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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M18A0454

Envahissement par le haut et naufrage
Navire de pêche Atlantic Sapphire
Banc de Georges (Nouvelle-Écosse)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 13 décembre 2018, vers 23 h (heure normale de l’Atlantique), le navire de pêche Atlantic Sapphire a coulé au large du banc de Georges (Nouvelle-Écosse). Au moment de l’événement, 3 membres d’équipage étaient à bord. Le capitaine a lancé un message de détresse, et tous les membres d’équipage ont revêtu une combinaison d’immersion et sont montés à bord d’un radeau de sauvetage pour évacuer du navire qui coulait. Un navire de pêche à proximité a répondu au message de détresse et a secouru les membres d’équipage qui étaient à bord du radeau de sauvetage. Il y avait plus de 11 000 L de carburant à bord du navire lorsqu’il a coulé. Personne n’a été blessé et le navire a été déclaré perte totale.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

Tableau 1. Fiche technique du navire
Nom du navire Atlantic Sapphire
Numéro de l’Organisation maritime internationale 8964953
Numéro official / Numéro de permis 821664 / VRN 157272
Port d’immatriculation St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador)
Pavillon Canada
Type Chalutier
Jauge brute 130,57
Longueur 18,68 m
Construction 2000, T.W.L. Enterprises Limited
Propulsion Moteur diesel (459 kW) entraînant une seule hélice à pas fixe
Capacité en carburant 14,62 longues tonnes*
Équipage 3
Cargaison Environ 47 longues tonnes de poisson et de glace
Propriétaire enregistré et représentant autorisé Nova’s Finest Fisheries Inc., Middle West Pubnico (Nouvelle-Écosse)

*Une longue tonne correspond à 1016,05 kg. Les longues tonnes constituent l’unité de mesure utilisée tout au long du présent rapport afin de refléter les unités de mesure contenues dans le livret de stabilité du navire.

1.2 Description du navire

L’Atlantic Sapphire était un chalutier en fibre de verre dont la superstructure se trouvait sur la moitié avant du navire en majeure partie (figure 1). La superstructure était accessible à partir de 2 portes étanches sur le côté bâbord du pont principal.

Figure 1. Vue aérienne de l’Atlantic Sapphire (Source : Pêches et Océans Canada, avec annotations du BST)
Vue aérienne de l’<em>Atlantic Sapphire</em> (Source : Pêches et Océans Canada, avec annotations du BST)
  1. Pont avant
  2. Paravane d’amortissement du roulis
  3. Sabords de décharge
  4. Rampe arrière
  5. Tambour
  6. Passerelle
  7. Treuil de chalut
  8. Pont principal

On retrouve sur la passerelle les commandes de barre et de propulsion , le GPS (système de positionnement mondial), le radar, un échosondeur et un radiotéléphone à très haute fréquence avec système d’appel sélectif numérique (VHF-ASN), ainsi que les commandes pour le treuil de chalut et les pompes de cale du navire. C’est également sur la passerelle que l’on pouvait voir et entendre les alarmes de niveau d’eau élevé dans la cale. Une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) à dégagement libre était installée au-dessus de la passerelle du côté extérieur de la superstructure du navire.

Le rouf était situé sous la passerelle et on pouvait y accéder de la passerelle par des escaliers ou du pont principal par une porte. Le rouf comprenait également un escalier et une écoutille d’évacuation qui menait vers la salle des machines. En avant du rouf et en dessous du pont avant se trouvaient les quartiers d’équipage, qui étaient accessibles par une porte du rouf ou par une écoutille d’évacuation située sur le pont avant. Le pont avant était également accessible par une porte du côté bâbord de la passerelle. Un radeau de sauvetage d’une capacité de 6 personnes était entreposé sur le côté tribord du pont avant.

À l’avant de la passerelle se trouvait le pont-abri, qui était muni de 2 treuils de chalut et d’un tambour. Des paravanes d’amortissement du roulis étaient installés de chaque côté du pont.

Le pont principal du navire comprenait également des pavois et une rampe arrière. La rampe arrière comptait une porte en acier qui pouvait être remontée et abaissée à l’aide d’un dispositif hydraulique (figure 2). Il y avait 6 sabords de décharge dans les pavois autour du pont principal. Le pont principal pouvait être divisé en sections à l’aide de planches de séparationNote de bas de page 1 pour faciliter le tri du poisson sur le pont, ainsi que pour diriger le poisson vers les écoutilles désirées (figure 2). Le pont principal comportait 1 écoutille principale non étanche avec une hiloire qui permettait d’accéder à la cale à poisson au moyen d’une échelle, ainsi que 8 autres écoutilles encastrées étanches de plus petite taille qui donnaient sur la cale à poisson.

Figure 2. Vue du pont principal vers l’arrière, avec quelques planches de séparation installées (Source : Tierce partie, avec permission, avec annotations du BST)
Vue du pont principal vers l’arrière, avec quelques planches de séparation installées (Source : Tierce partie, avec permission, avec annotations du BST)
  1. Dispositif hydraulique pour rampe arrière
  2. Écoutille pour le 5e compartiment tribord
  3. Planche de séparation (rangée simple)
  4. Section tribord
  5. Section centrale
  6. Section bâbord
  7. Écoutille pour les 3e et 4e compartiments bâbord

La cale à poisson était constituée de cloisons fixes et de panneaux d’aluminium portatifs, ou planches de séparation. Ces planches pouvaient glisser dans des rails fixés aux cloisons afin de diviser la cale à poisson en compartiments (figure 3). La cale à poisson pouvait être divisée en un maximum de 15 compartiments, soit 5 à bâbord, 5 à tribord et 5 sur l’axe longitudinal du navire. Les planches créaient une séparation entre la prise et la glace, mais elles n’étaient pas étanches.

Figure 3. Schéma de la cale à poisson de l’Atlantic Sapphire, avec indications de l’emplacement du panneau d’accès non étanche (A), de l’échelle d’accès (B), des planches de séparation (lignes pointillées) et des écoutilles (cercles entre les compartiments) (Source : BST)
Schéma de la cale à poisson de l’Atlantic Sapphire, avec indications de l’emplacement du panneau d’accès non étanche (A), de l’échelle d’accès (B), des planches de séparation (lignes pointillées) et des écoutilles (cercles entre les compartiments) (Source : BST)

La cale à poisson, le compartiment de l’appareil à gouverner (cambuse) et la salle des machines se trouvaient tous sous le pont principal, et tous ces espaces avaient leur propre pompe de cale et une alarme de niveau d’eau élevé. On pouvait accéder au compartiment de l’appareil à gouverner à partir de la cale à poisson au moyen d’une ouverture recouverte par un panneau non étanche situé au centre de la cloison arrière (figure 4).

Figure 4. Vue de la cale à poisson vers l’arrière du navire, montrant l’accès au compartiment de l’appareil à gouverner (Source : Tierce partie, avec permission, avec annotations du BST)
Vue de la cale à poisson vers l’arrière du navire, montrant l’accès au compartiment de l’appareil à gouverner (Source : Tierce partie, avec permission, avec annotations du BST)
  1. Planches de séparation
  2. Compartiment 5S
  3. Accès non étanche au compartiment de l’appareil à gouverner

1.3 Déroulement du voyage

Le 12 décembre 2018, vers 18 hNote de bas de page 2, l’Atlantic Sapphire a quitté le quai de Dennis Point, à Pubnico-Ouest-le-bas (Nouvelle-Écosse). Le navire se dirigeait vers le banc de Georges, qui était à une distance de 105 milles marins (NM), pour pêcher l’aiglefin au chalut (figure 5). L’équipage était composé du capitaine, d’un officier de pont et d’un matelot de pont. Le navire, chargé de 12 longues tonnes de glace, est arrivé au banc à 7 h le 13 décembre et a commencé à chaluter.

Figure 5. Lieu de l’événement (Source : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)
Lieu de l’événement (Source : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)

L’équipage a remonté plusieurs fois le filet au cours de la journée, alors qu’il pêchait le long de la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis. Avant la dernière remontée du filet, la cale contenait environ 40 longues tonnes de glace et de poisson; tous les compartiments contenaient du poisson, à l’exception des compartiments 3P, 3C, 4C et 5C. Vers 22 h 30, les membres d’équipage ont remonté la dernière prise à bord du navire, qui était d’environ 7 longues tonnes, et prévoyaient de rentrer au port une fois la prise arrimée. Ils ont vidé le filet sur le pont principal et l’ont replacé sur le tambour avant de répartir le poisson uniformément sur le pont principal et de poser les planches de séparation.

Vers 22 h 40, une fois les planches de séparation en place, l’officier de pont a commencé à charger le poisson dans le compartiment 5S. Le matelot de pont est allé à la cale à poisson et a commencé à déverser de la glace des compartiments du centre vers le compartiment 5S pour garder le poisson au frais. Le capitaine a quitté la passerelle pour aider à casser la glace entreposée dans le compartiment 3P, puis à la transférer dans les compartiments centraux, en direction du compartiment 5S. Au même moment, les eaux étaient calmes et le vent était léger. Le navire dérivait et roulait légèrement avec une gîte sur tribord de 1°. Il y avait 4 autres navires de pêche à proximité.

Vers 22 h 48, l’officier de pont faisait face au côté bâbord du navire, à une bonne distance de l’écoutille ouverte, alors qu’il se préparait à charger du poisson dans le compartiment 5P. Vers 22 h 50, le roulis du navire s’est accentué. Avec chaque roulis, le navire gîtait un peu plus sur tribord, et l’eau de mer a commencé à envahir le pont principal par vagues et à pénétrer l’écoutille ouverte du compartiment 5S. L’officier de pont, qui se trouvait sur le pont principal, a informé le matelot de pont que le navire commençait à couler. Le matelot de pont a transmis cette information au capitaine. Le capitaine s’est immédiatement rendu sur la passerelle pour évaluer la situation.

Lorsque le capitaine est arrivé sur la passerelle, l’alarme de niveau d’eau élevé dans la cale à poisson retentissait. À ce stade, l’eau sur le pont ne s’évacuait plus et l’ensemble du quart arrière tribord du navire était envahi. Une fois que l’eau a commencé à pénétrer dans la cale à poisson par l’écoutille ouverte, le matelot de pont est allé sur le pont avant et s’est placé près du radeau de sauvetage. L’officier de pont a essayé de charger du poisson dans un compartiment à bâbord pour corriger la gîte, mais après quelques minutes, il est parti pour rejoindre le capitaine sur la passerelle.

Le capitaine a quitté la passerelle, a levé le paravane du côté tribord, puis est retourné à la barre. Il a mis la barre à tribord toute et la transmission en marche avant, puis a augmenté le régime pour essayer de contrebalancer la gîte sur tribord. Le navire a commencé à tourner à tribord, mais il a continué à gîter et à s’enfoncer davantage dans l’eau.

Le capitaine a donné l’ordre à l’officier de pont de récupérer les combinaisons d’immersion dans les quartiers d’équipage. L’officier de pont est parti pour exécuter l’ordre, mais est revenu à la passerelle après avoir évalué la gîte croissante du navire et la possibilité de se retrouver piégé dans les quartiers. Vers 23 h 02, le capitaine a lancé un appel de détresse sur le canal 4Note de bas de page 3 du radiotéléphone VHF et il a reçu la réponse d’une vigie à bord d’un navire non identifié. Le navire de pêche Angela O, qui remontait son chalut quelque 2 NM plus loin, a également entendu l’appel de détresse, et son équipage s’est préparé pour rejoindre l’Atlantic Sapphire. Le capitaine de l’Angela O pouvait voir les feux de l’Atlantic Sapphire et il a pu l’identifier sur le radar.

