Rapport d'enquête maritime M98C0040

Prendre l'eau
hydroptère à passagers « SUNRISE VI »
Lac Ontario, 8 milles au nord de Port Dalhousie

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le matin du 18 août 1998, le Sunrise VI quitte Toronto à destination de Port Dalhousie (Ontario) avec quatre passagers. Pendant la traversée, la houle grossit au point que le navire est contraint de réduire sa vitesse et passe du mode de déplacement sans tirant d'eau au mode de déplacement avec tirant d'eau. Peu après, une lame s'abat sur la fenêtre avant bâbord du compartiment à passagers avant et l'eau du lac pénètre dans le compartiment. Tout en évacuant l'eau embarquée, le bâtiment se dirige, sous escorte, vers Port Dalhousie à « en avant très lente ». Un passager a été blessé.

    Renseignements de base

    Nom « SUNRISE VI »
    Port d'immatriculation Toronto (Ontario)
    Pavillon Canada
    Numéro officiel 720516
    Type Hydroptère à passagers Voskhod-2
    Jauge bruteNote de bas de page 1 53 tonneaux
    Longueur 23,3 m
    Tirant d'eau 2 m sur coque, 1,1 m sur ailes
    Construction Leningrad, Russie, 1989
    Propulsion Un moteur diesel M-401A, 809,6 kW @ 1 600 tr/min
    Équipage 4 personnes
    Passagers 4 pendant cette traversée (66 au maximum)
    Propriétaire enregistré 1293728 Ontario Ltd.
    Mississauga (Ontario)
    Exploitant Shaker Cruise Lines, Toronto (Ontario)

    Description du bâtiment

    Le Sunrise VI est un hydroptère à passagers doté d'une superstructure et d'une coque en alliage d'aluminium-magnésium soudée. Les ailes portantes avant et arrière sont faites d'acier inoxydable. Le navire a huit citernes de double-fond sous les compartiments à passagers avant et arrière. La passerelle se trouve à l'avant et le compartiment machine, à l'arrière. L'énergie propulsive est fournie principalement par un diesel marin rapide entraînant une hélice conique par l'intermédiaire d'un réducteur à configuration en "V". Le bâtiment est muni d'une perche de sondage graduée approuvée par la Sécurité maritime de Transports Canada (SMTC) pour mesurer la profondeur d'eau pendant le déplacement avec tirant d'eau, ainsi que de pompes de cale électriques portables. En mode de déplacement avec tirant d'eau, l'avant s'élève à environ 1,65 m au-dessus de la flottaison de tracé et à peu près 2 m séparent la flottaison du centre de la fenêtre avant. Même si le Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique exige que les fenêtres soient faites d'un matériau qui ne se brisera pas en fragments dangereux, la fenêtre avant s'est brisée en plusieurs éclats tranchants.

    Description de la traversée

    En juin 1998, le Sunrise VI a été mis en service pour assurer le transport rapide de passagers sur le lac Ontario entre Toronto et la région de Niagara. Le bâtiment qui peut, en vertu de son certificat, transporter un maximum de 66 passagers, est autorisé à filer jusqu'à 32 noeuds en déplacement sans tirant d'eau dans des lames n'excédant pas 1,3 m de hauteur. L'horaire des traversées varie selon les jours. En semaine, un service de navette est assuré entre Toronto et Port Dalhousie et Niagara-on-the-Lake de 7 h à 22 h, heure avancée de l'Est (HAE); Note de bas de page 2 il s'agit de traversées d'une durée d'environ une heure. Les fins de semaine, le navire assure ordinairement la liaison entre Toronto et Lewiston, New York, entre 9 h et 1 h 30 le lendemain matin.

