Rapport d'enquête maritime M96L0111

Échouement
du vraquier «PONTOPOROS»
dans le port de Sorel (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 5 septembre 1996, le vraquier cypriote «PONTOPOROS», chargé de 27 332 tonnes métriques de blé, a appareillé du port de Sorel (Québec) à destination de Naples en Italie. Après s'être éloigné d'un poste d'amarrage à l'embouchure de la rivière Richelieu, le «PONTOPOROS» a effectué une manoeuvre d'évitage en vue de descendre le fleuve Saint-Laurent, mais il s'est échoué sur un haut-fond en bordure du chenal. Au moment de l'accident, le navire était sous la conduite d'un pilote et assisté par deux remorqueurs.

    Le navire a subi des avaries mineures, mais l'accident n'a fait aucune pollution.

    Renseignements de base

    Fiche technique du navire

    Nom « GEORGES ALEXANDRE LEBEL »
    Port d'immatriculation Limassol, Chypre
    Pavillon Chypre
    Numéro officiel 708530
    Type Vraquier
    Jauge brute 16 912 tonneaux
    Longueur 179,89 m
    Tirant d'eau Avant : 10,59 m Arrière : 10,84 m
    Construction 1984, Hakodate, Japon
    Groupe propulseur Un moteur Sulzer de 7 061 kW
    Cargaison 27 332,19 tonnes métriques de blé
    Équipage 28 personnes
    Propriétaires Seastone Maritime Le Pirée, Grèce

    Dans la soirée du 5 septembre 1996, le "PONTOPOROS" termine un chargement de blé au poste d'amarrage no 15 dans le port de Sorel. Deux remorqueurs prennent place le long du navire; le «OMNI RICHELIEU» à l'avant et le «OMNI ST. LAURENT» à l'arrière.

    Vers 21 h 45 Note de bas de page 1, le vraquier s'éloigne du quai aidé par le «OMNI ST. LAURENT» qui le tire vers l'extérieur du port de Sorel. à 21 h 49, on ordonne de mettre la machine principale en marche arrière demie, puis à 21 h 50, on augmente l'allure à en arrière toute, alors que le navire s'engage dans l'embouchure de la rivière RichelieuNote de bas de page 2. Le navire vient sur bâbord dans le fleuve Saint-Laurent, et à 21 h 52, on stoppe la machine principale au large du poste d'amarrage no 14.

    De 21 h 55 à 21 h 58, l'allure de la machine principale est augmentée graduellement d'en avant très lente à en avant toute. On ordonne au «OMNI ST. LAURENT», à l'arrière, de tirer vers bâbord tandis que le «OMNI RICHELIEU», à l'avant, tire vers tribord. à 22 h 1, on se rend compte que la vitesse-fond est négligeable. On stoppe alors la machine principale et on donne un coup en arrière demie, puis on stoppe de nouveau la machine principale.

    Le navire continue à éviter sur tribord et à se déplacer vers le centre du fleuve. à 22 h 5 et 22 h 6, on ordonne respectivement en avant très lente et en avant lente, alors que l'axe du navire est presque perpendiculaire au chenal. Le régime de la machine principale est augmenté à en avant demie, et à 22 h 8, le «OMNI ST. LAURENT» largue l'amarre arrière du navire. On ordonne en avant toute et la barre à droite de 20 degrés; l'évolution sur tribord se poursuit. Quand le navire atteint un cap au 055 °G à 22 h 9, le «OMNI RICHELIEU» largue l'amarre avant du navire.

    Le timonier reçoit l'ordre de gouverner au 065 °G. Le pilote rapporte aux Services de communications et du trafic maritime (SCTM), par radiotéléphone, l'heure prévue d'arrivée au prochain point d'appel. Entre-temps, vers 22 h 10, le «PONTOPOROS» s'échoue par 46°03,36′N et 073°06,30′W, sur un haut-fond en bordure du chenal. Le navire, sur un capNote de bas de page 3 au 063 °G, est à environ deux encablures au nord de la bouée SN28.

    Avec l'assistance des remorqueurs «MAGDELAN SEA» et «DUGA», le «PONTOPOROS» est renfloué le 13 septembre à 5 h 33. On ne découvre aucune voie d'eau, et Transports Canada autorise le navire à quitter Sorel à condition qu'il mouille dans la baie de Sept-Îles pour une inspection de la coque. Le 15 septembre, l'inspection sous-marine ne révèle que des avaries mineures et le navire appareille à destination de Naples.