Le capitaine de l’Atlantic Sapphire s’est ensuite rendu aux quartiers pour récupérer les combinaisons d’immersion. Alors qu’il revenait sur la passerelle avec les 3 combinaisons, il a dû se frayer un chemin dans environ 1 m d’eau sur le pont principal. Une fois de retour à la passerelle, le capitaine et l’officier de pont ont revêtu les combinaisons. Après avoir revêtu sa combinaison, le capitaine s’est rendu compte qu’elle était trop grande. Toutefois, à ce moment-là, le navire gîtait à plus de 55° sur tribord; le capitaine et l’officier de pont ont dû grimper de la passerelle par la porte bâbord pour atteindre le pont avant, afin d’éviter de se retrouver piégés à l’intérieur de la passerelle.

Le capitaine et l’officier de pont sont arrivés sur le pont avant avec l’autre combinaison pour le matelot de pont. Ce dernier a essayé de la revêtir, mais elle était trop petite; il ne pouvait entrer qu’un bras dans la combinaison, et il ne pouvait pas la refermer complètement au moyen de la fermeture éclair.

À 23 h 09, l’équipage a mis le radeau de sauvetage à l’eau. La génératrice et le moteur ont calé, et le navire s’est arrêté. Une minute plus tard, l’officier de pont est monté à bord du radeau de sauvetage. Toujours sur le navire, le capitaine et le matelot de pont se sont retrouvés dans l’eau alors qu’il coulait. Une quantité importante d’eau s’est infiltrée dans leur combinaison avant qu’ils ne puissent monter à bord du radeau de sauvetage. Le navire qui coulait a tiré sur la bosse du radeau de sauvetage jusqu’à ce que la bosse se détache et libère le radeau.

L’Angela O est arrivé sur les lieux à 23 h 25. Après avoir repéré l’éclairage du radeau de sauvetage, les membres d’équipage de l’Angela O ont secouru les 3 membres d’équipage de l’Atlantic Sapphire.

À 23 h 29, le Centre conjoint de coordination de sauvetage de Halifax a reçu le signal émis par la RLS de l’Atlantic Sapphire. Les coordonnateurs de recherche et sauvetage ont récupéré les renseignements sur l’immatriculation du navire et ont tenté de communiquer avec son équipage, son propriétaire et l’équipage d’autres navires dans la zone de recherche. À 23 h 49, le centre de sauvetage a reçu un appel téléphonique du propriétaire du navire et a été informé que l’Atlantic Sapphire avait coulé et que l’équipage était à bord de l’Angela O en toute sécurité.

1.4 Conditions environnementales

Le 13 décembre 2018, les vents soufflaient du nord-ouest à une vitesse de 10 à 15 nœuds. Entre 18 h et 19 h, la visibilité a diminué à moins de 1 NM dans la neige. À 23 h, la vitesse du vent avait diminué à 8,5 nœuds avec des rafales à 12 nœuds avec une bonne visibilité. Les vagues étaient de 1 m en provenance de l’est-nord-est avec une périodeNote de bas de page 4 de 10,7 secondes. La température de l’air était de 0 °C et celle de l’eau de 8,5 °CNote de bas de page 5. Aucun avertissement météorologique n’était en vigueur pour ce secteur au moment de l’événement, et le navire n’a pas reçu d’embruns givrants.

1.5 Certification et inspection du navire

L’Atlantic Sapphire était assujetti au Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche (RSBP) et devait faire l’objet d’une inspection périodique par Transports Canada (TC) aux fins de certification, tous les 4 ans. Sa dernière inspection remontait au 16 septembre 2016; un certificat d’inspection avait été émis pour les voyages à proximité du littoral, classe 1, qui stipulait que le navire devait être à moins de 120 NM de la côteNote de bas de page 6. Le certificat était complété par un registre d’équipement de sécuritéNote de bas de page 7 et un document spécifiant les effectifs de sécuritéNote de bas de page 8.

1.5.1 Document spécifiant les effectifs de sécurité

Un document spécifiant les effectifs de sécurité précise le nombre minimal de membres d’équipage requis et les exigences minimales en matière de certification pour chaque membre d’équipage afin de naviguer en toute sécurité et de pouvoir intervenir en cas d’urgence durant le voyage prévu. TC délivre un document spécifiant les effectifs de sécurité conformément aux exigences du Règlement sur le personnel maritime (RPM)Note de bas de page 9, à la suite d’une évaluation du navire et du voyage prévu. L’évaluation ne tient pas compte du nombre de membres d’équipage requis et de leurs qualifications pour mener en toute sécurité d’autres opérations relatives au navire, comme la pêche. Un représentant autorisé (RA) du navire doit s’assurer que les exigences indiquées dans le document sont respectées.  

Le document spécifiant les effectifs de sécurité de l’Atlantic Sapphire indiquait que si le voyage prévu devait durer plus de 18 heures, au moins 3 membres d’équipage devaient être à bord du navire. L’équipage devait être composé d’un capitaine détenant un brevet de capitaine de troisième classe, bâtiment de pêche, d’un officier de pont détenant un brevet de capitaine de quatrième classe, bâtiment de pêcheNote de bas de page 10, et d’un autre membre d’équipage. Durant les voyages où il n’avait pas de temps de repos prévu pendant la nuit, une deuxième personne détenant un brevet (dans ce cas, l’officier de pont) était tenue d’effectuer des quarts à la passerelle, en plus du capitaine. Le document spécifiant les effectifs de sécurité précisait également que le système de quart du navire devait prévoir au moins 2 équipes de quartNote de bas de page 11 et que tous les membres du personnel de quart devaient détenir un certificat restreint d’opérateur radio – commercial maritime (CRO-CM) . Enfin, le document précisait que les 3 membres d’équipage devaient avoir suivi une formation relative aux fonctions d’urgence en mer (FUM) de niveau A1 .

L’Atlantic Sapphire était exploité avec les 3 membres d’équipage qui s’acquittaient individuellement des tâches de quart à la passerelle. Il était courant pour le matelot de pont d’assurer le rôle de vigie, bien qu’il ne détenait pas de brevet ou n’avait pas suivi la formation CRO-CM requise.

1.6 Certification et expérience du personnel

Le capitaine détenait un brevet de capitaine de troisième classe, bâtiment de pêche, qui était valide jusqu’au 28 septembre 2022. Il avait réussi les cours CRO-CM et FUM A1. Il avait plus de 20 ans d’expérience dans l’industrie de la pêche et était capitaine de l’Atlantic Sapphire depuis janvier 2018.

L’officier de pont détenait un brevet de capitaine de quatrième classe, bâtiment de pêche, qui était valide jusqu’au 25 novembre 2019. Il avait réussi les cours CRO-CM et FUM A1. Il avait 40 ans d’expérience dans l’industrie de la pêche et avait commencé à travailler à bord de l’Atlantic Sapphire en janvier 2018.

Le matelot de pont possédait 40 ans d’expérience en navigation. Il avait suivi un cours de FUM. Le voyage à l’étude était son 5e voyage à titre de matelot de pont à bord de l’Atlantic Sapphire.

1.7 Procédures et exercices de sécurité

Le RSBP exige que le RA et le capitaine d’un bâtiment de pêche établissent des procédures écrites en matière de sécurité et informent les personnes à bord du bâtiment de ces procédures Note de bas de page 12. Les procédures en matière de sécurité doivent porter sur :

Le RSBP indique également que des exercices sur les procédures en matière de sécurité doivent être effectués afin que les membres d’équipage aient les compétences nécessaires pour exécuter les procédures, et que chaque exercice soit consigné dans un registre à conserver pendant 7 ans. Le RA de l’Atlantic Sapphire avait élaboré un manuel de sécurité comprenant une liste de vérification avant le départ, des procédures d’urgence, un calendrier de maintenance, un registre de l’équipement de sécurité, ainsi que les coordonnées et la certification de chaque capitaine et officier de pont. Le manuel de sécurité ne contenait aucune autre instruction opérationnelle ni aucune autre affectation de fonctions. Aucun exercice de sécurité n’avait été effectué à bord du navire.

1.8 Méthodes et pratiques de quart à la passerelle

Au Canada, la conduite d’un navire par du personnel de quart est régie par la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, principalement par le Règlement sur les abordages et le Règlement sur le personnel maritime (RPM). Le Règlement sur les abordages tient compte de la nécessité qu’une vigie adéquate soit assurée en tout temps à bord des navires, par tous les moyens disponibles, et qu’une vitesse sûre adaptée aux circonstances soit maintenue Note de bas de page 13.

Le RPM exige que le capitaine d’un navire qui n’est pas solidement ancré dans un port ou solidement amarré à la rive doit faire en sorte que le quart à la passerelle soit assuré conformément aux parties 2, 3 et 3-1 de la section A-VIII/2 du Code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille adopté en vertu de la Convention internationale de 1995 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille Note de bas de page 14. Le Code indique qu’une veille satisfaisante doit être maintenue et fournit des directives sur l’organisation de l’équipe à la passerelle, l’exécution d’un quart à la passerelle, l’utilisation de l’équipement de navigation dont dispose l’officier de quart, et la façon de s’assurer que le navire suit le cap prévu.

Le RPM indique également à l’alinéa 216(2)b) qu’à bord d’un navire d’une jauge brute d’au moins 5, le quart à la passerelle doit comprendre au moins 1 personne responsable du quart à la passerelle et 1 personne additionnelle. Toutefois, l’officier chargé du quart à la passerelle est autorisé à être la seule vigie de jour et sous d’autres conditions Note de bas de page 15.

En vertu du RPM, 2 personnes devaient se trouver sur la passerelle de l’Atlantic Sapphire pendant les heures d’obscurité. À bord de l’Atlantic Sapphire, l’équipage avait l’habitude de tenir un quart à la passerelle d’une personne lorsque le navire était en déplacement (de jour ou de nuit). Une fois le navire arrivé au lieu de pêche, le capitaine restait à la passerelle jusqu’à ce qu’un membre de l’équipage le relève en fin de soirée. Le capitaine quittait parfois la passerelle pour aider les membres d’équipage à mener les activités halieutiques.

1.9 Livret de stabilité

Il y avait un livret de stabilité à bord de l’Atlantic Sapphire. Le livret avait été élaboré en 2013 et avait été approuvé par TC. Il contenait 7 exemples de conditions de stabilité correspondant à différentes situations de chargement du navire. L’une des conditions de stabilité décrit le navire qui quitte le lieu de pêche avec une pleine charge de poisson et de glace nécessaire pour garder le poisson au frais (appelée la condition de pleine charge). La charge maximale de poisson et de glace combinée était de 36,51 longues tonnes (composée au ⅔ de poisson de fond et au ⅓ de glace). Le livret de stabilité précisait qu’en condition de pleine charge, la 5e rangée de compartiments, le compartiment 3C et le compartiment 4C devaient rester vides, tandis que les autres compartiments devaient être remplis à une capacité de 90 %. Le calcul de la charge maximale de poisson et de glace était effectué en considérant que 25 % de la quantité maximale de carburant et d’eau étaient dans les réservoirs du navire. Le livret de stabilité contenait une note indiquant qu’il fallait marquer de façon permanente, dans la cale, le niveau représentant 90 % de sa capacité.

