Rapport d'enquête maritime M16A0327

Naufrage et perte de vie subséquente
Bateau de pêche Pop's Pride
Cap Spear (Terre-Neuve-et-Labrador)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 6 septembre 2016, à 15 h 39, heure avancée de Terre-Neuve, on a signalé le retard à St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) du bateau de pêche Pop's Pride qui devait revenir du secteur de pêche au large du cap Spear avec 4 personnes à bord. Plusieurs bateaux ont pris part aux recherches. On a repêché les corps de 2 membres d'équipage qui portaient des vêtements de flottaison individuels; toutefois, la température de l'eau et la durée d'immersion des naufragés ont réduit leurs chances de survie. Le bateau submergé a été récupéré le lendemain. Les 2 autres membres d'équipage n'ont pas été retrouvés et sont présumés noyés.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    Tableau 1. Fiche technique du navire
    Nom du navire Pop's Pride (anciennement Joyce)
    Numéro d'enregistrement du bateau 136808
    Port d'immatriculation Non immatriculé
    Type Bateau de pêche (bateau non ponté)
    Jauge brute estimée 2,2
    Longueur 6,7 m (22 pieds)
    Largeur 2,2 m (7 pieds 3 pouces)
    Construction 1989
    Propulsion Moteur Mercury hors-bord 4 temps de 60 hp (45 kW)
    Cargaison 4 filets maillants et environ 700 livres de morue
    Équipage 4
    Propriétaire enregistré Propriétaire privé

    1.2 Description du navire

    Le Pop's Pride (figure 1) est un bateau de pêche à coque en stratifié verre-résine moulé. Il est propulsé par un moteur hors-bord de 60 hp monté à l'arrière. Ce bateau est utilisé pour pêcher diverses espèces de poisson, dont la morue et le homard.

    Figure 1. Bateau de pêche Pop's Pride
    Image
    Bateau de pêche Pop's Pride

    Sa coque, non pontée, comprend un petit compartiment fermé à l'avant ainsi que 4 cloisons transversales qui la divisent en 5 sections (figure 2). La section avant comprend une table en aluminium et un haleur de filets hydraulique entraîné par un moteur à essence installé sous la table. Un rouleau en aluminium et 2 montants verticaux sont montés sur le plat-bord tribord à l'extérieur du haleur de filets. La section arrière se trouvant immédiatement devant le tableau arrière est étroite et, au moment de l'événement, elle contenait probablement des bidons d'essence et une batterie pour le moteur hors-bord. Les 3 sections du milieu sont vides; on y rangeait les filets et la prise et elles servaient d'aire de travail pour les membres d'équipage.

    Figure 2. Intérieur du bateau de pêche Pop's Pride
    Image
    Intérieur du bateau de pêche Pop's Pride

    Pour laisser l'eau s'écouler vers le tableau arrière, les cloisons sont percées au niveau du pont, soit de 2 trous en demi-lune (9 cm de diamètre) dans le cas des cloisons avant et arrière, et de 4 trous ronds (5 cm de diamètre) dans le cas des 2 cloisons intermédiaires. Quant au tableau, il est percé de 1 orifice d'évacuation (2,5 cm de diamètre) et muni d'un bouchon amovible (annexe A).

    L'orifice d'évacuation se trouve à 35 cm à bâbord de l'axe longitudinal du bateau, tout juste au-dessus du plafond de double-fond, mais sous la ligne de flottaison. Normalement, pour évacuer l'eau accumulée à bord, l'équipage augmentait la vitesse du bateau jusqu'à ce qu'il plane. Lorsqu'un bateau plane, l'élan vers l'avant et le soulèvement de la proue forcent l'eau à bord à s'écouler vers le tableau arrière. Lorsqu'on retire le bouchon de l'orifice d'évacuation, l'eau accumulée dans la poupe s'écoule par l'orifice jusqu'à ce que l'on remette le bouchon en place.

    Le moteur hors-bord est muni d'un démarreur électrique et d'un correcteur d'assiette électrique qui sont alimentés par une batterie marine de 12 volts. Le correcteur d'assiette est composé d'un moteur électrique qui commande une pompe hydraulique. L'une des extrémités d'un vérin hydraulique est fixée au fût du moteur hors-bord, et l'autre est fixée au support de montage du moteur sur le tableau arrière. Un interrupteur, monté sur le capot du moteur hors-bord, commande le moteur électrique du correcteur d'assiette, qui écarte ou rapproche le moteur hors-bord du tableau. Le vérin hydraulique tient également le moteur fermement en place pour l'empêcher de se soulever si son fût heurte le fond ou un autre objet. Pareillement, le vérin tient le moteur en place lorsqu'il est en mouvement inversé afin que ce dernier ne bascule pas sous son propre poids. La poignée de la barre franche du moteur hors-bord sert à commander la marche et l'accélération du bateau, cette dernière n'étant équipée d'aucune autre commande de direction ou d'accélération.

    La batterie alimente aussi un module composé d'un détecteur de poissons et d'un système de positionnement mondial (GPS) monté sur le plat-bord tribord, près de la poupe. Il n'y avait à bord aucun radiotéléphone très haute fréquence (VHF) ni aucune radiobalise de localisation des sinistres (RLS).

    Lorsqu'on a récupéré le bateau, il était dépourvu d'équipement de sécurité. On a également récupéré dans la zone de recherche 2 pagaies et une gaffe emmêlées dans les filets du bateau, ainsi que 2 écopes qui étaient vraisemblablement à bord du bateau. L'enquête n'a pas permis de déterminer quel équipement de sécurité, le cas échéant, se trouvait à bord du bateau au moment de l'événement. Les bateaux de moins de 12,2 m de long assujettis à la partie II du Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche (RIPBP), comme celui à l'étude, doivent avoir à leur bord un gilet de sauvetage approuvé pour chaque personne à bord, une bouée de sauvetage approuvée munie d'une ligne de 27 m, et une boîte métallique étanche contenant 6 feux approuvés à allumage automatiqueNote de bas de page 1.

    1.3 Déroulement du voyage

    Vers 6 h 55Note de bas de page 2, le 6 septembre 2016, le Pop's Pride a quitté le bassin pour petits bateaux à l'embouchure du port de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador), avec à son bord le capitaine et 3 membres d'équipage. Deux des membres d'équipage portaient un vêtement de flottaison individuel (VFI). Même s'il a été impossible de déterminer si les 2 autres membres d'équipage portaient un VFI, ils possédaient cet équipement et le portaient régulièrement. L'équipage a mis le cap vers l'est, vers les filets maillants à morue qu'il avait étendus auparavantNote de bas de page 3 au banc Blackhead, à environ 0,65 mille marin (nm) au nord du cap Spear et à 2,9 nm au sud-est de l'entrée du port de St. John's (annexe B).

    Vers 9 h, un bateau de pêche qui était de passage a aperçu le Pop's Pride en train de remonter des filets au large du cap Spear. Un second bateau de pêche a aperçu le Pop's Pride au large du cap Spear vers 9 h 30. Au lieu d'étendre de nouveau les filets, l'équipage les a rangés à bord pour les ramener à terre, car 2 des membres d'équipage devaient s'absenter de la province pour le reste de la semaine.

    À 15 h 39, des proches ainsi que d'autres pêcheurs inquiets ont signalé le retard du Pop's Pride au Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage – Halifax. Les Services de communications et de trafic maritimes de Placentia ont tenté de communiquer par radio VHF avec le bateau, mais n'ont obtenu aucune réponse; c'est alors que l'on a émis un message d'urgenceNote de bas de page 4. À 15 h 59, le premier de plusieurs bateaux a été dépêché pour entreprendre une recherche du bateau. Le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage a ensuite dépêché un aéronef Hercules et un hélicoptère Cormorant de recherche et sauvetage (SAR) pour participer aux recherches.

    À 17 h 25, l'un des bateaux de pêche qui prenait part aux recherches a trouvé et récupéré un corps qui portait un VFI, à 1,5 nm au nord-est du cap Spear. À 19 h 8, le même bateau de pêche a trouvé et récupéré un second corps, qui portait également un VFI, à 3 nm à l'est-sud-est du cap Spear. D'autres bateaux et un aéronef de patrouille des pêches ont pris part aux recherches, qui se sont poursuivies durant toute la nuit.

    À 7 h 22 le lendemain matin, un autre bateau de pêche qui participait aux recherches a trouvé une bouée repère d'engins de pêche qui appartenait au Pop's Pride, à 1,7 nm au sud-est de l'entrée au port de St. John's et à 0,75 nm au nord-nord-ouest de BlackheadNote de bas de page 5, soit un endroit peu commun pour des engins de pêche. Le bateau de recherche a récupéré la bouée et a constaté qu'elle était attachée à un filet maillant. Lorsque l'équipage à bord a commencé à repêcher le filet, il a constaté que celui-ci était emmêlé avec 3 autres filets ainsi qu'avec 2 pagaies et 1 gaffe, tous appartenant au Pop's Pride. L'extrémité du quatrième filet repêché était toujours attachée au Pop's Pride. Le navire de la Garde côtière canadienne (GCC) Sir Wilfred Grenfell s'est positionné en parallèle au bateau de recherche et a repêché le Pop's Pride à son bord (figure 3).

    Figure 3. Repêchage du Pop's Pride (Source : Garde côtière canadienne)
    Image
    Repêchage du Pop's Pride

    À 20 h, le 8 septembre, on a réduit l'ampleur des recherches. Ces dernières ont pris fin le 12 septembre, sans que l'on ait trouvé quoi que ce soit d'autre. Deux membres d'équipage n'ont pas été retrouvés et sont présumés noyés.

    1.4 Certification et expérience du personnel

    Le capitaine comptait plus de 20 ans d'expérience de la pêche et plusieurs années d'expérience comme matelot de pont à bord de navires commerciaux. Il était titulaire d'un certificat de formation sur les fonctions d'urgence en mer et détenait l'accréditation de pêcheur professionnel de niveau II du Professional Fish Harvesters Certification Board (PFHCB) depuis 1997. Il ne détenait aucun certificat de compétence maritime, comme le requiert la réglementationNote de bas de page 6. Le capitaine avait suffisamment d'expérience pour obtenir une déclaration attestant qu'il a accumulé au moins 7 saisons de pêche à titre de capitaine de bateau de pêche, conformément au paragraphe 212(8) du Règlement sur le personnel maritime. Cette déclaration aurait satisfait à l'exigence d'un certificat de qualification pour ce bateau, mais il n'en avait pas fait la demande.

