Échouement
voilier à moteur « BLUENOSE II »
Port de Halifax
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Pendant une excursion dans le port de Halifax, au cours de laquelle il naviguait à voile et non pas à l'aide de ses moteurs, le navire s'est échoué sur le haut-fond Pleasant. Le temps était beau, des vents de 15 à 20 noeuds soufflaient vers le sud-est et la visibilité était maximale. Le navire avait à son bord 53 passagers et un équipage comptant 16 personnes, dont le capitaine. Le navire a subi des avaries mineures à la coque. L'accident n'a pas fait de blessés et n'a pas causé de pollution.
This report is also available in English.
Renseignements de base
Nom | « BLUENOSE II » |
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Port d'immatriculation | Lunenburg (Nouvelle-Écosse) |
Pavillon | Canada |
Numéro officiel | 320756 |
Type | Voilier à moteur |
Jauge bruteNote de bas de page 1 | 191 tonneaux |
Longueur | 49 m |
Tirant d'eau | 3,6 m |
Construction | 1963 |
Propulsion | Deux moteurs diesels Caterpillar, 186,4 kilowatts (250 horsepower) |
Équipage | 16 personnes |
Nombre de passagers | 53 |
Propriétaire enregistré | Gouvernement de la Nouvelle-Écosse |
Exploitant | Bluenose II Preservation Trust Society |
Description du navire
Bien qu'il soit inspecté par Transports Canada et qu'il ait un certificat de « voilier à moteur », le « BLUENOSE II » est une goélette qui adopte les lignes classiques du « BLUENOSE » et dont la coque est faite de chêne rouge, d'épinette rouge et de pin rouge. Il possède deux certificats d'inspection : le premier certificat l'autorise à transporter jusqu'à 90 passagers et un équipage de 18 personnes pendant des excursions dans le port de Halifax, alors que le second certificat porte sur des voyages au cabotage sans passagers avec le même équipage. Les passagers restent sur le pont. Les emménagements sous le pont sont à l'usage de l'équipage.
Structure de gestion du navire
La province de la Nouvelle-Écosse a formé la Bluenose II Preservation Trust Society (ci-après la Société) et l'a chargée d'exploiter et d'entretenir le navire, lequel assure une mission éducative et une mission de représentation historique pour le compte de la province de la Nouvelle-Écosse.
Pour des raisons pratiques et à des fins administratives, la Société compte quatre membres. Par l'entremise du ministre du Tourisme et de la Culture, la Société présente à la province ses états financiers annuels concernant l'exploitation du navire; elle est liée par une entente de sept ans signée le 2 avril 1998.
Pour faciliter l'exploitation courante du navire, la Société emploie un gestionnaire des opérations qui joue le rôle d'intermédiaire entre le capitaine et la Société. Les matelots de pont sont sélectionnés par la Société avant d'être affectés au navire. Les postes du capitaine, des officiers et des membres d'équipage font l'objet de descriptions de travail écrites; toutefois, au moment de l'événement, la Société n'avait pas émis d'ordres permanents ou de politiques ou d'instructions d'exploitation à l'intention du capitaine.
Déroulement du voyage
Le 9 juin à 13 h 02,Note de bas de page 2 le « BLUENOSE II » quitte son poste à quai habituel à Halifax, en l'occurrence le quai du Musée maritime de l'Atlantique. Le navire est propulsé par ses moteurs et n'a pas établi ses voiles, et est manoeuvré par un équipage de seize personnes. On juge que ces effectifs sont suffisants pour manoeuvrer le navire en toute sécurité pendant une excursion dans le port. Normalement, le navire s'éloigne du quai en marche arrière en utilisant ses deux moteurs jusqu'à ce qu'il atteigne la position voulue pour établir les voiles. Habituellement, l'équipage--supervisé par le second capitaine et le deuxième lieutenant et commandé par le capitaine--hisse le foc, la misaine et la grand-voile. Normalement, le second capitaine supervise l'établissement de la grand-voile à partir de son poste sur l'arrière-pont, et le deuxième lieutenant supervise la mise en place des voiles avant à partir de son poste sur l'avant-pont. Suivant les ordres du capitaine, le mécanicien commande les machines à partir d'un poste situé à l'avant du rouf arrière.
