Rapport d'enquête maritime M96W0187

Quasi-abordage
entre le paquebot de croisière « STATENDAM »
et le remorqueur-barge
« BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 »
Passage Discovery (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Dans la soirée du 11 août 1996, le paquebot de croisière « STATENDAM », qui effectuait une traversée entre Sitka (Alaska) et Vancouver (C.-B.), a doublé de trop loin la pointe Chatham et a croisé de très près le remorqueur-barge « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 » qui faisait route vers le nord et qui transportait principalement des marchandises dangereuses. Le paquebot a donné de la bande à bâbord pendant une manoeuvre d'urgence subséquente, et certains accessoires des zones publiques du navire ont été légèrement endommagés. Plusieurs passagers et membres d'équipage ont été légèrement blessés. Le remorqueur-barge n'a pas été endommagé.

    Le Bureau a déterminé que le quasi-abordage entre le « STATENDAM » et le « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 » est attribuable à la faible vitesse angulaire de virage du « STATENDAM » qui l'a amené du côté est du passage Discovery, sur la route de l'ensemble remorqueur-barge qui approchait. La visibilité réduite par la brume et l'obsécuritéé, le fait que le pilote connaissait mal les systèmes de navigation du « STATENDAM », et la non-application des principes de gestion des ressources sur la passerelle, notamment la répartition logique du travail entre les membres de l'équipe à la passerelle selon les spécialités de chacun, ont contribué à l'événement.

    Renseignements de base

    1.1 Fiche technique des bâtiments

    « STATENDAM » « BELLEISLE SOUND » « RADIUM 622 »
    Numéro officiel 70658 348884 188607
    Port d'immatriculation Rotterdam, Pays-Bas Vancouver (C.-B.)Note de bas de page 1 Vancouver (C.-B.)
    Pavillon Pays-Bas Canada Canada
    Type Paquebot de croisière Remorqueur côtier Barge pétrolière et chaland de charge
    Jauge bruteNote de bas de page 2 55 451 tonneaux 14 0,96 tonneaux 320 tonneaux
    Longueur 219,4 m 20,9 m 45,7 m
    Largeur 30,8 m 7,65 m 10,6 m
    Tirant d'eau Av. : 7,5 m
    Ar. : 7,6 m
    Av. : 1,22 m
    Ar. : 2,13 m
    Construction 1992, Monfalcone,Italie 1974, Richmond (C.-B.) 1956, Vancouver (C.-B.)
    Refonte en 1995,Victoria (C.-B.)
    Groupe propulseur Moteurs diesels-électriques Sulzer, 24 000 kW, deux hélices à pas variable Moteur dieselc Caterpillar, 1 406 BHP, deux hélices à pas fixe Sans moyen de propulsion
    Propriétaires Holland America Line Westours Inc., Seattle, Washington, É.-U. Inlet Navigation, Campbell River (C.-B.) Inlet Navigation, Campbell River (C.-B.)

    1.1.1 Renseignements sur les navires

    Le « STATENDAM »

    Le « STATENDAM » est un grand paquebot qui fait des croisières en Alaska l'été et dans les Caraïbes l'hiver.

    Le navire est propulsé par cinq génératrices diesels-électriques entraînant deux moteurs de propulsion, et deux hélices à pas variable à quatre pales supra-convergentes. Il est équipé de deux propulseurs d'étrave de 1 720 kW chacun, d'un propulseur arrière de 1 720 kW, de deux gouvernails ultra-performants à double volets articulés (voir paragraphe 1.9) munis de quatre pompes d'appareil à gouverner.

    Le navire est équipé d'un système de navigation intégré Krupp Atlas NCC 25 Nacos.

    La timonerie est fermée. Des microphones sont placés à l'extérieur pour capter les bruits ambiants. Des commandes de propulsion et de direction sont placées sur les consoles centrales, bâbord et tribord. Des dispositifs informatisés d'enregistrement et d'affichage permettent de surveiller le rendement des moteurs. La passerelle est située à 48,6 m de l'avant et à 170,8 m de l'arrière. Des indicateurs de la vitesse angulaire de virage, de l'angle de barre, de l'angle d'inclinaison et du loch Doppler sont placés au milieu du navire et de chaque côté de la timonerie.

    Le navire a une allure en route libre d'environ 21,7 noeuds et une allure de manoeuvre en marche avant toute de 16,7 noeuds.

    Les données des essais en mer révèlent que si les gouvernails sont placés à droite toute, alors que le navire file 20,24 noeuds, l'avance est de 426 m, le transfert est de 94 m, le diamètre tactique est de 292 m, et le diamètre final est de 258 m. Selon les estimations, il faut au navire 171 secondes et 899 m pour réaliser un arrêt en catastrophe à partir d'une allure de 20,57 noeuds, et 141,4 secondes et 716,8 m à partir d'une allure de 16 noeuds.

    Le navire déploie généralement ses stabilisateurs pour franchir les passages intérieurs de la Colombie-Britannique. Les stabilisateurs freinent l'inclinaison et éliminent le roulis arrière pendant les changements de cap. Le jour du quasi-abordage, le stabilisateur de tribord ne voulait pas se déployer, et à 12 h 10, le stabilisateur de bâbord a été rentré.

    En 1986, le Netherlands Maritime Board of Inquiry (Commission d'enquête maritime des Pays-Bas) a fait une étude sur l'utilisation des stabilisateurs dans les voies navigables resserrées. La Commission d'enquête a conclu que lorsqu'on navigue dans ces eaux, il faut, en principe, éviter d'utiliser les stabilisateurs.

    Le « BELLEISLE SOUND »

    Le « BELLEISLE SOUND » est un remorqueur en acier conçu à l'origine pour la navigation fluviale et côtière dans les eaux arctiques. Grâce à son avant plat de pousseur, il peut être utilisé aussi bien pour le poussage que pour le remorquage. À l'heure actuelle, on l'utilise comme pousseur. Il est propulsé par deux moteurs diesels entraînant deux hélices à pas fixe avec des tuyères fixes et quatre gouvernails. L'excellente configuration de sa timonerie permet de bénéficier d'une bonne visibilité sur tout l'horizon. Les commandes de propulsion sont aisément accessibles de la roue qui se trouve sur la console au milieu du navire. Les deux radars sont également situés juste à côté de la roue.

    Le remorqueur-barge est capable d'une vitesse de pointe de 8,5 noeuds à 1 700 tr/min, mais il est habituellement exploité à une vitesse commerciale de 7,5 noeuds (1 400 à 1 500 tr/min) pour le remorquage.

    Le « RADIUM 622 »

    Le « RADIUM 622 » est une barge en acier, à plate-forme inclinée et sans moyen de propulsion. Elle est conçue pour transporter du combustible et des marchandises diverses. Elle transporte en pontée des marchandises diverses ainsi que des véhicules embarqués par roulage. L'espace sous le pont est subdivisé en quatre séries de citernes bâbord, centrales et tribord, soit 12 compartiments qui sont utilisés pour transporter du mazout. Il y a une chambre des pompes à l'avant. De par sa conception, la barge peut s'accrocher à l'avant du remorqueur.

    La barge transportait des marchandises diverses destinées à des camps forestiers et à des camps de pêche. En outre, elle transportait les marchandises dangereuses suivantes en pontée : 71 620 litres de propane, 9 225 litres de carburant Jet B, 1 250 kg de dynamite, 3 725 kg d'explosifs à base de nitrate d'ammonium et 10 caisses de détonateurs non électriques. (L'annexe A fournit des renseignements complémentaires sur l'arrimage et la répartition des marchandises, tandis que le paragraphe 1.25 fournit des renseignements sur les classes, la division et les groupes de compatibilité des marchandises dangereuses selon le Code maritime international des marchandises dangereuses (Code IMDG) et le Règlement sur le transport par mer des marchandises dangereuses (RTMMD).)

    La barge transportait 15 000 litres de pétrole de chauffage, 247 000 litres de carburant diesel et 183 000 litres d'essence, sous le pont.

    1.2 Déroulement des voyages

    Le « STATENDAM »

    Le « STATENDAM » a appareillé de Sitka à 14 hNote de bas de page 3 le 10 août 1996 à destination de Vancouver, avec 1 327 passagers et 557 membres d'équipage à son bord. Il s'agissait du dernier des quatre paquebots de croisière faisant route vers le sud dans l'intention de traverser Seymour Narrows pendant l'étale de la marée, à 23 h 10 le 11 août.

    À 3 h le 11 août, deux pilotes de la côte de la Colombie-Britannique sont montés à bord du navire au large de l'île Triple (C.-B.). En partant de la station d'embarquement des pilotes, le navire a mis le cap au sud dans le détroit d'Hecate. Les pilotes assuraient à tour de rôle la conduite du navire. Le premier pilote a pris la conduite du navire à 11 h 15 au large de l'île McInnes à l'entrée du détroit de Milbanke. Il a piloté le navire dans les passages intérieurs avant d'être relevé par le second pilote à 16 h alors que le navire se trouvait au large des rochers Dugout dans le détroit de la Reine-Charlotte.

    Le troisième officier le plus expérimenté a pris la relève du quart à la timonerie à 20 h 30 et a assumé les fonctions d'officier de quart (OQ). Le premier pilote a repris la conduite du navire à 20 h 37, non loin des îles Broken dans le détroit de Johnstone.

    Le « STATENDAM » montrait les feux de navigation exigés par le Règlement international pour prévenir les abordages en mer (COLREGS). Les quatre radars du navire fonctionnaient parfaitement et les radiotéléphones très haute fréquence (VHF) syntonisaient la voie 71 (fréquence du Centre des Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de Vancouver) ainsi que la voie 16 (fréquence internationale de détresse et d'appel). En outre, le pilote se servait de son propre poste VHF portatif pour converser sur une voie de communications navire-navire avec les pilotes des autres bâtiments qui traversaient la zone.

    À 22 h 9, peu après avoir doublé la pointe Bear dans le détroit de Johnstone, le capitaine a été demandé dans la timonerie. Environ trois milles droit devant, le paquebot de croisière « SKY PRINCESS » se dirigeant vers le sud, était entré dans un banc de brume à la pointe Ripple. L'OQ a mis en marche le signal de brume automatique et a placé les machines à « attention machines ».

    Le « STATENDAM » a doublé la pointe Ripple à 22 h 13, heure à laquelle le pilote a appelé les SCTM à qui il a donné une heure prévue d'arrivée (ETA) de 22 h 45 aux îles Cinque. Les SCTM l'ont prévenu que le remorqueur « BELLEISLE SOUND », qui faisait route vers le nord en poussant une barge, approchait des îles Cinque. Le message a été reçu par le haut-parleur VHF de la timonerie.

    Le capitaine, le pilote, l'OQ et deux timoniers se trouvaient dans la timonerie. Le capitaine se servait du radar placé à bâbord de la console de gouverne et l'OQ, de celui de tribord; le pilote utilisait le radar placé à la droite de celui de l'OQ. Un des timoniers était au poste de barre et gouvernait le navire manuellement. Quatre télémoteurs étaient en marche. L'autre timonier assurait la veille du côté bâbord de la timonerie.

    À 22 h 16, le pilote a ordonné de réduire la vitesse à l'allure de manoeuvre en marche avant toute, alors que le navire se trouvait à proximité des îles Walkem.

    À bord du « STATENDAM », les routes à suivre avaient été tracées sur la carte pour guider la navigation. À proximité de l'île Turn, le « STATENDAM » est venu sur tribord pour croiser un navire se dirigeant vers le nord, un bateau de pêche semble-t-il. On n'a pas tenté de communiquer avec le navire non identifié sur VHF. Le changement de cap a fait dévier le « STATENDAM » au sud de sa route prévue et on l'a ramené sur un cap plus à l'est.

    À 22 h 30, le rocher Beaver a été relevé au radar au 138 V, à quatre encablures. Le feu du rocher était à peine visible dans la brume, mais on entendait le son de la corne de brume par le haut-parleur de la timonerie. À partir de sa position de 22 h 30, le navire avait environ huit encablures à franchir pour arriver à la route vers le sud dans le passage Discovery tracée sur la carte. La ligne de rivage de l'île Sonora se trouvait à 1,6 mille droit devant.

    Le pilote a alors commandé au timonier un changement de direction à tribord à une vitesse angulaire de 10 degrés à la minute. Le but était de contourner la pointe Chatham et de placer le navire sur une route vers le sud dans le passage Discovery. Le pilote s'est vite rendu compte que cette vitesse angulaire de virage était trop lente pour amener le navire sur la route voulue et il l'a augmentée à 20 degrés à la minute, puis à 25 degrés à la minute.

