Rapport d'enquête maritime M97N0073

Blessure
Le bateau de pêche « RYANE & SISTERS »
Les Grands bancs de Terre-Neuve

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Au cours d'opérations de pêche dans les Grands bancs de Terre-Neuve, un matelot sur le « RYANE & SISTERS » a été frappé et grièvement blessé alors qu'il récupérait une caisse de poissons sous la table à bascule levée lorsque le câble d'élévation a cédé. Le matelot a subi de graves blessures aux jambes et a été transporté par hélicoptère de sauvetage à un hôpital de St. John's (Terre-Neuve).

    Renseignements de base

    Nom « RYANE & SISTERS »
    Port d'immatriculation St. John's (Terre-Neuve)
    Pavillon Canada
    Numéro officiel 803747
    Type Bateau de pêche
    Jauge brute 72,04
    Longueur 18,28 m
    Construction 1987
    Propulsion Diesel, 402 kW
    Équipage 6
    Propriétaire enregistré Anthony V. Clowe
    40 Flaherty Crescent, Mount Pearl (Terre-Neuve)

    Le « RYANE & SISTERS » est un bateau de type Cape Island de la côte est avec une coque en bois et dont la timonerie et les emménagements sont à l'avant et le pont de travail partiellement abrité est situé à l'arrière au-dessus de la cale à poisson (voir annexe A, Photo 1).

    Une potence en acier en forme de portique est installée en travers du pont de travail arrière à partir duquel deux dragues à pétoncles sont déployées. La table à bascule est située en travers de l'arrière entre les montants de la potence et est articulée sur le poste arrière. Des treuils de pêche distincts sont utilisés pour hisser chacune des dragues (drague de bâbord et drague de tribord). Un treuil de levage sert à soulever et abaisser la table à bascule et à manoeuvrer les dragues récupérées vers la table et de la table (voir annexe A, Photo 2).

    Le treuil de levage est situé à tribord du garde-corps du pont-abri à 95,25 cmNote de bas de page 1 de l'axe longitudinal.

    La table à bascule consiste en une plate-forme de bois boulonnée à une charpente en acier et entourée d'un bordé en acier. Elle s'étend sur 4,9 m en travers du pont de travail et comporte une fixation articulée au pavois arrière. Le bord avant de la table mesure 2,3 m des charnières à l'oreille de levage et repose horizontalement sur des pieds en acier laissant un dégagement de 0,53 m entre la table et le pont. Le poids de la table est estimé à 1,25 t lorsqu'elle est propre (voir annexe A, Photo 5).

    Le câble d'élévation en acier galvanisé était de 1,27 cm de diamètre à torsion ordinaire à droite 6 X 25, bourrage avec âme métallique indépendante. Il partait à l'arrière à partir du tambour du treuil de levage et montait jusqu'à une poulie de levage simple de 22,86 cm suspendue au support longitudinal à la tête de la potence portique et redescendait au pont de travail.

    Lorsque le « RYANE & SISTERS » effectue une opération de pêche, les deux dragues sont déployées à partir de l'arrière et sont traînées sur les lieux de pêche à la pétoncle. Les dragues chargées sont remontées à intervalles réguliers et leur contenu est vidé sur la table à bascule. Les dragues vides sont déployées à nouveau et traînées pendant que l'équipage de pont fait le tri du contenu de la table à la recherche des pétoncles. Quand toutes les pétoncles ont été recueillies et mises dans des boîtes en plastique, la table est soulevée sur ses charnières et le résidu du fond marin est déchargé dans l'océan (voir annexe A, Photo 6). Entre-temps, l'équipage de pont enlève les coquilles des pétoncles, nettoie ces dernières et les met en sac pour le rangement dans la cale à poisson et le cycle recommence.

    Le 18 mai 1997, alors que le bateau quittait St. John's (Terre-Neuve) l'équipage était divisé en deux bordées, chacune travaillant 6 heures et étant au repos 6 heures. Le capitaine et le second se relayaient à la passerelle pendant que le restant de l'équipage s'affairait sur le pont et enlevait les coquilles de la prise.