    Le 18 août 1998, le Sunrise VI quitte Toronto à 9 h 30 avec quatre passagers à bord pour un voyage promotionnel spécial à Port Dalhousie. L'hydroptère traverse le lac Ontario en déplacement sans tirant d'eau jusqu'à ce qu'il rencontre, vers le milieu de la traversée, des lames de 2 à 3 m. On réduit alors l'allure à 15 noeuds et le bâtiment cesse d'être porté sur ses ailes et revient sur coque. À 10 h 15, à environ huit milles au nord de Port Dalhousie, en raison d'avoir affronté une succession de grosses lames, le navire pique du nez. Les lames qui déferlent sur la proue frappent les fenêtres avant, défonçant la fenêtre bâbord qui se brise en plusieurs éclats tranchants, ce qui permet à l'eau de pénétrer dans la cabine.

    Sur ordre du capitaine, les passagers et les membres d'équipage revêtent les gilets de sauvetage; l'un des passagers (un membre du personnel terrestre de la compagnie) trébuche et se tord le genou en tentant de boucher la fenêtre brisée avec le couvercle d'un coffre à gilets de sauvetage. Le capitaine tente d'abord de repasser en déplacement sans tirant d'eau, mais le poids de l'eau dans le compartiment à passagers et les hautes lames empêchent l'engin d'obtenir une portance suffisante. Il réduit plutôt l'allure à 9 noeuds et prend un cap qui permet au navire de gouverner l'arrière à la lame.

    Le capitaine envoie un appel Mayday à 10 h 19, et les traversiers Lake Runner et Waterways I, qui se trouvent dans les parages immédiats, changent de cap pour se diriger vers le Sunrise VI. L'appel de détresse est capté par la station radio de la Garde côtière de Port Weller (Ontario) On prévient le Centre de coordination du sauvetage de Trenton qui dépêche le navire de sauvetage CGR 100.

    Il y a 10 à 15 cm d'eau emprisonnés dans le compartiment à passagers, eau qui s'est accumulée à l'arrière à cause de l'assiette du bâtiment. Le chef mécanicien prépare une pompe de cale électrique portable (débit nominal de 16,8 m3/h) pour assécher le compartiment à passagers. La pompe est alimentée par une prise de 24 volts à courant continu placée à environ 45 cm au-dessus du pont, dont on sort la manche de refoulement par une fenêtre ouverte dans ce bar pour évacuer l'eau par-dessus bord. Lorsque la pompe cesse d'aspirer, on laisse l'eau s'écouler dans un compartiment de double-fond par un trou d'homme qui a été ouvert dans ce but.

    Le Lake Runner, le Waterways ! et le CGR 100 escortent le Sunrise VI jusqu'à Port Dalhousie.

    Brevets et certificats

    Le bâtiment avait à son bord un capitaine, un second, un mécanicien et une commissaire de bord. Le capitaine doit avoir au moins un brevet de capitaine de caboteur de 350 tonneaux, tandis que le mécanicien a besoin d'un certificat de deuxième classe (moteurs). Si le bâtiment transporte plus de 50 passagers, le second doit posséder au moins un brevet de lieutenant de quart; dans le cas contraire, il n'a besoin d'aucun brevet ou certificat.

    Au moment de l'accident, le capitaine, le second et le mécanicien possédaient les brevets et certificats voulus pour le type de bâtiment qu'ils exploitaient et pour la catégorie de voyage. La commissaire de bord n'avait aucune qualification maritime et elle n'en avait pas besoin.

    Le capitaine possédait plus de 20 ans d'expérience comme officier de navire, surtout sur les Grands Lacs. Au cours de l'année précédente, il avait travaillé pour le propriétaire comme capitaine du traversier classique Lake Runner. Son initiation à l'exploitation d'un hydroptère datait de sa formation à bord du Sunrise V, en mai 1998, un mois avant l'entrée en service officielle du bâtiment pour le transport de passagers. Par la suite, il avait navigué pendant deux semaines sous la supervision du propriétaire-gérant avant d'obtenir de la SMTC un visa de capitaine d'engin à grande vitesse (HSC [de l'anglais High Speed Craft]). Au moment de l'accident, il n'existait pas encore de programme de cours pour la formation et l'accréditation des équipages d'HSC; depuis cependant, la SMTC a reconnu la nécessité d'élaborer des normes en conformité du Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique.

    La SMTC a délivré au bâtiment un certificat (SIC 54) d'HSC même s'il était inspecté en vertu des dispositions du Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique.