    La lenteur du virage a amené le « STATENDAM » bien à l'est de la route voulue, du côté est du passage Discovery, à deux ou trois encablures au large de l'île Sonora.

    Également à 22 h 30, le capitaine a remarqué sur son écran radar une cible distante d'un peu plus de deux milles sur tribord. Un tracé de l'aide au pointage radar automatique (APRA) a montré que le bâtiment en question suivait une route vers le nord à une allure de 7 noeuds. Le pilote, qui suivait de près la vitesse angulaire de virage de son propre navire, n'a pris conscience de la cible qu'une fois que le « STATENDAM » a été bien engagé dans son virage à 2½ ou 3 encablures au large de l'île Sonora. Et lorsqu'il a décelé l'autre bâtiment sur le radar, il n'a pas remarqué son gisement ni sa distance. À ce moment-là, ni le pilote ni les autres membres de l'équipe à la passerelle ne connaissaient, semble-t-il, l'identité de la cible qui se rapprochait.

    L'OQ a reporté la position radar de 22 h 30 sur les deux cartes (SHC 3543 et 3539), puis, sur l'ordre du capitaine, a donné par téléphone à la salle des machines l'ordre de mettre hors circuit une des génératrices dont le navire n'avait pas besoin pour respecter son horaire. L'OQ a exécuté l'ordre et il a fait l'entrée voulue dans le carnet de passerelle.

    Le pilote a apparemment appelé le « SKY PRINCESS » sur son poste VHF portatif au moment où le navire doublait la pointe Chatham et a appris que le « SKY PRINCESS » avait une ETA de 23 h 30 pour Seymour Narrows, ce qui signifiait que le « STATENDAM » devrait franchir cet endroit à la suite du « SKY PRINCESS » après 23 h 30, soit une vingtaine de minutes après l'étale de la marée et donc plus tard que ce qui était prévu à l'origine. Il n'était donc pas nécessaire que le paquebot maintienne son allure. Le capitaine a alors demandé à l'OQ de téléphoner à la salle des machines pour que l'on mette hors circuit une autre génératrice (réduisant le nombre à trois) et pour annoncer une réduction de vitesse imminente.

    Après avoir exécuté l'ordre du capitaine, l'OQ s'est rendu à son radar. Il a constaté que le « STATENDAM » était très à l'est dans le chenal. À peu près au même moment, le capitaine a fait remarquer la même chose au pilote.

    La barre a été placée à zéro, puis on a mis la barre à bâbord momentanément pour stabiliser le navire. La cible se trouvait par l'avant tribord, à quatre encablures de distance, avec un point de rapprochement maximal de moins d'une encablure.

    Alors que la cible se trouvait à environ une encablure et demie, de 20 à 30 degrés par l'avant tribord et se rapprochait rapidement, on a aperçu deux feux de côté rouges et deux feux de tête de mât par une trouée dans la brume.

    À 22 h 36, le « STATENDAM » a croisé à une distance estimée entre 60 et 90 m le « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 » sur son avant. Le pilote a ordonné de mettre la barre à droite toute alors que le remorqueur-barge se trouvait par le travers tribord de la passerelle de navigation du « STATENDAM ». Cela a permis à l'arrière du « STATENDAM » de s'éloigner de l'avant du « RADIUM 622 », tout en permettant aussi au paquebot de s'éloigner de l'île Sonora. Le quasi-abordage s'est produit par 5019,3'N et 12524,7'W approximativement.

    Le « STATENDAM » a continué son abattée sur tribord jusqu'à un cap d'environ 250 V, après quoi il a atteint sa position correcte à peu près au milieu du chenal dans le passage Discovery; la barre a alors été placée à gauche toute et le navire s'est replacé sur la bonne route. Le « STATENDAM » a doublé la pointe Separation à 23 h 12, en route vers Seymour Narrows.

    Lorsque la barre a été placée à droite toute, le « STATENDAM » s'est incliné sur bâbord, ce qui a causé de légères blessures à six passagers et à deux membres de l'équipage. La cuisine du restaurant a également subi des dommages mineurs.

    À 7 h 10 le 12 août 1996, le « STATENDAM » s'est amarré à Canada Place, dans le port de Vancouver.

    Le « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 »

    À 21 h 15 le 11 août, le remorqueur « BELLEISLE SOUND » poussant la barge « RADIUM 622 », avec un équipage de cinq personnes, a quitté son poste d'amarrage de la pointe Huntingford dans la baie de Menzies (C.-B.) à destination du bras Phillips au large du chenal Cardero. Au moment de l'appareillage, le bâtiment a appelé les SCTM de Vancouver conformément aux exigences pour les informer qu'il transportait des marchandises dangereuses.

    Le bâtiment a franchi Seymour Narrows et a doublé la pointe Separation à 21 h 35, et les îles Cinque à 22 h 25. À la pointe Separation, les SCTM de Vancouver lui ont signalé la présence de quatre paquebots de croisière faisant route vers le sud.

    Le « BELLEISLE SOUND » faisait route à 1 450 tr/min environ et filait quelque 7 noeuds. Le capitaine, seul dans la timonerie, assurait la conduite du navire. Un seul radar était en marche, et le navire était en gouverne manuelle. Les postes VHF syntonisaient les voies 6, 16 et 71. Le remorqueur-barge montrait les feux de navigation exigés par le COLREGS. Le remorqueur montrait deux feux blancs superposés sur son mât, un feu de poupe et des feux latéraux rouges et verts. La barge montrait des feux latéraux à l'avant.

    À 22 h 25, le remorqueur-barge est passé par le travers et à une encablure et demie du phare des îles Cinque. Le capitaine passait habituellement à trois encablures et demie environ des îles Cinque, mais cette fois, il a tenu la barge plus proche de l'île Sonora parce qu'on lui avait signalé la présence de plusieurs paquebots de croisière se dirigeant vers le sud. En arrivant aux îles Cinque, il a aperçu, dans la brume légère, le feu du rocher Beaver ainsi que les lumières intérieures du « STATENDAM » qui contournait la pointe Chatham. Il a remarqué que le « STATENDAM » faisait un virage très large. Il a placé le « BELLEISLE SOUND » sur un cap qui, selon les estimations ultérieures, était au nord-nord-ouest.

    Alors qu'il se trouvait par le travers de la pointe de terre de l'île Sonora, à environ neuf encablures au nord des îles Cinque, le « BELLEISLE SOUND » est entré dans une brume épaisse. Le remorqueur devait normalement venir sur tribord à ce moment-là afin de doubler l'île Howe à environ trois encablures au large avant de contourner l'île pour entrer dans le chenal Nodales. Toutefois, le capitaine du remorqueur a constaté sur le radar que le « STATENDAM » était très à l'est dans le passage et droit par l'avant bâbord. Il a fait un changement de cap pour placer son bâtiment sur un cap au nord lui permettant de passer à une encablure et demie de l'île Howe. Le remorqueur n'a pas fait entendre de signaux de brume.

    Le capitaine du « BELLEISLE SOUND » a apparemment appelé le « STATENDAM » deux fois dans l'intervalle, mais sans recevoir de réponse. Il a continué à faire de légers changements de cap sur tribord pour se placer sur une route tangentielle à la rive nord de l'île Sonora.

    Le « STATENDAM » a poursuivi sa route vers le « BELLEISLE SOUND » sur un relèvement constant droit par l'avant bâbord. Le capitaine du remorqueur a réduit le régime de la machine à environ 1 000 tr/min et est venu encore plus sur tribord jusqu'à ce que le bâtiment remorqué se trouve sur un cap approximatif au 030 V, se dirigeant vers le rivage de l'île Sonora. Le chef-mécanicien, qui venait de terminer sa ronde dans la salle des machines, est alors entré dans la timonerie. Quelques minutes plus tard, les feux de navigation du « STATENDAM » ont été aperçus droit par l'avant bâbord; selon les estimations, le paquebot se trouvait alors à 100 m sur le point de croiser le remorqueur-barge sur son avant.

    À 22 h 45, le capitaine a placé les commandes de la machine en arrière toute et la barre à gauche toute. Le remorqueur-barge s'est alors mis à louvoyer et a abattu légèrement sur bâbord alors que le « STATENDAM » passait à environ 10 m devant et très proche du côté tribord. Le remorqueur-barge a été immobilisé et le paquebot de croisière l'a croisé. Le quasi-abordage est apparemment survenu aux environs de 5019,0'N et 12524,5'W.

    On a ensuite constaté que le « STATENDAM » donnait fortement de la bande à bâbord en venant sur tribord, vers le milieu du chenal. Le « BELLEISLE SOUND » a continué sa route, et après être entré dans le chenal Nodales à 23 h 5, il est arrivé au bras Phillips à 1 h 30 le 12 août 1996.

    1.3 Victimes

    Équipage Passagers Tiers Total
    Tués - - - -
    Portés disparus - - - -
    Blessés graves - - - -
    Blessés légers 2 6 - 8
    Indemnes 555 1321 - 1876
    Total 557 1327 - 1884

    Quatre passagers ont eu des foulures. Une passagère s'est fracturée deux orteils en faisant une chute après avoir perdu l'équilibre, et une autre a subi des coupures et des éraflures multiples parce qu'elle est tombée d'un tabouret dans le casino. Deux membres d'équipage ont subi des foulures.

    1.4 Avaries et dommages

    Le « STATENDAM » n'a pas subi d'avaries structurelles. Un grand piano non assujetti au pont dans l'atrium s'est déplacé de 2 ou 3 m et s'est immobilisé contre une cloison. Une certaine quantité d'eau des deux piscines extérieures du navire s'est déversée dans la descente arrière et une petite quantité s'est infiltrée par les portes au-dessous. Il n'y a pas eu d'avaries graves.

    Le remorqueur-barge n'a pas été endommagé.

    1.5 Certificats et brevets

    1.5.1 Les bâtiments

    Les trois bâtiments possédaient l'équipage, les certificats et l'équipement exigés par les règlements en vigueur.

    1.5.2 Le personnel

    Les officiers et les équipages des deux navires directement en cause dans l'événement possédaient les brevets et les qualifications nécessaires pour les postes qu'ils occupaient et pour le service auquel leur navire était utilisé.

    Le pilote de service à bord du « STATENDAM » au moment de l'événement possédait un brevet canadien de capitaine de remorqueur de 350 tonneaux. Il est titulaire d'un brevet de pilote de classe 1 depuis juillet 1991.

    1.6 Antécédents du personnel

    Le « STATENDAM »

    Le capitaine a commencé sa carrière de marin comme élève-officier en 1973. Il navigue pour le compte de la Holland America Line (HAL) depuis ce temps-là. Depuis 1974, il navigue uniquement sur des navires à passagers. Il a pris son premier commandement en 1990 et il a été nommé capitaine régulier en 1992. Il avait déjà navigué sur le « STATENDAM » il avait rejoint le navire le 5 août 1996. Depuis 1973, il navigue sur le circuit alaskien presque chaque été.

    Le troisième officier qui était de quart dans la timonerie au moment de l'événement a commencé sa carrière de marin comme élève-officier en 1990. Il travaille pour la HAL depuis 1993. Il avait déjà navigué sur le « STATENDAM » comme troisième officier en 1995; il avait rejoint le navire en mai 1996.

    Le timonier qui tenait la barre au moment de l'événement navigue pour la HAL depuis 1982. Il faisait partie de l'équipage du « STATENDAM » depuis 10 mois comme timonier pour cette période de service. Il avait aussi navigué sur des navires-jumeaux.

    Le pilote a navigué pour l'industrie du remorquage sur la côte ouest de l'Amérique du Nord de 1956 à 1990. À compter de 1967, il a été capitaine de remorqueur, avant de se joindre aux pilotes de la côte de Colombie-Britannique en 1990. Il avait déjà piloté de nombreux paquebots de croisière, mais c'était son premier voyage sur le « STATENDAM ».

    Le « BELLEISLE SOUND »

    Le capitaine possédait environ 14 ans de service en mer sur la côte ouest du Canada. Il était au service de la même compagnie depuis cinq ans et était capitaine depuis qu'il avait obtenu son brevet de capitaine en mai 1996. Il s'agissait de son premier voyage comme capitaine du « BELLEISLE SOUND », mais il avait déjà navigué sur ce navire comme premier lieutenant. Il connaît très bien les eaux du passage Discovery.

    1.7 Renseignements sur les conditions environnementales

    1.7.1 Conditions météorologiques observées par les navires

    Selon les estimations, la visibilité variait de trois encablures à quasi nulle au moment de l'événement. Dans ces eaux abritées, la mer était calme, et des vents variables soufflaient à 1 ou 2 noeuds.