    Le premier membre d'équipage comptait environ 20 années d'expérience de la pêche. Il était titulaire d'un certificat de formation sur les fonctions d'urgence en mer et était inscrit comme apprenti pêcheur par le PFHCB depuis 1999. Le deuxième membre d'équipage était inscrit comme apprenti pêcheur par le PFHCB depuis 2015. Le troisième membre d'équipage ne détenait aucune accréditation professionnelle de pêcheur.

    À Terre-Neuve-et-Labrador, le ministère des Pêches et Océans (MPO) du Canada délivre des permis uniquement aux pêcheurs qui détiennent l'accréditation de pêcheur professionnel de niveau II du PFHCB. Pour atteindre ce niveau d'accréditation, un pêcheur doit avoir accumulé au moins 5 années d'expérience de la pêche et suivi des cours de formation reconnus qui équivalent à environ 120 jours de formation. Le but de cette exigence est de s'assurer que les pêcheurs commerciaux possèdent une formation et une expérience minimales.

    1.5 Immatriculation du navire

    Toute embarcation commerciale munie d'un moteur de 10 hp (7,5 kW) ou plus, y compris les bateaux de pêche comme le Pop's Pride, doit être immatriculée auprès de Transports Canada (TC)Note de bas de page 7. Le Pop's Pride n'était pas immatriculé auprès de TC. Comme petit bateau de pêche d'une jauge brute de moins de 15 tonneaux, le Pop's Pride était assujetti à la partie II du RIPBP. S'il avait été immatriculé, il aurait alors été exempté d'inspections périodiques par TC.

    Tous les bateaux de pêche commerciale doivent également être enregistrés auprès du MPONote de bas de page 8 afin de prendre part à la pêche commerciale. Le Pop's Pride était enregistré auprès du MPO. Le MPO ne mène aucune inspection de bateau ni aucune évaluation de la conformité aux normes de sécurité avant d'approuver ou de renouveler l'enregistrement d'un bateau. Le MPO ne vérifie pas non plus si un bateau a été immatriculé ou inspecté par TC.

    En 2015, au Canada atlantique, il y avait 7590 bateaux de pêche commerciale de moins de 10,67 m de long enregistrés auprès du MPONote de bas de page 9. À titre comparatif, en 2015, le registre de TC des bateaux de pêche de moins de 10,67 m de long au Canada atlantiqueNote de bas de page 10 dénombrait 3357 bateaux, une différence de plus de 4000 bateaux.

    En 2013, comme suite au naufrage en Colombie-Britannique d'un bateau de pêche qui était enregistré auprès du MPO, mais dont l'immatriculation auprès de TC était expirée, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a envoyé la lettre d'information sur la sécurité maritime 05/13Note de bas de page 11 qui soulignait la nécessité pour le MPO et TC d'échanger de l'information cruciale pour la sécurité. En 2013, le MPO et TC ont collaboré pour repérer 695 bateaux qui étaient enregistrés auprès du MPO, mais non immatriculés par TC. La Région du Pacifique du MPO a donc modifié sa politique d'enregistrement pour assurer que les bateaux que l'on veut enregistrer comme bateau de pêche commerciale sont également immatriculés par TC, comme l'exige la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et les règlements connexes. Une lettre a été envoyée aux propriétaires des 695 bateaux non immatriculés pour les informer du changement à la politique et les inviter à faire une demande d'immatriculation auprès de TC; en tout, 114 de ces bateaux ont été immatriculés auprès de TC dans les 5 mois qui ont suivi l'envoi de cette lettre.

    1.6 Conditions environnementales

    Les prévisions maritimesNote de bas de page 12 pour la région du cap Spear faisaient état de vents du sud-ouest à 20 nœuds avec des rafales atteignant 35 nœuds près de la côte. Des vagues de 1 à 2 m étaient prévues le matin de l'événement. Les conditions réelles enregistréesNote de bas de page 13 dans la région indiquaient des vents de 25 à 30 nœuds soufflant de l'ouest-sud-ouest durant la matinée, avec des rafales atteignant 33 nœuds en début d'après-midi. La hauteur des vagues venant du sud-ouest a atteint un maximum de 2 m vers 7 h 30 et elle est demeurée supérieure à 1 m durant tout l'après-midi et toute la soirée. Le ciel était nuageux, et la visibilité était bonne. La température de l'air est passée de 15 à 19 °C durant la matinée, et la température de l'eau était de 12 °C.

    La vitesse des vents concentrés dans les vallées situées de part et d'autre de Blackhead augmente sous l'effet localisé entre le cap Spear et St. John's. Par conséquent, les bateaux qui traversent les petites baies situées de part et d'autre de Blackhead subissent des rafales ainsi que des mers plus houleuses et plus d'embruns. Le jour de l'événement, des membres d'équipage à bord de bateaux de pêche plus grands qui rentraient à St. John's depuis les lieux de pêche au large du cap Spear ont constaté ces effets; les vitres de leur timonerie avaient reçu des embruns dans des conditions presque similaires à celles de vents de tempête.

    1.7 Avaries au navire

    L'inspection du bateau après sa récupération a permis de déterminer que sa coque n'était pas endommagée. Le bouchon était bien enfoncé dans l'orifice d'évacuation du tableau arrière. Le compartiment de rangement avant était dépourvu de contenu et de couvercle. Le réservoir d'essence métallique du moteur qui entraînait le haleur de filets hydraulique était déformé, vraisemblablement par la pression d'eau lorsque le bateau reposait sous 75 m d'eau. Une grande partie de l'éperon du moteur hors-bord manquait par suite d'un accident antérieur sans rapport avec l'événement à l'étude. Le dessus du capot moteur était fracturé; toutefois, on n'a pu déterminer si ce dommage était antérieur à l'événement ou s'il a été causé par le choc du bateau avec le fond marin lorsqu'elle a coulé. Le moteur se trouvait en position relevée de rangement, et la batterie de 12 volts n'était reliée que par 1 fil.

    1.8 Examen effectué après l'événement

    Un examen subséquent du moteur hors-bord récupéré a permis de faire les observations suivantes :

    • Le moteur contenait du carburant propre et une quantité adéquate d'huile moteur.
    • Sur le plan mécanique, le moteur était en état de fonctionner au moment de l'événement.
    • Le fusible de 15 ampères du coupe-circuit protégeant le système d'ajustement d'inclinaison et d'assiette était fondu, ce qui correspond à une surcharge du circuit. On a conclu que l'immersion du circuit d'inclinaison et d'assiette dans l'eau salée a provoqué son court-circuit et, par conséquent, l'élévation complète du moteur. Lorsque le moteur a atteint la position d'élévation maximale, la pompe hydraulique a continué de fonctionner, le système étant dépourvu d'interrupteur de fin de course. Cela a provoqué une surcharge qui a fait fondre le fusible.

    Dans le cadre de l'examen suivant l'événement, on a levé partiellement le moteur de sa position de marche normale, puis on l'a renversé pour simuler sa position sur un bateau chaviré, le laissant ainsi pendant plusieurs jours. On n'a constaté aucun mouvement du moteur causé par son propre poids.

    On a également examiné l'appareil GPS installé à bord du bateau; toutefois, il a été impossible de récupérer les données de position et de route enregistrées dans la mémoire en raison des dommages causés par la corrosion après l'événement.

    1.9 Chances de survie

    Une chute en eau froide provoque d'abord un choc hypothermique, qui présente le plus grand danger, voire un risque de décès lorsqu'une personne est brusquement immergée dans de l'eau dont la température est inférieure à 15 °CNote de bas de page 14. La victime peut ensuite rapidement subir une grande fatigue pendant qu'elle tente de demeurer à flot. Cette fatigue s'accroît rapidement si la personne ne porte pas de VFI. L'hypothermie peut se produire en moins de 35 minutes dans l'eau froide; les fonctions corporelles ralentissent, ce qui peut provoquer le décès de la personne. Pour accroître les chances de survie, il est essentiel de sortir rapidement la personne de l'eau. La protection thermique qu'offrent les combinaisons d'immersion et autres vêtements semblables réduit les effets du choc initial au froid et retarde l'apparition de l'hypothermie, ce qui augmente les chances de survie.

    Dans l'événement à l'étude, les 2 membres d'équipage repêchés portaient des VFI; toutefois, la température de l'eau et la durée de leur immersion ont réduit leurs chances de survie.

    Comme suite au naufrage du bateau de pêche Straits Pride II en 1990, qui a coûté la vie à 3 personnesNote de bas de page 15, le BST avait recommandé que

    Le ministère des Transports termine au plus tôt sa révision du Règlement sur la sécurité des petits bateaux de pêche qui exigera le port de combinaisons de travail isothermes ou d'habits de survie pour les pêcheurs.
    Recommandation M92-07 du BST

    D'après le nouveau Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche (RSBP), entré en vigueur le 13 juillet 2017 (et donc, après l'événement à l'étude), tout bateau, peu importe sa longueur, naviguant dans des eaux abritées ou à moins de 2 nm de la côte (comme le bateau de l'événement à l'étude) doit avoir à son bord :

    1. un ou plusieurs radeaux de sauvetage ou embarcations de récupération d'une capacité suffisante pour recevoir le nombre de personnes à bord;
    2. les deux équipements suivants :
      1. une RLS ou un moyen de communication radiophonique bidirectionnelle, sauf si le bâtiment a à bord une RLS exigée par le Règlement de 1999 sur les stations de navires (radio),
      2. si la température de l'eau est inférieure à 15 °C, une combinaison d'immersion ou une combinaison de travail de protection contre les éléments de taille appropriée pour chaque personne à bord.

    1.10 Gestion des ressources halieutiques

    Au MPO, le secteur Gestion des écosystèmes et des pêches est responsable de la gestion des pêches.

    L'un des processus clés de la gestion des pêches est l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan de gestion intégrée des pêches (PGIP). Ce document doit définir et exposer les objectifs d'une pêche particulière et les mesures de gestion particulières qui s'imposent pour assurer la pérennité de cette ressource. L'élaboration d'un PGIP doit être minutieuse; elle doit se faire selon un processus de consultation et prendre en considération des facteurs scientifiques, socioéconomiques et ceux liés au secteur d'activité. Dans le cas d'une pêche propre à une région, il incombe au directeur général régional d'approuver de façon définitive un PGIP. Dans le cas de pêches multirégionales et internationales, cette responsabilité relève du sous-ministre ou du ministre des Pêches et Océans.

