Rapport d'enquête maritime M96W0109

Incendie à bord
du bateau de pêche « THERESA S »
Bella Coola (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Alors que le bateau de pêche « THERESA S » était à quai dans le port de Bella Coola pour y faire réparer son moteur, il y a eu une explosion et un incendie s'est déclaré dans le compartiment machine. Menacés par la propagation de l'incendie, les trois hommes qui se trouvaient dans la timonerie ont réussi à sortir à l'extérieur, sur le pont. Les trois étaient brûlés à divers degrés au visage et au corps, et deux ont même dû être hospitalisés dans une unité de soins intensifs à Vancouver. Le feu a été éteint par le service d'incendie local.

    Renseignements de base

    Fiche technique du navire

    Nom « THERESA »
    Numéro de permis de petit bâtiment 13K21303
    Port d'immatriculation Vancouver (C.-B.)
    Pavillon Canada
    Jauge brute Moins de 15 tonneaux
    Longueur 9,75 m
    Type Fileyeur
    Construction 1956
    Propulsion Moteur à essence
    Propriétaire/exploitant M. Vernon Schooner, Bella Bella (C.-B.)

    Le « THERESA S » est un petit bateau de pêche en bois, dont la coque à bordé à franc-bord est recouverte de fibre de verre. La timonerie est située à l'avant, au-dessus du compartiment machine, et il y a une petite cabine couchette sous le pont, à l'avant. Les oeuvres mortes sont faites de contreplaqué marin. On accède au compartiment machine en relevant des panneaux du plancher dans la timonerie. Dans celle-ci, le poste de gouverne est du côté bâbord à l'avant et il y a un fauteuil pour le timonier. On retrouve un second fauteuil à l'avant, du côté tribord. La cuisinière et l'évier sont placés à l'arrière, du côté bâbord, derrière le poste de gouverne. La cuisinière fonctionne au propane et la bouteille de propane était arrimée, robinet d'arrêt fermé, entre la cuisinière et le fauteuil du timonier. La bouteille est reliée aux canalisations de la cuisinière au moyen d'un boyau souple en néoprène. Le côté tribord de la cabine est occupé par une table comportant deux sièges intégrés.

    Le 23 juin 1996, le « THERESA S » était accosté au quai flottant du port de Bella Coola, pour faire réparer le moteur principal. Il y avait trois personnes dans la timonerie : le propriétaire, un mécanicien et un ami du propriétaire. Le propriétaire était assis dans le fauteuil du timonier et son ami était assis en face de lui, tandis que le mécanicien travaillait sur le moteur principal. Les panneaux d'accès du plancher de la timonerie étaient relevés et le compartiment machine était ouvert. Le mécanicien devait déposer le moteur du démarreur électrique du moteur principal pour remplacer le pignon d'attaque. Pendant cette opération, les batteries de démarrage, placées à l'extrémité avant du compartiment moteur, étaient déconnectées.

    Plusieurs mois avant cette réparation, le propriétaire avait enlevé un système d'éclairage du pont arrière. Ce système était alimenté directement par les batteries de démarrage. Il avait débranché le câble des bornes de la batterie et l'avait sectionné à environ six pieds de la borne. Il avait ensuite jeté le bout libre du câble à deux âmes dans la cale.

    Avant que le mécanicien ne travaille sur le moteur, le propriétaire avait procédé à un réglage du jeu des soupapes. Pour enlever le cache-soupapes afin d'accéder à celles-ci, le propriétaire avait commencé par déposer la canalisation d'essence reliant la pompe à essence au carburateur. Après les réparations, le mécanicien a reposé la canalisation d'essence et réamorcé le circuit de carburant. Au cours de la dépose et de l'amorçage du circuit, de l'essence a coulé dans le fond du compartiment machine, où il y avait déjà environ quatre pouces d'eau.

    Après avoir terminé les réparations, le mécanicien a reconnecté les câbles aux bornes de la batterie. Ce faisant, il a aussi trouvé et branché le câble de l'ancien système d'éclairage, sans demander au propriétaire à quoi il servait.

    Comme l'autre bout de ce câble était plongé dans l'eau de la cale, cela a créé un court-circuit qui a provoqué la surchauffe du câble : le revêtement isolant du câble a fondu, dénudant l'âme en cuivre brûlante. Les vapeurs d'essence et l'essence se trouvant au fond du compartiment se sont enflammées, et une explosion s'est produite presque instantanément. La présence de vapeurs d'essence était évidente dans la timonerie juste avant l'explosion. Vers 15 h 50, lorsque le mécanicien a demandé au propriétaire de faire démarrer le moteur principal, l'ami du propriétaire a dit qu'il y avait une odeur d'essence.