De plus, le livret de stabilité indiquait que le point d’envahissement par le haut du navire était le bord avant de l’écoutille principale non étanche, lorsque toutes les autres écoutilles étaient fermées et verrouillées. Les notes au capitaine et les notes sur les limites du navire du livret de stabilité sont illustrées à l’annexe B.

L’équipage a respecté certaines directives indiquées dans le livret de stabilité, comme consommer d’abord le carburant entreposé dans les réservoirs arrière, maintenir une assiette nulle au moment du chargement de la cale à poisson, utiliser les planches de séparation et charger les compartiments avant en premier. D’autres directives n’ont pas été respectées systématiquement; par exemple, le poids combiné des poissons et de la glace dans la cale à poisson dépassait souvent les 36,51 longues tonnes, et la cale à poisson ne portait pas de marque permanente pour indiquer le niveau représentant 90 % de sa capacité.

Le RA n’a fourni au capitaine aucune directive ni procédure opérationnelle écrite sur le chargement, à part s’assurer que le livret de stabilité se trouvait à bord. Le RA n’a pas publié d’avis sur la stabilité ni averti le capitaine de la surcharge lorsque la prise à bord du navire dépassait la charge maximale indiquée dans le livret de stabilité.

1.10 Analyse de la stabilité après l’événement

Le BST a confié à une firme d’architecture navale la tâche d’effectuer une analyse de la stabilité de l’Atlantic Sapphire après l’événement. Cette analyse était fondée sur le poids du navire à l’état lège Note de bas de page 16, comme indiqué dans le livret de stabilité, et sur la condition de charge estimée au moment de l’événement.

L’analyse de stabilité a permis de déterminer que la condition de charge estimée du navire au moment de l’événement dépassait de près de 19 longues tonnes la condition de pleine charge indiqué dans le livret de stabilité (tableau 2). Le tiers de la masse excédentaire était attribuable au carburant inutilisé. Dans cette condition de charge, l’analyse de stabilité a permis de déterminer que l’angle de gîte ou de roulis nécessaire pour immerger la bordure tribord du pont était d’environ 5°.

Tableau 2. Comparaison de la condition de pleine charge dans le livret de stabilité par rapport à la condition de charge au moment de l’événement (Source : BST)
Élément Poids maximal pour atteindre la condition de pleine charge, selon le livret de stabilité
(longues tonnes)
Poids au moment de l’événement*
(longues tonnes)
Poids excédentaire par rapport aux valeurs maximales dans le livret de stabilité (longues tonnes) 
Poisson et glace dans les cales 36,51
(⅔ de poisson, ⅓ de glace)
38,78 +2,27
Poisson sur le pont 0 7,53 +7,53
Glace restante dans la cale 0 0,79 +0,79
Eau douce 0,84 2,69 +1,85
Carburant Arrière : 0
Avant : 3,74
Arrière : 4,78
Avant : 5,46
+6,5
Quantité totale 41,09 60,03 +18,94

*Les valeurs présentées dans cette colonne sont estimées en fonction de rapports sur le chargement des compartiments à poisson ainsi que sur la glace, le carburant et l’eau restants.

Une analyse plus approfondie effectuée par le laboratoire du BST a permis de déterminer que les conditions en mer au moment de l’événement ont fait en sorte que l’Atlantic Sapphire, compte tenu de sa condition de charge estimée, a effectué un roulis avec un angle moyen de gîte d’environ 15°, jusqu’à un angle maximal de gîte de 18°. L’analyse a par ailleurs révélé que cet angle de gîte causé initialement par les conditions de mer a immergé le livet de pont et les sabords de décharge. Par conséquent, l’eau s’est accumulée dans le coin le plus à l’arrière du pont principal à tribord, ce qui a augmenté le poids du navire et a rendu le navire encore plus instable (figure 6). L’écoutille du compartiment 5S était ouverte pour charger le poisson et, conséquemment, l’eau sur le pont s’est infiltrée dans la cale à poisson par le coin arrière tribord.

1.11 Pratiques de pêche à bord de l’Atlantic Sapphire

Figure 6. Modèle représentant l’état de l’Atlantic Sapphire lorsque les activités de pêche ont été arrêtées. Les points indiquent l’emplacement des écoutilles au-dessus des compartiments 5P et 5S (Source : BST)
Modèle représentant l’état de l’Atlantic Sapphire lorsque les activités de pêche ont été arrêtées. Les points indiquent l’emplacement des écoutilles au-dessus des compartiments 5P et 5S (Source : BST)

Les pratiques de chargement et d’entreposage du poisson à bord de l’Atlantic Sapphire ont évolué de façon informelle au fil du temps et n’ont pas été consignées en tant que procédures officielles dans le manuel de sécurité du navire ou d’autres documents.

Un voyage de pêche à l’aiglefin typique commençait par le chargement de glace et de carburant par les membres d’équipage avant le départ. On chargeait 12 longues tonnes de glace dans les compartiments centraux et dans les compartiments 3S et 3P. Les réservoirs de carburant étaient remplis en fonction de la durée prévue du voyage; on utilisait d’abord le carburant entreposé dans les réservoirs arrière. Le navire se rendait sur les lieux de pêche pendant la nuit et les activités halieutiques commençaient au lever du soleil le lendemain. L’équipage pêchait continuellement durant le jour et la nuit jusqu’à ce qu’il ait la quantité de poisson désirée, ou jusqu’à ce que les conditions météorologiques se détériorent au point où il est impossible de pêcher. Habituellement, l’équipage visait à capturer près de 100 000 livres (44,6 longues tonnes) de poisson, tout en planifiant une arrivée en matinée pour décharger le poisson. Le permis de pêche de l’Atlantic Sapphire autorisait la pêche tout au long de l’année et l’équipage était payé en fonction d’un pourcentage de la valeur monétaire de la prise.

Au moment du chargement de la prise, les compartiments les plus à l’avant du navire étaient remplis en premier, puis l’équipage remplissait les compartiments vers l’arrière à mesure que le poisson était capturé, tout en s’assurant que les compartiments bâbord et tribord étaient chargés uniformément. À mesure que la glace fondait et que le poisson se tassait, on ajoutait plus de poisson dans les compartiments pour maximiser l’espace. L’équipage estimait la quantité totale de poisson à bord à un moment donné en se fondant sur les estimations du poids de chaque prise qu’il hissait à bordNote de bas de page 17. La quantité totale de poisson à capturer et la méthode de chargement de la prise étaient fondées sur l’expérience et les connaissances antérieures du capitaine; le capitaine avait déterminé que la charge maximale du navire était d’environ 44,6 longues tonnes et il savait que le navire avait déjà recueilli plus de 60 longues tonnes de poisson dans le passéNote de bas de page 18.

Entre décembre 2018 et décembre 2019, l’Atlantic Sapphire avait effectué 41 voyages de pêche. Chaque voyage avait duré en moyenne 3,95 jours, le plus long ayant duré 6 jours. Le voyage à l’étude était le seul de la dernière année où la condition de pleine charge avait été atteinte ou dépassée au cours d’une seule journée de pêche.

On pesait la quantité totale de poisson capturé à bord à la fin de chaque voyage. On ne pesait pas la quantité de glace qui restait dans la cale après chaque voyageNote de bas de page 19. Le poids moyen du poisson capturé à bord par voyage était de 36 longues tonnes, le plus grand débarquement étant de 49,7 longues tonnes. La figure 7 présente le poids total des prises, excluant la glace, de l’Atlantic Sapphire entre décembre 2017 et décembre 2018. La ligne rouge unie indique le poids maximal de poisson et de glace que le navire peut entreposer dans la cale, conformément au livret de stabilité. La ligne noire pointillée indique le poids maximal du poisson, la glace étant comptabilisée comme ⅓ de la charge. Pour 37 des 41 voyages, la quantité totale de poisson capturé dépassait le poids maximal du poisson indiqué dans le livret de stabilité. Pour 23 des 41 voyages, la quantité totale de poisson dépassait à elle seule le poids maximal du poisson et de la glace comme indiqué dans le livret de stabilité.

Figure 7. Le poids des prises* de l’Atlantic Sapphire entre décembre 2017 et décembre 2018 (Source : BST)
Le poids des prises* de l’Atlantic Sapphire entre décembre 2017 et décembre 2018 (Source : BST)

* Le poids supplémentaire de la glace qui restait à bord après que le poisson eut été capturé n’est pas indiqué dans cette figure.

1.12 Permis de pêche commerciale

Pour effectuer l’exploitation commerciale de toute vie marine dans les eaux de marée de la Nouvelle-Écosse, le propriétaire ou le RA d’un navire doit s’assurer de détenir un permis de pêche pour l’espèce qu’il souhaite capturer Note de bas de page 20. Le ministère des Pêches et des Océans (MPO) est responsable de la délivrance des permis de pêche commerciale. Le MPO tient également une base de données relative à la pêche commerciale au Canada, qui comprend des éléments comme l’historique des débarquements.

Le RA de l’Atlantic Sapphire détenait 5 permis l’autorisant à pêcher du poisson de fond. Comme condition de permis pour l’Atlantic Sapphire, le capitaine était tenu de déclarer les données sur les prises dans le document de surveillance Note de bas de page 21 de ce permis. De plus, un vérificateur à quai était tenu de consigner le poids du débarquement, et le navire devait participer à un programme d’observation en mer et être muni d’un appareil de surveillance du navire Note de bas de page 22. Les renseignements recueillis comme condition de permis ont été consignés et tenus à jour par le MPO.

1.13 Combinaisons d’immersion

Les combinaisons d’immersion procurent une capacité de flottaison pour réduire au minimum le risque de noyade, ainsi qu’une protection thermique pour retarder l’apparition de l’hypothermie. L’efficacité d’une combinaison d’immersion pour prévenir l’hypothermie dépend de son ajustement à la personne qui la porte, afin d’éviter que l’eau s’y infiltre. Le RSBP stipule que les bâtiments de pêche d’une longueur d’au plus 24,4 m et d’une jauge brute maximale de 150 effectuant certains voyages doivent avoir une combinaison d’immersion de la bonne taille pour chaque personne à bord.

Au moment de l’événement à l’étude, il y avait 5 combinaisons d’immersion à bord de l’Atlantic Sapphire, entreposées dans les quartiers d’équipage. Quatre étaient des combinaisons d’immersion de taille universelle pour adultes et une combinaison d’immersion de taille très grande. L’un des membres d’équipage de l’Atlantic Sapphire avait identifié sa combinaison d’immersion en y inscrivant son nom. À l’exception de cette inscription, on n’a relevé aucune preuve d’une méthode pour s’assurer qu’une combinaison correctement ajustée est attribuée à chaque membre d’équipage lors d’un voyage donné. La liste de vérification avant le départ comprenait un élément selon lequel l’équipage devait vérifier le nombre et la taille des gilets de sauvetage, mais n’incluait pas d’élément semblable pour les combinaisons d’immersion.

