Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M21P0297

Perte de conteneurs à la mer et incendie subséquent
Porte-conteneurs ZIM Kingston
Banc La Pérouse (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 21 octobre 2021, le porte-conteneurs ZIM Kingston, avec 21 membres d’équipage à bord, a été soumis à un roulis de 36° et a perdu 109 conteneurs à la mer alors qu’il dérivait au banc La Pérouse, à environ 27 milles marins au sud d’Ucluelet (Colombie-Britannique). Un certain nombre de conteneurs sur le pont ont également été endommagés.

    L’enquête a permis de déterminer que le ZIM Kingston avait subi un roulis paramétrique. Le roulis paramétrique se produit lorsque les conditions de mer convergent avec des facteurs spécifiques au navire de manière précise, ce qui entraîne des mouvements de roulis dangereux. Les forces créées par les mouvements extrêmes du navire ont été le facteur déclencheur de la perte de conteneurs.

    Environ 36 heures plus tard, alors que le navire était ancré au large de Victoria (Colombie-Britannique), un incendie s’est déclaré dans un conteneur endommagé qui renfermait des marchandises dangereuses (de l’amylxanthate de potassium). L’incendie s’est ensuite propagé à 5 conteneurs se trouvant à proximité, dont 2 renfermaient aussi des xanthates et 3 renfermaient des pneus et d’autres biens de consommation. L’incendie a brûlé pendant 5 jours avant d’être déclaré éteint.

    L’intervention de lutte contre l’incendie à bord a suivi les lignes directrices de l’industrie et de la compagnie, et a été menée de façon efficace. Le ZIM Kingston avait un contrat avec une compagnie américaine d’intervention en cas d’urgence, de sorte que le navire avait accès à des spécialistes, qui ont fourni des conseils tout au long de l’intervention, et à une équipe de personnel spécialement formé, qui a pu monter à bord du navire pour aider à contenir le feu. Le recours à ce personnel spécialisé à terre et à des navires de passage a aidé à limiter l’ampleur de l’incendie.

    En novembre 2021, 4 des conteneurs perdus à la mer ont été retrouvés et récupérés sur les rives du nord de l’île de Vancouver, de même que divers débris provenant des conteneurs. En juillet 2023, —un levé sous-marin a permis de localiser 29 conteneurs au fond de l’océan à proximité du lieu de l’événement. Les opérations continues de nettoyage de plages ont permis de retrouver des débris provenant probablement du ZIM Kingston échoués sur de grandes étendues de la ligne de côte de la Colombie-Britannique.

    Pour mieux comprendre les mouvements que le ZIM Kingston a subis dans cet événement, le BST a conclu un contrat avec le Conseil national de recherches Canada pour faire construire un modèle à l’échelle du navire. Des essais du modèle à l’échelle ont ensuite été effectués dans un bassin où les conditions de l’événement ont été simulées. Les essais ont révélé que le roulis paramétrique pouvait se développer, que le modèle soit à la dérive ou en route, et que les mouvements de roulis les plus importants étaient observés lorsque le modèle se trouvait dans des conditions de mer de l’avant et de mer de l’arrière. Les essais ont également démontré que le roulis paramétrique pouvait se produire à une hauteur significative de vaguesLa hauteur significative des vagues est une mesure moyenne des 33 % des vagues les plus grandes (source : National Oceanic and Atmospheric Administration, National Weather Service, « Significant Wave Height », à l’adresse https://www.weather.gov/mfl/waves [dernière consultation le 1er juin 2024]). d’aussi peu que 2,6 m.

    L’enquête a mis en évidence des lacunes de sécurité qui ont mené le Bureau à émettre 2 préoccupations liées à la sécurité : la première concerne la nécessité de disposer de directives complètes pour gérer le risque de roulis paramétrique; la seconde concerne l’état de préparation du Canada en cas d’urgence maritime.

    Directives complètes sur la gestion du risque de roulis paramétrique

    La gestion du risque de roulis paramétrique est complexe. Non seulement il est difficile de prédire exactement quand un événement de roulis paramétrique se produira, mais une fois que le roulis extrême commence, il peut ne pas être possible d’arrêter les mouvements dangereux avant que des conséquences négatives ne se produisent, telles que la perte de conteneurs. Voilà pourquoi il faut mettre l’accent sur la surveillance des conditions qui donnent lieu à un roulis paramétrique, de sorte que des mesures préventives puissent être prises en présence de ces conditions. Pour ce faire, les membres de l’équipe à la passerelle doivent disposer de politiques formelles, de procédures complètes et d’outils efficaces pour gérer ce risque.

    Le propriétaire du navire n’avait pas élaboré de procédures ni fourni d’outils précis pour aider l’équipe à la passerelle du ZIM Kingston à évaluer et à gérer le risque de roulis paramétrique; par conséquent, ce risque n’a pas fait l’objet d’une surveillance efficace, et aucune mesure d’atténuation n’a été mise en place alors que le navire attendait au large.

    L’Organisation maritime internationale (OMI) est généralement reconnue comme l’organisme international le mieux placé pour élaborer et diffuser des directives à l’intention de l’industrie maritime; toutefois, sa circulaire traitant du risque de roulis paramétrique n’a pas été mise à jour depuis plus de 17 ans. Par ailleurs, la circulaire ne présente que des directives opérationnelles minimes sur le roulis paramétrique, et elle n’offre aucune directive en ce qui concerne les politiques, les procédures, la formation, les outils ou les services liés à la gestion des risques associés au roulis paramétrique. Enfin, la circulaire qualifie aussi le roulis paramétrique de phénomène de gros temps, alors que les essais sur le modèle du ZIM Kingston menés dans le cadre de l’enquête ont permis de déterminer que ce phénomène pouvait se produire dans des conditions de mer modérées.

    L’OMI a publié récemment ses Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact, qui feront en sorte de réduire au minimum le risque de roulis paramétrique et offriront une approche cohérente pour aborder ce risque dans l’ensemble de l’industrie internationale du transport maritime. Toutefois, le calendrier d’intégration de ces directives au Recueil international de règles de stabilité à l’état intact, 2008 est incertain, et il n’est pas certain que les directives s’appliqueront aux navires existants. Les directives n’abordent pas non plus la question de la formation de l’équipage dans ce domaine.

    Le Bureau craint que l’absence de directives à jour et exhaustives de l’industrie pour la gestion du roulis paramétrique pourrait faire que les politiques, les procédures, les outils et la formation des compagnies soient incohérents, inefficaces ou totalement absents, ce qui pourrait mener à plus de pertes de conteneurs, avec leurs conséquences négatives pour la sécurité et l’environnement.

    L’état de préparation du Canada en cas d’urgence maritime

    Sur les navires commerciaux, les équipages sont formés et équipés pour gérer de nombreuses urgences maritimes avec les ressources à bord. Cependant, une urgence peut vite en devenir une où des ressources externes sont nécessaires. L’événement touchant le ZIM Kingston a mis en évidence certains des défis que pose l’intervention en cas d’urgence maritime dans les eaux canadiennes. Il a également soulevé des questions sur la disponibilité et la capacité des ressources canadiennes de mener de telles interventions.

    Après que l’incendie se fut déclaré sur le navire, c’est en grande partie grâce à des circonstances fortuites qu’une intervention rapide et efficace, avec le concours de ressources extérieures, a pu être mise en œuvre. Ces mêmes circonstances ne seront pas nécessairement présentes lors d’interventions futures, ce qui met en évidence la nécessité d’examiner attentivement l’état de préparation du Canada.

    Le Canada n’exige pas de plans convenus à l’avance pour l’intervention en cas d’incendie ou le sauvetage maritime, au contraire des États-Unis. De plus, la Garde côtière canadienne ne participe pas directement aux activités de lutte contre les incendies maritimes dans le cadre de l’intervention en cas d’incident, et elle ne dispose pas non plus de capacités de lutte contre les incendies qui lui permettraient d’intervenir directement en cas d’incendie sur un navire. Bien que cet événement se soit produit en mer, des enquêtes antérieures menées par le BST ont démontré que l’état de préparation soulève également des préoccupations lorsque des incendies à bord de navires se produisent dans les ports canadiens. À l’extérieur des ports, les options d’intervention en cas d’incendie à bord d’un navire sont encore plus limitées si l’intervention à bord ne réussit pas à éteindre l’incendie.

    L’état de préparation du Canada face à d’autres urgences maritimes, comme des événements de déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), est aussi source de préoccupation. Le Canada n’a aucun plan d’intervention en cas de déversement de SNPD, bien qu’il se soit doté d’un plan pour les événements relatifs aux hydrocarbures. Reconnaissant la nécessité d’une amélioration, le gouvernement fédéral a annoncé son intention de mettre au point un système unique pour répondre à tous les incidents de pollution marine, quelle qu’en soit la source, dans le but de réagir à ces incidents dans des délais qui réduisent au minimum les répercussions sur la santé humaine et l’environnement. De plus, Transports Canada a l’intention d’élaborer des règlements destinés à renforcer les exigences en matière de préparation applicables à l’industrie, par exemple, en exigeant que les navires prennent des dispositions prévoyant des services de lutte contre les incendies et de sauvetage, et disposent d’un spécialiste de l’intervention qui pourrait travailler avec les ministères fédéraux et d’autres partenaires pour gérer tout incident.

    Le présent événement, comme de nombreux autres, a montré que si la Garde côtière canadienne a la capacité d’évacuer des membres d’équipage qui sont blessés ou en danger, il existe des lacunes systémiques dans d’autres aspects des interventions en cas d’urgences à bord de navires. Bien que Transports Canada propose les changements susmentionnés pour remédier à ces lacunes, dans la pratique, la seule mesure concrète qui ait été prise jusqu’à présent est la modification de 2023 à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada qui donne au gouverneur en conseil la possibilité d’adopter des règlements concernant les dispositions d’urgence. En juin 2024, TC indiquait que selon les prévisions, l’élaboration de tels règlements se poursuivra encore 4 ans, sous réserve des priorités du gouvernement en matière de réglementation.

    Dans l’intervalle, le Bureau se préoccupe du fait qu’il y a des lacunes dans l’état de préparation du Canada relativement aux urgences maritimes qui dépassent la capacité d’intervention de l’équipage d’un navire, ce qui présente un risque pour les navires, pour l’environnement, ainsi que pour la santé et la sécurité du grand public.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Fiche technique du navire

    Tableau 1. Fiche technique du navire

    Nom du navire

    ZIM Kingston

    Numéro de l’Organisation maritime internationale (OMI)

    9389693

    Pavillon

    Malte

    Type

    Porte-conteneurs

    Jauge brute

    40 030

    Longueur hors tout

    260,05 m

    Tirant d’eau prévu

    12,62 m

    Port en lourd

    50 782 t

    Construction

    2008 par Samsung Heavy Industries Co., Ltd.

    Propulsion

    1 moteur diesel à entraînement direct de 36 560 kW actionnant 1 hélice à pas fixe

    Capacité de chargement

    4253 équivalents vingt pieds (EVP)

    Équipage

    21

    Affréteur

    ZIM Integrated Shipping Services Ltd.

    Gestionnaire de navire / armateur disposant*

    Danaos Shipping Co. Ltd.

    Propriétaire enregistré

    Balticsea Marine Inc.

    Société de classification / organisme reconnu

    DNV**

    Un armateur disposant est une personne ou une société qui a le navire en sa possession et peut en disposer (source : Institute of Chartered Shipbrokers (2016), Legal Principles in Shipping Business) ».

    ** DNV a changé de nom 3 fois depuis sa création en 1864. Connue à l’origine sous le nom de Det Norske Veritas, elle a fusionné avec Germanischer-Lloyd en 2013 pour devenir DNV-GL avant d’être rebaptisée DNV en 2021. Le nom DNV sera utilisé systématiquement dans le présent rapport.

    1.2 Description du navire

    Le ZIM Kingston (figure 1) est un porte-conteneurs intégral dont les emménagements sont situés à l’arrière. Les emménagements comportent le pont de la passerelle de navigation et les ponts A à D. La timonerie, située sur le pont de la passerelle de navigation, est équipée de tout le matériel de navigation requis par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS)Organisation maritime internationale (OMI), Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS) (1974, dernière modification en 2020), chapitre V, règle 19.. Le navire était muni d’un clinomètre analogiqueEn juin 2023, l’OMI a modifié la règle 19 du chapitre V de la Convention SOLAS pour rendre obligatoire la présence de clinomètres électroniques à bord des porte-conteneurs et des vraquiers d’une jauge brute de 3000 et plus construits à partir du 1er janvier 2026. et d’un enregistreur des données du voyage.

    Figure 1. Le ZIM Kingston (Source : Frank Behrends)
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    Figure 1. The ZIM Kingston (Source: Frank Behrends)

    Le navire a une capacité de chargement maximale de 4253 EVPL’EVP (équivalent vingt pieds) est une mesure de la capacité de chargement des porte-conteneurs qui utilise des conteneurs de 20 pieds comme unité de mesure du volume., dont 2669 EVP sur le pont et 1584 EVP dans les cales à marchandises. Les emplacements de conteneurs sont identifiés au moyen d’un système de numérotation basé sur la baie, la rangée et le niveau. Les baies situées à l’avant des emménagements sont numérotées de 01 à 46, de l’avant vers l’arrière, et les baies situées à l’arrière des emménagements sont numérotées de 50 à 62, de l’avant vers l’arrière. Les rangées sont numérotées à partir de l’axe longitudinal du navire vers l’extérieur. Les niveaux au-dessus du pont sont numérotés à partir du niveau du pont jusqu’au sommet de la pile de conteneurs. Le niveau 82 correspond toujours au conteneur qui se trouve en bas de la pile et qui est généralement situé sur les panneaux d’écoutille de la cale inférieure.

    Au moment de l’événement à l’étude, le ZIM Kingston suivait un itinéraire transpacifique comprenant des escales dans des ports de Taïwan, de Chine et de Corée du Sud, ainsi que sur la côte ouest du Canada et des États-Unis. Le navire était exploité en continu, et le mazoutage, l’embarquement de provisions et les changements d’équipage s’effectuaient pendant les opérations de manutention des cargaisons.

    1.3 Trafic de porte-conteneurs sur la côte ouest du Canada

    La plus grande part des produits manufacturés dans le monde sont transportés par des porte-conteneursChambre internationale de la marine marchande, « Container ships », à l’adresse https://www.ics-shipping.org/explaining/ships-ops/container-ships/ (en anglais seulement, dernière consultation le 1er juin 2024). utilisant 2 tailles de conteneurs normalisés : les équivalents 20 pieds ou les équivalents 40 pieds. Ces conteneurs peuvent être transportés dans des cales sous le pont ou arrimés sur le pont.

    Le trafic de porte-conteneurs sur la côte ouest du Canada a connu une croissance moyenne de 5 % par an au cours de la dernière décenniePort de Vancouver, « Les échanges commerciaux transitant par le Port de Vancouver sont restés stables en 2021 malgré les défis liés à la chaîne d’approvisionnement et aux conditions météorologiques extrêmes », à l’adresse https://www.portvancouver.com/fr/news-and-media/news/les-echanges-commerciaux-transitant-par-le-port-de-vancouver-sont-restes-stables-en-2021-malgre-les-defis-lies-a-la-chaine-dapprovisionnement-et-aux-conditions-meteorologiques-extremes/ (dernière consultation le 1er juin 2024). et devrait continuer d’augmenter dans les années à venir. En 2021, le port de Vancouver (Colombie-Britannique) a manutentionné 3,6 millions d’EVP et a reçu la visite de 663 porte-conteneurs étrangersPort de Vancouver, Rapport financier 2021, à l’adresse https://www.portvancouver.com/wp-content/uploads/2022/05/2021-Financial-Report-French.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024).. Le 2e plus grand port de la côte ouest du Canada, le port de Prince Rupert (Colombie-Britannique), a manutentionné 1,05 million d’EVP en 2021Port of Prince Rupert, 2021 Annual Report, à l’adresse https://2021.rupertport.com/ (en anglais seulement, dernière consultation le 1er juin 2024).. Si la croissance se poursuit, les terminaux de la côte ouest devraient atteindre leur limite de capacité d’ici le milieu ou la fin des années 2020Port de Vancouver, « Les échanges commerciaux transitant par le Port de Vancouver sont restés stables en 2021 malgré les défis liés à la chaîne d’approvisionnement et aux conditions météorologiques extrêmes », à l’adresse https://www.portvancouver.com/fr/news-and-media/news/les-echanges-commerciaux-transitant-par-le-port-de-vancouver-sont-restes-stables-en-2021-malgre-les-defis-lies-a-la-chaine-dapprovisionnement-et-aux-conditions-meteorologiques-extremes/ (dernière consultation le 1er juin 2024).. Cette situation a donné lieu à des projets d’agrandissement des terminaux à conteneurs de Vancouver et de Prince Rupert.

    Afin de maximiser le débit de conteneurs, les exploitants veillent en général à ce que les porte-conteneurs arrivent presque immédiatement après le départ du navire précédent. Les conteneurs sont ensuite chargés ou déchargés à l’aide de portiques à conteneurs portuaires. Le retard d’un navire peut avoir un effet en cascade qui oblige les navires suivants à ralentir en mer, à rester en circuit d’attente à l’extérieur du port ou à jeter l’ancre en attendant leur tour à un poste d’accostage.

    Dans l’industrie du transport maritime, il est fréquent que l’heure d’arrivée prévue (ETA) d’un navire change plusieurs fois pour diverses raisons, notamment les conditions météorologiques, les limites des machines, les problèmes d’équipement, l’indisponibilité des postes d’accostage, l’indisponibilité de la cargaison et la congestion des ports. Lorsqu’un porte-conteneurs arrive à un endroit plus tôt que son ETA ou son heure d’accostage prévue, il peut se rendre dans un mouillage et attendre les instructions d’accostage. Si aucun mouillage n’est disponible, le navire reste habituellement en circuit d’attente au large.

    À l’automne 2021, les ports du monde entier étaient confrontés à une congestion importante de la chaîne d’approvisionnement en raison des perturbations causées par la pandémie de COVID-19. Dans le port de Vancouver, cette congestion a été exacerbée par les incendies de forêt et les inondations survenus en Colombie-Britannique. La congestion a contraint les porte-conteneurs à jeter l’ancre ou à rester en circuit d’attente au large jusqu’à ce qu’un poste d’accostage se libère.

    1.4 Déroulement du voyage

    Le 6 octobre 2021, le ZIM Kingston a quitté Pusan (Corée du Sud) à destination de Vancouver. Le navire transportait 1965 conteneurs, soit un total de 3657 EVP. Sur les 1965 conteneurs, 1273 étaient chargés au-dessus du pont, et 692, sous le pont. Une partie de la cargaison était classée comme marchandise dangereuse (annexe A), notamment 4 conteneurs de 40 pieds qui renfermaient chacun 23 800 kg d’amylxanthate de potassiumL’amylxanthate de potassium, expédié en tant que xanthates, est une substance hygroscopique qui se présente sous forme de granules, de flocons ou de poudre. Il est principalement utilisé dans le domaine de l’exploitation minière. Lorsqu’ils sont en présence d’eau ou d’humidité, les xanthates dégagent du disulfure de carbone, qui est inflammable. Le numéro UN des xanthates est 3342. et 1 conteneur de 40 pieds qui renfermait 18 000 kg de dioxyde de thio-uréeLe dioxyde de thio-urée est une poudre cristalline utilisée comme agent de blanchiment pour les textiles, le cuir, le papier, etc. Le numéro UN du dioxyde de thio-urée est 3341..

    Le service des opérations de ZIM Integrated Shipping Services Ltd. (ZIM), l’affréteur du navire, avait initialement prévu que le ZIM Kingston arriverait à la station d’embarquement des pilotes au large de Victoria (Colombie-Britannique) le 19 octobre, afin d’embarquer un pilote pour l’accostage au port de Vancouver. Cependant, au cours du voyage, l’ETA du navire à la station de pilote a été modifiée à plusieurs reprises en raison de changements dans la disponibilité d’espace d’accostage, de telle sorte que la dernière ETA à la station de pilote était fixée à 2 hLes heures sont exprimées en heure avancée du Pacifique (temps universel coordonné [UTC] moins 7 heures), sauf indication contraire. le 24 octobre. Pour tenter de s’adapter aux changements, le capitaine a réduit la vitesse du navire à sa vitesse minimale pendant qu’il faisait route. Cependant, même à la vitesse minimale, l’ETA du navire selon la route planifiée était approximativement 3 jours avant l’heure d’arrivée qui avait été prévue.

    Vers 3 h le 21 octobre, le navire est arrivé près du banc La Pérouse, à environ 27 milles marins au sud d’Ucluelet (Colombie-Britannique) et à l’extérieur de la zone de services de trafic maritime de Prince Rupert et de Victoria. La capitaine a été informé du fait qu’aucun mouillage n’était disponible; il a donc communiqué avec les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) de Prince Rupert et a indiqué qu’il laisserait le navire dériver au banc La Pérouse. À ce moment-là, les vagues et les vents venaient du sud. Les prévisions météorologiques pour les prochaines 24 heures faisaient état de vents de 35 à 42 nœuds soufflant du sud-est et d’une houle d’une hauteur d’environ 5 m.

    Le capitaine a positionné le navire de façon à ce que la proue soit orientée vers le sud-ouest, soit face aux vagues, a éteint la machine principaleLe système de propulsion du ZIM Kingston est à entraînement direct, et la machine principale ne peut pas fonctionner sans propulser le navire. et a laissé le navire commencer à dériver vers le nord. Après environ 4 heures de dérive vers le nord, le capitaine du ZIM Kingston a utilisé la machine pour ramener le navire à sa position initiale. Lors de la première dérive, le capitaine a évalué la performance du navire en observant sa vitesse de dérive ainsi que les mouvements de roulis et de tangage. La vitesse de dérive du navire était d’environ 3 nœuds et le roulis ne dépassait pas 10°.

    Un certain nombre de porte-conteneurs se trouvaient à proximité du ZIM Kingston le 21 octobre alors qu’il dérivaitIl s’agissait entre autres du MV ZOI, d’une longueur hors tout de 275 m; du YM Triumph, d’une longueur hors tout de 333 m; du YM Upward, d’une longueur hors tout de 334 m; du Seaspan Ganges, d’une longueur hors tout de 336 m; et de l’APL Qingdao, d’une longueur hors tout de 349 m.. Certains de ces navires étaient également à la dérive, tandis que d’autres faisaient route dans un circuit d’attente. Le capitaine savait que ces navires étaient également en attente au large et les avait observés au cours de son évaluation.

    De 3 h à 18 h, le ZIM Kingston a dérivé vers le nord et est retourné à sa position initiale à 2 reprises. Pendant cette période, les vents soufflaient à une vitesse variant de 34 à 40 nœuds et la hauteur des vagues variait de 5 à 6 m. À 17 h 07, un poste de mouillage s’est libéré, et le capitaine en a été informé. Cependant, le navire avait déjà presque accompli 2 dérives, et sa performance en dérive était meilleure que prévu. Cela étant, le capitaine a décidé de continuer de dériver plutôt que de se rendre à un poste de mouillage.

    À 18 h, le navire a commencé à dériver vers le nord pour la 3e fois, avec la proue orientée vers le sud-ouest, face aux vagues. Le capitaine se trouvait toujours sur la passerelle, mais il se reposait, et le troisième officier exerçait les fonctions d’officier de quart. Vers 22 h 29, les vents soufflaient à 42 nœuds du sud-est, et les vagues atteignaient 5 à 6 m de hauteur, venant du sud-ouest. La proue était orientée vers l’ouest-sud-ouest face aux vagues et le navire dérivait vers le nord à une vitesse de 2,2 nœuds. À ce moment-là, le navire a été soumis à de forts mouvements de roulis et de tangage qui ont duré environ 1,5 minute. Le navire a roulé de façon prononcée sur bâbord et sur tribord à peu près à 4 reprises. Le roulis maximal a atteint 36°. Le navire se trouvait à la position 48°28,21' N, 125°39,67' W lorsqu’il a été soumis à ce fort roulis (figure 2), et l’équipage a constaté la perte d’un certain nombre de conteneurs.

    Figure 2. Image satellite et carte montrant la position du ZIM Kingston au moment du fort mouvement de roulis et de la perte des conteneurs (Source de l’image principale : Google Earth, avec annotations du BST; source de l’image en médaillon : Service hydrographique du Canada, carte 3001, avec annotations du BST)
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    Figure 2. Image satellite et carte montrant la position du ZIM Kingston au moment du fort mouvement de roulis et de la perte des conteneurs (Source de l’image principale : Google Earth, avec annotations du BST; source de l’image en médaillon : Service hydrographique du Canada, carte 3001, avec annotations du BST)

    Après le fort mouvement de roulis, le capitaine s’est immédiatement posté près de la barre et a ordonné au troisième officier de démarrer la machine principale. La machine principale était sous un préavis de 10 minutes pour l’exploitation normale, mais elle était également sous le contrôle de la passerelle au moment de l’événement à l’étude, ce qui signifie que la salle des machines avait pris des dispositions pour qu’elle puisse être démarrée immédiatement à partir de la passerelle en cas d’urgence. Après avoir appelé l’officier-mécanicien en service, le troisième officier a fait démarrer la machine principale à partir de la passerelle et troisième officier a effectué quelques changements de cap qui avaient été ordonnés par le capitaine.

    De la passerelle, il était évident que les conteneurs perdus étaient tombés de la baie 34. Vers 22 h 35, le capitaine a informé les SCTM de Prince Rupert que le navire avait perdu des conteneurs. À 22 h 38, le capitaine a diffusé un message de sécurité par radiotéléphone à très haute fréquence (VHF) pour informer les navires se trouvant à proximité de l’événement et leur signaler le danger potentiel que représentaient les conteneurs qui étaient passés par-dessus bord et qui flottaient dans les environs. La Garde côtière canadienne (GCC) a par la suite émis un avertissement de navigation signalant des conteneurs flottant dans la zone de l’événement.

    À 22 h 51, le capitaine a communiqué avec la Danaos Shipping Co. Ltd. (Danaos), le gestionnaire du ZIM Kingston, et a signalé que le navire avait été soumis à un mouvement de roulis paramétrique (voir la section 1.13 pour plus de renseignements) et avait perdu un certain nombre de ses conteneurs. À 22 h 56, le capitaine a communiqué avec ZIM pour lui transmettre la même information. À la suite de l’appel du capitaine, Danaos a signalé l’incident à Resolve Marine, une entreprise sous contrat avec Danaos pour l’aider dans des situations de sauvetage et d’urgenceResolve Marine est une entreprise basée aux États-Unis, qui compte des bureaux et des ressources dans le monde entier. Elle fournit des services d’intervention en cas d’urgence maritime, de sauvetage et d’enlèvement d’épaves, ainsi que des services de formation maritime. Resolve Marine était sous contrat avec Danaos afin de fournir une assistance d’urgence 24 heures sur 24 en matière de lutte contre les incendies et de sauvetage pour les navires de Danaos situés n’importe où aux États-Unis.. Danaos a ensuite communiqué avec une entreprise de sauvetage locale afin d’obtenir de l’aide pour l’enlèvement de tous conteneurs et débris connexes qui pourraient s’échouer sur le rivage.

    À 23 h 21, le capitaine a informé les SCTM de Prince Rupert que le navire avait également perdu des conteneurs de la baie 54. Il a indiqué que des conteneurs s’étaient effondrés sur le pont et que des parties des conteneurs détruits étaient restées accrochées sur le côté du navire à environ 5 m au-dessus de la surface de l’eau. Il a également mentionné que l’échelle de coupée à bâbord avait été endommagée. Le capitaine a fait savoir qu’en raison du gros temps, il était trop dangereux d’envoyer des membres d’équipage à l’extérieur pour vérifier le nombre exact de conteneurs ayant été perdus. Il a estimé visuellement qu’environ 20 conteneurs des baies 34 et 54 avaient été perdus. Les SCTM ont demandé au capitaine de consulter le manifeste pour savoir ce que renfermaient les conteneurs et vérifier s’il y avait la présence de marchandises dangereuses.

    À 23 h 40, le capitaine a fait une demande de mouillage auprès des SCTM de Prince Rupert. Les SCTM ont communiqué avec le service de répartition de l’Administration de pilotage du Pacifique (APP), qui leur a demandé de faire en sorte que le navire se rende au mouillage du banc Constance. Le 22 octobre à 0 h 18, après avoir reçu la confirmation des SCTM de Prince Rupert, le navire s’est dirigé vers le mouillage du banc Constance.

    À 1 h 59, le capitaine a avisé les SCTM de Prince Rupert que des conteneurs de la baie 14 avaient également été perdus et que ces conteneurs étaient susceptibles de renfermer une cargaison dangereuse. Le capitaine a indiqué que son équipage et lui-même vérifieraient quels conteneurs de la baie 14 avaient été perdus une fois que le navire serait arrivé au mouillage. Une fois le jour levé, alors que le navire se dirigeait vers le mouillage, l’équipage a commencé à évaluer l’ampleur des dommages et à dresser une liste des conteneurs perdus et endommagés. À ce moment-là, le premier officier a confirmé que certains des conteneurs de la baie 14 qui étaient passés par-dessus bord renfermaient des marchandises dangereuses et que certains des conteneurs endommagés de cette baie qui se trouvaient encore à bord renfermaient également des marchandises dangereuses, en particulier de l’amylxanthate de potassium.

    Vers 9 h 30, après que l’équipage eut évalué les conteneurs perdus et endommagés, le premier officier a signalé au capitaine que certains conteneurs des baies 14, 34 et 54 avaient été perdus ou endommagés. Le premier officier a indiqué qu’il y avait encore 17 conteneurs dans la baie 14 et que 10 d’entre eux étaient endommagés, dont 3 conteneurs de 40 pieds renfermant de l’amylxanthate de potassium. De plus, parmi les conteneurs qui étaient passés par-dessus bord, il y en avait 2 qui contenaient des marchandises dangereuses, soit 1 qui renfermait de l’amylxanthate de potassium et 1, du dioxyde de thio-urée.

