Heurt du navire ancré Pan Acacia
Vraquier Caravos Harmony
Port de Vancouver (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 17 mars 2019, le vraquier Caravos Harmony, sous la conduite d’un pilote, se dirigeait vers une zone de mouillage dans le port de Vancouver, en Colombie-Britannique, lorsqu’il a heurté le vraquier ancré Pan Acacia. Les 2 navires ont subi des dommages. Aucune pollution ou blessure n’a été signalée.
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique du navire
Nom du navire | Caravos Harmony | Pan Acacia |
---|---|---|
Numéro de l’Organisation maritime internationale | 9595589 | 9510515 |
Pavillon | Îles Marshall | Panama |
Société de classification | Registro Italiano Navale | Korean Register of Shipping |
Type | Vraquier | Vraquier |
Port en lourd | 81 670 | 175 141 |
Jauge brute | 44 289 | 92 080 |
Longueur hors tout | 229,0 m | 291,8 m |
Largeur hors membres | 32,26 m | 45,0 m |
Cargaison | 69 500 tonnes de maïs | Aucune |
Tirant d’eau (au moment de l’événement) | 12,95 m (à l’avant), 13,02 m (à l’arrière) | 7,52 m (à l’avant), 8,53 m (à l’arrière) |
Propulsion | Une machine à 2 temps à entraînement direct réversible de 9480 kW, entraînant 1 hélice à pas fixe | Une machine à 2 temps à entraînement direct réversible de 16 860 kW, entraînant 1 hélice à pas fixe |
Équipage | 21 | 21 |
Construction | 2013 | 2010 |
Propriétaire enregistré | Octapus Shipping Corporation (Grèce) | POS Maritime GC SA (Corée du Sud) |
Gestionnaire du navire | Iason Hellenic Shipping Co. Ltd., Athènes (Grèce) | Pan Ocean Company Ltd., Séoul (Corée du Sud) |
1.2 Description du navire
1.2.1 Caravos Harmony
Le Caravos HarmonyNote de bas de page 1 est un vraquier de type Panamax/Kamsarmax en acier avec 7 cales à marchandises (figure 1). La passerelle, la salle des machines et les quartiers sont situés à l’arrière. La passerelle est munie de tout le matériel de navigation requis par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS) et est également dotée d’un enregistreur des données du voyage (VDR)Note de bas de page 2. La passerelle dispose également d’une console de navigation qui comprend une barre à gouverner pour la commande du gouvernail et un système combiné de propulsion et de transmission d’ordres (LTU)Note de bas de page 3 pour la commande de la propulsion.
Le navire compte 2 ancres, 1 sur chaque côté de la proue. Chaque chaîne d’ancre est retenue par une bosse de chaîne et contrôlée par un guindeau, et chaque guindeau est muni d’un frein manuel à engrenage qui doit être relâché afin de mouiller l’ancre. Le navire n’est pas muni d’un propulseur d’étrave.
1.2.2 Pan Acacia
Le Pan Acacia est un vraquier de type Capesize en acier avec 9 cales à marchandises (figure 2). La passerelle, la salle des machines et les quartiers sont situés à l’arrière. La passerelle est munie de tout le matériel de navigation requis par la Convention SOLAS.
1.3 Déroulement du voyage
Les enregistrements de bord sont protégés en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière et il a toujours rigoureusement limité l’usage des données des enregistrements de bord dans ses rapports. À moins que l’enregistrement de bord ne soit requis pour étayer un fait établi et cerner une lacune importante à la sécurité, il n’est pas inclus dans le rapport du BST. Pour valider les questions de sécurité soulevées par cette enquête, le BST s’est servi des enregistrements de bord disponibles dans son rapport. Dans chaque cas, les données ont été soigneusement examinées pour s’assurer qu’elles étaient nécessaires pour promouvoir la sécurité des transports.
Dans la nuit du 15 mars 2019, le Caravos Harmony, qui était ancré à Tacoma, dans l’État de Washington, aux États-Unis, en attendant des instructions, avait reçu des directives de son gestionnaire, Iason Hellenic Shipping (IHS), pour se rendre au port de Vancouver, en Colombie-Britannique (C.-B.), afin de se ravitailler en carburantNote de bas de page 4. Juste avant le départ, IHS a envoyé au navire une carte électronique mise à jour du port de Vancouver. Le second officier a téléchargé cette carte dans le système électronique de visualisation des cartes marines (ECDIS) du navire et a tracé le trajet de Tacoma au port de Vancouver.
À 8 hNote de bas de page 5 le 16 mars, le navire a quitté Tacoma sous la conduite d’un pilote américain, la propulsion étant contrôlée à partir de la passerelle. Vers 15 h 14, le pilote américain a débarqué du navire. Le navire a poursuivi sa route jusqu’au poste de pilotage de Brotchie, au large de Victoria (C.-B.), où un pilote de la British Columbia Coast Pilots Ltd. (ci-après appelé le pilote) est monté à bord du navire à 16 h 55. Avant de monter à bord, le pilote a vérifié la marée, le trafic dans le port de Vancouver et les courants dans le passage FirstNote de bas de page 6.
Le pilote s’est joint à l’équipe à la passerelle du navire, qui était composée du capitaine, du second officier et d’un timonier. Le pilote et le capitaine ont discuté de l’escale du navire au port de Vancouver pour se ravitailler en carburant et noté que les courants seraient contraires au navire jusqu’au passage First. Ils ont aussi discuté brièvement des dispositions prises pour le débarquement du pilote, l’heure d’arrivée prévue du navire à la zone de mouillage D, sa destination au port de Vancouver et du fait qu’on n’avait pas demandé de remorqueur pour le navire. À 17 h 02, le pilote et le capitaine ont discuté de l’allure de mer du navire. Le pilote a mentionné que le courant pouvait atteindre jusqu’à 4 nœuds en sens inverse jusqu’au port de Vancouver et qu’il avait besoin de toute la vitesse possible pour contrer ce courant.
À 17 h 05, la vitesse a été augmentée à pleine allure de mer (12 nœuds) pour un régime de 80 tr/min. À 17 h 15, le pilote et le capitaine ont discuté de la préparation des ancres lorsque le navire approchait de Vancouver. Le pilote a demandé au capitaine que les 2 ancres soient prêtes en cas d’urgence lorsque le navire était à environ 3 milles marins (NM) du pont Lions Gate dans le passage First. Le capitaine a demandé au pilote s’il avait une préférence quant à l’ancre à utiliser pour mouiller le navire et lui a dit que l’équipage se tiendrait prêt à l’avant et aurait les 2 ancres prêtes en cas d’urgence. Le pilote a indiqué qu’il n’avait aucune préférence à ce moment-là. Peu après, le capitaine a quitté la passerelle. Le second officier et le pilote se sont demandé si le pilote avait signé la fiche de pilotage du navire, ce que le pilote n’avait pas fait. Vers 18 h, le troisième officier a pris la relève du second officier; le timonier est resté sur la passerelle. Pendant le voyage de 5 heures entre Victoria et Vancouver, le pilote a donné divers ordres de barre pour maintenir le navire sur sa route.
À 23 h 19, alors que le Caravos Harmony s’approchait de Vancouver, le pilote a dit au troisième officier de réduire l’allure de mer à l’allure de manœuvre. Peu après, le capitaine est revenu sur la passerelle. Le pilote a demandé au capitaine de mouiller les 2 ancres à environ 1 m au-dessus de la ligne de flottaison.
Vers 23 h 23, le Caravos Harmony s’est approché du passage First à l’allure de manœuvre. Le pilote a dit au capitaine que la marée montante dans le passage First était d’environ 3 nœuds et qu’il voulait une vitesse sécuritaire dans le passage FirstNote de bas de page 7.
Vers 23 h 24, le capitaine et le pilote ont discuté du point d’ancrage et de la profondeur à cet endroitNote de bas de page 8. Le pilote a demandé que 7 manilles soient placées sur le pontNote de bas de page 9 aux fins d’utilisation pendant le mouillage. Le pilote a également informé le capitaine qu’une fois à proximité du mouillage, il voulait qu’une des ancres soit descendue à l’aide de l’engrenage jusqu’à ce que 1 manille soit dans l’eau, et qu’elle soit jetée au moment prescrit.
À 23 h 30, le capitaine a dit au pilote que l’ancre de tribord n’avait pas été utilisée depuis un certain tempsNote de bas de page 10 et lui a demandé la permission de l’utiliser pour le mouillage. Le pilote a accepté, car cela l’aiderait également à ancrer le navire à l’endroit assigné. Vers 23 h 32, le capitaine a ordonné au second capitaine de se préparer à mouiller l’ancre de tribord. Le second capitaine a demandé qu’on lui précise qu’on devait se préparer à mouiller l’ancre de tribord, et il a répondu que l’ancre de bâbord était prête et que l’équipage et lui étaient en attente. Le capitaine a demandé au pilote s’il devait mouiller l’ancre avec 1 manille sur le pont, et le pilote lui a demandé d’attendre que le navire soit près de la zone de mouillage D. À 23 h 58, le pilote a confirmé que le courant était toujours de 3 nœuds dans le passage First.
Vers minuit, à son arrivée sur la passerelle, le second officier a pris le contrôle de la propulsion à la place du troisième officier. Alors que le navire s’approchait du pont Lions Gate, le cap du navire a été progressivement modifié sur tribord. Peu après, le pilote a ordonné de mettre la barre à bâbord toute et en avant lente pour vérifier le déplacement du navire vers tribord et pour stabiliser le navire sur un cap de 125° vrais (V). Le pilote a ensuite ordonné de passer en vitesse avant très lente et le navire est entré dans le passage First à une vitesse de 7,4 nœudsNote de bas de page 11. Le régime de la machine principale était de 42 tr/min et le cap du navire était de 125°V. Après être entré dans le passage First, le pilote a ordonné de mettre le cap sur 123°V et a indiqué en même temps le fort courant à la bouée Q65 près de Kinder Morgan Vancouver WharvesNote de bas de page 12; l’équipe à la passerelle a accusé réception du fort courant. Peu après, un matelot breveté a pris la relève comme timonier.
À 0 h 6 min 47 s le 17 mars, le pilote a ordonné un cap sur 115°V pour éloigner le navire du haut-fond Burnaby. La vitesse du navire à ce moment-là était de 7,4 nœuds. Entre 0 h 6 min 54 s et 0 h 13 min 48 s, le pilote a donné divers ordres à la machine et de barre et a constaté que le navire ne répondait pas à l’ordre de barre à tribord aussi rapidement que prévu. Le cap du navire est passé progressivement de 115°V à 105°V et la vitesse a diminué de 7,4 à 6,1 nœudsNote de bas de page 13.