    1.7.2 Marées et courants dans le passage Discovery

    Les amplitudes de marées pour Seymour Narrows sont données par renvoi à la baie Owen dans le volume 6 des Tables des marées et des courants du Canada. Il en est de même des tables des courants pour Seymour Narrows.

    Le 11 août 1996, la marée basse à Seymour Narrows était prévue pour 20 h 35 avec une hauteur de 2,62 m au-dessus du zéro des cartes. La marée haute était prévue pour 2 h 5 le 12 août avec une hauteur de 3,62 m au-dessus du zéro des cartes. L'étale de la marée était prévue pour 23 h 10, et le moment de vitesse maximale du courant à la marée montante portant vers le sud était prévu pour 1 h 45 le 12 août (avec une vitesse de 6,6 noeuds).

    Le courant dans le secteur de l'événement atteint une vitesse maximale de 2 noeuds. On a jugé que le courant était négligeable au moment de l'événement.

    1.7.3 Particularités géographiques

    Entre le cap Scott et Campbell River en C.-B., le passage qui sépare l'île de Vancouver du continent est étroit et parsemé d'îles. Ces caractéristiques, associées au fait que la marée venant du sud prend deux heures de plus pour atteindre les parties les plus étroites du chenal que la marée qui vient du nord, expliquent les courants de marée extrêmement forts à Seymour Narrows. Cette différence provoque un décalage de deux heures dans les heures des marées à Campbell River comparativement à Seymour Narrows.

    La partie nord du passage Discovery est à environ 1,2 mille du rivage de l'île de Vancouver à l'ouest et de l'île Sonora à l'est. La courbe de niveau à 50 m de profondeur se trouve à une encablure du rivage de l'île Sonora.

    1.8 Équipement de navigation

    Les deux navires étaient équipés d'aides à la navigation modernes qui étaient en bon état de fonctionnement au moment de l'événement.

    Le « STATENDAM »

    Le paquebot était équipé des aides à la navigation et des appareils de communication suivants permettant d'éviter les collisions :

    • quatre radars : deux en bande X (3 cm) et deux en bande S (10 cm). Les quatre étaient en marche au moment de l'événement et tous avaient des capacités APRA;
    • quatre radiotéléphones VHF : deux au centre de la timonerie et un dans chaque aileron;
    • un système électronique de visualisation des cartes marines (SEVCM) installé à titre expérimental pour faire des évaluations. Le système était intégré à un Système de positionnement global (GPS), mais n'était pas intégré au loch Doppler. L'appareil était installé à titre expérimental, mais on a jugé que les positions GPS enregistrées et reportées sont une représentation fidèle de la route suivie par le navire pour contourner la pointe Chatham;
    • deux gyrocompas Anschutz Kiel avec répétiteur numérique dans chaque aileron de passerelle et deux enregistreurs de cap et d'angle de barre - un pour chaque gouvernail;
    • un loch Doppler, un échosondeur et une station du Global Maritime Distress and Safety System.

    Le navire était équipé, à titre expérimental, d'un dispositif enregistreur VHS des conversations, installé dans la timonerie. Après l'événement, on a découvert que la bande de l'appareil était bloquée depuis des semaines.

    On a constaté que les tracés de l'enregistreur de cap étaient lents à la fin du voyage; le tracé du gouvernail de tribord accusait environ sept minutes de retard, et celui du gouvernail de bâbord, trois minutes.

    Les tracés révèlent qu'après le début de l'abattée du navire pour contourner la pointe Chatham, on a donné environ 16 degrés de barre à gauche pour stabiliser le navire avant que la barre soit mise à droite toute. Cela vient corroborer en partie l'information de l'équipage selon laquelle le navire a été stabilisé sur un cap au sud avant d'être obligé de mettre la barre à droite toute pour éviter le « BELLEISLE SOUND ». Cependant, l'examen du tracé et des données du SEVCM révèle que le navire n'a été que momentanément sur un cap au sud avant d'abattre à droite toute.

    Le pilote a signalé que le navire n'avait pas été stabilisé sur un cap au sud, mais que la barre à droite qui a été mise pour contourner la pointe Chatham avait été maintenue jusqu'à ce que le « STATENDAM » croise le remorqueur-barge sur l'avant.

    L'échelle de temps utilisée pour les tracés de l'enregistreur de cap permet à peine de discerner les légers changements de cap.

    Le « BELLEISLE SOUND »

    Le navire était équipé des aides à la navigation et des appareils de communication suivants permettant d'éviter les collisions :

    • deux radars, dont un était en marche. Aucun des deux n'avait de capacités APRA;
    • un compas magnétique/autopilote; un GPS; un échosondeur et trois radiotéléphones VHF.

    1.9 Gouvernail ultra-performant du « STATENDAM »

    Le « STATENDAM » est équipé de deux gouvernails ultra-performants de type Becker, offrant un angle maximal de gouvernail de 45 degrés.

    Ce type de gouvernail comporte dans le plan arrière un volet articulé actionné par une tringlerie placée au sommet du gouvernail. L'angle du volet est fonction de l'angle du gouvernail et il permet d'augmenter l'efficacité du gouvernail tant pour maintenir la route voulue que pour manoeuvrer le navire. Un tel gouvernail, associé à des propulseurs d'étrave et arrière, améliore aussi la manoeuvrabilité d'un navire qui a peu d'erre en avant ou qui cule.

    Dans la plupart des cas, des mouvements de deux ou trois degrés de la barre suffisent à modifier le cap à des vitesses élevées. À haute vitesse, ces gouvernails offrent un rayon de virage et un diamètre tactique inférieurs à un gouvernail classique, mais la réponse plus rapide du navire et sa vitesse angulaire de virage supérieure sont plus difficiles à contrôler. Il importe de ne pas donner trop de barre. Les caractéristiques de stabilité de la plupart des navires à passagers sont telles que le fait de donner trop de barre à des vitesses supérieures à 16 noeuds peut provoquer de grands angles d'inclinaison. Et si le gouvernail est actionné brusquement pour contrecarrer une bande excessive, cela peut provoquer une inclinaison dangereuse.

    Pour éviter de créer de grands angles d'inclinaison au cours d'un virage, on limite normalement la vitesse angulaire de virage à 10 degrés à la minute à 20 noeuds. Par mesure de sécurité et pour le confort des passagers, l'allure du navire est réduite à 16 noeuds avant de procéder à d'importants changements de cap.

    Les ordres à la barre pour les changements de cap, surtout s'ils sont importants, sont exprimés selon une vitesse angulaire de virage en degrés à la minute. Le capitaine, les officiers du navire et le timonier qui tenait la barre étaient très habitués à cette façon de procéder. Le pilote qui a ordonné l'important changement de cap à la hauteur de la pointe Chatham ne connaissait pas très bien cette méthode.

    Les méthodes classiques (donner au timonier des degrés de barre à appliquer ou la route à suivre) sont encore la norme pour les pilotes, qui, pour la plupart, connaissent moins bien la méthode de la « vitesse angulaire de virage ».

    Avant d'être envoyé sur le navire, le pilote avait été informé par l'administration de pilotage que le « STATENDAM » était équipé de gouvernails ultra-performants.

    1.10 Communications VHF

    Le passage Discovery se trouve dans le secteur quatre de la zone de trafic de Vancouver, qui relève pour les communications du Centre STCM de Comox (C.-B.). La fréquence de travail assignée pour cette zone est la voie 71, 156,575 MHz. Toutes les conversations sont enregistrées. Il n'y a pas de couverture radar des SCTM dans le secteur.

    1.10.1 Navire transportant des marchandises dangereuses - Procédures des Services de communications et de trafic maritimes (SCTM)

    Les Services du trafic maritime (STM) et les stations radio de la Garde côtière (SRGC) venaient de se fusionner. Un manuel d'exploitation était en cours d'élaboration pour la nouvelle organisation, baptisée Services de communications et de trafic maritimes (SCTM). Au moment de l'événement, les manuels d'exploitation (MANOPS) nationaux et de Vancouver (DSTM) stipulaient que :

    Lorsque les RTM (régulateur du trafic maritime) sont avisés que des polluants et/ou des marchandises dangereuses sont transportés dans des zones de trafic STM, ils doivent :

    1. s'informer de la nature du polluant et/ou des marchandises dangereuses; (par ex. : code de l'OMI, code de cargaison ou code de polluant);
    2. s'informer du poids et de la mesure du polluant et/ou de la cargaison dangereuse;
    3. s'informer du type d'entreposage utilisé, p. ex.:
      • en vrac
      • conteneur
      • etc.
    4. aviser le trafic inverse, qui traverse et dépasse, de la nature du polluant et/ou de la cargaison dangereuse et des intentions du navire.

    En outre, le MANOPS des STM de Vancouver stipule que pour le transport de polluants et/ou de marchandises dangereuses :

    1. le RTM recevra du navire un rapport précisant s'il y a à bord du navire ou de tout bâtiment ou objet remorqué ou poussé par le navire une cargaison de polluants ou de marchandises dangereuses;
    2. les RTM porteront une attention spéciale aux navires et aux remorqueurs transportant des polluants et/ou des marchandises dangereuses.

    1.10.2 Communications avec les SCTM

    Le « STATENDAM » et le « BELLEISLE SOUND » participaient au système de rapports des SCTM.

    Le « BELLEISLE SOUND » a appelé les SCTM au départ de la baie Menzies pour signaler ses intentions au RTM de service et l'informer qu'il transportait des marchandises dangereuses. Il a par la suite confirmé ses intentions aux deux points d'appel se trouvant sur sa route.

    Sur la voie VHF 71, les SCTM ont signalé la présence du « BELLEISLE SOUND », sa position et ses intentions aux paquebots de croisière suivants : le « CROWN DESTINY » à 21 h 38; le « WINDWARD » à 21 h 45 et le « SKY PRINCESS" » à 21 h 54.

    Le RTM de service au moment de l'événement a informé ces paquebots de la présence et des intentions du « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 » conformément aux exigences du MANOPS, mais il ne les a pas prévenus que le remorqueur-barge transportait des marchandises dangereuses.

    Les heures des transcriptions des bandes audio des SCTM révèlent qu'au moment où le « BELLEISLE SOUND » a doublé les îles Cinque, il avait déjà croisé sans problème les trois autres paquebots faisant route vers le sud.

    Lorsque le « STATENDAM » a appelé les SCTM à la pointe Ripple à 22 h 13, les SCTM l'ont prévenu que le « BELLEISLE SOUND », poussant une barge, approchait des îles Cinque, en se dirigeant vers le nord.

    Ni le « STATENDAM » ni le « BELLEISLE SOUND » n'ont signalé la situation très rapprochée aux SCTM . Lorsque le « BELLEISLE SOUND » a tenté d'appeler le « STATENDAM » à 22 h 42, l'opérateur des SCTM l'a assisté, mais à ce moment-là il n'était pas au courant de l'événement dangereux qui venait de se produire.

    1.10.3 Responsabilité des communications à bord du « STATENDAM »

    Les communications VHF à bord du « STATENDAM » ont été faites strictement par le pilote.

    Dans la zone de pilotage de la Colombie-Britannique, l'usage veut que ce soit le pilote qui effectue toutes les communications VHF, spécialement celles avec les SCTM. Le pilote du « STATENDAM » a déclaré que, en toute logique, c'était lui qui devait se charger des communications, puisque c'était lui qui donnait les ordres relatifs à la conduite du navire et qu'il était le mieux placé pour répondre aux questions sur la traversée, la position, les intentions du navire, etc. Le personnel à terre des services de pilotage interrogé était du même avis. Le capitaine a déclaré que l'OQ ne répondait pas au VHF pendant que le pilote avait la conduite du navire, sauf si le pilote lui demandait de le faire.

    1.10.4 Communications entre les navires

    Le « BELLEISLE SOUND » a apparemment appelé le « STATENDAM » deux fois sur la voie 71 avant l'événement. Or, les enregistrements audio des SCTM sur la voie 71 n'indiquent pas qu'il y aurait eu des communications sur VHF entre les deux navires à ce moment-là.

    Les enregistrements audio des SCTM indiquent que le « BELLEISLE SOUND » a appelé le « STATENDAM » à 22 h 42 et à 22 h 43. Ces deux appels sont restés sans réponse. Le remorqueur a réussi à entrer en contact avec les SCTM entre ces deux tentatives de communication avec le paquebot. À 22 h 50, le remorqueur a fait un autre appel dont le « STATENDAM » a accusé réception. Il demandait au paquebot de passer sur la voie 70, mais il n'a pas eu de réponse sur cette voie et il n'y a pas eu d'autres communications de navire à navire.