    De 11 h 30 à 13 h, plusieurs des conteneurs perdus à la mer ont été aperçus pendant des survols effectués par des avions du Programme national de surveillance aérienne de Transports Canada (TC). À 12 h, le navire a jeté l’ancre au banc Constance, à 4 milles marins au sud de Victoria. L’équipage a poursuivi l’évaluation de l’ampleur des dommages subis par les conteneurs et le navire, et les officiers à la passerelle ont commencé à assurer un quart de mouillage.

    1.4.1 Incendie subséquent dans des conteneurs à bord

    Le 23 octobre, vers 10 h 46, alors qu’il se trouvait dans sa cabine, le capitaine a remarqué la présence de fumée provenant du pont avant. Il s’est rendu sur la passerelle et a demandé au troisième officier, qui exerçait les fonctions d’officier de quart, ce qu’était cette fumée. Le troisième officier était occupé à remplir des documents et n’avait pas remarqué la fumée. Il a demandé à un membre d’équipage de chercher la source de la fumée. À ce moment-là, le navire était toujours ancré au banc Constance.

    Peu après, le membre d’équipage envoyé pour trouver l’origine de la fumée a signalé qu’un incendie s’était déclaré dans un conteneur effondré de la baie 14 qui renfermait des marchandises dangereuses. Le troisième officier a transmis cette information au capitaine. À 10 h 53, l’alarme incendie a été déclenchée et, peu après, le capitaine a ordonné à l’équipage de mettre en marche la pompe à incendie. Vers 10 h 56, tous les membres de l’équipage se trouvaient au poste de rassemblement. Le capitaine a consulté le supplément relatif aux incendies du Code maritime international des marchandises dangereuses (Code IMDG) pour déterminer la méthode de lutte contre un incendie d’amylxanthate de potassium. Le supplément relatif aux incendies recommandait de créer un jet d’eau pulvérisée à partir d’un endroit protégéLe Code maritime international des marchandises dangereuses (Code IMDG), adopté par la résolution A.716 (17) de l’OMI en 2002, est entré en vigueur le 1er janvier 2004..

    À 10 h 57, le second officier a communiqué avec les SCTM de Victoria et a indiqué qu’un incendie s’était déclaré dans un conteneur de marchandises dangereuses, que les efforts de lutte contre l’incendie étaient entamés et que l’incendie n’était pas contenu. Le navire de la Garde côtière canadienne (NGCC) Cape Calvert a été envoyé sur place. À 10 h 58, 2 membres d’équipage faisant partie de l’équipe de lutte contre les incendies ont enfilé des combinaisons de lutte contre les incendies et des appareils respiratoires autonomes, puis ont commencé à refroidir le périmètre à l’aide de tuyaux d’incendie. D’autres membres de l’équipe ont également commencé à refroidir le périmètre à l’aide de tuyaux d’incendie.

    Vers 11 h 08, le second officier a fourni une mise à jour aux SCTM de Victoria, indiquant qu’il y avait beaucoup de fumée, mais pas de feu nu. Environ 3 minutes plus tard, le second officier a fourni une autre mise à jour indiquant que l’incendie s’était propagé à un 2e conteneur de marchandises dangereuses, qu’il y avait maintenant des flammes visibles et que l’équipe essayait d’éteindre l’incendie.

    À 11 h 38, le NGCC Cape Calvert est arrivé sur les lieux et s’est tenu prêt à évacuer le personnel si nécessaire. Le NGCC Captain Goddard M.S.M. est également arrivé sur les lieux et s’est tenu prêt à intervenir. À 11 h 45, Danaos a communiqué avec le capitaine du ZIM Kingston, qui a confirmé qu’un incendie s’était déclaré à bord.

    À 12 h 29, le NGCC Cape Calvert a signalé à l’équipe à la passerelle du ZIM Kingston que l’incendie s’intensifiait. Vers 12 h 30, Danaos a communiqué avec Resolve Marine afin de demander de l’aide pour éteindre l’incendie à bord du navire. À 12 h 36, le second officier a communiqué avec les SCTM et a demandé de l’aide pour éteindre l’incendie. À 12 h 39, le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage (CCCOS) de Victoria a chargé le navire auxiliaire des Forces canadiennes (NAFC) Firebrand, un bateau-pompe de la Base des Forces canadiennes Esquimalt, d’intervenirLa pompe à incendie principale du NAFC Firebrand a un débit de 675 m³/h et une hauteur de jet d’environ 101 m..

    À 12 h 55, le CCCOS Victoria a informé le capitaine que la fumée produite par la combustion de xanthates est hautement toxique et inflammable. Une zone d’urgence a été établie autour du navire, et tous les autres navires ont été éloignés du banc Constance. Vers 13 h, un chef principal de l’opération de sauvetage de Resolve Marine a communiqué avec le capitaine pour faire une évaluation à distance de la situation, puis a continué de lui fournir de l’aide à distance pendant qu’une équipe de lutte contre les incendies se mobilisait à Seattle (État de Washington, États-Unis) avec son équipement de lutte contre les incendies. Vers 13 h 22, le capitaine a avisé la GCC que l’intensité de l’incendie augmentait.

    En raison du gaz inflammable toxique dégagé par l’incendie, le CCCOS et d’autres autorités ont discuté de la possibilité que l’équipage arrête de lutter contre l’incendie et abandonne le navire. Le capitaine a été informé de ces discussions et, vers 14 h, il a demandé à l’équipage de se préparer en vue d’un éventuel abandon du navire. Vers 14 h 30, l’équipage a fixé certains tuyaux d’incendie à la rambarde du navire afin que les tuyaux puissent continuer à pulvériser de l’eau en direction de l’incendie en l’absence de surveillance. À 14 h 49, le second officier a signalé à la GCC que l’incendie s’était propagé et qu’environ 6 conteneurs étaient maintenant en feu.

    À 15 h, le Centre des opérations régionales de la GCC a tenu une conférence téléphonique de coordination avec des représentants fédéraux, des Premières Nations, des provinces et des municipalités, ainsi qu’avec l’agent du propriétaire du navire et les représentants légaux du navire. À ce moment-là, un poste de commandement du lieu d’incident (PCI) a été mis en placeUn système de commandement en cas d’incident (SCI) est un système normalisé de gestion des incidents sur le terrain pour les situations d’urgence, les sinistres et les événements non urgents. Le SCI permet aux organismes d’intervention d’avoir une structure intégrée de commandement, de contrôle et de coordination des opérations d’intervention au moyen d’un poste de commandement du lieu d’incident (PCI). Dans le monde entier, le SCI est reconnu comme un système échelonnable fournissant un cadre d’intervention commun en cas d’événement, quelle qu’en soit l’ampleur..

    Pendant ce temps, les membres d’équipage du ZIM Kingston ont installé des câbles de remorquage d’urgence aux extrémités avant et arrière du navire pour permettre un remorquage d’urgence sans l’aide de personnel de bord s’il s’avérait nécessaire de déplacer le navire après l’avoir abandonné. Vers 15 h 30, l’équipage a fini de fixer les tuyaux d’incendie de manière à pouvoir les laisser sans surveillance, et le capitaine a ordonné à l’équipage de retourner aux emménagements et de rester en alerte. À 15 h 35, le NAFC Firebrand est arrivé sur les lieux et s’est tenu prêt à intervenir.

    Vers 16 h 18, le capitaine a signalé à la GCC que l’incendie s’était propagé aux rangées intérieures de conteneurs, auxquelles l’équipage ne pouvait pas accéder. À 16 h 58, la GCC a recommandé que l’équipage abandonne le navire en raison de la fumée toxique. Resolve Marine a recommandé que l’équipage non essentiel du navire soit évacué et qu’un petit nombre de membres d’équipage volontaires demeurent sur le navire pour assurer son état de marche et poursuivre la lutte contre l’incendie.

    À un moment donné après 16 h, Health Emergency BC, à la lumière des renseignements fournis par le PCI, a indiqué qu’il n’y avait aucun risque actuel ou important pour la santé ou la sécurité du public, en raison de la distance du navire par rapport au littoral et du fait que toute pollution atmosphérique ou hydrique se dissiperait. Pour aider à la surveillance de la qualité de l’air, Resolve Marine a engagé et dépêché une entreprise de surveillance de la qualité de l’air à Victoria.

    À 17 h 06, le NGCC Cape Calvert a évacué 10 membres d’équipage et les a transportés à Victoria, avant de retourner au ZIM Kingston. À 18 h 34, le Cape Calvert a évacué 6 autres membres d’équipage et les a transportés à Victoria. Cinq membres d’équipage – le capitaine, le premier officier, le second officier, le chef mécanicien et le troisième mécanicien – sont restés à bord du ZIM Kingston pour poursuivre la lutte contre l’incendie.

    À 19 h 55, le remorqueur Seaspan Raven, basé à Vancouver, qui avait été engagé par Resolve Marine, est arrivé sur les lieux pour se tenir prêt à assurer les services de remorquage d’urgence. L’équipage du Seaspan Raven a commencé le refroidissement du périmètre sous la coordination du capitaine et des membres d’équipage du ZIM Kingston. Le Seaspan Raven est doté d’un système de lutte contre les incendies de classe 1Les systèmes de lutte contre les incendies de classe 1 ont, au minimum, un débit de 2400 m³/h, une longueur de jet de 120 m et une hauteur de 45 m..

    Resolve Marine a également retenu les services de 2 navires privés, le Maersk Trader et le Maersk Tender, qui étaient justement amarrés à Victoria à ce moment-là. Tous deux sont des navires hauturiers de ravitaillement battant pavillon étranger, dotés de systèmes de lutte contre les incendies de classe 1. Ils sont arrivés sur les lieux de l’événement vers 1 h le 24 octobre et ont joint leurs efforts à ceux du Seaspan Raven dans ses activités de refroidissement du périmètre (figure 3).

    Figure 3. Le Maersk Trader procédant au refroidissement du périmètre (Source : Resolve Marine)
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    Figure 3. Le Maersk Trader procédant au refroidissement du périmètre (Source : Resolve Marine)

    Au cours de la nuit, la vitesse du vent a commencé à augmenter et, à 5 h 40, elle atteignait 30 à 35 nœuds, ce qui gênait la lutte contre l’incendie. À 6 h 30, l’Atlantic Raven, un navire de remorquage d’urgence sous contrat avec la GCC, est arrivé sur les lieux et s’est tenu prêt à intervenir. À 11 h 32, les vents avaient augmenté à 48 nœuds.

    Vers 12 h 05, le Maersk Tender s’est dirigé vers Port Angeles (État de Washington) pour embarquer du personnel et de l’équipement de Resolve Marine. Vers 20 h 50, 4 membres de l’équipe de Resolve Marine avaient été transportés à Victoria, mais en raison du mauvais temps, ils n’ont pas pu monter à bord du ZIM Kingston.

    Le 25 octobre à 15 h 33, 5 membres de l’équipe de Resolve Marine sont montés à bord du navire pour évaluer l’incendie. À 17 h 35, 7 des 16 membres d’équipage qui avaient été évacués du ZIM Kingston sont retournés sur le navire pour participer à la lutte contre l’incendie.

    Le 26 octobre à 7 h 50, l’équipe de Resolve Marine a entamé une lutte contre l’incendie ciblée sur 3 conteneurs qui ne renfermaient pas de marchandises dangereuses. Pour ce faire, elle a utilisé une perceuse pour faire un trou sur le côté des conteneurs, puis a inséré une lance couplée à un tuyau dans le trou et a inondé les conteneurs d’eau.

    L’équipe de Resolve Marine a continué de lutter contre l’incendie, de refroidir le périmètre et de surveiller les conteneurs durant les 2 jours suivants, et ce, avec l’aide continue des 3 remorqueurs sous contrat. Une ronde d’incendie effectuée à 0 h 40 le 27 octobre a permis de constater l’absence d’incendie et de fumée. Le refroidissement et la surveillance se sont poursuivis jusqu’à 15 h 45 le 28 octobre, heure à laquelle l’équipe de Resolve Marine a déclaré l’incendie éteint.

    1.5 Surveillance des conteneurs perdus et opérations de nettoyage

    Au total, 109 conteneurs d’expédition ont été perdus à la mer lorsque le ZIM Kingston a roulé de façon prononcée. Cela représentait environ 11 % du chargement en pontée du navire. La majorité des conteneurs qui sont passés par-dessus bord ont probablement coulé peu après être tombés à l’eau. Ceux qui sont restés à flot ont commencé à dériver vers le nord-ouest, parallèlement à la côte de l’île de Vancouver. En raison des vents violents et d’une mer agitée, les opérations de récupération n’ont pas pu être entreprises immédiatement après la perte des conteneurs.

    TC, la GCC et la United States Coast Guard ont recouru à diverses ressources pour suivre les conteneurs qui restaient à flot. Des survols ont été effectués lorsque les conditions météorologiques le permettaient, et des bouées de suivi ont été déployées pour marquer l’emplacement et les schémas de dérive potentiels des conteneurs flottants. Le 27 octobre, des survols ont permis de repérer 4 conteneurs qui s’étaient échoués sur les plages des parcs provinciaux Cape Scott et Raft Cove, situés sur la pointe nord de l’île de Vancouver (figures 4, 5, 6 et 7). 

    Figure 4. Cartes montrant la zone dans laquelle les conteneurs perdus pourraient avoir dérivé, l’emplacement des 4 conteneurs qui se sont échoués à terre et le rivage qui a été étudié dans le cadre des relevés de débris (Source de l’image principale et de l’image en médaillon : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)
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    Figure 4. Cartes montrant la zone dans laquelle les conteneurs perdus pourraient avoir dérivé, l’emplacement des 4 conteneurs qui se sont échoués à terre et le rivage qui a été étudié dans le cadre des relevés de débris (Source de l’image principale et de l’image en médaillon : Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST)
    Figure 5. Conteneur du ZIM Kingston échoué à terre (Source : Transports Canada)
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    Figure 5. Conteneur du ZIM Kingston échoué à terre (Source : Transports Canada)
    Figure 6. Conteneur du ZIM Kingston et réfrigérateurs sur la plage au cap Palmerston, en Colombie-Britannique (Source : Pacificus Biological Services Ltd.)
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    Figure 6. Conteneur du ZIM  Kingston et réfrigérateurs sur la plage au cap Palmerston, en Colombie-Britannique (Source : Pacificus Biological Services Ltd.)
    Figure 7. Conteneur du ZIM Kingston ouvert, contenant des débris de plastique, à la baie Shuttleworth, en Colombie-Britannique (Source : Pacificus Biological Services Ltd.)
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    Figure 7. Conteneur du ZIM Kingston ouvert, contenant des débris de plastique, à la baie Shuttleworth, en Colombie-Britannique (Source : Pacificus Biological Services Ltd.)

    Le PCI a mobilisé du personnel chargé de l’environnement, qui a commencé à évaluer le risque toxicologique posé par le contenu des conteneurs et à déterminer les sensibilités écologiques de tout habitat riverain touché.

    Le 30 octobre, Danaos avait retenu les services d’un entrepreneur local pour récupérer les conteneurs et retirer les débris connexes. À la demande de l’unité environnementale du PCIL’unité environnementale du PCI comprenait Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), la GCC, la Province de la Colombie-Britannique, le Secteur des sciences du ministère des Pêches et des Océans, des représentants des Premières Nations et Danaos., un plan d’enlèvement des débris a été élaboré pour guider les opérations d’enlèvement des conteneurs échoués et de leur contenu. Ce plan comprenait des directives pour les évaluations des sites et les travaux initiaux d’enlèvement des conteneurs et des débris présents. Il définissait également des directives pour la surveillance à court terme, qui comprenait des relevés visant à déceler la présence de conteneurs et de débris, et pour la surveillance à long terme, qui consistait à vérifier périodiquement les sites qui avaient été nettoyés sur une période de 9 mois afin de déterminer s’ils étaient toujours exempts de conteneurs et de débris. Le plan présentait des directives relatives aux conteneurs et débris trouvés et signalés ultérieurement.

    À la fin novembre, les opérations de nettoyage avaient permis de retirer les 4 conteneurs. Comme les lieux étaient isolés, les conteneurs ont dû être découpés afin de pouvoir être emportés de la plage par voie aérienne, en pièces détachées. Des débris connexes ont également été enlevés, notamment des réfrigérateurs, de la mousse de polystyrène, des décorations de Noël, des sofas, des pièces industrielles et d’autres articles ménagersLe poids total récupéré était de 47,7 tonnes, ce qui comprenait les 4 conteneurs ainsi que des débris gorgés d’eau. . Après les premiers travaux de nettoyage, des débris ont continué de s’échouer sur le rivage. L’entrepreneur local a continué de travailler à l’enlèvement des conteneurs et des débris.

    Le 7 février 2022, la GCC a négocié une entente avec Danaos afin de désigner un représentant pour le navire. Cette mesure garantissait que la GCC avait un représentant du ZIM Kingston au Canada au cas où elle découvrirait de nouveaux dangers liés aux conteneurs et aux débris à l’avenir.

    Le 13 avril 2022, une entreprise mandatée par Danaos a effectué un relevé bathymétrique dans une zone d’environ 2 km2 autour de l’endroit où les conteneurs avaient été perdus à la mer. La profondeur de l’eau dans la zone étudiée était d’environ 100 m. Le relevé a mis au jour 17 objets présentant un intérêt sur le fond marin, mais l’équipement sonar utilisé n’a pas permis de déterminer avec certitude qu’il s’agissait de conteneurs. Les données originales du relevé permettant de valider les conclusions n’ont pas été communiquées aux participants du PCI.

    Voir la section 1.26.1 pour de plus amples renseignements sur les opérations de nettoyage qui ont été menées à la suite de l’événement à l’étude.

    1.6 Blessures

    Après l’événement, Danaos a envoyé tous les membres de l’équipage du ZIM Kingston se faire examiner par un médecin à titre préventif. Le premier officier s’est fait soigner à l’hôpital pour inhalation de fumée.

    1.7 Avaries

    À la suite de l’événement à l’étude, 109 conteneurs au total sont passés par-dessus bord à partir de 3 baies (baies 14, 34 et 54), et 53 conteneurs sur le pont ont été endommagés (figures 8 et 9). L’examen des conteneurs après l’événement a révélé qu’il y avait eu des incendies à l’intérieur de 6 des conteneurs de la baie 14 : 3 d’entre eux contenaient des xanthates tandis que les 3 autres contenaient des pneus et des biens de consommation divers. L’un des panneaux d’écoutille de la baie 14 était plié et l’échelle de coupée bâbord était également endommagée.

    Figure 8. Baies dont des conteneurs ont été endommagés ou perdus à la mer (Source de l’image principale : Transports Canada; source des images en médaillon : BST)
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    Figure 8. Baies dont des conteneurs ont été endommagés ou perdus à la mer (Source de l’image principale : Transports Canada; source des images en médaillon : BST)
    Figure 9. Baies dont des conteneurs ont été perdus ou endommagés, et emplacement des conteneurs qui ont pris feu (Source : BST)
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    Figure 9. Baies dont des conteneurs ont été perdus ou endommagés, et emplacement des conteneurs qui ont pris feu (Source : BST)

    La baie 14 contenait une combinaison de conteneurs de 40 pieds et de conteneurs de 20 pieds sur le pont. Les conteneurs de 20 pieds étaient arrimés par paires bout à bout, de manière à former une longueur équivalente à celle des conteneurs de 40 pieds. Quarante-neuf conteneurs de la baie 14 ont été perdus à la mer et 17 ont été endommagés (figure 10).

    Figure 10. Coupe transversale de la baie 14 montrant les conteneurs perdus et endommagés (vue de l’arrière vers l’avant) (Source : BST)
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    Figure 10. Coupe transversale de la baie 14 montrant les conteneurs perdus et endommagés (vue de l’arrière vers l’avant) (Source : BST)

    La baie 34 ne contenait que des conteneurs de 40 pieds sur le pont. Trente et un conteneurs de la baie 34 ont été perdus à la mer et 17 ont été endommagés (figure 11).

    Figure 11. Coupe transversale de la baie 34 montrant les conteneurs perdus et endommagés (vue de l’arrière vers l’avant) (Source : BST)
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    Figure 11. Coupe transversale de la baie 34 montrant les conteneurs perdus et endommagés (vue de l’arrière vers l’avant) (Source : BST)

    La baie 54 ne contenait que des conteneurs de 40 pieds sur le pont. Vingt-neuf conteneurs de la baie 54 ont été perdus à la mer et 20 ont été endommagés (figure 12).

    Figure 12. Coupe transversale de la baie 54 montrant les conteneurs perdus et endommagés (vue de l’arrière vers l’avant) (Source : BST)
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    Figure 12. Coupe transversale de la baie 54 montrant les conteneurs perdus et endommagés (vue de l’arrière vers l’avant) (Source : BST)

    1.8 Pollution

    Sur les 109 conteneurs perdus à la mer, 105 n’avaient toujours pas été récupérés en janvier 2024. Deux des conteneurs renfermaient des marchandises dangereuses, tandis que les autres étaient remplis de divers biens de consommation. Des 2 conteneurs perdus qui renfermaient des marchandises dangereuses, l’un contenait de l’amylxanthate de potassium, et l’autre, du dioxyde de thio-urée.

    Pendant l’incendie, la combustion de l’amylxanthate de potassium sur le navire a généré de la fumée toxique. Afin d’évaluer les risques pour la santé publique, la qualité de l’air a fait l’objet d’une surveillance sur terre à différents endroits à Victoria. Health Emergency BC a déterminé que la concentration de contaminants dans l’air était suffisamment basse pour qu’il n’y ait aucun risque pour la santé publique.

    1.9 Propriété et gestion du navire

    Le propriétaire enregistré du ZIM Kingston est Balticsea Marine Inc. (Balticsea). Le propriétaire avait un contrat d’affrètement coque nue« Au titre d’un affrètement coque nue, un propriétaire loue son bâtiment commercial à quelqu’un d’autre. L’affréteur (la personne qui loue le bâtiment) est chargé de fournir un équipage et les vivres (source : Transports Canada, « Demander ou prolonger un certificat d’immatriculation d’un bâtiment en affrètement coque nue  », à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/transport-maritime/permis-immatriculation-batiments/demander-prolonger-certificat-immatriculation-batiment-affretement-coque-nue (dernière consultation le 10 juillet 2024) ». avec Danaos, qui agissait alors à titre d’armateur disposant, à toutes fins réglementaires et contractuelles. Danaos était responsable de la gestion générale du navire, y compris l’armement en équipage, l’entretien et la conformité réglementaire.

    Le ZIM Kingston était affrété à temps par la ligne de transport par conteneur ZIM depuis 2008. Dans le cadre de ce contrat, ZIM était responsable de l’exploitation commerciale du navire, y compris de la planification des escales, de la réservation des cargaisons et de l’achat des combustibles de soute et de la prise de dispositions pour les postes d’accostage. ZIM était également responsable des coûts de carburant, des frais de pilotage et des droits portuaires.

    L’affrètement à temps du ZIM Kingston par ZIM était officialisé par un contrat dit de charte-partie. Une charte-partie est un contrat type conclu entre un propriétaire de navire ou un armateur disposant et un affréteur, qui définit les responsabilités des 2 parties en ce qui concerne l’affrètement du navire. En l’occurrence, la charte-partie désignait ZIM comme l’affréteur et Balticsea comme le propriétaire. En pratique toutefois, Danaos, en tant qu’armateur disposant, assumait les responsabilités incombant à Balticsea.

    Dans les affrètements à temps, la charte-partie établit normalement la période de location convenue, les modalités des voyages et le type de cargaison à transporter, entre autres. La charte-partie peut également énoncer d’autres dispositions contractuelles types, telles que la vitesse commerciale, la consommation de carburant et la capacité de chargement. Une charte-partie peut aussi comprendre diverses dispositions contractuelles, comme l’option de demander le remplacement du capitaine ou des officiers du navire si l’affréteur n’est pas satisfait de leur conduite. Cette option est une disposition contractuelle type que l’on retrouve dans la plupart des chartes-parties et qui figurait dans le contrat d’affrètement à temps de ZIMCharte-partie entre Balticsea Marine Inc. et ZIM Israel Integrated Shipping Services (8 juin 2006), disposition 13 g)..

    ZIM avait également élaboré des instructions de navigation à l’intention des capitaines des navires affrétés par ZIM. En ce qui concerne les décisions relatives à la planification des voyages et aux distances des routes, les instructions de navigation indiquaient ce qui suit [traduction] :

    Les décisions prises par le capitaine sur place en ce qui a trait à la sécurité du navire sont toujours respectées. Toutefois, l’utilisation de l’expression « sécurité du navire » doit être fondée sur le bon sens, la bonne compétence nautique et la prise en compte des circonstances.

    Le manque de confiance et/ou la réticence à effectuer les tâches conformément aux exigences de l’affréteur ne seront pas justifiés par l’expression susmentionnée et seront contestés par l’affréteur sans délai.

    S’il y a de bonnes raisons de croire que la route habituelle […] est devenue dangereuse pour la navigation de surface ou qu’il y a d’autres raisons de s’écarter du passage prévu, le capitaine doit en informer l’affréteur et lui fournir les renseignements pertinents à l’appui de sa décision […]

    Aucun écart par rapport à la route […] la plus efficace en vue d’obtenir des « signaux GSM [système mondial de communication avec les mobiles], Wi-Fi, télévisuels et autres signaux similaires » n’est permis.

    En gagnant du temps pendant la planification de la route du navire, nous avons de bonnes chances d’économiser une quantité considérable de mazout par voyage aller-retourZIM Global Operations, General Sailing Instructions for ZIM/GSL Operated Vessels (juin 2021), section 2.4..

    En ce qui concerne la consommation de carburant, les instructions de l’affréteur indiquaient ce qui suit [traduction] :

    Les problèmes liés au réchauffement de la planète concernent à la fois notre planète et notre milieu de vie. Les économies de mazout permettent de réduire les émissions de CO2 pour que la terre continue de respirer. Compte tenu de la part importante des coûts de carburant, la tâche du capitaine consiste à réduire la consommation de carburant autant que possible. Les capitaines de tous les navires exploités par ZIM/GSL [Global Ship Lease] doivent vérifier constamment la consommation de carburant de leur navireIbid., section 3.1..

    1.9.1 Service de routage météorologique et de planification de voyage

    ZIM avait un contrat avec Weathernews Inc. (WNI), une entreprise qui fournit des conseils sur le routage météorologique et la planification des voyages pour les navires effectuant des traversées océaniques. WNI recueille des données météorologiques, établit des prévisions à l’aide d’un système de prévision météorologique basé sur l’intelligence artificielle, analyse les risques, élabore et propose des solutions et diffuse des renseignements sur les risques recensés.

    Dans le cas du ZIM Kingston, WNI était sous contrat pour fournir ce qui suit :

    • Des documents de planification du voyage qui comprenaient généralement une recommandation de route accompagnée d’une justification et de conseils pour cette route, un aperçu des points de cheminement pour la route recommandée, des itinéraires de rechange, des analyses de surface, des graphiques de la vitesse du navire, des prévisions de la hauteur des vagues dues au vent et un tableau des prévisions de l’état de la mer le long de la route.
    • Un service de communication 24 heures sur 24 par courriel ou par téléphone pour les demandes de renseignements liées au voyage (heure d’arrivée prévue, vitesse du navire, phénomènes météorologiques, etc.).

    WNI transmettait de façon régulière des recommandations aux navires de ZIM afin de permettre la planification du voyage en fonction de l’état de chargement du navire, des capacités de la machine principale, de l’état de la mer et des conditions météorologiques prévues.

    En ce qui concerne le routage, les instructions de navigation de ZIM indiquaient que les capitaines devaient coopérer avec WNI et suivre ses recommandations. Le capitaine avait l’autorité ultime pour le choix de la route et pouvait choisir de suivre une route différente ou demander un itinéraire de rechange à WNI, et WNI continuerait à fournir un soutien, des conseils et des mises à jour météorologiques.

    Si les capitaines décidaient de ne pas suivre les recommandations de WNI, les instructions de l’affréteur indiquaient que les capitaines étaient tenus de fournir à ZIM et à WNI une déclaration détaillée pour expliquer la décision en fonction de leur expertise et la bonne compétence nautique, en faisant référence à des facteurs comme les conditions météorologiques, l’état de la mer, les paramètres de sécurité et l’état du navireIbid., section 2.5.. Cette disposition est une clause standard qui est courante dans l’industrie mondiale du transport maritime.

    1.10 Brevets, certificats et expérience du personnel

    Les membres de l’équipage du ZIM Kingston détenaient des certificats conformément aux dispositions de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW).

    Le capitaine du ZIM Kingston était titulaire d’un brevet de compétence de classe 1 délivré par le ministère du Transport maritime de la République hellénique le 6 janvier 2015. Le capitaine travaillait pour Danaos depuis 2004 et occupait le poste de capitaine depuis 2019. Le capitaine s’est joint à l’équipage du ZIM Kingston le 8 mai 2021.

    Le premier officier était titulaire d’un brevet de premier officier de pont d’un navire de haute mer d’une jauge brute égale ou supérieure à 500 délivré par le gouvernement de la Fédération de Russie le 16 mars 2019. Il travaillait en mer depuis 2004 et avait servi sur plusieurs navires appartenant à Danaos ou exploités par l’entreprise depuis 2010. Il a commencé à assumer des fonctions de premier officier en 2019 et s’est joint à l’équipage du ZIM Kingston à ce titre le 8 mai 2021.

    Le second officier était titulaire d’un brevet de premier officier de pont d’un navire de haute mer d’une jauge brute égale ou supérieure à 500 délivré par le gouvernement d’Ukraine le 22 mars 2016. Il avait effectué 2 contrats avec Danaos au cours des 2 dernières années et s’était joint à l’équipage du ZIM Kingston en tant que second officier le 8 mai 2021.

    Le troisième officier détenait un brevet d’officier de quart à la passerelle délivré par le gouvernement d’Ukraine le 4 septembre 2017. Il s’agissait de son premier contrat avec Danaos. Il s’était joint à l’équipage du ZIM Kingston en tant que troisième officier le 8 mai 2021.