    Le 26 mai 1997, à la position 45°18′ N, 49°07′ O, quelque 200 milles au large de la côte de Terre-Neuve, le navire était en train de hisser les dragues pleines lorsque la table a été soulevée en position de décharge. Une boîte à pétoncles vide s'était déplacée sur le pont et s'était arrêtée au pavois arrière dans le chemin de la table à bascule soulevée. Le matelot de service est allé récupérer la boîte de plastique, une pratique qui, dit-on, avait déjà été exercée au cours de ce voyage et au cours de voyages antérieurs.

    À 23 h 30 environ,Note de bas de page 2 alors que le matelot était penché sous la table à bascule soulevée, le câble du treuil de levage a cédé et la table est tombée frappant et blessant grièvement le matelot.

    La table à bascule a été soulevée de nouveau à l'aide du martinet d'apiquage auxiliaire et l'homme blessé a été écarté de la zone où se trouvait la table.

    Le capitaine est entré en contact avec la Station de radio de la Garde côtière de St. John's pour demander de l'assistance médicale et des mesures ont été prises pour procéder à une évacuation sanitaire (evasan).

    Les dragues à pétoncles ont été récupérées et le bateau a mis le cap sur St. John's. Un hélicoptère de recherche et de sauvetage (SAR) a été envoyé au navire et a transporté le matelot blessé au Centre des sciences de la santé de St. John's.

    À cause du coup donné par la table à bascule, le matelot a subi des fractures du fémur droit et du tibia gauche ainsi que des éraflures et des contusions. Il avait 19 ans et faisait son premier voyage de l'année; il n'avait fait qu'un seul autre voyage en mer auparavant. Il n'était titulaire d'aucun certificat de navigation et n'avait jamais suivi de formation en sécurité maritime, ces précautions n'étant pas requises par les autorités à ce moment-là.

    Il arrive que l'équipage d'un navire change d'un voyage à l'autre. Les matelots peuvent être embauchés « directement du quai » avec seulement un court préavis et très peu de temps pour évaluer leur expérience ou habiletés en navigation.

    Le Newfoundland and Labrador Professional Fish Harvesters Certification BoardNote de bas de page 3 formé récemment a l'intention de mettre en oeuvre un programme pour la certification éventuelle de tous les pêcheurs, professionnels et apprentis.

    Le « RYANE & SISTERS » détenait un certificat d'inspection de sécurité valide prorogé expirant le 17 mai 1999.

    Selon le rapport, les conditions météo au moment de l'événement étaient des vents de 25 noeuds venant du sud, une visibilité de 6 à 8 km, une pluie de faible intensité et une température de l'air de 3°C. Les stabilisateurs du navire étaient sortis et il n'y avait que très peu de roulis.

    La force de tirage nominale du treuil de levage devait être comprise entre 2,6 et 3,9 t, selon que le tambour d'enroulement du câble était chargé ou nu.

    Le câble du treuil de levage, à l'état neuf, avait une charge maximale utile (CMU) d'environ 2,2 t. Il montrait des signes d'usure s'étendant sur approximativement 1,5 m de chaque côté du point de rupture. Des indications de compression et des taches importantes étaient évidentes. Le câble, dit-on, avait été récemment installé juste avant le voyage précédent.

    La poulie de levage était une poulie de remorque/chalut d'occasion normalement utilisée pour guider une fune au-dessus de la poupe et traîner un engin de pêche. Elle avait été installée depuis plusieurs voyages déjà. La surface du réa avait été assemblée avec de la soudure et la forme de la gorge ne convenait pas pour soutenir et guider le câble d'élévation. Il y avait des signes d'usure concentrée sur un côté de la gorge du réa de type à rouleau et il paraissait que le câble s'était, à quelques reprises, déplacé au-dessus du rebord du réa et s'était frotté contre la joue de la poulie (voir annexe A, Photos 3 et 4).

    D'après la rapport, les engins de pêche, les poulies et les câbles étaient inspectés par le personnel du bateau après chaque voyage.

    Les deux extrémités du câble métallique rompu ont été récupérées par le Laboratoire technique du BST pour analyse.