    Conditions météorologiques

    Au moment de l'accident, un vent de 25 à 30 noeuds soufflait du nord-est, ce qui explique que le Sunrise VI ait dû faire face à une plus grosse houle en approchant de la rive sud du lac. Même si les prévisions maritimes d'Environnement Canada (EC) faisaient état de lames de 1 m ou moins, il appert que l'hydroptère a dû traverser des lames soutenues de 2 m et plusieurs autres encore plus grosses, d'une hauteur approchant les 3 m, au moment où la fenêtre a été défoncée.

    Lorsqu'il a pris son service pour la traversée de 7 h, le capitaine a écouté les prévisions maritimes qui faisaient état de vents du nord de 20 noeuds plus tard dans l'avant-midi. Le Sunrise VI a accompli sans incident la traversée régulière de 7 h du lac Ontario entre Port Dalhousie et Toronto, bien qu'on a noté un vent fort et des lames de 1 m de hauteur à sept milles de Toronto. Au moment d'appareiller à Toronto, la vitesse du vent n'avait pas changé; toutefois, en été, les vents sur le lac Ontario peuvent être jusqu'à 30 p. 100 plus forts que sur la terre ferme.

    On estime que pendant une année moyenne, de mai à septembre, les lames les plus hautes qui se forment sur le lac Ontario peuvent dépasser les limites de fonctionnement de l'hydroptère (1,3 m) 20 à 25 p. 100 du temps. Note de bas de page 3 De plus, les vents dominants du sud-ouest peuvent atteindre 10 noeuds, voire dépasser les 20 noeuds dans le même ordre de fréquence. Pendant l'été, environ 60 p. 100 des lames constantes ont des longueurs entre crêtes inférieures à la longueur de l'hydroptère; le cas échéant, l'engin a tendance à faire du plané horizontal sur les petites lames courtes. Cependant, 30 à 40 p. 100 des lames peuvent fort bien avoir plus de 20 m de longueur, auquel cas la trajectoire de l'engin tend à en épouser le profil.

    Après l'accident, on a inscrit sur le certificat d'HSC (SIC 54) de l'hydroptère que quand les vents soufflent du nord ou du sud à plus de 16 mi/h ou 25 km/h pendant une longue période, le capitaine doit vérifier la hauteur de lames aux ports de réception (lorsque les vents soufflent du nord, vérifier les entrées à Port Dalhousie/Niagara-on-the-Lake).

    Conception du navire

    Le Sunrise VI, un hydroptère à passagers soviétique Voskhod-2, avait été construit en conformité des règles du Registre fluvial de Russie applicables à un bâtiment de classe &laquo ;O ». Les classes du registre russe sont attribuées pour identifier la structure du navire et les eaux où il peut évoluer. Les zones d'exploitation des différentes classes tiennent compte des vents et des régimes de vagues auxquels les bâtiments auront à faire face pendant la navigation. Les hydroptères de classe « O » doivent se prêter à l'exploitation dans des zones où la probabilité que les lames atteignent une haute de 1,3 m est de 1 p. 100, avec une récurrence d'au plus 4 p. 100 pendant la période de navigation. Les zones d'exploitation de classe « O » en Russie sont indiquées pour de nombreux secteurs fluviaux, plusieurs réservoirs fluviaux et deux petits lacs. L'un de ceux-ci, le lac Teletzkoe, a environ 50 km de longueur et moins de 3 km de largeur. Par comparaison, le lac Ontario a environ 290 km de longueur sur 50 km de largueur (entre Toronto et Port Dalhousie/région de Niagara) et une profondeur de 110 m.