Au moment où le navire se trouvait par le travers de Canada Place, le pilote a signalé de nouveau la force du courant et observé que le navire se déplaçait sur bâbord. À 0 h 13 min 48 s, le pilote a ordonné l’arrêt de la machine, puis a ordonné de mettre la barre à tribord toute et en avant lente. Le second officier a déplacé la manette LTU de la position d’arrêt à en avant très lente, puis en avant lente, en faisant une pause d’environ 3 secondes entre les étapes. À 0 h 14 min 25 s, le pilote a demandé au second officier si le navire avait atteint la vitesse en avant lente, et le second officier a répondu que la machine était en train d’atteindre la vitesse en avant lente. Le cap du navire à ce moment-là était au 098°V et la vitesse était de 6 nœuds. Le pilote a demandé si le navire faisait marche arrière parce que ce dernier ne répondait pas aux ordres de barre. À 0 h 14 min 35 s, le pilote a ordonné à nouveau de mettre la barre à tribord toute et, quelques secondes plus tard, le pilote a ordonné d’arrêter la machine. Le second officier a déplacé la manette LTU de la position en avant lente à la position en avant très lente et, après une pause, l’a déplacé à la position d’arrêt. À ce moment-là, le cap du navire était au 095°V et sa vitesse était de 5,9 nœuds.
À 0 h 14 min 48 s, le pilote a ordonné l’allure d’urgence en avant touteNote de bas de page 14 et à tribord toute. Le capitaine s’est enquis de l’ordre du pilote, qui l’a confirmé et a répondu qu’il craignait de heurter le Pan Acacia, qui était ancré à la zone de mouillage A situé sur le côté bâbord du Caravos Harmony. Le second officier a déplacé la manette LTU en avant très lente, en avant lente, en avant demie et en avant toute, faisant une pause de 4 à 5 secondes à chaque position. Le pilote a observé que le navire continuait de se déplacer sur bâbord vers l’endroit où le Pan Acacia était ancré.
À 0 h 15 min 12 s, alors que la machine principale était en train de répondre à l’ordre en avant touteNote de bas de page 15 et que la vitesse du navire était d’environ 6 nœuds, le pilote a ordonné au capitaine de mouiller l’ancre de tribord. Quelques secondes plus tard, le pilote a ordonné de mettre le navire en marche arrière d’urgenceNote de bas de page 16. En réponse à l’ordre du pilote de faire marche arrière d’urgence, le second officier a déplacé la manette LTU de la position en avant touteNote de bas de page 17 à la position d’arrêt, en faisant deux pauses d’environ 3 secondes à la position en avant demie et à la position en avant lente. À la position d’arrêt, il a fait une pause de 5 secondes, puis a déplacé la manette à la position de marche arrière d’urgence, en faisant une pause d’environ 4 secondes à chaque position intermédiaireNote de bas de page 18,Note de bas de page 19. Pendant ce temps, le capitaine a utilisé une radio portative et a ordonné à l’équipage de mouiller l’ancre de tribord. Le pilote a ordonné une fois de plus de mouiller l’ancre de tribord et le capitaine a relayé l’ordre à plusieurs reprises à l’équipage du poste de mouillage. À 0 h 15 min 30 s, le pilote a à nouveau ordonné de faire marche arrière d’urgence parce que la machine principale n’avait pas répondu au 1er ordre en ce sens.
À 0 h 15 min 47 s, le pilote a ordonné de mettre le navire en arrière toute. À ce moment-là, la manette LTU était en position arrière d’urgence, mais l’indicateur de régime indiquait toujours que le régime de la machine était de 3 en marche avant et que la machine n’avait pas répondu par une propulsion en arrière. À 0 h 16 min 1 s, le pilote a utilisé le radiotéléphone VHF du navire pour demander une assistance d’urgence aux remorqueurs disponibles à proximité, mais aucun n’était prêt à intervenir immédiatement. À 0 h 16 min 4 s, le second officier a déplacé la manette de la position arrière d’urgence à la position en arrière toute pour assurer la propulsion arrière, mais la machine n’a pas répondu. À 0 h 16 min 16 s, l’alarme d’échec de démarrage de la machine a retenti sur la passerelle et dans la salle des machines, indiquant que la machine n’avait pas réussi à démarrer 3 fois de suite. En réponse à une alarme de basse pression d’air de démarrage, le personnel de la salle des machines a ouvert la vanne de réception d’air de secours. Cela a permis d’augmenter la pression d’air de démarrage et de réinitialiser l’alarme de basse pression d’air de démarrage.
Pendant que le second officier essayait de faire marche arrière d’urgence, l’équipage au poste de mouillage a tenté à plusieurs reprises de mouiller l’ancre de tribord, mais celle-ci ne s’est pas déployée. Le second capitaine et le capitaine ont commencé à discuter de l’ancre coincée, en tagalog. À 0 h 16 min 30 s, le capitaine a ordonné en tagalog à l’équipage de mouiller l’ancre de bâbord. Au même moment, le pilote a répété les ordres de faire marche arrière d’urgence et de mouiller l’ancre de tribord. Le capitaine a répondu qu’il avait ordonné de mouiller l’ancre de bâbord parce que l’ancre de tribord était coincée. La proue du navire s’est déplacée davantage sur bâbord et vers le Pan Acacia et le navire avanç ait à environ 6 nœuds.
À 0 h 16 min 39 s, le second officier a déplacé la manette LTU en position d’arrêt, ce qui a provoqué le réenclenchement de l’alarme d’échec de démarrage de la machine. Le second officier a ensuite déplacé la manette progressivement de la position d’arrêt à la position arrière d’urgence, en faisant une pause de 3 à 4 secondes à chaque position. La machine principale n’a pas répondu. La proue du navire a continué de virer à bâbord et le navire a continué d’avancer sur une trajectoire de collision avec le Pan Acacia à une vitesse de 5,8 nœuds.
À 0 h 17 min 8 s, le pilote a appelé les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) pour les informer de l’imminence du heurt. Pendant ce temps, l’officier de service sur la passerelle du Pan Acacia, observant la situation qui se déroulait, a tenté de communiquer avec le Caravos Harmony par VHF, mais n’a reçu aucune réponseNote de bas de page 20. Il a alors appelé les SCTM pour les informer de l’imminence du heurt. L’équipe à la passerelle du Pan Acacia a utilisé le sifflet du navire pour faire retentir un long coup unique, suivi de rafales continues de 5 coups brefs jusqu’au heurt.
À 0 h 17 min 25 s, le pilote a réitéré son ordre de mettre le navire en arrière toute et a fait de même à 0 h 17 min 42 s. Le second officier a déplacé la manette LTU de la marche arrière d’urgence à l’arrêt et à nouveau à la marche arrière d’urgence avec des pauses de 4 secondes entre chaque position. À 0 h 18 min 2 s, la machine principale s’est mise en marche arrière. La proue du navire se trouvait à environ 0,23 NM (426 m) de la section médiane tribord du Pan Acacia et le heurt était imminent.
Les membres d’équipage du poste de mouillage du Caravos Harmony, conscients du danger pour leur sécurité personnelle, se sont retirés du poste de mouillage. Le navire a continué à avancer à environ 5,5 nœuds et, à 0 h 19 min 54 s, sa proue a heurté la section médiane tribord du Pan Acacia au-dessus de la ligne de flottaison. Après le heurt, le pilote a ordonné l’arrêt de la machine principale. Le second officier a déplacé la manette LTU de l’arrière toute à l’arrêt, en faisant une pause d’environ 4 secondes à chaque position intermédiaire du LTU (voir figure 3 plus haut).
Vers 0 h 21, le Caravos Harmony s’est éloigné du Pan Acacia par ses propres moyens. À 0 h 34, le pilote a ordonné de remonter l’ancre bâbord. Le pilote a demandé l’assistance d’un remorqueur et, peu après, le remorqueur Seaspan Raven est arrivé sur place. Le Seaspan Raven a alors escorté le Caravos Harmony pendant qu’il se dirigeait par ses propres moyens vers la zone de mouillage D; le Caravos Harmony a jeté l’ancre bâbord.
1.4 Dommages
Le côté tribord du Pan Acacia a été bosselé et perforé jusqu’à la cale à marchandises no 4 (figure 4). Le Caravos Harmony a subi des bosses et des dommages à la structure de coque avant bâbord (voir la figure 5 plus bas).
1.5 Conditions météorologiques
Au moment de l’événement, la marée était à son plus haut niveau, avec un courant d’environ 3 nœuds en direction du sud-est, au 135°V. Les vents soufflaient de l’est-nord-est à 4 nœuds. La hauteur de la houle était de 0,2 m. Il faisait nuit et le ciel était dégagé, avec une visibilité de 6 NM.
Les Instructions nautiquesNote de bas de page 21 relatives à la zone autour du passage First et du port de Vancouver indiquent qu’entre la pointe Brockton et le banc Neptune, les courants de marée ont tendance à circuler dans le sens antihoraire, tant au flot qu’au jusant. Les remous côtiers dans le port de Vancouver sont imprévisibles. Les équipages ne doivent pas se fier à la direction prévue du courant de marée le long d’un quai. Les navires qui accostent doivent avoir leurs ancres prêtes à mouiller.
1.6 Certificats du navire
Le Caravos Harmony était certifié et doté d’un équipage et d’équipement conformément à la réglementation en vigueur. Comme l’exige le Code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code ISM), le navire avait un certificat de gestion de la sécurité valide Note de bas de page 22. Le navire était classé auprès du Registro Italiano Navale (RINA) et son certificat de gestion de la sécurité délivré par le RINA avait été renouvelé pour la dernière fois le 30 mai 2018. La dernière inspection annuelle du navire datait du 18 janvier 2019.
Le Pan Acacia était certifié et doté d’un équipage et d’équipement conformément à la réglementation en vigueur. Il détenait un certificat de gestion de la sécurité valide, comme l’exige le Code ISM. Le navire était classé auprès du Korean Register of Shipping et son certificat de gestion de la sécurité avait été renouvelé pour la dernière fois le 30 mai 2018. La dernière inspection annuelle du navire datait du 23 mai 2018.
1.7 Certificats et expérience des membres d’équipage
Les membres d’équipage du Caravos Harmony étaient titulaires de certificats conformes aux dispositions de la Convention internationale de 1978 sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille, telle que modifiée en 1995 (Convention STCW).
Le capitaine était titulaire d’un brevet de capitaine au long cours délivré en 2012 et endossé en 2015 par l’administration de l’industrie maritime de la République des Philippines. Il travaillait en tant que capitaine sur des vraquiers depuis 2013 et était à l’emploi d’IHS en tant que capitaine depuis 2016. Il s’est joint à l’équipage du Caravos Harmony en tant que capitaine le 3 août 2018. Il avait suivi un cours de gestion des ressources à la passerelle (GRP) en 2012. Son plus récent voyage au port de Vancouver avait eu lieu sur un vraquier en 2008.
Le chef mécanicien était titulaire d’un brevet de classe 1, navire à moteur, délivré en 1999 et endossé en 2015 par l’administration de l’industrie maritime de la République des Philippines. Il a commencé sa carrière en mer en 1979 et est devenu chef mécanicien en 2003. Il a assumé cette fonction à bord de différents vraquiers pendant environ 4 ans. Il s’est joint à l’équipage du Caravos Harmony le 10 mars 2019 alors que le navire se trouvait à Tacoma. Le voyage en cause était son premier avec IHS.
Le second capitaine était titulaire d’un brevet de capitaine au long cours délivré le 4 juin 2016 par l’administration de l’industrie maritime de la République des Philippines. Il avait suivi un cours de GRP en 2016. Il travaillait en tant que second capitaine depuis 2012. Il s’est joint à l’équipage du Caravos Harmony le 12 juillet 2018. Le voyage à l’étude était son premier avec IHS.