L’Office des normes générales du Canada exige que les combinaisons d’immersion qui ne sont pas de taille universelle soient clairement identifiées afin qu’elles ne soient pas sélectionnées par inadvertance en cas d’urgenceNote de bas de page 23. La norme précise que ces combinaisons, ainsi que leur sac de rangement, doivent porter une indication permanente avec les mots suivants en caractères d’une taille minimale de 10 mm Note de bas de page 24 :

AVERTISSEMENT

CETTE COMBINAISON EST DESTINÉE À UNE PLAGE DE TAILLES LIMITÉE ET N’EST PAS APPROPRIÉE POUR UNE DISTRIBUTION INCONTRÔLÉE EN CAS D’URGENCE.

La combinaison de taille très grande à bord de l’Atlantic Sapphire avait été approuvée conformément à la norme de l’Office des normes générales du Canada. Elle était conservée dans un sac de rangement portant l’indication « XXL » (très très grande), mais ni la combinaison ni le sac de rangement ne portaient l’avertissement cité ci-dessus.

1.14 Radiotéléphone à très haute fréquence avec système d’appel sélectif numérique

Les navires de pêche pontés de plus de 8 mètres de longueur doivent être munis d’un radiotéléphone VHF-ASN qui peut transmettre un message de détresse automatique lorsqu’on appuie sur un bouton. Si le radiotéléphone VHF-ASN est installé, enregistré et programmé avec une identité du service mobile maritime, le message de détresse fournit automatiquement les renseignements d’identification du navire et l’heure du message. Si le radiotéléphone VHF-ASN est intégré au GPS du navire, sa position sera également transmise.

Un message de détresse VHF-ASN est une transmission numérique qui a une portée plus grande qu’un appel vocal effectué au moyen d’un radiotéléphone VHF. La nature numérique du message de détresse minimise également le risque que les transmissions vocales soient coupées ou perdues. Lorsqu’un message de détresse de l’ASN atteint un autre navire se trouvant à portée de transmission, le radiotéléphone VHF-ASN de ce navire passe automatiquement au canal 16 (canal d’urgence) afin d’accroître les probabilités que le message vocal de détresse suivant soit entendu. Le message de détresse de l’ASN active également une alarme sonore à bord des navires munis d’un radiotéléphone VHF-ASN et à portée de transmission, afin de les alerter du message de détresse. Le message de détresse de l’ASN continuera d’être répété automatiquement jusqu’à ce qu’il soit annulé par l’émetteur ou jusqu’à ce que le destinataire ait accusé réception du message, qui est normalement une station radio côtière (comme les Services de communication et de trafic maritimes).

L’Atlantic Sapphire était muni d’un radiotéléphone VHF-ASN enregistré, programmé et intégré au GPS du navire. Pendant l’événement, on n’a toutefois pas appuyé sur le bouton permettant d’envoyer un message de détresse automatique.

1.15 Surveillance de la sécurité de la pêche commerciale

La surveillance de la sécurité des activités de pêche commerciale est une responsabilité commune des capitaines et des RA, ainsi que des organismes de réglementation fédéraux et provinciaux.

La Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada stipule que le capitaine d’un bâtiment doit prendre toutes les mesures utiles pour assurer la sécurité du bâtiment et des personnes qui sont à son bord Note de bas de page 25. De plus, elle stipule que le RA doit agir à l’égard de toute question relative au bâtiment dont aucune autre personne n’est responsable. Plus précisément, le RA d’un bâtiment est chargé de veiller à ce que le bâtiment ainsi que ses machines et son équipement respectent la réglementation; d’élaborer des règles d’exploitation sécuritaire du bâtiment et la procédure à suivre en cas d’urgence; et de veiller à ce que l’équipage et les passagers reçoivent une formation en matière de sécurité Note de bas de page 26.

De plus, le RSBP indique que le capitaine et le RA sont tous deux chargés de veiller au respect de la réglementation Note de bas de page 27.

1.15.1 Organismes de réglementation fédéraux

TC et le MPO jouent tous deux des rôles en matière de réglementation fédérale de la pêche commerciale. Bien que le MPO soit responsable de la gestion des pêches, dans le but d’assurer la pérennité des ressources et la viabilité économique de cette industrie, il n’est pas responsable de la sécurité des pêcheurs ni des navires de pêche. La sécurité des navires, y compris celle des navires de pêche, incombe à TC, tandis que l’accessibilité des voies navigables du Canada, y compris les activités de recherche et sauvetage maritime, incombe à la Garde côtière canadienne. Bon nombre de leurs responsabilités sont toutefois interreliées, et les mesures que prend un organisme pour remplir son mandat peuvent avoir des répercussions sur un autre volet de la pêche et, par conséquent, sur la sécurité des pêcheurs.

En 2006, TC, le MPO et la Garde côtière canadienne ont signé un protocole d’entente (PE) pour assurer la collaboration relativement à la sécurité des pêcheurs commerciaux en mer. Le PE stipule que chacun de ces organismes doit établir des principes visant à promouvoir une culture de sécurité et tenir compte de la sécurité des pêcheurs commerciaux au moment de créer ou de réviser des règles, règlements, politiques ou plans qui les concernent.

Toujours d’après ce PE, ces organismes doivent se réunir, au besoin, pour discuter des lacunes de sécurité concernant les navires de pêche. De plus, TC et le MPO doivent se réunir avant la tenue de la réunion nationale du Conseil consultatif maritime canadien. Tous les organismes nationaux et régionaux participants doivent discuter des lacunes de sécurité dans le cadre de ce processus de consultation, et toute décision qui en découle doit figurer dans le plan de gestion intégrée des pêches. Depuis janvier 2015, la plupart des réunions convenues selon le PE ont eu lieu.

Le MPO a également signé une lettre d’entente en vertu du PE, qui permet la communication des données du MPO à TC aux fins de la sécurité des navires de pêche commerciale et d’autres activités connexes, comme la sensibilisation, la surveillance de la conformité ou les enquêtes. Le MPO collabore actuellement avec TC dans les régions du Pacifique et du Québec dans le cadre d’un projet pilote visant à échanger des renseignements sur l’immatriculation des navires afin d’identifier les navires de pêche immatriculés auprès du MPO qui ne sont pas dûment immatriculés auprès de TC.

1.15.2 Province de la Nouvelle-Écosse

La sécurité en milieu de travail des équipages, lorsqu’ils effectuent des activités halieutiques, relève de la compétence provinciale. L’Occupational Health and Safety Act de la Nouvelle-Écosse stipule que les employés et les propriétaires ont une responsabilité commune en matière de santé et de sécurité des personnes en milieu de travail. Le ministère provincial responsable de la santé et de la sécurité au travail a un rôle à jouer dans l’établissement et la clarification des responsabilités du propriétaire et des employés. Il lui incombe de les aider à s’acquitter de leurs responsabilités et d’intervenir de façon appropriée lorsque ces responsabilités ne sont pas exercées Note de bas de page 28.

Selon le Labour Standards Code de la Nouvelle-Écosse Note de bas de page 29, la pêche est considérée comme une activité industrielle. En Nouvelle-Écosse, il existe des règlements provinciaux qui établissent des exigences et des procédures de sécurité particulières pour des industries comme la plongée commerciale, l’exploitation minière souterraine, le transport pipelinier, le transport ferroviaire et la régulation du trafic Note de bas de page 30. Il n’existe cependant pas de règlements ni d’exigences provinciaux propres à la pêche commerciale.

1.16 Fatigue

La fatigue est omniprésente dans notre société, et elle a des conséquences importantes sur les rôles essentiels à la sécurité dans l’industrie maritime. Les perturbations du sommeil ou des habitudes de sommeil chez les personnes occupant des rôles essentiels pour la sécurité peuvent réduire le rendement et augmenter le risque d’incidents et d’accidents. Il est établi que la fatigue augmente le temps de réaction, augmente la prise de risques et réduit la capacité d’une personne à résoudre des problèmes complexes. Plus généralement, la fatigue perturbe l’attention, la vigilance et les fonctions cognitives en général.

Plusieurs facteurs sont propices à la fatigue, notamment le manque aigu ou chronique de sommeil, les effets des rythmes circadiens du corps (particulièrement pendant les quarts de nuit), l’état d’éveil constant et les troubles du sommeil. Parmi les autres facteurs pouvant avoir des répercussions sur la capacité d’une personne d’obtenir un sommeil réparateur, on retrouve les facteurs individuels (par exemple, matinalité/vespéralité Note de bas de page 31 et capacité à faire des siestes), la nature du travail (par exemple, une charge de travail faible ou élevée) et le type d’horaire de travail (par exemple, quarts fractionnés Note de bas de page 32). La fatigue augmente et le rendement se détériore à mesure que la durée des quarts de travail se prolonge. Le risque d’accident devient critique après 12 heures de travail constant Note de bas de page 33.

En raison du rythme circadien de chacun Note de bas de page 34, les périodes de repos diurnes peuvent être moins réparatrices que les périodes de repos nocturnes. Pour que le sommeil soit réparateur, il est préférable de dormir la nuit, de 7 à 9 heures d’affilée Note de bas de page 35, Note de bas de page 36, de sorte que tous les stades du sommeil Note de bas de page 37 aient lieu pendant chaque période de sommeil nocturne. Le rythme circadien d’une personne fait également en sorte que les fonctions cognitives et le rendement général sont à leur plus bas pendant la nuit. Ce phénomène peut se produire même en l’absence de fatigue Note de bas de page 38; le rendement général d’une personne peut diminuer pendant un creux circadien même si elle n’est pas fatiguée.

1.16.1 Fatigue dans l’industrie de la pêche

Dans l’industrie de la pêche, les membres d’équipage sont généralement rémunérés en répartissant les profits des débarquements. En limitant le nombre de membres d’équipage à bord d’un navire au plus petit effectif permis par la réglementation, les membres d’équipages peuvent maximiser leur revenu. Les risques de fatigue augmentent lorsque l’équipage est plus petit, car on demande aux membres d’équipage de travailler plus longtemps, selon un horaire irrégulier et sur de plus grandes périodes, en leur offrant peu d’occasions d’obtenir un sommeil ininterrompu de bonne qualité Note de bas de page 39.

Les repas, les corvées personnelles, les changements de quart et les interruptions imprévues (comme de l’équipement endommagé) peuvent empêcher les membres d’équipage d’obtenir suffisamment de sommeil pendant les heures allouées Note de bas de page 40.

1.16.2 Effectif du navire et exigences concernant les heures de travail et de repos

D’un point de vue réglementaire, la fatigue dans l’industrie maritime au Canada est abordée par le RPM, qui intègre les exigences énoncées dans le Code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille. Le RPM stipule ce qui suit en ce qui a trait au capitaine et à chaque membre d’équipage à bord de bâtiments de pêche d’une jauge brute de plus de 100 Note de bas de page 41 dans les eaux canadiennes et dans le cadre de voyages à proximité du littoral :

Le tableau 3 contient un exemple d’horaire qui répond aux exigences du RPM pour un équipage de 3 personnes, à bord d’un navire d’une jauge brute de plus de 100, dans le cadre d’un voyage qui n’alloue aucun temps de repos au port . Cet exemple tient compte d’une vigie constante Note de bas de page 43 et ne permet la tenue d’aucune activité autre que la navigation.

