Naufrage avec pertes de vie
du petit bateau de pêche B.C. Safari
près de Qualicum Beach (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 8 mars 2006, vers 17 h 13, le bateau de pêche B.C. Safari fait route dans le détroit de Géorgie, entre Deep Bay et French Creek (Colombie-Britannique) lorsqu'il chavire et coule. Le capitaine, qui était seul à bord, est porté disparu et on présume qu'il s'est noyé.
Renseignements de base
Fiche technique du navire
Nom du navire | B.C. Safari |
Numéro officiel / numéro de permis de pêche | 344771/91308 |
Port d'immatriculation | Prince Rupert (Colombie-Britannique) |
Pavillon | Canada |
Type | Bateau de pêche détenteur d'une licence exploité comme bâtiment de transport de poisson |
Jauge brute | 62,75 |
Longueur Note de bas de page 1 | 17,71 m |
Tirant d'eau | Avant : 0,8 m Arrière : 2 m |
Construction | 1972 |
Matériau | Bois |
Propulsion | Un moteur diesel développant 242 kW (325 BHP) entraînant une seule hélice à pas fixe |
Cargaison | Hareng |
Équipage | 4 personnes |
Propriétaire enregistré | Particulier |
Renseignements sur le navire
Le B.C. Safari était un petit bateau de pêche ponté en bois. Sous le pont principal se trouvaient les emménagements dans la partie avant du bateau, puis la salle des machines dotée de réservoirs de carburant encastrés, à bâbord et à tribord. Deux cales à poisson isolées étaient situées derrière la salle des machines : la cale numéro 1 (bâbord) et la cale numéro 2 (tribord). Suivait la cale numéro 3, par le travers. Il y avait ensuite un compartiment mort et une cambuse contenant l'appareil à gouverner et deux caisses d'eau douce. Des tuyaux d'assèchement dans la cambuse permettaient à l'eau de s'écouler vers l'avant, sous les cales à poisson, jusqu'aux fonds de la salle des machines.
Sur le pont principal avant se trouvait une superstructure comportant une timonerie fermée et un poste de barre. Un escalier menait de l'arrière de la timonerie au pont, et un autre menait à une descente située sur le côté tribord du pont principal. De là, une échelle fixe menait à la salle des machines sous le pont, et une porte à charnière donnait accès au pont extérieur tribord.
Le pont de pêche principal se trouvait derrière la superstructure, et sur ce pont il y avait trois hiloires de panneau surélevées et un tambour à filet sur l'axe longitudinal du bateau. Une rampe basculante en aluminium, s'étendant sur environ 2 m au-delà de l'arrière du bateau, était fixée aux membrures en bois. Le B.C. Safari avait, à l'origine, été construit pour la pêche au saumon à la senne. Toutefois, au moment de l'accident, on l'utilisait comme bâtiment de transport de poisson pour transporter du hareng depuis les lieux de pêche jusqu'à un autre navire, qui le transportait jusqu'à une usine de transformation à terre.
Déroulement du voyage
Entre mars 2005 et février 2006, le B.C. Safari reste désarmé à un chantier naval sur le fleuve Fraser, à Richmond (Colombie-Britannique). Pendant cette période, le presse-étoupe de l'arbre porte-hélice est desserré et resserré au cours d'une inspection de sécurité périodique de Transports Canada visant l'arbre porte-hélice. Au cours des mêmes 11 mois, des bordés de coque au niveau de la flottaison sont remplacés, et des coutures du bordage sous la ligne de flottaison sont recalfatées.
Le 26 février 2006, le bateau quitte le chantier naval. Dans les heures qui suivent, on constate qu'une quantité d'eau excessive s'infiltre dans la coque par le presse-étoupe de l'arbre porte-hélice qui est situé sous la cale à poisson numéro 3 et qui n'est accessible qu'à partir de cet endroit. Le presse-étoupe est de nouveau resserré avant que 14 tonnes de glace soient chargées dans les trois cales, dont 2,5 tonnes dans la cale numéro 3. Le reste est réparti de façon égale entre les cales numéros 1 et 2. Le bateau a alors un franc-bord d'environ 0,75 mNote de bas de page 2.
Le lendemain, soit le 27 février 2006, le bateau se rend sur les lieux de pêche. Aucune mesure n'a été prise pour vérifier l'état de préparation opérationnelle du bateau à la suite des réparations et des réglages effectués au cours des 11 mois précédents.