    1.11 Système de gestion de la sécurité

    La gestion de la sécurité nécessite la participation de personnes à tous les niveaux de l’organisation et exige d’adopter une approche systématique relativement à la détermination et à l’atténuation des risques opérationnels. Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux entreprises de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités. L’objectif principal d’un SGS à bord d’un navire est de garantir la sécurité en mer, de prévenir les blessures et les pertes de vie, et d’éviter les dommages aux biens et à l’environnement.

    Un SGS efficace comporte, entre autres, les éléments suivants :

    • des procédures de repérage des dangers et de gestion du risque;
    • des procédures et des listes de vérification pour les opérations du navire;
    • des procédures d’entretien du navire et de son équipement;
    • des procédures de documentation et de tenue de dossiers;
    • des procédures de préparation et de réaction aux situations d’urgence;
    • des exercices, de la formation et de la familiarisation pour l’équipage du navire.

    Conformément au Code international de gestion pour la sécurité de l’exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code ISM), Danaos avait mis en place un SGS pour ses navires, y compris le ZIM Kingston. Pour démontrer sa conformité au Code ISM, le ZIM Kingston avait un certificat de gestion de la sécurité délivré par la société de classification DNV le 16 avril 2019. La documentation relative au SGS se composait de 4 manuels : un manuel des politiques, un manuel des procédures, un manuel d’instructions de la flotte et un manuel des procédures d’urgence. Des exemplaires de chaque manuel étaient disponibles à bord du ZIM Kingston au moment de l’événement à l’étude.

    1.11.1 Culture de sécurité

    Une façon d’encourager une bonne culture de sécurité est de mettre en œuvre des processus formels de gestion de la sécurité. La culture de sécurité est la manière dont la sécurité est perçue, valorisée, priorisée et gérée à tous les niveaux d’une entreprise. Elle englobe les attitudes, les croyances, les perceptions et les valeurs de tous les employés d’une organisation en ce qui concerne la sécurité. L’un des facteurs les plus importants influant sur la culture de sécurité est le degré d’engagement de la direction de l’entreprise envers la sécurité. Il est essentiel que les propriétaires et les exploitants démontrent activement leur engagement en faisant preuve de leadership et en fournissant des ressources pour gérer la sécurité. Par exemple, la direction devrait appuyer les employés afin qu’ils exercent leurs activités de manière sécuritaire et signalent les problèmes de sécurité, et elle devrait leur fournir des procédures documentées.

    1.12 Organisation des mouillages pour les porte-conteneurs qui font escale à Vancouver

    Trois mouillages principaux peuvent accueillir des porte-conteneurs de la longueur du ZIM Kingston en attente d’un poste d’accostage à Vancouver : baie English (13 postes de mouillage), arrière-port de Vancouver (3 postes de mouillage) et banc Constance (2 postes de mouillage). Dans le cas des postes de mouillage du banc Constance, les navires sont assurés d’avoir une place pendant 48 heures seulement, après quoi ils peuvent devoir quitter le mouillage pour laisser la place à d’autres navires. Il y a également des postes de mouillage dans le chenal Trincomali, dans le détroit de Plumper et dans la baie Cowichan, appelés postes de mouillage de débordementLes postes de mouillage de débordement sont habituellement utilisés par des porte-conteneurs quand aucune place n’est libre dans les mouillages principaux. Les mouillages principaux sont plus proches des lieux où s’arrêtent la plupart des porte-conteneurs (le port de Vancouver et la station de pilote au large de Victoria) que les postes de mouillage de débordement., qui peuvent accueillir des porte-conteneurs de la longueur du ZIM Kingston.

    Les postes de mouillage du banc Constance sont gérés et attribués par l’Administration de pilotage du Pacifique (APP), qui reçoit les demandes de mouillage par téléphone. Les postes de mouillage de la baie English, les postes de mouillage de l’arrière-port de Vancouver et les postes de mouillage de débordement sont gérés et attribués par l’Administration portuaire Vancouver Fraser (APVF). L’APVF dispose d’un portail en ligne au moyen duquel les demandes d’ancrage doivent être présentées. Lorsqu’une demande est faite par l’intermédiaire du portail, l’APVF commence à y donner suite, ce qui peut inclure l’attribution d’un poste de mouillage ou l’ajout d’un navire à la liste d’attente et l’envoi de mises à jour lorsqu’un poste de mouillage se libère. Il arrive parfois que les agents maritimes communiquent avec l’APVF de manière informelle, par téléphone ou par courriel, pour se renseigner sur la disponibilité de postes de mouillage. Ces appels ou courriels ne constituent pas une demande de mouillage; le seul moyen d’amorcer une demande de mouillage auprès de l’APVF est d’utiliser le portail de l’APVF.

    ZIM dispose d’un agent local à Vancouver qui est le point de contact pour les capitaines des navires ZIM arrivant au port de Vancouver. L’une des tâches de l’agent local consiste à organiser des mouillages pour les navires ZIM à la demande des capitaines. Le 19 octobre 2021 à 15 h 39, l’agent local a demandé au capitaine du ZIM Kingston s’il souhaitait obtenir un poste de mouillage pour le navire, ce à quoi le capitaine a répondu par l’affirmative.

    Après avoir téléphoné à l’APVF et à l’APP, l’agent local a informé le capitaine que tous les postes de mouillage de l’APVF et de l’APP étaient pris. Il a aussi indiqué qu’il avait réservé un poste de mouillage de l’APP pour le navire, le 22 octobre à 17 h, qui était le premier moment disponible. Il a de plus indiqué qu’il communiquerait avec le capitaine si un poste de mouillage devenait disponible plus tôt.

    Le 19 octobre à 17 h 37, le capitaine du ZIM Kingston a envoyé un courriel à l’agent local au sujet de la possibilité d’arrêter le navire et de le laisser dériver près de l’entrée du détroit de Juan de Fuca. Le capitaine a aussi réitéré sa demande de mouillage, et il a envoyé copie du courriel au surintendant des opérations du bureau des opérations du Pacifique de ZIM. Le capitaine et le surintendant des opérations ont ensuite discuté des options pour ce qui est de s’arrêter et se laisser dériver; il a été conclu que ce n’était pas possible en raison du mauvais temps.

    À 23 h, le surintendant des opérations a envoyé un courriel au capitaine pour lui signaler qu’à la suite de leur dernière conversation téléphonique, on avait demandé à WNI de fournir un plan de routage permettant au navire d’arriver à la station de pilote de Victoria à 2 h le 24 octobre. Le surintendant des opérations a également indiqué que le MV ZOI, qui précédait le ZIM Kingston dans le calendrier d’accostage, se trouvait dans la même situation et se laissait actuellement dériver à l’extérieur de la zone portuaire, dans le détroit de Juan de Fuca. À 23 h 47, le capitaine a envoyé un courriel au surintendant des opérations pour l’informer qu’à la position où se trouvait le MV ZOI, les hauteurs significatives des vaguesLa hauteur significative des vagues est une mesure moyenne des 33 % des vagues les plus grandes (source : National Oceanic and Atmospheric Administration, National Weather Service, « Significant Wave Height », à l’adresse https://www.weather.gov/mfl/waves [dernière consultation le 1er juin 2024]). seraient de 4,5 à 5,5 m et pourraient atteindre jusqu’à 9 m selon les calculs de WNI. Le capitaine n’a reçu aucune réponse à ce courriel.

    Le 20 octobre à 2 h 12, le capitaine a envoyé un courriel au surintendant des opérations pour lui annoncer qu’il se laisserait dériver à l’extérieur du détroit de Juan de Fuca. À 11 h 15, WNI a transmis au navire une fiche de données présentant les prévisions météorologiques pour la période pendant laquelle le navire serait à la dérive. L’agent local a communiqué avec l’APP dans la matinée et l’après-midi du 20 octobre pour vérifier si des postes de mouillage s’étaient libérés, mais il n’y en avait pas.

    Le 21 octobre à 3 h, le navire est arrivé au banc La Pérouse. À ce moment-là, il n’y avait toujours pas de poste de mouillage de l’APP disponible pour un navire de la longueur du ZIM Kingston. Quatre postes de mouillage principaux de l’APVFTous ces postes de mouillage avaient une limite de longueur indiquée de 260 m. Après l’événement, l’APVF a indiqué que, lorsqu’une demande de mouillage est présentée, les navires qui dépassent de peu cette limite sont considérés au cas par cas. Le ZIM Kingston dépassait la limite de longueur indiquée de 5 cm. étaient libres, ainsi que divers postes de mouillage de débordement, y compris, par exemple, 5 postes de mouillage dans le chenal Trincomali. Les dossiers de l’APVF indiquent qu’aucune demande de mouillage n’a été présentée par l’intermédiaire de son portail au nom du ZIM Kingston pour le voyage de l’événement à l’étude.

    Plutôt que de se rendre à un poste de mouillage, les porte-conteneurs choisissent parfois d’attendre au large. Les raisons justifiant ce choix varient. Par exemple, les porte-conteneurs peuvent attendre au large s’il n’y a pas de poste de mouillage disponible, s’il y a des changements à leur horaire, ou si cela permet d’économiser des frais de carburant ou des frais associés au pilotage et au mouillage.

    Il y a certaines zones où les porte-conteneurs maintiennent généralement un circuit d’attente pendant qu’ils attendent qu’un poste d’amarrage se libère au port de Vancouver. L’une de ces zones est le banc La Pérouse; une autre, l’intérieur du détroit de Juan de Fuca, dans une zone familièrement connue sous le nom de « Racetrack ». Au moment de l’événement, 12 navires maintenaient un circuit d’attente dans le « Racetrack », et un certain nombre d’autres navires, incluant le ZIM Kingston, maintenaient un circuit d’attente au banc La Pérouse. Les eaux à l’intérieur du détroit de Juan de Fuca sont partiellement protégées de la houle océanique, alors que celles du banc La Pérouse ne le sont pas.

    1.13 Roulis paramétrique

    Le roulis paramétrique résulte de l’interaction de 2 éléments – les caractéristiques des vagues dans une voie maritime et les caractéristiques de stabilité d’un navire – et entraîne l’apparition soudaine d’angles de roulis extrêmes pour un navire. Le problème du roulis paramétrique des navires est reconnu depuis plus d’un demi-siècleInternational Towing Tank Conference, Recommended Procedures and Guidelines, Predicting the Occurrence and Magnitude of Parametric Rolling (entrée en vigueur en 2006), à l’adresse https://ittc.info/media/1920/75-02-07-043.pdf (en anglais seulement, dernière consultation le 1er juin 2024)..

    La présente section décrit les éléments suivants :

    • le roulis paramétrique en général;
    • les simulations effectuées par le Conseil national de recherches Canada (CNRC) à l’aide d’un modèle à l’échelle du ZIM Kingston;
    • les directives et les outils disponibles pour évaluer les risques de roulis paramétrique;
    • les résultats d’un exercice théorique au cours duquel les données prévisionnelles et les données réelles de l’événement ont été utilisées pour déterminer si les directives et les outils disponibles permettaient de mettre en évidence un risque de roulis paramétrique pour les circonstances de l’événement à l’étude.

    1.13.1 Généralités

    La stabilité d’un navire ayant un chargement donné est déterminée par son centre de gravité (G) et la forme de ses œuvres vivesLa forme des œuvres vives est la forme des parties de la coque du navire qui sont immergées dans l’eau. ainsi que le volume, le centre de flottaison (B), l’aire de flottaisonL’aire de flottaison est la forme de la coque du navire sur la ligne de flottaison, telle qu’elle est vue directement du dessus ou du dessous. et le métacentre (M)Lorsqu’un navire qui flotte en eau calme est incliné faiblement par une force extérieure, le centre de flottaison se déplace vers une nouvelle position. Le point où le nouvel axe de flottaison (axe vertical passant par le centre de flottaison) croise l’axe de flottaison original marque le métacentre initial.. Pour les angles de gîte peu importants, il est possible de mesurer la stabilité par la hauteur métacentrique (GM) (figure 13). Le navire a également une période naturelle de roulis, qui est une mesure du temps nécessaire au navire pour effectuer un roulis complet d’un côté à l’autre et en sens inverse (c.-à-d., de l’extrémité tribord à l’extrémité bâbord et de retour à l’extrémité tribord). Les navires ayant une GM plus importante ont une période de roulis plus courte (un retour plus rapide à la verticale) et sont considérés comme plus stables que ceux ayant une GM moins élevée.

    Figure 13. Schéma illustrant le centre de gravité (G), le centre de flottaison (B) et le métacentre (M) d’un navire; la hauteur métacentrique est la distance entre G et M (Source : BST)
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    Figure 13. Schéma illustrant le centre de gravité (G), le centre de flottaison (B) et le métacentre (M) d’un navire; la hauteur métacentrique est la distance entre G et M (Source : BST)

    Dès qu’un navire fait route, ses paramètres de stabilité changent au fur et à mesure qu’il rencontre des vaguesLa période de rencontre des vagues est le temps (généralement mesuré en secondes) qui s’écoule entre 2 crêtes de vagues ou 2 creux de vagues adjacents.. Lorsque le navire se trouve ou est sur le point de se trouver dans une mer de l’avant ou de l’arrière et que la longueur des vagues est semblable à la longueur du navire, le navire commence à osciller entre la stabilité minimale et la stabilité maximale. La stabilité minimale est atteinte lorsque le navire est centré sur la crête d’une vague, où l’aire de flottaison est réduite au minimum. La stabilité maximale est atteinte lorsque le navire est centré dans le creux d’une vague, où l’aire de flottaison est augmentée au maximum.

    Lorsque le navire se trouve sur la crête d’une vague, la stabilité est réduite et le navire roule d’un côté, mais lorsque le creux de la vague atteint le milieu du navire, la stabilité est accrue, et le navire se redresse rapidement. Lorsque la crête de vague suivante atteint le milieu du navire, la stabilité est de nouveau réduite, ce qui entraîne le roulis du navire dans la direction opposée, et lorsque le creux de cette vague atteint le milieu du navire, le navire se redresse de nouveau rapidement. Cette séquence est illustrée à la figure 14. 

    Figure 14. Schéma illustrant le développement du roulis paramétrique. Il est à noter que le diagramme représente une rencontre de vagues et la moitié du roulis d’un navire. La rangée du haut montre le navire passant d’un creux de vague à une crête de vague, puis de nouveau à un creux. Dans la 2e rangée, la ligne pointillée rouge montre la forme des œuvres vives du navire en eau calme, et la ligne bleue montre les changements dans la forme des œuvres vives du navire lorsque ce dernier se trouve dans un creux de vague par rapport à une crête de vague. La dernière rangée montre la séquence des événements dans le développement du roulis paramétrique. (Source : BST, d’après un diagramme élaboré par Bureau Veritas; Parametric Roll Assessment, Rule Note NR 667 DT R00 E, juillet 2019)
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    Figure 14. Schéma illustrant le développement du roulis paramétrique. Il est à noter que le diagramme représente une rencontre de vagues et la moitié du roulis d’un navire. La rangée du haut montre le navire passant d’un creux de vague à une crête de vague, puis de nouveau à un creux. Dans la 2e rangée, la ligne pointillée rouge montre la forme des œuvres vives du navire en eau calme, et la ligne bleue montre les changements dans la forme des œuvres vives du navire lorsque ce dernier se trouve dans un creux

    Cette fluctuation de la stabilité est accentuée sur les navires ayant un avant à dévers et un arrière à tableau plat, caractéristiques communes des porte-conteneurs, car elles permettent de maximiser la capacité de chargement en pontée tout en réduisant au minimum la résistance à l’eau grâce à l’utilisation de lignes de coque fines. La fluctuation de la stabilité est également accentuée lorsque le navire se déplace dans des vagues suffisamment hautes pour entraîner un changement important de la forme des œuvres vives.

    Le moment où surviennent les vagues est également un facteur important dans le développement du roulis paramétrique. Pour simplifier l’analogie, imaginez que vous poussez quelqu’un sur une balançoire. Pour que la balançoire aille plus haut, la poussée doit être appliquée au bon moment, lorsque la balançoire commence son mouvement vers l’avant après avoir atteint sa hauteur maximale. L’effet est encore plus important si l’on applique 2 poussées au bon moment, une à chaque extrémité.

    Bien qu’il y ait de nombreux autres facteurs qui entrent en ligne de compte, une idée semblable s’applique à un navire qui roule sous l’action de la force des vagues. Si la force exercée par une vague agit juste au bon moment dans la période de roulis du navire, le roulis sera amplifié. La rencontre de 2 vagues agissant au bon moment durant une même période de roulis peut amplifier l’angle de roulis du navire à des degrés extrêmes. Si plusieurs vagues de ce type se succèdent, on assistera au développement d’une résonance du roulis paramétrique, et l’angle de roulis du navire risque d’augmenter de façon spectaculaireCette analogie est tirée du livret de la société de classification DNV intitulé « Parametric rolling – a concern for container ships? », Paper Series 2005-P011 (avril 2005)..

    À partir du moment où il y a une résonance du roulis paramétrique, l’angle de roulis du navire augmente jusqu’à ce que les forces d’amortissementLes forces d’amortissement peuvent être créées par des structures sur le navire ou à l’intérieur de celui-ci, telles que des ailerons, des quilles de roulis ou des citernes antiroulis. La résistance naturelle que rencontre un navire lorsqu’il se déplace dans l’eau constitue également une force d’amortissement. du navire soient suffisamment grandes pour absorber l’énergie de roulis du navire ou qu’il y ait un changement dans les rencontres du navire avec les vagues, soit en raison d’un changement lié aux vagues elles-mêmes, soit en raison d’un changement de vitesse ou de cap du navire. La résonance du roulis paramétrique peut survenir rapidement, en quelques cycles seulement, et peut avoir une durée relativement courte. Néanmoins, même en peu de temps, elle peut causer des dommages importants à un navire et à sa cargaison.

    1.31.2 Essais sur modèle du ZIM Kingston

    Afin de mieux comprendre les mouvements auxquels le ZIM Kingston a été soumis lors de l’événement à l’étude, le BST a confié au CNRC le mandat d’effectuer des essais sur modèle à son installation du Centre de recherche en génie océanique, côtier et fluvial de St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador). Le programme d’essai comprenait la construction d’un modèle à l’échelle 1:50 du ZIM Kingston, chargé de manière à représenter le déplacement, le centre de gravité, la GM et la période de roulis du navire au moment de l’événement à l’étude (figure 15). 

    Figure 15. Modèle à l’échelle du ZIM Kingston (Source : Conseil national de recherches Canada)
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    Figure 15. Modèle à l’échelle du ZIM Kingston (Source : Conseil national de recherches Canada)

    Le modèle était doté d’une capacité de gouverne et était autopropulsé, de sorte que les essais pouvaient être réalisés dans les modes d’exploitation suivants : dérive, en route et manœuvres. Il était également équipé d’accéléromètres. Les essais se sont déroulés dans le bassin de génie océanique, qui mesure 75 m de long, 32 m de large et 3,2 m de profondeur et qui est muni de générateurs de houle segmentés répartis sur 2 de ses côtés pour créer des vagues (figure 16). Le vent a été modélisé à l’aide d’une batterie de ventilateurs placée d’un côté du bassin.

    Figure 16. Bassin de génie océanique (Source : Conseil national de recherches Canada)
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    Figure 16. Bassin de génie océanique (Source : Conseil national de recherches Canada)

    Le bassin et le modèle étaient équipés d’un système de poursuite optique de mouvement pour enregistrer les mouvements du modèle. Les données enregistrées lors des essais sur modèle ont ensuite été mises à l’échelle pour comprendre les mouvements subis par le ZIM Kingston et les phénomènes de vagues qui peuvent créer ces mouvements.

    1.13.2.1 Modélisation environnementale

    La bouée météorologique la plus proche du lieu de l’événement était celle du banc La Pérouse, située à environ 60 km. Le jour de l’événement, la bouée a mesuré des hauteurs significatives de vagues (Hs) allant de 4,6 à 6,4 m et des périodes de vague (Tp) variant de 10,5 à 13,5 secondes.

    Le CNRC a analysé les données provenant de la bouée météorologique du banc La Pérouse afin de déterminer l’influence de la bathymétrie du fond océanique sur les vagues à l’endroit où s’est produit l’événement à l’étude. À la suite de cette analyse, les paramètres de vagues suivants ont été utilisés pour les essais :

    • 5,6 m Hs et 13,5 s Tp
    • 5,3 m Hs et 11,6 s Tp
    • 4,6 m Hs et 9,0 s Tp
    1.13.2.2 Essais

    Les essais ont été segmentés en fonction des 3 modes d’exploitation du navire au moment de l’événement : dérive, en route et manœuvres. Dans chacun de ces modes d’exploitation, le navire a été mis à l’essai à des caps relatifs par rapport aux vagues de 0°, 45°, 90°, 135° et 180°. Le but était de faciliter la compréhension des mouvements du navire d’où que viennent les vagues, entre une mer de l’avant et une mer de l’arrière.

    Les essais effectués pour chaque mode d’exploitation étaient les suivants :

    • Dérive : 60 essais ont été réalisés. Lors de ces essais, le navire a d’abord été maintenu en position stable, puis il a été relâché pour dériver librement dans le vent et les vagues.
    • En route : 64 essais ont été réalisés. Lors de ces essais, la propulsion et la gouverne du modèle ont été utilisées pour maintenir un cap dans les vagues générées par le bassin.
    • Manœuvres : 39 essais ont été réalisés. Lors de ces essais, la propulsion et la gouverne du modèle ont été utilisées pour suivre un cap initial, puis effectuer un demi-tour avant de se remettre en route.

    Parmi ces essais, 114 ont été réussis. Un essai était considéré comme échoué lorsque le modèle s’approchait trop du bord du bassin.

    1.13.2.3 Résultats

    Parmi les 114 essais réussis, 38 (37 %) ont donné lieu à des mouvements de roulis supérieurs à 20°. Les mouvements de roulis maximums enregistrés étaient de 48°. Quel que soit le mode d’exploitation, les mouvements de roulis les plus importants ont été observés lorsque le modèle se trouvait dans des conditions de mer de l’avant et de mer de l’arrière (figure 17). Aucun mouvement de roulis important n’a été observé dans des conditions de mer de travers. 

    Figure 17. Résultats des essais montrant des angles de roulis supérieurs à 20° en fonction de la direction des vagues par rapport au navire (Source : BST, d’après les données du Conseil national de recherches Canada)
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    Figure 17. Résultats des essais montrant des angles de roulis supérieurs à 20° en fonction de la direction des vagues par rapport au navire (Source : BST, d’après les données du Conseil national de recherches Canada)

    L’analyse des essais qui ont donné lieu à des mouvements de roulis supérieurs à 20° a montré que la période de tangageLe tangage est le mouvement de rotation d’un navire autour de son axe transversal, qui fait alternativement monter et descendre la proue et la poupe lorsque le navire se déplace dans les vagues. La période de tangage est le temps, généralement mesuré en secondes, qu’il faut pour une oscillation complète (par exemple, pour que la proue passe de son point le plus haut à son point le plus bas et revienne à son point le plus haut). du modèle était approximativement égale à la période de rencontre des vagues et représentait près de la moitié de la période de roulis. Le rapport entre la période de roulis et la période de rencontre des vagues est un facteur clé pour le développement de la résonance du roulis paramétrique et indique que le roulis paramétrique a été la cause des événements de roulis extrêmes observés lors des essais. De plus, les essais ont permis de déterminer la plage de valeurs pour ce rapport ainsi que pour le rapport entre la longueur des vagues et la longueur du navire; ces plages de valeurs coïncidaient avec le roulis paramétrique du navire (tableau 2).

     

    Tableau 2. Paramètres typiques requis pour le roulis paramétrique par rapport à ceux relevés lors des essais sur modèle (Source : Conseil national de recherches Canada)

    Paramètre

    Valeur typique

    Essais sur modèle du ZIM Kingston

    Période de roulis / période de rencontre des vagues (TN/TE)

    TN/TE ≈ 2

    1,95 < TN/T< 2,9

    Longueur d’onde / longueur du navire (LE/LBP)

    LE/LBP ≈ 1

    0,95 < LE/LBP < 1,5

    Des essais supplémentaires ont révélé que le roulis paramétrique se produisait dans des hauteurs significatives de vagues d’aussi peu que 2,6 m.

    Fait établi : Autre

    Les essais sur modèle menés par le CNRC ont permis de constater qu’un roulis paramétrique peut se produire à des hauteurs significatives de vagues d’aussi peu que 2,6 m, soit considérablement moins que celles rencontrées au moment de l’événement à l’étude.

    Les essais effectués avec le modèle dérivant dans un scénario de mer quasi de l’avant se rapprochaient le plus des conditions dans lesquelles se trouvait le ZIM Kingston au moment de l’événement à l’étude. Les essais réalisés dans ces conditions ont été répétés à plusieurs reprises et ont montré que des mouvements extrêmes, tels que ceux qui se sont produits sur le ZIM Kingston, pouvaient être reproduits lorsque la hauteur significative des vagues était de 5,6 m et que la période des vagues était de 13,5 s. Ces essais ont révélé de multiples angles de roulis allant jusqu’à 35°, ainsi que des temps différents de déclenchement des mouvements, variant de 2 minutes à 12,5 minutes.

    Les essais sur modèle ont également permis de déterminer les accélérations verticales et transversales agissant sur les baies où il y a eu des pertes de conteneurs, ainsi que sur les baies adjacentes, pour les conteneurs les plus hauts et les plus à l’extérieur. Les accélérations les plus fortes étaient transversales dans la baie 14, atteignant presque 0,95 gLe terme g désigne l’accélération d’un corps en chute libre sous l’effet de la gravité et est constant à 9,808 m/s2. L’accélération d’un objet en mouvement (tel qu’un conteneur sur le pont d’un navire) est proportionnelle à la force qui s’exerce sur lui.; cependant, les accélérations transversales dans les autres baies examinées (baies 10, 30, 34, 54 et 58) se rapprochaient toutes de 0,9 g.

    En règle générale, la structure des grands navires a une certaine flexibilité, et les événements d’arc et de contre-arcL’arc et le contre-arc désignent la tendance de la coque d’un navire à fléchir lorsqu’il franchit une crête et un creux de vague, respectivement. contribuent de manière considérable aux accélérations subies par les endroits éloignés du centre de gravité en raison de vibrations transitoires et en résonance, phénomènes dits de détente et de coup de fouet. Les essais sur modèle n’ont pas tenu compte de ces problèmes structurels. Les essais ont également montré que, dans les cas où le modèle roulait à un angle de 25,5° ou plus, il aurait été possible que les côtés des conteneurs situés sur le pont soient heurtés par des masses d’eau de mer, appelées « paquets de mer » (figure 18). De tels événements peuvent imposer des charges importantes aux structures des conteneurs.

     

    Figure 18. Image fixe du modèle du ZIM Kingston roulant à des angles prononcés pendant les essais. Remarquez que le niveau de l’eau atteint les conteneurs sur le pont; à pleine échelle, on estimerait que le navire est frappé par des paquets de mer (Source : Conseil national de recherches Canada)
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    Figure 18. Image fixe du modèle du Zim Kingston roulant à des angles prononcés pendant les essais. Remarquez que le niveau de l’eau atteint les conteneurs sur le pont; à pleine échelle, on estimerait que le navire est frappé par des paquets de mer (Source : Conseil national de recherches Canada)

    Tout au long des essais, on a également constaté que des vagues tant régulières qu’irrégulières pouvaient provoquer une résonance du roulis paramétrique. Par ailleurs, on a constaté que le temps nécessaire au développement de la résonance du roulis paramétrique variait en fonction de la vitesse du modèle. La résonance mettait plus de temps à se développer à des vitesses plus faibles, par exemple lors d’une dérive. Dans le cadre des essais de manœuvre au cours desquels un roulis paramétrique s’est produit, on a également remarqué que les amplitudes de roulis diminuaient dès que le modèle commençait à tourner, ce qui confirme que le changement de cap d’un navire peut minimiser le roulis une fois qu’il s’est amorcé.

    1.13.3 Directives et outils pour évaluer le risque de roulis paramétrique

    Les sections suivantes décrivent les directives et les outils qui étaient fournis à l’équipage du ZIM Kingston, ainsi que ceux qui sont généralement à la disposition des équipes à la passerelle des porte-conteneurs, pour gérer le risque de roulis paramétrique.

    1.13.3.1 Directives et outils à la disposition de l’équipage du ZIM Kingston

    Le manuel d’instructions de la flotte de Danaos, qui faisait partie de son SGS, contenait des directives sur le roulis paramétrique. Le manuel définissait le roulis paramétrique comme un phénomène de roulis important et instable qui se produit soudainement dans une mer oblique de l’avant ou une mer oblique de l’arrière. Le manuel indiquait que ce type de roulis est violent par nature et entraîne de très fortes accélérations qui portent atteinte à la sécurité des porte-conteneurs. Le roulis paramétrique était également défini comme un phénomène de seuil, ce qui signifie qu’il se produit en présence de certains paramètres environnementaux, opérationnels et de conception.

    Le manuel énumérait ensuite des paramètres qui contribuent au roulis paramétrique, comme suit [traduction] :

    •      Le navire se déplacerait à un angle de cap peu important par rapport à la direction prédominante des vagues (mer oblique de l’avant ou de l’arrière).

    •      La longueur d’onde de la houle prédominante serait comparable à la longueur du navire.

    •      La hauteur des vagues serait assez importante.

    •      La caractéristique d’amortissement du roulis du navire serait faibleDanaos Shipping Co. Ltd., Fleet Instructions Manual, révision no 55 (1er septembre 2021), chapitre 6, section 1.6.7..

    Le manuel précisait que si une résonance se produisait entre la période de rencontre des vagues et la période de roulis naturelle du navire ou le double de la période de roulis naturelle du navire, un roulis paramétrique pourrait apparaître.