    Le secteur Gestion des écosystèmes et des pêches du MPO fournit un guide intitulé « Élaboration d'un plan de gestion intégrée des pêchesNote de bas de page 16 » pour mettre au point des PGIP. Ce guide indique les sections du PGIP qu'il faut remplir, et le contenu requis pour chacune d'elles. En 2011–2012, le MPO a mis à jour ce guide pour qu'il tienne compte de plusieurs enjeux émergents, y compris la sécurité en merNote de bas de page 17. Ce guide indique aux gestionnaires de cerner et d'éviter les situations qui peuvent amener les pêcheurs à courir des risques en exerçant leur métier dans des conditions qu'ils tenteraient normalement d'éviter, comme pêcher plus au large, pendant plus longtemps ou dans de mauvaises conditions météorologiquesNote de bas de page 18. Le document précise que si de telles conditions sont inévitables, il faut envisager des mesures d'atténuation :

    Les pêches pour lesquelles les contraintes de temps sont un facteur important et qui ne peuvent être adaptées lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises […] peuvent causer de sérieux problèmes de sécurité. Pour profiter au maximum d'une telle pêche, les pêcheurs peuvent décider de travailler dans de mauvaises conditions météorologiques ou de surcharger leur navire de prises ou d'engins, etc. Dans de tels cas, les PGIP devraient tenter d'atténuer les effets de ces conditions et de les éviter, lorsque c'est possibleNote de bas de page 19.

    Le MPO a également publié un PGIP modèleNote de bas de page 20. Ce modèle comprend une section intitulée « Sécurité en mer » offrant des renseignements sur des points généraux de la sécurité de la pêche, dont la stabilité des bateaux de pêche, les exigences relatives aux procédures d'urgence, l'immersion en eau froide, les conditions météorologiques et le système de surveillance mutuelle ayant cours dans toutes les pêches.

    Le BST a publié en 2012 son Enquête sur les questions de sécurité relatives à l'industrie de la pêche au CanadaNote de bas de page 21, selon laquelle la gestion des ressources halieutiques figure parmi les 10 principaux enjeux de sécurité liés aux accidents de pêche. D'après ce rapport, « [l]e fait de se conformer aux mesures de gestion des ressources halieutiques peut aussi amener les pêcheurs à courir des risques » et on y exprime la préoccupation « que les risques pour la sécurité associés aux mesures de gestion des pêches ne soient pas cernés et corrigés convenablementNote de bas de page 22 ».

    Dans certaines pêches, le MPO à Terre-Neuve-et-Labrador a pris des mesures de gestion précises pour améliorer la sécurité des pêcheurs. Des exemples de ces mesures comprennent l'ouverture des pêches après 6 h et leur clôture avant 20 h. Ces mesures ont pour effet d'éviter que des bateaux naviguent à la noirceur chargés d'engins de pêche et de réduire les risques de fatigue. Elles permettent aussi d'établir des ententes de partenariatNote de bas de page 23 en vertu desquelles [traduction] « les pêcheurs qui ont un bateau plus petit peuvent se jumeler à d'autres pêcheurs qui ont un bateau plus grand et plus sûr pour exploiter ces pêchesNote de bas de page 24 ».

    1.10.1 Plan de pêche axé sur la conservation

    Les PGIP qui viennent à échéance après 1 an contiennent des renseignements détaillés sur les mesures de gestion des pêches. Par contre, les PGIP qui ne viennent pas à échéance, mais qui sont plutôt mis à jour périodiquement, renvoient à un autre document, soit le Plan de pêche axé sur la conservation (PPAC), pour des mesures précises. Les PPAC indiquent quand et comment on peut pêcher et fournissent des détails précis sur les dates de début et de fin des saisons de pêche, les types d'engins permis ainsi que les quotas et limites des prises. On dresse ces plans annuellement par un processus de consultation qui comprend un examen itératif d'une proposition de pêche que les intervenants du secteur présentent au MPO.

    1.10.2 Pêche d'intendance de la morue du Nord en 2016

    Le Pop's Pride prenait part à la pêche d'intendance de la morue du Nord. Le terme « intendance » signifie qu'il ne s'agit pas d'une pêche commerciale typique. La pêche commerciale de la morue du Nord étant suspendue depuis 1992, la récolte halieutique commerciale de ce stock de poissons est interdite. En 2006, en réponse aux préoccupations soulevées par des pêcheurs sur l'inexactitude des estimations scientifiques du stock de poissons, on a ouvert une petite pêche soumise à des restrictions quant aux engins de pêche, aux prises et à la durée de la pêche.

    La pêche d'intendance de la morue du Nord en 2016 dans les divisions 2J3KL de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO) (annexe C) est gérée en vertu du PGIP des espèces de poissons de fond pour la sous-zone 2 et les divisions 3KL de l'OPANO (entré en vigueur en 2013). La section « Sécurité en mer », à l'annexe 6Note de bas de page 25, reprend les renseignements du PGIP modèle fourni par le MPO; elle ne comprend aucun article particulier à la pêche à la morue ou à la pêche d'autres poissons de fond. Le PGIP renvoie le lecteur au PPAC annuel pour connaître les détails sur la gestion de cette pêche.

    En 2014 et en 2015, le PPAC a attribué  à tous les pêcheurs détenteurs de permis un quota individuelNote de bas de page 26 de 5000 livres, qu'ils pouvaient remplir en tout temps, à leur discrétion, au cours d'une saison définie de 3 semainesNote de bas de page 27.

    Une réunion de consultation au sujet de la pêche d'intendance de la morue du Nord a eu lieu le 1er juin 2016, à St. John's. L'ordre du jour comprenait des présentations scientifiques et socioéconomiques, une présentation sur le plan de rétablissement de cette pêche ainsi que la présentation des points de vue des intervenants qui assistaient à la réunion. Aucun des points à l'ordre du jour ne portait sur la sécurité des pêcheurs, et aucun représentant de TC n'était présent.

    En 2016, le PPAC a été changé : on a remplacé le quota individuel fixé par saison d'une durée définie des années précédentes par une prise limite hebdomadaire sans aucune date limite de fin de saison. Le PPAC 2016 se fondait sur une proposition soumise par le Groundfish Industry Development Council de Terre-Neuve-et-Labrador, organisme issu d'une collaboration du Fish, Food and Allied Workers Union et de divers transformateurs des produits de la merNote de bas de page 28. Le Groundfish Industry Development Council a été mis sur pied dans le but premier de dresser un plan stratégique fondé sur le marché à l'intention de l'industrie du poisson de fond. Ce plan devait maximiser la valeur des produits du poisson de fond en vue d'accroître la viabilité économique et la pérennité des entreprises de pêche et des usines de transformation.

    D'après ce PPAC, durant la période de 3 semaines s'étendant du 15 août au 4 septembre, les pêcheurs pouvaient prendre 2000 livres de morue par semaine, à compter de 0 h 1 le dimanche jusqu'à 24 h (minuit) le samedi suivant. Durant une période indéfinie s'étendant du 5 septembre jusqu'à la fin de la saison (dont la date n'avait pas encore été déterminée)Note de bas de page 29, la limite de la prise hebdomadaire passait à 3000 livres. Le pêcheur ayant atteint sa prise limite hebdomadaire devait retirer tous ses engins de pêche des eaux jusqu'à 0 h 1 le dimanche suivant. Par contre, s'il n'atteignait pas sa prise limite hebdomadaire, il ne pouvait reporter la différence (poids manquant) à la prise de la semaine suivante.

    L'événement à l'étude s'est produit un mardi, et la période de quota hebdomadaire prenait fin le samedi. Au cours des semaines précédentes, le bateau n'avait pris que 1858 des 2000 livres permises par semaine, et sa prise moyenne était d'environ 700 livres par jour. Compte tenu du rythme de débarquement de l'équipage des dernières semaines, il aurait fallu passer tous les jours restants de la semaine à pêcher pour atteindre le nouveau quota hebdomadaire de 3000 livres ou sinon, perdre le revenu associé au poids manquant.

    Chaque pêcheur titulaire d'un permis reçoit un document sur les conditions de permis de pêche expliquant les règles de la pêche. Ce document présente en détail le contenu du PPAC ainsi que toute autre exigence à laquelle doivent satisfaire les pêcheurs. Pour cette pêche particulière, le document sur les conditions de permis de pêche indiquait que les pêcheurs [traduction] « ne doivent pas laisser d'engin de pêche dans l'eau sans surveillance pendant plus de 48 heures consécutivesNote de bas de page 30 ». Cette exigence est reprise dans le Règlement de pêche de Terre-Neuve-et-Labrador, selon lequel

    Il est interdit à quiconque a mouillé un engin de pêche dans les eaux de la province de laisser l'engin sans surveillance pendant plus de trois jours consécutifs, exclusion faite de la date de mouillage, à moins d'y être forcé par des circonstances indépendantes de sa volontéNote de bas de page 31.

    Bien que ce règlement mentionne 3 jours, le MPO peut, à sa discrétion, écourter cette période, comme ce fut le cas pour cette pêche. Toutefois, les « circonstances » dont il est question dans le règlement ne sont ni expliquées ni définies, pas plus que les mesures que doivent prendre les pêcheurs, le cas échéant. En outre, les conditions de permis de pêche imposées à chaque pêcheur ne font aucune mention de « circonstances indépendantes de sa volonté »; seul le règlement de pêche contient cette mention.

    Même si les conditions de permis de pêche ne le mentionnent pas, le PPAC interdit les ententes de partenariat pour cette pêche.

    Le 24 novembre 2016, le MPO a annoncé, par un avis aux pêcheurs, que la pêche d'intendance de la morue du Nord dans les divisions 2J3KL de l'OPANO en 2016 serait fermée à 22 h le 16 décembre 2016.

    1.11 Collaboration entre organismes nationaux

    Le MPO est responsable de la gestion des pêches pour assurer la pérennité des ressources et la viabilité économique de cette industrie, mais pas de la sécurité des pêcheurs et des bateaux de pêche. La sécurité des bateaux, y compris celle des bateaux de pêche, incombe à TC, tandis que la sûreté, la sécurité et l'accessibilité des voies navigables du Canada, y compris les activités de recherche et sauvetage (SAR) maritime, incombent à la GCC.