Tableau 3. Exemple d’un horaire de navigation de 48 heures avec 3 membres d’équipage, conformément aux règles stipulées dans le RPM (Source : BST)
  Jour 1 Jour 2
Rôle De 0 h à 8 h De 8 h à 16 h De 16 h à 0 h De 0 h à 8 h De 8 h à 16 h De 16 h à 0 h
Capitaine Repos de 8 heures Tenue de quart Tenue de quart Repos de 8 heures Tenue de quart Tenue de quart
Officier de pont Tenue de quart Repos de 8 heures Vigie Tenue de quart Repos de 8 heures Vigie
Membre d’équipage Vigie Vigie Repos de 8 heures Vigie Vigie Repos de 8 heures

Le Labour Standards Code de la Nouvelle-Écosse exige un repos ou une pause-repas d’au moins 30 minutes pour chaque tranche de 5 heures de travail, mais ne fait pas état de périodes de repos en termes d’heures ou de jours.

1.16.3 Horaire de travail et de repos à bord de l’Atlantic Sapphire

Au cours des 12 mois précédant l’événement, un voyage régulier de pêche à l’aiglefin à bord de l’Atlantic Sapphire comprenait 12 heures de déplacement de nuit vers les lieux de pêche, 4 jours de pêche continue et le retour au port de nuit. Lorsque le navire était en déplacement, chaque membre d’équipage devait tenir un quart de 3 à 4 heures d’une personne. L’horaire était établi de sorte que le capitaine termine sa période de repos de 6 à 8 heures à l’arrivée du navire sur les lieux de pêche. Le capitaine était à la passerelle jusqu’à ce qu’il ait besoin de se reposer de nouveau, et les autres membres d’équipage allaient travailler sur le pont, en prenant du temps de repos lorsqu’ils le pouvaient pendant le trait de chalut ou avant le trait suivant.

Bien que les membres d’équipage n’aient pas consigné leurs périodes de repos, les horaires typiques de travail et de repos de l’équipage pendant les activités halieutiques pouvaient être estimés à l’aide du document de surveillance du navire. Lors d’un précédent voyage de pêche du 5 au 9 décembre 2018, 3 jours consécutifs avaient été consacrés à la pêche. Pendant les 80 heures de pêche, la plus longue période de repos possible était de 4 heures 39 minutes. La durée moyenne d’un trait de chalut était de 3 heures 48 minutes, et le délai moyen entre chaque trait était de 54 minutes (annexe A).

Pour ce qui est du voyage à l’étude, le capitaine et les membres d’équipage de l’Atlantic Sapphire avaient prévu de travailler 4 jours et 3 nuits, ce qui comprenait le déplacement vers le banc de Georges et le voyage de retour. D’après l’horaire, le travail de l’équipage pour ce voyage avait commencé le 12 décembre 2018 à 14 h, une fois que l’équipage eut chargé le carburant et le glace à bord du navire. L’événement s’est produit le 2e jour de travail de l’équipage, après que celui-ci eut pêché durant 16 heures. Avant cette journée de pêche, l’un des membres d’équipage avait accumulé de 3 à 4 heures consécutives de service additionnel (de 19 à 20 heures au total) à titre d’officier de quart. Pendant cette période de 16 heures, l’équipage a pêché environ 33 longues tonnes de poisson; cette quantité est généralement capturée par l’équipage au bout de 4 jours de pêche.

1.17 Adaptation au milieu de travail

Les gens respectent rarement à la lettre les règles et les instructions, pour des raisons et selon des manières qui leur semblent justifiées, dictées par les circonstances, leurs connaissances et leurs objectifs Note de bas de page 44. On entend par adaptation la décision délibérée d’agir à l’encontre d’une règle ou d’une procédure. Les politiques et les procédures sont prescrites dans le but de fixer des limites sécuritaires pour les opérations; cependant, les personnes et les équipages peuvent jouer avec ces limites afin d’être plus productifs ou pour en tirer d’autres avantages. Il peut en résulter des versions adaptées des procédures qui mènent à des pratiques dangereuses Note de bas de page 45. Si rien n’est fait pour y remédier, les membres d’équipage ont tendance à se communiquer entre eux les versions adaptées qui fonctionnent bien (c’est-à-dire celles qui n’entraînent pas d’accident ni d’incident). Il est peu probable que les personnes utilisant ces versions adaptées y voient un écart par rapport aux procédures. Les adaptations se transforment en comportement normal, et il devient peu probable de déceler le risque connexe Note de bas de page 46.

1.18 Enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada

En août 2009, les questions de sécurité relatives aux navires de pêche au Canada ont fait l’objet d’une enquête approfondie menée par le BST. Le rapport finalNote de bas de page 47, publié en juin 2012, offre une vue d’ensemble des questions de sécurité dans l’industrie de la pêche au pays, tout en révélant les relations complexes et les interdépendances qui existent entre elles. Les importantes lacunes de sécurité suivantes ont retenu l’attention du Bureau : la stabilité, les engins de sauvetage, la gestion des ressources halieutiques, le coût de la sécurité, l’information sur la sécurité, les pratiques de travail sécuritaires, l’approche réglementaire en matière de sécurité, la fatigue, la formationNote de bas de page 48 et les statistiques de l’industrie de la pêche Ces 10 enjeux font partie du quotidien de la pêche commerciale au Canada.

1.19 Recommandations antérieures

1.19.1 Stabilité

1.19.1.1 Recommandation M94-33 du BST

Pendant le trajet entre Cap-aux-Meules aux Îles-de-la-Madeleine et Rivière-au-Renard (Québec), le 13 décembre 1990, le bateau de pêche Le Bout de Ligne est disparu avec tous ses occupants. La cause la plus probable est le chavirement soudain du bateau par gros temps à cause d’une perte de stabilité transversale.

Le Bureau a terminé son enquête et le rapport d’enquête M90L3033 a été publié le 16 décembre 1994. L’enquête a permis de déterminer que, puisque la plupart des pêcheurs ne possédaient pas une véritable formation en matière de stabilité, ils n’étaient pas en mesure de faire des projections pour déterminer la stabilité de leur navire dans différentes conditions. Il s’est ensuivi que des renseignements essentiels pouvaient passer inaperçus. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports établisse des lignes directrices relatives aux livrets de stabilité, de façon que les renseignements qu’ils renferment soient présentés sous une forme simple, claire et utilisable par les usagers.
Recommandation M94-33 du BST

Depuis la publication de la recommandation M94-33, le BST fait un suivi annuel auprès de TC sur les mesures à prendre pour donner suite à la recommandation. TC a fourni des réponses pour indiquer toutes les mesures qui ont été prises, et le BST a évalué ces réponses. L’historique de ces réponses, ainsi que la plus récente évaluation par le BST de la réponse de TC (datée de janvier 2019) sont disponibles sur le site Web du BSTNote de bas de page 49.

1.19.1.2 Recommandation M16-02 du BST

Le 5 septembre 2015, le chalutier Caledonian a chaviré à 20 NM à l’ouest du détroit Nootka (Colombie-Britannique), avec 4 membres d’équipage à bord. Après le chavirement, la Garde côtière canadienne a secouru un membre de l’équipage et récupéré les corps du capitaine et des 2 autres membres de l’équipage.

Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport M15P0286 le 14 décembre 2016. L’enquête a permis de déterminer que les équipages des bateaux de pêche doivent avoir accès à des renseignements adéquats sur la stabilité afin de pouvoir établir des limites d’exploitation sécuritaire. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports établisse des normes applicables à tous les petits bateaux de pêche qui ont fait l’objet d’une évaluation de stabilité pour faire en sorte que leurs renseignements sur la stabilité soient pertinents et que l’équipage y ait facilement accès.
Recommandation M16-02 du BST

Depuis la publication de la recommandation M16-02, le BST fait un suivi annuel auprès de TC sur les mesures à prendre pour donner suite à la recommandation. TC a fourni des réponses pour indiquer toutes les mesures qui ont été prises, et le BST a évalué ces réponses. L’historique de ces réponses, ainsi que la plus récente évaluation par le BST de la réponse de TC (datée de janvier 2020) sont disponibles sur le site Web du BSTNote de bas de page 50.

1.19.2 Fatigue

1.19.2.1 Recommandations M18-01 et M18-02 du BST

Le 13 octobre 2016, l’ensemble remorqueur-chaland articulé composé du remorqueur Nathan E. Stewart et du chaland-citerne DBL 55 s’est échoué environ 10 NM à l’ouest de Bella Bella (Colombie-Britannique).

Le Bureau a conclu son enquête et a publié le rapport M16P0378 le 31 mai 2018. L’enquête a permis de déterminer que, bien que la fatigue soit généralement acceptée comme étant une condition inévitable au sein du secteur maritime et reconnue comme étant un facteur contribuant à de nombreux accidents maritimes, on constate une méconnaissance des facteurs qui peuvent causer la fatigue. En permettant aux officiers de quart de comprendre ces facteurs et les mesures concrètes qu’ils peuvent appliquer pour en réduire les effets, on pourrait constater une réduction considérable du nombre d’événements liés à la fatigue. Par conséquent, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports exige que les officiers de quart dont les périodes de travail et de repos sont régies par le Règlement sur le personnel maritime participent à un cours pratique sur la fatigue et une formation en sensibilisation pour les aider à reconnaître et à atténuer les risques de fatigue.
Recommandation M18-01 du BST

L’enquête a également permis de déterminer que la mise en place d’un programme de formation et de sensibilisation efficace à l’intention des officiers de quart constitue une étape qui aidera le secteur maritime à aller au-delà de la réglementation en ce qui concerne l’atténuation des risques de fatigue. En mettant en œuvre des plans de gestion de fatigue complets au sein du secteur maritime, la politique en gestion de la fatigue du secteur correspondra aux politiques déjà en place dans les secteurs du transport ferroviaire et aérien. Par conséquent, le Bureau a aussi recommandé que

le ministère des Transports oblige les exploitants de navires qui emploient des officiers de quart dont les périodes de travail et de repos sont régies par le Règlement sur le personnel maritime à mettre en œuvre un programme de gestion de la fatigue complet et adapté à leurs activités, et ce, pour réduire les risques de fatigue.
Recommandation M18-02 du BST

Depuis la publication des recommandations M18-01 et M18-02, le BST fait un suivi annuel auprès de TC sur les mesures à prendre pour donner suite à la recommandation. TC a fourni des réponses pour indiquer toutes les mesures qui ont été prises, et le BST a évalué ces réponses. L’historique de ces réponses, ainsi que la plus récente évaluation par le BST des réponses de TC (datées de janvier 2020) sont disponibles sur le site Web du BSTNote de bas de page 51,Note de bas de page 52.

1.20 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

La sécurité de la pêche commerciale et la fatigue figurent sur la Liste de surveillance 2020. Comme l’événement à l’étude l’a démontré, des lacunes subsistent en ce qui a trait à la stabilité du navire, à l’effectif adéquat, à l’état de préparation aux urgences et à la fatigue.

MESURES À PRENDRE

La sécurité de la pêche commerciale demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment d’indices qu’une saine culture de sécurité s’est établie à l’échelle de l’industrie et dans les communautés de pêcheurs partout au pays, notamment :

  • Les autorités fédérales et provinciales coordonnent la surveillance réglementaire des pêches commerciales.
  • TC, les autorités provinciales de sécurité au travail et les associations de pêcheurs font la promotion des lignes directrices conviviales existantes en matière de stabilité des bateaux, qui ont été conçues pour réduire le nombre de pratiques non sécuritaires.
  • Grâce au leadership manifesté par l’industrie et les militants pour la sécurité, on constate des signes marqués et généralisés que les pêcheurs prennent leur sécurité en charge, en particulier à l’égard de l’utilisation de lignes directrices en matière de stabilité, de VFI, de combinaisons d’immersion, d’appareils de signalisation d’urgence et de méthodes de travail sécuritaires.