    1.11 Heure du quasi-abordage

    Le « STATENDAM » situe l'événement à 22 h 36, tandis que le « BELLEISLE SOUND » le situe vers 22 h 45. Selon l'information recueillie, notamment les heures de passage de chaque navire aux points d'appel enregistrées par les SCTM, les vitesses moyennes et les distances à parcourir, ainsi que les enregistrements du GPS de la position du « STATENDAM », le quasi-abordage aurait eu lieu vers 22 h 36.

    1.12 Horaires des navires à passagers dans Seymour Narrows

    Pendant la saison 1996, les 24 paquebots de croisière exploités sur le parcours Vancouver-Alaska ont fait 283 voyages. Ils ont transporté 701 547 passagers. Les recettes de cette activité pour la Colombie-Britannique se chiffrent à 200 millions de dollars.

    La logistique des croisières est influencée par les facteurs suivants : le moment de l'arrivée des paquebots à Vancouver sur le trajet nord-sud à cause des correspondances avec les liaisons aériennes; les coûts d'arrimage, d'approvisionnement et de ravitaillement en carburant; le nombre de paquebots de croisière qui arrivent dans le port en même temps, et la nécessité de respecter les horaires établis. Le respect des horaires est un élément très important pour les armateurs, les capitaines, les pilotes et les équipages des paquebots.

    La planification des voyages, le choix des itinéraires et la vitesse à laquelle sont effectuées les traversées, autant dans le sens sud-nord que nord-sud, dépendent de l'heure de l'étale de la marée à la pointe Separation à Seymour Narrows où le courant peut avoisiner les 16 noeuds. Il faut traverser Seymour Narrows au moment le plus près possible de l'étale de la marée. Selon sa puissance, le navire a de 30 à 60 minutes pour faire la traversée, sinon la traversée devient trop dangereuse à cause des forts courants et des remous auxquels le navire est exposé pendant les autres stades de la marée.

    Le courant de jusant maximal portant vers le nord le 11 août était prévu pour 20 h 5, à une vitesse de 9,6 noeuds. Le courant de flot maximal qui devait porter au sud à 6,6 noeuds, était prévu pour 1 h 45 le lendemain matin, ce qui donnait au navire une marge de manoeuvre plus grande qu'à l'habitude.

    Après être monté à bord d'un navire faisant route vers le sud, à la station d'embarquement des pilotes de l'île Triple, le pilote consulte le capitaine sur l'allure à maintenir pour la première partie du voyage, jusqu'à l'île Pine à l'entrée du détroit de la Reine-Charlotte. L'heure d'arrivée à l'île Pine est calculée de façon à permettre au navire de faire route à allure réduite pour l'étape suivante du voyage, pour pouvoir arriver à Seymour Narrows à l'heure de l'étale de la marée en ayant une marge de manoeuvre pour les imprévus, comme la présence de brume.

    Afin de respecter les heures d'arrivée et de départ prévues au port de Vancouver, le capitaine du « STATENDAM » et le pilote avaient convenu que le navire devait arriver à la pointe Separation à l'entrée de Seymour Narrows à temps pour l'étale de la marée à 23 h 10. Les vitesses avaient été calculées et établies en conséquence.

    La Garde côtière canadienne diffuse chaque année un avis aux navires de commerce et aux bateaux de pêche qui empruntent les passages intérieurs. Cet avis donne des renseignements sur les procédures VHF à suivre pour faire la traversée en toute sécurité pendant la saison de pêche, car le trafic est dense à ce moment-là aux endroits comme le passage Discovery. La densité du trafic à cet endroit rend la traversée plus difficile et dangereuse pour les paquebots de croisière.

    1.13 Planification du voyage du « BELLEISLE SOUND »

    Le « BELLEISLE SOUND » faisait de courts trajets entre des camps forestiers et des camps de pêche, et comme il ne lui fallait que quatre heures pour atteindre le bras Phillips, où le navire devait mouiller jusqu'au lever du jour, il était prévu que le capitaine conduirait lui-même directement son navire à destination sans établir de quarts. Les quarts sont établis pour les trajets plus longs.

    1.14 Vitesses des navires

    Le « STATENDAM »

    La vitesse du « STATENDAM » a été réduite à l'allure de manoeuvre en marche avant toute (environ 16 noeuds) à 22 h 16, au large de la pointe Ripple. Toutefois, le paquebot a maintenu une vitesse moyenne de quelque 18,33 noeuds entre la pointe Ripple et sa position reportée à 22 h 30. Selon les positions GPS relevées entre 22 h 30 et 22 h 36, le « STATENDAM » a maintenu une allure moyenne de 18 noeuds en doublant la pointe Chatham.

    Les imprimés de l'ordinateur du SEVCM indiquent que le navire filait 17,3 noeuds juste avant le quasi-abordage. Il convient toutefois de signaler que le SEVCM n'était pas intégré avec le loch Doppler et qu'en conséquence la vitesse indiquée était établie à partir des dernières positions GPS relevées juste avant le quasi-abordage.

    Le « BELLEISLE SOUND »

    Le « BELLEISLE SOUND » faisait route à 1 450 tr/min, ce qui lui donnait une vitesse d'environ 7 noeuds. Pendant le voyage, le navire n'a jamais fait route à son régime de route libre (1 700 tr/min = 8,5 noeuds). Il a maintenu une vitesse moyenne de quelque 8,64 noeuds entre la pointe Separation et les îles Cinque, en présence d'un courant nord d'environ 2 noeuds, mais après les îles Cinque, le courant était probablement négligeable. Le navire a réduit davantage son allure peu après être entré dans la brume, surtout parce que le capitaine était conscient de la présence du « STATENDAM » qui approchait.

    1.15 Pilotage

    1.15.1 Pilotage dans les eaux de la Colombie-Britannique

    Le pilotage est obligatoire dans toutes les eaux côtières de la Colombie-Britannique. Il relève de l'Administration de pilotage du Pacifique (APP) qui est une société d'État créée en vertu de la Loi sur le pilotage. Les eaux de la Colombie-Britannique sont divisées en cinq zones de pilotage administrées par l'APP.

    Les pilotes qui étaient à bord du « STATENDAM » travaillent pour la British Columbia Coast Pilots Limited (BCCP). Cette société fournit, sous contrat, des services de pilotage à l'APP pour l'ensemble de la Colombie-Britannique, sauf pour la Zone 1 (le fleuve Fraser).

    Les pilotes de la BCCP doivent bien connaître les quatre zones de pilotage. Il ne leur suffit pas de connaître une zone ou un port donné. Il s'agit d'un très vaste territoire qui compte de nombreux ports. Dans la plupart des autres administrations de pilotage du Canada et ailleurs dans le monde, les pilotes ne sont tenus de connaître qu'une zone désignée plus petite ou qu'un certain nombre de ports.

    En 1996, 12 713 affectations de pilotage ont été remplies à l'APP, et 19 accidents ou incidents ont été signalés pour cette période.

    1.15.2 Qualifications des pilotes

    Dans bon nombre de pays, les pilotes sont d'anciens capitaines possédant un brevet de capitaine au long cours ou l'équivalent, mais peu de titulaires des brevets supérieurs exigés pour naviguer sur les grands navires possèdent « l'expérience du service en mer » nécessaire pour naviguer sur la côte de la Colombie-Britannique.

    Le pilote de service au moment de l'événement possède un brevet de capitaine de remorqueur de 350 tonneaux délivré à Vancouver le 6 avril 1965, et il était autorisé à piloter des navires de toutes les longueurs.

    Le Règlement général sur le pilotage établit les exigences en vue de l'obtention des brevets et des certificats de pilotage. Les conditions minimales d'admission des pilotes varient selon la zone de pilotage au Canada et sont adaptées aux besoins locaux. Les exigences dans la région du Pacifique tiennent au fait que l'industrie du remorquage occupe une place importante dans le commerce maritime dans cette région et que c'est là qu'on recrute la majorité des pilotes.

    Pour être accepté comme apprenti-pilote, l'APP exige que le candidat possède au moins un brevet de compétence de capitaine de caboteur, jauge illimitée. Si aucun des candidats ne répond à ces conditions, les exigences peuvent être abaissées à capitaine de caboteur, navire-vapeur de moins de 350 tonneaux de jauge brute (tjb). Une période de trois ans de « service en mer » est aussi exigée dans la zone côtière de la Colombie-Britannique.

    Après avoir passé les examens d'entrée, le pilote est soumis à une période d'apprentissage de six mois avant la délivrance du brevet. Tous les pilotes suivent la formation NES I, NES II et les cours de radar APRA. Ils sont envoyés en France pour y suivre des cours de formation à la manoeuvre des navires et sont également envoyés au Rhode Island, aux États-Unis pour y recevoir une formation à la manoeuvre des navires sur simulateur. L'APP accorde une aide financière à la BCCP pour lui permettre de dispenser de la formation de perfectionnement. Il faut également cinq ans d'expérience complémentaire comme pilote pour se qualifier comme pilote de navire de toutes longueurs.

    Les pilotes ont leur propre bulletin d'information qui les tient au courant de l'évolution de la technologie et des progrès réalisés dans le domaine de la navigation. Il n'existe toutefois pas de mécanisme de perfectionnement périodique qui leur permettrait d'être au courant de l'évolution technologique des appareils de manoeuvre des navires, et ils ne bénéficient pas non plus de sessions fréquentes d'actualisation des connaissances.

    1.16 Pilotage - Généralités

    On s'est entretenu avec des représentants de l'APP, de la BCCP et de la HAL pour avoir une meilleure idée des rapports entre les pilotes et les équipages à bord des paquebots de croisière en Colombie-Britannique.

    Au début de chaque saison, l'APP rencontre les capitaines de paquebot de croisière. Deux fois par année, elle rencontre les membres de la North West Cruise Ship Association. Ces rencontres ont apparemment été fructueuses et ont contribué à améliorer le climat de travail. Il subsiste toutefois certains problèmes qui continuent de préoccuper les pilotes, les capitaines et les armateurs.

    On signale qu'à bord de certains navires les cabines attribuées aux pilotes pour se reposer sont mal situées et ne permettent pas aux pilotes de dormir suffisamment pendant les longs trajets. Les horaires des pilotes sont aussi un motif de préoccupation, car, associés au manque de sommeil attribuable à l'emplacement des cabines, ils favorisent l'apparition de la fatigue. Ces éléments ont des effets néfastes sur les rapports entre les équipages et les pilotes à bord de certains navires. On signale cependant que les questions de logement avaient déjà été réglées de façon satisfaisante à bord du « STATENDAM » et des autres navires de la HAL.

    Certains représentants de compagnies maritimes ont laissé entendre que les pilotes ne se tiennent pas tous au courant de l'évolution technologique des appareils de manoeuvre des navires et n'ont aucune formation en gestion des ressources sur la passerelle (GRP). On a mentionné le fait que le système de navigation intégrée du « STATENDAM » n'est pas utilisé parce que les pilotes n'ont pas reçu de formation à cet égard.

    Il semblerait que les antécédents et les qualifications des pilotes soient parfois la cause de tensions dans les rapports de travail entre les capitaines, les officiers de navigation et les pilotes. Cette situation serait plus fréquente, semble-t-il, sur la côte ouest que dans les autres régions du Canada. Les attitudes au sein de la compagnie, les droits de pilotage, la responsabilité limitée des pilotes et l'expérience des officiers supérieurs de la HAL, qui naviguent depuis bien des années sur des paquebots de croisière en Alaska et connaissent très bien les eaux du secteur, influencent aussi le comportement des officiers de navire envers les pilotes.

    Par souci d'efficacité et dans l'espoir de régler le problème de fatigue des pilotes dû aux affectations de pilotage d'une durée de 30 heures, une nouvelle méthode de transfert directe a été mise à l'essai pendant la saison 1996.

    La nouvelle méthode voulait que les pilotes des navires se dirigeant vers le nord débarquent à l'île Triple. Au lieu de faire débarquer le pilote et l'envoyer se reposer dans un hôtel de Prince Rupert en attendant de monter à bord d'un navire se dirigeant vers le sud 24 heures plus tard, le pilote était directement transbordé sur un navire se dirigeant vers le sud, si le transfert avait lieu entre 23 h 30 et 2 h 30 du matin, parce que le temps perdu habituellement dans les passages intérieurs tombait pendant la période où les passagers dormaient. Le pilote se reposait alors à bord et prenait charge du pilotage à l'île McInnes. Cette méthode, cependant, ne pouvait être suivie si la météo obligeait le navire à emprunter les passages intérieurs.

    Les compagnies de croisières n'étaient pas parfaitement heureuses de ce mode de fonctionnement qui les empêchait de se rendre dans le secteur nord des passages intérieurs où les panoramas grandioses représentent un attrait important pour les passagers des croisières.