    La coque qui se trouve sous le pont des passagers est subdivisée en huit compartiments étanches conçus pour permettre au bâtiment de continuer de flotter en eau calme à la suite des avaries dans le compartiment machine ou dans un autre compartiment étanche. Cependant, tant le Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique que le Recueil international de règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse exigent que le bâtiment puisse résister à des avaries subies à n'importe quel point de la périphérie de la coque ou des oeuvres vives; ainsi, le navire doit continuer de flotter malgré une rupture de l'étanchéité de deux compartiments adjacents. Afin que le Sunrise VI respecte la norme de cloisonnement de deux compartiments pour l'exploitation au Canada, les compartiments de double-fond de part et d'autre de l'engrenage réducteur et en avant de la salle des machines avaient été remplis de sacs en plastique pleins de billes de polystyrène afin d'en réduire la perméabilité.

    Bien que le Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique Note de bas de page 4 l'exige, l'hydroptère n'était pas muni d'un système d'assèchement de cale fixe dont l'utilisation aurait empêché l'eau de couler intempestivement d'un compartiment dans un autre. Au lieu de cela, il y avait deux pompes électriques portables à bord. L'accèss à une pompe dans les doubles-fonds est possible seulement en ouvrant les trous d'homme des citernes de double-fond.

    La vitesse de l'hydroptère en mode de déplacement avec tirant d'eau varie de 0 à 11 noeuds.Note de bas de page 5 Lorsqu'on augmente la puissance, le navire passe par un mode transitoire où la coque commence à sortir de l'eau et où la vitesse augmente jusqu'à ce que l'engin soit complètement déjaugé à une vitesse maximale de 32,4 noeuds. Cette période de transition est une phase très délicate et importante de la manoeuvre parce que la charge de la machine principale augmente brusquement alors que la stabilité métacentrique diminue. Pendant cette phase critique, la stabilité statique est réduite à mesure que la coque déjauge, et en même temps, les forces hydrodynamiques qui s'exercent sur les ailes portantes créent progressivement une stabilité suffisante lorsque des vitesses plus élevées sont atteintes. À plus basse vitesse, les ailes s'enfoncent dans l'eau et ont pour effet de freiner le mouvement de la coque par rapport au mouvement d'une coque ordinaire dépourvue d'ailes.

    La plupart des débris provenant de la fenêtre brisée ont été recouvrés et envoyés au Laboratoire technique du BST pour analyse. Un examen à l'oeil nu et au microscope montre que la fenêtre s'est brisée parce qu'elle a été soumise à un effort excessif. La rupture s'est amorcée dans le haut de la vitre, près du centre, et elle s'est propagée vers le bas et l'intérieur. Les fragments de verre retrouvés étaient craquelés, jaunâtres et décolorés, ce qui indique une détérioration due à l'exposition au soleil. Note de bas de page 6

    Au cours d'une enquête sur un autre accident, à savoir l'abordage des traversiers canadiens Queen of Saanich et Royal Vancouver à l'entrée nord d'Active Pass (Colombie-Britannique), le 6 février 1992, le Bureau a conclu que l'exploitation des HSC était ordinairement plus exigeante que celle d'un navire classique et que les équipages devaient posséder les connaissances, les qualifications et la formation que nécessitent les caractéristiques spéciales des HSC (Rapport M92W1012 du BST). Le Bureau a donc recommandé que :

    Le ministère des Transports établisse des lignes directrices pour l'exploitation des embarcations rapides à passagers qui tiennent compte des conditions d'exploitation locales et de l'infrastructure générale de la navigation.
    Recommandation M94-28 du BST (publiée en juillet 1994)

    Il n'existe pas, à l'heure actuelle, de règlements canadiens régissant l'inspection des HSC. Depuis 1996, le Bureau d'inspection des navires à vapeur (BINV) autorise à se servir du Recueil international de règles de sécurité applicables aux engins à grande vitesse pour l'inspection, l'approbation et la délivrance des certificats des HSC canadiens. Comme les navires à passagers qui sont transférés au registre canadien sont réputés être des « navires neufs », le Recueil de règles applicables aux engins à grande vitesse peut s' appliquer aux HSC construits ou importés au Canada après le 1er janvier 1996. Cependant, la SMTC ne l'applique pas aux navires non assujettis à la SOLAS (Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer) qui sont exploités sur les Grands Lacs. Le Sunrise VI était donc inspecté en vertu des dispositions du Recueil de règles de sécurité applicables aux engins à portance dynamique, plus ancien, et la compagnie n'était pas tenue d'avoir un système de gestion de la qualité.

