de la situation peut se définir comme la perception juste des facteurs et conditions qui influent sur l'équipage et l'exploitation du navire pendant une période de temps donnée. La conscience de la situation fait appel à l'ensemble des connaissances qui sont accessibles et qui peuvent être intégrées en une image cohérente, au besoin, pour évaluer une situation et y faire faceNote de bas de page 4.

    Quelqu'un qui est engagé dans une tâche complexe comme la navigation doit compter sur la conscience de la situation pour l'élaboration et l'exécution de plans. La conscience de la situation ne naît pas instantanément, elle se bâtit à trois niveaux différents. En premier lieu, la personne doit discerner les éléments de la situation dans l'information qui lui parvient, les communications, ou les références externes. Elle intègre ensuite cette information à l'aide de son expérience et de ses connaissances propres. Enfin, elle projette cette information dans l'avenir pour faire et modifier des plans lorsque les tâches sont achevées ou retardées et que des faits nouveaux surviennent. En général, on peut prévoir que des problèmes à un de ces trois niveaux vont entraîner un rendement médiocre ou des échecsNote de bas de page 5.

    Une des causes pour laquelle l'intégration de l'information peut être déficiente, c'est la présence d'un biais de confirmation qui fausse le jugement du sujet. Le biais de confirmation est la tendance à rechercher de l'information qui va confirmer ce que l'on croit, en ignorant ou en rejetant tout ce qui ne cadre pas avec notre hypothèse.

    2.0 Analyse

    2.1 Le courant de marée

    Les Instructions nautiques avertissent que le courant de marée dans le détroit de Simpson est capricieux, mais il a été impossible de déterminer avec certitude le rôle joué par le courant dans l'échouement du «HANSEATIC», s'il y en a eu un.

    Le radar n'a pas été réglé pour utilisation de l'alidade mécanique sur ce segment de route et le seul moyen de détecter promptement le mouvement latéral dû au courant était de garder les repères d'alignement terrestres sur une même ligne. Toutefois, lorsqu'on a ramené le navire sur la route à suivre, on l'a laissé traverser celle-ci et poursuivre sa route même si l'alignement terrestre était ouvert. Lorsqu'un alignement terrestre est déjà ouvert, il est difficile pour l'observateur de déceler une déviation graduelle.

    Les positions reportées par le second à 17 h 38 et 17 h 45 montrent que le navire a été ramené sur la route à suivre entre ces deux moments. La position de 17 h 45, relevée au radar 2 à 3 minutes avant l'échouement, montre le navire un peu au nord de l'alignement, mais très près de celui-ci. Cela porte à croire que le courant pourrait avoir contribué à l'échouement du «HANSEATIC». Toutefois, la direction et la distance de la position de l'échouement par rapport à la position de 17 h 45, soit 308 et 3 encablures 1/2, amènent à douter de la fiabilité de la position de 17 h 45. La route à suivre pour garder le navire dans l'alignement était au 288 et le navire faisait route au 293 pour compenser une dérive de 5 due au vent du nord-ouest. Un courant de marée rectiligne parallèle à l'axe du détroit coïnciderait fondamentalement avec la route au 288. La position de 17 h 45 ne pourrait s'expliquer que par une aberration dans le courant de marée rectiligne. Pour faire dévier le navire de 20 par rapport à la route à suivre (15 si l'on excepte la dérive) sur les dernières 3 encablures 1/2 précédant l'échouement, il aurait fallu une aberration dans le courant de marée suffisante pour produire une composante de 3 noeuds perpendiculaire à l'alignement. Or, l'analyse de l'Institute of Ocean Sciences écarte cette possibilité et les observations faites du navire échoué ne montrent aucune anomalie du genre dans les marées subséquentes. En outre, rien dans les actes du capitaine qui, parmi les personnes s'occupant de la navigation, était le seul qui surveillait en permanence les repères d'alignement, ne permet de soupçonner une déviation de cette ampleur par rapport à la route à suivre. Le capitaine n'a pas vu la nécessité de mesures correctives et, au contraire, a augmenté la correction pour la dérive, du côté opposé, juste avant l'échouement. Cela laisse croire que la distance par rapport à l'île Saatuq a été sous-estimée quand on a reporté la position de 17 h 45, et que le «HANSEATIC» ne suivait pas une route corrigée de 5 pour compenser la dérive, mais s'écartait plutôt graduellement de l'alignement.