    Au cours de la saison des croisières de 1997, de la mi-mai à la fin de septembre, une nouvelle station d'embarquement des pilotes a été mise en service à Port Hardy (île Pine), à titre expérimental, et l'expérience s'est avérée très heureuse. Les navires qui ne voulaient pas se rendre dans les passages intérieurs débarquaient les pilotes à cette station et franchissaient le détroit d'Hecate sans pilote à bord. Toutefois, en raison du mauvais temps qui sévit souvent dans le secteur de l'île Pine, on s'inquiétait un peu de la possibilité d'y débarquer des pilotes. Pendant la période d'essai qui a commencé le 12 mai, seuls les pilotes des navires se dirigeant vers le nord ont été débarqués à cet endroit.

    1.17 Navigation avec un pilote à bord

    Depuis toujours, les navigateurs font confiance aux connaissances et aux habiletés des pilotes qui, dans bien des pays, sont d'anciens capitaines au long cours qui ont déjà commandé de grands navires transocéaniques. Les capitaines et les officiers de navire s'en remettent donc en général à la compétence du pilote et à sa connaissance des lieux et ils hésitent à le déranger ou à intervenir lorsqu'il a la conduite du navire.

    La position d'un pilote à bord d'un navire a été résumée ainsi par la Commission royale sur le pilotage, Ottawa, 1968 :

    L'expression "conduire un navire" ne doit pas être confondue avec celle d'avoir le "commandement d'un navire". La première concerne une action, un service personnel; la seconde signifie l'autorité. Quant à savoir si le pilote "conduit un navire", c'est une question de fait, non de droit. Qu'un pilote obtienne la direction d'un navire aux fins de la navigation ne signifie pas qu'il remplace le capitaine. Le capitaine est et demeure le commandant; c'est lui qui garde l'autorité à bord. Il peut déléguer, et délègue effectivement, une partie de son autorité à des subordonnés et à des collaborateurs de l'extérieur qu'il emploie pour conduire son navire, c'est-à-dire à des pilotes. Une délégation de pouvoirs ne constitue pas l'abandon de son autorité.

    La Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (STCW), modifiée en 1995, ainsi que le Code des méthodes et pratiques nautiques de l'OMI, adoptés par le Canada et distribués sous le couvert de la publication TP 1018, stipulent ce qui suit :

    Navigation avec un pilote à bord

    49. Nonobstant les tâches et obligations qui incombent aux pilotes, leur présence à bord ne décharge pas le capitaine ou l'officier chargé du quart à la passerelle des tâches et obligations qui leur incombent sur le plan de la sécurité du navire. Le capitaine et le pilote doivent échanger des renseignements sur les procédures de navigation, les conditions locales et les caractéristiques du navire. Le capitaine et/ou l'officier chargé du quart à la passerelle doivent coopérer étroitement avec le pilote et vérifier de manière précise la position et les mouvements du navire.

    50. S'il éprouve des doutes quant aux manoeuvres ou aux intentions du pilote, l'officier chargé du quart à la passerelle doit obtenir des éclaircissements auprès de celui-ci et si le doute persiste, il doit en aviser immédiatement le capitaine et prendre toute mesure nécessaire avant l'arrivée du capitaine.

    Le Bridge Procedures Guide publié par l'International Chamber of Shipping mentionne aussi que la présence d'un pilote ne libère pas le capitaine ou l'OQ de ses fonctions et obligations. Le guide souligne que la responsabilité de la navigation du navire n'est pas transférée au pilote et que l'OQ conserve toutes ses fonctions. Le pilote doit donc recevoir toute l'aide voulue de l'équipe à la passerelle du navire.

    En vertu de la loi néerlandaise, le pilote agit à titre de conseiller auprès du capitaine.

    1.18 Loi sur le pilotage

    Le paragraphe 25.(2) de la Loi sur le pilotage qui traite de la responsabilité du pilote envers le capitaine stipule que :

    Le pilote breveté qui assure la conduite d'un navire est responsable envers le capitaine de la sécurité de la navigation du navire.

    L'article 26 de la loi qui porte sur le capitaine qui relève un pilote ou un titulaire d'un certificat de pilotage stipule que :

    1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le capitaine d'un navire qui a des motifs raisonnables de croire que les actes d'un pilote breveté ou du titulaire d'un certificat de pilotage qui se trouvent à bord du navire mettent, de quelque façon que ce soit, le navire en danger peut, pour la sécurité du navire, en assurer la conduite à la place du pilote ou du titulaire ou relever le pilote de ses fonctions à bord du navire.

    Rapport du capitaine

    2) Lorsque le capitaine d'un navire en assure la conduite à la place du pilote breveté ou du titulaire d'un certificat de pilotage en application du paragraphe (1), il doit, dans les trois jours suivant celui où il a assumé la conduite du navire, soumettre à l'Administration qui a délivré le brevet ou le certificat un rapport écrit énonçant les motifs de son intervention.

    L'APP envoie en début de saison aux capitaines de paquebot de croisière une lettre qui énumère des exigences spéciales sous la rubrique « Lignes directrices à l'intention des capitaines de paquebot de croisière ». Voici un extrait du premier paragraphe de cette lettre :

    Le pilotage est obligatoire pour traverser les eaux de la Colombie-Britannique. Le pilote DOIT avoir la conduite du navire en conformité avec le paragraphe 25 (1) de la Loi sur le pilotage. Vous ne pouvez relever le pilote que si vous avez des raisons de croire que ses actes mettent en danger, de quelque façon que ce soit, la sécurité de votre navire. Si cela se produit, il vous faut faire rapport par écrit, en exposant ce qui a motivé votre décision, à l'Administration dans un délai de trois jours, conformément au paragraphe 26(2).

    1.19 Consignes de fonctionnement de la Holland America Line (HAL)

    Dans les consignes de fonctionnement que la HAL donne à ses capitaines et à ses officiers de pont, on retrouve le passage suivant concernant la navigation avec un pilote à bord :

    Responsabilités et fonctions du capitaine

    Pilotage

    Le capitaine doit demeurer alerte et attentif à la façon dont le pilote manoeuvre le navire, et il doit donner des conseils au pilote si celui-ci fait une erreur ou pose un geste contraire à la sécurité du navire.

    Si le pilote n'obéit pas aux conseils du capitaine et que celui-ci juge que la sécurité du navire est compromise, le capitaine doit relever le pilote et reprendre la conduite du navire. Tous les motifs de cette décision doivent être inscrits dans le carnet de passerelle.

    Le Manuel de gestion de la sécurité de la compagnie daté du 1er juin 1996, rédigé en vertu du Code international de gestion de la sécurité(ISM), précise clairement que le capitaine est autorisé par la loi, la compagnie et les traditions maritimes à exercer ses responsabilités.

    Personnel de quart à la passerelle

    Les ordres permanents à l'intention du personnel de quart indiquent aussi que l'OQ doit assurer la coordination des communications de passerelle à passerelle, navire-terre et poste à poste.

    En outre, le capitaine du « STATENDAM » possède sa propre série d'ordres permanents pour ses officiers de quart. Une section complète traite des fonctions dans la timonerie en présence d'un pilote, et notamment de la surveillance de toutes les communications VHF.

    1.20 Échange de renseignements à bord du « STATENDAM »

    Une affiche produite par l'OMI était apposée sur la cloison arrière de la timonerie du « STATENDAM ». Des cartes de pilote faisant état des caractéristiques du navire étaient facilement accessibles dans la timonerie.

    Lorsque les deux pilotes sont montés à bord du navire à 3 h le 11 août, des renseignements élémentaires ont été échangés avec le capitaine. L'échange de renseignements a notamment porté sur le fait que le pilote en était à sa première affectation sur le « STATENDAM », sur l'heure à laquelle la traversée de Seymour Narrows était prévue, sur l'ETA au First Narrows de Vancouver, et sur le fait que la salle des machines n'avait pas besoin d'avis pour réduire la vitesse.

    Le navire s'est mis en route en direction sud dans le détroit d'Hecate. Les officiers assuraient la conduite du navire. Les pilotes se reposaient en bas puisqu'ils n'étaient pas censés prendre en charge la conduite du navire avant d'approcher du détroit de Milbanke à 10 h 30 ce matin-là.

    L'OQ responsable du quart à la passerelle du matin a signalé que le pilote était entré dans la timonerie avant le moment où il était censé prendre en charge la conduite du navire, qu'il avait bu un café et avait été renseigné en bonne et due forme sur les caractéristiques de manoeuvre du navire. Le pilote avait déjà un exemplaire de la carte de pilote. L'OQ a indiqué qu'il avait passé en revue l'équipement de navigation et de propulsion du navire, les angles de barre à donner pour les virages, et la façon d'utiliser la méthode de la vitesse angulaire de virage pour changer de cap. L'OQ a signalé que le pilote s'était servi de cette méthode pour changer de cap pendant le reste du quart.

    L'OQ a ajouté qu'il avait discuté avec le pilote de la limitation de la vitesse angulaire de virage à une vitesse du navire de 20 noeuds ainsi que des raisons de ces limitations (voir paragraphe 1.9). Il a aussi été question du fait que la vitesse angulaire de virage pouvait être augmentée si la vitesse du navire était réduite et que l'allure idéale pour franchir des coudes abrupts dans des chenaux était de 16 noeuds environ.

    Le pilote ne se rappelle pas que l'OQ lui ait fait un exposé sur les caractéristiques de manoeuvre du navire, mais il reconnaît avoir reçu un exemplaire de la carte de pilote qui mentionne certaines des caractéristiques de manoeuvre. Il a aussi signalé que les informations échangées entre le capitaine, l'OQ et lui-même n'étaient que des renseignements élémentaires.

    Le pilote a ajouté qu'il n'avait pas utilisé la méthode de la vitesse angulaire de virage pour changer de cap, mais qu'il avait plutôt donné au timonier de nouveaux caps à suivre lorsqu'un changement de direction était nécessaire.

    1.21 Gestion des ressources sur la passerelle

    Selon les principes de la GRP, les membres de l'équipe à la passerelle devraient :

    • se diviser les tâches pour partager le travail;
    • échanger des renseignements pour faire en sorte, dans la mesure du possible, que tous les facteurs pertinents soient considérés dans la prise de décisions;
    • créer un environnement qui laisse aux membres de l'équipe la possibilité de contester une action jugée dangereuse;
    • permettre à l'équipe ou au principal preneur de décisions d'agir en fonction de toute l'information disponible.

    Après un abordage entre le navire à passagers des Antilles néerlandaises « NOORDAM » et le vraquier maltais « MOUNT YMITOS » dans le golfe du Mexique le 6 novembre 1993, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a fait des recommandations.

    À la suite de ces recommandations, la HAL a organisé une formation en GRP pour ses officiers. Quelque 90 p. 100 des 150 officiers ont suivi la formation. Les 10 p. 100 restants devaient suivre le cours avant la fin de 1996. Ce cours, qui comprend deux jours et demi de théorie et deux jours et demi de formation sur simulateur, a été conçu pour la HAL par des organismes externes spécialistes de la GRP. La HAL est apparemment en train de mettre sur pied un cours de formation sur la gestion des ressources dans la salle des machines.

    Le capitaine du « STATENDAM » avait suivi le cours de GRP, et l'OQ devait le suivre à l'automne.

    Compte tenu des manquements à la sécurité relevés dans l'efficacité des pratiques actuelles de GRP dans les zones de pilotage obligatoires, le Bureau de la sécurité des transports du Canada a procédé à une Étude de sécurité portant sur les rapports de travail entre les capitaines et officiers de quart, et les pilotes de navire et a fait plusieurs recommandations en 1995. Le Bureau avait notamment recommandé que :

    Le ministère des Transports exige que le programme de formation initiale de tous les officiers de navire soit modifié de façon à comporter un volet sur les compétences en gestion des ressources sur la passerelle.
    Recommandation M95-09 du BST

    et que

    Le ministère des Transports exige que tous les pilotes fassent la preuve de leurs compétences en gestion des ressources sur la passerelle avant de se voir délivrer un brevet de pilotage ou avant le renouvellement de ce dernier.
    Recommandation M95-11 du BST

    Transports Canada a répondu qu'il favoriserait l'élaboration et la prestation de cours de formation en GRP et, avec le concours des administrations de pilotage du Canada, qu'il prendrait des mesures pour qu'un cours de formation en GRP fasse partie de la formation dispensée en vue de l'obtention ou du renouvellement des brevets de pilote ou des certificats de pilotage.