    Selon le journal des SCTM, le 5 septembre 1996 à 15 h 45, le niveau d'eau à Sorel atteignait 0,77 m au-dessus du zéro des cartes. Une faible profondeur d'eau sous quille peut réduire la performance de l'hélice et du gouvernail.

    Pour ce qui est du vecteur courant au large de l'embouchure de la rivière Richelieu, la carte marine no 1312 du Service hydrographique du Canada (SHC) indique un débit d'eau parallèle à la route de l'île de Grâce.

    La conduite du navire a été faite par observation visuelle. La manoeuvre exécutée, qui comprend l'évitage en direction de l'aval du fleuve, est celle adoptée par les pilotes. Une courbe isobathe de 10 m s'étend entre l'embouchure de la rivière Richelieu et l'entrée du chenal de la voie navigable, en aval du port. L'entrée du chenal n'est pas balisée.

    Le 24 août 1995, le vraquier «VAKHTANGOV», avec un tirant d'eau de 10,21 m, s'est échoué par 46°03,76′N et 073°06,76′W, en effectuant une manoeuvre similaire pour appareiller du même quai. Le «PONTOPOROS» et le «VAKHTANGOV» se sont échoués en bordure du haut-fond, au sud-est de la courbe de 10 m.

    Analyse

    La faible profondeur d'eau sous quille a réduit la manoeuvrabilité du navire. Les manoeuvres de barre et de la machine principale n'ont pas eu l'effet escompté. La poussée de l'hélice n'était pas assez forte pour donner suffisamment d'erre au navire. à cause de la faible vitesse-fond pour rejoindre la route de l'île de Grâce, le navire a dérivé parallèlement à cette route avant de s'échouer au sud du chenal de la voie navigable.

    Durant les manoeuvres, le pilote a utilisé des repères à partir d'amers terrestres auxquels il avait l'habitude de se référer pour s'orienter, en s'aidant de la vitesse angulaire pour déterminer la dérive du navire. Or, la nuit, l'observateur capte moins bien l'information visuelle que le jour. Ainsi, lorsque la navigation se fait de nuit, le navigateur a plus de difficulté à repérer des amers. Lorsqu'on effectue un évitage, le cap du navire change constamment; ces manoeuvres nécessitent donc une concentration et une dextérité de tous les instants. Le pilote doit, par conséquent, être vigilant lorsqu'il manoeuvre dans de telles conditions. Son attention est partagée entre le mouvement du navire et l'observation des repères visuels qu'il doit suivre constamment. Les observations deviennent plus difficiles et alourdissent la charge de travail, étant donné la possibilité de confondre les feux de navigation, les alignements ou tout autre repère visuel lumineux avec les lumières de la ville, qui se trouvent souvent en arrière-plan.

    Naviguer en utilisant des repères parallèles à l'aide d'un radar en présentation relative stabilisée contribue à réduire la charge supplémentaire de travail visuel occasionnée par l'obsécuritéé, pour ainsi éviter une désorientation spatiale.

    L'observation de repères visuels est une des principales fonctions dans l'exécution de manoeuvres d'appareillage ou d'accostage. Une aide à la navigation à l'entrée du chenal aurait permis de mieux évaluer visuellement la dérive du navire vers le haut-fond, mais la Garde côtière canadienne croit qu'un trop grand nombre d'aides à la navigation dans le secteur pourrait aussi rendre le pilotage plus difficile.

    Faits établis

    1. La faible profondeur d'eau sous quille a réduit la manoeuvrabilité du navire.
    2. L'erre du navire n'était pas suffisante pour lui permettre de rejoindre la route de l'île de Grâce.
    3. Les manoeuvres de barre et de la machine principale n'ont pas eu l'effet escompté.
    4. L'obsécuritéé a réduit la performance visuelle du pilote.
    5. On ne s'est pas servi du radar à bon escient.
    6. L'entrée du chenal de Sorel n'est pas balisée.

    Causes et facteurs contributifs

    L'échouement du «PONTOPOROS» sur un haut-fond au sud du chenal est attribuable aux observations visuelles restreintes des repères terrestres. On s'est limité à une navigation par repères visuels alors qu'il faisait nuit. On n'a pas tenu suffisamment compte de la faible profondeur d'eau sous quille qui pouvait réduire la manoeuvrabilité du navire.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

    Annexes

    Annexe A - Croquis du secteur de l'accident

    Photo 1. Croquis du secteur de l'accident
    Image
    Croquis du secteur de l'accident