    Ces 3 organismes interviennent directement dans l'industrie de la pêche par leurs règlements et programmes. Avant 2006, cette intervention se faisait habituellement sans coordination entre eux. Ainsi, il se peut que les mesures que prend un organisme pour remplir son mandat aient une incidence sur un autre volet de la pêche et, par conséquent, sur la sécurité des pêcheurs.

    En 2006, TC, le MPO et la GCC ont signé un protocole d'ententeNote de bas de page 32 (PE) pour renforcer leur collaboration relativement à la sécurité des pêcheurs commerciaux en mer. D'après ce PE, chacun de ces organismes doit établir des principes visant à promouvoir une culture de sécurité et tenir compte de la sécurité des pêcheurs commerciaux au moment de créer ou de réviser des règles, règlements, politiques et plans qui touchent les pêcheurs commerciauxNote de bas de page 33. Toujours d'après ce PE, ces organismes doivent se réunir, au besoin, pour discuter des enjeux de sécurité concernant les bateaux de pêche. De plus, TC et le MPO doivent se réunir avant la tenue de la réunion nationale du Conseil consultatif maritime canadien. Tous les organismes nationaux et régionaux participants doivent discuter des enjeux de sécurité dans le cadre de ce processus de consultation, et toute décision qui en découle doit figurer dans le PGIP. Enfin, le PE stipule que le MPO, à l'échelle nationale et régionale, doit également passer en revue les sections « Sécurité en mer » des PGIP révisés.

    Depuis janvier 2015, la plupart des réunions convenues selon le PE ont eu lieu. En outre, le MPO à Terre-Neuve-et-Labrador a invité TC à assister aux réunions de consultation sur les pêches qui ont lieu chaque année avant l'ouverture de la saison, et TC y a participé lorsqu'il le pouvait.

    Même si le MPO a affecté des représentants nationaux et régionaux à la sécurité en mer des pêcheurs commerciaux, on n'a trouvé aucune trace d'une révision de la section « Sécurité en mer » d'un PGIP à l'échelle nationale.

    En réponse à 2 recommandations du BST datant de 2003 sur la culture de sécurité dans le secteur de la pêche (y compris la gestion des pêches), TC a souligné que ce PE était un élément proactif de l'instauration d'une culture de sécurité dans le secteur de la pêche commerciale. La première recommandation proposait que

    Transports Canada, en coordination avec Pêches et Océans Canada, les associations de pêcheurs et les établissements de formation, mette au point une stratégie nationale visant l'établissement, le maintien et la promotion d'une culture de sécurité dans l'industrie de la pêche.
    Recommandation M03-02 du BST

    Les mesures prises par TC en réponse à cette recommandation ont été jugées entièrement satisfaisantes, et cette recommandation a été fermée en 2013. Cette évaluation se fondait en partie sur la signature du PE par TC et le MPO. L'évaluation de cette recommandation ne comprenait aucune évaluation des mesures prises par le MPO.

    Le BST recommandait également que

    le ministère des Transports, en collaboration avec le milieu de la pêche, entreprenne de réduire les pratiques imprudentes par l'entremise d'un code de pratiques exemplaires à l'intention des petits bateaux de pêche, qui traitera notamment du chargement et de la stabilité, et que l'adoption d'un tel code soit appuyée par l'entremise de programmes d'éducation et de sensibilisation.
    Recommandation M03-07 du BST

    En 2006, le Bureau avait jugé que les mesures prises par TC en réponse à cette recommandation dénotaient une attention en partie satisfaisante, et ce, en raison de la signature du PE par TC et le MPO sur la sécurité des pêcheurs commerciaux.

    1.12 Appareils de communication d'urgence

    Une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) émet un signal d'urgence, soit automatiquement, soit par suite d'une activation manuelle par l'équipage, pour alerter immédiatement les ressources de recherche et sauvetage et déclencher leur intervention. Au moment de l'événement à l'étude, les RLS étaient requises à bord des bateaux d'une longueur égale ou supérieure à 8 m qui va au-delà des limites de voyage de cabotage, classe I, de voyage de cabotage, classe II, ou de voyage de long coursNote de bas de page 34.

    Le radiotéléphone VHF n'est pas obligatoire à bord des bateaux de pêche non pontés de toute longueur ou des bateaux de pêche pontés de 8 m ou moinsNote de bas de page 35.

    Le bateau de l'événement à l'étude n'avait ni RLS ni radiotéléphone VHF à bord et la réglementation ne les imposait pas. Les téléphones cellulaires des 4 membres d'équipage étaient les seuls moyens de communication à bord.

    D'après le nouveau RSBP, tout bateau, peu importe sa longueur, naviguant dans des eaux abritées ou à moins de 2 nm de la côte (comme le bateau de l'événement à l'étude) doit avoir à son bord :

    1. soit un ou plusieurs radeaux de sauvetage ou embarcations de récupération d'une capacité totale suffisante pour recevoir le nombre de personnes à bord;
    2. soit les engins de sauvetage suivants :
      1. une RLS ou un moyen de communication radiophonique bidirectionnelle, sauf si le bâtiment a à bord une RLS exigée par le Règlement de 1999 sur les stations de navires (radio),
      2. si la température de l'eau est inférieure à 15 °C, une combinaison d'immersion ou une combinaison de protection contre les éléments de la bonne taille pour chaque personne à bord.

    D'après ce nouveau règlement, le bateau en cause aurait dû transporter à son bord une combinaison quelconque des équipements indiqués ci-dessus, qui aurait pu ne pas inclure une RLS. Pourvu que la couverture cellulaire soit suffisante, la présence d'un téléphone cellulaire à bord satisfait à l'exigence sur les moyens de communication bidirectionnelle.

    1.13 Stabilité, flottabilité et insubmersibilité

    La capacité d'un bateau à rester à flot et à la verticale dans toutes les conditions de charge et d'exploitation est un élément de sécurité fondamental. Il est donc essentiel que le bateau conserve des réserves de flottabilité et de stabilité suffisantes et empêche l'eau d'entrer et de s'accumuler sur le pont ou à l'intérieur de la coque. Il faut aussi maintenir un franc-bord, une intégrité de l'étanchéité à l'eau et une hauteur d'envahissement suffisants ainsi qu'un drainage adéquat. Pour assurer la sécurité en mer, on doit prendre ces facteurs en considération aux étapes de la conception et de la construction des bateaux pontés et non pontés, et pendant leur exploitation.

    Dans le cas d'un bateau ponté, la flottabilité et la stabilité dépendent principalement du volume de la coque étanche à l'eau qui se trouve sous le pontNote de bas de page 36. Les réserves de flottabilitéNote de bas de page 37 et de stabilité sont calculées en fonction du franc-bord mesuré à la position du point d'envahissement le plus bas. Par conséquent, la réduction du franc-bord ou du point d'envahissement a pour effet de réduire la réserve de flottabilité et de stabilité et conséquemment de diminuer la marge de sécurité.

    Dans le cas d'un bateau non ponté, comme celui de l'événement à l'étude, la flottabilité et la stabilité sont assurées par la coque étanche, qui se prolonge jusqu'au sommet du plat-bord. Les bateaux de ce type sont vulnérables à l'envahissement par les eaux lorsque les vagues passent par-dessus les bords du navire. Pour atténuer ce risque, on peut faire en sorte que le bateau navigue seulement sur des eaux relativement calmes, y incorporer des dispositifs intégrés d'insubmersibilité afin d'accroître sa capacité de survie et prévoir des moyens efficaces pour évacuer l'eau embarquée. Comme dans le cas des bateaux pontés, la réduction du franc-bord ou de la hauteur du point d'envahissement a pour effet de réduire la réserve de flottabilité et de stabilité, de sorte que la marge de sécurité s'en trouve réduite.

    Outre un espace clos dans la cloison arrière, le Pop's Pride n'offrait aucune flottaison additionnelle (comme des compartiments hermétiques ou du matériel flottant) pour accroître sa flottabilité inhérenteNote de bas de page 38 et ainsi demeurer à flot en cas de chavirement ou d'envahissement par les eaux. La capacité de flottabilité d'un bateau envahi par les eaux peut améliorer les chances et la durée de survie des naufragésNote de bas de page 39 lorsqu'ils ont la possibilité de s'asseoir dans un bateau rempli d'eau ou sur la coque d'un bateau chaviré plutôt que d'être immergés jusqu'au cou dans l'eau. Un bateau qui flotte consiste également en une plus grande cible visuelle aidant les secouristes à repérer plus rapidement les lieux d'un événement.

    1.13.1 Petits bateaux de pêche

    Le RIPBP en vigueur au moment de l'événement à l'étude ne comprenait aucune norme sur la flottabilité et l'insubmersibilité des bateaux non pontés.

    Conformément au nouveau RSBP, une évaluation de stabilité est requise pour tout nouveau bateau de plus de 9 m de long, ainsi que pour tout bateau existant muni de citernes antiroulis et certains bateaux de pêche au hareng et au capelanNote de bas de page 40. Une évaluation de stabilité est également requise pour tout bateau de pêche existant de plus de 9 m de long et qui, après le 13 juillet 2017, a fait l'objet d'importantes modifications ou d'un changement d'activité qui risquent d'avoir une incidence sur sa stabilité. Cette évaluation comprend la production d'un livret et d'un avis de stabilité comprenant des renseignements sur la stabilité propre au bateau et à l'activité.

    Les nouveaux bateaux de pêche qui mesurent moins de 6 m de long doivent se conformer à des normes d'insubmersibilité, de flottabilité et de stabilité précises, conformément à la section 4 du document TP 1332, Normes de construction pour les petits bâtiments de Transports CanadaNote de bas de page 41, y compris par l'ajout de matériel de flottabilitéNote de bas de page 42 pour que le bateau demeure à flotNote de bas de page 43 et ne gîte pasNote de bas de page 44 en cas d'envahissement par les eaux.

    Les nouveaux bateaux de pêche mesurant plus de 6 m, mais moins de 9 m de long, soit de longueur comparable à celle du Pop's Pride, ne doivent se conformer à aucune norme particulière, mais plutôt à toutes les normes et pratiques recommandéesNote de bas de page 45 qui s'appliquent au type de bâtiment et qui tiennent compte de son exploitation prévueNote de bas de page 46.