Le second officier était titulaire d’un certificat d’officier de quart à la passerelle délivré le 30 août 2016 par l’administration de l’industrie maritime de la République des Philippines. Il avait suivi un cours de GRP en 2014. Il avait travaillé en tant que troisième officier de 2014 à 2018 et avait été promu second officier en 2018. Il s’est joint à l’équipage du Caravos Harmony le 12 juillet 2018.
Le timonier était titulaire d’un certificat de matelot de pont délivré le 26 avril 2016 par l’administration de l’industrie maritime de la République des Philippines. Il était matelot depuis 1995 et avait 5 ans d’expérience en tant que timonier. Il s’est joint à l’équipage du Caravos Harmony le 21 septembre 2018.
Le pilote était titulaire d’un brevet de pilote de classe 1 (sans restrictions) qui avait été délivré par l’Administration de pilotage du Pacifique (APP)Note de bas de page 23 au Canada le 2 août 2000 et avait environ 20 ans d’expérience en tant que pilote. En mars 2018, il avait suivi un cours de GRP de 2 jours à l’intention des pilotesNote de bas de page 24.
1.8 Propulsion
Le navire est propulsé par 1 machine diesel 2 temps MAN B&W à entraînement direct réversible comptant 6 cylindres, modèle 6S50MC-C2Note de bas de page 25, et entraînant 1 hélice à pas fixe. Parce que la machine est couplée directement à l’arbre d’hélice, l’hélice tourne dans le même sens et au même régime que la machine principale.
La machine principale est normalement démarrée à partir de l’arrêt, soit en marche avant (sens horaire), soit en marche arrière (sens antihoraire), au moyen d’air compriméNote de bas de page 26 provenant d’un réservoir d’air. Le navire compte 3 compresseurs d’air pour fournir de l’air sous pression à 2 réservoirs d’air, à une pression maximale de 30 bars. Une fois que la machine tourne à l’air, le carburant est injecté et la machine démarre dans la direction souhaitée.
Normalement, avant que le sens de rotation de la machine principale puisse être inversé, on l’arrête complètement en coupant l’injection de carburant. En cas de commande de la passerelle, le sens de rotation et le régime de la machine sont contrôlés par un signal du LTU au moyen d’un système de commande.
La machine principale est également munie d’un programme de montée et de descente en charge pour augmenter ou diminuer progressivement la charge de la machine principale entre la marche en avant toute et la navigation en avant toute. De la marche en avant toute à l’arrêt, puis de l’arrêt à la marche arrière d’urgence, il n’y a pas de programmation de la charge et la machine principale est faite pour répondre instantanément.
La propulsion peut être commandée à partir de la passerelle, les ailerons de passerelle, la salle de commande des machines et la salle des machines. Le LTU sur la passerelle permet à un opérateur de contrôler directement à la fois la vitesse et le sens de rotation de la machine (avant ou arrière)Note de bas de page 27.
Il y a 11 positions indiquées sur la manette LTUNote de bas de page 28. Chaque position représente une commande de régime spécifique vers l’avant ou vers l’arrière qui lui est associéeNote de bas de page 29. La manette peut être déplacée de manière fluide entre les 11 positions pour des réglages plus précis (figure 6). Lorsque la manette LTU est déplacée vers l’une de ces positions, les diodes électroluminescentes orange correspondantes s’allument de chaque côté de la manette pour indiquer la position de celle-ci et l’ordre de propulsion.
Une plaque gravée fixée à la console de commande de propulsion indique le régime correspondant de la machine principale et la vitesse du navire pour chaque ordre de propulsion, sauf pour la marche arrière d’urgence (figure 7).
L’affiche de la timonerieNote de bas de page 30 indique que le temps nécessaire au navire pour passer de la marche en avant d’urgence à la marche en arrière toute est de 9 minutes et 9 secondes et pour passer de la marche en avant toute à l’arrêt est de 7 minutes et 11 secondes. Le nombre maximal de démarrages consécutifs de la machine principale est de 25, en fonction de la capacité des réservoirs d’air. L’affiche de la timonerie comporte également des renseignements sur les manœuvres d’urgence et la distance d’arrêt du navire lors d’un arrêt inertielNote de bas de page 31 (annexe A).
Sur la même console que la manette LTU, il y a des affichages numériques pour le régime et le sens de rotation de la machine. Il y a également un enregistreur de mouvement de la passerelle qui enregistre les mouvements du transmetteur d’ordres sur une imprimante. Il y a un autre indicateur de régime sur la passerelle, au-dessus de la fenêtre centrale de la passerelle, devant le pupitre de barre. Cet indicateur fournit des renseignements sur l’état et le sens de rotation de la machine principale. Il est visible à partir du système électronique de visualisation des cartes marines (ECDIS) du côté bâbord de la passerelle (figure 8), là où le pilote était tout au long du voyage. L’appareil de pilotage portable du pilote se trouvait également à cet endroit.
Légende
1 Pilote
2 Timonier
3 Second officier
4 Capitaine
1.8.1 Marche arrière d’urgence de la machine principale
Lorsqu’un navire fait route et que la machine principale est arrêtée, le navire ne s’arrête pas immédiatement, mais continue à se déplacer sur l’eau sur une certaine distance en raison de l’inertie. L’affiche de la timonerie du Caravos Harmony indique que si le navire se déplace à 15,14 nœuds (navigation en avant toute) sur lest et que sa machine est arrêtée, le navire continuera sur son erre sur 0,78 NM et prendra 7,2 minutes avant que la vitesse ne diminue à 4,99 nœudsNote de bas de page 32,Note de bas de page 33. Bien que la machine ne soit plus alimentée en carburant une fois qu’elle est arrêtée, l’erre du navire dans l’eau entraîne l’hélice et fait ainsi tourner la machine.
Lorsqu’un navire se déplace et doit être arrêté d’urgence, la propulsion arrière est appliquée et les ancres peuvent également être jetées si nécessaire. Pour que le navire puisse faire marche arrière, la machine doit d’abord être arrêtée, puis redémarrée dans le sens de la marche arrière.
Les essais de marche arrière d’urgence (arrêt en catastrophe) et les autres essais de marche arrière utilisés pour préciser les renseignements sur les caractéristiques de manœuvre du Caravos Harmony, indiquées sur l’affiche de la timonerie, ont été effectués pendant les essais en mer avec la machine principale tournant à environ 108 tr/min et le gouvernail du navire au milieu du navire. L’essai en marche arrière a montré que si le navire se déplace à 14,58 nœuds (navigation en avant toute) sur lest et que la machine est mise en marche arrière toute, le navire continuera sur son erre sur 0,88 NM (1629,76 m) et il faudra 9,15 minutes avant que la vitesse ne diminue à 0,34 nœudNote de bas de page 34,Note de bas de page 35. L’essai a également montré que lorsque la marche arrière d’urgence est amorcée alors que la vitesse du navire est de 6,13 nœuds, le navire parcourt une distance d’environ 0,173 NM (320 m) et il faut environ 3 minutes et 9 secondes avant que la vitesse du navire ne tombe à 0,34 nœud. Lors de l’événement à l’étude, l’ordre de faire marche arrière d’urgence a été donné 4 minutes et 42 secondes avant le heurt, alors que le navire se déplaçait à environ 6 nœuds. Lorsque la machine a finalement répondu à l’ordre de faire marche arrière, la proue du navire se trouvait à environ 0,23 NM (426 m) de la section médiane tribord du Pan Acacia.
Le LTU du Caravos Harmony comprend un ordre de propulsion pour la marche arrière d’urgence, qui permet à l’opérateur de lancer rapidement une commande de propulsion en marche arrière. Une commande de marche arrière d’urgence contourne les verrouillages de sécurité de la machineNote de bas de page 36 pour réduire le risque de défaillance de la machine et lui permettre de démarrer en marche arrière. Pour que la marche arrière d’urgence soit activée sur le Caravos Harmony, 2 conditions doivent être remplies. La 1re condition est qu’une commande de propulsion doit être donnée pour que le régime de la machine passe d’au moins 65 tr/min ou plus en marche avant à au moins 50 tr/min en marche arrière. En d’autres termes, la manette LTU doit être déplacée d’une position supérieure à en avant demie à une position égale ou inférieure à en arrière lente. La 2e condition est que la manette LTU doit être déplacée par cette commande dans un délai de 2 secondes.
Une fois que la marche arrière d’urgence est appliquée, l’injection de carburant à la machine s’arrête. Cependant, l’hélice et la machine continuent de tourner en avant en raison de l’erre du navire dans l’eau. À mesure que l’erre diminue, le régime commence à diminuer. Lorsque le régime tombe à 16 tr/min ou moins, la machine est continuellement alimentée en air de freinageNote de bas de page 37, ce qui fait tomber le régime à 0. L’arbre à cames est alors mis en position de marche arrière, l’air de démarrage est injecté et la machine principale commence à tourner vers l’arrière jusqu’à ce qu’elle atteigne 12 tr/min. À ce stade, le carburant est injecté et la machine commence à fonctionner au carburant dans le sens de la marche arrière.
L’application répétée de l’air de freinage réduit la pression d’air dans le réservoir d’air. Si la machine ne démarre pas au carburant lors de la 1re tentative, elle essaiera de démarrer une 2e fois après un délai de 5 secondes. Si le 2e démarrage est infructueux, la machine fera une 3e tentative après un autre délai de 5 secondes. Après 3 tentatives infructueuses, l’alarme d’échec de démarrage, qui est à la fois visuelle et sonore, se déclenche. Pour réinitialiser l’alarme d’échec de démarrage, l’opérateur doit déplacer la manette LTU en position d’arrêt. Au moment de l’événement, il y avait eu 3 échecs de démarrage de la machine et l’alarme d’échec de démarrage s’était déclenchée sur le panneau de commande de propulsion de la passerelle et sur le panneau d’alarme de la salle de commande des machines. Après le réarmement de l’alarme, la machine principale a démarré en marche arrière après 4 tentatives.
Le manuel du fabricant de la machine contenait des renseignements sur l’application de la marche arrière d’urgence à partir de la salle des machinesNote de bas de page 38. À propos de la marche arrière d’urgence à partir de la passerelle, le manuel renvoyait l’opérateur au manuel Kongsberg pour le LTU. Le manuel Kongsberg indiquait que la marche arrière d’urgence était amorcée [traduction] « lorsque la manette de la passerelle passait de la position avant à la position de marche arrière d’urgence, selon un ensemble de paramètres comprenant les 2 conditions (régime de la machine principale et limites de temps)Note de bas de page 39 ». Le manuel Kongsberg ne précisait pas le régime nécessaire pour amorcer la marche arrière d’urgence. La section 3.2 du manuel Kongsberg ne mentionnait que le paramètre de temps consistant à déplacer la manette LTU dans les 2 secondesNote de bas de page 40. Au moment de l’événement, le navire disposait d’une copie électronique du manuel Kongsberg, mais l’équipe à la passerelle et l’équipe machine ne connaissaient pas les 2 conditions (régime et temps) mentionnées dans le manuel pour amorcer une marche arrière d’urgence. Aucun des autres documents du navire ne contenait de renseignements sur ces conditions. Le manuel de la machine principale indiquait que si la vitesse du navire est trop élevée, le régime de démarrage en marche arrière de 12 ne serait pas atteint assez rapidement pour que la machine principale fonctionne au carburant, ce qui entraîne une perte d’air de démarrageNote de bas de page 41.