    À l'heure actuelle, plusieurs centres au Canada offrent la formation en GRP aux capitaines et aux officiers de navire. Au moins une grande compagnie de transport maritime au Canada envoie ses officiers dans un de ces centres canadiens; plusieurs autres compagnies envoient leurs officiers suivre un cours aux États-Unis. Aucun de ces centres n'offre une formation qui s'adresse uniquement aux pilotes; toutefois, l'un de ces centres a pris le cours conçu pour les officiers et l'a adapté en fonction des besoins des pilotes.

    Avant 1997, il n'existait pas de norme nationale minimale uniforme et approuvée en fonction de laquelle la formation était conçue et pouvait servir d'étalon pour la délivrance d'un certificat de formation universellement reconnu. En 1997, toutefois, Transports Canada a chargé les membres d'un groupe de travail d'établir et de diffuser des normes à cet effet. Des représentants des armateurs, des écoles maritimes, des administrations de pilotage et des syndicats ont assisté à cette réunion où ils ont fait part de leurs observations à Transports Canada.

    Au moment du quasi-abordage, les pilotes de la zone de pilotage du Pacifique n'avaient pas encore reçu de formation structurée en GRP. L'APP a fait savoir qu'elle attend l'établissement d'une norme ou d'un programme de cours de Transports Canada pour la formation, mais qu'elle a commencé à dispenser de la formation en GRP à ses pilotes, de son propre chef.

    1.22 HAL et la gestion de la sécurité

    Pour se conformer à l'une des recommandations faites par le NTSB après l'abordage du « NOORDAM », la HAL organise des conférences annuelles pour les capitaines de navire et d'autres pour les officiers supérieurs. Ces conférences permettent de mettre en évidence les problèmes opérationnels qui ont surgi au cours de l'année et de les analyser.

    La HAL a produit un Manuel de gestion de la sécurité signé par le président-directeur général. Elle a actualisé les « Directives techniques » et les « Directives opérationnelles » et a remanié ses « Consignes à l'intention du service pont et du service machines » en fonction des modifications apportées en 1995 à l'annexe et au Code de la Convention STCW.

    Au moment de l'événement, la HAL avait demandé à plusieurs sociétés de classification de faire des soumissions en vue d'une vérification de la compagnie pour s'assurer que les dispositions du Code ISM concernant l'exploitation en toute sécurité des navires et la prévention de la pollution par les hydrocarbures étaient respectées intégralement. Le Code ISM, en raison de l'entrée en vigueur du chapitre IX de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS), est obligatoire pour les navires à passagers depuis le 1er juillet 1998. La compagnie est aussi en train de mettre en application les programmes de vérification, de procéder à des enquêtes et de mettre sur pied son propre système informatisé de rapport sur les accidents afin de se conformer aux dispositions du Code.

    1.23 Obligation de signaler les événements

    La Loi sur le pilotage, la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports et la Loi sur la marine marchande du Canada (LMMC) exigent toutes que les incidents, accidents ou événements dangereux soient signalés.

    La LMMC exige qu'un événement dangereux soit signalé à la station côtière la plus proche et le plus rapidement possible et qu'un rapport écrit soit envoyé dans les 24 heures ou le plus tôt possible après l'événement.

    Le capitaine du « STATENDAM » a signalé l'événement aux propriétaires du navire. Le pilote l'a signalé à la BCCP. Aucun représentant du « STATENDAM » ni du « BELLEISLE SOUND » n'a signalé l'événement conformément aux exigences ci-dessus.

    1.24 Transport des marchandises dangereuses

    Règlement sur le transport par mer des marchandises dangereuses (RTMMD)

    Ce règlement exhaustif traite de l'emballage, de l'arrimage, du transport, du marquage et de l'inspection des marchandises dangereuses à bord des navires, mais il ne s'applique pas aux marchandises dangereuses transportées en vrac.

    Les biens, articles ou matières classés comme des marchandises dangereuses dans le Code IMDG sont considérés comme des marchandises dangereuses par le RTMMD.

    Ce n'est que lorsqu'un navire doit transporter des explosifs de classe 1 en quantité supérieure à 25 tonnes que le RTMMD exige que le bureau de la Sécurité maritime de Transports Canada le plus proche en soit informé 24 heures avant le chargement.

    Si la quantité transportée est inférieure à 25 tonnes, comme c'était le cas pour le « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 », l'expéditeur est quand même tenu de se conformer au Code IMDG et au RTMMD en ce qui concerne l'arrimage et la séparation des marchandises dangereuses.

    Lorsque des marchandises dangereuses sont transportées à bord d'une barge remorquée sans équipage, les exigences du Code et du RTMMD concernant la documentation et les dispositifs de protection individuels s'appliquent au remorqueur et non à la barge. Il semble que le « BELLEISLE SOUND » respectait ces exigences. En outre, le « RADIUM 622 » avait un Plan d'urgence en cas de pollution par les hydrocarbures qui avait été approuvé par la Sécurité maritime de Transports Canada le 7 juin 1996.

    Le RTMMD et le Code IMDG exigent la séparation des diverses classes de marchandises dangereuses transportées, tant sous le pont qu'en pontée. Le Code IMDG exige aussi que les cargaisons inflammables transportées sur le pont soient séparées. Les diverses classes d'explosifs doivent être placées à 6 mètres l'une de l'autre, et il doit y avoir 24 mètres de distance entre les gaz et les liquides inflammables sur le pont et entre les liquides inflammables sous le pont. L'arrimage sous le pont exige aussi un compartiment de séparation en plus des 24 mètres de distance. Au Canada, les exigences relatives à la séparation font l'objet de décisions spéciales du Bureau d'inspection des navires à vapeur.

    Le Code IMDG et le RTMMD exigent que le capitaine d'un navire ou, dans le cas d'un chaland sans équipage, la personne qui a la responsabilité de ce chaland, s'assure que les marchandises dangereuses sont protégées et manutentionnées avec prudence au moment du chargement, du transport et du déchargement du navire ou du chaland.

    Il semble que les grandes compagnies qui exploitent des chalands de fort tonnage se conforment généralement au Code IMDG et au RTMMD.

    À cause des dimensions du « RADIUM 622 » (45,7 m de long sur 10,6 m de large), il était impossible d'isoler ou de séparer les marchandises dangereuses conformément aux exigences du Code IMDG ou du RTMMD pris en vertu de la LMMC.

    De même, à cause des dimensions des petits remorqueurs-chalands qui sont exploités par la majorité des compagnies qui approvisionnent en marchandises dangereuses et autres marchandises les camps forestiers et les camps de pêche éloignés de la Colombie-Britannique, toutes les exigences du Code IMDG relatives aux grands bâtiments avec un équipage et du RTMMD ne peuvent pas être respectées, notamment les exigences relatives à la répartition et à la séparation des marchandises dangereuses.

    Les statistiques montrent que depuis 35 ans, il n'y a eu en Colombie-Britannique aucun accident ni incident majeur mettant en cause le transport par mer de marchandises dangereuses. Or, les pratiques actuelles de l'industrie dans ce domaine peuvent créer les conditions propices à ce type d'événement dangereux.

    Notification des événements

    Le RTTMD exige que le capitaine ou l'agent d'un navire, dont la sécurité serait en danger grave et imminent à cause d'un événement mettant en cause le chargement, le déchargement ou le transport de marchandises dangereuses, signale immédiatement l'événement à l'inspecteur des navires à vapeur ou au bureau de la Sécurité maritime de Transports Canada le plus proche par le moyen le plus rapide disponible.

    Le « BELLEISLE SOUND » n'a pas signalé le quasi-abordage conformément aux exigences de la réglementation.

    1.25 Propriétés des marchandises dangereuses transportées à bord du « RADIUM 622 »

    La cargaison en pontée du « RADIUM 622 » comprenait les marchandises suivantes :

    • Propane liquide (71 620 litres) : gaz inflammable de classe 2, division 1. Hors de son contenant, une telle quantité de propane liquide équivaut à un volume d'environ 19 millions de litres de gaz propane et à un nuage de quelque 921 millions de litres (un cube de gaz de 100 mètres de côté) de mélange à air/propane à sa limite inférieure d'explosivité.
    • Carburant Jet B (9 225 litres) : liquide inflammable de classe 3.
    • Dynamite (1 250 kg, nom commercial AP Cogel) : explosif de minage de type A, classe 1.1D UN 0081, comportant un risque d'explosion en masse. Un détonateur est nécessaire pour amorcer la déflagration.
    • Nitrate d'ammonium (3 725 kg , nom commercial Austinite 15) : explosif de minage de type B, classe 1.5D UN 0331, comportant un risque d'explosion en masse. Il lui faut à la fois un amorceur (mazout/carburant diesel, etc.) et un détonateur.
    • Détonateurs : 10 caisses d'éléments détonateurs, non électriques, classe 1.1B UN 0360.

    Les combustibles suivants étaient transportés sous le pont :

    • Pétrole de chauffage (15 000 litres) : combustible semblable au carburant diesel.
    • Carburant diesel (247 000 litres), UN 1202 : point d'éclair d'au moins −18°C, mais inférieur à 23°C.
    • Essence (183 000 litres), UN 1203 : point d'éclair à −45° limite d'explosivité inférieure : 1,4 p. 100.

    Analyse

    2.1 Échange de renseignements à bord du « STATENDAM »

    Pour être efficace, le dialogue entre le capitaine ou l'OQ, d'une part, et le pilote, d'autre part, doit débuter par la présentation officielle de la carte de pilote et l'examen de l'affiche de la passerelle; ce dialogue doit aussi être complété par une discussion informelle des caractéristiques de manoeuvre du navire, de l'état de l'équipement nécessaire, du plan de pilotage et de tout autre règlement pertinent ou condition spéciale. Un échange de renseignements aussi complet permet de clarifier les intentions de chacune des parties.

    L'enquête n'a pas permis d'établir avec certitude s'il y avait eu échange complet de renseignements parce que des renseignements contradictoires ont été recueillis lors de l'enquête. Il est cependant évident que cet échange de renseignements ne s'est pas fait en une seule séance ni d'une façon structurée qui aurait permis une compréhension totale des intentions du capitaine, de l'OQ et du pilote.

    2.2 GRP à bord du « STATENDAM »

    Les rapports de travail entre les capitaines de navire et les officiers de quart, d'une part, et les pilotes, d'autre part, sont d'une importance capitale pour la sécurité de la navigation des paquebots de croisière dans les passages intérieurs et dans les eaux côtières de la Colombie-Britannique.

    En raison des divers antécédents maritimes (expérience et formation) des pilotes de la BCCP et des capitaines et officiers des paquebots de croisière, il est essentiel que les habiletés de chaque personne soient prises en compte dans les rapports de travail au sein d'une équipe à la passerelle. Il importe également que les diverses tâches permettant de naviguer en toute sécurité soient assignées au sein de l'équipe aux personnes les mieux préparées ou les mieux placées pour les exécuter, tout en octroyant à chaque personne une charge de travail raisonnable.

    Les principes de la GRP sont bien connus et largement acceptés au sein de l'industrie maritime, toutefois le non-respect de ces principes est l'une des causes majeures de la situation très rapprochée qui fait l'objet du présent rapport.

    Le capitaine, le seul de l'équipe à la passerelle qui possédait une formation en GRP, n'est pas intervenu et n'a remis en question les décisions du pilote qu'après que le navire a été placé sur une route dangereuse. En outre, comme aucune disposition n'a été prise pour partager le travail et les tâches liés à la navigation et aux communications, certains membres de l'équipe à la passerelle, dont le pilote, n'étaient pas affectés aux tâches pour lesquelles ils avaient le plus d'expérience, et qui sont essentielles pour naviguer en toute sécurité.

    Le capitaine, préoccupé par l'horaire à respecter (en l'occurrence, l'ETA à Seymour Narrows), concentrait toute son attention sur l'allure du navire et, alors que le « STATENDAM » contournait la pointe Chatham, il a ordonné à l'OQ de demander à la salle des machines de réduire à trois le nombre de génératrices utilisées. Résultat : pendant la première partie de l'abattée, l'attention a été momentanément détournée de la vitesse angulaire de virage et de l'identification de la cible radar correspondant au « BELLEISLE SOUND », dont les SCTM avaient déjà communiqué les intentions.

    En outre, le pilote se concentrait sur l'utilisation de la méthode de la vitesse angulaire de virage, qu'il ne connaissait pas très bien. Le capitaine, l'OQ et le timonier connaissaient bien cette méthode, mais le capitaine et l'OQ étaient, au moins au début, concentrés sur la nécessité de réduire l'allure pour arriver à Seymour Narrows à un moment propice. C'est ce qui explique que le pilote, laissé à lui-même, a choisi une vitesse angulaire de virage qui ne pouvait amener le navire sur sa route prévue pour la prochaine étape du voyage.