Avec un équipage de trois personnes, dont le capitaine, le bateau quitte le fleuve Fraser pour franchir le détroit de Géorgie, mais revient dans les heures suivantes après avoir été confronté à un coup de vent du sud-ouest et à de fortes vagues. Pendant ce bref voyage, l'alarme de niveau d'eau élevé dans la cambuse se déclenche et les fonds de la salle des machines se remplissent presque complètement d'eau de mer.
Le 28 février 2006, le bateau traverse le détroit de Géorgie sans incident et arrive à French Creek, (Colombie-Britannique) vers 17 hNote de bas de page 3. Pendant la traversée, l'alarme de niveau d'eau élevé dans la cambuse se déclenche plusieurs fois, et l'eau est pompée par-dessus bord depuis les fonds de la salle des machines où elle s'accumule après s'être écoulée vers l'avant depuis la cambuse et/ou le presse-étoupe situé sous la cale à poisson numéro 3. À un certain moment pendant le voyage, on modifie la position de l'interrupteur à flotteur commandant l'alarme de niveau d'eau élevé dans la cambuse pour qu'il se déclenche moins souvent. Les fonds de la salle des machines ont dû être asséchés toutes les quatre ou cinq heures, depuis le moment où le bateau a quitté le fleuve Fraser, le 27 février 2006, jusqu'au jour du chavirement, le 8 mars 2006. Sinon, le niveau d'eau dans les cales aurait dépassé le bordé de pont de la salle des machines.
Le 4 mars 2006, le bateau qui se trouve à 16 miles à l'ouest de French Creek se rend à Deep Bay, où une quatrième personne se joint à l'équipage. Le 5 mars 2006, la pêche au hareng au filet maillant débute comme prévu. On utilise une plate en aluminium comme plate-forme pour mettre les filets à hareng à l'eau. Le poisson est d'abord hissé à bord de la plate, puis transféré au B.C. Safari et mis en cale. La pêche se poursuit ainsi pendant trois jours jusqu'au 8 mars 2006 où le capitaine commence à s'inquiéter de la qualité du poisson à bord qui pourrait être réduite en raison de l'âge des poissons et parce que la glace des cales à poisson servant à préserver la prise a presque entièrement fondu.
Le capitaine décide de profiter des conditions météorologiques qui s'améliorent entre les tempêtes pour transporter les 22 tonnes de hareng à bord du bateau jusqu'à un bâtiment de transport de poisson ancré près de French Creek. Il dit aux trois membres de l'équipage de continuer la pêche depuis la plate, pendant qu'il va aller livrer le hareng seul, un voyage d'une durée prévue de trois heures. Les trois cales sont rapidement remplies d'eau de merNote de bas de page 4 et les panneaux de cale sont mis en place, mais ne sont pas verrouillés. Le pont principal est inondé par l'eau de mer qui s'engouffre par les sabords de décharge, et lorsque le bateau fait route, la quantité d'eau sur le pont augmente.
Le bateau appareille de Deep Bay vers 14 h 55. Les fonds de la salle des machines ont été asséchés il y a environ deux heures. Le tangon se trouve en position relevée à un angle d'environ 45°, pivotant légèrement sur bâbord.
Vers 17 h, le capitaine utilise un téléphone cellulaire pour demander au propriétaire du bateau, à terre, de lui expliquer comment fonctionne le système d'assèchement hydraulique de la salle des machines. À 17 h 13, le capitaine lance un appel de détresse sur la voie VHF 16, indiquant la position du bateau par rapport à French Creek. Il dit à un agent du Centre des Services de communications et de trafic maritimes (SCTM) de Comox, en Colombie-Britannique, que le bateau prend l'eau rapidement et qu'il envisage d'abandonner le navire immédiatement. Toutes les tentatives du Centre des SCTM pour communiquer avec le B.C. Safari s'avèrent infructueuses.
Pendant les dernières minutes où il flotte à la verticale, le B.C. Safari change de cap brusquement sur bâbord, puis vire sur tribord jusqu'à ce qu'il soit sur un cap à l'ouest face au vent. Quelques moments plus tard, il chavire sur bâbord et coule rapidement.
Certificats du navire
Le B.C. Safari devait subir tous les quatre ans une inspection périodique de la Sécurité maritime de Transports Canada. Une inspection avait été effectuée en décembre 2005 et un certificat d'inspection des navires (SIC 29) avait été délivré au bateau l'autorisant à participer aux activités liées à la pêche commerciale sur la côte du Pacifique, jusqu'à 20 milles au large et jusqu'à Portland (Oregon) au sud. Le SIC était valable jusqu'au 18 décembre 2009.