Dans l’événement à l’étude, il y a eu au total 5 tentatives de mises en marche arrière d’urgence. La 1re tentative a été faite lorsque le régime de la machine était de 61 tr/min. Lors des tentatives suivantes, le régime de la machine avait diminué. Le temps nécessaire pour placer la manette LTU en position de marche arrière d’urgence a également dépassé 2 secondes dans toutes les tentatives, car la manette est restée à chaque position pendant plus de 2 secondes par crainte de surcharger la machine.
1.9 Essai de la propulsion en marche arrière
Le manuel du système de gestion intégrée d’IHS recommande que la propulsion en marche arrière soit mise à l’essai avant l’accostage pour assurer la sécurité des manœuvres du navire pendant l’accostageNote de bas de page 42. Il n’y a pas de recommandation relative à l’essai de la propulsion en marche arrière pendant que le navire se dirige vers la zone de mouillage. Lors du désarrimage à Tacoma, le Caravos Harmony a utilisé la propulsion en marche arrière sans problème. La propulsion en marche arrière n’a pas été mise à l’essai de nouveau après que le pilote de la British Columbia Coast Pilots Ltd. eut monté à bord.
1.10 Préparation pour l’utilisation des ancres
Le manuel du système de gestion intégrée d’IHS stipule que les ancres doivent être prêtes à être utilisées chaque fois que le navire s’approche d’une zone de mouillage, qu’il se trouve dans des eaux restreintes ou qu’il entre au port ou en sort. Le manuel indique que les 2 ancres doivent être préparées et que l’ancre à mouiller doit être descendue jusqu’à près de 1 mètre au-dessus du niveau de la mer et rester sur le frein à engrenage. Sauf en cas d’urgence ou si le port l’exige, l’ancre doit toujours être abaissée sur l’engrenage et ne pas être larguée à partir de la position entièrement arrimée Note de bas de page 43.
Dans l’événement à l’étude, alors qu’on approchait de la zone de mouillage, l’équipe du poste de mouillage a préparé l’ancre en soulevant la bosse de chaîne et en mettant en marche l’alimentation du guindeau pour chaque ancre. L’ancre bâbord et l’ancre tribord sont restées dans leur position arrimée et sur engrenage jusqu’à ce que le capitaine ordonne de les mouiller. L’ancre tribord n’avait pas été utilisée depuis le 28 décembre 2018.
1.11 Échanges entre le capitaine et le pilote
Selon la résolution A.960 de l’OMI, chaque affectation de pilotage devrait commencer par un échange de renseignements entre le pilote et le capitaine. Cet échange devrait comprendre, au minimum, les points suivants :
- entente générale sur les plans et les méthodes, y compris les plans d’intervention, concernant le voyage prévu;
- discussion de toute condition spéciale, comme les conditions météorologiques, la profondeur de l’eau, le dégagement sous quille, les courants de marée et le trafic maritime;
- discussion de toute caractéristique de manœuvre inhabituelle, de défaillance éventuelle des machines ou de problèmes concernant le matériel de navigation ou l’équipage;
- renseignements sur les dispositions prévues pour l’accostage et l’amarrage;
- confirmation de la langue à utiliser à la passerelle et avec les parties externes.
La communication des plans de voyage du navire du pilote lors de l’échange initial entre le capitaine et le pilote et tout au long de l’opération de pilotage permet aux pilotes et à tous les membres de l’équipe à la passerelle de construire un modèle mental commun du déroulement du voyage Note de bas de page 44. La résolution A.960 de l’OMI stipule que l’échange entre le capitaine et le pilote « devrait être un processus continu et devrait généralement se poursuivre pendant toute la durée du pilotage Note de bas de page 45 ».
Le Code STCW souligne également l’importance d’un échange continu de renseignements entre le capitaine et le pilote, et stipule que :
[n]onobstant les tâches et obligations qui incombent aux pilotes, leur présence à bord ne décharge pas le capitaine ou l’officier chargé du quart à la passerelle des tâches et obligations qui leur incombent sur le plan de la sécurité du navire Note de bas de page 46.
L’APP laisse la planification de la traversée Note de bas de page 47 à la discrétion de chaque pilote, qui détermine la route à suivre en fonction de son expertise, de ses connaissances locales et d’une évaluation des conditions environnementales du voyage.
Lors de l’embarquement, le pilote et le capitaine ont eu un bref échange sur le but du voyage et le pilote a communiqué verbalement à l’équipe à la passerelle les conditions de courant et de marée ainsi que certains détails de son plan au fur et à mesure de la progression du voyage. L’APP a une fiche d’échange de renseignements capitaine-pilote normalisée qu’elle encourage les pilotes à remplir lorsqu’ils montent à bord d’un navire (annexe B). La fiche d’échange de renseignements capitaine-pilote avait été remplie par le pilote et signée par le capitaine et le pilote.
Le manuel du système de gestion intégrée d’IHS comprend également une fiche de pilotage du navire qui doit être remplie par l’équipe à la passerelle. La fiche de pilotage indique que les zones critiques du passage doivent faire l’objet d’une discussion approfondie. La fiche de pilotage du navire comporte des sections pour la signature du pilote et du capitaine (annexe C) Note de bas de page 48. La fiche de pilotage du navire comprend des renseignements sur un certain nombre de points, notamment la disponibilité des ancres, les divers régimes et vitesses, et le temps dont la machine principale a besoin pour passer de la marche en avant toute à la marche en arrière toute.
Dans l’événement à l’étude, le capitaine a signé la fiche de pilotage du navire avant de la remettre au pilote. Le pilote a vu mais n’a pas lu l’information qui y figurait et l’a signée après l’événement.
IHS dispose également d’une liste de vérification qui doit être remplie par l’officier de quart lorsqu’un pilote est à bord (annexe D). L’un des éléments de la liste de vérification invite l’équipe à la passerelle à vérifier que le plan de voyage proposé a été expliqué par le pilote et accepté par le capitaine.
1.12 Gestion des ressources à la passerelle
La GRP est la gestion et l’utilisation de toutes les ressources, humaines et techniques, pour assurer l’exécution du voyage en toute sécurité Note de bas de page 49. Une GRP efficace atténue le risque qu’une erreur de la part d’une seule personne ou qu’un point de défaillance unique entraîne une situation dangereuse. La conscience situationnelle en équipe et la communication sont les clés d’une GRP efficace.
1.12.1 Conscience situationnelle et communication en équipe
Lorsque des personnes travaillent en équipe, la conscience situationnelle en équipe est importante pour que les opérations soient sécuritaires et efficaces. Une conscience situationnelle en équipe efficace permet aux membres de l’équipe d’avoir des attentes précises quant au rendement de l’équipe en s’appuyant sur une base de connaissances commune. À mesure que les membres de l’équipe acquièrent une compréhension commune d’une situation, l’équipe peut coordonner ce qu’elle perçoit et décider collectivement d’un plan d’action Note de bas de page 50.
La conscience situationnelle en équipe est cruciale pour une prise de décision efficace. Lorsqu’une équipe a une compréhension commune d’une situation, ses membres développent une compréhension commune des tâches, notamment qui est responsable de quoi, ainsi que de leurs besoins et exigences en matière d’information. Lorsque la conscience situationnelle en équipe est optimale, tous les membres de l’équipe concernés peuvent se faire une idée précise de la situation Note de bas de page 51.
Pour que la conscience situationnelle en équipe se développe et soit maintenue, la bonne information doit parvenir à la bonne personne au bon moment, ce qui nécessite une coordination au sein de l’équipe Note de bas de page 52. L’efficacité d’une équipe est souvent reflétée par le degré de communication de l’information entre les membres de l’équipe (p. ex., questionnement, contre-vérification, coordination, établissement de priorités et planification d’urgence Note de bas de page 53). La conscience situationnelle en équipe peut être compromise par des ruptures de communication. Ces ruptures peuvent se traduire par des renseignements qui sont communiqués trop tard pour être utiles, qui ne sont pas toujours complets et précis ou qui sont ambigus, et par des problèmes qui ne sont pas résolus jusqu’à ce qu’ils deviennent urgents Note de bas de page 54. Les ruptures de communication peuvent également survenir lorsque des personnes sont exclues du processus de communication.
1.13 Sondage du BST sur le pilotage
En 1995, le BST a mené un sondage sur les pilotes maritimes canadiens Note de bas de page 55 afin de relever les enjeux de sécurité liés au travail d’équipe sur la passerelle, y compris dans les communications entre les pilotes, les capitaines et les officiers de quart. Le Bureau était préoccupé par la fréquence des événements mettant en cause des navires sous la conduite de pilotes dans les eaux canadiennes assujetties au pilotage et de leurs conséquences possibles. On a procédé à un examen préliminaire de 273 événements ayant eu lieu de février 1981 à mai 1992 et relevé le facteur contributif le plus important de chaque événement. Des 273 événements, 200 étaient attribuables à des facteurs humains, dont 46 % concernaient une erreur de jugement de la part du pilote ou du capitaine.
Par suite de son examen préliminaire, le Bureau a décidé de se pencher sur les situations ou les méthodes qui étaient à l’origine des ruptures relevées, dans le but de relever les lacunes en matière de sécurité.
Le sondage a établi que, en ce qui concerne l’échange général de renseignements, les pilotes, les capitaines et les officiers de quart avaient tendance à présumer que chacun était au courant de l’information nécessaire et que, si tel n’est pas le cas, ils la demanderaient. On a aussi établi que des malentendus importants pouvaient survenir lorsque les pilotes, les capitaines et les officiers de quart supposent à tort que tous les autres membres connaissent les caractéristiques de manœuvre du navire, les conditions locales et le plan de voyage prévu.
1.13.1 Langue de travail
Le manuel du système de gestion intégrée d’IHS indique que la langue de travail à bord de ses navires est l’anglais et que toutes les communications à bord doivent être en anglais Note de bas de page 56. Un panneau était affiché à cet effet sur la passerelle du Caravos Harmony. La fiche d’échange de renseignements capitaine-pilote de l’APP mentionne que le pilote est tenu d’avoir la conduite du navire en tout temps et que toute communication relative à la conduite du navire doit se faire en anglais.
Dans l’événement à l’étude, le capitaine et les membres d’équipage ont communiqué avec le pilote en anglais et ont communiqué entre eux principalement en tagalog, qui est leur langue maternelle.
Lorsque l’ancre de tribord ne s’est pas libérée, l’équipage a informé le capitaine en tagalog, qui a alors répondu en tagalog de mouiller l’ancre de bâbord. Au même moment, le pilote insistait toujours pour mouiller l’ancre de tribord. Pendant que l’équipage du poste de mouillage était témoin du heurt imminent, on communiquait avec le capitaine principalement en tagalog. Le pilote à bord lors de l’événement à l’étude ne parlait pas le tagalog et ne le comprenait pas.
1.14 Système de gestion de la sécurité
Le Code ISM est une norme internationale visant la gestion et l’exploitation sécuritaires des navires et la prévention de la pollution. Le Code ISM s’applique aux navires ressortissants à la Convention SOLAS et établit des objectifs de gestion de la sécurité. On exige notamment la mise en place d’un système de gestion de la sécurité (SGS) Note de bas de page 57.