    On peut tenir compte de plusieurs normes et pratiques sectorielles pour évaluer la stabilité ou la flottabilité d'un bateau de cette taille et de ce type. L'adhésion à la norme 12217-1:2013 de l'Organisation internationale de normalisation pour un bateau de conception et de construction semblables à celles du Pop's Pride, exige l'évaluation de stabilité intacte du bateau et garantit la suffisance de sa stabilité et de son insubmersibilité ou sa flottabilité en cas d'envahissement par les eaux. L'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture a formulé des recommandations sur les navires de pêche pontés de moins de 12 m de long et les navires de pêche non pontésNote de bas de page 47. Ces recommandations exigeraient que les nouveaux bateaux de pêche non pontés et de conception et de construction semblables à celles du Pop's Pride, satisfassent à des critères de stabilité établisNote de bas de page 48 qui permettraient aux bateaux de rester à flot et de ne pas gîter en cas d'envahissement par les eauxNote de bas de page 49. De plus, « dans la mesure où cela est raisonnable et possible dans la pratique », on devrait appliquer ces dispositions de stabilité et de flottabilité visant les nouveaux bateaux aux bateaux de pêche existants non pontés, comme le Pop's PrideNote de bas de page 50. Or, le paragraphe 5.3 du document TP 1332 de Transports Canada exige que les bâtiments autres que les embarcations de plaisance semblables au Pop's Pride satisfassent à des critères de stabilité établis, sans pour autant évaluer la capacité d'un bateau à demeurer à flot et à la verticale s'il est envahi par les eaux.

    Exception faite des bâtiments existants munis d'une citerne antiroulis et des bâtiments particuliers servant à la pêche au hareng et au capelanNote de bas de page 51, aucun autre bateau de pêche existant auquel s'applique le RSBP n'a à subir une évaluation de sa stabilité, de sa flottabilité ou de son insubmersibilité par rapport à des normes et pratiques recommandées. Toutefois, la stabilité et la flottabilité d'un bâtiment de pêche existant doivent être suffisantes pour que son exploitation prévue soit sécuritaireNote de bas de page 52.

    1.14 Enquête sur les questions de sécurité relatives à l'industrie de la pêche au Canada

    En août 2009, les questions de sécurité relatives aux bateaux de pêche au Canada ont fait l'objet d'une enquête approfondie menée par le BST. Le rapport de l'Enquête sur les questions de sécurité relatives à l'industrie de la pêche au Canada (SII) a été publié en juin 2012 et offre une vue d'ensemble des questions de sécurité dans l'industrie de la pêche au pays, tout en révélant les relations complexes et les interdépendances qui existent entre elles. Les importants enjeux de sécurité suivants ont retenu l'attention du Bureau : la stabilité, les engins de sauvetage, la gestion des ressources halieutiques, le coût de la sécurité, l'information sur la sécurité, les pratiques de travail sécuritaires, l'approche réglementaire en matière de sécurité, la fatigue, la formation et les statistiques de l'industrie de la pêcheNote de bas de page 53.

    1.15 Recommandations en suspens

    1.15.1 Radiobalises de localisation des sinistres

    Il n'y avait aucun dispositif de communication de détresse à bord du bateau de l'événement à l'étude. De février 2010 à septembre 2016, il s'est produit au Canada 10 accidents de chavirement ou de naufrage (l'événement à l'étude compris)Note de bas de page 54 mettant en cause des bateaux de pêche de moins de 12 m de long non dotés d'une RLS ou incapables de transmettre des messages de détresse. Ces événements ont touché 28 membres d'équipage dont 19 ont perdu la vie. Six de ces accidents se sont produits à moins de 2 nm de la côte; dans au moins 3 des 10 accidents, des membres d'équipage avaient un téléphone cellulaire.

    En 1998, lors de la traversée entre Les Escoumins et Rimouski (Québec), le Brier Mist a été envahi par l'eau et a coulé à environ 10 milles marins de la riveNote de bas de page 55. L'épave n'a jamais été retrouvée. Deux victimes qui s'étaient noyées ont été repêchées. Les trois autres membres d'équipage restent manquants. Le Bureau croit que tous les marins-pêcheurs devraient avoir une capacité d'avertissement d'une situation de détresse sans avoir recours à une intervention humaine. En outre, les marins-pêcheurs qui sont à l'eau ou à bord d'une embarcation de sauvetage devraient être capables de transmettre en continu leur position aux coordonnateurs des opérations de recherche et sauvetage afin d'accélérer les recherches. En 2001, le Bureau a donc recommandé que :

    Le ministère des Transports exige que les petits bateaux de pêche qui effectuent des voyages côtiers aient à leur bord une radiobalise de localisation des sinistres ou tout autre équipement approprié à dégagement hydrostatique qui se déclenche automatiquement, avertit le système de recherche et sauvetage, transmet périodiquement la position et est muni d'un dispositif de localisation directionnelle.
    Recommandation M00-09 du BST

    Dans sa réponse à cette recommandation, TC a précisé que le projet de nouveau RSBP étend l'exigence de transporter une RLS aux bateaux de pêche de 12 m ou plus de longueur et navigant à moins de 25 nm du rivage. Les bateaux de pêche de moins de 12 m de long auraient le choix de transporter une RLS au lieu d'un radeau ou d'une autre embarcation de sauvetage.

    En vertu de ce nouveau règlement, les bateaux qui choisissent de transporter une RLS devront également avoir à leur bord des combinaisons d'immersion ou de protection contre les éléments si la température de l'eau est inférieure à 15 °C. De plus, les bateaux de moins de 12 m naviguant à moins de 25 nm du rivage pourront remplacer la RLS par un moyen de communication bidirectionnelle, comme un téléphone cellulaireNote de bas de page 56. Tous les bateaux de pêche, peu importe leur longueur, qui voyagent dans des eaux abritées ou à moins de 2 nm du rivage, auront la même optionNote de bas de page 57.

    Ce nouveau RSBP n'atténue pas le risque cerné dans la recommandation M00-09. En mars 2016, le Bureau a révisé sa cote d'attention à non satisfaisante. En effet, le Règlement n'exige pas que tous les bateaux de pêche aient à leur bord une RLS ou un autre équipement approprié à dégagement hydrostatique qui se déclenche automatiquement, qui avertit le système SAR, qui transmet périodiquement la position du navire et qui est muni d'un dispositif de localisation directionnelle. En juin 2017, le Bureau a encore évalué la réponse comme non satisfaisante. En effet, le BST continue d'enregistrer des décès et des événements à bord de bateaux de pêche de moins de 12 m de long non équipés de RLS et dont l'équipage n'a pas utilisé un autre type dispositif d'alerte de détresse, ou n'a pas été en mesure de le faireNote de bas de page 58.

    1.15.2 Évaluation de stabilité et renseignements sur la stabilité des petits bateaux de pêche

    Le bateau de l'événement à l'étude n'avait fait l'objet d'aucune évaluation de stabilité, et le RIPBP en vigueur au moment de l'événement n'en exigeait pas.

    Le 5 septembre 2015, vers 15 h 30, heure avancée du Pacifique, le chalutier Caledonian a chaviré à 20 milles marins à l'ouest du détroit Nootka (Colombie-Britannique), pendant une sortie de pêche au merlu avec 4 membres d'équipage à bord. Après le chavirement, le capitaine et l'officier de pont sont montés sur la coque retournée où ils sont restés plusieurs heures, puis ont abandonné le navire lorsque ce dernier a fini par couler; l'officier de pont a nagé vers le radeau de sauvetage dans lequel il a embarqué. Par la suite, la Garde côtière canadienne a secouru l'officier de pont et récupéré les corps du capitaine et des 2 autres membres de l'équipage. Le Bureau est d'avis que tous les bateaux de pêche devraient faire l'objet d'une évaluation de stabilité. Il estime également que les pêcheurs devraient avoir accès à des renseignements précis sur la stabilité provenant de cette évaluation. Par conséquent, en 2016, le BST a recommandé que 

    Le ministère des Transports exige que tous les petits bateaux de pêche fassent l'objet d'une évaluation de stabilité et établissent des normes pour faire en sorte que les renseignements sur la stabilité soient pertinents et que l'équipage y ait facilement accès.
    Recommandation M16-03 du BST

    Au total, les petits bateaux de pêche représentent environ 99 % de toute la flotte de pêche battant pavillon canadien, qui compte 23 878 bâtiments immatriculésNote de bas de page 59. La plupart de ces petits bateaux de pêche sont exemptés de l'obligation de faire l'objet d'évaluations de stabilité ou de mettre à la disposition de l'équipage des renseignements sur la stabilité pertinents issus d'une telle évaluation.

    TC a reconnu le risque associé à ces enjeux pour la sécurité des bâtiments et, lors de l'élaboration du RSBP, y a inclus une exigence relative à une évaluation de stabilité pour tous les bâtiments de pêche commerciale, neufs et existants, de plus de 9 mètres de longueur. Toutefois, pendant les consultations publiques, les intervenants de l'industrie ont considéré la proposition comme peu pratique et constituant un fardeau financier trop lourdNote de bas de page 60. En conséquence, TC a modifié les exigences relatives à la stabilité de sorte que l'évaluation de stabilité soit obligatoire seulement pour les bâtiments neufs de plus de 9 mètres de longueur.

    Le RSBP exige que la personne compétente qui effectue l'évaluation de stabilité élabore un livret de stabilité et fournisse des renseignements (rassemblés dans ce que l'on nomme un « avis de stabilité » dans le RSBP) décrivant les pratiques d'exploitation nécessaires pour respecter les limites de sécurité définies dans le livret. Cependant, l'application de ces exigences est limitée aux bâtiments neufs de plus de 9 mètres de longueur.

    Le BST est d'avis qu'il faudra que les organismes gouvernementaux à l'échelle fédérale et provinciale et les intervenants de l'industrie prennent des mesures précises et concertées pour enfin remédier pleinement aux lacunes de sécurité qui persistent dans l'industrie de la pêche au Canada. Lorsque tous les petits bateaux de pêche commerciale auront fait l'objet d'évaluations de stabilité adaptées à leur taille et à leurs activités et que les pêcheurs auront accès à des renseignements sur la stabilité pertinents, le nombre de pertes de vie attribuables à une stabilité insuffisante des bâtiments de pêche sera considérablement réduit.