Le capitaine et le mécanicien sont tous deux équipés de radiotéléphones mais, en raison de difficultés techniques, l'appareil du capitaine peut émettre mais ne peut pas recevoir de communications, tandis que celui du mécanicien peut recevoir des communications mais ne peut pas émettre. La communication entre le capitaine et le mécanicien se fait dans un seul sens et, d'après les résultats de l'enquête, est rendue difficile par le bruit ambiant et par les conversations des passagers. Quand le navire est en marche, on autorise les passagers à se mêler aux membres de l'équipage et à se déplacer librement dans le poste de direction de la manoeuvre et aux alentours.
Après que le navire s'est éloigné en marche arrière de son poste à quai et a atteint une position située entre le poste à quai et l'île Georges, on utilise les moteurs pour amener le navire nez au vent (le vent soufflait vers le sud-est), après quoi on hisse les voiles. D'après les rapports, le capitaine demande alors au mécanicien de mettre les hélices du navire « en drapeau » toutefois, le mécanicien comprend mal les instructions et, non seulement met les hélices « en drapeau », mais arrête aussi les moteurs. Il quitte ensuite le poste de commande. Le capitaine croit que le mécanicien est descendu à la salle des machines.
À 13 h 23, le navire est bâbord amures et se dirige vers la bouée Hen and Chickens (numéro HQ2; voir le croquis du secteur). La bouée est visible à partir du poste de commande de la manoeuvre et le capitaine estime la position du navire par rapport à celle de la bouée et celles d'autres repères visuels. Quand il lui apparaît évident que le navire se dirige vers le haut-fond Pleasant, il ordonne de placer le navire tribord amures. Il songe à faire redémarrer les moteurs pour aider le navire à virer de bord par rapport au vent, mais hésite à le faire au cas où le mécanicien se trouverait dans une position dangereuse dans le compartiment machines. Le navire a commencé à virer de bord quand il s'échoue sur le haut-fond Pleasant, vers 13 h 30.
Une petite voie d'eau est signalée dans le compartiment moteur. Après mesurage, on constate que la pompe d'assèchement est tout à fait capable d'étaler cette voie d'eau. On demande aux passagers de se déplacer vers l'avant tribord. Les machines tournant en marche arrière, le navire est remis à flot à 13 h 53. L'événement n'a causé aucune pollution.
Après l'échouement, une inspection sous-marine effectuée à Halifax révèle qu'une section d'environ 3 m (9′ 8″) de la tôle formée a disparu. Plus près de l'élancement de l'étrave, une section de 0,6 m (2') de la tôle a disparu. Des ouvertures ont été découvertes près de la quille, de part et d'autre de celle-ci. Ces ouvertures mesuraient environ 2 mm de largeur sur 50 mm de profondeur et de 1,5 à 2,5 m de longueur. Les réparations ont été effectuées à flot. Il n'y a pas eu de pollution.
Services de communications et de trafic maritimes
Le Centre des services de communications et de trafic maritimes (SCTM) est à l'écoute de la voie 12 de communication à très haute fréquence (VHF), qui couvre l'avant-port de Halifax. Avant et après l'heure de l'échouement du « BLUENOSE II », cette voie de communication a acheminé un trafic radio intense portant notamment sur les manoeuvres des navires à l'intérieur du port. Le trafic radio était pratiquement continu, et la plupart des messages ne concernaient pas le « BLUENOSE II ».
En plus de ses responsabilités quant à la surveillance des communications VHF et à la communication de renseignements sur les ondes de la radio VHF, le même personnel assure une surveillance radar. Sur l'écran radar, une « ligne de délimitation » indique une diminution de la profondeur à l'ouest du chenal et à l'est du haut-fond Pleasant. Pour attirer l'attention de l'officier de quart, un voyant rouge clignote à l'écran radar quand un navire s'approche de la « ligne de délimitation ». À peu près au moment où le « BLUENOSE II » a atteint la « ligne de délimitation », une petite embarcation de plaisance à moteur zigzaguait le long de la ligne, de sorte que le voyant d'avertissement du poste de l'officier de quart clignotait par intermittence.
Les SCTM ont suivi la route du « BLUENOSE II » au radar et, à 13 h 27, ont noté que le navire franchissait la ligne de délimitation à l'ouest de laquelle aucun navire ne devait aller. L'officier qui supervisait le trafic dans l'avant-port de Halifax n'a pas communiqué avec le « BLUENOSE II » pour l'avertir du danger qu'il courait.
À 13 h 29 une communication radio entre les SCTM et le « BLUENOSE II » a confirmé que le navire était « sur le haut-fond Pleasant ».