    Le pilote n'était pas le seul à croire qu'il était le mieux placé pour s'occuper des communications VHF; l'équipe de pilotage à terre est également de cet avis. Le pilote s'est aussi servi de son appareil VHF portatif, qui même s'il était équipé d'un haut-parleur, a apparemment été utilisé de sorte que le pilote était le seul à connaître le contenu des communications. On a signalé que le pilote s'était servi de sa radio portative au moment d'amorcer le changement de direction à la pointe Chatham, ce qui peut aussi avoir détourné son attention au moment critique de la détermination de la vitesse angulaire de virage appropriée.

    Si les principes de la GRP avaient été appliqués, tous les membres de l'équipe à la passerelle auraient été tenus au courant de l'information reçue sur la passerelle sans pour autant voir leur attention détournée de leurs tâches principales. Si d'autres membres de l'équipe à la passerelle, en plus du pilote, avaient été à l'écoute des communications VHF, il est probable que l'information importante concernant la position et les intentions du « BELLEISLE SOUND » aurait reçu toute l'attention nécessaire.

    2.3 Navigation avec un pilote à bord

    De façon générale, on peut présumer que la non-application des principes de la GRP peut être attribuable à la culture maritime, et en particulier à la lettre envoyée par l'APP aux capitaines de paquebot de croisière et dans laquelle on insiste sur le fait que le pilote doit avoir la conduite du navire. Toutefois, aussi bien le Code des méthodes et pratiques nautiques de l'OMI que la Convention STCW et les consignes d'exploitation de la HAL précisent que la présence du pilote ne dégage pas le capitaine de ses fonctions et responsabilités et stipulent que le capitaine et/ou l'OQ doit surveiller étroitement les actions du pilote et intervenir s'il y a lieu pour assurer la sécurité du navire.

    Bien que le capitaine ait clairement le droit de déléguer une partie de son autorité tout en conservant le commandement, le libellé de la lettre de l'APP peut sembler intimidant - surtout pour un capitaine peu familier avec les rapports de travail qu'engendre nécessairement une telle contradiction apparente.

    2.4 Rapports de travail entre le capitaine et le pilote

    Le capitaine du « STATENDAM » a signalé qu'il faisait entièrement confiance au pilote avant la situation de quasi-abordage parce qu'il n'y avait eu aucun désaccord sur la passerelle. Il a songé à reprendre la conduite du navire au moment de la situation très rapprochée, mais il ne l'a pas fait parce qu'il a jugé qu'il valait mieux laisser le navire exécuter les ordres donnés par le pilote pour éviter l'abordage.

    Il semble néanmoins que si le capitaine était intervenu dès qu'il est devenu évident que le « STATENDAM » évitait trop lentement pour rester sur sa route prévue, il aurait pu éviter que le paquebot ne croise la route du remorqueur et de la barge.

    2.5 Facteurs influant sur le changement de direction à la pointe Chatham

    L'examen des données sur la manoeuvrabilité du « STATENDAM » recueillies au cours des essais montre que le paquebot avait de toute évidence assez de place pour négocier le changement de direction à la pointe Chatham et qu'il a amorcé son virage bien à temps pour se placer sur sa route suivante, dans le milieu du chenal, pour franchir le passage Discovery.

    Il existe de l'information contradictoire concernant les méthodes que le pilote a utilisées pour changer de cap avant la pointe Chatham. L'OQ a signalé que le pilote s'était servi de la méthode de la vitesse angulaire de virage pour tous les changements de cap exécutés après que celle-ci lui a été expliquée au début du quart. Le pilote ne se rappelle pas avoir reçu ces explications, et il a affirmé ne pas s'être servi de la méthode de la vitesse angulaire de virage avant la pointe Chatham. Il est toutefois certain qu'il s'est servi de la méthode de la vitesse angulaire de virage à la pointe Chatham. Le timonier connaissait très bien les caractéristiques du gouvernail.

    Compte tenu des conditions de visibilité et du fait que les changements de cap importants sont plus difficiles à une allure supérieure à 16 noeuds, la vitesse du navire (plus de 17 noeuds) était trop élevée.

    Pendant le virage, l'attention du capitaine a apparemment été détournée des manoeuvres en cours par la réduction du nombre de génératrices utilisées en vue de respecter l'horaire prévu. Le capitaine a détourné l'attention de l'OQ de la surveillance de la vitesse angulaire de virage et de l'observation de l'écran radar quand il lui a demandé de téléphoner à la salle des machines.

    Cela a eu pour résultat de laisser au pilote, qui connaissait moins bien cette méthode, la responsabilité de choisir la vitesse angulaire de virage. Apparemment, il a été lui-même distrait de sa tâche lorsqu'il a appelé le « SKY PRINCESS » sur son radiotéléphone VHF portatif. Lorsqu'il a de nouveau porté son attention sur la vitesse angulaire de virage du navire, il a constaté que le navire n'évitait pas assez rapidement.

    Le capitaine et l'OQ, qui connaissaient bien la méthode de la vitesse angulaire de virage, ne se sont pas concentrés sur les manoeuvres parce qu'ils étaient occupés à autre chose.

    Le capitaine avait exécuté un tracé APRA pour le « BELLEISLE SOUND », mais il ne l'a pas montré immédiatement au pilote.

    2.6 Détermination du risque d'abordage

    Le « STATENDAM »

    Le pilote avait été prévenu par les SCTM de la présence du « BELLEISLE SOUND », mais il n'a pas exercé de surveillance particulière pour déceler la présence de ce navire au moment du changement de direction à la pointe Chatham. Il a apparemment été distrait par une conversation qu'il a eue avec le « SKY PRINCESS » sur son radiotéléphone VHF portatif et par la lenteur de la vitesse angulaire de virage en réponse à l'ordre donné à la barre. En outre lorsqu'il a pris conscience de la présence de la cible, il ne s'est pas rappelé qu'il s'agissait probablement du « BELLEISLE SOUND ». Compte tenu de la position des feux de navigation du navire lors du premier contact visuel, il a cru qu'il s'agissait de deux bateaux de pêche.

    Il semblerait donc qu'à la lumière des faits rapportés, aucun des membres de l'équipe à la passerelle n'accordait une attention exclusive au changement de cap du navire ou à l'approche du « BELLEISLE SOUND », et que la communication concernant ces points essentiels ait été très limitée. Les SCTM avaient informé les autres bâtiments, y compris le « STATENDAM », des déplacements du « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 », mais aucune tentative de communication VHF n'a été faite par le « STATENDAM » pour connaître les intentions du remorqueur-barge. L'équipe à la passerelle n'a identifié les bâtiments qui approchaient qu'après avoir établi le contact visuel avec le remorqueur-barge, juste avant le quasi-abordage.

    Le « BELLEISLE SOUND »

    Le capitaine du « BELLEISLE SOUND » était seul sur la passerelle pendant que la situation très rapprochée se créait, mais il savait que le « STATENDAM » se rapprochait parce qu'il était resté en communication avec les SCTM et parce qu'il avait vu le paquebot contourner la pointe Chatham et également parce qu'il avait observé l'écho de ce navire sur son écran radar. Selon toute vraisemblance, ce sont les manoeuvres d'évitement qu'il a prises qui ont permis avant tout d'éviter l'abordage.

    Toutefois, le remorqueur n'a pas fait entendre de signaux de brume, et l'enregistrement SCTM ne montre pas que le remorqueur aurait essayé d'entrer en communication VHF avec le navire, avant le quasi-abordage. Le remorqueur aurait pu signaler sa présence ainsi au « STATENDAM », mais il ne l'a pas fait.

    2.7 Transport de marchandises dangereuses par des barges dans les eaux de la Colombie-Britannique

    Certains camps forestiers et camps de pêche éloignés de la Colombie-Britannique sont ravitaillés uniquement par mer, et nombre d'entre eux ne sont accessibles que par petite barge.

    Ces barges, à cause de leur petite taille et de la façon dont elles sont construites, ne sont pas toujours en mesure de se conformer à toutes les exigences du RTMMD et du Code IMDG relatives aux grands bâtiments avec un équipage, notamment en ce qui concerne la séparation des marchandises dangereuses.

    On reconnaît que ce problème existe. La Sécurité maritime de Transports Canada s'est penchée sur la question et a décidé de former un groupe de travail de l'industrie de la côte ouest, qui sera chargé d'établir les exigences relatives au transport des marchandises dangereuses à bord des barges pétrolières, qui feront partie de la publication TP 11960 intitulée Normes et principes directeurs sur la construction, l'inspection et l'exploitation des chalands de transport d'hydrocarbures en vrac. Une décision sera prise par le Bureau d'inspection des navires à vapeur et son application sera obligatoire sur la côte ouest, puis conformément à la procédure établie par le Conseil consultatif maritime canadien (CCMC), son application deviendra obligatoire partout au pays.

    La Sécurité maritime de Transports Canada a décidé que pendant qu'on procédera à la modification des normes, son personnel commencera à établir un plan d'embarquement à bord des remorqueurs-barges.

    2.8 Séparation des bâtiments transportant des marchandises dangereuses

    Les marchandises dangereuses transportées à bord de petits barges comme le « RADIUM 622 » ne peuvent être séparées conformément aux exigences des règlements et des codes applicables, à cause des conditions particulières du transport maritime des marchandises (y compris le transport de marchandises dangereuses diverses) vers des camps et des villages éloignés de la Colombie-Britannique. Le Code IMDG s'applique principalement aux grands navires hauturiers avec un équipage et effectuant des voyages internationaux.

    Lorsqu'un autre mode de transport est utilisé pour transporter des marchandises dangereuses, (notamment quand il s'agit de marchandises dangereuses diverses), on tente de séparer les marchandises à bord pour diminuer les risques et les conséquences en cas d'accident ou de collision. On pourrait demander que les petites barges ou navires côtiers ne transportent qu'une seule classe de marchandises dangereuses à la fois. Or, bien que cela puisse sembler raisonnable en principe, il reste que cela augmenterait le nombre de voyages nécessaires et, par le fait même, les risques d'accident ou d'incident.

    Le remorqueur-barge et le « STATENDAM » ont tous deux tenu les SCTM au courant de leur progression la nuit de l'événement, mais la distance entre les bâtiments nécessaire pour que les bâtiments se croisent en toute sécurité n'a pas été maintenue. Il est fort probable que les parties concernées auraient fait des efforts supplémentaires pour maintenir une distance de sécurité si toutes les parties avaient été au courant du type de cargaison transportée. D'ailleurs, avant de rencontrer le « STATENDAM », le remorqueur-barge avait croisé en toute sécurité trois autres navires à passagers.