1.21 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

L’enquête a permis de déterminer que la surcharge causée par le poids combiné du poisson, de la glace, du carburant et de l’eau douce à bord de l’Atlantic Sapphire a compromis sa stabilité. L’analyse portera sur la stabilité du navire, l’effectif de sécurité, l’état de préparation aux urgences, la fatigue et la surveillance de la sécurité des navires de pêche commerciale.

2.1 Facteurs ayant conduit au naufrage

Avant de remonter la dernière prise (environ 7,53 longues tonnes) à bord, l’Atlantic Sapphire contenait déjà plus de poisson et de glace (estimé à 38,78 longues tonnes) dans la cale que la charge maximale spécifiée dans le livret de stabilité (36,51 longues tonnes). Son franc-bord et sa stabilité ainsi compromis, le navire est devenu plus vulnérable à un envahissement.

Au cours du voyage à l’étude, l’équipage a capturé une pleine charge de poisson en moins de temps que pendant tout autre voyage effectué cette année-là, de sorte qu’il y avait plus de carburant, d’eau douce et de glace à bord que d’habitude. L’équipage n’a pas pris conscience du risque que la surcharge posait sur la stabilité du navire. Par conséquent, il n’a pas pris de précautions contre le risque d’envahissement et de chavirement.

Une fois la dernière prise à bord du navire, sa stabilité a été encore plus compromise; le mouvement de roulis dû aux conditions de mer a suffi à immerger le livet de pont, et l’eau de mer a commencé à s’accumuler sur le pont principal. L’eau a ensuite envahi la cale à poissons par l’écoutille ouverte.

Le capitaine a quitté la passerelle pour aider l’équipage à charger la dernière prise; ainsi, lorsque le pont principal a été inondé, l’équipage n’a pas pris conscience de la situation avant que l’eau n’infiltre la cale à poisson. L’envahissement progressif dans les compartiments du navire a causé la gîte sur tribord du navire et la réduction du franc-bord jusqu’à ce que le navire coule.

2.2 Limites de stabilité

L’exploitation d’un navire en respectant ses limites de stabilité est essentielle à la sécurité du navire, de l’équipage et de l’environnement, tout particulièrement dans le cas des activités de pêche commerciale, où le poids des prises hissées sur le pont avant d’être entreposées conformément au livret de stabilité varie. Le représentant autorisé (RA) du navire doit s’assurer que le capitaine et l’équipage comprennent bien les limites de stabilité du navire et que le navire est exploité en respectant ces limites en tout temps.

Le RA de l’Atlantic Sapphire était au courant des résultats de l’évaluation de la stabilité effectuée en 2013 et avait fourni à l’équipage du navire un livret de stabilité. Le RA n’a toutefois pas fourni à l’équipage les procédures opérationnelles écrites nécessaires, apposé une marque permanente sur la cale à poissons indiquant 90 % de sa capacité, ni publié un avis de stabilité pour l’aider à effectuer toutes les tâches associées au navire dans ses limites de stabilité.

L’équipage ne consultait pas régulièrement le livret de stabilité pour déterminer les conditions de chargement sécuritaires depuis au moins 12 mois avant le voyage à l’étude, sans que cela ait une incidence apparente sur la sécurité, ce qui suggère que la procédure de chargement avait été adaptée au fil du temps. Le RA ne veillait pas à ce que le capitaine se conforme au livret de stabilité du navire en ce qui concerne sa charge maximale. Par conséquent, l’équipage n’était pas pleinement conscient des risques liés aux pratiques de chargement le jour de l’événement, compte tenu surtout de la quantité supplémentaire d’eau douce et de carburant à bord.

Le capitaine a évalué de manière non officielle la charge maximale du navire (44,6 longues tonnes) en se basant sur son expérience : il a estimé que le navire pouvait être exploité de manière sûre. Toutefois, cette charge était supérieure à la charge maximale définie dans le livret de stabilité (36,51 longues tonnes).

Le livret de stabilité comportait une supposition selon laquelle il resterait ⅓ de la charge de glace à la fin d’un voyage et indiquait que la charge maximale pour le poisson et la glace était de 36,51 longues tonnes. Compte tenu de cette supposition, la charge du navire avait dépassé la charge maximale définie dans le livret de stabilité pour 90 % des voyages effectués pendant les 12 mois précédant l’événement. Au cours de cette période, le poids moyen des débarquements était d’environ 36 longues tonnes, ce qui porte à croire que la charge maximale du navire pour le poisson et la glace pourrait avoir été interprétée comme la charge maximale du navire pour le poisson seulement, sans tenir compte du poids de la glace.

La rémunération du capitaine et de l’équipage était déterminée en fonction de la quantité de poisson capturé par voyage. Ce système aurait pu inciter l’équipage de l’Atlantic Sapphire à embarquer de grandes quantités de poisson qui dépassaient les limites de stabilité du navire.

Si un navire est exploité au-delà de ses limites de stabilité et que la surveillance exercée par le RA n’est pas exécutée efficacement, le navire court un risque accru de naufrage ou de chavirement.

2.3 Effectif de sécurité

Un document spécifiant les effectifs de sécurité précise le nombre minimal de membres d’équipage certifiés requis afin de naviguer en toute sécurité et de pouvoir intervenir en cas d’urgence durant le voyage prévu. L’effectif minimal ne tient pas compte du fait qu’un équipage additionnel peut être nécessaire en fonction des activités du navire, comme la pêche. Transports Canada (TC) s’attend à ce que le RA augmente, au besoin, le nombre de membres d’équipage requis pour la tenue de ces autres activités. Cette distinction n’est peut-être pas être claire pour les RA, qui pourraient croire que le fait de satisfaire aux exigences en matière d’effectif de sécurité est suffisant pour assurer la sécurité de toutes les activités du navire. Ils peuvent également percevoir un avantage commercial à l’exploitation du navire avec un équipage de petite taille.

Le RA de l’Atlantic Sapphire estimait que le nombre de membres d’équipage prescrits dans le document d’effectif de sécurité était l’exigence minimale acceptable pour mener toutes les activités du navire, y compris la navigation, les urgences et la pêche. Toutefois, l’équipage à bord de l’Atlantic Sapphire était tel que le capitaine ne pouvait pas déterminer un horaire de travail et de repos de l’équipage qui permettait de satisfaire à la fois aux exigences relatives aux activités halieutiques et aux exigences relatives aux heures consécutives de repos stipulées dans le Règlement sur le personnel maritime (RPM).

Le tableau 4 indique le défi que représente l’établissement d’un horaire pour un équipage de 3 personnes dans le contexte du voyage à l’étude afin de satisfaire aux exigences du RPM en ce qui a trait aux heures de travail et de repos, en tenant compte d’une vigie pendant les heures de noirceur, et en offrant la possibilité de pêcher. Le tableau 4 démontre que lorsqu’un équipage composé de 3 membres satisfait aux exigences réglementaires, le temps restant pour les activités de pêche est court, soit environ 3 heures avec 2 membres d’équipage sur le pont, et 3 heures supplémentaires avec 1 membre d’équipage sur le pont. Il est impossible de consacrer aussi peu de temps à la pêche pour la plupart des activités.

Tableau 4. Exemple d’horaire pour l’Atlantic Sapphire qui satisfait aux exigences du Règlement sur le personnel maritime pendant la tenue d’activités de pêche par conditions de bonne visibilité. La date servant d’exemple est le 13 décembre 2020; le lever du soleil est à 7 h 46, et le coucher du soleil est à 16 h 46. (Source : BST)
  Capitaine Officier de pont Membre d’équipage
0 h à 4 h Repos Tenue de quart Vigie
4 h à 6 h Tenue de quart Vigie Repos
6 h au lever du soleil Tenue de quart Repos Vigie
Lever du soleil à 8 h Tenue de quart Repos Repos
8 h à 12 h Tenue de quart Repos Repos
12 h à 14 h Tenue de quart Repos Repos
14 h à 16 h Tenue de quart Pêche Pêche
16 h au coucher du soleil Tenue de quart Vigie Pêche
Coucher du soleil à 20 h Tenue de quart Vigie Pêche
20 h à 0 h Repos Tenue de quart Vigie

Déterminer l’effectif d’un navire sans tenir compte de toutes les activités relatives au navire peut entraîner des situations de fatigue ou générer des charges de travail non viables chez les membres d’équipage. Les membres d’équipage pourraient être incités à prendre des mesures d’adaptation et des risques qu’ils ne prendraient pas autrement, comme affecter un membre d’équipage non qualifié au quart ou laisser la passerelle sans surveillance pour aider les membres d’équipage à pêcher.

Contrairement aux milieux de travail dans d’autres secteurs, il n’existe pas de réglementation provinciale pour l’exploitation des navires de pêche, particulièrement en ce qui concerne l’effectif minimal. Un document spécifiant les effectifs de sécurité émis par TC ainsi que toute réglementation pertinente constituent les seules directives permettant aux RA de déterminer le nombre de membres d’équipage requis pour exploiter un navire en toute sécurité.

Même si l’équipage à bord de l’Atlantic Sapphire satisfaisait aux exigences minimales stipulées dans le document spécifiant les effectifs de sécurité pour la navigation, l’horaire de travail et de repos n’était pas conforme au RPM lorsque le navire était exploité dans le cadre d’activités de pêche. Ces circonstances pourraient avoir incité l’équipage à adapter les procédures et à prendre des risques qu’il n’aurait pas pris autrement.

Si l’effectif du navire n’est pas déterminé en fonction du document spécifiant les effectifs de sécurité ainsi que des exigences du Règlement sur le personnel maritime en matière de travail et de repos, les membres d’équipage risquent d’être affligés d’une charge de travail non viable ou d’éprouver de la fatigue, ce qui les inciterait à s’écarter des pratiques d’exploitation sécuritaires.

2.4 Quart à la passerelle

La tenue d’un quart à la passerelle en tout temps permet d’éviter les collisions et de fournir une vision globale permettant de surveiller l’état du navire. Un quart est également important pour assurer la sécurité du navire en veillant à ce que les systèmes de passerelle essentiels, les radios et les alarmes soient surveillés en tout temps. 

L’Atlantic Sapphire devait avoir 1 officier de quart à la passerelle certifié en tout temps, et 1 personne additionnelle pendant les périodes de noirceur. Toutefois, l’équipage du navire ne permettait pas d’affecter 2 officiers de quart pendant les périodes de noirceur, tout comme il ne permettait pas la tenue de périodes de repos adéquates pendant les périodes de pêche. De plus, bien que le capitaine soit resté à la passerelle pendant la majeure partie de son quart, il lui arrivait de la quitter pour prêter main-forte durant les activités de pêche.

Dans l’événement à l’étude, une fois la dernière prise à bord du navire, le capitaine a quitté la passerelle pour aider à casser la glace dans la cale à poisson. Son objectif était de faire gagner temps et efforts aux membres d’équipage afin qu’ils puissent commencer à rentrer au port après une longue journée de travail. Comme le capitaine connaissait bien l’Atlantic Sapphire et n’avait jamais eu de mauvaise expérience à bord de ce navire, il est possible qu’il ait cru que laisser la passerelle sans surveillance était un faible risque.