    Le manuel faisait également référence à un livret produit par DNV intitulé « Parametric Rolling – A Concern for Container Ships? ». Un exemplaire de ce livret était à disposition sur la passerelle du navire. Il décrivait la théorie qui sous-tend le développement du roulis paramétrique. Les conditions de son développement étaient présentées comme suit [traduction] :

    1. La période naturelle de roulis est égale à environ 2 fois la période de rencontre des vagues.

    2. La longueur des vagues est de l’ordre de la longueur du navire (entre 0,8 et 2 fois LBP [la longueur entre les perpendiculaires]).

    3. La hauteur de vague dépasse un seuil critique.

    4. L’amortissement du roulis est faibleDNV, « Parametric rolling – a concern for container ships? », Paper Series 2005-P011 (avril 2005), section 3.1..

    En ce qui concerne les hauteurs de vagues nécessaires au déclenchement d’un roulis paramétrique, le livret de DNV indiquait que, dans le cas des gros navires, les vagues devraient être assez importantes, ce qui se produit rarement, et donnait un exemple tiré d’un rapport interne de DNV concernant un navire de 230 m de long pour lequel il faudrait des vagues d’une hauteur significative de 7 à 8 m pour provoquer un roulis paramétrique. Le livret précisait que des changements de cap de l’ordre de 30° seraient nécessaires pour réduire le mouvement de roulis.

    Le capitaine du ZIM Kingston avait une certaine connaissance générale du risque posé par le roulis paramétrique, mais il n’en avait jamais fait l’expérience et n’avait jamais procédé à une évaluation quantitative du risque propre au roulis paramétrique.

    1.13.3.2 Organisation maritime internationale

    L’Organisation maritime internationale (OMI) a élaboré plusieurs documents qui s’appliquent à la gestion du risque de roulis paramétrique, comme décrits ci-dessous.

    1.13.3.2.1 Directives destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses par mer de l’arrière et par mer oblique

    En mai 1995, le Comité de la sécurité maritime (CSM) de l’OMI a publié une circulaire intitulée Directives destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses par mer de l’arrière et par mer oblique. Cette circulaire abordait, entre autres, la question du mouvement de roulis paramétriqueOrganisation maritime internationale, MSC/Circ. 707, Directives destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses par mer de l’arrière et par mer oblique (19 octobre 1995)..

    En janvier 2007, le CSM a publié une circulaire révisée intitulée Directives révisées destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses lorsque les conditions météorologiques et l’état de la mer sont défavorables. Le texte d’introduction prévenait que « [d]ans des conditions d’exploitation déterminées, certaines combinaisons de la longueur et de la hauteur de la houle risquent de donner lieu à des situations dangereuses pour les navires […]Organisation maritime internationale, MSC.1/Circ. 1228, Directives révisées destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses lorsque les conditions météorologiques et l’état de la mer sont défavorables (11 janvier 2007). » et qu’« [u]n navire naviguant dans des conditions météorologiques défavorables risque de rencontrer divers types de phénomènes dangereux de nature à provoquer un chavirement ou des mouvements de roulis importants qui peuvent endommager la cargaison, l’armement et les personnes à bordIbid. ».

    La circulaire conseillait à l’équipage d’observer régulièrement les caractéristiques des vagues, en particulier la période et la longueur des vagues, et donnait des explications sur la façon de procéder, ainsi que sur la manière de déterminer la période de rencontre des vagues, soit par calcul, soit à l’aide d’un tableau fourni. La circulaire précisait que les directives qu’elle contenait étaient conçues pour tenir compte de tous les types de navires marchands et, par conséquent, étant donné leur caractère général, elles pouvaient être trop restrictives pour certains navires et trop généreuses pour d’autres.

    La circulaire décrivait le roulis paramétrique comme le résultat d’une variation de la stabilité entre la position d’un navire sur la crête des vagues et sa position dans le creux des vagues, et présentait 2 situations où le roulis paramétrique peut se produire, ainsi que la façon de le reconnaître :

    • La période de rencontre des vagues est approximativement égale à la période de roulis du navire, une situation caractérisée par un roulis asymétrique, c’est-à-dire que l’amplitude de roulis d’un côté est beaucoup plus grande que l’amplitude de l’autre côté.
    • La période de rencontre des vagues est approximativement égale à la moitié de la période de roulis du navire, une situation caractérisée par un roulis symétrique présentant de grandes amplitudes. Dans cette situation, le roulis paramétrique peut se produire dans une mer de l’arrière, une mer oblique, une mer de l’avant et une mer d’étrave.

    La circulaire indiquait que des mouvements de roulis paramétriques importants pouvaient être induits par de petites vagues dans une mer de l’avant ou d’étrave, car de forts mouvements de pilonnement ou de tangage peuvent contribuer aux variations de stabilité, en particulier pour les navires ayant une proue à dévers et un étambot évasé.

    La circulaire fournissait également des conseils pour éviter les situations dangereuses, y compris 2 approches différentes pour le roulis paramétrique. Tout d’abord, la section 4.2.2.1 de la circulaire, qui concerne un navire frappé par un train de hautes vagues, indiquait qu’en cas de mer de l’arrière ou de mer oblique dont la longueur moyenne des vagues est supérieure à 0,8 fois la longueur du navire et dont la hauteur significative des vagues est supérieure à 0,04 fois la longueur du navire, il convient de réduire la vitesse du navire ou de changer de cap si le navire se trouve dans la zone de danger indiquée à la figure 19.

    Figure 19. Diagramme tiré de la circulaire de l’Organisation maritime internationale illustrant la zone dangereuse dans le cas où le navire est frappé par un train de hautes vagues par mer de l’arrière ou par mer oblique. Dans l’équation présentée, V représente la vitesse du navire en nœuds, tandis que Tw représente la période des vagues en secondes. De plus, α représente l’angle de rencontre en degrés (α = 0° dans une mer de l’avant, α = 90° pour une mer venant de tribord). (Source : Organisation maritime internationale)
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    Figure 19. Diagramme tiré de la circulaire de l’Organisation maritime internationale illustrant la zone dangereuse dans le cas où le navire est frappé par un train de hautes vagues par mer de l’arrière ou par mer oblique. Dans l’équation présentée, V représente la vitesse du navire en nœuds, tandis que Tw représente la période des vagues en secondes. De plus, α représente l’angle de rencontre en degrés (α = 0° dans une mer de l’avant, α = 90° pour une mer venant de tribord). (Source : Organisation maritime

    Deuxièmement, la section 4.2.3.2 recommandait, pour éviter le roulis paramétrique par mer de l’arrière, mer oblique, mer debout, ou une mer de travers, de choisir le cap et la vitesse du navire de manière à éviter les situations où la période de rencontre des vagues se rapproche de la période de roulis du navire ou de la moitié de la période de roulis du navire.

    1.13.3.2.2 Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact

    En décembre 2020, le CSM a publié une circulaire intitulée Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intactOrganisation maritime internationale, MSC.1/Circ. 1627, Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact (10 décembre 2020).. Le préambule des directives soulignait que certains navires courent un plus grand risque de rencontrer des situations critiques affectant la stabilité dans les vagues. On y indiquait aussi que dans le cas de certains navires ou groupes de navires, les administrations peuvent appliquer des critères de stabilité dynamique pour évaluer le degré de sécurité d’un navire dans les vagues. À cette fin, les directives présentaient des critères fondés sur la performance, permettant d’évaluer 5 modes de défaillance de la stabilité dynamique dans les vagues. L’un des modes de défaillance de la stabilité dynamique était le roulis paramétrique.

    Les critères présentaient une méthode pour évaluer la probabilité d’une défaillance de la stabilité, définie comme « un événement au cours duquel se produisent notamment des angles de roulis (gîte, bande) très importants et/ou des accélérations excessives du corps rigide qui peut entraîner le chavirement du navire ou compromettre son exploitation normale et pourrait présenter un danger pour l’équipage, les passagers, la cargaison ou l’équipementIbid.. »

    La conformité avec les critères devait être évaluée par stades. Premièrement, la conception du navire (pour un état de charge, un profil opérationnel et un environnement de houles donnés) était évaluée pour déterminer sa vulnérabilité à chacun des modes de défaillance de la stabilité dynamique. S’il s’avérait que le navire n’était vulnérable à aucun des 5 modes de défaillance, l’évaluation du navire se concluait et le navire était exempté de toute autre exigence à cet égard. En revanche, si le navire était jugé vulnérable à 1 ou plusieurs modes de défaillance, 3 options s’offraient :

    1. Des modifications pourraient être apportées à la conception du navire, à son état de charge ou à son profil opérationnel. La vulnérabilité du navire était alors réévaluée jusqu’à ce que l’on constate que celui-ci n’était pas vulnérable et que toutes les limites opérationnelles pertinentes étaient en place.
    2. Le navire pourrait passer à une évaluation directe de la stabilité, qui comprenait une modélisation numérique et/ou physique du navire et de son comportement en mer. À l’instar de l’option 1, l’évaluation de la stabilité était répétée jusqu’à ce qu’une combinaison de conception, d’état de charge et de profil opérationnel fût trouvée pour que le navire ne soit pas vulnérable, avec toutes les limites opérationnelles pertinentes en place.
    3. Des recommandations en matière d’exploitation pouvaient être formulées et mises en œuvre, dont le respect faisait en sorte que le navire ne soit pas vulnérable.

    Le degré de sécurité souhaité pouvait être obtenu par la conception du navire à elle seule, par la mise en œuvre des mesures opérationnelles à elle seule, ou par une combinaison des deux. Les directives décrivaient les procédures à suivre au moment d’élaborer des mesures opérationnelles, qui pouvaient comprendre les suivantes :

    • des limites d’exploitation liées à des zones ou des itinéraires ou une saison;
    • des limites d’exploitation liées à une hauteur de houle significative;
    • des recommandations en matière de combinaisons de vitesse du navire et de cap relatif à éviter pour chaque ensemble pertinent d’états de la mer.

    L’OMI envisage d’intégrer la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact au Recueil international de règles de stabilité à l’état intact, 2008, et de les rendre obligatoires; toutefois, les critères doivent faire l’objet d’essais au préalable. Voilà pourquoi les directives sont actuellement disponibles à titre d’essai, et l’OMI a invité les intervenants à lui faire part de leur rétroaction. L’OMI n’a pas fixé de calendrier pour la mise en œuvre des directives sur une base obligatoire; de plus, on ne sait pas avec certitude si les directives sont censées s’appliquer uniquement aux nouvelles constructions, ou si elles s’appliqueront également aux navires existants.

    1.13.3.2.3 Proposition de nouveau produit sur la prévention de la perte de conteneurs en mer

    À sa 107e session en juin 2023, le CSM a étudié une proposition visant à « inscrire un nouveau résultat visant à remédier à la perte persistante de conteneurs en mer par l'instauration de mesures conjointes et coordonnées destinées à prévenir cette perte dans l'ensemble des travaux des Comités et sous-comités concernésOrganisation maritime internationale, MSC 107/17/12, Proposition de nouveau résultat sur la prévention des pertes de conteneurs en mer (28 février 2023). ». La proposition soulignait que les États membres et les organisations non gouvernementales travaillent actuellement à plusieurs initiatives connexes, y compris certaines qui visent à évaluer ce qui suit :

    • les véritables limites de résistance des saisines et des conteneurs;
    • les lacunes possibles dans les procédures de planification et de chargement;
    • les valeurs extrêmes de mouvement et d’accélération dues à la taille du navire;
    • les problèmes de stabilité subis pendant le roulis paramétrique par mer de l’arrière.

    La proposition affirmait que les travaux sur la prévention des pertes de conteneurs en mer nécessitent une approche coordonnée qui permette aux initiatives individuelles de bénéficier les unes des autres et de s’appuyer les unes sur les autres.

    À la suite des délibérations sur la proposition, un nouveau produit, « Élaboration de mesures visant à prévenir la perte de conteneurs », a été ajouté à l’ordre du jour du Sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs. Le sous-comité coordonnera les travaux liés au nouveau produit avec ceux d’autres sous-comités concernés de l’OMI. Les travaux sont censés être achevés au cours de l’année 2025.

    1.13.3.2.4 Code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille

    Le Code de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Code STCW) énonce les exigences de base en matière de formation des gens de mer et de délivrance des brevets à l’échelle internationale. Le programme de formation STCW pour la délivrance des brevets aux officiers à bord des porte-conteneurs ne prévoit pas de formation sur le roulis paramétrique.

    1.13.3.3 Sociétés de classification

    Certaines sociétés de classification, dont l’American Bureau of Shipping (ABS), Bureau Veritas (BV) et DNV, ont mis en place des notations de classificationLes notations de classification sont inscrites sur le certificat de classification d’un navire pour indiquer qu’il répond à des normes particulières de la société de classification. Cela comprend la construction de la coque et l’inspection de classe pendant la construction (notation A1, souvent accompagnée d’une croix de Malte) ou pour des particularités allant au-delà de celles généralement couvertes par les normes de construction générales, notamment les niveaux de bruit, la cybersécurité et l’efficacité énergétique. facultatives pour indiquer que la performance d’un navire en ce qui concerne le roulis paramétrique a fait l’objet d’une évaluation et que des renseignements ont été communiqués à l’équipage pour lui permettre de déterminer et d’atténuer le risque de roulis paramétrique.

    L’ABS et BV ont tous deux des exigences semblables pour l’attribution d’une notationAmerican Bureau of Shipping, « Guide for the Assessment of Parametric Roll Resonance in the Design of Container Carriers » (avril 2019), à l’adresse https://ww2.eagle.org/content/dam/eagle/rules-and-guides/current/design_and_analysis/133-guide-for-the-assessment-of-parametric-roll-resonance-in-the-design-of-container-carriers-2024/133-parametric-roll-guide-aug24.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024).,Bureau Veritas, « Parametric Roll Assessment Rule Note NR 667 » (juillet 2019), à l’adresse https://erules.veristar.com/dy/data/bv/pdf/667-NR_2019-07.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024).. Ils exigent la réalisation de simulations numériques des mouvements du navire dans une gamme d’états de mer et de caps relatifs pour des conditions de chargement et des vitesses commerciales représentatives du navire, afin de déterminer l’angle de roulis maximal du navire pour chaque scénario. Ces simulations doivent inclure notamment les détails de la forme de la coque du navire, les résultats d’essais sur modèle (par rapport aux caractéristiques d’amortissement de la coque) et les détails des conditions de chargement et des vitesses de fonctionnement du navire. Le processus doit prendre en compte les effets d’amortissement de dispositifs de stabilisation en roulis tels que des citernes antiroulis. Les résultats des simulations sont ensuite utilisés pour élaborer des outils opérationnels à l’intention du capitaine, sous forme de diagrammes polaires (angle de cap des vagues par rapport à la vitesse pour chaque état de la mer et chaque condition de chargement), indiquant le ou les niveaux de risque associés au roulis paramétrique. Un exemple de l’ABS est présenté à la figure 20.

    Figure 20. Exemple des outils visant à aider les exploitants à évaluer le risque de roulis paramétrique (Source : American Bureau of Shipping, « Guide for the Assessment of Parametric Roll Resonance in the Design of Container Carriers » (avril 2019), à l’adresse https://ww2.eagle.org/content/dam/eagle/rules-and-guides/current/design_and_analysis/133-guide-for-the-assessment-of-parametric-roll-resonance-in-the-design-of-container-carriers-2024/133-parametric-roll-guide-aug24.pdf [dernière consultation le 1er juin 2024])
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    Figure 20. Exemple des outils visant à aider les exploitants à évaluer le risque de roulis paramétrique (Source : American Bureau of Shipping, « Guide for the Assessment of Parametric Roll Resonance in the Design of Container Carriers » (avril 2019), à l’adresse https://ww2.eagle.org/content/dam/eagle/rules-and-guides/current/design_and_analysis/133-guide-for-the-assessment-of-parametric-roll-resonance-in-the-design-of-container-carriers-2024/133-parametric-roll-guide-aug24.pdf [dernière consultation le 1er

    Deux options sont possibles pour obtenir la notation de classification auprès de DNV : les navires peuvent soit installer des citernes antiroulis, soit installer un logiciel qui répond aux exigences fonctionnelles, techniques et de performance en matière de calcul du risqueDet Norske Veritas, « New DNV anti-roll app helps avoid container loss » (31 mai 2022), à l’adresse https://www.dnv.com/expert-story/maritime-impact/New-DNV-anti-roll-app-helps-avoid-container-loss.html (dernière consultation le 1er juin 2024). . DNV a également mis au point une application appelée Anti-Roll Assist, qui peut être utilisée à bord d’un navire ou à partir d’un centre de contrôle à terre et qui fournit des renseignements aux capitaines pour les aider à reconnaître les risques de roulis paramétrique et synchrone et à les éviter.

    L’application utilise des données provenant de simulations hydrodynamiques de la forme de coque du navire (réalisées à l’avance) ainsi que des données telles que le tirant d’eau, l’assiette, la hauteur métacentrique, le cap et la vitesse du navire, la profondeur d’eau et les données sur les vagues disponibles en ligne. L’application génère un diagramme polaire qui représente le cap et la vitesse du navire ainsi que la contrainte exercée sur son système d’arrimage de conteneurs (figure 21). Une fonction intégrée d’établissement de rapports documente les motifs des décisions prises concernant les écarts par rapport à la route prédéterminée.

    Figure 21. Exemple de diagramme polaire fourni par l’application Anti-Roll Assist. La zone rouge indique où les limites de l’arrimage des conteneurs du navire seraient dépassées. (Source : Det Norske Veritas, « New DNV anti-roll app helps avoid container loss » [31 mai 2022], à l’adresse https://www.dnv.com/expert-story/maritime-impact/New-DNV-anti-roll-app-helps-avoid-container-loss.html [dernière consultation le 1er juin 2024])
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    Figure 21. Exemple de diagramme polaire fourni par l’application Anti-Roll Assist. La zone rouge indique où les limites de l’arrimage des conteneurs du navire seraient dépassées. (Source : Det Norske Veritas, « New DNV anti-roll app helps avoid container loss » [31 mai 2022], à l’adresse https://www.dnv.com/expert-story/maritime-impact/New-DNV-anti-roll-app-helps-avoid-container-loss.html [dernière consultation le 1er juin 2024])

    Au moment de la sortie de l’application en 2022, DNV a indiqué que des travaux étaient en cours pour créer des interfaces qui permettraient d’intégrer l’application à d’autres systèmes logiciels de passerelle.

    1.13.3.4 Autres directives et outils de l’industrie

    En mai 2021, un projet connu sous le nom de TopTier Joint Industry Project a été lancé par le Maritime Research Institute Netherlands. Il réunissait divers experts du secteur du transport par conteneur afin de cerner et de recommander des améliorations en matière de transport, de chargement et d’arrimage des conteneurs et sur des questions connexes, de même que d’apporter la compréhension technique nécessaire à l’élaboration de conceptions et d’innovations sûres à l’avenirMaritime Research Institute Netherlands, « TopTier Securing Container Safety », à l’adresse https://www.marin.nl/en/jips/toptier (dernière consultation le 1er juin 2024).. Un examen des pratiques actuelles et des incidents a été réalisé au cours de la phase 1 du projet, qui a montré que le roulis paramétrique dans une mer de l’arrière était particulièrement dangereux. Au début de l’année 2022, plusieurs outils ont été produits pour sensibiliser les marins à ce problème :

    • un avis qui comprend un organigramme des étapes à suivre et des critères quantitatifs à appliquer pour déterminer s’il existe un risque de roulis paramétrique et qui décrit les mesures à prendre en pareil cas (annexe B);
    • une série de vidéos qui présentent visuellement l’information contenue dans l’avis aux navigateurs;
    • un estimateur du risque de roulis constitué d’un tableur permettant de calculer le risque de roulis paramétrique et d’un diagramme polaire permettant de visualiser les résultats (annexe C).

    Ces outilsCes outils se trouvent à l’adresse suivante : https://www.marin.nl/en/jips/toptier (dernière consultation le 1er juin 2024). s’appuient sur l’hypothèse que les données sur les caractéristiques des vagues seront recueillies par observation visuelle, et des instructions sont fournies pour ce faire.

    En septembre 2022, l’entreprise danoise Kjærulf Pedersen a mis au point un système de capteurs capable de reconnaître les tendances qui conduisent au roulis paramétrique et d’envoyer un message au système de commande du navire afin que le système et l’équipage aient le temps de changer de capThe Maritime Executive, « Sensor Company Builds System to Warn of Parametric Rolling Danger » (5 septembre 2022), à l’adresse https://maritime-executive.com/article/sensor-company-builds-system-to-warn-of-parametric-rolling-danger (dernière consultation le 1er juin 2024).. Le système de l’entreprise est basé sur 3 capteurs, placés à la proue, au milieu et à la poupe, qui surveillent les mouvements du navire en temps réel. Le système compare les données fournies par les capteurs avec les données sur la vitesse, l’accélération et la direction du navire pour détecter si les mouvements du navire approchent un état susceptible de devenir incontrôlable. Si tel est le cas, un avertissement est envoyé au système de commande du navire afin que des mesures d’atténuation puissent être prises. Le système avait été installé et mis à l’essai avec succès sur 4 porte-conteneurs de Maersk.

    L’entreprise mondiale de technologie ABB a mis au point le progiciel OCTOPUS Advisory SuiteABB, « Octopus – Onboard, Part of ABB’s Advisory Systems », à l’adresse https://library.e.abb.com/public/3298fbfa811896fbc1257b4e00449f1e/OCTOPUS%20product%20sheet%20v.3.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024)., qui permet de surveiller, de simuler et de prévoir en continu les réactions et la performance d’un navire. Le système recueille des renseignements sur le navire, la route, les conditions de chargement, les limites propres au navire et les conditions météorologiques afin d’offrir une interface utilisateur qui donne des conseils sur les vitesses, les caps et les plages d’exploitation sécuritaires, ainsi que sur les moyens d’éviter les dangers de roulis, de claquement et de roulis paramétrique.

    La société DTN, une entreprise présente dans plusieurs secteurs, dont les secteurs maritime et extracôtier, a mis au point un système d’optimisation des performances des navires (SPOS). Ce système offre un module de tenue en merDTN, « SPOS », à l’adresse https://www.dtn.com/weather/shipping/spos/ (dernière consultation le 1er juin 2024). qui permet de définir des valeurs de seuil de mouvement en fonction des paramètres de l’OMI pour le roulis paramétrique, le roulis synchrone, la tombée en travers et les résonances dues aux fortes vagues. Le module de tenue en mer du SPOS calcule les mouvements pour s’assurer que la route prévue du navire évite les zones où il y aurait des dépassements de limites. Le module de tenue en mer du SPOS affiche les valeurs de mouvement prévues sous forme de graphique et indique à la fois sur des graphiques et sur des diagrammes polaires les mouvements qui sont susceptibles de dépasser les limites (figure 22). 

    Figure 22. Exemple de diagramme polaire tiré du module de tenue en mer du SPOS (Source : DTN, « SPOS », à l’adresse https://www.dtn.com/weather/shipping/spos/ [dernière consultation le 1er juin 2024])
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    Figure 22. Exemple de diagramme polaire tiré du module de tenue en mer du SPOS (Source : DTN, « SPOS », à l’adresse https://www.dtn.com/weather/shipping/spos/ [dernière consultation le 1er juin 2024])

    En 2020, le Swedish Club, une société mutuelle multinationale d’assurance maritime, a publié un rapport intitulé « Container focus: Preventing the loss of containers at seaThe Swedish Club, « Container losses: The Swedish Club identifies the catalysts » (29 septembre 2020), à l’adresse https://www.swedishclub.com/news/press-releases/container-losses-the-swedish-club-identifies-the-catalysts (dernière consultation le 1er juin 2024). ». Le rapport traite de la planification, du chargement, de la stabilité et de l’arrimage. Il fournit également des conseils sur la façon de faire face au gros temps et comprend des explications et des directives sur le roulis paramétrique. Bien que le rapport souligne l’importance de faire preuve de jugement pour ajuster le cap et la vitesse en cas de gros temps, il indique tout de même que les meilleurs moyens de défense contre le roulis paramétrique sont l’équipement qui peut aider à sa détection et la formation qui permet à l’équipage de le reconnaître et de l’éviter.

    À la suite d’un événement majeur survenu en 1998, lors duquel le porte-conteneurs APL China a été soumis à un roulis paramétrique dans une mer de l’avant, et des activités de l’OMI qui s’en sont suivies, l’entreprise de conception et d’ingénierie de navires Herbert Engineering Corp. a produit une vidéo de formation pour aider les membres d’équipage à comprendre et à éviter toutes les formes de mouvement de roulis important, y compris le roulis paramétrique dans une mer de l’avant. La vidéo examine les raisons pour lesquelles il peut se produire un roulis important en présence de conditions particulières et suggère des mesures à prendre pour limiter ce roulisLa vidéo de formation se trouve à l’adresse https://youtu.be/QEw6fKZTpzc (dernière consultation le 1er juin 2024)..

    Le Nautical InstituteLe Nautical Institute est une organisation non gouvernementale qui vise à promouvoir le professionnalisme, les pratiques exemplaires et la sécurité dans l’ensemble de l’industrie maritime et à représenter les intérêts de ses membres (source : The Nautical Institute, « About us », à l’adresse https://www.nautinst.org/about-us.html [dernière consultation le 1er juin 2024]). dispose d’une bibliothèque technique en ligne qui comprend un diaporama intitulé « Introduction to Parametric Rolling MotionThe Nautical Institute, « Introduction to Parametric Rolling Motion (PRM) », à l’adresse https://www.nautinst.org/uploads/assets/e05c5a46-9efd-49d3-839fddc8a7f85941/Introduction-to-Parametric-Rolling-Motion-ver-A4-presentation.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024). ». Le diaporama fournit quelques éléments théoriques et une description du roulis paramétrique, et aborde l’étude de cas de l’événement de perte de conteneurs du Svendborg Maersk survenu en 2014. En ce qui concerne la détection des facteurs qui induisent le roulis paramétrique, le diaporama renvoie aux directives fournies dans la circulaire de 2007 de l’OMI. Il présente également plusieurs recommandations pour faire face au risque général de roulis paramétrique à bord des navires :

    • inclure le roulis paramétrique dans la liste des entraînements sur simulateur du STCW recommandés;
    • élaborer des lignes directrices propres au navire à l’aide d’évaluations directes de la stabilité;
    • intégrer la surveillance de l’état de la mer dans les systèmes à bord pour aider les marins à reconnaître les états de la mer qui induisent un roulis paramétrique;
    • inclure des systèmes de surveillance de l’état de la mer dans l’équipement obligatoire prévu par la Convention SOLAS.

    Enfin, les fournisseurs de services de routage météorologique sont bien placés pour offrir des services d’orientation et de conseil afin d’aider les navires à prévoir le risque de roulis paramétrique, étant donné qu’ils ont accès aux caractéristiques du navire, à la route et aux prévisions relatives à l’état de la mer. À la suite d’un événement survenu en janvier 2021 lors duquel le Maersk Essen a perdu des conteneurs, le Danish Maritime Accident Investigation Board a constaté que l’entreprise de services météorologiques du navire, WNI – la même entreprise qui était sous contrat avec ZIM – disposait d’une solution logicielle capable de prévoir le risque de mouvement et d’évaluer le risque de roulis paramétrique. Le logiciel de WNI est entièrement basé sur la circulaire de 2007 de l’OMI et avait évalué le risque de roulis paramétrique pendant le voyage du Maersk Essen comme étant élevéDanish Maritime Accident Investigation Board, « Maersk Essen: Marine accident report on loss of cargo, 16 January 2021 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8489/maersk-essen-loss-of-cargo-on-16-january-2021.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024)..

    1.13.4 Évaluations après l’événement du risque de roulis paramétrique

    Afin de mieux comprendre les nombreux facteurs en jeu et d’évaluer l’efficacité des divers documents d’orientation relatifs à la reconnaissance du risque de roulis paramétrique, le BST a procédé à une évaluation du risque en se fondant sur les circonstances du voyage du ZIM Kingston lors de l’événement.

    Trois sources se prêtaient à l’exercice théorique :

    • les documents disponibles à bord du navire (le manuel d’instructions de la flotte et le livret de DNV);
    • la circulaire de l’OMI (MSC.1/Circ. 1228);
    • les extrants du TopTier Joint Industry Project (avis aux navigateurs et estimateur du risque).

    Divers scénarios ont été établis – combinaisons de vitesses du navire, de caps et de caractéristiques des vagues différents – correspondant aux circonstances telles qu’elles étaient anticipées ou prévues dans les jours précédant l’événement à l’étude, ainsi qu’aux conditions réelles au moment de l’événement. Ces scénarios ont ensuite été analysés selon les méthodologies décrites dans chaque ensemble de documents d’orientation afin de déterminer si le risque de roulis paramétrique pouvait être reconnu.

    1.13.4.1 Paramètres des scénarios utilisés pour évaluer le risque de roulis paramétrique

    Le 20 octobre à 11 h 15, WNI a émis une fiche de données de voyage à l’intention du navire pour une route intitulée « Plan de dérive » (annexe D). La fiche de données présentait un résumé des conditions météorologiques et de l’état de la mer (vent frais ou grand frais, avec des rafales pouvant atteindre la force du coup de vent et vagues pouvant atteindre une hauteur d’environ 6 m) prévus pour une position à l’extérieur du détroit de Juan de Fuca à partir d’environ 3 h 30 le 21 octobre jusqu’à 18 h 30 le 23 octobre. Pendant cette période, on présumait que le navire était stationnaire, c’est-à-dire qu’il ne changeait pas de position et que sa vitesse sur le fond était de 0. Des prévisions plus détaillées des conditions météorologiques et de l’état de la mer, y compris la hauteur significative des vagues et la période des vagues, ont également été communiquées pour des intervalles de 12 heures, à partir de 17 h le 20 octobre.

    Par conséquent, pour les évaluations du risque utilisant les données prévisionnelles du plan de dérive (scénarios 1 à 4 du tableau 3), on a supposé que le navire avait une vitesse sur le fond de 0 et qu’il était orienté face au vent. Les caractéristiques des vagues ont été tirées des prévisions de WNI.