    Faits établis

    1. Le « STATENDAM »
      1. L'échange de renseignements entre le capitaine/l'OQ et les pilotes n'a pas été fait de façon assez structurée pour s'assurer que les intentions de chacun étaient bien comprises.
      2. Aucune mesure n'a été prise pour partager le travail et les tâches de navigation et de communications entre les membres de l'équipe à la passerelle, conformément aux principes de GRP.
      3. Les membres de l'équipe à la passerelle ne vaquaient pas aux tâches pour lesquelles ils étaient les mieux préparés en tant qu'individu.
      4. Le capitaine et l'OQ, soucieux de respecter l'horaire, n'ont pas accordé toute leur attention à la navigation, aux mesures nécessaires pour éviter un abordage et à la manoeuvre du navire.
      5. Compte tenu de la visibilité ambiante et du fait que les changements de cap importants étaient plus difficiles à une allure supérieure à 16 noeuds, la vitesse du navire (plus de 17 noeuds) était trop élevée au moment où il a contourné la pointe Chatham.
      6. Le pilote a choisi une vitesse angulaire de virage de 10 degrés à la minute pour contourner la pointe Chatham, mais cette vitesse ne permettait pas d'amener le navire sur la route prévue à l'allure du navire à ce moment-là.
      7. La vitesse angulaire de virage choisie a amené le navire du côté est du passage Discovery et sur la route du remorqueur-barge qui approchait.
      8. Ni le capitaine ni l'OQ n'a remis en question la façon dont le pilote manoeuvrait le navire lorsqu'il est devenu évident que le « STATENDAM » n'évitait pas assez rapidement pour prendre sa route prévue.
      9. Comme aucun membre de l'équipe à la passerelle n'exerçait une surveillance attentive du remorqueur-barge qui approchait, aucun d'entre eux n'était en mesure de juger du risque d'abordage. On n'a pas tenu compte de l'information des SCTM sur la bande VHF concernant la progression du remorqueur-barge vers le nord.
      10. Comme l'équipe à la passerelle ne s'est pas rendu compte qu'un événement dangereux était imminent, elle n'a pas pris assez tôt les mesures nécessaires pour éviter la situation très rapprochée qui se créait.
      11. 11. Une veille efficace sur VHF n'a pas été maintenue, et très peu de renseignements ont été échangés d'une manière efficace entre les membres de l'équipe à la passerelle.
      12. Après l'événement, on a découvert que l'enregistreur des conversations de la timonerie du navire était défectueux depuis plusieurs semaines.
      13. Les échelles de temps des tracés des deux enregistreurs de cap du navire étaient difficiles à interpréter et les deux appareils étaient mal réglés.
      14. Au moment de l'événement, les pilotes de la zone de pilotage du Pacifique n'avaient pas reçu une formation structurée en GRP.
    2. Le « BELLEISLE SOUND »
      1. Selon toute vraisemblance, ce sont les manoeuvres d'évitement que le capitaine du « BELLEISLE SOUND » a prises qui ont permis avant tout d'éviter l'abordage.
      2. Malgré la visibilité réduite, personne sur le navire n'était affecté strictement à la veille, dans les instants qui ont précédé l'événement dangereux.
      3. Le navire n'a pas fait entendre les signaux de brume obligatoires.
      4. Le navire ne répondait pas aux règles relatives au transport des marchandises dangereuses. Dans les eaux de la Colombie-Britannique, il arrive fréquemment que des marchandises dangereuses soient transportées par de petits remorqueurs-chalands qui ne peuvent pas respecter les exigences du Code IMDG et du RTMMD.
    3. Les deux navires
      1. Selon les enregistrements des SCTM, aucun des deux navires n'a utilisé le radiotéléphone VHF passerelle à passerelle pour communiquer avec l'autre pour s'entendre sur le croisement imminent.
      2. Aucun des deux navires n'a signalé l'événement dangereux aux SCTM.
    4. Les SCTM
      1. Le RTM de service a signalé la position et les intentions du « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 » aux autres navires, mais il n'a pas mentionné que celui-ci transportait des marchandises dangereuses.
    5. Le pilotage
      1. Les radiotéléphones VHF portatifs sont équipés d'un haut-parleur, mais à cause de la manière dont les pilotes côtiers de la Colombie-Britannique se servent de ces téléphones, il arrive que les communications navire à navire ne soient pas entendues par ceux qui ne sont pas à proximité du téléphone.
      2. Transports Canada n'avait pas de plan de cours pour la formation en GRP pour les pilotes.
      3. Le libellé de la lettre envoyée par l'APP aux capitaines de paquebot de croisière peut sembler intimidant.

    Causes et facteurs contributifs

    Le quasi-abordage entre le « STATENDAM » et le « BELLEISLE SOUND » / « RADIUM 622 » est attribuable à la faible vitesse angulaire de virage du « STATENDAM » qui l'a amené du côté est du passage Discovery, sur la route de l'ensemble remorqueur-barge qui approchait. La visibilité réduite par la brume et l'obsécuritéé, le fait que le pilote connaissait mal les systèmes de navigation du « STATENDAM », et la non-application des principes de gestion des ressources sur la passerelle, notamment la répartition logique du travail entre les membres de l'équipe à la passerelle selon les spécialités de chacun, ont contribué à l'événement.

    Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Transport des marchandises dangereuses

    À la suite de ce quasi-abordage, divers organismes ont pris des mesures correctives, notamment :

    1. Un groupe de travail mixte industrie-gouvernement a été formé pour examiner les circonstances du quasi-abordage et pour évaluer les risques possibles face au transport, à la séparation et à l'arrimage des marchandises dangereuses dans les voies navigables resserrées. Il est entendu que les constatations du groupe de travail serviront de base à des mesures appropriées visant à réduire les risques, comme la modification de règlements existants, la mise en oeuvre de décisions du Bureau d'inspection des navires à vapeur, etc. Ces mesures seront incorporées dans la publication TP 11960 Normes et principes directeurs sur la construction, l'inspection et l'exploitation des chalands de transport d'hydrocarbures en vrac.
    2. La Sécurité maritime de Transports Canada a tenu des réunions avec des compagnies de remorquage de la côte Ouest et le Council of Marine Carriers en vue de trouver des solutions aux problèmes du transport, de l'arrimage et de la séparation de divers types de marchandises dangereuses dans les barges plus petites comme le « RADIUM 622 ».
    3. Un comité multimodal sur les marchandises dangereuses a été établi dans la Région du Pacifique. Les objectifs du comité sont d'assurer le passage sûr des marchandises dangereuses en Colombie-Britannique, de sensibiliser les gens aux exigences et de chercher l'harmonisation des règlements, au besoin.
    4. Avec le concours des exploitants de remorqueurs et remorques des États-Unis (American Waterways Association) qui empruntent les passages intérieurs de la Colombie-Britannique, les SCTM ont également instauré des mesures de rapport volontaire pour tous les navires qui transportent des polluants ou des marchandises dangereuses. On demande également aux exploitants de remorqueurs et remorques transportant des polluants ou des marchandises dangereuses en provenance des États-Unis et à destination de la Colombie-Britannique de faire un rapport volontaire. D'autres consultations sont prévues avec l'industrie canadienne du remorquage en vue d'établir des procédures semblables concernant les marchandises dangereuses.

    4.1.2 Notification des incidents

    Immédiatement après l'événement dangereux, la Sécurité maritime de Transports Canada à Vancouver a informé le capitaine du « STATENDAM » ainsi que le pilote qui assurait la conduite du navire au moment de l'événement et le capitaine du « BELLEISLE SOUND » de leurs responsabilités, notamment de l'obligation de signaler les événements et de se conformer au COLREGS.

    4.1.3 Normes de formation en GRP pour les pilotes

    Par suite de la recommandation M95-07 du BST relative à la formation et aux exercices pratiques sur les méthodes de relève à la conduite du navire, Transports Canada, avec le concours des administrations de pilotage, a présenté des procédures relatives à l'échange de renseignements en bonne et due forme entre les capitaines et les pilotes. Transports Canada a déposé cette recommandation à la réunion de mai 1996 du Conseil consultatif maritime canadien (CCMC) à Ottawa, et au séminaire sur la navigation électronique simulée (NES) tenu à Vancouver en août 1996.

    En 1996, l'Association des armateurs canadiens a pris des dispositions pour que ses capitaines puissent recevoir de la formation en GRP aux installations de la Marine Safety International, à Newport, au Rhode Island. Une société de transport maritime des Grands lacs, représentant l'Association des armateurs canadiens, a fait des démarches auprès de la Sécurité maritime de Transports Canada parce qu'elle voulait suivre l'évolution du cours en vue d'approuver le contenu du cours. L'évolution du cours a été surveillée par la Sécurité maritime de Transports Canada en février 1996, mais aucune autorisation n'a pu être accordée faute de norme de comparaison pour évaluer le contenu du cours. En réponse aux demandes de l'industrie en vue de l'obtention d'une politique en matière de formation en GRP, la Sécurité maritime de Transports Canada a rédigé une version provisoire d'une telle politique et l'a présentée en novembre 1996 au CCMC lors d'une réunion. Lors de la réunion de mai 1997, la Sécurité maritime de Transports Canada a annoncé la formation d'un groupe de travail chargé d'élaborer un plan de cours de GRP. Les ateliers offerts, entre autres, dans le cadre de ce cours sont les suivants : la planification d'un passage et sa traversée, la constatation des erreurs, la surveillance, les rapports entre les capitaines, les officiers de quart et les pilotes, l'échange d'information, le travail d'équipe et la communication. En novembre 1997, le groupe de travail a présenté le plan de cours au CCMC qui l'a approuvé sous réserve que le cours soit facultatif. Cette décision a donné lieu à la publication du document TP 13117 Programme de formation en gestion des ressources à la passerelle.

    Depuis lors, la Sécurité maritime de Transports Canada a autorisé trois écoles maritimes à dispenser cette formation; il s'agit du Marine Institute, à St. John's (Terre-Neuve); le Marine Safety International, à Newport, au Rhode Island; et le Nova Scotia Nautical Institute, à Port Hawkesbury (Nouvelle-Écosse).

    En mai 1997, après avoir évalué les cours en GRP disponibles, l'Administration de pilotage du Pacifique a commencé à dispenser de la formation en GRP à ses pilotes. La formation est donnée à Dania, en Floride. La formation avancée continue des pilotes relative à la manoeuvre, formation comprenant la toute dernière technologie utilisée sur les paquebots de croisière, est également dispensée à ces installations.

    On nous signale qu'en 1998 la plupart des pilotes de la côte de la C.-B. auront reçu la formation.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

    Annexes

    Annexe A -Arrimage des marchandises dangereuses sur la barge « RADIUM 622 »

    Sur le pont

    Propane (71 620 litres) - Il était transporté dans deux semi-remorques (une de chaque côté) à l'extrémité arrière du pont à bordé en bois. Un camion transportant également du propane se trouvait au centre, entre les deux semi-remorques.

    Carburant Jet B (9 225 litres) - Des marchandises diverses étaient arrimées en avant de la semi-remorque de tribord. Devant ces marchandises, il y avait 45 fûts de 205 litres de carburant Jet B.

    Explosifs (4 975 kg) - Arrimés immédiatement à bâbord du carburant Jet B, il y avait 50 sacs de dynamite (1 250 kg) et 149 sacs de nitrate d'ammonium (3 725 kg). Les sacs pesaient 25 kg chacun et étaient empilés à raison de 25 sacs par palette. Ils étaient recouverts d'une pellicule de plastique.

    Détonateurs (10 caisses) - À l'écart des explosifs se trouvaient 10 caisses de détonateurs arrimées dans le rouf tribord à l'avant du pont.

    Sous le pont

    Pétrole de chauffage (15 000 litres) - Il était transporté dans la citerne no 1 de bâbord.

    Carburant diesel (247 000 litres) - Il était transporté dans les citernes no 2 de bâbord, du centre et de tribord ainsi que dans la citerne centrale no 4.

    Essence (183 000 litres) - Elle était transportée dans les citernes no 3 de bâbord, du centre et de tribord.

    Annexe B - Croquis du secteur de l'événement

    Photo 1. Croquis du secteur de l'événement
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    Croquis du secteur de l'événement

    Annexe C - Photographies

    Photo 2. Photographie 1
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    Photographie 1
    Photo 3. Photographie 2
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    Photographie 2
    Photo 4. Photographie 3
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    Photographie 3
    Photo 5. Photographie 4
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    Photographie 4

    Annexe D - Carte de pilote et graphique de manoeuvre

    Photo 6. Carte de pilote
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    Carte de pilote
    Photo 7. Carte de pilote et graphique de manoeuvre
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    Carte de pilote et graphique de manoeuvre
    Photo 8. Graphique de manoeuvre
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    Graphique de manoeuvre

    Annexe E - Sigles et abréviations

    APP
    Administration de pilotage du Pacifique
    APRA
    aide au pointage radar automatique
    Ar.
    arrière
    Av.
    avant
    BCCP
    British Columbia Coast Pilots Limited
    BHP
    unité de puissance au frein
    BST
    Bureau de sécurité des transports du Canada
    C.-B.
    Colombie-Britannique
    CCMC
    Conseil consultatif maritime canadien
    Code IMDG
    Code maritime international des marchandises dangereuses
    Code ISM
    Code international de gestion de la sécurité
    COLREGS
    Règlement international pour prévenir les abordages en mer
    ETA
    heure prévue d'arrivée (estimated time of arrival)
    É.-U.
    États-Unis
    GPS
    Système de positionnement global (Global Positioning System)
    GRP
    gestion des ressources sur la passerelle
    h
    heure
    HAL
    Holland America Line
    kg
    kilogramme
    kW
    kilowatt
    LLMC
    Loi sur la Marine marchande du Canada
    m
    mètre
    MANOPS
    Manuel d=exploitation
    MHz
    mégahertz
    N
    nord
    NES
    navigation électronique simulée
    NTSB
    National Transportation Safety Board des États-Unis
    OMI
    Organisation maritime internationale
    OQ
    officier de quart
    RTM
    régulateur du trafic maritime
    RTMMD
    Règlement sur le transport par mer des marchandises dangereuses
    SCTM
    Services de communications et de trafic maritimes
    SEVCM
    Système électronique de visualisation des cartes marines
    SHC
    Service hydrographique du Canada
    SI
    système international (d=unités)
    SOLAS
    Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer
    SRGC
    Station radio de la Garde côtière
    STCW
    Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille
    STM
    Services du trafic maritime
    tjb
    tonneau de jauge brute
    tr/min
    nombre de tours à la minute
    V
    vrais (degrés)
    VHF
    très haute fréquence
    W
    ouest
    °
    degré
    minute