    2.2 Navigation en suivant les alignements

    Pour la traversée vers l'est du matin, la majorité des repères d'alignement se trouvaient en avant du navire. Ils étaient donc en arrière pour la traversée vers l'ouest de l'après-midi, laquelle était un peu moins simple. Néanmoins, le plan qui avait été préparé pour la traversée du détroit de Simpson par le «HANSEATIC» aurait dû permettre au navire de transiter sans problème. Le capitaine et le second étaient des navigateurs expérimentés. Cependant, en laissant le navire faire route au nord de la route à suivre avec l'alignement ouvert, le capitaine s'est privé d'un atout précieux, soit la possibilité de se guider sur l'alignement pour garder le navire à l'abri du danger. Quand on cherche à évaluer de combien un navire s'est écarté de la route à suivre en examinant la position respective de deux repères d'alignement «ouverts» on s'expose, au mieux, à des résultats imprécis. Plus un navire s'éloigne des repères d'alignement plus il s'écarte de la route à suivre s'il maintient la même distance angulaire entre les repères. La conduite sûre du «HANSEATIC» dans le détroit de Simpson nécessitait un degré de précision tel que le navire devait absolument rester dans l'alignement; il aurait fallu promptement compenser la dérive ou le courant dès que l'aspect des repères d'alignement a montré que le navire s'écartait de la route à suivre. Cela était spécialement important à proximité d'un haut-fond qui, selon les Instructions nautiques, pouvait avoir été modifié par l'action de la glace.

    Comme il était possible que la glace ait déplacé les repères d'alignement, un navigateur avisé aurait dû obtenir confirmation par la technique de l'alidade. En outre, comme il était probable que le terrain en pente douce donne une image radar moins bien définie, il aurait été prudent de tracer la ligne au moyen de l'alidade mécanique entre des points situés de part et d'autre du chenal, et de vérifier la distance par rapport à la terre des deux côtés du chenal en prenant des positions sur l'écran radar.

    2.3 Report de positions

    Pendant la planification de la traversée, le principal but des positions reportées sur la carte par le second était de contrôler la progression du navire sur la route à suivre, alors que la déviation latérale par rapport à la route à suivre devait être évaluée à l'aide des alignements. Lorsque le navire se trouvait sur un segment de route dépourvu d'alignement ou s'écartait délibérément de l'alignement, comme pour éviter le haut-fond de 6,1 m signalé près de la route, les positions reportées par le second servaient à déterminer à la fois la progression sur la route à suivre et la déviation latérale par rapport à celle-ci. Tel était aussi le cas juste avant l'échouement, parce que le capitaine avait laissé le navire traverser au nord de l'alignement. À ce moment, le second a reporté sur la carte une position relevée au radar à 17 h 45, 2 à 3 minutes avant l'échouement. Cette position montrait que le navire était un peu au nord de l'alignement mais près de celui-ci. Cependant, d'autres éléments portent à croire que la position de 17 h 45 n'était pas exacte. Le second qui a reporté la position de 17 h 45 sur la carte surveillait aussi la progression du navire et, peu avant de faire le point, il avait vu que le navire était dans l'alignement. Toutefois, la position de 17 h 45 a apparemment été établie à partir d'une distance et d'un relèvement obtenus sur l'écran radar. Une position exacte à ce point aurait donné à l'équipage à la passerelle le temps nécessaire pour prendre les mesures voulues afin d'éviter le haut-fond.

    La position de l'échouement se trouve à 1 encablure 1/2 environ hors de l'alignement, et la position de 17 h 45 a été reportée à partir d'un point fait moins de trois minutes avant que le navire n'atteigne le haut-fond. Dans un tel cas, lorsque le temps et la distance sont des éléments cruciaux, il est prudent de compléter le pointage manuel par l'utilisation de l'alidade mécanique, afin de donner au navigateur le temps de réagir.

    2.4 Composition de l'équipage à la passerelle

    Il est impossible de déterminer avec certitude si l'équipage à la passerelle aurait eu suffisamment de temps pour prendre des mesures correctives si la position de 17 h 45 avait montré que le navire suivait un cap susceptible de le mettre en danger. Le second disposait de peu de temps pour reprendre la surveillance des alignements après avoir reporté la position de 17 h 45. Toutefois, il n'aurait pas dû être contraint de détourner son attention à un moment si critique pour régler le radar en vue de l'utilisation de l'alidade mécanique pour le segment de route suivant. Il y avait plus d'un radar, et comme le navire ne passait que quelques minutes sur les segments de route les plus courts, un autre officier, peut-être de niveau inférieur, aurait pu préparer un poste radar pour l'utilisation de l'alidade mécanique sur le segment suivant. La personne ainsi ajoutée à l'équipage à la passerelle aurait pu accomplir d'autres tâches, ce qui aurait permis au capitaine et au second de se consacrer entièrement à la navigation, particulièrement exigeante dans cette partie du détroit semée d'embûches.