À 13 h 33 les SCTM ont demandé au navire s'il s'était échoué et ont appris que le navire était bloqué mais qu'il allait se dégager (du haut-fond) dans quelques minutes. Les SCTM se sont aussi informés du nombre de personnes à bord et, environ une minute plus tard, s'est fait répondre qu'il y avait 69 personnes à bord, y compris les membres de l'équipage (c'est-à-dire 53 passagers et 16 membres d'équipage).
Équipement de navigation
L'équipement de navigation, comprenant une carte électronique avec un répétiteur dans la cabine du capitaine, un Loran C, un écran radar Koden, un récepteur de navigation GPS, un échosondeur et un NAVTEX, est localisé principalement dans la salle des cartes, à l'arrière tribord. Le seul équipement de navigation qui est visible ou accessible du poste de commande de la manoeuvre consiste en un GPS, un répétiteur d'échosondeur et un radiotéléphone VHF.
Au poste de commande de la manoeuvre, une carte du port de Halifax est affichée, montrant les sondages en mètres.
Des répétiteurs de certains équipements de navigation sont montés sur le capot de descente et sont visibles du poste de commande de la manoeuvre du pont principal, sur l'arrière de la roue de gouvernail.
Le répétiteur de l'échosondeur monté sur le capot de descente était étalonné en pieds, même si d'autres options étaient disponibles. L'appareil principal placé dans la salle des cartes fonctionnait convenablement, mais il arrivait à l'occasion que le répétiteur ne donne aucune lecture. Une alarme sonore de profondeur, pouvant être réglée pour se déclencher à une profondeur choisie, était hors circuit.
On croyait que le transducteur de l'échosondeur était placé à 10 pieds au-dessus de la quille, mais il a été déterminé plus tard que cette distance était de 3 pieds. Au moment de l'événement, on ajoutait 10 pieds à la lecture indiquée par le répétiteur de l'échosondeur pour obtenir la profondeur.
Le navire est aussi muni de deux compas magnétiques. Un radar « de secours » n'est pas utilisé et est rangé dans la coursive arrière, près de l'échelle donnant accès à la salle des cartes et aux emménagements.
Équipement radio
Le navire est bien pourvu en fait d'équipement radio; au moment de l'incident, le navire était à l'écoute de la voie VHF 12 et s'en servait correctement pour communiquer. Le navire est muni d'une installation interne de communication entre le poste de commande de la manoeuvre et le poste de vigie à l'avant. Les appareils radio censés faciliter les communications entre le capitaine et le mécanicien ne fonctionnaient pas comme ils le devaient.
Expérience du capitaine et de l'équipage
Le capitaine s'était joint récemment au navire après avoir travaillé 35 ans dans l'industrie de la pêche, dont 25 ans à titre de capitaine de pêche. Il avait aussi possédé un voilier plus petit à bord duquel il avait navigué, et à bord duquel il était venu dans le port de Halifax à 10 ou 12 reprises. Il est titulaire d'un brevet de capitaine valide pour les navires de cette taille et de cette classe. L'après-midi du 9 juin, il en était à sa deuxième sortie de la journée dans le port de Halifax. Auparavant, il avait exercé l'équipage lors de plusieurs excursions de « rodage » à partir de Lunenburg, après quoi le navire a mis les voiles vers Halifax pour la saison estivale.
Même s'il n'y avait pas de règles écrites en matière de gestion du bord, le second capitaine, comptant 13 saisons à bord du navire, connaissait bien les attentes en matière de gestion, ainsi que les fonctions du bord et la manoeuvre des voiles.
Le capitaine et ses officiers de pont n'avaient pas suivi de cours de gestion des ressources à la passerelle (GRP), et le capitaine n'avait pas envisagé d'adapter un concept de ce genre au « BLUENOSE II ».
Sécurité des passagers
Le navire peut prendre à son bord jusqu'à 90 passagers pendant des excursions dans le port de Halifax. Avant de monter à bord, les passagers ont assisté à une séance d'information présentée par un membre de l'équipage. L'information qui leur a été communiquée se limitait à une description du navire. L'exposé n'a pas abordé les questions de sécurité relatives aux procédures d'urgence ou à l'emplacement ou à l'emploi de l'équipement de sauvetage.