    Pour la 2e série d’évaluations du risque, on a supposé que les conditions réelles qui prévalaient au moment de l’événement à l’étude (scénarios 5 à 7 du tableau 3) étaient les suivantes : le navire était orienté à peu près face aux vagues (qui venaient de l’ouest-sud-ouest) et dérivait vers l’arrière, dans la même direction que les vagues. La vitesse sur le fond du navire était de 2,7 nœuds et son cap était de 244°La vitesse sur le fond et le cap utilisés pour les scénarios basés sur les données réelles de l’événement sont des valeurs représentatives de la gamme de données fournies par le système d’identification automatique (SIA) du navire.. On a également utilisé la gamme de caractéristiques des vagues déterminée pour les essais sur modèle du navire (voir la section 1.13.2.1).

    Tableau 3. Paramètres de 7 scénarios utilisés pour évaluer le risque de roulis paramétrique (Source : BST)

    Source des données

    Numéro de scénario

    Date et heure

    Vitesse du navire (nœuds)

    Cap du navire

    (degrés)

    Caractéristiques des vagues

    Direction (degrés)

    Hauteur significative (mètres)

    Période (secondes)

    Données prévisionnelles fournies dans le plan de dérive

    1

    21 octobre à 5 h

    0

    112,5

    202,5

    3,1

    9

    2

    21 octobre à 17 h

    0

    157,5

    202,5

    4,8

    11

    3

    22 octobre à 5 h

    0

    180

    225

    5,3

    11

    4

    22 octobre à 17 h

    0

    180

    247,5

    5,5

    13

    Données de l’événement

    5

    21 octobre à 22 h 30

    2,7

    244

    225

    5,6

    13,5

    6

    21 octobre à 22 h 30

    2,7

    244

    225

    5,3

    11,6

    7

    21 octobre à 22 h 30

    2,7

    244

    225

    4,6

    9,0

    1.13.4.2 Résultats des évaluations du risque

    Les paramètres ci-dessus ont été évalués et les résultats ont été appliqués aux critères conformément aux différents documents sources. Le tableau 4 ci-dessous présente les résultats du BST.

     

    Tableau 4. Résultats des évaluations du risque; « Oui » indique qu’un risque de roulis paramétrique a été mis en évidence (Source : BST)

    Scénario

    Date et heure

    Directives à bord

    MSC.1/Circ. 1228

    TopTier

    Manuel d’instructions de la flotte

    Livret de DNV

    Section 4.2.2.1

    Section 4.2.3.2

    Avis aux navigateurs

    Estimateur du risque

    1 – Plan de dérive

    21 oct. à 5 h

    Non

    Non

    Non

    Non

    Non

    Non

    2 – Plan de dérive

    21 oct. à 17 h

    Non

    Non

    Non

    Non

    Non

    Oui

    3 – Plan de dérive

    22 oct. à 5 h

    Non

    Non

    Non

    Non

    Non

    Oui

    4 – Plan de dérive

    22 oct. à 17 h

    Non

    Non

    Non

    Non

    Non

    Non

    5 – Événement

    21 oct. à 22 h 30

    Non

    Non

    Non

    Non

    Oui

    Non

    6 – Événement

    21 oct. à 22 h 30

    Non

    Non

    Non

    Oui

    Oui

    Oui

    7 – Événement

    21 oct. à 22 h 30

    Non

    Non

    Non

    Non

    Non

    Oui

    1.13.4.2.1 Documents disponibles à bord pendant le voyage de l’événement à l’étude

    Lorsque seuls les documents d’orientation disponibles à bord pendant le voyage de l’événement à l’étude étaient pris en compte, aucun des scénarios n’a permis de déceler le risque de voir le navire développer un roulis paramétrique. Cela s’explique principalement par le fait que le manuel d’instructions de la flotte n’indiquait pas qu’une période de rencontre des vagues correspondant à environ la moitié de la période de roulis du navire était un élément précurseur du roulis paramétrique.

    De plus, certains des autres critères étaient ambigus et rendaient donc l’évaluation dépendante de l’interprétation d’une personne, par exemple, les critères du manuel d’instructions de la flotte selon lesquels la hauteur des vagues devrait être « assez importante ». Le livret de DNV précisait que les vagues d’une hauteur significative supérieure à environ 4 % de la longueur du navire (ou, dans ce cas, 10,4 m) étaient nécessaires au développement du roulis paramétrique. Toutefois, aucune vague de cette hauteur n’a été observée lors de l’événement à l’étude.

    1.13.4.2.2 Circulaire de l’Organisation maritime internationale

    En ce qui concerne la circulaire de 2007 de l’OMI, lorsque seule la section 4.2.2.1 (concernant le risque d’être frappé par un train de hautes vagues) était prise en compte, aucun risque n’était mis en évidence, principalement parce que selon les prévisions, les hauteurs de vagues au moment de l’événement à l’étude ne devaient pas dépasser les critères définissant les grandes vagues (c.-à-d. des hauteurs de vagues supérieures à 4 % de la longueur du navire). Lorsque la section 4.2.3.2 (concernant les mesures à prendre pour éviter le roulis paramétrique par mer de l’arrière, par mer oblique, par mer de l’avant, par mer d’étrave ou par mer de travers) était prise en compte, il était possible de déceler un risque pour le navire dans un des scénarios susceptibles de s’être produit à peu près au moment de l’événement. La section 4.2.3.2 contient très peu de critères permettant de cerner le risque, indiquant seulement que la période de rencontre des vagues du navire se rapprochera de la période de roulis du navire ou correspondra approximativement à la moitié de cette période. Déterminer si ces conditions sont présentes dépend en grande partie du jugement de l’utilisateur. Plus précisément, il faut décider de la tolérance acceptable : le risque est-il présent si la période de rencontre des vagues est égale à la moitié de la période de roulis plus ou moins 1 seconde, ou davantage? La circulaire n’offre aucune orientation sur cette question.

    1.13.4.2.3 Avis aux navigateurs et estimateur du risque du projet TopTier

    Lorsque l’on a utilisé l’avis aux navigateurs du projet TopTier, un risque de roulis paramétrique était apparent pour 2 des 3 scénarios auxquels le navire a probablement été confronté au moment de l’événement (scénarios 5 et 6 dans le tableau 4). La tolérance admise lors de l’évaluation de la période de rencontre des vagues est de plus ou moins 3 secondes. Toutefois, l’avis aux navigateurs n’a pas été efficace lorsqu’il a été appliqué aux scénarios établis à partir des données prévisionnelles du plan de dérive, étant donné que la méthode décrite dans l’avis aux navigateurs ne s’applique qu’aux navires évoluant dans des mers de l’arrière.

    L’utilisation du tableur d’estimation du risque du projet TopTier a permis de mettre en évidence un risque de roulis paramétrique pour 2 des scénarios prévus dans le plan de dérive ainsi que pour 2 des scénarios probables au moment de l’événement (scénarios 2, 3, 6 et 7 dans le tableau 4). L’une des raisons pour lesquelles les résultats de l’avis aux navigateurs diffèrent de ceux de l’estimateur du risque est que ce dernier prend en compte le risque de roulis paramétrique dans une mer quasi de l’avant ainsi que dans une mer de l’arrière, alors que l’avis aux navigateurs ne prend en compte que le risque dans une mer de l’arrière.

    1.14 Conception, construction et entretien des conteneurs

    La conception, la construction et l’entretien des conteneurs utilisés pour le transport des marchandises sont régis par la Convention internationale sur la sécurité des conteneurs de 1972. La Convention exige que la conception des conteneurs soit approuvée et certifiée par un gouvernement signataire de la Convention; dans la pratique, ce processus d’approbation est souvent délégué à des organismes reconnusL’organisme reconnu est une société de classification à laquelle le ministre fédéral des Transports a, dans le cadre d’ententes juridiques officielles, délégué le pouvoir d’effectuer des inspections ou de délivrer des certificats en son nom.. La Convention attribue également la responsabilité de l’entretien au propriétaire du conteneur et exige que les propriétaires examinent les conteneurs à des intervalles adaptés aux conditions d’exploitation. Les conteneurs doivent également faire l’objet d’une inspection et d’une recertification 5 ans après leur construction, puis à des intervalles ne dépassant pas 30 mois par la suite. Les annexes de la Convention établissent les normes de conception et d’inspection auxquelles les conteneurs doivent satisfaire pour que leur manutention, leur gerbage et leur transport ne présentent aucun danger.

    Le secteur du transport par conteneurs compte sur les inspections organisées par les propriétaires ou les loueurs de conteneurs pour maintenir les certifications. Les lignes de transport par conteneur refuseront généralement d’expédier tout conteneur qui n’est pas certifié.

    En raison du grand nombre de conteneurs embarqués sur le ZIM Kingston et des différents propriétaires et loueurs de ces conteneurs, l’enquête n’a pas permis de déterminer l’âge et l’historique d’entretien de chaque conteneur qui se trouvait à bord. L’un des conteneurs de 40 pieds arrimés dans la baie 14 avait été fabriqué 15 ans avant l’événement à l’étude; il s’agit du conteneur le plus vieux pour lequel le BST a pu obtenir des données. Ce conteneur est passé par-dessus bord lors de l’événement et l’enquête n’a pas permis d’évaluer son état avant ou après l’événement.

    1.15 Certificats du navire

    Le ZIM Kingston est certifié en vertu de la Convention SOLAS et possède une classification de DNV. La dernière inspection annuelle du navire avant l’événement à l’étude datait du 15 novembre 2020.

    1.16 Système d’arrimage de conteneurs

    À bord du ZIM Kingston, comme sur la plupart des porte-conteneurs, les conteneurs de 40 pieds étaient arrimés sur le pont à l’aide de composants tels que des barres de saisissage, des tendeurs, des verrous tournants et des points d’assise montés sur le pont (figure 23). Les conteneurs de 20 pieds étaient arrimés au moyen de composants semblables, ainsi que d’attaches intermédiaires qui retenaient les conteneurs de 20 pieds bout à bout. Les points d’assise étaient fixés au pont ou aux panneaux d’écoutille et servaient de blocs sur lesquels reposaient les piles de conteneurs. Les barres de saisissage étaient utilisées en combinaison avec des tendeurs et des verrous tournants pour arrimer les conteneurs sur les 2 à 3 niveaux inférieursLes barres de saisissage sont mises en place manuellement. Il est donc normal d’arrimer uniquement les niveaux inférieurs, car il est difficile d’accéder aux conteneurs situés plus haut dans la pile. . Les conteneurs des niveaux supérieurs étaient fixés l’un sur l’autre au moyen de verrous tournants. Les conteneurs placés les uns à côté des autres n’étaient pas attachés ensemble, ce qui signifie que chaque pile de conteneurs était indépendante des piles voisines. 

    Figure 23. Composants d’arrimage utilisés pour fixer les conteneurs sur le ZIM Kingston (points d’assise non visibles) (Source des images principale et en médaillon : BST)
    Image
    Figure 23. Composants d’arrimage utilisés pour fixer les conteneurs sur le ZIM Kingston (points d’assise non visibles) (Source des images principale et en médaillon : BST)

    Les composants d’arrimage de conteneurs ont des charges maximums pratiques qui correspondent généralement à 50 % de leur résistance minimale à la rupture. La résistance minimale à la rupture est définie comme la force à laquelle le composant se rompra et est déterminée par son point le plus faible. La plupart des fabricants conçoivent les composants de manière à ce qu’il y ait un certain degré inconnu de résistance allant au-delà de la résistance minimale à la rupture, mais ce n’est pas garanti. Les valeurs nominales des composants d’arrimage de conteneurs utilisés sur le ZIM Kingston sont indiquées dans le tableau 5.

    Tableau 5. Charge maximum pratique et résistance minimale à la rupture (traction et cisaillement) des composants d’arrimage de conteneurs sur le ZIM Kingston (Source des données : Manuel d’assujettissement de la cargaison)

    Composant

    Charge maximum pratique (kN)

    Résistance minimale à la rupture (traction) (kN)

    Résistance minimale à la rupture (cisaillement) (kN)

    Points d’assise

    250

    500

    420

    Barres de saisissage

    245

    490

    S/O

    Tendeurs

    245

    490

    S/O

    Verrous tournants

    250

    500

    420

    Les porte-conteneurs transportent généralement des milliers de composants d’arrimage de conteneurs. À la suite de l’événement à l’étude, le Laboratoire d’ingénierie du BST a obtenu un échantillon des composants d’arrimage de conteneurs du ZIM Kingston aux fins d’examen et d’essai.

    Le BST a procédé à un examen visuel d’échantillons de tendeurs, de verrous tournants, de barres de saisissage et de points d’assise provenant de la baie 14. Les barres de saisissage montraient de légers signes de flexion qui pourraient correspondre à des dommages survenus lors de l’effondrement des piles. Aucune des barres de saisissage ni aucun des tendeurs de l’échantillon ne présentait d’autres signes de dommages importants. Il y avait des éraflures, de petites marques de surface et de la corrosion, auxquelles on peut s’attendre pour ces composants. Aucun des dommages constatés n’aurait vraisemblablement conduit à une défaillance.

    Un examen visuel des échantillons de points d’assise de la baie 14 a révélé des signes de dommages et de corrosion. Les dommages semblent s’être produits lorsque le centre de gravité de chaque pile est sorti de l’empreinte de la pile de conteneurs en raison des angles de roulis importants qui auraient imposé des forces de compression beaucoup plus élevées que celles attendues. Bien qu’il y avait de la corrosion sur les points d’assise, elle ne réduisait pas de façon substantielle l’épaisseur du matériau, de sorte qu’il est peu probable qu’il y ait eu une diminution de la résistance à la rupture.

    Six échantillons de verrous tournants provenant de divers endroits sur le pont, y compris la baie 14, ont été inspectés et ont fait l’objet d’essais de dureté afin de déterminer leur résistance à la rupture. L’inspection n’a révélé aucun signe de rupture progressive (fatigue), et les surfaces de rupture présentaient des signes de défaillances dues à une simple surcharge. Les essais de dureté ont permis d’établir que les échantillons de verrous tournants étaient conformes aux spécifications relatives à la charge maximum pratique, à une exception près. Un échantillon, provenant de la baie 34, rangée 08, niveau 82, avait un point de rupture par cisaillement estimé à 389 kN, ce qui est légèrement inférieur à la résistance minimale à la rupture par cisaillement de 420 kN requise. Il convient toutefois de noter que les charges prédites dans la baie 34 auraient probablement entraîné la rupture du composant par traction avant qu’il ne se rompe par cisaillement.

    1.17 Manuel d’assujettissement de la cargaison

    Un manuel d’assujettissement de la cargaison fournit des directives pour l’utilisation adéquate du système d’arrimage de conteneurs et pour l’évaluation des forces agissant sur les conteneurs. Les manuels d’assujettissement de la cargaison sont élaborés pour chaque navire par des sociétés spécialisées, puis inspectés et approuvés par les sociétés de classification. La présence d’un manuel d’assujettissement de la cargaison est obligatoire sur tous les types de navires transportant des cargaisons autres que des chargements de vrac solide ou liquideOrganisation maritime internationale, MSC.1/Circ. 1353, Directives révisées pour l'élaboration du Manuel d'assujettissement de la cargaison, révision no 2 (7 décembre 2020), paragraphe 3..

    Le ZIM Kingston disposait d’un manuel d’assujettissement de la cargaison qui avait été approuvé par DNV le 1er août 2008. Le manuel d’assujettissement de la cargaison comprenait des spécifications pour les composants du système d’assujettissement de la cargaison, des directives pour la mise en place et l’arrimage des conteneurs et de la cargaison non standard, ainsi que des renseignements sur l’inspection et l’entretien. En vertu de la règle 5 du chapitre VI de la Convention SOLAS, les cargaisons doivent être chargées, arrimées et assujetties de manière à éviter tout dommage ou tout risque pour le navire et les personnes à bord, ainsi que la perte de la cargaison à la mer.

    L’OMI a élaboré le Recueil de règles pratiques pour la sécurité de l’arrimage et de l’assujettissement des cargaisons (Recueil CSS), qui constitue une norme internationale pour la sécurité de l’arrimage et de l’assujettissement des cargaisons. Il fournit des directives visant à garantir que les navires sont adaptés à l’usage auquel ils sont destinés, qu’ils sont équipés de moyens appropriés pour assujettir les cargaisons et que les cargaisons sont assujetties de manière à réduire au minimum les risques pour le navire et le personnel. Le Recueil CSS propose également des conseils sur les cargaisons connues pour créer des difficultés et des risques en matière d’arrimage et d’assujettissement, ainsi que sur les mesures à prendre dans des conditions de grosse mer et celles qui peuvent être prises pour remédier aux effets du ripage de la cargaison. Le Recueil CSS fait référence à une circulaire de l’OMI qui stipule que les cargaisons « doivent être chargé[e]s, arrimé[e]s et assujetti[e]s pendant toute la durée d’un voyage conformément au Manuel d’assujettissement de la cargaison qui a été approuvé par l’Administration »Ibid., paragraphe 1..

    1.18 Planification du chargement

    Les tâches liées à la planification du chargement sur le ZIM Kingston étaient réparties entre les planificateurs de navires de ZIM à terre , qui étaient responsables de l’élaboration de plans de chargement préliminaires pour le navire, et l’équipage à bord, qui était responsable de l’approbation du plan de chargement et de la supervision de l’arrimage et l’assujettissement des conteneurs conformément au plan.

    1.18.1 Planification du chargement par l’affréteur

    En vertu de la charte-partie, ZIM avait l’obligation de fournir au capitaine un plan de chargement préliminaire pour l’arrimage des conteneurs et des marchandises dangereuses à charger. Le plan devait être communiqué le plus tôt possible et au plus tard à l’arrivée au port de chargement. Le navire devait recevoir des mises à jour régulières en cas de modification. La responsabilité de l’élaboration du plan de chargement préliminaire incombait aux planificateurs de navires de ZIM à terre. Le rôle de l’affréteur en matière de chargement et d’arrimage était expliqué comme suit dans la charte-partie [traduction] :

    Les affréteurs veillent à ce que l’arrimage soit effectué conformément aux exigences de la présente charte-partie et de la stabilité du navire, y compris, entre autres, de sorte que les poids des piles et des niveaux ne soient pas dépassés. Le chargement doit être effectué conformément au manuel d’assujettissement de la cargaison et à l’ensemble des autres certificats et exigences applicables au navire. L’arrimage est toujours subordonné à l’approbation préalable du capitaineCharte-partie entre Balticsea Marine Inc. et ZIM Israel Integrated Shipping Services (8 juin 2006), clause 10(c)..

    Les planificateurs de navires doivent tenir compte d’un certain nombre de facteurs lors de l’élaboration des plans de chargement, notamment le nombre de ports dans lesquels le navire fera escale, l’ordre des escales, ainsi que le nombre, la taille, le poids et le type de conteneurs qui doivent être chargés et déchargés dans chaque port. Ils doivent aussi éviter que des conteneurs plus lourds soient chargés au-dessus de conteneurs plus légers, et minimiser le nombre de conteneurs qui devraient être réarrimés. Les planificateurs de navires doivent s’assurer que le plan de chargement est conforme aux exigences du Code maritime international des marchandises dangereuses (Code IMDG), qui établit des exigences particulières en matière de transport de marchandises dangereuses.

    Les planificateurs de navires de ZIM utilisaient un logiciel de planification du chargement qui permettait de surveiller divers aspects d’un plan de chargement, notamment la hauteur et le poids des piles de conteneurs, ainsi que le nombre et la position des conteneurs frigorifiques, des conteneurs de marchandises dangereuses, des cargaisons non standard et des conteneurs destinés à être réarrimés. Le logiciel de planification du chargement permettait également aux planificateurs de navires de surveiller le moment de flexion du navire, les forces de cisaillement, le moment de torsion et les forces d’arrimage estimées (forces transversales forces de levage, forces de compressionLes forces transversales sont les forces qui agissent sur une pile de conteneurs et qui sont susceptibles de la faire basculer d’un côté ou de l’autre. Les forces de levage sont les forces qui agissent vers le haut pour « soulever » la pile, et les forces de compression sont celles qui agissent vers le bas pour comprimer la pile., etc.) par rapport à la charge maximum pratique des composants utilisés pour assujettir les conteneurs à bord.

    Pour calculer les forces et les moments, le logiciel de planification du chargement utilisait un angle de roulis nominal comme base pour estimer les accélérations et les forces qui agiraient sur les conteneurs pendant un voyage. L’angle de roulis nominal était déterminé selon les règles de la société de classification et variait en fonction de la stabilité (représentée par la GM) et de la période de roulis du navire chargé pour un voyage donné, entre autres paramètres.

    Le logiciel de planification du chargement utilisé par les planificateurs de navires de ZIM différait de celui utilisé sur le navire. Une analyse des différences entre les 2 types de logiciels ne faisait pas partie de la portée de l’enquête. Ni les planificateurs de navires de ZIM, ni l’équipage du navire n’avaient accès au logiciel de planification du chargement de l’autre partie.

    1.18.2 Planification du chargement à bord du navire

    Après que le ZIM Kingston eut reçu un plan de chargement préliminaire établi par les planificateurs de navires de ZIM, le SGS indiquait que le premier officier était responsable de vérifier le plan à l’aide du calculateur de chargement du navire pour [traduction] « s’assurer que l’arrimage proposé est acceptable à tous égardsLes forces transversales sont les forces qui agissent sur une pile de conteneurs et qui sont susceptibles de la faire basculer d’un côté ou de l’autre. Les forces de levage sont les forces qui agissent vers le haut pour « soulever » la pile, et les forces de compression sont celles qui agissent vers le bas pour comprimer la pile. ». Une copie du plan devait ensuite être présentée au capitaine aux fins d’approbation. Le SGS indiquait également que le premier officier devait utiliser le plan d’arrimage définitif pour mettre à jour le calculateur de chargement avant le départ afin de s’assurer que la stabilité et les contraintes étaient toujours acceptables. Le premier officier devait alors informer le capitaine de l’état du navire avant l’appareillage.

    Le logiciel de planification du chargement du navire fournissait un affichage graphique du plan de chargement du navire ainsi que des capacités interactives sur les baies et les niveaux. Il permettait aux membres d’équipage de s’assurer que le plan de chargement respectait les paramètres approuvés pour la classification en ce qui concerne la stabilité, les contraintes sur la coque, l’arrimage et la séparation des marchandises dangereuses. Le logiciel pouvait également calculer les forces d’arrimage qui seraient exercées sur les conteneurs si le navire atteignait son angle de roulis nominal. Pour le voyage de l’événement à l’étude, l’angle de roulis nominal était de 19,91°. Le logiciel pouvait ensuite comparer ces forces d’arrimage à la charge maximum pratique des composants d’arrimage de conteneurs et repérer tout conteneur dont la charge maximum pratique calculée dépassait celle d’un ou de plusieurs de leurs composants d’arrimage à l’angle de roulis nominal. Ces conteneurs étaient signalés comme étant soumis à des forces d’arrimage excessives, comme le montre la figure 24. 

    Figure 24. Capture d’écran du logiciel de planification du chargement du ZIM Kingston montrant des conteneurs soumis à des forces d’arrimage excessives pour l’angle de roulis nominal (indiqués en aigue-marine) (Source : BST)
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    Figure 24. Capture d’écran du logiciel de planification du chargement du ZIM Kingston montrant des conteneurs soumis à des forces d’arrimage excessives pour l’angle de roulis nominal (indiqués en aigue-marine) (Source : BST)

    Si un plan de chargement proposé par un planificateur de navire de ZIM comprenait des conteneurs soumis à des forces d’arrimage excessives pour l’angle de roulis nominal, le capitaine devait en informer le planificateur de navire, et les 2 parties devaient collaborer pour corriger le problème. Le SGS stipulait de manière générale que [traduction] « le navire ne doit pas prendre la mer tant que l’arrimage n’a pas été effectué à la satisfaction du capitaineIbid., section 1.2.3. ».

    Le SGS prévoyait également la situation où des modifications apportées au plan de chargement au cours du chargement pourraient faire en sorte que dans l’état final du navire avant le départ, des conteneurs seraient soumis à des forces d’arrimage excessives par rapport à l’angle de roulis nominal. Dans cette situation, le capitaine était tenu d’informer le service des opérations de Danaos et d’envoyer un rapport de mer au terminal et à l’affréteur. Un rapport de mer constitue un avis informant le terminal et l’affréteur que le navire est exploité en dehors des limites de la charte-partie et leur demande soit de corriger la situation, soit d’assumer les responsabilités et les coûts en cas de dommages découlant de leur action.

    1.18.3 Planification du chargement pour le voyage de l’événement à l’étude

    Pour le voyage de l’événement à l’étude, le premier officier a reçu un plan de chargement préliminaire d’un planificateur de navire de ZIM le 30 septembre. Le plan proposait de charger 1855 conteneurs (3460 EVP) et un poids de cargaison de 29 048 t. Le premier officier a téléchargé le plan dans le logiciel de planification du chargement du ZIM Kingston, qui a calculé que le navire aurait une GM de 0,83 m et un angle de roulis nominal de 19,91°. Le logiciel a signalé que des conteneurs de 14 des 16 baies du pont présentaient des forces d’arrimage excessives pour l’angle de roulis nominal. Dans ces 14 baies, le nombre de conteneurs signalés par baie variait de 5 à 76 (c.-à-d. tous les conteneurs de la baie).

    Le 3 octobre, le planificateur de navire de ZIM a envoyé au navire un plan de chargement préliminaire révisé. Le planificateur de navire a demandé à connaître la condition de départ de tous les réservoirs du navire et leur condition estimative à l’arrivée dans le port suivant. Le plan de chargement révisé proposait de charger 1967 conteneurs (3659 EVP) pour un poids de cargaison de 30 591 t.

    Le premier officier a téléchargé le plan révisé dans le logiciel de planification du chargement du navire, qui a calculé que ce dernier aurait une GM de 0,75 m et un angle de roulis nominal de 19,91°. Le logiciel a signalé que des conteneurs de 15 des 16 baies présentaient des forces d’arrimage excessives pour l’angle de roulis nominal. Le premier officier en a informé le capitaine. Selon ce plan révisé, le nombre de conteneurs signalés dans chaque baie variait de 10 à 76.

    Le capitaine a avisé le planificateur de navire de ZIM que le plan avait été vérifié et lui a communiqué les conditions de départ des réservoirs du navire. La réponse du capitaine au planificateur de navire n’indiquait pas que les forces d’arrimage étaient excessives. Le planificateur de navire a accusé réception de la réponse du capitaine; ils ont continué de correspondre au sujet des modifications requises aux plans pour faire place aux boîtes d’équipementLes boîtes d’équipement sont des boîtes ouvertes de la taille d’un conteneur, qui sont utilisées pour ranger le matériel d’arrimage des conteneurs (p. ex., les verrous tournants, les barres de saisissage) et le transférer entre le quai et le navire..

    Le 5 octobre, le planificateur de navire a transmis au navire un plan de chargement définitif comportant 2 conteneurs de 20 pieds de moins, pour un poids de cargaison de 30 552 t, soit 3657 EVP. Le premier officier a téléchargé le plan dans le logiciel de planification du chargement du navire, qui a calculé que ce dernier aurait une GM de 0,74 m et un angle de roulis nominal de 19,91°.

    Le logiciel de planification du chargement du navire permettait aux membres d’équipage de simuler les modifications apportées au navire pour voir l’effet sur son état de chargement. Le logiciel de planification du chargement du navire contenait des enregistrements pour les 3, 4 et 5 octobre montrant que l’équipage avait envisagé d’autres configurations de ballast. Ces configurations différentes ne permettaient pas de réduire le nombre de conteneurs signalés comme présentant des forces d’arrimage excessives pour l’angle de roulis nominal. Le capitaine a accepté le plan de chargement définitif et le navire est parti en mer dans cet état de chargement. Aucun rapport de mer n’a été déposé. Après l’événement, il a été signalé que le logiciel de planification du chargement utilisé par le planificateur du navire n’avait pas relevé de dépassement de la force d’arrimage.

    1.18.4 État de chargement au moment du départ

    Le ZIM Kingston est parti le 6 octobre en transportant 1965 conteneurs (3657 EVP) et 30 552 tonnes de cargaison. Sur les 1965 conteneurs, 1273 étaient chargés sur le pont, tandis que 692 se trouvaient dans les cales. Le navire transportait également 9733 tonnes d’eau de ballast et 3547 tonnes de carburant. La GM du navire était d’environ 0,77 m.

    Au moment du départ, le logiciel de planification du chargement du navire avait signalé que des conteneurs dans 15 baies présentaient des forces d’arrimage excessives pour l’angle de roulis nominal. Le nombre de conteneurs signalés variait de 10 à 76. La baie 62 était chargée à 141 % des limites des forces transversales, et l’ensemble de ses 76 conteneurs étaient signalés, bien qu’aucun conteneur de cette baie n’ait été perdu.

    Pour les baies 14, 34 et 54 (les baies dont des conteneurs ont été perdus), le nombre de conteneurs signalés était le suivant :

    • Dans la baie 14, 15 des 63 conteneurs étaient signalés. Le dépassement maximal était de 128 % de la limite de force de levage.
    • Dans la baie 34, 70 des 76 conteneurs étaient signalés. Le dépassement maximal était de 151 % de la limite de force de levage.
    • Dans la baie 54, 70 des 75 conteneurs étaient signalés. Le dépassement maximal était de 170 % de la limite de force de levage.

    Bien qu’il ait été déterminé que 15 baies comportaient des conteneurs soumis à des forces d’arrimage excessives, aucun conteneur, selon les prévisions, ne dépasserait les limites de résistance à la rupture du système d’arrimage de conteneurs pour le roulis nominal de 19,91°. Les calculs du BST ont permis de déterminer que l’arrimage dans les baies 14, 34 et 54 aurait probablement dépassé la limite de résistance à la rupture si le navire avait roulé à un angle de 27° ou plus.