    1.16 Événements antérieurs

    À Terre-Neuve-et-Labrador, il y a eu en moyenne 2 décès par an liés à des activités de pêche de 2006 à 2016. Au total, il y a eu 7 pertes de vie en 2015 et en 2016. Le BST a antérieurement enquêté sur plusieurs événements qui ont mis en cause de petits bateaux de pêche et soulevé des enjeux liés à la gestion des pêches, aux communications d'urgence et aux bateaux non pontésNote de bas de page 61.

    1.17 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La sécurité de la pêche commerciale restera sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :

    • de nouveaux règlements encadrant les navires de pêche commerciale de toutes tailles soient mis en œuvre;
    • des lignes directrices conviviales sur la stabilité des navires soient établies et appliquées afin de réduire les pratiques non sécuritaires;
    • il est prouvé qu'un changement de comportement s'opère parmi les pêcheurs en ce qui a trait à l'utilisation des vêtements de flottaison individuels, des RLS et des vêtements de survie, et que des évaluations des risques et des exercices de sécurité ont lieu à bord;
    • les autorités fédérales et provinciales, ainsi que les leaders du milieu de la pêche et les pêcheurs eux-mêmes, posent des gestes concertés et coordonnés en vue de mettre en place des initiatives solides dans les régions et de développer une saine culture de sécurité dans le milieu de la pêche.

    La sécurité de la pêche commerciale figure sur la Liste de surveillance 2016. Comme l'a démontré l'événement à l'étude, des préoccupations persistent sur l'utilisation et la disponibilité des engins de sauvetage à bord (comme les RLS) et les pratiques d'exploitation dangereuses. Le règlement qui s'applique aux bateaux de pêche de moins de 24,4 m de long (première phase du RSBP) a été publié et atténuera probablement certains des risques liés aux lacunes de sécurité en suspens. Or, il subsiste des lacunes relativement aux évaluations de stabilité et aux directives connexes, ainsi qu'au transport de RLS et de combinaisons d'immersion à bord de ces navires. En ce qui concerne la troisième phase du règlement, qui s'appliquera aux grands navires de pêche de plus de 24,4 m de longueur, les travaux ne sont pas commencés.

    1.18 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP303/2016 – Examination of Outboard Motor [examen du moteur hors-bord]
    • LP105/2017 – Lowrance Elite 4 – Data Recovery [récupération des données du dispositif Lowrance Elite 4]

    2.0 Analyse

    L'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur le naufrage du bateau de pêche non pontée Pop's Pride a permis de déterminer que le bateau est sorti en mer dans des conditions météorologiques qui dépassaient les conditions d'exploitation normales d'un bateau non ponté.

    L'analyse portera sur la gestion des pêches, les communications d'urgence, les normes de sécurité pour les bateaux non pontés, l'immatriculation des bateaux, le protocole d'entente que Transports Canada (TC) et Pêches et Océans Canada (MPO) ont conclu, et l'interdépendance des enjeux de sécurité.

    Même si le moteur a été retrouvé en position entièrement relevée, ce qui pourrait laisser croire que l'équipage l'avait relevé par suite à des ennuis mécaniques, l'enquête a permis de déterminer qu'il n'y avait pas eu de panne moteur. Lorsque l'embarcation a été envahie par les eaux, l'eau de mer a court-circuité le circuit d'inclinaison et d'assiette, ce qui a complètement relevé le moteur. Ce dernier est demeuré dans cette position jusqu'à la fonte en surcharge du fusible du circuit d'inclinaison et d'assiette.

    2.1 Facteurs ayant mené au naufrage et à la perte de vie

    Au moment du départ du Pop's Pride, les conditions environnementales étaient mauvaises : les vents soufflaient à environ 25 nœuds, et les vagues atteignaient 2 m de hauteur.

    L'équipage a choisi de sortir dans de mauvaises conditions, même si elles dépassaient les conditions d'exploitation normales du bateau. Parmi les conditions de permis de pêche qui auraient pu influer sur cette décision, notons celle qui exige que les pêcheurs retirent leurs engins de pêche des eaux toutes les 48 heures. Quoique le règlement prévoie une prolongation de cette période en cas de circonstances hors du contrôle des pêcheurs, ce renseignement n'était pas indiqué dans les conditions de permis pour cette pêche. Par conséquent, le capitaine du Pop's Pride ignorait probablement ce fait. L'aspect financier ajoutait également à l'importance de récupérer cette prise étant donné l'interdiction de reporter tout quota non pêché à celui de la semaine suivante.

    Après la récupération des filets maillants, le bateau était lourdement chargée de 4 filets, d'une prise d'environ 700 livres et de 4 membres d'équipage, ce qui a réduit son franc-bord. En route vers la côte, des vents de 25 à 30 nœuds et des vagues atteignant 2 m battaient l'embarcation à bâbord.

    À un certain moment, l'embarcation a été envahie par les eaux et a sombré; les 4 membres d'équipage se sont ainsi retrouvés dans l'eau. L'enquête a permis de déterminer que cet événement a probablement été causé par l'un ou l'autre des scénarios suivants :

    • En passant Blackhead, l'embarcation a reçu une forte quantité d'embruns à cause de l'effet local qui contribue à intensifier le vent et les embruns à cet endroit. Les embruns se seraient accumulés dans l'embarcation, sous les filets maillants et la prise qui se trouvaient à bord. Si l'équipage avait tenté d'employer la méthode du plané pour évacuer l'eau de l'embarcation, la charge à bord de l'embarcation et l'état de la mer l'auraient probablement rendue inefficace. À mesure qu'augmentait la quantité d'eau dans l'embarcation, son franc-bord diminuait; à la longue, elle aurait été envahie par les eaux et aurait coulé.
    • Il se peut que l'embarcation ait été soudainement frappée par une grosse vague; elle aurait ainsi été instantanément envahie par les eaux et aurait coulé.

    L'embarcation n'a pas flotté à la surface de l'eau, car sa conception et sa construction n'offraient aucune flottabilité inhérente.

    Comme aucun signal de détresse n'a été transmis, aucun effort de sauvetage n'a été déployé avant que l'on signale le retard de l'embarcation. Il y avait 4 téléphones cellulaires à bord, mais l'équipage n'a probablement pas eu le temps de les utiliser. Il n'y avait à bord aucun radiotéléphone très haute fréquence (VHF) ni aucune radiobalise de localisation des sinistres (RLS).

    2.2 Plan de gestion des pêches

    Les activités de pêche commerciale créent souvent des pressions économiques qui peuvent amener les pêcheurs à courir certains risques afin de maximiser leur prise. Le fait de se conformer aux mesures de gestion des ressources halieutiques peut également amener les pêcheurs à courir des risques. D'après un rapport publié en 2008 par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la [traduction] « gestion des pêches a des effets directs et indirects sur la sécurité de la pêcheNote de bas de page 62 ». De plus, d'après une étude publiée par l'Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador, des chercheurs ont conclu que

    [traduction] les règlements relatifs à la gestion des pêches influent grandement sur les gestes et comportements des pêcheurs […] [et] traditionnellement, les politiques sur les pêches ont été élaborées sans égard à leur impact potentiel sur la santé et la sécuritéNote de bas de page 63.

    Le document d'orientation du MPO intitulé « Élaboration d'un plan de gestion intégrée des pêches » fait état des incidences sur la sécurité que peuvent avoir les mesures de gestion des ressources halieutiques. Pourtant, les exigences particulières auxquelles est assujettie la pêche à la morue ne semblent pas tenir compte des mêmes considérations en matière de sécurité.

    Dans l'événement à l'étude, l'équipage a décidé de sortir malgré l'état de la mer et les conditions météorologiques défavorables, probablement à cause de plusieurs facteurs liés à la gestion des ressources halieutiques. Notamment, l'exigence particulière de s'occuper des filets toutes les 48 heures. Cette exigence vise à assurer la fraîcheur du produit et à réduire au minimum le gaspillage. Cependant, elle tient peu compte de situations où la vérification des engins de pêche serait dangereuse, par exemple durant les périodes prolongées de mauvais temps. Le Règlement de pêche de Terre-Neuve-et-Labrador comprend une exception en cas de circonstances hors du contrôle des pêcheurs. Or, il ne définit pas ces circonstances, et les conditions de permis de pêche n'informent pas les pêcheurs de cette exception.

    La saison de pêche pouvait prendre fin d'un jour à l'autre, car sa date de clôture n'était pas déterminée d'avance. Par conséquent, l'équipage était probablement fort motivé, pour des raisons financières, à atteindre le quota permis pour les semaines durant lesquelles il savait que la pêche serait ouverte. Les pêcheurs ressentent une plus grande pression pour pêcher leur quota hebdomadaire, sans égard pour les conditions météorologiques. Si l'on établissait plutôt un quota pour la saison, comme c'était le cas auparavant, les pêcheurs choisiraient peut-être de pêcher par temps plus clément. Un quota hebdomadaire mène habituellement à des voyages plus fréquents aux lieux de pêche et, par conséquent, à une plus grande exposition à tous les risques associés à la pêche commerciale.

    Par le passé et dans d'autres pêches, le MPO à Terre-Neuve-et-Labrador a pris des mesures de gestion axées sur la sécurité pour protéger les pêcheurs, comme exiger l'ouverture et la clôture durant les heures de clarté et permettre les ententes de partenariat. Or, la pêche à la morue ne semble offrir aucune mesure similaire. En fait, en interdisant les ententes de partenariat et en fixant à minuit le début de la période de prise du quota hebdomadaire, les exigences liées à cette pêche particulière sont en parfaite contradiction avec ces mesures.

    Même si la responsabilité du capitaine et son bon jugement pour assurer la sécurité du voyage priment sur les exigences de gestion des ressources halieutiques, celles-ci ne devraient pas intensifier les pressions exercées sur les pêcheurs et ainsi nuire à la sécurité des activités de pêche.

    Lorsque les intervenants d'une pêche particulière dressent leur plan de gestion intégrée des pêches (PGIP), l'ajout de la section « Sécurité en mer » vise à s'assurer que la sécurité des pêcheurs commerciaux est prise en compte, comme l'entend le document d'orientation du MPO. Or, dans l'événement à l'étude, la section « Sécurité en mer » contient de l'information générique qui s'applique à toutes les activités de pêche commerciale et n'aborde pas les exigences particulières au déroulement de cette pêche.