Toutefois, sans la présence de membres d’équipage à la passerelle, personne n’avait un bon point de vue permettant de remarquer la gîte du navire au moment où elle s’est manifestée. Le capitaine et le matelot de pont étaient sous le pont dans la cale à poisson, tandis que l’officier de pont se trouvait sur le pont principal et faisait face au côté bâbord, à une bonne distance de l’écoutille ouverte. De ces 2 emplacements, une gîte aurait été difficile à percevoir tant qu’elle ne gagnait pas en importance. Lorsque les alarmes de niveau élevé de l’eau dans les cales ont commencé à retentir, il n’y avait personne à la passerelle pour prendre connaissance de l’avertissement et activer les pompes de cale dans le but d’évacuer l’eau. L’équipage n’a pris conscience de l’état d’urgence que lorsque l’officier de pont a constaté la montée du niveau de l’eau, ce qui a écourté le temps disponible pour intervenir.

Si le quart à la passerelle n’est pas assuré en tout temps, il y a un risque que l’équipage ne dispose pas d’un bon point de vue lui permettant d’observer l’état général du navire et qu’il ne reçoive pas les renseignements essentiels fournis par les systèmes de passerelle, les radios et les alarmes les avertissant d’une urgence.

2.5 Préparation aux situations d’urgence

Une intervention en cas d’urgence est au summum de son efficacité lorsque l’équipage dispose de procédures d’intervention en cas d’urgence pour le guider dans l’exécution des tâches essentielles et lorsque ce même équipage est familiarisé avec ces procédures au moyen d’exercices d’urgence tenus régulièrement.

2.5.1 Exercices d’urgence

Au cours des 12 mois qui ont précédé l’événement, le capitaine et l’équipage de l’Atlantic Sapphire n’avaient pas effectué d’exercices d’urgence. Parce qu’il n’a pas tenu d’exercices, l’équipage n’a pas eu l’occasion de constater les problèmes auxquels il aurait été confronté en ce qui concerne les tailles des combinaisons, et le capitaine n’a pas pu déterminer une méthode d’alerte de détresse qui maximiserait le potentiel d’intervention.

La formation aux fonctions d’urgence en mer à laquelle les pêcheurs sont tenus de participer aborde les exercices. Toutefois, l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada a révélé que cette formation n’inculquait pas l’importance des exercices de sécurité et que les pêcheurs n’en tenaient pas toujours, ce qui a été le cas dans l’événement à l’étude.

2.5.2 Alertes de détresse

En cas d’urgence, il y a souvent peu de temps pour envoyer une alerte de détresse et il est donc important que les gens de mer utilisent la méthode d’alerte de détresse qui maximise le potentiel d’intervention.

Dans l’événement à l’étude, le capitaine a réussi à appeler l’équipage d’un navire à proximité sur le canal 4 du radiotéléphone à très haute fréquence (VHF), qui n’est pas un canal d’urgence, mais un canal fréquemment utilisé par les pêcheurs. Toutefois, la probabilité qu’un appel de détresse soit reçu sur un canal local dépend de la surveillance par d’autres navires de ce canal particulier. Il n’y a donc aucune garantie qu’un message de détresse envoyé sur un canal local donnera lieu à une intervention comme dans l’événement à l’étude.

Le radiotéléphone VHF de l’Atlantic Sapphire était également muni d’une fonction d’appel sélectif numérique (ASN), qui peut être activée à l’aide d’un bouton. Les services de communication et de trafic maritimes surveillent les fréquences ASN en tout temps et avisent le centre de coordination de sauvetage approprié; les centres interviendront dans toute situation d’urgence. Un message de détresse de l’ASN présente également d’autres avantages, comme une plus grande portée comparativement aux transmissions vocales, une alarme pour avertir d’autres navires qu’un message de détresse a été reçu et une fonction de répétition automatique afin que le message de détresse soit transmis jusqu’à ce qu’il soit annulé ou jusqu’à ce qu’on ait accusé réception du message. Toutes ces fonctionnalités permettent de maximiser le potentiel d’intervention.

Le BST a enquêté sur de nombreux événements dans lesquels l’absence d’un radiotéléphone muni d’une fonction ASN ou l’utilisation d’un tel radiotéléphone n’a pas permis d’alerter rapidement d’autres navires ou des responsables de recherche et sauvetageNote de bas de page 53.

Si l’on n’utilise pas les méthodes d’alerte de détresse visant à maximiser le potentiel d’intervention en cas d’urgence, il y a un risque que l’intervention ne soit pas opportune ni adéquate.

2.5.3 Combinaisons d’immersion

Pour prévenir l’hypothermie, la combinaison d’immersion est efficace dans la mesure où elle est d’une taille adaptée à la personne qui le porte (pour limiter la perte de chaleur corporelle) et empêche l’eau de s’infiltrer.

Dans l’événement à l’étude, le capitaine et le matelot de pont ont revêtu une combinaison d’immersion dont la taille était plus appropriée pour l’autre, et il n’y avait pas assez de temps pour qu’ils échangent leur combinaison. En conséquence, de l’eau froide s’est infiltrée dans les 2 combinaisons, ce qui les a exposé à un risque d’hypothermie.

D’après la liste de vérification avant le départ de la compagnie, l’équipage devait vérifier la quantité de gilets de sauvetage à bord ainsi que leur taille, mais la liste n’avait aucune mention semblable en ce qui a trait aux combinaisons. Parce qu’ils n’avaient pas effectué d’exercices d’urgence, les membres d’équipage ont eu peu de possibilités d’étudier la question de revêtir une combinaison de taille incorrecte avant l’événement à l’étude. Bien que l’une des combinaisons était identifiée par le nom de l’un des membres d’équipage, et qu’une autre combinaison était étiquetée avec sa taille, rien ne porte à croire qu’un processus de la compagnie avait été mis en place pour s’assurer que chaque membre d’équipage puisse revêtir une combinaison de la bonne taille en cas d’urgence.

S’il n’y a pas de processus pour s’assurer que chaque membre d’équipage porte une combinaison d’immersion de taille adéquate en cas d’urgence, les membres d’équipage pourraient revêtir une combinaison mal ajustée, ce qui augmente le risque d’hypothermie et de noyade.

2.6 Fatigue

L’enquête n’a pas permis de déterminer avec certitude les heures de travail de l’équipage au cours des jours précédant l’événement, puisque ces renseignements n’étaient pas consignés. Il a donc été impossible de faire une analyse quantitative de ces données. Toutefois, on a pu faire une analyse qualitative pour établir la présence de fatigue. Bien que la fatigue n’ait pas été un facteur contributif dans l’événement à l’étude, il est probable que des facteurs de risque de fatigue, comme une fatigue aiguë, des perturbations chroniques du sommeil et la désynchronisation des rythmes circadiens, aient été présents chez tous les membres d’équipage dans l’événement à l’étude. De plus, l’un des membres d’équipage était éveillé durant 19 à 20 heures consécutives sur les 24 heures précédant l’événement.

Le rapport d’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada indique que la fatigue est l’un des principaux problèmes de sécurité liés aux accidents de pêche. La fatigue est généralisée dans l’industrie de la pêche commerciale en raison des longues heures de travail, des efforts physiques et mentaux, de l’accroissement de la charge de travail étant donné la taille réduite des équipages et du manque de sensibilisation à la fatigue et à ses effets Note de bas de page 54. Les pêcheurs ont confirmé que les facteurs de risque de fatigue, comme le manque de sommeil, les périodes d’éveil fréquentes et les horaires variables de travail et repos, surviennent fréquemment. En raison de la petite taille de l’équipage, l’horaire de quart et les exigences liées aux activités de pêche à bord de l’Atlantic Sapphire, les membres d’équipage auraient vraisemblablement éprouvé de la fatigue si le voyage s’était allongé, ce qui suggère que les risques de fatigue persistent dans l’industrie de la pêche commerciale au Canada.

Si les équipages de pêcheurs travaillent sans périodes de repos adéquates, il y a un risque qu’ils entrent en état de fatigue et qu’ils commettent des erreurs causées par la fatigue lorsqu’ils exploitent le navire.

2.7 Surveillance de la surcharge

La surveillance efficace de la sécurité de la pêche commerciale dépend de la collaboration et de la coordination d’un certain nombre de personnes et d’organismes, notamment le capitaine, le RA, la province et les organismes de réglementation fédéraux.

À l’heure actuelle, TC ne surveille la surcharge qu’au moment d’une inspection ou à la suite d’une plainte. TC n’a pas l’habitude de consulter les données sur l’historique des débarquements d’un navire, qui sont disponibles auprès du ministère des Pêches et des Océans (MPO), pour déterminer si le navire a des antécédents de surcharge.

Dans le cas de l’Atlantic Sapphire, le navire était régulièrement surchargé dans les dernières années, et ce, depuis 2013. Même si l’Atlantic Sapphire avait été inspecté en 2016, aucune vérification n’a eu lieu quant aux données sur l’historique des débarquements pour déterminer si ces derniers étaient dans les limites prescrites par le livret de stabilité. Par conséquent, le navire a continué à être exploité de la même manière jusqu’au moment de l’événement.

L’événement à l’étude a mis en évidence un domaine de coordination potentiel où les organismes de réglementation fédéraux pourraient collaborer afin d’améliorer la sécurité des navires de pêche en ce qui concerne la surveillance de la surcharge.

Étant donné que le MPO tient des données sur l’historique des débarquements à bord des navires et que le MPO et TC se sont engagés à collaborer pour améliorer la sécurité des navires de pêche, TC a l’occasion d’utiliser ces données du MPO pour surveiller la stabilité des navires.

2.8 Questions de sécurité dans l’industrie de la pêche

L’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada a permis de répartir les comportements qui influaient sur la sécurité en 10 questions de sécurité, et a révélé la complexité de leurs relations et de leurs interdépendances. L’enquête a permis de mener une analyse approfondie de ces questions de sécuritéNote de bas de page 55. On a déterminé que les 8 questions de sécurité suivantes étaient reliées à l’événement à l’étude :

2.8.1 Stabilité

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les pêcheurs ne comprennent ou n’utilisent généralement pas l’information qu’on trouve dans les livrets de stabilité. Même s’il y avait un livret de stabilité à bord, l’équipage capturait souvent plus de poisson que ce qui était jugé sécuritaire selon le livret.

2.8.2 Engins de sauvetage

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les pêcheurs sont d’avis que l’équipement qu’ils sont tenus d’avoir à bord selon la réglementation ne répond pas toujours à leurs besoins pratiques (p. ex., la difficulté d’utiliser une radio à ASN). Le bouton d’alerte de détresse du système d’ASN n’a pas été activé pour fournir en quelques secondes tous les renseignements pertinents sur la situation de détresse aux intervenants potentiels.
Les pêcheurs ne tiennent pas toujours des exercices, et supposent parfois que la formation, la certification et l’expérience garantissent une réaction rapide en cas d’urgence. Aucun exercice n’avait été tenu à bord de l’Atlantic Sapphire durant la dernière année.
Les pêcheurs ont souvent de la difficulté à enfiler une combinaison d’immersion. Avant d’abandonner le navire, 2 membres d’équipage ont revêtu une combinaison d’immersion de la mauvaise taille. Pendant l’abandon, une quantité importante d’eau s’est infiltrée dans les combinaisons d’immersion.