    2.5 Le rôle du biais de confirmation dans le choix de la route

    Le capitaine du «HANSEATIC» savait que le navire se trouvait au nord de la route à suivre et qu'il y avait un haut-fond juste au nord de la route, moins d'un demi-mille avant le point de changement de cap. Toutefois, il croyait que le navire se trouvait toujours dans le chenal. Cette évaluation était influencée par un biais de confirmation. Les deux indices les plus évidents dont disposait l'équipage à la passerelle pour établir la position du navire étaient les repères d'alignement ouverts et la bouée verte. Les repères d'alignement ouverts n'étaient pas faciles à interpréter et devaient être confirmés par des données supplémentaires avant qu'une décision sur les mesures correctives puisse être prise. Les mises en garde contre le fait que les bouées risquaient d'être déplacées n'ont pas été suffisantes pour contrebalancer la vue rassurante de la bouée verte (par l'avant tribord, où on s'attendait à la voir). En outre, l'absence d'information contradictoire provenant du pointage radar du second a confirmé cette évaluation erronée de la position du navire, laquelle n'a pas été vérifiée.

    On a envisagé la possibilité qu'une confusion entre la gauche et la droite ait été à l'origine du cap erroné. Il s'agit d'une des erreurs les plus communes dans une situation comme celle à laquelle le capitaine a eu à faire face, c'est-à-dire où les repères d'alignement se trouvent derrière le navire. Toutefois, une erreur de ce genre--le capitaine demandant une correction à droite au lieu d'une correction à gauche--est d'habitude décelée et corrigée immédiatement. Il aurait été facile de s'apercevoir que l'alignement continuait de s'ouvrir et que le nez du navire abattait vers tribord. Le fait que le capitaine ait demandé à plusieurs reprises consécutivement des changements de cap à droite semble infirmer l'hypothèse d'une confusion gauche-droite.

    3.0 Faits établis

    • Un plan qui tirait parti de l'expérience de la navigation du capitaine et du second du capitaine a été préparé pour la traversée du détroit de Simpson.
    • Le plan préparé utilisait les repères d'alignement placés dans le secteur ainsi que des positions obtenues sur l'écran radar.
    • On ne s'est pas servi de l'alidade mécanique pour compléter le plan de traversée sur tous les segments de route.
    • On a laissé le navire s'écarter de l'alignement même si cela n'était pas nécessaire pour éviter un secteur dangereux.
    • Les bouées n'avaient pas été retirées du détroit de Simpson à la fin de la saison de navigation précédente.
    • Certaines bouées n'avaient pas été détruites par la glace pendant l'hiver et une bouée très importante avait été déplacée d'une encablure seulement par rapport à sa position sur la carte.
    • En dépit des mises en garde des publications pertinentes sur la navigation, on s'est guidé sur la bouée déplacée pour la navigation.
    • Le navire s'est échoué sur le haut-fond dont la bouée indiquait la présence quand elle était à la bonne place pendant la saison de navigation précédente.
    • Pendant le trajet d'aller, l'équipage à la passerelle n'a pas cherché à savoir si les bouées aperçues dans le détroit se trouvaient à la position indiquée sur la carte.

    10. Une position reportée sur la carte de 2 à 3 minutes avant l'échouement était probablement inexacte.

    Causes et facteurs contributifs

    Le «HANSEATIC» s'est échoué parce que l'équipage à la passerelle n'a pas rigoureusement respecté le plan qui avait été élaboré pour la traversée du détroit. Le fait qu'on se soit fié à une bouée de navigation laissée dans le détroit à la fin de la saison de navigation précédente a contribué à l'échouement.

    4.0 Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Le Bureau n'a, jusqu'ici, recommandé aucune mesure de sécurité.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

    5.0 Annexes

    Annexe A - Photos

    Photo 1. HANSEATIC échoué dans le détroit de Simpson
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    HANSEATIC échoué dans le détroit de Simpson
    Photo 2. HANSEATIC échoué dans le détroit de Simpson
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    HANSEATIC échoué dans le détroit de Simpson

    Annexe B - Croquis du secteur de l'échouement

    Photo 3. Croquis du secteur de l'échouement
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    Croquis du secteur de l'échouement

    Annexe C - Sigles et abréviations

    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    C
    Celsius (degrés)
    GCC
    Garde côtière canadienne
    GPS
    Système de positionnement global
    HAC
    heure avancée du Centre
    kW
    kilowatt
    m
    mètre(s)
    MPO
    ministère des Pêches et des Océans
    NGCC
    navire de la Garde côtière canadienne
    NORDREG CANADA
    Système de trafic de l'Arctique canadien
    OMI
    Organisation maritime internationale
    SAR
    recherches et sauvetage
    SHC
    Service hydrographique du Canada
    SI
    système international (d'unités)
    UTC
    temps universel coordonné
    °
    degré