Brevets, certificats et expérience du personnel
En décembre 2000, Transports Canada a délivré au capitaine un brevet de capitaine de pêche, quatrième classe, qui était valable jusqu'en décembre 2005. Il possédait plus de 25 ans d'expérience comme pêcheur et conducteur de bateau, et avait été capitaine du B.C. Safari pendant 10 saisons annuelles de pêche au hareng.
Le mécanicien possédait cinq ans d'expérience à bord de divers bateaux de pêche et avait été mécanicien à bord du B.C. Safari pendant la saison 2005 de pêche au hareng. Il ne possédait aucun brevet de Transports Canada, et il n'était pas tenu d'en avoir.
Chacun des deux matelots possédait plus de 20 ans d'expérience de la pêche. Ni l'un ni l'autre ne possédait de certificat de Transports Canada, et ils n'étaient pas tenus d'en avoir.
Le capitaine et un des matelots avaient suivi une formation FUM (fonctions d'urgence en mer). Le mécanicien et l'autre matelot n'avaient pas suivi de formation FUM, et ils n'y étaient pas tenus.
Chargement du bateau
Le B.C. Safari était chargé de 22 tonnes de hareng au moment de l'événement, soit 10 tonnes dans la cale numéro 1, 10 tonnes dans la cale numéro 2 et 2 tonnes dans la cale numéro 3. Il restait aussi de la glace dans chaque cale, et les trois cales avaient été remplies d'eau de mer avant que le bateau ne se mette en route pour French Creek, le 8 mars 2006.
Système d'assèchement des cales
Une pompe d'assèchement électrique et une pompe hydraulique se trouvaient dans la salle des machines, et une pompe électrique supplémentaire se trouvait dans la membrure d'arbre porte-hélice. Une pompe d'assèchement électrique se trouvait dans la cambuse, mais elle n'était pas utilisable, ni avant ni après la longue période de désarmement du bateau. Dans la cambuse, des tuyaux d'assèchement à bâbord et à tribord permettaient à l'eau de mer de s'écouler vers l'avant, sous les trois cales à poisson, jusqu'aux fonds de la salle des machines d'où elle pouvait être pompée par-dessus bord.
Construction de l'arrière du bateau
L'arrière du bateau était fait de rangées horizontales de membrures individuelles qui, disposées une par-dessus l'autre, formaient un arrière en bois. Les coutures qui sont laissées au-dessus de la ligne de flottaison pendant une période prolongée, puis sont submergées en raison de la réduction du franc-bord du bateau, sont assez larges pour permettre à l'eau de s'infiltrer dans la coque. Après avoir été submergés pendant des heures ou des jours, les membrures en bois gonflent de sorte que les produits d'étanchéité (dont ont été enduites les coutures à une date antérieure) s'unissent pour former un joint d'étanchéité. Le phénomène de contraction et de gonflement des arrières en bois est bien connu des propriétaires et des exploitants de bateaux en bois. Une capacité de pompage supplémentaire est habituellement nécessaire, et des pompes sont prévues pour évacuer l'eau supplémentaire qui s'infiltre par les coutures.
Réparations au chantier naval et inspection pendant le désarmement
En 2005, le bateau avait été utilisé pour le transport de poisson pendant un mois. Le reste de l'année, les travailleurs du chantier maritime ont remplacé un certain nombre de bordés de coque sur la hanche tribord au niveau de la ligne de flottaison, et ont recalfaté les coutures des bordés sous la ligne de flottaison et autour de l'étambot. L'arbre porte-hélice, le gouvernail ainsi que les prises d'eau à la mer ont été retirés et remis en place dans le cadre d'une inspection périodique de Transports Canada.
Conditions météorologiques
Selon les rapports d'Environnement Canada du 8 mars 2006, la vitesse du vent dans le détroit de Géorgie était de 2 nœuds du sud à 16 h 5. À 17 h, environ au moment où le capitaine a téléphoné au propriétaire pour lui demander comment faire fonctionner le système d'assèchement hydraulique de la salle des machines, les vents avaient augmenté à 21 nœuds depuis l'ouest. Les vagues avaient une hauteur de 1 à 2 m.
Recherche et sauvetage
Environ une minute après avoir reçu l'appel de détresse du capitaine, le Centre des SCTM de Comox a avisé le Centre de coordination des opérations de sauvetage de Victoria (Colombie-Britannique) qui a alors chargé le navire de la Garde côtière auxiliaire canadienne French Creek 1 de se rendre à la dernière position connue du B.C. Safari et de chercher des survivants. Deux bateaux de pêche ont aussi été chargés d'intervenir; le premier est arrivé sur les lieux à 17 h 27, 14 minutes après l'appel de détresse. Un hélicoptère Cormorant de recherche et sauvetage de Comox a participé à la recherche ainsi que le garde-côte de la Garde côtière canadienne (GCC) Cape Cockburn et l'aéroglisseur Siyay de la GCC. Les recherches se sont poursuivies jusqu'à environ 1 h 20 du matin le 9 mars 2006. Ni le capitaine ni le bateau n'ont été retrouvés.