    Le mécanicien a réussi à sortir sur le pont arrière par la porte du coin arrière tribord de la timonerie. Il s'est infligé des brûlures légères au visage en sortant, mais sa combinaison de travail l'a protégé de blessures plus sérieuses. Le propriétaire a ouvert la fenêtre avant du côté bâbord et est sorti sur le pont, avec l'aide d'un marin-pêcheur d'un bateau voisin. Il a eu les mains et les bras brûlés. Après avoir tenté en vain de déloger à coups de pied la fenêtre de tribord, l'ami du propriétaire a lui aussi réussi à s'échapper par la fenêtre de bâbord. Il a aussi reçu l'aide de l'autre marin-pêcheur, qui a aspergé d'un seau d'eau ses vêtements en flammes. L'ami a été gravement brûlé de la tête jusqu'aux genoux.

    L'incendie subséquent a gravement endommagé la timonerie et le matériel de navigation électronique. Le compartiment machine et le moteur principal sont restés à peu près intacts. Le feu a été éteint par le service d'incendie local.

    L'inspection après l'incendie du câblage de l'ancien système d'éclairage a révélé que les bouts qui étaient plongés dans l'eau de mer au fond du compartiment moteur avaient pris une forme sphérique, ce qui indique qu'ils avaient surchauffé au point d'amorcer la fusion de l'âme en cuivre.

    Le propriétaire a été hospitalisé à l'hôpital local et le mécanicien a été traité en clinique externe. L'ami du propriétaire a été transporté par avion dans un hôpital de Vancouver pour y recevoir des soins que l'hôpital local ne pouvait lui fournir, et il est resté aux soins intensifs pendant plusieurs jours.

    Analyse

    Sur les petits bâtiments, les réparations sont souvent faites par le propriétaire, lequel, dans bien des cas, n'est ni mécanicien-monteur de machines ni électricien. Il en résulte que les travaux de réparation et d'entretien ne sont pas toujours faits selon les règles de l'art et ne sont pas consignés dans un livret d'entretien. Le mécanicien ne savait pas à quoi servaient les câbles et il n'a pas consulté le propriétaire avant de les rebrancher. Cependant, le câblage du système d'éclairage enlevé aurait dû être complètement retiré dès qu'il est devenu inutile.

    Pendant la dépose et l'amorçage du circuit de carburant, de l'essence a coulé au fond du compartiment machine. Ni le mécanicien ni le propriétaire n'en ont tenu compte et on n'a pas cherché à vérifier ou à ventiler le fond du compartiment pendant ou après les réparations.

    La bouteille de propane de la cuisinière était arrimée à l'intérieur de la timonerie/cuisine et non sur le pont, comme elle aurait dû l'être. Le robinet d'arrêt de la bouteille était fermé et, même si le boyau flexible a été endommagé, il n'y a pas eu de fuite de propane qui aurait alimenté l'incendie.

    Faits établis

    1. Un bout de câble électrique à deux âmes, reliquat d'un ancien circuit, avait été laissé dans le compartiment machine.
    2. Un mécanicien engagé pour réparer le moteur principal a reconnecté par erreur le câble superflu aux batteries de démarrage.
    3. Un court-circuit a été provoqué par le bout dénudé du câble superflu qui trempait dans l'eau de mer au fond du compartiment.
    4. De l'essence avait coulé au fond du compartiment machine quand on avait déposé la canalisation d'essence entre la pompe à carburant et le carburant, et quand on avait amorcé le circuit.
    5. Les personnes s'occupant de la réparation n'ont rien fait pour surveiller les émanations d'essence ni pour évacuer l'essence du fond du compartiment moteur.
    6. Le câble électrique superflu a surchauffé, son revêtement isolant a fondu et il a enflammé les vapeurs d'essence et l'essence qui se trouvait à la surface de l'eau dans le fond du compartiment.
    7. L'explosion a augmenté la gravité et accéléré la propagation de l'incendie.
    8. Les panneaux du plancher de la timonerie qui étaient relevés coupaient l'accès à la porte arrière aux deux personnes qui étaient assises dans les fauteuils à l'avant.

    Causes et facteurs contributifs

    L'essence répandue dans le compartiment machine et les vapeurs qui s'en dégageaient se sont enflammées parce qu'un câble électrique superflu, connecté par erreur aux batteries de démarrage, a surchauffé à la suite d'un court-circuit dans l'eau de mer de la cale. L'explosion qui s'est produite a intensifié l'incendie qui a lourdement endommagé la timonerie.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du président, Benoît Bouchard et des membres, Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.