    On doit prendre en considération la sécurité à tous les niveaux, de la théorie aux exigences pratiques que l'on met en place, et tenir compte des conditions d'une pêche particulière. Bien que le document d'orientation fourni par le MPO pour établir un PGIP aborde la question de l'augmentation des risques à la sécurité en raison des pressions économiques, comme le démontre l'événement à l'étude, les PGIP peuvent aussi ne pas tenir compte des renseignements et des mesures de sécurité propres à une pêche. Le cadre d'exploitation d'une pêche, établi par le PGIP, est à son plus efficace lorsqu'il est fondé sur la sécurité des pêcheurs et qu'il tient compte du fait que plusieurs raisons peuvent amener les pêcheurs à prendre des risques, dont les pressions économiques.

    Si des mesures propres à une pêche ne tiennent pas compte de leur impact sur la sécurité des pêcheurs, ces derniers, en l'absence d'une mesure donnée, risquent de mener leurs activités dans des conditions qu'ils éviteraient normalement. Par conséquent, ils compromettent tant la sécurité du navire que celle de l'équipage.

    2.3 Communication en cas d'urgence

    Dans les incidents mettant en cause des bateaux de pêche d'une longueur inférieure ou égale à 8,5 m, les appels de détresse sont rares, voire inexistants. Les situations d'urgence peuvent évoluer si rapidement que les personnes à bord n'ont peu ou pas de temps pour transmettre verbalement ou manuellement un appel de détresse. Cela a pour effet de retarder le déclenchement des opérations de recherche et sauvetage et de réduire les chances de survie. La présence à bord d'une RLS à déclenchement manuel (par l'équipage) ou automatique (dès que la radiobalise tombe dans l'eau) transmettant continuellement la position du bateau peut réduire considérablement le temps d'immersion des personnes dans l'eau avant l'arrivée des secours.

    Dans l'événement à l'étude, les 4 membres d'équipage avaient un téléphone cellulaire personnel, mais aucun appel de détresse n'a été reçu. Ainsi, les opérations de recherche et sauvetage ont été retardées; elles n'ont été amorcées que lorsque des proches et d'autres pêcheurs inquiets ont signalé le retard du bateau au Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage – Halifax. Le bateau en question n'avait ni RLS ni radiotéléphone VHF à bord, équipement que la réglementation n'imposait d'ailleurs pas.

    Des enquêtes précédentes du BST ont démontré qu'une RLS peut contribuer à sauver des vies, car elle transmet automatiquement un signal de détresse et la position du bateau en détresse. De février 2010 à septembre 2016, le BST a été avisé de 10 accidents de chavirement ou de naufrage (l'événement à l'étude compris). Ces accidents mettaient en cause des petits bateaux de pêche (moins de 12 m de long) qui n'avaient pas de RLS. Dans chaque cas, aucun signal de détresse n'a été reçu. Ces 10 accidents ont fait 19 décès.

    Si les bateaux de pêche ne sont pas dotés d'appareils de communications pouvant transmettre un signal de détresse automatique, comme une RLS, l'intervention de recherche et sauvetage peut être retardée, voire non lancée, ce qui augmente le risque de décès.

    2.4 Normes de sécurité pour les bateaux non pontés

    Puisqu'ils sont plus petits et dépourvus d'un pont étanche, les bateaux non pontés comme le Pop's Pride sont à la merci des vagues passant par-dessus bord ou de l'envahissement par les eaux. En cas d'envahissement par les eaux, un bateau non ponté doit avoir une flottabilité inhérente suffisante pour le garder à flot et à la verticale. Cela procure une certaine protection contre les éléments ainsi qu'une plateforme d'où les occupants peuvent transmettre un signal de détresse et attendre les secours.

    Depuis le 13 juillet 2017, le Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche (RSBP) établit les exigences de sécurité relatives aux petits bateaux de pêche. En vertu de ce règlement, les nouveaux bateaux de pêche qui mesurent moins de 6 m de long doivent pouvoir demeurer à la verticale en cas d'envahissement par les eaux ou d'inondation. Par contre, les nouveaux bateaux de pêche mesurant plus de 6 m, mais moins de 9 m de long (soit de longueur comparable à celle du Pop's Pride) peuvent être construits selon l'une ou l'autre des nombreuses normes et pratiques recommandées. Si les recommandations de l'Organisation internationale de normalisation et de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture font en sorte que ces bateaux demeurent à flot sans gîter en cas d'envahissement par les eaux, le document TP 1332 de Transports Canada ne prend en considération ni la flottabilité ni l'insubmersibilité. Par conséquent, un fabricant peut choisir une norme de construction acceptable qui ne comprend aucune exigence en matière de flottabilité ou d'insubmersibilité, ce qui ne permet pas d'assurer le maintien à flot et à la verticale d'un bateau s'il est envahi par les eaux.

    Si les normes canadiennes de conception et de sécurité visant les bateaux non pontés n'exigent pas que les bateaux de pêche de 9 m de long ou moins soient construits de manière à offrir une flottabilité suffisante pour qu'ils demeurent à flot et à la verticale en cas d'envahissement par les eaux ou d'inondation, les probabilités de survie dans ces situations d'urgence sont réduites.

    Le RSBP exige que tout nouveau bateau de pêche de plus de 9 m de long fasse l'objet d'une évaluation de stabilité. À quelques exceptions près, les bateaux de pêche existants de plus de 9 m de long sont exemptés de toute évaluation de stabilité. Les nouveaux bateaux de pêche de 9 m ou moins de longueur (c'est-à-dire de longueur comparable au bateau en cause) sont exemptés d'une évaluation de stabilité, mais ils doivent être fabriqués selon les pratiques et normes recommandées. Les bateaux de pêche existants de 9 m ou moins de longueur (c'est-à-dire de longueur comparable au Pop's Pride) n'ont pas à subir d'évaluation de leur stabilité, de leur flottabilité ou de leur insubmersibilité. Par conséquent, le nouveau RSBP permet l'utilisation de la plupart des bateaux de pêche existants ou nouveaux, de 9 m de long ou moins, sans que leur stabilité soit évaluée et sans que les renseignements sur la stabilité propres au bateau et à l'exploitation découlant de cette évaluation leur soient fournis.

    Si tous les bateaux de pêche, y compris les bateaux existants, ne font pas l'objet d'une évaluation de stabilité qui comprend des renseignements compréhensibles et pertinents sur les activités qui leur sont propres, les pratiques d'exploitation risquent de compromettre leur stabilité.

    2.5 Immatriculation d'un bateau

    Même si les navires commerciaux au Canada doivent être immatriculés par TC, beaucoup de navires ne le sont pas. Par contre, ils sont enregistrés auprès du MPO. Dans l'événement à l'étude, le Pop's Pride était enregistré comme bateau de pêche auprès du MPO, mais n'était pas immatriculé par TC.

    Si un bateau commercial n'est pas immatriculé par TC, l'organisme de réglementation responsable de la sécurité des bateaux de pêche ignore tout de l'existence, de l'état ou de la conformité de ce bateau aux règlements de sécurité applicables. Dans les cas des bateaux non immatriculés qui devraient, par leur taille, faire l'objet d'inspections périodiques, aucune inspection ne sera menée. Dans le cas des bateaux plus petits qui ne sont pas visés par des inspections périodiques, la non-immatriculation par TC pourrait indiquer que le propriétaire ou l'exploitant du bateau ignorent les règlements de sécurité qui s'appliquent à ce bateau ou ne s'y conforment pas. De plus, si TC ignore l'existence d'un bateau, il ne peut en faire d'inspection aléatoire de conformité.

    D'après le Règlement sur l'inspection des petits bateaux de pêche qui était en vigueur au moment de l'événement, le bateau en cause devait transporter une quantité minimale d'équipement de sécurité à bord. Le nouveau RSBP comprend également des exigences particulières relatives à l'équipement de sécurité et aux procédures d'exploitation sécuritaires pour les embarcations telles que le Pop's Pride. Si TC ignore tout d'un bateau non immatriculé, il n'a alors aucun moyen de s'assurer que le bateau est conforme aux exigences de sécurité de ce règlement.

    Si les bateaux de pêche commerciale ne sont pas tous immatriculés par TC, leurs capitaines et exploitants risquent de ne pas connaître les règlements de sécurité conçus pour accroître la sécurité des bateaux de pêche et des pêcheurs, ou de ne pas s'y conformer.

    En Colombie-Britannique, le MPO a mis en place une politique régionale pour s'assurer que les bateaux de pêche commerciale que l'on enregistre auprès du MPO sont également immatriculés par TC. Or, cette politique n'a pas été adoptée à l'échelle nationale. À Terre-Neuve-et-Labrador, le MPO a mis en place une politique régionale selon laquelle les pêcheurs doivent prouver qu'ils détiennent l'accréditation de pêcheur professionnel de niveau II du Professional Fish Harvesters Certification Board pour qu'on leur délivre un permis de pêche. On s'assure ainsi que les pêcheurs possèdent un niveau minimal d'expérience et de formation en sécurité. Ces politiques régionales en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve-et-Labrador illustrent la valeur de la collaboration entre les organismes responsables de la sécurité des pêcheurs.

    TC et le MPO ont signé un protocole d'entente (PE) pour collaborer relativement à la sécurité en mer, mais la politique d'enregistrement de bateaux du MPO ne tient pas compte de cette initiative de collaboration à l'échelle nationale. En effet, avant de délivrer un permis, le MPO ne confirme pas si le propriétaire ou l'exploitant a fait immatriculer son bateau par TC.

    Si TC et le MPO n'échangent pas leurs renseignements sur les navires, les bateaux de pêche commerciale risquent de ne pas être immatriculés par TC ou de ne pas se conformer à ses règlements de sécurité.

    2.6 Protocole d'entente

    TC et le MPO, les signataires du PE, s'occupent activement de l'enjeu de la sécurité en mer des pêcheurs commerciaux, comme en témoignent leur mise à jour et renouvellement du PE en 2015. Le MPO et TC ont tenu des réunions, et le MPO a invité des représentants de TC à plusieurs de ses réunions de consultation à Terre-Neuve-et-Labrador.