Le 11 avril 2006, la Gendarmerie royale du Canada et le ministère des Pêches et des Océans ont déployé un véhicule téléguidé qui est parvenu à repérer le bateau coulé, mais pas le capitaine. Le bateau repose toujours par le fond, près de sa dernière position signalée.
Analyse
Vérification de l'état de préparation opérationnelle
Les membres de l'équipage devraient vérifier l'état de préparation opérationnelle du navire après une longue période de désarmement. Bien que ce ne soit pas obligatoire, tout dépendant de l'ampleur des modifications apportées, cette pratique permet aux exploitants d'évaluer le comportement et les caractéristiques de stabilité du navire, ainsi que les réparations effectuées. Dans le cas présent, malgré la période de désarmement de 11 mois, la pompe d'assèchement de la cambuse n'a été ni réparée ni remplacée. Elle est donc restée inutilisable, même s'il était probable que de l'eau de mer s'infiltrerait dans ce compartiment une fois que le bateau serait remis à l'eau.
Aucune mesure n'a été prise pour vérifier :
- si le presse-étoupe de l'arbre porte-hélice avait été suffisamment serré;
- si les coutures des bordés de coque qui avaient été remplacés étaient étanches;
- si le système d'assèchement était capable de faire face à l'infiltration d'eau dans la cambuse par les coutures de l'arrière en bois.
Même après qu'on s'est rendu compte que le presse-étoupe fuyait dans les premières heures suivant le départ du chantier naval, aucune évaluation n'a été effectuée. Au lieu de cela, le presse-étoupe a été resserré et 2,5 tonnes de glace ont aussitôt été ajoutées dans la cale numéro 3, ce qui empêchait d'y accéder de nouveau et de vérifier le resserrement et l'étanchéité du presse-étoupe dans des conditions de navigation normales.
Étanchéité à l'eau de l'arrière en bois
Dans le présent cas, le B.C. Safari a quitté le chantier naval après une période de désarmement de 11 mois, il a chargé 14 tonnes de glace dans ses trois cales à poisson, et il s'est dirigé vers les lieux de pêche le lendemain alors qu'il disposait encore d'un important franc-bord. C'est seulement le 8 mars 2006, lorsque le bateau a également été chargé de 22 tonnes de hareng et que ses cales à poisson ont été remplies d'eau de mer, que l'arrière a été entièrement submergé.
À ce moment, la quantité d'eau qui s'est probablement infiltrée dans la cambuse par les coutures non étanches doit avoir dépassé la capacité des tuyaux d'assèchement à amener toute l'eau vers l'avant jusqu'aux fonds de la salle des machines, surtout que la pompe d'assèchement de la cambuse était inutilisable. Des effets de carène liquide seraient alors apparus dans la cambuse et la salle des machines. L'eau de mer retenue sur le pont principal aurait également créé un effet de carène liquide. La conjugaison de l'effet de carène liquide sous le pont et sur le pont aurait considérablement dégradé les caractéristiques de stabilité du bateau et sa capacité de rester à la verticale.
Décision de naviguer seul
En naviguant seul, le capitaine a choisi d'assumer de nombreux rôles. Ses tâches de navigation exigeaient, par exemple, qu'il reste dans la timonerie. Il ne pouvait donc pas surveiller et vérifier l'état des compartiments sous le pont.
Par ailleurs, il ne savait pas comment utiliser le système d'assèchement hydraulique de la salle des machines. Cela n'était pas un problème quand il y avait un mécanicien à bord, mais cela est devenu crucial lorsque le bateau a commencé à prendre l'eau et qu'il n'y avait pas de moyen efficace de corriger la situation.
Une fois que le capitaine a compris que l'eau montait dans la salle des machines et la cambuse, ce qu'il a sans doute réalisé tardivement du fait que la position de l'interrupteur à flotteur de l'alarme de niveau d'eau élevé avait précédemment été modifiée, il a téléphoné au propriétaire du bateau pour qu'il lui explique le fonctionnement du système d'assèchement. Cependant, au terme de leur conversation, les caractéristiques de stabilité du bateau étaient à ce point réduites que le bateau était en danger imminent de chavirer. Le capitaine n'a pas eu le temps de prendre des mesures de sécurité autres que de lancer un appel de détresse. Pendant l'appel, il a indiqué qu'il entendait abandonner immédiatement le navire.