En application du Code ISM, une compagnie est tenue d’établir et de mettre en œuvre une politique visant à offrir des pratiques d’exploitation et un environnement de travail sans danger. Tous les risques établis pour les navires, le personnel et l’environnement doivent être évalués et des mesures de protection appropriées contre ces risques doivent être établies. La compagnie doit également améliorer constamment les compétences du personnel à terre et à bord des navires en matière de gestion de la sécurité et fournir des ressources adéquates et un soutien approprié à terre.
Pour satisfaire à l’exigence d’un SGS établie dans le Code ISM, IHS disposait d’un système de gestion intégré qui contenait diverses politiques et procédures pour le recrutement, la familiarisation et la prise en charge, ainsi que la formation de l’équipage.
1.14.1 Recrutement
Le système de gestion intégrée d’IHS énonce les étapes du recrutement de l’équipage. Ces étapes comprennent l’obligation pour un candidat d’assister aux exposés préparatoire et récapitulatif au siège social de la compagnie ou au bureau de l’agent de recrutement d’équipage local, et de se soumettre à une évaluation de rendement menée par l’agent. L’évaluation du rendement comprend la vérification de la capacité du candidat à communiquer en anglais, et les candidats qui ne sont pas en mesure de le faire sont écartés des entretiens ultérieurs par les responsables concernés.
IHS exige qu’un capitaine ait au moins 2 ans d’expérience en tant que capitaine et 3 ans d’expérience sur le même type de navire que celui que le capitaine commandera. Le capitaine est tenu de connaître les principes de fonctionnement des machines.
Le second capitaine doit avoir au moins 2 ans d’expérience en tant que second capitaine et 3 ans d’expérience sur le même type de navire que celui sur lequel le second capitaine sera affecté. Le second capitaine doit connaître les principes de fonctionnement de l’équipement de navigation et des autres machines, y compris le fonctionnement des guindeaux.
Le chef mécanicien doit avoir au moins 2 ans d’expérience en tant que chef mécanicien et 4 ans d’expérience sur le même type de navire que celui sur lequel le chef mécanicien sera affecté. Le chef mécanicien doit avoir une expérience des différents types de machines, des systèmes d’entretien, des commandes automatisées, etc.
Le second officier doit satisfaire aux exigences du Code STCW et avoir 1 an d’expérience sur le même type de navire que celui sur lequel le second officier sera affecté. Les autres officiers et mécaniciens doivent satisfaire aux exigences du Code STCW, mais il n’y a pas d’autres exigences spécifiques pour eux. Tous les officiers et mécaniciens doivent avoir une bonne maîtrise de l’anglais.
1.14.2 Exposés préparatoires, familiarisation et prise en charge de l’équipage
Le système de gestion intégré comprend également des procédures pour les exposés préparatoires, la familiarisation et la prise en charge de l’équipage. Les exposés sont effectués par les directeurs ou les agents d’équipage et porte sur des sujets relevant du Code ISM. La durée d’un exposé peut varier pour les officiers supérieurs en fonction de leur expérience au sein de la compagnie et du type de navire.
1.14.2.1 Exposés préparatoires et récapitulatifs
Lorsqu’un capitaine, un second capitaine ou un chef mécanicien qui a déjà travaillé pour IHS se joint à l’équipage d’un navire de la compagnie pour la 1re fois, il est tenu d’assister à un exposé préparatoire d’un jour avant de se joindre au navire. S’il se joint à la compagnie pour la 1re fois et qu’il a de l’expérience sur le même type de navire, il doit assister à un exposé préparatoire de 2 jours avant de monter à bord du navire.
Le chef mécanicien doit également être informé des opérations spécifiques à la salle des machines par le directeur technique d’IHS. Le chef mécanicien du Caravos Harmony n’a pas été informé des opérations de la salle des machines avant de monter à bord du navire.
Il n’y a pas d’exigences concernant les exposés préparatoires pour les autres officiers avant de se joindre à l’équipage du navire.
Dans l’événement à l’étude, le capitaine, le second capitaine, le chef mécanicien et le second officier n’ont pas été informés par les chefs de service d’IHS avant de se joindre à l’équipage du navire.
La compagnie exige que les capitaines et les chefs mécaniciens, lorsqu’ils débarquent d’un navire, mènent un exposé récapitulatif des conditions, de l’état opérationnel et des normes techniques, opérationnelles et procédurales à bord. En outre, un chef de service procède à une évaluation de rendement du capitaine. Après l’événement, le chef mécanicien n’a pas assisté à un exposé récapitulatif mené par IHS. On ne sait pas si le capitaine a assisté à un exposé récapitulatif après avoir quitté le Caravos Harmony.
1.14.2.2 Familiarisation à bord
IHS établit des exigences pour la familiarisation et la prise en charge de l’équipage à bord des navires. Lorsqu’un capitaine, un second capitaine ou un chef mécanicien qui a déjà travaillé pour IHS se joint à l’équipage d’un navire de la compagnie pour la 1re fois, il doit participer à une séance de familiarisation d’un jour à bord. S’il se joint à la compagnie pour la 1re fois et qu’il a de l’expérience sur le même type de navire, il doit participer à une séance de familiarisation de 2 jours à bord du navire.
Le chef mécanicien doit également être familiarisé avec les opérations de la salle des machines par le directeur technique d’IHS. Le chef mécanicien du Caravos Harmony n’a pas été familiarisé avec les opérations de la salle des machines avant de monter à bord du navire.
La familiarisation à bord est adaptée à chaque officier et inclut la prise en charge de responsabilités pour certains officiers. Pour les capitaines, les chefs mécaniciens et les seconds capitaines, la familiarisation et la prise en charge se font simultanément.
Pendant la familiarisation et la prise en charge, l’officier sortant informe l’officier entrant de toutes les tâches et responsabilités pertinentes, des procédures de sécurité et d’urgence, ainsi que de l’état de l’équipement dont l’officier est responsable. L’officier sortant doit également remettre tous les biens, publications, registres, documents et équipements du navire dont l’officier entrant sera responsable. L’officier sortant doit également, de concert avec l’officier entrant, inspecter minutieusement les domaines de responsabilité de l’officier entrant. Tout défaut signalé doit être immédiatement enregistré et porté à l’attention de la compagnie.
IHS fournit à tous les officiers de pont une familiarisation sur l’ECDIS, qui comprend un aperçu de la façon d’initialiser le système, d’effectuer les opérations de base, d’accéder aux cartes et aux autres outils et fonctions de navigation et de planifier les routes. La familiarisation comprend aussi la surveillance et le contrôle de la performance de l’ECDIS. IHS n’a pas offert de séance de familiarisation aux officiers ou aux mécaniciens à bord du Caravos Harmony sur les commandes automatisées spécifiques de la machine principale installées à bord des navires.
1.14.3 Formulaires et listes de vérification pour la familiarisation
IHS dispose de différents formulaires et listes de vérification de familiarisation selon les différents rangs Note de bas de page 58. La liste de vérification de familiarisation pour le capitaine, le chef mécanicien, les officiers de pont et les mécaniciens est divisée en sections générales, dont chacune contient une liste plus détaillée des points à couvrir pendant la familiarisation. Les sections générales concernent les thèmes suivants :
- procédures et équipement de sécurité;
- exposé initial;
- fonctions, responsabilités et procédures spécifiques au poste;
- procédures d’urgence;
- système de gestion intégrée;
- procédures de protection de l’environnement.
Le 4 août 2018, le capitaine du Caravos Harmony a suivi une séance de familiarisation d’un jour avec le capitaine sortant. Pendant cette période, le capitaine a parcouru les dossiers et les registres du navire. Le capitaine a également reçu des notes de prise en charge concernant le navire avant qu’il n’assume la responsabilité de capitaine. Les notes de prise en charge indiquaient que la machine principale avait des problèmes mécaniques lorsqu’elle était utilisée entre marche en avant lente et en avant demie. Rien n’indique que cela a été abordé lors de la réunion de sécurité régulière du navire ou que la compagnie a été informée.
Le 11 mars 2019, le chef mécanicien du Caravos Harmony a suivi une séance de familiarisation de 2 jours avec le chef mécanicien sortant. Pendant cette période, le chef mécanicien a parcouru les dossiers et les registres du navire et a reçu des notes de prise en charge concernant le navire avant d’assumer la responsabilité de chef mécanicien. Les notes de prise en charge du chef mécanicien n’indiquaient pas les problèmes de la machine principale mentionnés dans les notes de prise en charge du capitaine.
Un des éléments de la liste de familiarisation du chef mécanicien était la connaissance de la commande du transmetteur d’ordres et du fonctionnement de la machine principale. La liste de vérification de familiarisation du chef mécanicien ne comprenait pas le fonctionnement des systèmes de commande de la machine principale, y compris les fonctions de surpassement et les procédures d’urgence, les commandes manuelles, etc. Le chef mécanicien n’était pas non plus familiarisé avec les commandes automatisées de la machine principale du Caravos Harmony.
Les listes de vérification de familiarisation du second capitaine et des autres officiers de pont exigeaient la connaissance de la commande du transmetteur d’ordres de la machine principale. Le second capitaine et les autres officiers de pont n’avaient pas été familiarisés avec les manœuvres normales ou d’urgence de la machine principale.
1.14.4 Formation
La compagnie a des plans de formation pour chaque officier, qui mettent l’accent sur les opérations critiques à bord du navire, comme les opérations sur la passerelle, les manœuvres du navire, etc. Le plan de formation comprend une panoplie de formations, telles que la formation interne, la formation externe (y compris le perfectionnement dans des centres de formation sélectionnés) et la formation à bord (formation en cours d’emploi, formation pendant les exercices, formation par vidéo, démonstration d’équipements et/ou de procédures, etc.). Le personnel impliqué dans les incidents opérationnels assiste à des séminaires de perfectionnement spécifiques mettant l’accent sur la prévention des incidents, le contrôle de la sécurité et les procédures de protection de l’environnement.
IHS a prévu de fournir une formation de base sur l’ECDIS installé à bord des navires à tous les officiers de navigation. IHS n’a fourni aucune formation sur les commandes automatisées spécifiques de la machine principale, comme le Kongsberg AutoChief C20 installé à bord du Caravos Harmony, aux officiers ou mécaniciens.
1.15 Exigences de l’Administration portuaire Vancouver Fraser en matière de remorquage
En 2017, l’Administration portuaire Vancouver Fraser, prévoyant une augmentation du nombre et de la taille des navires fréquentant les terminaux de l’inlet Burrard, a lancé un examen de la zone de restriction des mouvements existante dans le passage First (désormais connue sous le nom de zone de contrôle du trafic 1 [TCZ-1]) Note de bas de page 59. À cette époque, une zone de restriction des mouvements était déjà en place pour le passage Second. Une étude a été commandée pour examiner, entre autres, les types de navires qui auraient besoin d’une escorte de remorqueurs reliés par câ ble lorsqu’ils traversent le passage First Note de bas de page 60. L’étude a donné lieu à des modifications des procédures de la TCZ-1 du passage First dans le guide d’information sur le port Note de bas de page 61 pour les navires de haute mer qui transitent par le passage First.