    Toutefois, les mesures de gestion pour la pêche d'intendance de la morue du Nord en 2016 ne tiennent pas compte des objectifs établis dans le PE. En fait, à certains égards, ces mesures contredisent les mesures de gestion diligente que le MPO a mises en œuvre pour améliorer la sécurité de certaines pêches.

    Dans sa réponse à 2 recommandations du BST, TC a fait valoir que ce PE était une initiative proactive visant à établir une culture de sécurité parmi les pêcheurs commerciaux. Concrètement toutefois, les principes mis en avant dans le PE ne sont pas uniformément appliqués dans les plans, pratiques et politiques qui ont une incidence sur les pêcheurs, comme le démontre l'événement à l'étude.

    De plus, l'enquête n'a permis de relever aucune trace indiquant que le MPO avait révisé la section « Sécurité en mer » des PGIP, l'un des objectifs du PE.

    On peut citer 3 exemples qui semblent démontrer le non-respect des objectifs établis par le PE : l'incidence de mesures particulières de gestion des pêches sur la sécurité, le degré de spécificité des sections « Sécurité en mer » des PGIP ainsi que les pratiques d'enregistrement des bateaux permettant d'enregistrer des bateaux de pêche auprès du MPO sans les faire immatriculer par TC.

    Si les principes mis en avant dans le PE signé par TC et le MPO ne sont pas uniformément appliqués dans les plans et politiques que mettent au point les deux ministères, ces plans et politiques risquent de ne pas améliorer la sécurité des pêcheurs.

    2.7 Questions de sécurité dans l'industrie de la pêche

    Dans le cadre de l'Enquête sur les questions de sécurité relatives à l'industrie de la pêche au Canada, on a regroupé les activités ayant une incidence sur la sécurité en 10 questions de sécurité importantes, et l'on a constaté qu'il existe des relations et des interdépendances complexes entre elles. L'Enquête analyse de façon plus poussée ces importantes questions de sécuritéNote de bas de page 64. Les pratiques et les procédures se rapportant à 3 des 10 questions de sécurité importantes définies dans le rapport de l'Enquête sont évidentes dans l'événement à l'étude.

    2.7.1 Gestion des ressources halieutiques

    Fait établi dans le cadre de l'Enquête sur les questions relatives à la sécurité Lien avec l'événement à l'étude
    Les pêcheurs sont en concurrence pour obtenir leur part des ressources; ils sont alors portés à courir des risques, p. ex. surcharger les bateaux, travailler alors qu'ils sont fatigués, sortir par mauvais temps. Le capitaine a effectué un voyage dans de mauvaises conditions météorologiques pour récupérer ses filets et atteindre son quota hebdomadaire avant la fin de la semaine, afin d'éviter de perdre le reste du quota ainsi que tout revenu en découlant.
    Les pêcheurs peuvent compromettre la stabilité de leur bateau quand ils font naviguer les bateaux dans des conditions pour lesquelles ils n'ont pas été conçus. Le capitaine est sorti dans des conditions qui dépassaient les conditions d'exploitation normales du bateau.
    Les pêcheurs sont exposés à des risques quand les mesures de gestion des ressources halieutiques ne prennent pas en compte la sécurité à toutes les étapes, de l'élaboration des politiques à la mise en pratique de celles‑ci. Les mesures de gestion des ressources halieutiques, comme les quotas hebdomadaires et les limites de temps durant lesquelles des engins de pêche peuvent demeurer sans surveillance, visent à assurer la viabilité économique du secteur et des stocks de poissons. Toutefois, elles tiennent peu compte de leur incidence sur la sécurité des pêcheurs.

    2.7.2 Engins de sauvetage

    Fait établi dans le cadre de l'Enquête sur les questions relatives à la sécurité Lien avec l'événement à l'étude
    Les pêcheurs équipent parfois leurs bateaux d'engins de sauvetage dans le seul but de se conformer à la réglementation. Le bateau ne transportait aucun engin de sauvetage non obligatoire, comme une RLS.

    2.7.3 Pratiques de travail sécuritaires

    Fait établi dans le cadre de l'Enquête sur les questions relatives à la sécurité Lien avec l'événement à l'étude
    Les pêcheurs modifient ou éliminent certaines pratiques de travail sécuritaires pour faire face aux pressions économiques. Le capitaine a effectué un voyage dans de mauvaises conditions météorologiques pour atteindre son quota hebdomadaire avant la fin de la semaine, afin d'éviter de perdre le reste du quota ainsi que tout revenu en découlant
    Les pratiques de travail dangereuses continuent de menacer la sécurité des pêcheurs et de leurs bateaux. Une combinaison de mesures de gestion des ressources halieutiques et de pressions économiques a probablement influé sur la décision de sortir malgré le mauvais temps.

    2.8 Interdépendance des questions de sécurité

    La sécurité des pêcheurs est compromise par de nombreuses questions de sécurité qui sont interreliées. Les questions de sécurité ci-après présentent des relations complexes et ont contribué à l'événement à l'étude :

    • la gestion des ressources halieutiques;
    • les pratiques de travail dangereuses; et
    • l'utilisation et la disponibilité des engins de sauvetage.

    Les tentatives entreprises par le passé pour résoudre ces problèmes de sécurité au cas par cas n'ont pas donné les résultats escomptés : c'est-à-dire un environnement plus sûr pour les pêcheurs. Le rapport d'Enquête sur les questions de sécurité relatives à l'industrie de la pêche au Canada souligne que, pour qu'une amélioration réelle et durable de la sécurité soit observée au sein de l'industrie de la pêche, les changements ne doivent pas seulement porter sur un des problèmes de sécurité liés à un accident, mais plutôt sur l'ensemble de ces problèmes, ce qui met en lumière leurs relations complexes et leur interdépendance. L'élimination d'une seule situation dangereuse peut empêcher qu'un accident se produise, mais ne réduit que légèrement les risques que posent les autres.

    La sécurité des pêcheurs continuera de présenter des lacunes tant que le milieu de la pêche ne reconnaîtra pas et ne traitera pas des relations complexes et de l'interdépendance des questions de sécurité.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. Au moment du départ du Pop's Pride, les conditions environnementales étaient mauvaises : les vents soufflaient à environ 25 nœuds, et les vagues atteignaient 2 m de hauteur.
    2. L'équipage a choisi de sortir dans de mauvaises conditions, même si elles dépassaient les conditions d'exploitation normales du bateau.
    3. Après la récupération des filets maillants, le bateau était lourdement chargée de 4 filets, d'une prise d'environ 700 livres et de 4 membres d'équipage, ce qui a réduit son franc-bord.
    4. L'embarcation a été envahie par les eaux et a sombré; les 4 membres d'équipage se sont ainsi retrouvés dans l'eau.
    5. Comme aucun signal de détresse n'a été transmis, aucun effort de sauvetage n'a été déployé avant que l'on signale le retard de l'embarcation.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Si des mesures propres à une pêche ne tiennent pas compte de leur impact sur la sécurité des pêcheurs, ces derniers, en l'absence d'une mesure donnée, risquent de mener leurs activités dans des conditions qu'ils éviteraient normalement. Par conséquent, ils compromettent tant la sécurité du navire que celle de l'équipage.
    2. Si les bateaux de pêche ne sont pas dotés d'appareils de communication pouvant transmettre un signal de détresse automatique, comme une radiobalise de localisation des sinistres, l'intervention de recherche et sauvetage peut être retardée, voire non lancée, ce qui augmente le risque de décès.
    3. Si les normes canadiennes de conception et de sécurité visant les bateaux non pontés n'exigent pas que les bateaux de pêche de 9 m de long ou moins soient construits de manière à offrir une flottabilité suffisante pour qu'ils demeurent à flot et à la verticale en cas d'envahissement par les eaux ou d'inondation, les probabilités de survie dans ces situations d'urgence sont réduites.
    4. Si tous les bateaux de pêche, y compris les bateaux existants, ne font pas l'objet d'une évaluation de stabilité qui comprend des renseignements compréhensibles et pertinents sur les activités qui leur sont propres, les pratiques d'exploitation risquent de compromettre leur stabilité.
    5. Si les bateaux de pêche commerciale ne sont pas tous immatriculés par Transports Canada, leurs capitaines et exploitants risquent de ne pas connaître les règlements de sécurité conçus pour accroître la sécurité des bateaux de pêche et des pêcheurs, ou de ne pas s'y conformer.
    6. Si Transports Canada et Pêches et Océans Canada n'échangent pas leurs renseignements sur les navires, les bateaux de pêche commerciale risquent de ne pas être immatriculés par Transports Canada ou de ne pas se conformer à ses règlements de sécurité.
    7. Si les principes mis en avant dans le protocole d'entente signé par Transports Canada et Pêches et Océans Canada ne sont pas uniformément appliqués dans les plans et politiques que mettent au point ces ministères, ces plans et politiques risquent de ne pas améliorer la sécurité des pêcheurs.
    8. La sécurité des pêcheurs continuera de présenter des lacunes tant que le milieu de la pêche ne reconnaîtra pas et ne traitera pas des relations complexes et de l'interdépendance des questions de sécurité.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    Le Bureau n'est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l'événement à l'étude.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Correction

    La référence à la Newfoundland and Labrador Fish Harvesting Safety Association et la note en bas de page numéro 28, qui décrit l'association, ont été supprimées de la dernière phrase du quatrième paragraphe de la section 1.10.2, Pêche d'intendance de la morue du Nord en 2016.

    La phrase se lit maintenant comme suit : « Aucun des points à l'ordre du jour ne portait sur la sécurité des pêcheurs, et aucun représentant de TC n'était présent. » Le texte de la note en bas de page numéro 28 a été ajouté à la note en bas de page numéro 24.

    Le Bureau a autorisé la présente correction le et la version corrigée du rapport a été publié le .

    Annexes

    Annexe A – Orifices d'évacuation

    Annexe B – Lieu de l'événement à l'étude

    Source : Google Earth, avec annotations du BST
    Image
    Lieu de l'événement à l'étude

    Annexe C – Carte de la zone de pêche de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest montrant les divisions 2J3KL

    Source : Pêches et Océans Canada, http://www.dfo-mpo.gc.ca/international/media/images/NAFOmap-carteOPANOlg-fra.jpg (dernière consultation le 16 novembre 2017)
    Image
    Carte de la zone de pêche de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest montrant les divisions 2J3KL