Omission d'arrimer correctement l'équipement sur le pont avant l'appareillage
Le 8 mars 2006, comme la mer était relativement calme et qu'il s'inquiétait de l'effet de la fonte de la glace dans les cales, le capitaine s'est empressé d'entamer le voyage vers French Creek. Dans la précipitation qui a suivi, les panneaux de cale n'ont pas été verrouillés. Selon toute vraisemblance, les panneaux de cale se sont déplacés lorsque le bateau a viré brusquement à bâbord puis à tribord immédiatement avant de chavirer. De l'eau se serait alors échappée des cales à poisson, produisant ainsi des effets accrus de carène liquide et réduisant la stabilité du bateau.
De plus, le tangon était resté en position relevée au-dessus du pont de pêche, à un angle estimé de 45°, pivotant légèrement sur bâbord. Si le tangon avait été abaissé et arrimé au milieu du tambour à filet avant de quitter Deep Bay, le bateau aurait eu un centre de gravité plus bas, ce qui aurait amélioré sa stabilité. Le tangon en position relevée a eu un effet négatif sur la stabilité du bateau à un moment où il aurait été prudent de maintenir un centre de gravité aussi bas que possible.
Ces deux éléments, soit l'omission de verrouiller les panneaux de cale et d'arrimer le tangon, ont eu des effets négatifs sur la stabilité du bateau.
Connaissance des paramètres de stabilité
Les caractéristiques de stabilité des bateaux de pêche sont susceptibles de changer souvent et de façon marquée, chaque fois que des filets, des casiers ou des lignes sont mis à l'eau, puis remontés à bord en même temps que des quantités variables de produits de la mer.
Avec le temps, les caractéristiques de stabilité peuvent changer si on ajoute, enlève ou déplace les engins de pêche et l'équipement en vue de maximiser les prises tout en respectant la réglementation gouvernementale sur la pêche et la sécurité.
Les propriétaires et les exploitants de bateaux de pêche ont donc tout intérêt à suivre une formation afin de comprendre les facteurs pouvant avoir une incidence sur la stabilité de leur bateau. La formation leur permettra de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer que les bateaux se redressent toujours en toute sécurité dans toutes les conditions susceptibles d'être rencontrées.
Des enquêtes sur des événements antérieurs ont montré qu'une connaissance suffisante du dossier de stabilité du navire est essentielle pour exploiter un bateau de pêche en toute sécurité. Dans son enquête sur le chavirement du petit bateau de pêche Cap Rouge II (rapport du BST M02W0147), le Bureau a constaté qu'une connaissance limitée des principes de base concernant l'assiette et la stabilité, de la part des personnes à bord, avait contribué à l'événement. De même, dans son enquête sur le chavirement du petit bateau de pêche Ryan's Commander (rapport du BST M04N0086), le Bureau a constaté qu'une connaissance insuffisante du dossier de stabilité du navire, de la part du propriétaire et du capitaine, est lourde de conséquences sur la prise de décisions et la sécurité du navire.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'effet conjugué du tangon en position relevée et de l'accumulation d'eau non contrôlée sur le pont et sous le pont a contribué à causer une importante perte de stabilité, de sorte que le bateau a chaviré et a coulé rapidement.
- Une quantité d'eau de mer non contrôlée s'est infiltrée dans la cambuse et les fonds de la salle des machines par les coutures de l'arrière en bois, ce qui a réduit considérablement la stabilité du bateau.
- L'absence d'autres membres d'équipage à bord a nui à la capacité du capitaine de prendre des mesures appropriées, rapides et efficaces, pour stopper l'infiltration d'eau dans les compartiments sous le pont et pour abandonner le navire en toute sécurité.
- Le bateau naviguait avec une pompe confirmée inutilisable.
- La modification de la position de l'interrupteur à flotteur commandant l'alarme de niveau d'eau élevé a retardé le temps de réaction, ce qui a permis à une plus grande quantité d'eau de s'accumuler à bord du bateau et a ainsi exposé le bateau et son équipage à un risque accru.
Faits établis quant aux risques
- Les exploitants qui ne connaissent pas bien les principes de la stabilité transversale ou qui ne les appliquent pas en tenant compte des conditions à bord mettent en danger la sécurité du bateau de pêche et des personnes à bord.
- L'état de préparation opérationnelle du bateau n'a pas été pleinement évalué au terme de la longue période de désarmement.
- L'incapacité du capitaine à utiliser une importante pièce d'équipement à bord, c'est-à-dire la pompe d'assèchement, a créé un risque pour lui et le bateau.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .
Annexes