D'après le nombre de billets vendus, on compte les passagers sur le quai au moment de l'embarquement, et un membre de l'équipage équipé d'un compteur se tient sur la passerelle d'embarquement et fait le décompte des passagers qui montent à bord. Ce nombre n'a pas été communiqué automatiquement au capitaine, car au moment de quitter le poste à quai, ce dernier ignorait combien de passagers il avait à son bord. Quand les services du trafic maritime ont demandé au capitaine combien il avait de passagers, il a fallu environ une minute à celui-ci pour obtenir l'information.
À bord du navire, il n'y a eu aucune démonstration sur l'emplacement de l'équipement de sauvetage ou sur la façon de s'en servir, et aucune information n'a été communiquée au sujet des mesures à prendre en cas d'urgence.
Au cours de l'excursion, les passagers ont accès à toutes les parties du pont, y compris au secteur du poste de commande de la manoeuvre, sur la plage arrière, d'où l'on assure la navigation. Les passagers peuvent aussi se mêler aux membres de l'équipage dans les secteurs où l'on manoeuvre les voiles et s'exposent aux dangers propres à cet aspect des manoeuvres.
Analyse
Services de communications et de trafic maritimes
Immédiatement avant l'échouement du « BLUENOSE II », l'officier des SCTM qui surveillait le trafic maritime dans l'avant-port de Halifax était engagé dans de nombreuses conversations radio avec d'autres navires et s'occupait des nombreux rapports pertinents.
À cause d'une petite embarcation de plaisance qui manoeuvrait tout près de la « ligne de délimitation » et qui faisait clignoter par intermittence le témoin d'avertissement, l'officier a pu être moins attentif au clignotement du témoin qu'il n'aurait dû l'être, si bien qu'on n'a pas averti le « BLUENOSE II » du danger qu'il courait.
Communications à bord du navire
Les postes radio, qui étaient censés faciliter la communication entre le capitaine et le mécanicien, ne fonctionnaient pas correctement. Comme la radio du capitaine pouvait émettre mais ne pouvait pas recevoir de messages, et que celle du mécanicien pouvait recevoir des messages mais ne pouvait pas émettre, le capitaine n'avait aucun moyen de savoir si le mécanicien avait compris son ordre de « mettre les hélices en drapeau ». Le mécanicien, quant à lui, a compris que l'ordre signifiait qu'il devait « mettre les hélices en drapeau et arrêter les moteurs », et s'est conformé à ces instructions. Comme il ne disposait d'aucun moyen pour confirmer que les mesures prises étaient correctes, il a arrêté les moteurs. Il s'ensuit qu'il a été impossible de faire intervenir les moteurs pour aider à virer de bord quand il a fallu placer le navire tribord amures.
Le trafic radio intense au sujet des mouvements des navires dans l'avant-port de Halifax, que l'on captait à bord au moyen de trois postes radio, et qu'on entendait à bord du navire, a été une source de bruits de fond continus. La plus grande partie de ce trafic ne concernait pas le « BLUENOSE II » et a eu pour effet de distraire le capitaine de sa tâche de navigation.
Équipement de navigation
L'emplacement choisi pour l'équipement de navigation, dans la salle des cartes, n'était pas optimal. Pour cette raison, les renseignements sur la position qui étaient affichés par l'écran radar, la carte électronique et le GPS, et qui auraient pu indiquer que le navire courait un danger dans le haut-fond Pleasant, n'étaient pas visibles du poste de commande de la manoeuvre, de sorte que le capitaine ne pouvait pas en prendre connaissance.
Il semble qu'on ait placé ces aides à la navigation à cet endroit parce qu'on voulait préserver l'apparence du pont de la goélette d'origine.
Il semble que le répétiteur de l'échosondeur affichait des lectures par intermittence et que les intéressés en étaient informés. La valeur de l'affichage était aussi amoindrie du fait que le capitaine et les officiers croyaient que le transducteur de l'instrument était à 10 pieds au-dessus de la quille, alors qu'en fait, il était à 3 pieds au-dessus de la quille. À cause de cette erreur de calcul, le capitaine a cru qu'il y avait 7 pieds d'eau de plus qu'il n'y en avait réellement. De plus, le capitaine a pu avoir de la difficulté à faire la corrélation des renseignements sur la profondeur puisque l'échosondeur indiquait les profondeurs en pieds tandis que la carte du port de Halifax les indiquait en mètres.