L’étude portait particulièrement sur l’évaluation des transits de vraquiers de plus de 70 000 tonnes de port en lourd ayant un tirant d’eau en charge supérieur à 12,5 m; elle n’a pas pris en compte les vraquiers de 250 m ou moins qui transitent par la TCZ-1 du passage First en direction de Vancouver. L’étude a été réalisée au moyen de simulations utilisant 3 types de navires : un ultragros porte-conteneurs, un vraquier de type Capesize et un navire-citerne Aframax. L’étude a examiné les transits de ces navires à diverses périodes du cycle des marées, en se concentrant principalement sur le jusant et le flux maximaux. Les navires étudiés ont utilisé des voies de circulation dont le cap et la route étaient d’environ 125°V pour le transit entre la pointe Prospect et le haut-fond Burnaby. L’étude exigeait que la vitesse sur l’eau des navires à l’arrivée soit de 7 nœuds ou moins lorsqu’ils passaient la pointe Navvy Jack. L’étude a également examiné le trafic maritime actuel et futur potentiel transitant par le passage First à une vitesse de 6 nœuds et lors d’un flux supérieur à 2 nœuds.
L’étude a souligné que, pour atténuer les risques associés aux échouements ou aux heurts, de navires, des escortes de remorqueurs reliés par câble pourraient être nécessaires pour certains navires à l’arrivée et au départ du port de Vancouver. À la suite de cette étude, les procédures relatives à la TCZ-1 du passage First du guide d’information sur le port ont été mises à jour afin d’inclure un tableau permettant de déterminer si les navires d’une longueur hors tout comprise entre 250 et 310 m doivent être escortés par des remorqueurs lorsqu’ils entrent dans le port de Vancouver ou en sortent. Les exigences sont fondées sur le tirant d’eau et la direction du transit du navire, ainsi que sur la marée et les courants, comme suit (tableau 2) :
Tirant d’eau (m) | Direction du transit | Marée | Courant | Remorqueurs/puissance de traction |
---|---|---|---|---|
Moins de ou égal à 12,5 | À l’arrivée | Flot | Plus de 2 nœuds | 1 remorqueur, puissance de traction de 50 tonnes |
Jusant | Sans objet | Sans objet | ||
Au départ | Flot | Pour les 2 premières heures après la marée haute ou plus de 2 nœuds | 1 remorqueur, puissance de traction de 50 tonnes | |
Jusant | Sans objet | Sans objet | ||
Plus de 12,5 | À l’arrivée | Flot | > plus de 2 nœuds | 2 remorqueurs, puissance de traction de 50 tonnes |
Jusant | > plus de 2 nœuds | 1 remorqueur, puissance de traction de 50 tonnes | ||
Au départ | Flot | > plus de 2 nœuds | 1 remorqueur, puissance de traction de 50 tonnes | |
Jusant | > plus de 2 nœuds | 1 remorqueur, puissance de traction de 50 tonnes |
Les vraquiers au départ d’une longueur hors tout de 225 à 250 m et d’un tirant d’eau de plus de 12,5 m, lorsqu’ils naviguent par flot, peuvent également utiliser un remorqueur-tracteur ou un remorqueur ASD adéquat à la discrétion du capitaine ou du pilote.
Lorsque des remorqueurs sont nécessaires, ils doivent être reliés par câble avant d’entrer dans la TCZ-1 et doivent rester attachés jusqu’à ce qu’ils aient quitté la TCZ-1. Le tableau ne fournit pas de renseignements pour les vraquiers à l’arrivée dont la longueur hors tout est égale ou inférieure à 250 m.
Dans l’événement à l’étude, le Caravos Harmony, chargé, d’une longueur hors tout de 229 m, était en rapprochement, avec un tirant d’eau de 12,96 m et un port en lourd de 81 670 tonnes. La vitesse du navire était de 7,4 nœuds et la marée montante dans le passage First était d’environ 3 nœuds.
L’enquête a permis de déterminer qu’entre le 1er janvier 2017 et le 31 août 2020, un total de 3978 vraquiers d’une longueur de 250 m ou moins ont fait route vers ou à partir de zones de mouillage ou se sont amarrés ou désamarrés dans le port de Vancouver. De ce nombre, 26 ont rencontré des problèmes de propulsion ou de direction dans le port de Vancouver. Onze de ces navires se dirigeaient vers des zones de mouillage sans l’assistance de remorqueurs.
Au cours de l’enquête, le BST a également appris que, le 13 mars 2019, le Pan Acacia, d’une longueur d’environ 292 m, pour un tirant d’eau de 8,53 m, et sous la conduite d’un pilote, a franchi le passage First sans remorqueurs d’escorte. Peu après avoir franchi le passage First, le pilote a ordonné de mettre la machine en marche arrière, mais la machine principale du navire n’a pas répondu à cet ordre. Le pilote a demandé l’assistance d’un remorqueur. Pendant ce temps, le capitaine a ordonné des mouvements en marche arrière et la machine principale a répondu. Peu de temps après, le remorqueur Charles H. Cates I est arrivé et a escorté le Pan Acacia jusqu’à ce qu’il jette l’ancre de façon sécuritaire à la zone de mouillage A.
Le guide d’information sur le port n’établit pas d’exigences en matière de remorquage pour les vraquiers de 250 m ou moins qui transitent par le passage First.
1.16 Enregistreur des données du voyage
Les données objectives sont précieuses pour les enquêteurs qui cherchent à comprendre comment un accident s’est produit. Différents modes de transport utilisent des enregistreurs de voix et de données pour appuyer les enquêtes sur les accidents. En plus de l’enregistrement audio de la passerelle, un enregistreur des données du voyage (VDR) doit enregistrer la date et l’heure, la position du navire, sa vitesse (sur l’eau ou par rapport au fond), son cap, les alarmes, les communications par radiotéléphone VHF, les données radar, la profondeur de l’eau, l’ordre de gouverne et la réponse du gouvernail, l’ordre et la réponse de la machine, l’état d’ouverture de la coque, l’état des portes étanches et des portes coupe-feu, l’accélération et les contraintes de la coque ainsi que la vitesse et la direction des vents.
Le Caravos Harmony était muni d’un VDR, comme l’exige la réglementationNote de bas de page 62,Note de bas de page 63. L’enquête a établique le port de données du VDR n’était pas relié au LTU et que le VDR n’avait pas enregistré les ordres de propulsion et les réponses des machines.
1.17 Événements précédents
1.17.1 Gestion des ressources à la passerelle avec un pilote à bord
M17A0390 (SBI Carioca) – Le 11 octobre 2017, le vraquier SBI Carioca, avec un pilote et 22 membres d’équipage à bord, s’est échoué à l’approche de la jetée du port de Belledune (Nouveau-Brunswick), dans la baie des Chaleurs. Un risque que le BST a cerné au cours de son enquête est que si l’on n’applique pas efficacement les principes de la GRP, notamment lorsqu’il y a un pilote à bord, les équipes à la passerelle pourraient être privées d’un modèle mental commun pour piloter leur navire de façon sécuritaire.
M16C0005 (MSC Monica) – Le 22 janvier 2016, le navire-porte-conteneurs MSC Monica s’est échoué à 1 NM au nord-nord-est de Deschaillons-sur-Saint-Laurent (Québec). Un risque que le BST a cerné au cours de son enquête est que si tous les membres de l’équipe à la passerelle n’ont pas une connaissance complète et commune d’un problème émergent et s’ils n’échangent pas des renseignements de façon continue afin de régler les problèmes, la réponse de l’équipe à la passerelle risque d’être prématurée, non coordonnée et inefficace.
M14C0193 (Vachon) – Le 12 septembre 2014, le remorqueur Vachon a heurté le brise‑lames de Port-Cartier (Québec) pendant qu’il aidait le vraquier Orient Crusader à entrer dans le port. Un risque que le BST a cerné au cours de son enquête est que si les membres de l’équipe à la passerelle ne continuent pas de participer activement à la surveillance de la progression du navire quand un pilote est à bord, des erreurs de navigation risquent de passer inaperçues.
M14P0014 (Cap Blanche) – Le 25 janvier 2014, le navire-porte-conteneurs Cap Blanche s’est échoué dans le chenal balisé de la courbe de Steveston (Colombie-Britannique). Le navire était sous la conduite d’un pilote et naviguait en conditions de visibilité réduite en raison du brouillard. Un risque que le BST a cerné au cours de son enquête est que si des renseignements susceptibles de nuire au passage sécuritaire d’un navire ne sont pas échangés entre l’équipe à la passerelle et les pilotes, il y a un risque que des situations ou conditions dangereuses persistent.
M12L0147 (Tundra) – Le 28 novembre 2012, le vraquier Tundra descendait le fleuve Saint‑Laurent et s’est échoué au sud de la bouée S ‑129, près de Sorel (Québec). Un facteur contributif que le BST a cerné au cours de son enquête est que le pilote et les autres membres de l’équipe à la passerelle n’ont pas échangé de renseignements sur la navigation du navire. Par conséquent, l’équipe à la passerelle n’était pas au courant du changement de cap prévu.
M04L0092 (Horizon) – Le 24 juillet 2004, le porte-conteneurs Horizon chargé de conteneurs descendait le fleuve Saint‑Laurent en provenance de Montréal (Québec), sous la conduite d’un pilote lorsque le navire a dépassé une position de changement de route et s’est échoué. Un facteur contributif que le BST a cerné au cours de son enquête est qu’au cours des minutes qui ont précédé l’échouement, des techniques efficaces de GRP n’ont pas été utilisées, et les communications entre les membres de l’équipe étaient minimales.
1.17.2 Enregistreurs des données du voyage
Le BST a mené 5 enquêtes au cours desquelles il n’a pas eu accès aux données du VDR durant l’enquête, en particulier les enregistrements audio de la passerelle. Dans chacune de ces enquêtes, on a relevé le risque suivant : si l’on n’a pas accès à ces données durant une enquête, les lacunes en matière de sécurité risquent de passer inaperçues et, par conséquent, on ne pourra pas transmettre ces informations dans le but de promouvoir la sécurité des transports.
M17P0400 (Seaspan Swift) – Le 15 novembre 2017, le traversier roulier Seaspan Swift a heurté le poste d’accostage no 2 à la gare maritime de Seaspan Ferries sur Tilbury Island, à Delta (Colombie-Britannique).
M15C0094 (Northern Spirit) – Le 13 juin 2015, le navire Northern Spirit I effectuait une excursion en soirée lorsqu’un passager est tombé par-dessus bord, à environ 4 NM à l’ouest de Toronto (Ontario). On a avisé les autorités de recherche et sauvetage, et celles-ci ont ratissé la zone, mais sans succès.
M14C0193 (Vachon) – Le 12 septembre 2014, le remorqueur Vachon a heurté le brise-lames de Port-Cartier (Québec) pendant qu’il aidait le vraquier Orient Crusader à entrer dans le port.
M11L0160 (Orsula) – Le 15 décembre 2011, le vraquier Orsula descendait le fleuve Saint-Laurent sous la conduite d’un pilote lorsque la maîtrise de l’appareil à gouverner a été perdue. Le navire s’est échoué près de Bécancour (Québec).