    Analyse

    Pour qu'un hydroptère comme le Sunrise VI puisse être exploité en toute sécurité, il importe de s'assurer que les conditions météorologiques prévues n'excèdent pas les limites de fonctionnement du bâtiment. Et si l'engin doit faire face à des conditions difficiles imprévues en cours de route, la prudence commande de gagner l'abri ou le mouillage sûr le plus proche. Le Sunrise VI était conçu et construit selon les exigences de la classe « O » du registre russe, pour l'exploitation sur les fleuves, rivières, réservoirs et petits lacs d'eau douce. Toutefois, les vents et les lames auxquels les bâtiments peuvent avoir à faire face en été sur le lac Ontario excèdent souvent de beaucoup les conditions des zones de navigation prévues pour la classe « O » du registre russe, et la distance à mi-traversée pour rejoindre la côte ou un abri est aussi bien plus grande. Le risque de faire face à des conditions qui dépassent les capacités nominales de l'hydroptère est donc de beaucoup accru et cela, alors que le bâtiment est plus loin d'un port de refuge sécuritaire.

    Contrairement aux prévisions météorologiques du matin de l'accident, les conditions sur le lac Ontario ont régulièrement empiré jusqu'à ce que le Sunrise VI se retrouve au milieu de lames atteignant les 2 ou 3 m de hauteur. De telles conditions excèdent de beaucoup les limites prévues, à savoir une hauteur de lames maximale de 1,3 en déplacement sans tirant d'eau et de 2 m en déplacement avec tirant d'eau. Même lorsque la vitesse de l'engin a été réduite à 15 noeuds, elle demeurait supérieure à la vitesse de déplacement avec tirant d'eau qui est de moins de 11 noeuds. Le navire était donc en mode transitoire, et il allait trop vite pour assurer une stabilité hydrostatique optimale, mais trop lentement pour que les ailes portantes fournissent une stabilité hydrodynamique.

    Lorsque les ailes ont été entièrement submergées, elles ont contribué à amortir les mouvements de la coque et le nez de l'engin ne s'est plus relevé suffisamment dans les lames de plus de 2 m qu'il fallait traverser. Dans une mer de l'arrière, l'engin devait avoir tendance à tanguer, surtout quand l'aile avant se retrouvait hors de l'eau à la sortie d'une longue lame. En gouvernant l'arrière à la lame, il devait avoir tendance à plonger dans le creux de la houle. C'est ce qui explique qu'une lame ait déferlé sur l'avant, brisant les fenêtres de la superstructure.

    On ne connaît pas précisément la quantité d'eau qui a pénétré dans la cabine. Cependant, compte tenu d'une moyenne de 5 à 7,5 cm (environ 2 à 3 m3) d'eau rapportée sur le pont des passagers, le poids et l'effet de carène liquide de cette eau ont dû diminuer la stabilité du bâtiment.

    Juste après le bris de la fenêtre, le capitaine a tenté de revenir sur ailes. L'effet combiné de la stabilité fluctuante en mode transitoire (passage du déplacement avec tirant d'eau au déplacement sans tirant d'eau) et de l'effet de carène liquide de l'eau accumulée sur le pont des passagers a réduit encore davantage la stabilité. La diminution de la vitesse à 9 noeuds (qui a ramené l'engin complètement sur coque) a amélioré la stabilité et la maîtrise du bâtiment; toutefois, il était trop tard parce que la fenêtre était déjà brisée et le pont des passagers, en partie inondé.

    L'emploi d'une pompe de cale portable n'était pas un moyen rapide d'évacuer l'eau accumulée sur le pont principal. La pompe de cale, conçue pour être utilisée dans un puisard, n'a pas réussi à assécher complètement le compartiment à passagers. La fenêtre ouverte où la manche de refoulement de la pompe passait pour évacuer l'eau par-dessus bord constituait une ouverture supplémentaire par laquelle l'eau pouvait pénétrer dans les conditions météorologiques difficiles qui régnaient. En ouvrant l'écoutille de double-fond, on a permis au compartiment de double-fond et au compartiment à passagers de devenir contigus ce qui, combiné à la présence d'une fenêtre ouverte et d'une fenêtre brisée, a affaibli encore davantage l'étanchéité et le compartimentage de l'hydroptère.