2.8.3 Approche de réglementation de la sécurité

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les règlements et les processus intérimaires ne sont pas mis en œuvre et appliqués uniformément. La surveillance et l’application des limites indiquées dans les livrets de stabilité dépendent d’un avis de surcharge émis volontairement ou de la présence de l’inspecteur pendant le déchargement.

2.8.4 Formation

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les pêcheurs mènent généralement leurs activités en se fondant sur des connaissances, des compétences et une attitude qu’ils ont acquises principalement grâce à leur expérience. Les pratiques de chargement et d’entreposage du poisson à bord de l’Atlantic Sapphire ont évolué de façon informelle au fil du temps. La charge maximale avait été déterminée par le capitaine en fonction des chargements précédents. Le capitaine avait également eu recours à la pratique non officielle de laisser la passerelle sans surveillance lors de l’événement à l’étude.
Les pêcheurs évaluent et gèrent les risques en se basant sur leur expérience. Le capitaine n’avait jamais eu de mauvaise expérience en appliquant les pratiques non officielles de laisser la passerelle sans surveillance et de surcharger le navire; il considérait donc que les risques associés à ces pratiques de travail étaient faibles.

2.8.5 Coût de la sécurité

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les pêcheurs tiennent parfois davantage compte du coût que de l’efficacité quand ils embauchent des équipages. L’entente de rémunération pour l’équipage n’était pas propice à l’embauche d’autres membres d’équipage et l’équipage du navire correspondait au minimum requis par TC pour la navigation.
Les pêcheurs considèrent que le risque d’accident est très faible. On a pris des raccourcis pour tenter d’augmenter l’efficacité des activités de pêche, comme surcharger le navire par rapport aux directives indiquées dans le livret de stabilité, embaucher des officiers de quart qui n’étaient pas titulaires d’un certificat de compétence et laisser la passerelle sans surveillance. De plus, on n’a pas tenu d’exercices parce qu’on n’avait jamais été en situation d’urgence à bord de ce navire, et parce qu’on estimait que la probabilité d’un accident était faible.

2.8.6 Fatigue

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les pêcheurs réduisent les équipages, d’où une augmentation de la charge de travail. Le capitaine a laissé la passerelle sans surveillance pour prêter main-forte dans la cale à poisson. De plus, pour accorder un peu de repos à l’équipage, le quart à la passerelle était toujours effectué par 1 membre d’équipage qui, souvent, n’était pas titulaire d’un certificat de compétence. Aucun organisme fédéral ou provincial n’avait effectué une évaluation de l’équipage requis pour exploiter le navire et mener les activités de pêche.

2.8.7 Information sur la sécurité

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les pêcheurs réduisent les équipages, d’où une augmentation de la charge de travail. Le capitaine a laissé la passerelle sans surveillance pour prêter main-forte dans la cale à poisson. De plus, pour accorder un peu de repos à l’équipage, le quart à la passerelle était toujours effectué par 1 membre d’équipage qui, souvent, n’était pas titulaire d’un certificat de compétence. Aucun organisme fédéral ou provincial n’avait effectué une évaluation de l’équipage requis pour exploiter le navire et mener les activités de pêche.

2.8.8 Pratiques de travail sécuritaires

Fait établi dans le cadre de l’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada Lien avec l’événement à l’étude
Les pêcheurs apprennent et renforcent leurs pratiques d’exploitation en se fondant sur l’expérience acquise et sur des échanges avec leurs pairs. La charge maximale de l’Atlantic Sapphire était déterminée en fonction de l’historique des débarquements et non sur le livret de stabilité.
Les pêcheurs modifient ou éliminent certaines pratiques de travail sécuritaires en réponse à des pressions économiques. Sans directives officielles sur les pratiques halieutiques et sans accidents récents, on percevait le risque associé aux pratiques de travail dangereuses comme étant faible.

2.9 Interdépendance des questions de sécurité

La sécurité des pêcheurs est compromise par de nombreuses questions de sécurité qui sont interreliées. Les questions de sécurité ci-après présentent des relations complexes et ont contribué à l’événement à l’étude :

Les tentatives entreprises par le passé pour résoudre ces questions de sécurité au cas par cas n’ont pas donné les résultats escomptés, c’est-à-dire un environnement plus sûr pour les pêcheurs. Le rapport d’enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada souligne que, pour qu’une amélioration réelle et durable de la sécurité soit observée au sein de l’industrie de la pêche, les changements ne doivent pas seulement porter sur l’une des questions de sécurité liées à un accident, mais plutôt sur l’ensemble de ces questions, ce qui met en lumière leurs relations complexes et leur interdépendance. L’élimination d’une seule condition dangereuse peut empêcher qu’un accident se produise, mais ne réduit que légèrement les risques que posent les autres.

La sécurité des pêcheurs continuera de présenter des lacunes tant que le milieu de la pêche ne reconnaîtra pas et ne traitera pas des relations complexes et de l’interdépendance des questions de sécurité.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Le représentant autorisé ne veillait pas à ce que le capitaine se conforme au livret de stabilité du navire en ce qui concerne la charge maximale.
  2. Le capitaine a évalué de manière non officielle la charge maximale du navire (44,6 longues tonnes) en se basant sur son expérience : il a estimé que le navire pouvait être exploité de manière sûre. Toutefois, cette charge était supérieure à la charge maximale définie dans le livret de stabilité (36,51 longues tonnes).
  3. Avant de remonter la dernière prise à bord, l’Atlantic Sapphire contenait déjà plus de poisson et de glace dans la cale que la charge maximale spécifiée dans le livret de stabilité. Son franc-bord et sa stabilité ainsi compromis, le navire est devenu plus vulnérable à un envahissement.
  4. Au cours du voyage à l’étude, l’équipage a capturé une pleine charge de poisson en moins de temps que lors de tout autre voyage effectué cette année-là, de sorte qu’il y avait plus de carburant, d’eau douce et de glace à bord que d’habitude. L’équipage n’a pas pris conscience du risque que la surcharge posait sur la stabilité du navire. Par conséquent, il n’a pas pris de précautions contre le risque d’envahissement et de chavirement.
  5. Une fois la dernière prise à bord du navire, sa stabilité a été encore plus compromise; le mouvement de roulis dû aux conditions de mer a suffi à immerger le livet de pont, et l’eau de mer a commencé à s’accumuler sur le pont principal. L’eau a ensuite envahi la cale à poissons par l’écoutille ouverte.
  6. Le capitaine a quitté la passerelle pour aider l’équipage à charger la dernière prise; ainsi, lorsque le pont principal a été inondé, l’équipage n’a pas pris conscience de la situation avant que l’eau n’infiltre la cale à poisson.
  7. L’envahissement progressif dans les compartiments du navire a causé la gîte sur tribord du navire et la réduction du franc-bord jusqu’à ce que le navire coule.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si un navire est exploité au-delà de ses limites de stabilité et que la surveillance exercée par le représentant autorisé n’est pas exécutée efficacement, le navire court un risque accru de naufrage ou de chavirement.
  2. Si l’effectif du navire n’est pas déterminé en fonction du document spécifiant les effectifs de sécurité ainsi que des exigences du Règlement sur le personnel maritime en matière de travail et de repos, les membres d’équipage risquent d’être affligés d’une charge de travail non viable ou d’éprouver de la fatigue, ce qui les inciterait à s’écarter des pratiques d’exploitation sécuritaires.
  3. Si le quart à la passerelle n’est pas assuré en tout temps, il y a un risque que l’équipage ne dispose pas d’un bon point de vue lui permettant d’observer l’état général du navire et qu’il ne reçoive pas les renseignements essentiels fournis par les systèmes de passerelle, les radios et les alarmes les avertissant d’une urgence.
  4. Si l’on n’utilise pas les méthodes d’alerte de détresse visant à maximiser le potentiel d’intervention en cas d’urgence, il y a un risque que l’intervention ne soit pas opportune ni adéquate.
  5. S’il n’y a pas de processus pour s’assurer que chaque membre d’équipage porte une combinaison d’immersion de taille adéquate en cas d’urgence, les membres d’équipage pourraient revêtir une combinaison mal ajustée, ce qui augmente le risque d’hypothermie et de noyade.
  6. Si les équipages de pêcheurs travaillent sans périodes de repos adéquates, il y a un risque qu’ils entrent en état de fatigue et qu’ils commettent des erreurs causées par la fatigue lorsqu’ils exploitent le navire.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Même si l’équipage à bord de l’Atlantic Sapphire satisfaisait aux exigences minimales stipulées dans le document spécifiant les effectifs de sécurité pour la navigation, l’horaire de travail et de repos n’était pas conforme au Règlement sur le personnel maritime lorsque le navire était exploité dans le cadre d’activités de pêche.
  2. Il était courant que des membres d’équipage qui n’étaient pas titulaires d’un certificat de compétence effectuent le quart à la passerelle.
  3. Étant donné que le ministère des Pêches et des Océans (MPO) tient des données sur l’historique des débarquements à bord des navires et que le MPO et Transports Canada se sont engagés à collaborer pour améliorer la sécurité des navires de pêche, Transports Canada a l’occasion d’utiliser ces données du MPO pour surveiller la stabilité des navires.
  4. La sécurité des pêcheurs continuera de présenter des lacunes tant que le milieu de la pêche ne reconnaîtra pas et ne traitera pas des relations complexes et de l’interdépendance des questions de sécurité.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

Le Bureau n’est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l’événement à l’étude.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A — Disponibilité de temps de repos lors de la sortie de pêche du 5 au 9 décembre 2018

Pour la sortie de pêche du 5 au 9 décembre 2018, l’équipage du navire a pêché durant 3 jours consécutifs. Au cours de ces 3 jours, la plus longue période de repos possible a été de 4 heures 39 minutes, avec un délai moyen de 3 heures 49 minutes (figure A1) entre chaque trait de chalut. Ces durées ne tiennent pas compte du temps nécessaire pour s’acquitter des fonctions de pont, nettoyer, manger et se changer avant de se reposer.

Figure A1. Durée des traits de chalut et délais entre chaque trait pour le voyage de l’Atlantic Sapphire avec un équipage de 3 personnes se terminant le 9 décembre 2018 (Source : BST, d’après les données fournies par une compagnie de surveillance tierce à bord)
Durée des traits de chalut et délais entre chaque trait pour le voyage de l’Atlantic Sapphire avec un équipage de 3 personnes se terminant le 9 décembre 2018 (Source : BST, d’après les données fournies par une compagnie de surveillance tierce à bord)

Annexe B – Directives tirées du livret de stabilité de l’Atlantic Sapphire
(en anglais seulement)

Annexe B Directives tirées du livret de stabilité de l’Atlantic Sapphire(en anglais seulement)
Directives tirées du livret de stabilité de l’<em>Atlantic Sapphire</em>(en anglais seulement)
Annexe B Directives tirées du livret de stabilité de l’Atlantic Sapphire(en anglais seulement)
Directives tirées du livret de stabilité de l’<em>Atlantic Sapphire</em>(en anglais seulement)
Annexe B Directives tirées du livret de stabilité de l’Atlantic Sapphire(en anglais seulement)
Directives tirées du livret de stabilité de l’<em>Atlantic Sapphire</em>(en anglais seulement)

Source : Livret de stabilité de l’Atlantique Sapphire