    1.18.5 Planification du chargement lors de voyages précédents

    Le BST a recueilli des données concernant la planification du chargement du ZIM Kingston pour les voyages effectués en août et en septembre 2021. Les données ont révélé que les plans de chargement définitifs du ZIM Kingston pour les 2 derniers mois comportaient régulièrement des conteneurs dans plusieurs baies qui, selon les calculs du logiciel de planification du chargement, dépassaient les forces d’arrimage pour l’angle de roulis nominal (tableau 6).

    Tableau 6. Nombre de baies sur le ZIM Kingston où des conteneurs dépassaient les forces d’arrimage pour l’angle de roulis nominal sur les plans de chargement définitifs des mois d’août et de septembre 2021, selon les calculs du logiciel de planification du chargement du navire (Source : BST)

    Date

    Port

    Nombre de baies où 1 conteneur ou plus dépassait les forces d’arrimage pour l’angle de roulis nominal (sur 16 baies au total)

    1er août

    Shanghai (Chine)

    9

    3 août

    Ningbo (Chine)

    12

    3 septembre

    Los Angeles (États-Unis)

    14

    13 septembre

    Kaohsiung (Taïwan)

    14

    15 septembre

    Xiamen (Chine)

    15

    17 septembre

    Yantian (Chine)

    12

    21 septembre

    Ningbo (Chine)

    13

    30 septembre

    Yangshan (Chine)

    14

    6 octobre (voyage de l’événement à l’étude)

    Pusan (Corée du Sud)

    15

    Après l’événement, il a été signalé que, lors des 3 voyages précédant le voyage à l’étude, les extrants du logiciel de planification du chargement de ZIM indiquaient que les forces d’arrimage se situaient dans les limites pour l’angle de roulis nominal.

    Il n’est pas rare que des navires prennent la mer alors que certaines forces d’arrimage dépassent la charge maximum pratique des composants d’arrimage de conteneurs à l’angle de roulis nominal, tout en restant inférieures à la résistance minimale à la rupture des composantsDes porte-conteneurs naviguant alors que des forces d’arrimage dépassaient les limites de sécurité ont été signalés dans les rapports d’enquête sur des accidents suivants : les rapports 14/2020 (Ever Smart) et 2/2020 (CMA CGA Washington) de la Marine Accident Investigation Branch du Royaume-Uni, le rapport 344-MO-2018-008 (YM Efficiency) de l’Australian Transport Safety Bureau et une enquête conjointe du Dutch Safety Board et du Panama sur le porte-conteneurs MSC ZOE en janvier 2019..

    1.19 Transport de marchandises dangereuses à bord des navires

    Le transport de marchandises dangereuses à bord des navires est en grande partie régi par le Code IMDG, qui énonce, entre autres, les exigences relatives à l’emballage, à la documentation, à l’arrimage des conteneurs et à la séparation des substances incompatibles. Le Code stipule également que les navires doivent faire l’objet de vérifications périodiques pour s’assurer qu’ils respectent ses dispositions. La Convention SOLAS exige que les navires transportant des marchandises dangereuses possèdent un certificat attestant leur conformité aux exigences en matière de construction et d’équipement énoncées dans la ConventionOrganisation maritime internationale, Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS), chapitre II-2, règle 19..

    Le ZIM Kingston transportait les documents exigés par le Code IMDG pour le transport des marchandises dangereuses lors du voyage de l’événement à l’étude. Le navire avait un manifeste de cargaison dangereuse conformément aux règles du Code IMDG. Une liste des marchandises dangereuses se trouvant à bord était également affichée sur un babillard situé à l’extérieur du bureau du navire. La liste contenait des renseignements sur les marchandises dangereuses présentes à bord, notamment les numéros d’identification des conteneurs dans lesquels elles étaient placées, la position d’arrimage de ces conteneurs sur le pont, le point d’éclair et l’annexe relative aux incendies. La liste comprenait également les numéros des spécialistes à contacter en cas d’urgence pour chaque marchandise dangereuse. L’équipage pouvait accéder en ligne aux fiches de données de sécurité (FDS) des marchandises dangereuses. La FDS des xanthates indique que lorsque ceux-ci entrent en contact avec l’humidité, ils produisent des vapeurs toxiques et hautement inflammables qui peuvent provoquer une explosion.

    En mai 2021, un certain nombre de membres d’équipage avaient reçu de Danaos une formation propre à l’entreprise sur les matières dangereuses. DNV avait délivré au navire un document de conformité pour le transport de marchandises dangereuses le 2 octobre 2018.

    Les marchandises dangereuses se trouvant à bord étaient arrimées sur le pont ou sous le pont, conformément aux exigences du Code IMDG en matière d’arrimage. Les xanthates et le dioxyde de thio-urée, par exemple, doivent être rangés uniquement sur le pont et à l’écart des emménagements. À bord du ZIM Kingston, ces produits étaient arrimés dans les baies 13 et 14 sur le pont et à l’écart des emménagements. Les xanthates étaient emballés dans du plastique, et le dioxyde de thio-urée était placé dans des fûts.

    Outre les xanthates et le dioxyde de thio-urée, le ZIM Kingston transportait également d’autres conteneurs renfermant des marchandises dangereuses, notamment divers gaz, liquides inflammables et substances corrosives.

    1.19.1 Intervention en cas d’incendie ou de déversement de marchandises dangereuses

    Les porte-conteneurs ne transportent généralement pas de substances spécialisées pour lutter contre les incendies de marchandises dangereuses. Il se peut que la capacité de l’équipage à appliquer les agents extincteurs d’incendie disponibles sur les conteneurs soit limitée par la difficulté d’accès aux conteneurs, en particulier s’ils sont arrimés en hauteur. En raison de la grande variété de marchandises dangereuses qui peuvent être transportées à bord à tout moment, l’équipage n’est généralement pas formé aux techniques spécialisées de lutte contre les incendies propres à chaque marchandise dangereuse.

    Au sujet des incendies et des déversements de marchandises dangereuses, le Code IMDG renvoie aux Consignes d’intervention d’urgence pour les navires transportant des marchandises dangereuses (Guide FS). Ce guide fournit des lignes directrices générales sur l’intervention en cas d’incendie de marchandises dangereuses, ainsi qu’une annexe relative aux incendies qui fournit des renseignements précis sur la façon de lutter contre des incendies de différents types de marchandises dangereuses.

    L’amylxanthate de potassium est classé dans le Code IMDG comme une substance sujette à l’inflammation spontanée. Dans le cas d’un incendie d’amylxanthate de potassium, le Guide FS prescrit l’utilisation de l’annexe F-A, qui est une annexe générale relative aux incendies de marchandises dangereuses et qui recommande de lutter contre l’incendie à partir d’un endroit protégé situé aussi loin que possible. Pour les cargaisons se trouvant sur le pont, cette annexe recommande de créer un jet d’eau pulvérisée en utilisant le plus grand nombre de tuyaux d’incendie possible. L’annexe prévient également que les cargaisons exposées peuvent exploser ou que leur confinement peut se rompre.

    La FDS des xanthates indique que si seule de l’eau est disponible pour la lutte contre l’incendie, elle doit être utilisée sous forme de pulvérisation pour refroidir les structures ou les conteneurs.

    1.20 Matériel de lutte contre les incendies

    Le ZIM Kingston avait tout l’équipement de sauvetage et de lutte contre les incendies nécessaire selon la règle 13 du chapitre II-2 de la Convention SOLAS. Il y avait à bord 3 combinaisons de pompier et 2 appareils respiratoires autonomes supplémentaires. Un compresseur d’air permettant de remplir les appareils respiratoires se trouvait sur le pont supérieur des emménagements.

    Le navire transportait également une lance qui pouvait être utilisée pour percer les conteneurs en cas d’incendie.

    1.21 Procédures en cas d’incendie

    Le ZIM Kingston disposait d’un rôle d’appel et d’un plan d’intervention d’incendie, ainsi que d’un manuel relatif aux procédures d’intervention en cas d’urgence qui comprenait une liste de vérification en cas d’incendie dans des conteneurs situés sur le pont. Une liste de numéros de téléphone à composer en cas d’urgence, dont celui de Resolve Marine, était également affichée sur la passerelle.

    La liste de vérification des procédures d’intervention d’urgence en cas d’incendie dans des conteneurs situés sur le pont exigeait que l’équipage détermine l’emplacement et le numéro d’identification des conteneurs en feu afin de mesurer l’ampleur de l’incendie et de vérifier si des marchandises dangereuses étaient touchées. Si des marchandises dangereuses étaient touchées, le capitaine devait consulter le Code IMDG et fournir des directives au chef de l’équipe d’urgence concernant la lutte contre l’incendie.

    1.22. Exercices d’incendie

    Selon le SGS du ZIM Kingston, des exercices d’incendie devaient être réalisés à bord du navire toutes les 2 semaines. Le plus récent exercice avait eu lieu le 19 octobre 2021, soit 4 jours avant l’incendie. Il s’agissait d’un scénario dans lequel un incendie s’était déclaré dans un conteneur sur le pont. Au cours de cet exercice, l’équipage a rassemblé et vérifié différents d’équipement nécessaires à une intervention en cas d’incendie, notamment les combinaisons de pompier, les pompes à incendie, les appareils respiratoires autonomes et l’équipement de communication. Il a discuté des mesures à prendre en cas d’incendie dans un conteneur sur le pont. Certains équipements ont également fait l’objet d’une démonstration, et il y a eu une discussion sur la façon de combattre un incendie de marchandises dangereuses.

    1.23 Contrat avec une compagnie d’intervention en cas d’urgence maritime

    Le ZIM Kingston faisait régulièrement escale dans des ports américains lors de ses voyages transpacifiques. Pour les navires tels que le ZIM Kingston, la loi américaine de 1990 sur la pollution par les hydrocarbures (Oil Pollution Act of 1990) exige depuis 2013 que l’exploitant prévoie des mesures de sauvetage et de lutte contre les incendies en mer et qu’il ait des contrats avec des fournisseurs de ressources de sauvetage et de lutte contre les incendies en mer capables d’intervenir en temps opportunCode of Federal Regulations des États-Unis, titre 33, chapitre I, sous-chapitre O, partie 155, sous-partie I – Salvage and Marine Firefighting.. Pour se conformer à cette exigence, Danaos avait conclu un contrat avec Resolve Marine qui couvrait le ZIM Kingston. Bien qu’il n’y ait aucune exigence de ce genre au Canada, dans l’événement à l’étude, Danaos a pu communiquer avec Resolve Marine et de faire en sorte que son contrat soit étendu au Canada.

    Étant donné que Danaos avait déjà un contrat pour le ZIM Kingston, Resolve Marine avait accès à des renseignements clés sur le navire, tels que le plan d’ensemble, les plans de lutte contre les incendies et les plans des capacités. Ces renseignements sont essentiels à la coordination d’une intervention en cas d’incendie. Resolve Marine, qui connaît bien les protocoles d’intervention d’urgence, comprenait également le rôle du poste de commandement en cas d’incident (PCI) et y a pris part.

    Si un navire n’a pas de contrat préexistant avec une entreprise d’intervention en cas d’urgence maritime, il existe des mécanismes, tels que l’utilisation d’une formule type de convention de sauvetage de Lloyd’s, qui permettent au propriétaire d’un navire en difficulté d’embaucher rapidement un sauveteur. Étant donné que les organismes de sauvetage sont rémunérés soit en fonction du nombre d’heures travaillées plus une prime, soit par le biais d’une indemnité de sauvetage, ils ont intérêt à répondre rapidement à une situation d’urgence.

    1.24 Approche canadienne en matière d’urgences maritimes mettant en cause des substances nocives et potentiellement dangereuses

    L’expression « substances nocives et potentiellement dangereuses » (SNPD) est définie par TC comme les marchandises dangereuses et autres substances, outre les produits pétroliers, qui sont potentiellement dangereuses pour la santé humaine et la vie marine lorsqu’elles sont rejetées dans l’environnementTransports Canada, Préparation et intervention du Canada en cas de rejets de substances nocives et potentiellement dangereuses par des navires : document de discussion, à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/marine/preparation-intervention-canada-cas-rejets-substances-nocives-potentiellement-dangereuses-navires-document-discussion#defintion (dernière consultation le 25 juillet 2024).. Il peut s’agir de substances toxiques, corrosives, réactives, inflammables ou explosives.

    L’approche nationale du Canada en matière d’urgences maritimes mettant en cause des SNPD reste largement à un stade précoce. L’approche actuelle consiste à mettre en place un PCI, dont la direction est généralement assurée par la Garde côtière canadienne (GCC) et auquel participent d’autres acteurs concernés. Dans le cas d’une urgence maritime mettant en cause des SNPD, les acteurs clés peuvent comprendre des représentants de l’entreprise ou de l’organisation concernée, des ministères fédéraux et provinciaux, des représentants des communautés autochtones présentes dans les zones touchées ou à proximité de celles-ci, ainsi que d’autres spécialistes (p. ex. des spécialistes des marchandises dangereuses ainsi que des spécialistes de la surveillance de la qualité de l’air et de l’eau).

    Une fois le PCI établi, une intervention est improvisée en fonction de la situation liée aux SNPD qui se présente et des ressources disponibles pour aider à y faire face. Il n’y a aucun plan global sur la façon d’intervenir en cas d’urgence maritime mettant en cause des SNPD, ni aucun inventaire des ressources et de leurs capacités. Il n’y a pas non plus d’organismes d’intervention maritime certifiés pour les SNPD au Canada, ni d’obligation de conclure des contrats avec des entreprises d’intervention d’urgence, comme c’est le cas aux États-Unis.

    En revanche, le gouvernement fédéral a mis en place un régime national d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures. En 1995, TC a établi le Régime canadien de préparation et d’intervention en cas de déversements d’hydrocarbures en milieu marin. Les principes directeurs du régime soulignent la nécessité de disposer d’une législation adaptée et efficace et de plans d’urgence exhaustifs. Ils précisent également que les pollueurs éventuels devraient assumer les coûts de la préparation et que les pollueurs devraient assumer les coûts raisonnables des interventions. Enfin, les principes directeurs traitent de partenariat avec l’industrie et d’ententes avec les pays voisinsTransports Canada, « Régime canadien de préparation et d’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures », à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/transport-maritime/securite-maritime/regime-canadien-preparation-intervention-cas-deversement-hydrocarbures (dernière consultation le 1er juin 2024)..

    Sous ce régime, Transports Canada (TC) veille à ce que le niveau de préparation soit adéquat pour intervenir dans des cas de déversements d’hydrocarbures au Canada en milieu marin pouvant atteindre 10 000 tonnes par zone géographique d’intervention, et ce, dans les délais et les contextes opérationnels prescrits. Le régime établit un plan national de préparationTransports Canada, « Plan national de préparation en matière de prévention et d’intervention environnementale », à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/transport-maritime/securite-maritime/plan-national-preparation-matiere-prevention-intervention-environnementale (dernière consultation le 1er juin 2024). pour permettre de comprendre la capacité de préparation du régime d’intervention en cas de déversement en milieu marin et pour veiller à ce que des mécanismes soient en place afin d’offrir une capacité de préparation adéquate. Le plan définit les rôles des principaux intervenants (p. ex. TC, la GCC, le navire, les organismes d’intervention maritimeLes organismes d’intervention maritime sont des entreprises spécialisées qui interviennent en cas de déversement pour le compte d’un pollueur. Il existe 4 organismes d’intervention maritime certifiés par Transports Canada., Environnement et Changement climatique Canada [ECCC]) en ce qui concerne la préparation et l’intervention en cas de déversement d’hydrocarbures.

    Le gouvernement fédéral a reconnu que, bien que le Canada dispose d’un régime pour les déversements d’hydrocarbures provenant de navires, les mesures mises en place pour les incidents mettant en cause des SNPD peuvent être amélioréesTransports Canada, « Préparation, intervention et rétablissement en cas de pollution marine – Document de proposition », à l’adresse https://tc.canada.ca/sites/default/files/2023-01/MPPRR%20Paper_FR1.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024).. TC indique que si aucun plan propre aux SNPD n’a encore été élaboré, c’est en partie parce que le nombre de rejets de SNPD à l’échelle internationale est faible comparativement au nombre de déversements d’hydrocarbures. Néanmoins, TC reconnaît qu’un programme efficace de préparation et d’intervention en matière de SNPD permettrait de réduire les effets néfastes d’incidents futurs.

    À cette fin, grâce au financement accordé dans le cadre du Plan de protection des océansTransports Canada, « Plan de protection des océans », à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/campagnes/plan-protection-oceans (dernière consultation le 1er juin 2024)., TC et la GCC ont commencé à donner suite à une proposition visant à créer un système national unique d’intervention en cas d’incident de pollution marine, quelle qu’en soit la source. Cette proposition fait l’objet d’un document de travail intitulé « Préparation, intervention et rétablissement en cas de pollution marine » (PIRCPM)Transports Canada, « Préparation, intervention et rétablissement en cas de pollution marine – Document de proposition », à l’adresse https://tc.canada.ca/sites/default/files/2023-01/MPPRR%20Paper_FR1.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024).. Le document de travail indique que les rôles et les responsabilités de tous les partenaires du système seraient clairement définis afin de s’assurer que les interventions en cas d’incidents de pollution marine sont rapides et qu’elles réduisent au minimum les répercussions sur la santé humaine et l’environnement.

    Dans le cadre du système de PIRCPM, TC propose d’être le ministère responsable de la politique et de la législation « tout en poursuivant son rôle consistant à s’assurer que l’industrie du transport est prête à intervenir en cas d’incidents de pollution marineTransports Canada, « Préparation, intervention et rétablissement en cas de pollution marine – Document de proposition », p. 4, à l’adresse https://tc.canada.ca/sites/default/files/2023-01/MPPRR%20Paper_FR1.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024). ». La GCC « dirigerait l’intervention fédérale dans tous les cas de pollution marine, quelle qu’en soit l’origine » et coordonnerait la façon dont il faut se préparer et intervenir en cas d’incidents de pollution marine avec l’aide d’un réseau élargi d’intervenants, y compris les communautés autochtones et les organismes d’intervention maritime. ECCC, le ministère des Pêches et des Océans (MPO) et Ressources naturelles Canada continueraient de donner des conseils sur les questions environnementales.

    La proposition a fait l’objet d’une étape des commentaires à l’été 2023. En décembre 2023, TC a indiqué qu’au cours de l’étape des commentaires, il avait reçu 46 observations écrites officielles. Il avait également organisé 20 réunions à l’échelle du pays avec les ministères provinciaux de l’Environnement et des situations d’urgence, les communautés et groupes autochtones, les intervenants de l’industrie maritime et d’autres groupes d’intervenants. La rétroaction sera intégrée au cadre stratégique de TC pour cette initiative. La mise en œuvre du système national est prévue en 2027.

    Dans le document de travail sur la PIRCPM, TC indiquait également qu’il proposerait certaines modifications à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada afin de renforcer les exigences en matière de préparation. L’une des modifications proposées consisterait à exiger que les navires prennent « des dispositions pour fournir les services de lutte contre l’incendie et de sauvetage, et qu’un spécialiste de l’intervention travaille avec le gouvernement du Canada et d’autres partenaires pour gérer l’incidentTransports Canada, « Préparation, intervention et rétablissement en cas de pollution marine – Document de proposition », à l’adresse https://tc.canada.ca/sites/default/files/2023-01/MPPRR%20Paper_FR1.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024). ». En juin 2023, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada a été modifiée afin de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements, sur recommandation du ministre, « concernant les ententes avec des services d’urgence, notamment les bâtiments ou les catégories de bâtiments qui sont assujettis à l’obligation de conclure de telles ententesGouvernement du Canada, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (modifiée le 22 juin 2023), paragraphe 120(1), alinéa s.1. ». En juin 2024, TC indiquait que l’élaboration de règlements en vertu de cette disposition de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada était en cours, mais que ces travaux dureraient encore 4 ans, sous réserve des priorités du gouvernement en matière de réglementation. Dans le cadre de ces travaux, TC réalisera des analyses supplémentaires des politiques et des risques, et mènera de vastes consultations auprès des peuples autochtones et autres parties prenantes.

    1.24.1 Intervention à la suite de l’événement à l’étude

    En réponse au présent événement mettant en cause des SNPD, la GCC a utilisé le SCI pour établir un PCI. Parmi les participants figuraient les parties suivantes :

    • les représentants légaux pour Danaos;
    • Resolve Marine;
    • divers ministères fédéraux, dont TC, le MPO, ECCC et Sécurité publique Canada;
    • divers ministères et organismes gouvernementaux de la Colombie-Britannique, notamment le ministère de l’Environnement et de la Stratégie de lutte contre les changements climatiques, Emergency Management BC et Health Emergency Management BC;
    • la Première Nation Pauquachin et le W̱SÁNEĆ Leadership Council.

    Le PCI a pris le contrôle de l’intervention de lutte contre l’incendie et de l’opération de récupération visant à localiser et à récupérer le fret perdu. Le 19 novembre, le PCI a été dissous.

    À la suite de l’événement à l’étude, la GCC a produit un compte rendu après action qui examinait l’intervention pour cet incidentGarde côtière canadienne, « Intervention relative à l’incident du MV Zim Kingston et examen de l’incident causé par des substances nocives et dangereuses », version préliminaire 1.5 (juillet 2022).. L’examen a révélé que l’intervention s’est avérée un succès dans l’ensemble grâce à la planification, à la coordination, à la participation active du propriétaire du navire, à la vaste expérience des intervenants et à un peu de chance. L’examen a également permis de mettre en évidence les domaines à continuer d’améliorer :

    • l’état de préparation;
    • la communication et l’échange d’information entre des organismes et des groupes d’intervention ayant des mandats et des pouvoirs différents;
    • les définitions des rôles et des responsabilités des partenaires d’intervention relevant de différentes sphères de compétence;
    • les plans, les procédures et la formation sur les SNPD, et la disponibilité d’expertise en la matière, en particulier pour les cargaisons des navires;
    • les mécanismes permettant de mobiliser les organismes d’intervention en cas d’urgence maritime et d’activer les ressources locales;
    • les capacités côtières locales de lutte contre les incendies.

    L’examen a mis au jour certains types d’incidents maritimes pour lesquels la GCC n’est pas en mesure d’intervenir. Par exemple, à l’heure actuelle, la GCC ne participe pas directement aux activités de lutte contre les incendies maritimes dans le cadre de l’intervention en cas d’incident, et elle ne dispose pas non plus de capacités, de politiques ou de procédures de lutte contre les incendies qui lui permettraient d’intervenir directement en cas d’incendie survenant sur un navire. L’examen a conduit à la recommandation que la GCC entreprenne une analyse de l’environnement afin de répertorier les capacités régionales et nationales de lutte contre les incendies maritimes.

    1.25 Approche adoptée par d’autres pays en matière d’intervention en cas d’urgence maritime

    L’approche des administrations maritimes en matière d’intervention en cas d’incidents maritimes varie d’un pays à l’autre. La Nouvelle-Zélande a élaboré une stratégie intégrée de préparation et d’intervention en cas d’incident maritimeMaritime New Zealand, « Integrated Maritime Incident Readiness and Response Strategy » (no 5, mars 2022), à l’adresse https://www.maritimenz.govt.nz/media/yxenkoeq/integrated-maritime-incident-readiness-and-response-strategy-issue5.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024)., qui fournit des directives sur la façon dont l’organisme Maritime New Zealand maintient son état de préparation et sa capacité d’intervention en cas d’incidents maritimes et préconise un système national normalisé et coordonné de préparation et d’intervention. Le Royaume-Uni et l’Australie disposent de systèmes qui permettent à une personne de prendre des décisions au nom de l’administration maritime en cas d’urgence maritime. Au Royaume-Uni, cette personne est appelée représentant du secrétaire d’État (Secretary of State’s Representative, SOSRep)Maritime and Coastguard Agency (Royaume-Uni), « The National Contingency Plan. A Strategic Overview for Responses to Marine Pollution from Shipping and Offshore Installations » (17 août 2017), à l’adresse https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/638623/170817_NCP.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024). et, en Australie, commandant d’intervention en cas d’urgence maritime (Maritime Emergency Response Commander, MERCOM)Australian Maritime Safety Authority, « Maritime casualty management », à l’adresse https://www.amsa.gov.au/marine-environment/maritime-casualty-response/maritime-casualty-management (dernière consultation le 1er juin 2024).. L’Union européenne dispose de plusieurs zones de coopération, telles que les Pays-Bas, la mer Baltique et le nord de la mer Adriatique, qui sont couvertes par des groupes d’intervention en cas d’incident maritimeMIRG EX, « Maritime Incident Response Groups », à l’adresse http://www.mirg.eu/ (dernière consultation le 1er juin 2024)., en réponse à ses exigences en matière de lieu de refuge. Ces groupes fournissent aux services d’incendie et de sauvetage la capacité de mener une intervention d’urgence rapide auprès des navires en mer.

    D’autres administrations maritimes, comme la Chine, le Japon et Singapour, exigent que les navires disposent de plans d’intervention d’urgence préétablis pour les cargaisons de SNPD; certaines ont doté leurs organisations de garde côtière respectives d’une grande capacité d’intervention notamment en cas d’incendie, de recherche et sauvetage et d’assistance.

    De nombreuses administrations maritimes comptent sur le déploiement de personnel provenant d’organisations commerciales d’intervention en cas d’urgence maritime lors d’incidents nécessitant de lutter contre un incendie, d’effectuer un sauvetage ou de procéder à un remorquage d’assistance. Comme il a été mentionné précédemment, le gouvernement américain exige que les exploitants de navires de plus d’une certaine taille prévoient le remorquage d’assistance, le sauvetage et la lutte contre les incendies en mer dans le cadre de leur planification d’intervention. Les délais d’intervention et la capacité minimale de remorquage d’assistance, de sauvetage et de lutte contre les incendies en mer, qui sont liés à la taille du navire, à sa capacité de transport d’hydrocarbures et à son secteur d’exploitation, sont établis par le gouvernement américain.

    1.26 Nettoyage après les événements liés à la perte de conteneurs

    Selon le World Shipping Council, qui réalise des enquêtes auprès de ses entreprises membres pour estimer le nombre de conteneurs perdus en mer chaque année, au cours de la période de 14 ans allant de 2008 à 2021, en moyenne 1629 conteneurs ont été perdus en mer chaque annéeWorld Shipping Council, « Containers Lost at Sea – 2022 Update », à l’adresse https://static1.squarespace.com/static/5ff6c5336c885a268148bdcc/t/62b2d93516eba2026ec97cee/1655888181926/Containers_Lost_at_Sea_2022.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024)..

    La récupération des conteneurs perdus à la mer et de leur contenu est une opération complexe qui peut durer des années, voire des décennies. Les opérations de nettoyage sont affectées par divers facteurs, comme la question de savoir s’il est possible ou non de localiser les conteneurs et leur contenu, à quelle distance les conteneurs et leur contenu se sont répandus et si les conteneurs et leur contenu ont coulé ou flottent toujours. La profondeur de l’eau dans laquelle les conteneurs ont coulé peut aussi avoir eu une incidence sur les opérations de récupérationLa profondeur à laquelle les conteneurs peuvent être récupérés varie en fonction de divers facteurs. À la suite de la perte de conteneurs du YM Efficiency au large de l’Australie, des conteneurs ont été récupérés à des profondeurs allant de 100 à 130 m (Source : Australia Maritime Safety Authority, « MV YM Efficiency – final survey results as at 30 July 2018 12:00 (AEST) », à l’adresse https://www.amsa.gov.au/sites/default/files/2023-11/sd1004544197_mv_ym_efficiency_containers_30072018_1100_survey_results_fi.pdf [dernière consultation le 25 juillet 2024])..

    Au Canada, la Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux, qui est entrée en vigueur le 30 juillet 2019, donne au gouvernement fédéral le pouvoir d’obliger les propriétaires de navires à récupérer les conteneurs et le contenu des conteneurs qui ont été perdus à la mer, une fois que l’existence d’un danger a été établieL’événement du ZIM Kingston est le premier dans le cadre duquel la GCC a appliqué la partie 1 de la Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux.. La Loi incorpore au droit canadien la Convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épavesTransports Canada, « Aperçu de la Convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves de 2007 », à l’adresse https://tc.canada.ca/fr/services-generaux/politiques/apercu-convention-internationale-nairobi-enlevement-epaves-2007 (dernière consultation le 1er juin 2024).. En vertu de la Loi et la Convention, le terme « épave » désigne « [l’]équipement, [l’]approvisionnement, [la] cargaison ou toute autre chose qui se trouve ou se trouvait à bord d’un bâtiment et qui a sombré, s’est échoué, notamment sur la rive, ou est à la dériveTransports Canada, L.C. 2019, ch. 1, Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux (modifiée le 28 août 2019), partie 2, article 27. ».

    Dans la zone économique exclusive du CanadaLa zone économique exclusive du Canada s’étend généralement sur 200 milles marins au-delà de la mer territoriale du Canada., les propriétaires de navires sont responsables des coûts d’enlèvement des épaves qui représentent un danger pour l’environnement, l’infrastructure, la santé, la sécurité ou le bien-être du public et la navigation sécuritaire. Les propriétaires de navires doivent également assumer les coûts des mesures correctives prises par les agents fédéraux. La période de responsabilité s’étend sur 3 ans après qu’il est établi que l’épave représente un danger, jusqu’à concurrence de 6 ans suivant l’accident maritime qui a causé l’épaveLa Convention internationale de Nairobi sur l’enlèvement des épaves est incorporée à la Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux, à l’annexe 1. En ce qui concerne la période de responsabilité, l’article 23 de la Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux fait référence aux limites fixées dans la Loi sur la responsabilité en matière maritime, partie 6, section 2, article 77, alinéa 6a).. Les propriétaires de navires ont également certaines obligations en matière de signalement, de localisation et de marquage des épavesTransports Canada, L.C. 2019, ch. 1, Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux (modifiée le 28 août 2019), partie 1, articles 19, 20 et 21..