    Analyse

    C'est une pratique courante chez les exploitants de petits bateaux de pêche d'embaucher du personnel « directement du quai » pour les expéditions de pêche. Les personnes engagées ont des antécédents variés et peuvent être embarquées sans que le patron ait entièrement connaissance de leur expérience, ou manque d'expérience, en navigation.

    En vue d'acquérir les compétences et de connaître les mesures de sécurité au travail sur les petits bateaux de pêche comme le « RYANE & SISTERS », les matelots novices comptent beaucoup sur les membres d'équipage expérimentés pour leur fournir une formation « en cours d'emploi ». Au moment de l'événement, il n'y avait pas d'exigences concernant une attestation réglementaire ou un minimum de formation que devait avoir l'équipage de pont d'un petit bateau de pêche.

    Le matelot blessé en était à son deuxième voyage en mer sur un dragueur à pétoncles et apprenait les éléments du travail au fur et à mesure qu'il exerçait ses fonctions. Il peut ne pas avoir été pleinement conscient de la pratique à bord d'un navire selon laquelle il ne faut pas se tenir, travailler ou passer sous une charge suspendue. La boîte à pétoncles aurait pu être récupérée de sous la table à bascule une fois la table accorée en toute sécurité ou replacée en position de « repos ».

    La puissance du treuil était telle qu'un choc au chargement aurait pu se produire aux moments où le contenu de la table était vidé. La table soulevée peut avoir été tirée contre ses charnières ancrées par une traction du treuil dépassant la CMU du câble. Une telle action causerait un effort de traction extrême et endommagerait le câble.

    La poulie n'était pas du type approprié pour une utilisation avec un câble d'élévation de 1,27 cm soutenant des charges importantes. Le diamètre sous-dimensionné de la poulie provoquait un moment de flexion excessif du câble causant une déformation intense, une compression du câble et une usure accélérée, le tout réduisant considérablement la durée de vie du câble.

    Un examen microscopique des bouts brisés de plusieurs torons a révélé un amincissement et une rupture de la sorte causée par un effort excessif.

    Le rapport LP 90/97 du Laboratoire technique du BST sur la rupture de câble peut être fourni sur demande auprès du BST.

    Faits établis

    1. Le câble d'élévation s'est rompu suite à une usure accélérée et à un effort de traction excessif.
    2. Le réa de la poulie était sous-dimensionné et sa gorge n'était pas de forme adéquate provoquant un moment de flexion excessif du câble d'élévation et réduisant considérablement sa durée de vie.
    3. Le treuil de levage était capable d'exercer des charges de choc en traction dépassant la CMU du câble lorsque le contenu de la table à bascule était vidé.
    4. Le matelot a pris un risque non nécessaire en passant sous la table à bascule suspendue.
    5. Le matelot, qui a été frappé par la table tombante, a subi des fractures du fémur droit et du tibia gauche ainsi que des éraflures et des contusions.
    6. Le matelot blessé en était à son deuxième voyage en mer sur un dragueur à pétoncles et apprenait les éléments du travail au fur et à mesure qu'il exerçait ses fonctions.
    7. Une attestation provinciale et un minimum de formation n'étaient pas encore exigés auprès de l'équipage de pont d'un petit bateau de pêche.

    Causes et facteurs contributifs

    Le matelot a été grièvement blessé lorsqu'il a été frappé par la table qui est tombée à cause de la rupture du câble d'élévation. Contraire aux mesures courantes de sécurité au travail, le matelot s'est placé dans une position très dangereuse sous la table à bascule soulevée. L'analyse post-événement du câble rompu a indiqué qu'il a cédé en raison d'un effort de traction excessif.

    L'utilisation d'un type de poulie simple non adéquat, dont la condition irrégulière, le diamètre sous-dimensionné et la géométrie du réa inappropriée ont contribué à la rupture du câble, a accéléré l'usure et endommagé le câble prématurément.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur l'événement dont il est question ici. Par conséquent, le Bureau, composé du président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros, a autorisé la publication de ce rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Photographies

    Photo 1
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    Photo 1
    Photo 2
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    Photo 3
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    Photo 4
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    Photo 5
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    Photo 5