M11C0001 (BBC Steinhoeft) – Le 31 mars 2011, le BBC Steinhoeft, sous la conduite d’un pilote, s’est échoué dans le canal de la Rive-Sud de la Voie maritime du Saint-Laurent près de Saint-Lambert (Québec).
1.18 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance contient les principaux enjeux de sécurité auxquels il faut remédier pour rendre le système de transport canadien encore plus sécuritaire.
La gestion de la sécurité est l’un des enjeux figurant sur la Liste de surveillance 2020. Le Caravos Harmony avait un SGS qui était certifié et vérifié par une autorité agréée. Cependant, l’enquête a relevé des lacunes dans l’efficacité de la gestion de la sécurité concernant les procédures de propulsion arrière d’urgence et la familiarisation du capitaine et des officiers avec ces procédures.
MESURES À PRENDRE La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport maritime jusqu’à ce que :
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2.0 Analyse
L’enquête a établi que le Caravos Harmony a heurté le Pan Acacia ancré après que les tentatives de ralentir le navire et de modifier sa route eurent échoué. L’enquête a examiné le rôle de la gestion des ressources à la passerelle (GRP), la familiarisation et la formation de l’équipage sur le fonctionnement de la machine principale, ainsi que la disponibilité des informations relatives aux conditions nécessaires pour lancer la propulsion arrière d’urgence.
2.1 Facteurs ayant mené au heurt
Lorsque le Caravos Harmony est entré dans le passage First, le fort courant et les remous ont fait dévier le navire sur bâbord. Le pilote a donné des ordres de barre en avant toute et sur tribord pour tenter d’augmenter la circulation de l’eau autour du gouvernail et de corriger le cap du navire. Comme le second officier n’était pas familier avec les commandes automatisées de passerelle, il faisait une pause d’environ 4 secondes à chaque position intermédiaire par crainte de surcharger la machine. La pause de 4 secondes à chaque position intermédiaire signifiait que la machine principale répondait à chacune des positions intermédiaires en séquence comme des ordres aux machines typiques plutôt que comme un ordre unique.
Comme le navire ne répondait pas aussi rapidement que prévu et qu’il continuait à se déplacer sur bâbord, le pilote a ordonné de mouiller l’ancre de tribord et d’appliquer la marche arrière d’urgence. Ignorant les 2 conditions à remplir pour amorcer la propulsion en arrière, les tentatives répétées du second officier pour amorcer la marche arrière d’urgence sont restées vaines. En raison du manque de connaissance du second officier relativement aux commandes automatisées de passerelle de la machine principale, les ordres à la machine ont été inefficaces et le navire a été lent à réagir et a continué à se déplacer sur bâbord.
Le pilote a alors ordonné de mouiller l’ancre de tribord afin d’orienter le navire sur tribord. Comme aucune des 2 ancres n’avait été préparée au préalable pour le déploiement en les abaissant à 1 m au-dessus de l’eau comme l’avait demandé le pilote, l’équipage a trouvé l’ancre de tribord coincée en position rangée et n’a pas pu la libérer.
Ne disposant que de l’ancre de bâbord et n’ayant pas la même compréhension de la situation que le pilote, le capitaine a ordonné de mouiller l’ancre de bâbord afin d’arrêter le navire, mais le Caravos Harmony a continué à se déplacer sur bâbord jusqu’à ce qu’il heurte le Pan Acacia.
2.2 Gestion des ressources à la passerelle
L’échange continu de renseignements et la connaissance de la situation en équipe (conscience situationnelle en équipe) sont des éléments clés de la GRP et contribuent à la sécurité de la navigation des navires. La GRP n’est efficace que lorsque les membres d’une équipe ont une même compréhension d’une tâche et que la bonne information parvient à la bonne personne au bon moment. Les ruptures de communication peuvent avoir des effets néfastes sur la conscience situationnelle en équipe et donc sur la GRP.
Dans l’événement à l’étude, il y a eu des ruptures de communication qui ont eu une incidence sur la conscience situationnelle en équipe et qui ont abouti à des compréhensions différentes de la situation émergente. La 1re rupture de communication a résulté d’un partage incomplet de l’information pendant l’échange entre le capitaine et le pilote. Bien que le capitaine et le pilote aient discuté de certains aspects du voyage, notamment de la force des courants et de l’ancre à utiliser à la zone de mouillage D, ils n’ont pas discuté de la fiche de pilotage du navire, qui contient des renseignements sur les zones critiques du passage et sur la façon d’éviter les effets des remous des vagues. Ils n’ont pas discuté de la fiche de pilotage de l’Administration de pilotage du Pacifique ni de la fiche de pilotage du navire, qui visent toutes deux à faciliter l’échange d’information sur des sujets comme le plan de voyage, les caractéristiques de manœuvre, le langage commun et le dégagement sous quille. En outre, le capitaine et le pilote n’ont pas discuté des différents régimes de la machine principale, des vitesses ou du temps nécessaire pour passer de la marche en avant toute à la marche en arrière toute. Ces renseignements sont importants pour comprendre comment le navire réagit pendant les manœuvres. Sans un échange complet entre le capitaine et le pilote, le capitaine n’avait pas une compréhension détaillée de la route que le pilote prévoyait d’emprunter et ne pouvait donc pas déterminer si le navire se déplaçait comme prévu.
La 2e rupture de communication est survenue lorsque le Caravos Harmony s’est approché du Pan Acacia et que le capitaine et le pilote ont réagi différemment et indépendamment l’un de l’autre pour éviter le heurt. Parce qu’ils n’avaient pas développé une conscience situationnelle commune, le capitaine a ordonné de mouiller l’ancre de bâbord afin d’arrêter le navire, tandis que le pilote a ordonné de mouiller l’ancre de tribord afin de changer de cap. En jetant l’ancre de bâbord, le Caravos Harmony s’est déplacé plus loin sur bâbord et vers le Pan Acacia.
La détérioration de la communication de l’information entre le pilote et l’équipe à la passerelle a donné lieu à un modèle mental différent de l’utilisation prévue de l’ancre de tribord et à une mauvaise compréhension de l’évolution de la situation.
Un 3e exemple de rupture de communication s’est produit juste après que le pilote eut ordonné de mouiller l’ancre de tribord à 2 reprises. Lorsque l’ancre n’est pas tombée, le capitaine et le chef mécanicien en ont discuté en tagalog. Comme il ne comprenait pas le tagalog, le pilote n’a pas été mis au courant de la situation et a ordonné à plusieurs reprises de mouiller l’ancre de tribord. En réponse, le capitaine a informé le pilote qu’il avait jeté l’ancre de bâbord. Même s’il a alors été pleinement informé de la situation, le fait de mouiller l’ancre de bâbord a par la suite limité toute action que le pilote aurait pu entreprendre pour éviter la collision.
Le pilote et l’équipe à la passerelle n’ont pas échangé de renseignements essentiels pour établir une conscience situationnelle commune et exacte, ce qui a empêché une coordination rapide et efficace des actions visant à manœuvrer le navire en toute sécurité et à éviter le heurt.
Une communication efficace est importante pour le développement et le maintien d’une conscience situationnelle commune, un élément clé de la GRP. Le BST a déjà enquêté sur un certain nombre d’événements au cours desquels des défaillances de la GRP liées aux communications entre les pilotes et les équipes à la passerelle ont contribué à l’accident, ce qui souligne la nécessité pour les pilotes et les équipes à la passerelle de communiquer efficacement afin de développer une conscience situationnelle en équipe.
Si une communication efficace n’est pas utilisée pour développer la conscience situationnelle en équipe, il y a un risque que les membres de l’équipe aient des compréhensions différentes de la situation, ce qui peut nuire à la rapidité et l’efficacité des actions pour manœuvrer le navire en toute sécurité.
2.3 Procédures de familiarisation
Une familiarisation efficace est importante pour aider les nouveaux officiers à se familiariser avec les protocoles de sécurité, les procédures d’urgence et l’utilisation appropriée de l’équipement et des machines du navire, entre autres choses. La familiarisation permet de présenter aux nouveaux officiers les détails spécifiques de leur travail et leur donne l’occasion de consulter les manuels pertinents et les instructions spécifiques sur l’utilisation de l’équipement et des machines du navire.
Dans l’événement à l’étude, les 2 conditions requises pour amorcer une marche arrière d’urgence n’avaient pas été abordées lors de la séance de familiarisation du capitaine ou des officiers de pont. Il n’y avait aucune information sur la passerelle au sujet de ces 2 conditions, et elles n’étaient pas mentionnées dans la documentation du navire. Aucun des membres de l’équipe à la passerelle ou des mécaniciens ne les connaissait, et l’équipe à la passerelle et les mécaniciens croyaient que la machine principale serait surchargée si le régime était augmenté ou diminué rapidement entre la marche en avant toute et la marche arrière d’urgence.
Les machines diffèrent souvent considérablement d’un navire à l’autre, et les gens de mer servent rarement sur le même navire ou sur des navires semblables tout au long de leur carrière. Comme les prises en charge sont généralement courtes en raison du manque de temps au port, la vitesse à laquelle l’officier ou le mécanicien entrant peut assimiler l’information dépend de sa connaissance du navire ou d’un navire ou d’équipement semblable. Ainsi, les gens de mer peuvent parfois n’obtenir qu’une connaissance superficielle des machines. Bien que les manuels d’utilisation offrent des renseignements et des instructions détaillés sur les machines du navire, les membres de l’équipage sont souvent incapables de lire le manuel en profondeur dès leur arrivée sur le navire en raison du manque de temps alloué à la familiarisation. Il en résulte des situations où les membres de l’équipage utilisent de l’équipement qu’ils ne connaissent pas très bien, et ils se fient à leur expérience antérieure et improvisent. Dans certains cas, un membre d’équipage peut se fier à son expérience avec un appareil précédent qui est semblable au nouveau, mais qui n’a pas nécessairement les mêmes caractéristiques de fonctionnement. Tous ces facteurs combinés créent un risque d’erreurs opérationnelles.
Si la familiarisation avec les machines et l’équipement essentiels du navire n’est pas efficace et si les manuels d’instruction nécessaires ainsi que les procédures et la formation propres au navire ne sont pas fournis, les membres d’équipage n’auront pas nécessairement les compétences pour bien utiliser l’équipement, ce qui augmente le risque d’accident ou de blessure.
2.4 Exigences de l’Administration portuaire Vancouver Fraser en matière de remorquage
L’étude de 2017 commandée par l’Administration portuaire Vancouver Fraser n’a pas pris en compte les vraquiers de 250 m ou moins qui transitent par la zone de contrôle du trafic 1 du passage First en direction du port de Vancouver, mais a pris en compte les vraquiers au départ entre 225 m et 250 m avec un tirant d’eau de plus de 12,5 m qui sont chargés. Pour ces vraquiers au départ, le guide d’information sur le port de l’Administration portuaire Vancouver Fraser indique qu’un remorqueur peut être demandé à la discrétion du pilote pour traverser le passage First.
Un examen effectué par le BST a révélé qu’entre le 1er janvier 2017 et le 31 août 2020, 26 des 3978 vraquiers d’une longueur hors tout de 250 m ou moins ont eu des problèmes avec leur système de propulsion ou de direction dans le port de Vancouver. De ce nombre, 11 étaient en route vers le port de Vancouver et n’ont pas eu besoin d’être escortés par un remorqueur.