Connaissance de la GRP
Les fonctions traditionnelles des officiers et de l'équipage du « BLUENOSE II » exigeaient que les officiers soient à l'écart du poste de commande de la manoeuvre pour superviser la manoeuvre des voiles. Cette exigence était motivée par deux bonnes raisons : pour veiller à ce que les ordres du capitaine soient exécutés rapidement et pour surveiller les passagers qui pouvaient accéder librement à toutes les parties du pont.
Aucun régime de GRP n'était en vigueur à bord du « BLUENOSE II ». Ni le capitaine ni les officiers de pont n'étaient familiers avec le concept de GRP, et ils n'avaient pas non plus suivi de cours sur la GRP. Comme chaque officier était employé dans son rôle traditionnel aux fins de la manoeuvre, le capitaine n'a pas utilisé au mieux ses officiers pour les besoins de la navigation. Le second capitaine, qui comptait 13 saisons à bord du navire et avait l'expérience de la navigation à voile dans le port de Halifax, était à son poste sur la plage arrière et n'était pas en mesure d'assister le capitaine en lui relayant les données exactes de navigation qui figuraient sur les cartes éélectroniques de la salle des cartes.
Même s'il appert que le capitaine était déjà entré dans le port de Halifax aux commandes de son propre voilier et qu'il connaissait bien l'endroit, il n'avait pas préparé de plan de sortie ou un arrangement plus simple qui aurait permis d'identifier des marques de distance ou des alignements susceptibles de faciliter la navigation du « BLUENOSE II », un navire beaucoup plus grand. Il croyait bien pouvoir faire le point en s'aidant des amers du secteur.
Le capitaine se chargeait seul de la navigation de son navire et, compte tenu du bruit de fond attribuable aux postes radio et aux conversations des passagers, il est vraisemblable qu'il a été distrait et qu'il a n'a pas eu connaissance de la situation à ce moment. Même s'il savait que la bouée H19 se trouvait par environ trois quarts sur son avant bâbord, ce qui indiquait que le navire se dirigeait vers le haut-fond Pleasant, il ne s'en est pas alarmé.
Faits établis
- La chaîne de commandement entre les propriétaires et le capitaine, via la Société, est ténue puisqu'il n'y a pas d'ordres permanents émis par le propriétaire à l'intention du capitaine.
- Le capitaine se fiait à sa capacité de naviguer à vue et n'avait pas préparé de plan de traversée et n'avait pas non plus pris des arrangements plus simples pour identifier des repères de distance ou des alignements susceptibles de l'aider dans la navigation.
- Le capitaine assumait seul la responsabilité relative à la navigation et aux communications, et a choisi de ne déléguer une partie de ces tâches à ses officiers.
- Ni le capitaine ni les officiers de pont n'étaient familiers avec le concept de GRP. Aucun d'eux n'avait suivi un cours de GRP, et le capitaine n'avait pas envisagé d'adopter ce concept à son bord.
- Le capitaine n'a pas utilisé au mieux les services de ses officiers aux fins de la navigation du navire, et plus particulièrement n'a pas recouru aux services du second capitaine, qui naviguait sur le navire depuis 13 saisons et avait l'expérience de la navigation à voile dans le port de Halifax.
- La plupart des aides à la navigation, le radar, la carte électronique et le GPS étaient placés dans la salle des cartes de sorte qu'ils étaient invisibles pour une personne installée au poste de commande de la manoeuvre.
- À l'occasion, le répétiteur de l'échosondeur ne donnait pas de lecture, même s'il était possible d'en obtenir une sur l'échosondeur principal placé dans la salle des cartes.
- Le capitaine et les officiers croyaient que le transducteur de l'échosondeur était à 10 pieds au-dessus de la quille, alors qu'en réalité il était à 3 pieds au-dessus de la quille. À cause de l'erreur de calcul qui en a résulté, le capitaine a surestimé la profondeur de 7 pieds.
- L'échosondeur et ses répétiteurs indiquaient la profondeur en pieds, alors que la carte du port de Halifax montre les sondages en mètres. La conversion nécessaire pour assimiler les lectures de l'échosondeur a occasionné une certaine confusion.
- Le bruit provenant des trois postes radio, de l'émetteur-récepteur bidirectionnel de l'avant et des deux walkies-talkies bidirectionnels dont le capitaine était équipé a distrait considérablement le capitaine. La diffusion presque ininterrompue de messages, qui souvent ne concernaient pas le capitaine, a aussi été une source de distractions.