    Les navires d’une jauge brute égale ou supérieure à 300 qui se trouvent dans les eaux canadiennes doivent avoir à bord un certificat selon la Convention sur l’enlèvement des épavesIbid., partie 1, article 24.. Le certificat constitue la preuve que le navire est assuré ou qu’il est couvert par une garantie financière pour les coûts liés à l’enlèvement d’épaves. Au Canada, la délivrance de ces certificats aux navires canadiens et aux navires étrangers immatriculés dans des pays où la Convention n’est pas en vigueur relève de TC. Les navires sans certificat valide ne sont pas autorisés à entrer dans les ports situés dans les eaux canadiennes ou à en sortir, et ils peuvent faire l’objet de mesures d’application de la loi, y compris l’immobilisation du navire ou l’imposition d’amendes. Le ZIM Kingston était muni d’un certificat selon la Convention sur l’enlèvement des épaves en cours de validité.

    1.26.1 Opérations de nettoyage à long terme à la suite de l’événement à l’étude

    Depuis la perte de conteneurs du ZIM Kingston, des membres du groupe de travail sur les débris marins de la Colombie-BritanniqueLe groupe de travail sur les débris marins de la Colombie-Britannique est composé d’organismes à but lucratif et à but non lucratif qui travaillent ensemble en vue de réduire la pollution par les plastiques dans cette province. ont participé aux opérations visant à recueillir les débris provenant du navire et à en établir une documentation photographique. En date du 31 janvier 2024, ces nettoyages de plages en cours avaient permis de trouver de nouveaux débris provenant vraisemblablement du ZIM Kingston sur de longues étendues de la ligne de côte de la Colombie-Britannique. La fraîcheur des débris donne à penser que les conteneurs endommagés déversent continuellement leur contenu dans certaines conditions en eau profonde.

    L’un des membres du groupe de travail, la Rugged Coast Research Society, a été chargé par le Fonds mondial pour la nature Canada d’effectuer des relevés aériens et côtiers afin de documenter les zones où on savait que l’accumulation de débris était la plus importante, et d’aider à déterminer l’étendue de la dispersion des débris. Le Secteur des sciences du MPO a pris connaissance de ces efforts et a commencé à collaborer avec la Rugged Coast Research Society, en lui donnant accès aux données et aux documents pertinents. Cette collaboration a permis de mieux faire connaître la ligne téléphonique de signalement des débris marins mise en place par le MPO et d’en accroître l’utilisation. Elle a également contribué à augmenter le nombre d’organisations et de personnes prenant part à la surveillance des débris. Les relevés aériens et côtiers des débris et les activités continues de surveillance des débris ont permis de déterminer que des quantités importantes de débris se trouvaient aux alentours du parc provincial Cape Scott et même plus au sud-est, jusqu’à la baie Florencia.

    Dans le cadre du relevé annuel d’évaluation des stocks au chalutUn relevé d’évaluation des stocks au chalut est un relevé effectué au moyen d’un chalut afin d’évaluer l’état des ressources halieutiques. effectué par le MPO au printemps en 2022 et en 2023, plusieurs traits de chaluts de fond ont été réalisés dans les secteurs du banc La Pérouse et du banc Swiftsure, à environ 18 à 38 cm du fond marin. Les deux années, plusieurs articles qui étaient probablement liés à la perte de conteneurs du ZIM Kingston ont été trouvés à l’intérieur du chalut, notamment des vêtements, des jeux et des articles ménagers. Ces débris ont été trouvés jusqu’à 180 km du lieu de l’événement à l’étude.

    En février 2023, un total de 807 emplacements de débris différents ont été enregistrés sur toute la ligne de côte de la Colombie-Britannique. On aussi signalé des débris liés au ZIM Kingston et au ONE ApusLe ONE Apus a perdu 1816 conteneurs lors d’une tempête survenue dans l’océan Pacifique. (Source : Mike Schuler, gCaptain, « It’s Been One Year Since ONE Apus’ Epic Cargo Loss » [1er décembre 2021], à l’adresse https://gcaptain.com/its-been-one-year-since-one-apus-epic-cargo-loss/ [dernière consultation le 3 juin 2024]). qui se sont échoués sur les rives de l’île de Vancouver, de Haida Gwaii et de l’Alaska, aux États-UnisAu moment de l’événement, 2 opérations de nettoyage des lignes de côte indépendantes, financées par le gouvernement fédéral, étaient en cours à Haida Gwaii et dans la baie Clayoquot sur l’île de Vancouver. Plusieurs tonnes de déchets ont été retirées des 2 zones dans le cadre de ces opérations, dont une partie pouvait être attribuable à l’événement.,Certains des débris ont été trouvés dans des parcs nationaux et provinciaux, y compris dans la réserve du parc national Gwaii Haanas et au parc provincial Naikoon à Haida Gwaii ainsi qu’au parc provincial Cape Scott sur l’île de Vancouver..

    En juillet 2023, une équipe de scientifiques du MPO a mené une expédition scientifique de 2 semaines à bord du navire John P. Tully de la GCC. L’expédition a utilisé un véhicule téléguidé (VTG) et d’autres équipements pour explorer le fond océanique du plateau continental au large du sud de l’île de Vancouver, y compris la zone du banc La Pérouse. L’un des objectifs de l’expédition était de cartographier les conteneurs perdus lors de l’événement du ZIM Kingston et de réaliser des relevés visuels pour caractériser et enregistrer les impacts causés par les conteneurs et les débris de conteneurs.

    L’équipe a trouvé 29 conteneurs sur le fond océanique dans une bande d’une longueur de 16 km et d’une largeur de 1 km s’étendant au nord-nord-ouest du lieu de l’événement. La majorité des 29 conteneurs trouvés étaient considérablement endommagés. Quinze des conteneurs ont pu être identifiés avec certitude comme provenant du ZIM Kingston en faisant correspondre les caractéristiques d’identification des conteneurs avec celles du navire et de son manifeste. Une quantité importante de débris et de morceaux de conteneurs écrasés a aussi été trouvée dans le secteur immédiat de la perte des conteneurs (figures 25, 26 et 27). Les débris trouvés comprenaient des emballages en plastique, des divans, des chaises en osier, des tables et des chaises longues, des chauffe-eau et environ 6700 paires de bottes. L’analyse du relevé du fond océanique est en cours.

    Figure 25. Un conteneur de ZIM sur le fond océanique (Source : MPO)
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    Figure 25. Un conteneur de ZIM sur le fond océanique (Source : MPO)
    Figure 26. Débris de plastique sur le fond océanique (Source : MPO)
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    Figure 26. Débris de plastique sur le fond océanique (Source : MPO)
    Figure 27. Bottes sur le fond océanique (Source : MPO)
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    Figure 27. Bottes sur le fond océanique (Source : MPO)

    En janvier 2024, seuls 4 des conteneurs disparus avaient été retrouvés à terre. Des efforts de surveillance et de nettoyage sont en cours par des bénévoles, des organismes à but non lucratif et des sociétés de recherche.

    1.26.2 Risques environnementaux

    Les risques liés à la perte de conteneurs sont complexes en raison de la diversité des marchandises qui sont transportées dans les conteneurs. Les SNPD peuvent présenter divers risques pour les habitats marins et se bioaccumuler tout au long de la chaîne alimentaire, ce qui peut constituer une menace pour la santé humaine. La faune marine, comme les oiseaux de mer, les mammifères, les poissons et les tortues, peut s’empêtrer dans les plastiques et peut les confondre avec des proies et mourir de faim parce que leur estomac se remplit de matières non digestibles. L’ingestion de plastique peut également causer des lacérations, des infections et une diminution de la capacité à nager. Bon nombre des espèces marines sur lesquelles les plastiques risquent d’avoir des effets négatifs sont actuellement inscrites en vertu de la Loi sur les espères en périlGouvernement du Canada, Loi sur les espèces en péril (L.C. 2002, ch. 29) (modifiée le 8 décembre 2023), annexes 1 à 3.. D’autres types de cargaisons présentent moins de risques et peuvent, dans certains cas, créer un nouvel habitat pour la vie marine.

    À la suite de la perte des conteneurs du ZIM Kingston, le MPO et ECCC ont tenté de comprendre les risques que représentent les conteneurs perdus pour l’environnement en examinant les données dont ils disposaient, à savoir le manifeste de cargaison du navire, les types de marchandises dangereuses déversées dans l’environnement, les effets connus de la pollution par les plastiques, les renseignements sur l’environnement à proximité du lieu de l’événement et l’information sur l’intégrité des conteneurs perdus en mer en général.

    Le MPO et ECCC ont conclu que les données de recherche existantes n’étaient pas suffisantes pour déterminer combien de temps les conteneurs conserveraient leur intégrité en mer avant de subir une défaillance structurale et ont donc adopté une approche de précaution lors de l’examen des risques environnementaux, en supposant que les conteneurs se détérioreraient avec le temps et finiraient par libérer leur contenu. Le MPO et ECCC ont constaté que le manifeste de cargaison du navire n’était pas assez précis pour permettre l’identification de toutes les marchandises susceptibles d’être nocives pour l’environnement. De plus, une quantité importante de débris libérés pendant la perte d’un conteneur est susceptible de comprendre des emballages, des sacs ou des pellicules en plastique, du polystyrène et des sangles d’emballage, dont les répercussions sur l’environnement sont connues, mais qui ne peuvent pas être associées à un événement de libération en particulier.

    À la demande de l’unité environnementale du PCI, Danaos a retenu les services d’une société d’experts-conseils en environnement pour évaluer les sensibilités physiques et écologiques autour du lieu de l’événement à l’étude et déterminer les répercussions que les conteneurs perdus et les débris connexes pourraient avoir sur le milieu marin. Le rapport concluait que si des conteneurs ayant coulé venaient à être localisés, leur récupération s’avérerait probablement un processus difficile, en particulier lorsque l’opération de récupération prend en compte la profondeur de l’eau, l’exposition du site et le risque d’ouvrir une brèche dans le conteneur. L’ouverture d’une brèche dans un conteneur pendant le processus de récupération pourrait aggraver la pollution sur le fond marin ou dans toute la colonne d’eau. Selon le rapport, les risques associés à la récupération des conteneurs ayant coulé pourraient l’emporter sur les avantages.

    Le rapport indiquait également que le lieu de l’événement présentait une faible diversité structurale et une faible productivité biologique, et que les conteneurs ayant coulé dans la zone ne devraient pas avoir de répercussions sur l’environnement ou les aires protégées avoisinantes, à condition qu’ils conservent leur intégrité. D’après le rapport, les conteneurs ayant coulé pourraient avoir le potentiel de faire augmenter la productivité globale du site sur une plus longue période compte tenu de la possibilité de colonisation des conteneurs par la vie marine.

    Le rapport s’achevait en indiquant que peu de recherches ont été menées sur les incidences environnementales possibles des conteneurs de marchandises ayant coulé et qu’en raison du large éventail de matières et de substances présentes dans les conteneurs, il était difficile de spéculer sur les conséquences précises de l’ensemble de leur contenuPacificus Biological Services Ltd., ZIM Kingston Incident: Sunken Containers Site Characterization and Risk Profile (12 janvier 2022)..

    Le MPO a envoyé le rapport à des experts ministériels en la matière aux fins d’examen. L’examen a permis de déterminer qu’en ce qui concerne les risques environnementaux présents sur le lieu de l’événement, les lieux situés au large du canyon de Barkley, près du lieu de l’événement, sont des lieux de pêche productifs qui abritent de nombreuses espèces de poissons de fond et de poissons semi-pélagiques qui sont importantes sur le plan commercial et écologique. Les prises élevées sont liées à la forte production d’euphausiacés sur le banc La Pérouse et dans le canyon de Barkley. L’examen a aussi permis de constater que la zone avoisinant le lieu de l’événement constitue l’habitat d’espèces telles que la crevette rose, la crevette tachetée, le crabe dormeur et le crabe des neiges, ainsi que d’invertébrés tels que le concombre de mer, l’étoile de mer, le tubicole, l’éponge et le corail.

    L’examen a révélé que les conteneurs perdus et la libération de leur contenu présentaient des risques possibles pour la productivité du canyon de Barkley. Il a aussi permis de recenser les risques suivants :

    • risque que des engins de recherche et de pêche commerciale s’empêtrent dans des conteneurs engloutis, puisque ce ne sont pas tous les conteneurs engloutis dont l’emplacement est connu; les engins abandonnés peuvent continuer à attraper et à tuer des poissons et d’autres espèces pendant de nombreuses années;
    • risque d’endommager le câble d’Ocean Networks CanadaOcean Networks Canada est une organisation qui a installé des caméras sous-marines sur le fond marin le long d’une grande partie du littoral canadien, sur les côtes du Pacifique, de l’Atlantique et de l’Arctique, afin de recueillir des données d’observation pour la recherche océanique. Ces caméras utilisent des câbles pour transmettre les données qu’elles enregistrent. qui traverse la zone où les conteneurs ont été perdus;
    • risque que la faune marine se retrouve piégée dans le contenu des conteneurs ou l’ingère, si le contenu des conteneurs venait à être libéré; parmi les espèces marines recensées dans la zone où les conteneurs ont été perdus figurent des oiseaux marins, des phoques communs, des éléphants de mer, des otaries de Californie, des baleines grises et des dauphins;
    • risque d’accroissement du nombre de prédateurs attirés dans l’habitat actuel de juvéniles si des conteneurs submergés sont colonisés par des espèces marines.

    Des études ont été réalisées sur les répercussions générales des débris marins et de la perte de conteneurs. Par exemple, aux États-Unis, en 2004, des scientifiques de l’aquarium de Monterey Bay (Californie) ont découvert un conteneur perdu par 1200 m de fond dans le sanctuaire marin national de Monterey Bay. Sept ans plus tard, des chercheurs ont utilisé un véhicule sous-marin téléguidé pour aller voir le conteneur et étudier son incidence sur le milieu marin. L’étude a révélé que la flore et la faune marines colonisant l’extérieur du conteneur et le fond marin dans un rayon de 10 m autour de celui-ci présentaient des différences importantes par rapport à la zone avoisinante. Le conteneur offrait une surface dure pour la colonisation par la flore et la faune marines que l’on retrouve généralement dans les habitats rocheux. Cependant, certains des principaux organismes marins qui dominent les habitats rocheux étaient absents ou rares sur le conteneur, ce qui pourrait s’expliquer par une toxicité potentielle ou un temps de colonisation insuffisantJ. R. Taylor, A. P. DeVogalere, E. J. Burton et coll., « Deep-sea faunal communities associated with a lost intermodal shipping container in the Monterey Bay National Marine Sanctuary, CA », Marine Pollution Bulletin, vol. 83, no 1 (15 juin 2014) p. 92 à 106, à l’adresse https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X14002264?via%3Dihub (dernière consultation le 1er juin 2024).. Les conteneurs perdus par le ZIM Kingston se trouvent à une profondeur d’environ 100 m dans des zones soumises à une pêche active et à des courants de fond, ce qui rend peu fiable une comparaison directe des répercussions des 2 événements de perte de conteneurs.

    En 2006, toujours aux États-Unis, la National Oceanic and Atmospheric Administration a mis en œuvre un programme sur les débris marins afin d’étudier et de prévenir les effets néfastes des débris marins. Dans le cadre du programme, des sites sélectionnés font l’objet d’une surveillance régulière qui permet d’enregistrer les quantités et les types de débris marins. Les données obtenues servent à comparer les quantités de débris marins, leurs emplacements, leurs déplacements, leurs sources et leurs répercussionsU.S. National Oceanic and Atmospheric Administration, « Marine Debris Program – Our Work », à l’adresse https://marinedebris.noaa.gov/our-work (dernière consultation le 1er juin 2024)..

    1.26.3 Rapport sur les déversements de conteneurs maritimes

    À la suite de l’événement du ZIM Kingston, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a entrepris une étude sur les effets des déversements de conteneurs sur le milieu marin du Canada. L’étude portait sur les répercussions environnementales, la rapidité et l’efficacité des interventions en cas de déversement de cargaison, les lacunes de compétences, la responsabilité du pollueur et la redevabilité financière. Le rapportChambre des Communes du Canada, Comité permanent des pêches et des océans, « Déversements de conteneurs de cargaison maritimes » (octobre 2022), à l’adresse https://www.ourcommons.ca/Content/Committee/441/FOPO/Reports/RP11818796/foporp06/foporp06-f.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024). qui en a résulté contenait un certain nombre de recommandations, dont les suivantes concernant la pollution causée par les conteneurs :

    • Que le MPO mette en œuvre un plan de surveillance et de gestion des débris marins qui traite adéquatement toutes les formes de débris marins ayant une incidence sur les côtes.
    • Que le gouvernement du Canada investisse dans la recherche et la surveillance afin de comprendre les impacts du polystyrène et des autres plastiques qui se retrouvent dans nos océans et d’améliorer la façon dont ces produits sont retirés afin de prévenir les dommages écologiques.
    • Que le gouvernement du Canada travaille avec l’OMI à l’élaboration de normes et d’exigences pour l’installation de dispositifs de localisation dans les conteneurs d’expédition, et que la GCC, en consultation avec TC, étudie la possibilité d’installer des dispositifs de localisation, comme des transpondeurs, sur les conteneurs afin d’aider à la localisation des conteneurs perdus ou engloutis.

    Le Comité a reconnu que le processus d’intervention actuel ne prévoit pas un financement suffisant pour soutenir les opérations de nettoyage à long terme et a recommandé que le gouvernement fédéral envisage des mécanismes de rechange qui iraient au-delà de l’actuel délai de prescription de la responsabilité de 3 ou 6 ans et qui assureraient que des fonds suffisants sont disponibles pour répondre aux dommages environnementaux immédiats et à long terme causés par des déversements de conteneurs de cargaisons maritimes.

    En février 2023, le ministre des Transports a répondu aux recommandations du Comité au nom du gouvernement du CanadaL’honorable Omar Alghabra, ministre des Transports, « Réponse du gouvernement au sixième rapport du Comité permanent des pêches et des océans », à l’adresse https://www.noscommunes.ca/DocumentViewer/fr/44-1/FOPO/rapport-6/reponse-8512-441-131 (dernière consultation le 1er juin 2024).. La réponse du ministre indique que, depuis 2019, les ministères fédéraux s’efforcent de réduire la pollution plastique et faire la transition vers des systèmes circulaires et durables, qui maintiennent les plastiques dans l’économie et loin de l’environnement. La réponse précise que plus de 10 millions de dollars ont été injectés dans 39 projets de recherche sur les effets écotoxicologiques et les effets sur la santé humaine des plastiques.

    Dans sa réponse, le ministre a également fait savoir que, dans le cadre du Plan de protection des océans, le gouvernement du Canada prévoit d’investir dans la recherche scientifique et le développement de solutions opérationnelles pour améliorer l’intervention en cas d’incidents maritimes au Canada. En ce qui concerne la nécessité d’un plan de surveillance et de gestion des débris de conteneurs, le ministre a indiqué dans sa réponse que cette question était traitée au moyen de programmes existants, tels que la Stratégie zéro déchet de plastiqueEnvironnement et Changement climatique Canada, « Programme zéro déchet de plastique du Canada », à l’adresse https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/reduire-dechets-plastique/mesures-canada.html (dernière consultation le 3 juin 2024).,Conseil canadien des ministres de l’environnement, « Stratégie visant l’atteinte de zéro déchet de plastique », à l’adresse https://ccme.ca/fr/res/stratgievisantlatteintedezrodchetdeplastique.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024)., qui vise à prévenir, réduire, réutiliser, récupérer, recueillir et nettoyer les déchets de plastique. La Stratégie zéro déchet de plastique définit les responsabilités des différents ministères fédéraux à l’égard des plastiques et désigne TC comme le ministère responsable des débris marins provenant du transport maritime et des navires.

    1.27 Convention internationale de 2010 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses

    Le cadre international pour le concept de « pollueur-payeur » en ce qui concerne les SNPD est énoncé dans la Convention internationale de 2010 sur la responsabilité et l’indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses (Convention SNPD). La Convention SNPD a été adoptée en 2010, mais elle n’est pas encore entrée en vigueur. Douze États doivent la ratifier avant qu’elle n’entre en vigueur, dont au moins 4 États ayant chacun au moins 2 millions d’unités de jauge brute. En janvier 2024, 8 États avaient ratifié la Convention SNPD, y compris le Canada. Cinq des États l’ayant ratifiée ont plus de 2 millions d’unités de jauge brute.

    1.28 Événements antérieurs

    1.28.1 Perte de conteneurs liée au roulis paramétrique

    À l’échelle internationale, plusieurs enquêtes et études ont été menées sur des événements de perte de conteneurs qui mettaient en cause le roulis paramétrique. Quelques-uns de ces rapports sont résumés à l’annexe E et mettent en évidence plusieurs facteurs communs associés à la surveillance et à l’atténuation des risques liés aux événements de roulis paramétrique touchant des porte-conteneurs (tableau 7).

    Tableau 7. Facteurs communs relevés dans les événements liés au roulis paramétrique

    Maersk Essen, 2021A

    ONE Apus, 2020B

    CMA CGM G. Washington,

    2018C

    Svendborg Maersk, 

    2014D

    P&O Nedlloyd Genoa, 

    2006E

    APL China, 

    1998F

    Information et outils inadéquats

    Oui

    Oui

    Non

    Oui

    Oui

    Non

    Procédures inadéquates

    Oui

    Non

    Oui

    Oui

    Oui

    Oui

    Formation insuffisante et méconnaissance

    Non

    Oui

    Oui

    Oui

    Oui

    Oui

    A     Danish Maritime Accident Investigation Board, « Maersk Essen: Marine Accident Report on Loss of Cargo, 16 January 2021 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8489/maersk-essen-loss-of-cargo-on-16-january-2021.pdf (dernière consultation le 1er juin 2024).

    B     Japan Transport Safety Board, « Marine Accident Investigation Report, Container Ship ONE APUS, 2020 », à l’adresse https://www.mlit.go.jp/jtsb/eng-mar_report/2024/2022tk0001e.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024).

    C     Marine Accident Investigation Branch, « Report on the investigation into the loss of 137 containers from the container ship CMA CGM G. Washington in the North Pacific Ocean on 20 January 2018 », à l’adresse https://assets.publishing.service.gov.uk/media/5e1dc891ed915d7c7c397896/2020-2-CMACGMGWashington.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024).

    D    Danish Maritime Accident Investigation Board, « Svendborg Maersk: Heavy Weather Damage on 14 February 2014 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8621/svendborg-maersk-heavy-weather-damage-on-14-february-2014.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024).

    E     Marine Accident Investigation Branch, « Report on the investigation of the loss of cargo containers overboard from P&O Nedlloyd Genoa, North Atlantic Ocean, 27 January 2006 », à l’adresse https://assets.publishing.service.gov.uk/media/547c7073ed915d4c10000091/Nedlloyd_Genoa.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024).

    F      W. N. France, M. Levadou, T. W. Treakle et coll., « An Investigation of Head-Sea Parametric Rolling and its Influence on Container Lashing Systems », Marine Technology and SNAME News, vol. 40, no 1 (1er janvier 2003) p. 1 à 19. Cette étude rend compte d’une enquête menée sur un événement survenu en octobre 1998. mettant en cause le navire APL China.

    Les rapports sur ces événements soulèvent de nombreux points qui se rapportent généralement à la vulnérabilité des porte-conteneurs au roulis paramétrique, les conséquences négatives y étant associées ainsi que les défis à surmonter pour atténuer les risques. Mentionnons notamment les points suivants :

    • Il y a des avantages importants à prédire le roulis paramétrique en fonction des conditions en temps réel plutôt qu’en fonction des prévisions (Maersk Essen).
    • Les objectifs commerciaux des porte-conteneurs n’incitent pas à la prudence dans la planification du voyage, et ils influencent la prise de décision d’un capitaine. Cependant, les considérations commerciales étaient peu pertinentes lorsque les conditions du voyage à venir ne se présentaient pas comme un danger pour le navire (Svendborg Maersk).
    • Les navires dont l’arrière à tableau est plat et dont la proue est fortement évasée sont plus sujets au roulis paramétrique en raison des variations importantes de stabilité auxquelles ces navires sont soumis dans les mers de l’avant et quasi de l’avant (APL China).
    • Le roulis paramétrique entraîne des charges sur les piles de conteneurs en pontée et leurs systèmes d’arrimage qui dépassent largement les valeurs calculées à partir des lignes directrices des sociétés de classification ou prédites par l’analyse linéaire de la tenue en mer (APL China).

    1.28.2 Perte de conteneurs et pollution connexe

    Entre 2014 et 2024, il y a eu 1 autre cas signalé de porte-conteneurs perdant des conteneurs au large de la côte ouest du Canada, en eaux canadiennes. Le 3 novembre 2016, le porte-conteneurs Hanjin Seattle a perdu 35 conteneurs à l’entrée du détroit de Juan de FucaÉvénement de sécurité du transport maritime M16P0408 du BST.. Plusieurs jours plus tard, des morceaux de conteneurs, dont un dispositif frigorifique, ont échoué sur le rivage dans les environs de Tofino, notamment dans le parc provincial de l’île Vargas et la réserve de parc national Pacific Rim. Les propriétaires du Hanjin Seattle avaient déclaré faillite quelques mois avant l’événement et, par conséquent, seule une petite partie des coûts de nettoyage a pu être recouvrée auprès d’eux.

    Entre 2019 et 2024, il y a également eu 2 événements où des porte-conteneurs ont perdu des conteneurs dans le nord-est de l’océan Pacifique, à l’extérieur des eaux canadiennes. Le porte-conteneurs ONE Apus, battant pavillon japonais, a perdu 1816 conteneurs le 1er décembre 2020, et le porte-conteneurs Maersk Essen, battant pavillon danois, a perdu 689 conteneurs le 16 janvier 2021.

    Il n’est pas rare que la pollution causée par les conteneurs perdus continue d’être rejetée sur le rivage longtemps après l’événement. Des rapports du monde entier montrent que le contenu de conteneurs perdus et coulés continue de polluer des décennies plus tard. Par exemple, à la suite de la perte d’un conteneur à la mer au début des années 1980 près de la Manche et du parc marin de la région française du Finistère, les habitants ramassent encore des débris provenant du conteneur 35 ans plus tard, à savoir des morceaux de plastique orange vif de téléphones fixes de fantaisie en forme du chat de bande dessinée GarfieldBritish Broadcasting Corporation, « Garfield phones beach mystery finally solved after 35 years » (28 mars 2019), à l’adresse https://www.bbc.com/news/world-europe-47732553 (dernière consultation le 3 juin 2024).. En février 1997, le porte-conteneurs Tokio Express a perdu 62 conteneurs par-dessus bord au large de la côte sud-ouest du Royaume-Uni. On continue de retrouver, 26 ans plus tard, des pièces de LEGO provenant de l’un des conteneursM. Weisberger, « 5 million shipwrecked Legos still washing up 25 years after falling overboard », LiveScience (publié le 12 février 2022), à l’adresse https://www.livescience.com/great-lego-spill-25th-anniversary (dernière consultation le 3 juin 2024)..

    1.28.3 Incendies à bord des navires

    Entre le 1er janvier 2009 et le 14 mars 2024, au moins 571 événements signalés au BST concernaient des incendies sur des navires. Le BST enquête actuellement sur 3 événements concernant des incendies à bord de naviresÉvénements de sécurité du transport maritime M24C0017, M23C0104 et M22A0258 du BST.. De plus, le BST a achevé précédemment un certain nombre d’enquêtes où il y avait eu incendie à bord :

    • Le 23 janvier 2020, un incendie s’est déclaré dans la salle du sauna à bord du Newfoundland Lynx, au large des côtes de Terre-Neuve. L’équipage a réussi à éteindre l’incendie. Lorsque le navire est retourné au quai, le personnel des services d’incendie locaux est monté à bord pour s’assurer que l’incendie était éteint. L’enquête du BST a déterminé que l’équipement de lutte contre les incendies, les procédures et les exercices d’incendie du navire étaient inadéquatsRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M20A0003 du BST..
    • Le 15 décembre 2019, un incendie s’est déclaré dans la salle des machines du vraquier Tecumseh, alors qu’il naviguait sur la rivière Detroit près de Windsor (Ontario). Au moment de l’événement, 16 membres d’équipage se trouvaient à bord. Les 2 ancres du navire ont été mouillées, et le système fixe d’extinction d’incendie a été utilisé pour éteindre le feu. L’incendie s’est par la suite rallumé, et le navire a été remorqué jusqu’au port de Windsor, où l’incendie a été éteint le 16 décembre avec l’aide de ressources à terre. À la suite de l’enquête du BST, le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité indiquant que certaines administrations de ports et de havres canadiens peuvent ne pas avoir l’équipement, la formation et les ressources nécessaires pour réagir efficacement à des incendies à bord de navires dans leur zone de compétence, ce qui pourrait se traduire par des incendies qui mettent en danger des équipages, le public, des biens et l’environnementRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M19C0403 du BST..
    • Le 31 janvier 2018, un incendie s’est déclaré dans la salle des machines du porte-conteneurs MOL Prestige alors que le navire se trouvait au large de Haida Gwaii (Colombie-Britannique). Au moment de l’événement, il y avait 22 membres d’équipage et 1 surnuméraire à bord. L’incendie a fini par être éteint. Cinq membres d’équipage ont été grièvement blessés. Le navire Sir Wilfrid Laurier de la GCC a porté assistance au navire désemparé jusqu’à ce qu’un remorqueur de sauvetage puisse le remorquer jusqu’à Seattle (État de Washington), aux États-Unis. L’enquête du BST a permis de déterminer que l’incendie avait été causé par des problèmes d’entretien dans la salle des machines du MOL PrestigeRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M18P0014 du BST..
    • Le 11 août 2001, alors qu’il descendait le canal Welland à Allanburg (Ontario), le vraquier Windoc a été heurté par la travée levante d’un pont qui s’abaissait. La timonerie et la cheminée du navire ont été détruites. Le navire a dérivé vers l’aval, a pris feu, s’est échoué et a par la suite été déclaré perte totale. La structure du pont a été endommagée et le canal Welland a été fermé aux navires pendant 2 jours. L’accident n’a fait ni blessé grave ni pollution. L’enquête du BST a déterminé que le manque de formation et d’expérience dans la lutte contre les incendies à bord de navires du corps de pompiers qui est intervenu, l’absence d’équipement nécessaire pour parvenir au navire et le fait que les plans de défense contre l’incendie n’étaient pas accessibles ont nui à l’efficacité de l’interventionRapport d’enquête maritime M01C0054 du BST..