Si l’Administration portuaire Vancouver Fraser n’évalue pas le transit sans escorte des vraquiers de 250 m ou moins en direction du passage First, les dangers de ces transits pourraient ne pas être atténués, ce qui augmenterait le risque d’échouements ou de heurts.
2.5 Enregistreur des données du voyage
L’objectif d’un enregistreur des données du voyage (VDR) est de conserver un enregistrement sûr et récupérable des données sur la position, le mouvement, l’état physique et le contrôle d’un navire. Les enquêteurs s’appuient souvent sur ces données lorsqu’ils cherchent à comprendre la séquence des événements et les actions de l’équipe à la passerelle.
Même si le Caravos Harmony était muni d’un VDR comme l’exige la réglementation, les signaux des ordres de propulsion et des données de réponse n’ont pas été enregistrés par le VDR parce que le port de données n’était pas connecté. Ainsi, les enquêteurs n’ont pas pu confirmer en temps réel les ordres de propulsion et les temps de réponse par rapport à d’autres éléments de données du VDR.
Si l’on n’a pas accès aux données pertinentes du VDR dans le cadre d’une enquête, les lacunes en matière de sécurité risquent de passer inaperçues et, par conséquent, on ne pourra pas transmettre ces informations dans le but de promouvoir la sécurité des transports.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Lorsque le Caravos Harmony est entré dans le passage First, le fort courant et les remous ont fait dévier le navire sur bâbord.
- Le pilote a donné des ordres de barre en avant toute et sur tribord pour tenter de corriger le cap du navire. En raison du manque de connaissance du second officier relativement aux commandes automatisées de passerelle de la machine principale, les ordres à la machine ont été inefficaces et le navire a été lent à réagir et a continué à se déplacer sur bâbord.
- Le pilote a alors ordonné de mouiller l’ancre de tribord afin d’orienter le navire sur tribord. Comme aucune des 2 ancres n’avait été préparée au préalable pour le déploiement en les abaissant à 1 m au-dessus de l’eau comme l’avait demandé le pilote, l’équipage a trouvé l’ancre de tribord coincée en position rangée et n’a pas pu la libérer.
- Ne disposant que de l’ancre de bâbord et n’ayant pas la même compréhension de la situation que le pilote, le capitaine a ordonné de mouiller l’ancre de bâbord afin d’arrêter le navire, mais le Caravos Harmony a continué à se déplacer sur bâbord jusqu’à ce qu’il heurte le Pan Acacia.
- Le pilote et l’équipe à la passerelle n’ont pas échangé de renseignements essentiels pour établir une connaissance de la situation en équipe commune et précise, ce qui a empêché une coordination rapide et efficace des actions visant à manœuvrer le navire en toute sécurité et à éviter le heurt.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si une communication efficace n’est pas utilisée pour développer la conscience situationnelle en équipe, il y a un risque que les membres de l’équipe aient des compréhensions différentes de la situation, ce qui peut nuire à la rapidité et l’efficacité des actions pour manœuvrer le navire en toute sécurité.
- Si l’équipe à la passerelle et le pilote n’utilisent pas une langue de travail commune, il y a un risque que tout le monde ne dispose pas des mêmes renseignements et que la réponse soit non coordonnée et inefficace.
- Si la familiarisation avec les machines et l’équipement essentiels du navire n’est pas efficace et si les manuels d’instruction nécessaires ainsi que les procédures et la formation propres au navire ne sont pas fournis, les membres d’équipage n’auront pas nécessairement les compétences pour bien utiliser l’équipement, ce qui augmente le risque d’accident ou de blessure.
- Si l’Administration portuaire Vancouver Fraser n’évalue pas le transit sans escorte des vraquiers de 250 m ou moins en direction du passage First, les dangers de ces transits pourraient ne pas être atténués, ce qui augmenterait le risque d’échouements ou de heurts.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- Si l’on n’a pas accès aux données pertinentes du VDR dans le cadre d’une enquête, les lacunes en matière de sécurité risquent de passer inaperçues et, par conséquent, on ne pourra pas transmettre ces informations dans le but de promouvoir la sécurité des transports.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Transports Canada
Après l’événement, Transports Canada (TC) est monté à bord du Caravos Harmony pour effectuer une inspection de contrôle par l’État du port et a relevé plusieurs infractions à la Convention SOLAS, au Règlement sur les abordages et à la Convention du travail maritime, 2006, notamment les suivantes :
- L’une des goupilles de sécurité du guindeau bâbord était manquante.
- Les axiomè tres sur le pont présentaient des erreurs de +1 degré.
- L’information sur le dégagement sous quille était manquante sur la route prévue.
- Il y avait une erreur dans le compas magnétique.
TC a également cerné des éléments indiquant un manquement systématique à l’application du Code international de gestion de la sécurité (Code ISM) en matière d’entretien et de préparation aux situations d’urgence. TC a demandé qu’une vérification du Code ISM soit effectuée par la société de classification Registro Italiano Navale (RINA).
De plus, TC a effectué une inspection de contrôle par l’État du port du Pan Acacia.
4.1.2 Administration portuaire de Vancouver Fraser
Après l’événement, l’Administration portuaire Vancouver Fraser a modifié ses règles relatives au ravitaillement en carburant des navires à la baie English. Depuis juillet 2020, le ravitaillement en carburant de tous les navires peut se faire à la baie English, ce qui réduit le nombre de vraquiers chargés à l’arrivée qui transitent par la zone de contrôle du traffic (TCZ-1) du passage First.
4.1.3 Administration de pilotage du Pacifique
Après l’événement, l’Administration de pilotage du Pacifique (APP) et la British Columbia Coast Pilots Ltd. ont procédé à une évaluation des risques pour les vraquiers chargés entrant dans le port de Vancouver par une marée montante forte. En fonction du résultat de l’évaluation des risques, l’APP a émis un avis provisoire à l’intention d’intervenants de l’industrie le 4 avril 2019 qui stipule que, jusqu’à ce que le BST termine son enquête sur l’événement mettant en cause le Caravos Harmony, l’APP recommande les mesures provisoires suivantes lorsque le courant de crue dépasse 1,5 nœud :
- Un remorqueur d’escorte d’une puissance de traction minimale de 65 tonnes doit être demandé pour tout vraquier chargé à l’arrivée d’une longueur hors tout comprise entre 200 m et 250 m et dont le tirant d’eau est supérieur à 12 m qui se rend a une zone de mouillage entre Vancouver Wharves et Centerm.
- Le remorqueur d’escorte doit être amarré à 2 encablures à l’ouest du pont Lions Gate dans le passage First.
- Pour les navires de plus de 250 m, les utilisateurs doivent se référer à l’information sur la TCZ-1 du passage First dans le guide d’information sur le port.
Une note dans l’avis provisoire indiquait aussi que celui-ci serait modifié et clarifié une fois le rapport du BST publié.
4.1.4 Registro Italiano Navale
Le 18 mars 2019, un inspecteur de la RINA a effectué une vérification relative au Code ISM sur le Caravos Harmony et a relevé les 3 non-conformités majeures suivantes et fait une demande de vérification de suivi dans 2 mois :
- Les non-conformités ne sont pas toutes signalées à la personne désignée à terre de la compagnie.
- Les mesures visant à assurer une réponse à toutes les situations d’urgence ne sont pas toujours efficaces.
- Les procédures relatives à la réalisation des plans de voyage ne sont pas toujours entièrement prises en compte.
Le 12 avril 2019, un inspecteur de la RINA s’est rendu sur le navire pour effectuer une vérification de suivi et a confirmé que les non-conformités avaient été rectifiées. Entre le 24 et le 30 avril 2019, le navire a subi des réparations dans la zone de la proue. Une vérification supplémentaire relative au Code ISM a été effectuée, qui n’a donné lieu à aucune autre constatation ou mesure requise.
4.1.5 Iason Hellenic Shipping Co. Ltd.
Après l’événement, Iason Hellenic Shipping Co. Ltd. (IHS) a examiné le rendement de l’équipage et des agents de recrutement d’équipage et a remplacé les agents de recrutement d’équipage en place au moment de l’événement par une nouvelle agence entièrement certifiée. La nouvelle agence recrutera l’équipage sous la stricte supervision des services d’IHS afin de s’assurer que la sélection et le rendement de l’équipage soient rigoureux et entièrement conformes aux procédures et politiques du système de gestion de la sécurité (SGS).
IHS a également demandé aux nouveaux agents de recrutement d’équipage de donner une formation supplémentaire aux capitaines et à l’équipe à la passerelle principale avant l’embarquement. La formation portait sur la relation entre le capitaine et le pilote, ainsi que sur la planification des voyages, les échanges entre le capitaine et le pilote, la gestion des ressources à la passerelle et la communication.
La compagnie examinera la sensibilisation de l’ensemble de l’équipage et le respect des procédures du système de gestion de la sécurité (principalement celles liées aux normes de navigation, aux rapports d’entretien et de réparation et aux pratiques de sécurité) lors de visites plus fréquentes à bord jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite de la conduite du nouvel équipage.
Les exercices annuels exigeant la participation de personnes au bureau à terre et sur le navire ont été modifiés pour inclure un scénario de collision afin d’évaluer les connaissances et les réactions de l’équipage face à ce type d’urgence, et les leçons apprises à communiquer à toute la flotte.
Les capitaines et les seconds capitaines de la flotte ont reçu l’instruction de veiller au respect des procédures du SGS pendant les opérations d’ancrage. Le capitaine et la compagnie fourniront une formation supplémentaire sur les pratiques d’ancrage et l’entretien après avoir vérifié, examiné et évalué les performances du nouvel équipage. Une circulaire a été envoyée à toute la flotte concernant la nécessité de planifier le voyage à l’aide du système électronique de visualisation des cartes marines.
4.1.6 Pan Ocean Company Ltd.
Après l’événement, Pan Ocean Company Ltd., propriétaire du Pan Acacia, a pris les mesures de sécurité suivantes :
- L’équipage du navire a suivi une séance de formation à bord du navire sur les mesures d’urgence à prendre en cas d’accidents divers, notamment en cas de collision ou de heurt.
- Le guide d’orientation de la compagnie destiné aux capitaines a été modifié afin d’inclure une référence spécifique au heurt mettant en cause le Pan Acacia et de fournir des conseils sur les mesures anticollision à prendre lorsque les navires sont à la zone de mouillage.
- Les navires de la flotte ont reçu l’instruction d’afficher les règles de sécurité de la compagnie pour les quarts au mouillage et de rappeler à l’équipage qu’il doit avoir une connaissance approfondie de ces règles.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Affiche de la timonerie du Caravos Harmony (en anglais seulement)
Source: Iason Hellenic Shipping Co. Ltd
Annexe B – Fiche d’échange de renseignements capitaine-pilote de l’Administration de pilotage du Pacifique (en anglais seulement)
Source : Administration de pilotage du Pacifique
Annexe C – Fiche de pilotage du Caravos Harmony (en anglais seulement)
Source : Iason Hellenic Shipping Co. Ltd.
Annexe D – Liste de vérification de la compagnie pour le pilote à bord (en anglais seulement)
Source: Iason Hellenic Shipping Co. Ltd