    Faits établis

    1. Le bâtiment a dû faire face à des lames de 2 ou 3 m, qui excédaient à la fois les prévisions d'EC (lames de 1 m) et ses propres limites de fonctionnement (lames de 1,3 m).
    2. Comme l'hydroptère filait à une vitesse supérieure à la vitesse recommandée pour le mode de déplacement avec tirant d'eau, l'avant et les fenêtres avant ont été engloutis par les lames.
    3. La fenêtre avant de bâbord s'est brisée parce qu'elle a été soumise à un effort excessif par les lames qui déferlaient sur elle, ce qui a permis à l'eau de pénétrer dans le compartiment à passagers par l'ouverture ainsi créée.
    4. Les débris de la fenêtre défoncée montraient des signes de détérioration due à l'exposition aux rayons du soleil et le verre s'est brisé en plusieurs gros éclats tranchants.
    5. L'accumulation d'eau sur le pont des passagers a réduit la stabilité du bâtiment.
    6. La tentative pour revenir sur ailes malgré l'eau accumulée sur le pont des passagers a réduit encore davantage la stabilité du navire.
    7. La façon de procéder pour mettre en oeuvre la pompe portable du bord (au lieu d'un système fixe d'assèchement de cale) a affaibli l'étanchéité et le compartimentage du navire.
    8. Après les avaries, la vitesse du navire a été réduite au minimum (environ 9 noeuds), afin d'empêcher l'eau de continuer à pénétrer dans le compartiment à passagers pendant le reste du voyage.
    9. L'hydroptère n'était pas construit selon une norme de compartimentage respectant les exigences de stabilité à l'état d'avarie du Recueil de règles applicables aux engins à portance dynamique; cependant, il avait été modifié par l'ajout de sacs en plastique remplis de polystyrène dans plusieurs compartiments.
    10. Les hydroptères Voskhod-2 ne sont pas conçus pour être exploités dans les conditions météorologiques qu'on peut rencontrer dans les eaux non abritées du lac Ontario.

    Causes et facteurs contributifs

    Le Sunrise VI a embarqué de l'eau parce que des lames de deux ou trois mètres de hauteur se sont abattues sur l'avant, défonçant une fenêtre à l'avant de l'hydroptère. La vitesse élevée de l'engin et le fait qu'il n'était pas apte au service dans les eaux exposées du lac Ontario où la hauteur des lames dépasse fréquemment ses limites de fonctionnement sécuritaire ont aussi contribué à l'accident.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Remplacement des fenêtres

    Les deux fenêtres avant du Sunrise VI ont été remplacées par des panneaux de polycarbonate « Cyrolon ZX » vérifiés par la SMTC.

    Procédures d'inspection et de délivrance de certificats

    À la suite de plusieurs incidents mettant en cause des HSC et notamment des hydroptères de classe « O », la SMTC a entamé un réexamen des opérations sur le lac Ontario. La SMTC ne délivrera plus de certificats à des hydroptères de classe Voskhod-2 pour des traversées du lac.

    En outre, après s'être penché sur l'exploitation d'HSC, TC a diffusé, à l'intention des exploitants d'HSC, des instructions en vue de s'assurer :

    • qu'il y ait échange d'information concernant les conditions météorologiques défavorables;
    • qu'un placard soit apposé pour avertir des dangers de la navigation dans des eaux peu profondes ou dangereuses;
    • que les manuels de fonctionnement contiennent des instructions suffisantes conformes à un système de gestion de la qualité.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

    Annexes

    Annexe A - Photo et disposition générale

    Photo 1. SUNRISE VI montrant la fenétre endommagée
    Image
    SUNRISE VI montrant la fenétre endommagée
    Photo 2. Disposition générale
    Image
    Disposition générale