- Les postes radio, qui étaient censés faciliter la communication entre le capitaine et le mécanicien, n'ont pas fonctionné comme ils le devaient. Par conséquent, on a arrêté les moteurs, lesquels n'étaient pas disponibles pour aider à virer de bord quand est venu le moment de placer le navire tribord amures.
- Les passagers pouvaient se déplacer et attendre aux alentours de l'arrière-pont, d'où on s'occupait de la navigation. Leur présence et leurs conversations ont été une source de bruit additionnelle et une cause additionnelle de distraction pour le capitaine.
- Il est vraisemblable que le capitaine n'a pas eu connaissance de la situation parce qu'il a été distrait par la radio et par les conversations des passagers, et parce qu'il assumait seul des tâches multiples.
- Ni avant ni après l'embarquement les passagers n'ont reçu des instructions sur l'équipement de sauvetage du navire ou sur la façon de s'en servir.
- L'officier de service des SCTM qui supervisait le trafic radio dans l'avant-port de Halifax n'a pas réagi immédiatement pour avertir le navire quand il a constaté que la cible correspondant au « BLUENOSE II » s'approchait de la ligne de délimitation et courait un danger.
- Le navire a subi des avaries mineures et localisées.
- L'échouement n'a pas causé ni blessures ni pollution.
Causes et facteurs contributifs
Le navire s'est échoué parce que le capitaine ne s'est pas prévalu de toutes les aides à la navigation disponibles à bord; n'a pas tiré le meilleur parti des services de tous ses officiers; n'avait pas préparé de plan de sortie et n'avait pas non plus identifié des marques principales ou des alignements qui l'auraient aidé à suivre la progression du navire; et a été distrait par la proximité des passagers et par le bruit de fond attribuable aux communications radio. Ces facteurs combinés l'ont amené à perdre sa connaissance de la situation. De plus, l'officier des SCTM n'a pas averti le capitaine que son navire courait un danger.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Avant que le navire quitte le poste à quai avec des passagers à bord, une annonce de sécurité se fait entendre, et on fait une démonstration de la façon correcte de revêtir le gilet de sauvetage. On donne des explications sur les autres équipements de sécurité, par exemple, radeaux de sauvetage pneumatiques. Une fiche indiquant le nombre de passagers est remise au capitaine avant le départ. Une fois le navire en route, un officier prend dorénavant position dans la salle des cartes où il surveille l'affichage de la carte électronique, du radar, etc., et transmet les données sur la navigation au capitaine, lequel est au poste de commande de la manoeuvre, sur le pont.
Le surintendant régional intérimaire, l'officier responsable et le personnel ont discuté des circonstances de cet incident, de l'importance des fonctions des SCTM, de l'état de l'équipement et des responsabilités des officiers des SCTM.
Un programme de formation annuelle est en voie d'élaboration, et offrira aux officiers des SCTM des cours, notamment un cours de rappel sur les procédures de détresse et un cours sur l'assistance radar à la navigation, qui leur permettront d'actualiser leurs compétences professionnelles.
Les SCTM de Halifax fonctionnent avec des équipements dont certains sont vieux de 18 à 20 ans. Un projet majeur est en cours, dans le cadre duquel tout le matériel radar des STM sera remplacé par du matériel ultramoderne auquel s'ajoutera de l'équipement d'enregistrement des affichages radar vidéo, qui permettra d'interpréter avec exactitude les renseignements relatifs aux incidents.
Un projet est aussi en cours en vue du remplacement de l'équipement désuet d'enregistrement audio, ce qui permettra une interprétation plus précise de l'information.
Un projet de vérification de la viabilité du Système d'identification automatique est en cours, auquel participent les SCTM de Halifax, l'autorité portuaire de Halifax et l'Administration de pilotage de l'Atlantique. Ce projet est mené en prévision des critères futurs concernant l'équipement exigé à bord, grâce auxquels le centre des SCTM et les autres navires disposeront de renseignements pertinents additionnels.
La SMTC a recommandé au président du Bluenose II Preservation Trust qu'avant de nommer au poste de capitaine ou de responsable d'un quart une personne qui ne connaît pas bien le navire, on fasse naviguer cette personne à bord du navire ou d'un voilier similaire de la même taille ou d'un voilier portant un gréement semblable, suffisamment longtemps pour qu'elle acquière de l'expérience relativement à la manoeuvre du bâtiment, à ses contraintes, à sa disposition et à sa construction.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Par conséquent, le Bureau a autorisé la publication du présent rapport le .
Annexes