    1.29 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2022. Bien que le ZIM Kingston disposait d’un SGS, celui-ci ne contenait pas de procédure permettant au capitaine de reconnaître et d’éviter des conditions propices au roulis paramétrique. De plus, les directives du SGS concernant le chargement étaient vagues et n’étaient pas appliquées de façon systématique pour s’assurer que la charge des conteneurs ne dépassait pas les limites de sécurité.

    MESURES À PRENDRE

    La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport maritime jusqu’à ce que

    • TC mette en œuvre de la réglementation obligeant tous les exploitants commerciaux à adopter des processus formels pour la gestion de la sécurité;

    • les transporteurs qui ont un SGS démontrent à TC qu’il fonctionne bien et qu’il permet donc de cerner les dangers et de mettre en œuvre des mesures efficaces pour atténuer les risques.

    1.30 Rapports de laboratoire

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP006/2022 – Analysis of Cargo Securing Mechanisms [analyse des mécanismes d’arrimage de la cargaison]
    • LP177/2021 – VDR Analysis [analyse de l’enregistreur des données du voyage]

    Le Conseil national de recherches Canada a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • NRC-OCRE-2022-TR-056 – Physical Modelling to Investigate the Motion Characteristics of “Zim Kingston” Containership in Harsh Environments [modélisation physique pour étudier les caractéristiques de mouvement du porte-conteneurs ZIM Kingston dans des conditions difficiles]

    2.0 Analyse

    En tout 109 conteneurs du ZIM Kingston ont été perdus à la mer, et un certain nombre de conteneurs restés à bord ont été endommagés lorsque le navire a roulé de 36° sur bâbord et sur tribord. Environ 36 heures plus tard, un incendie s’est déclaré dans l’un des conteneurs endommagés restés à bord, qui renfermait des marchandises dangereuses. L’incendie s’est ensuite propagé aux conteneurs adjacents.

    L’analyse portera sur les facteurs ayant contribué à la perte de conteneurs et à l’incendie subséquent; sur les politiques, les procédures et les outils dont disposait l’équipage pour surveiller et gérer les risques liés au roulis paramétrique; ainsi que sur les directives à l’intention de l’industrie à ce sujet. L’analyse abordera également le chargement du navire, les répercussions environnementales de la perte de conteneurs et l’état de préparation du Canada aux urgences maritimes.

    2.1 Perte de conteneurs

    Alors que le ZIM Kingston s’approchait de Vancouver (Colombie-Britannique), le capitaine a demandé d’obtenir un poste de mouillage pour l’heure d’arrivée prévue du navire, soit 3 h le 21 octobre 2021. Le capitaine s’inquiétait de la sécurité de la navigation du navire compte tenu des conditions météorologiques prévues. Le capitaine s’est vu répondre qu’il n’y avait pas de poste de mouillage libre. Il a alors maintenu le navire au large, au banc La Pérouse, en attendant un poste d’accostage au port de Vancouver.

    Alors que le navire se trouvait au large, sa proue était orientée face aux vagues. Les périodes de vague correspondaient environ à la moitié de la période de roulis du navire, et la longueur des vagues était semblable à la longueur du navire. Lorsque ces conditions convergent de façon précise avec d’autres facteurs propres au navire, des mouvements de roulis dangereux peuvent se produire, comme dans l’événement à l’étude. Les essais sur modèle effectués au cours de l’enquête ont démontré que le ZIM Kingston avait été soumis à un roulis paramétrique.

    De nombreux facteurs influent sur la capacité d’un système d’arrimage de conteneurs à résister aux conditions susceptibles d’être rencontrées au cours d’un voyage. Par conséquent, il est souvent très difficile de cerner un facteur qui explique à lui seul la perte de conteneurs. En outre, même s’il est établi qu’un facteur donné a joué un rôle, il se peut qu’il ne soit pas possible de quantifier la mesure dans laquelle il a contribué à la perte de conteneurs.

    Pour le voyage de l’événement à l’étude, l’enquête a permis de mettre en évidence divers facteurs, en plus du roulis de 36°, susceptibles d’avoir joué un rôle dans la perte de conteneurs :

    • Il est possible qu’un ou plusieurs composants d’arrimage de conteneurs dans les baies concernées présentaient une faiblesse qui aurait entraîné l’effondrement des piles de conteneurs correspondantes. Bien que le BST ait pu tester certains échantillons des composants d’arrimage de conteneurs du navire et que leur état ait été jugé généralement conforme aux normes de l’industrie, il n’a pas été possible de tester tous les composants d’arrimage après l’événement.
    • Il est possible qu’un ou plusieurs conteneurs des baies concernées présentaient une faiblesse et se soient affaissés, ce qui aurait entraîné l’effondrement des piles de conteneurs correspondantes. Étant donné qu’il n’existe aucune certification attestant l’état des conteneurs d’expédition, il n’y avait aucun document permettant de déterminer leur état.
    • Le navire était chargé de telle sorte que les charges maximums pratiques étaient dépassées à de nombreux endroits, selon le logiciel de planification du chargement, pour l’angle de roulis nominal de 19,91°. Cependant, on ne sait pas si ou comment cela a contribué à la perte de conteneurs.
    • Il est possible que les forces agissant sur les conteneurs et les composants d’arrimage aient été exacerbées par divers mécanismes, tels que les vibrations structurales (détente et coup de fouet), le déplacement du contenu des conteneurs et l’eau de mer frappant le côté des piles de conteneurs. On ne sait pas non plus avec certitude si ou comment ces mécanismes ont contribué à la perte de conteneurs.
    • Lorsqu’un navire est en mouvement dans une voie maritime, des forces sont générées par l’accélération. Les essais sur modèle du ZIM Kingston ont permis d’établir qu’au moment de l’événement, ces accélérations pourraient avoir atteint 0,95 g. Toutefois, on ignore à quel point les forces ont eu une incidence sur les composants d’arrimage individuels de chaque conteneur.

    Les calculs du BST ont permis de déterminer que les forces d’arrimage, lorsqu’elles sont estimées de façon statique et qu’elles ne tiennent compte d’aucun des facteurs susmentionnés, auraient dépassé la résistance à la rupture des composants d’arrimage des conteneurs du navire à des angles d’inclinaison du navire de 27° ou plus. Les angles de roulis du navire au moment de l’événement étaient supérieurs à 27°, ce qui porte à conclure que le facteur clé ayant précipité la défaillance du système d’arrimage des conteneurs du navire et la perte des conteneurs a été les angles de roulis importants auxquels le navire a été soumis.

    Il convient de noter que seules les baies 14, 34 et 54 ont perdu des conteneurs et que les baies dans lesquelles se trouvaient les conteneurs soumis aux forces d’arrimage les plus excessives n’ont pas perdu de conteneurs. Ces anomalies s’expliquent probablement par le fait que le système d’arrimage de conteneurs offre un degré de résistance inconnu au-delà de la résistance nominale à la rupture et/ou par l’effet d’un ou de plusieurs des facteurs énumérés ci-dessus.

    2.2 Surveillance et gestion du risque de roulis paramétrique

    Pendant les heures où le ZIM Kingston dérivait et naviguait dans un circuit d’attente au large, le capitaine avait placé le navire de façon à ce que la proue soit orientée face aux vagues, ce qui est pratique courante dans des conditions défavorables. Le capitaine savait également que d’autres porte-conteneurs se trouvaient dans la même zone en attente d’un poste d’accostage à Vancouver. Le capitaine observait le vent et les vagues et était satisfait de la vitesse du navire et de son comportement de tangage et de roulis. L’analyse après l’événement des paramètres pertinents du navire et de l’environnement dans la période précédant l’événement montre que le navire risquait de développer une résonance du roulis paramétrique et que ce risque pouvait être décelé grâce aux indications de certains documents d’orientation qui sont généralement à la disposition de l’industrie. Toutefois, les directives disponibles à bord du navire au moment de l’événement ne permettaient pas de reconnaître le risque.

    La vulnérabilité d’un navire au roulis paramétrique varie en fonction des caractéristiques propres au navire, telles que la stabilité, la géométrie de la coque, la taille et la vitesse. Ainsi, 2 porte-conteneurs dérivant dans les mêmes conditions de mer peuvent réagir très différemment en raison de leurs caractéristiques différentes, de sorte que l’un des navires peut être soumis à un roulis paramétrique alors que l’autre ne l’est pas. Cette variation met en évidence la nécessité d’évaluer les risques liés au roulis paramétrique en fonction du navireDanish Maritime Accident Investigation Board, « Maersk Essen: Marine Accident Report on Loss of Cargo, 16 January 2021 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8489/maersk-essen-loss-of-cargo-on-16-january-2021.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), p. 41..

    Des enquêtes antérieures menées par d’autres organismes ont montré que l’évaluation du risque de roulis paramétrique est complexe et qu’il est difficile de prédire exactement quand un roulis paramétrique se produira. En outre, une fois que le roulis paramétrique s’amorce, il n’est pas toujours possible de l’arrêter avant que des conséquences négatives, telles que la perte de conteneurs, ne surviennent. Cela signifie qu’il faut mettre l’accent sur la surveillance des conditions qui donnent lieu à une résonance du roulis paramétrique afin que des mesures d’atténuation puissent être prises pour prévenir l’amorce de mouvements dangereux lorsque ces conditions sont présentes. Pour ce faire, les membres de l’équipe à la passerelle doivent disposer des éléments suivants :

    • des politiques établies et des procédures détaillées pour gérer le risque de roulis paramétrique;
    • des outils efficaces pour les aider à surveiller les nombreuses conditions qui ont une incidence les mouvements du navire, à analyser le risque de roulis paramétrique et à mettre en œuvre des mesures d’atténuation, le cas échéant.

    2.2.1 Politiques et procédures

    Le manuel d’instructions de la flotte du ZIM Kingston, publié par le gestionnaire du navire, la société Danaos Shipping Co. Ltd. (Danaos), décrivait le roulis paramétrique comme un phénomène violent par nature et un sujet de préoccupation très répandu pour les porte-conteneurs, dont les conséquences négatives sont considérables. Le manuel comprenait une liste de conditions générales qualitatives qui doivent être présentes pour que la résonance du roulis paramétrique se produise, telles qu’une « résonance » entre la période de rencontre des vagues et la période de roulis naturelle, une hauteur de vague « assez importante » et un « faible » amortissement de roulis. Il faisait également référence à un livret sur le sujet publié par la société de classification DNV en 2005 et disponible sur la passerelle du navire. Cependant, ni l’une ni l’autre de ces sources n’indiquait le moment où une évaluation du risque de roulis paramétrique pour le ZIM Kingston devrait être effectuée, la manière dont elle devrait être effectuée, les résultats qui représenteraient un risque inacceptable, ou les mesures d’atténuation qui devraient être prises et le moment où elles devraient l’être.

    En l’absence de politiques établies et de procédures détaillées à l’appui d’une évaluation du risque lié au roulis paramétrique, le capitaine devait se fier à ses connaissances et à son expérience pour évaluer la sécurité du navire alors qu’il restait en circuit d’attente en pleine mer. Le capitaine avait une compréhension générale des conditions susceptibles de mener au roulis paramétrique et des mesures à prendre si cela se produisait (changement de cap et de vitesse), mais il n’avait jamais été confronté lui-même à un roulis paramétrique et n’avait jamais effectué une évaluation quantitative du risque propre au roulis paramétrique.

    2.2.2 Outils

    Une évaluation quantitative du risque de roulis paramétrique exige une variété de données liées à la stabilité du navire, aux conditions environnementales et à la performance du navire. Plus précisément, il faut à la fois prédire la stabilité et la performance d’un navire dans des conditions environnementales prévues et surveiller la stabilité et la performance réelles dans les conditions environnementales en temps réel. La qualité de l’évaluation du risque sera bien entendu largement influencée par l’exactitude et la fiabilité de ces données. Les données suivantes sont nécessaires :

    • stabilité du navire (hauteur métacentrique [GM] et période de roulis naturel);
    • performance du navire (vitesse sur le fond et cap);
    • conditions environnementales (hauteur significative, direction et période des vagues).

    Ces données doivent ensuite être utilisées pour calculer les paramètres pertinents, tels que la direction et la période de rencontre des vagues, et les comparer aux critères qui établissent le niveau de risque. Étant donné que toutes ces données changent constamment, il faut mettre à jour les prévisions fréquemment et assurer une surveillance continue en temps réel des conditions environnementales et de la performance du navire.

    Selon les outils dont dispose l’équipe à la passerelle, le processus d’évaluation des risques peut être plus ou moins exigeant en ressources, plus ou moins long et plus ou moins fiable. À l’extrémité inférieure de l’échelle (plus de ressources humaines et de temps, moins fiable), l’équipe à la passerelle aurait recours à la collecte manuelle et périodique des données sur la stabilité et la performance du navire, à l’observation des conditions de la mer, ainsi qu’à des calculs sur papier ou des graphiques. À l’extrémité supérieure de l’échelle (moins de ressources humaines et de temps, plus fiable), l’équipe à la passerelle utiliserait un équipement automatisé et intégré capable de capter et de collecter des données propres au navire en temps réel, d’analyser ces données à l’aide d’un algorithme qui peut détecter un début de résonance du roulis paramétrique, et d’afficher en continu le niveau de risque actuel pour le navire.

    Les outils dont disposait l’équipe à la passerelle du ZIM Kingston pour évaluer le risque de roulis paramétrique étaient peu sophistiqués, difficiles à utiliser et peu fiables. En ce qui concerne les données requises liées à la stabilité du navire, à la performance du navire et aux conditions environnementales, l’équipe à la passerelle avait accès aux éléments suivants :

    • Pour ce qui est de la stabilité du navire, il y avait un logiciel de planification du chargement qui pouvait calculer la stabilité statique et la période de roulis en fonction des conditions de chargement du navire, mais ces données n’étaient actuelles et fiables que dans la mesure où les dernières données saisies l’étaient.
    • Pour ce qui est de la performance du navire, l’équipement de navigation embarqué permettait de connaître la vitesse et le cap du navire, mais ces données varient considérablement dans le temps, de sorte que des procédures seraient nécessaires pour déterminer les points de données utiles aux calculs du risque.
    • Pour ce qui est des conditions environnementales, les données prévisionnelles étaient facilement disponibles; toutefois, elles sont incertaines par nature et ne se prêtent pas à être combinées à d’autres données en temps réel pour une surveillance continue du risque. Des données en temps réel sur l’état de la mer pourraient être recueillies à bord par observation; cependant, cette méthode de collecte de données est également sujette à une certaine incertitude en raison de la subjectivité de l’observateur et n’est pas pratique pour une surveillance continue. Il peut également être difficile d’observer l’état de la mer en temps réel si la visibilité est limitée par les conditions météorologiques ou l’obscurité.

    Avant d’effectuer tout calcul, étant donné que ces différentes sources de données étaient indépendantes, une ou plusieurs personnes devaient consulter chaque source pour obtenir les données pertinentes, puis consulter les documents d’orientation fournis par le propriétaire et disponibles à bord afin d’effectuer les calculs et l’évaluation nécessaires. Les documents d’orientation n’offraient pas d’instructions ou de formules détaillées (p. ex., pour le calcul de la période de rencontre des vagues) en vue de leur application au ZIM Kingston, et les limites du risque acceptable étaient vagues et incohérentes. À titre d’exemple, selon le manuel d’instructions de la flotte du propriétaire, il existe un risque de résonance du roulis paramétrique s’il y a une résonance entre la période de rencontre des vagues et « la période de roulis naturelle ou le double de la période de roulis naturelle ». Cependant, le livret de DNV fixe la limite à la moitié de la période de roulis naturelle. Quoi qu’il en soit, lorsque ces documents d’orientation ont été utilisés après l’événement pour évaluer le risque de roulis paramétrique à peu près au moment où l’événement s’est produit, ni l’un ni l’autre n’ont indiqué que le navire était exposé à un risque.

    2.3 Directives à l’intention de l’industrie pour la gestion du risque de roulis paramétrique

    La gestion efficace du risque de roulis paramétrique sur les porte-conteneurs constitue un défi. Il est essentiel que les membres de l’équipe à la passerelle des porte-conteneurs soient conscients des facteurs qui mènent au roulis paramétrique et connaissent les mesures à prendre pour le prévenir et y faire face. Les membres de l’équipe à la passerelle doivent avoir accès à des données et à des outils qui sont propres au navire et leur permettent de prédire les risques en fonction des conditions météorologiques et de l’état de la mer prévus. Cela est particulièrement important lors de la planification du voyage et de la comparaison de la sécurité des itinéraires de rechange. Les membres de l’équipe à la passerelle doivent également disposer de données et d’outils qui permettent une surveillance continue du risque pendant le voyage en fonction des conditions réelles d’exploitation. Enfin, les propriétaires, les affréteurs et d’autres intervenants à terre doivent avoir une compréhension commune du risque afin de pouvoir aider l’équipe à la passerelle à prendre les décisions nécessaires pour assurer la sécurité du navire pendant son voyage.

    La prise de décision des capitaines est influencée par de nombreux facteurs, y compris la formation, l’expérience et les directives figurant dans les procédures et les instructions écrites. La possibilité que des pressions commerciales influencent la prise de décision d’un capitaine constitue également un facteur important. Dans cet événement, les instructions de navigation de ZIM Integrated Shipping Services Ltd. (ZIM) accordaient une grande importance au fait de réduire au minimum la consommation de carburant et exigeaient du capitaine qu’il explique les décisions relatives à l’itinéraire qui différaient des recommandations de Weathernews Inc. (WNI). Les instructions comprenaient également une clause précisant que [traduction] « le manque de confiance et/ou la réticence à effectuer les tâches conformément aux exigences de l’affréteur ne seront pas justifiés par l’expression [« sécurité du navire »] et seront contestés par l’affréteur sans délaiLa hauteur significative des vagues est une mesure moyenne des 33 % des vagues les plus grandes (source : National Oceanic and Atmospheric Administration, National Weather Service, « Significant Wave Height », à l’adresse https://www.weather.gov/mfl/waves [dernière consultation le 1er juin 2024]). ». La charte-partie donnait à ZIM le droit contractuel de demander le remplacement des capitaines si l’entreprise n’était pas satisfaite de leur rendement. Ces dispositions sont des conditions contractuelles standards utilisées dans l’ensemble de l’industrie mondiale du transport maritime. Bien que l’enquête n’ait pas permis de déterminer si ces dispositions ont joué un rôle direct dans cet événement, leur utilisation dans l’industrie des porte-conteneurs peut influer subtilement sur la prise de décision en faveur des gains commerciaux.

    Des enquêtes menées par d’autres organismes d’enquête sur des événements antérieurs liés au roulis paramétrique ont fait ressortir des incohérences et des lacunes dans la formation des membres d’équipes à la passerelle et dans l’adoption de procédures et d’outils pour les aider à gérer le risque de roulis paramétrique. Il existe un grand nombre de ressources disponibles, notamment des articles, des vidéos, des circulaires, des présentations, des documents de recherche et des règles de société de classification qui ciblent divers publics et présentent différentes directives pour l’évaluation du risque de roulis paramétrique (allant des observations visuelles de l’état de la mer utilisées en combinaison avec des cartes papier jusqu’aux capteurs sophistiqués de mouvement de navires et aux algorithmes informatiques). Cependant, aucune de ces ressources ne fournit de directives détaillées pour aider les propriétaires de navires, les affréteurs et les membres de l’équipe à la passerelle à gérer efficacement le risque de roulis paramétrique, en tenant compte des besoins suivants :

    • des renseignements sur le roulis paramétrique présentés de façon accessible et compréhensible;
    • des directives claires pour aider les membres de l’équipe à la passerelle à se servir concrètement ces renseignements, c.-à-d. des indications précises sur le moment où il convient de procéder à l’évaluation du risque, sur la façon de le faire, sur les résultats qui représentent un risque inacceptable et sur les mesures d’atténuation qui devraient être envisagées;
    • des politiques et des procédures de l’entreprise qui favorisent une compréhension commune du risque lié au roulis paramétrique par toutes les parties concernées (propriétaires, affréteurs, membres de l’équipe à la passerelle) et qui garantissent que l’équipe à la passerelle reçoit le soutien dont elle a besoin pour prendre des décisions en matière de sécurité;
    • des outils efficaces pour aider les membres de l’équipe à la passerelle à gérer le risque de roulis paramétrique;
    • une bonne compréhension par l’équipage des avantages et des limites de ces outils;
    • une formation, ainsi que des conseils sur son élaboration et sa mise en œuvre, afin que les politiques, les procédures et les outils puissent être utilisés de manière optimale.

    L’examen des documents d’orientation et des outils qui sont actuellement à la disposition de l’industrie pour évaluer le risque de roulis paramétrique met en évidence la difficulté de trouver un équilibre entre des documents et des outils qui soient fiables, efficaces, pratiques et abordables. L’Organisation maritime internationale (OMI) est généralement reconnue comme l’organisme international le mieux placé pour élaborer et diffuser des lignes directrices à l’intention de l’industrie maritime; toutefois, sa circulaire traitant du risque de roulis paramétrique n’a pas été mise à jour depuis plus de 17 ans, et l’enquête y a relevé plusieurs lacunes :

    • La circulaire vise tous les types et toutes les tailles de navires et aborde plusieurs mécanismes de mouvement dangereux différents; par conséquent, elle peut être trop restrictive pour certains navires et trop généreuse pour d’autres. De plus, les directives de la circulaire en ce qui concerne le roulis paramétrique sont minimales, étant contenues dans un seul paragraphe.
    • La circulaire caractérise le roulis paramétrique comme un phénomène de gros temps, mais les essais sur modèle pour le ZIM Kingston ont révélé qu’il peut se développer dans des hauteurs significatives de vague d’aussi peu que 2,6 m.
    • La circulaire aborde le risque de roulis paramétrique en utilisant 2 approches différentes : l’une vise à contrôler une variété de mouvements dangereux qui peuvent découler d’un navire qui est frappé par un train de hautes vagues dans une mer de l’arrière, et l’autre vise à éviter le roulis paramétrique dans les vagues provenant de diverses directions de rencontre. L’utilisation d’approches différentes pourrait être source de confusion pour les utilisateurs.
    • La circulaire n’offre aucune directive en ce qui concerne les politiques, les procédures, la formation, les outils ou les services liés à la gestion des risques associés au roulis paramétrique.

    Une fois rendus obligatoires, les critères énoncés dans les Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact de l’OMI devraient réduire au minimum le risque de roulis paramétrique, en plus d’autres modes de défaillance de la stabilité dynamique. Les directives offriront une approche cohérente pour aborder le risque dans l’ensemble de l’industrie internationale du transport maritime, soit en raison de l’amélioration de la conception des navires, soit en raison des limites et des recommandations en matière d’exploitation. Toutefois, le calendrier d’intégration de ces directives au Recueil international de règles de stabilité à l’état intact, 2008 n’a pas été confirmé, et il n’est pas certain que les directives s’appliqueront aux navires existants. Les directives n’abordent pas non plus la formation de l’équipage sur la question. De même, on ne sait pas, à l’heure actuelle, si les travaux du Sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs de l’OMI aborderont les questions relevées dans le cadre de la présente enquête.

    2.4 Incendie de cargaison et intervention à bord

    Lorsque les conteneurs des baies 14, 34 et 54 sont tombés à la mer, plusieurs des conteneurs restant dans ces baies ont été endommagés, tout comme leur contenu. Trois des conteneurs endommagés dans la baie 14 renfermaient de l’amylxanthate de potassium emballé dans une pellicule en plastique. Les dommages causés aux conteneurs ont endommagé les chemises, permettant à l’eau d’entrer en contact avec les xanthates, ce qui a déclenché un incendie. L’incendie s’est ensuite propagé à 5 autres conteneurs situés à proximité, dont 2 renfermaient également des xanthates tandis que les 3 autres contenaient des pneus et d’autres biens de consommation.

    Une fois l’incendie détecté, l’équipage a réagi efficacement et a suivi les lignes directrices de l’industrie et de l’entreprise en matière de lutte contre l’incendie. Il n’existe aucun moyen pratique d’éteindre les xanthates en feu sur un navire en mer; l’intervention recommandée est de contenir l’incendie en assurant un refroidissement périphérique et d’attendre que l’incendie s’éteigne. Le Maersk Trader et le Maersk Tender étaient justement accostés à proximité, à Victoria (Colombie-Britannique), et ont été rapidement engagés par l’entrepreneur en sauvetage du propriétaire de navire pour intervenir. Le recours à ces navires, dotés de pompes plus puissantes, pour aider au refroidissement périphérique a été déterminant pour limiter l’ampleur des dommages causés par l’incendie.

    La décision de maintenir un équipage réduit à bord pour poursuivre le refroidissement périphérique, tout en se préparant à l’abandon complet du navire, notamment par l’installation de câbles de remorquage d’urgence, a été prise sur la recommandation de personnel spécialisé à terre et a aidé à l’intervention d’urgence.

    Fait établi : Autre

    L’intervention à bord lors de l’incendie des conteneurs a été menée de manière efficace, conformément aux lignes directrices de l’industrie et de l’entreprise. Le recours à du personnel spécialisé à terre et à des navires de passage a aidé à limiter l’ampleur de l’incendie.

    Fait établi : Autre

    Grâce au contrat de Danaos avec une entreprise d’intervention en cas d’urgence, le ZIM Kingston a eu accès à des spécialistes qui l’ont guidé tout au long de l’intervention d’urgence et à une équipe de personnel qualifié qui a pu monter à bord du navire pour aider à lutter contre l’incendie.

    2.5 Chargement sécuritaire des porte-conteneurs

    En vertu des règles de la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS), les conteneurs doivent être chargés, arrimés et assujettis conformément à un manuel d’assujettissement de la cargaison approuvé par l’administration du navireRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M19C0403 du BST.. Le manuel d’assujettissement de la cargaison définit notamment la charge maximum pratique pour les composants d’arrimage de conteneur. La charge maximum pratique est utilisée en combinaison avec l’angle de roulis nominal du navire pour établir les limites sécuritaires de la force d’arrimage pour les conteneurs. Si l’état de chargement du navire dépasse les limites sécuritaires de la force d’arrimage (force transversale force de levage, force de compression), le navire est exploité avec une marge de sécurité réduite.

    Le fait que le ZIM Kingston ait effectué le voyage de l’événement à l’étude alors qu’il transportait des conteneurs dont la force d’arrimage dépassait les limites sécuritaires n’a pas été un facteur déterminant de la perte des conteneurs. Même si tous les conteneurs avaient respecté les limites de force d’arrimage, les calculs du BST indiquent que la perte des conteneurs se serait probablement produite malgré tout, parce que le roulis subi par le navire a été à ce point extrême. De plus, la baie 14 était dans les limites de force d’arrimage, et il s’y trouvait seulement 15 conteneurs signalés par le logiciel de planification du chargement du navire comme étant soumis à des forces d’arrimage excessives, or c’est la baie où il y a eu la plus grande perte de conteneurs. À l’inverse, alors que la baie 62 était chargée à 41 % au-dessus de la limite de la force transversale, il n’y a eu aucune perte de conteneurs. Il n’y avait donc pas de corrélation directe entre les conteneurs qui dépassaient les limites de force d’arrimage et la perte de conteneurs lors de l’événement à l’étude. Cependant, le fait de naviguer alors que les forces d’arrimage dépassent les limites de sécurité a pour effet de réduire la marge de sécurité protégeant contre la perte de conteneurs.

    L’enquête a permis de déterminer qu’au cours des 2 mois précédant l’événement à l’étude, le ZIM Kingston avait souvent navigué avec des baies dépassant les limites de force d’arrimage. Plusieurs facteurs peuvent avoir conduit à l’acceptation de plans de chargement prévoyant des forces d’arrimage supérieures aux limites, notamment les suivants :

    • La charge maximum pratique des composants d’arrimage de conteneur était égale à la moitié de leur résistance à la rupture et n’était dépassée que si le navire roulait au-delà de l’angle de roulis nominal de 19,91°, ce qui représente un roulis important.
    • Le voyage pouvait être planifié de manière à réduire les risques de rencontrer des situations où le navire pourrait atteindre son angle de roulis nominal.
    • Lors de plusieurs voyages précédents, les conteneurs avaient dépassé les limites de force d’arrimage sans qu’il y ait de conséquences négatives.
    • Les directives pertinentes du système de gestion de la sécurité du navire concernant le respect des limites de force d’arrimage étaient vagues et n’interdisaient pas explicitement au navire d’appareiller s’il dépassait ces limites; en fait, elles prévoyaient une procédure pour informer l’affréteur en cas de dépassement.
    • Dans le secteur du transport maritime par conteneurs, des pressions commerciales et des contraintes de planification s’exercent pour accélérer et prioriser les opérations de manutention des cargaisons.

    Pour le ZIM Kingston, les tâches liées à la planification du chargement étaient réparties entre les planificateurs de navires de ZIM et le capitaine. Les planificateurs de navires étaient chargés de préparer un plan de chargement respectant les limites de force d’arrimage, et il incombait au capitaine de s’assurer que le navire était chargé de manière à le maintenir dans les limites de force d’arrimage. Les enquêteurs ont obtenu les plans de chargement envoyés par les planificateurs de navires de ZIM au navire pour le voyage de l’événement à l’étude et les 8 voyages précédents, et ont constaté que tous ces plans de chargement dépassaient les limites de force d’arrimage du logiciel de planification du chargement du navire. Après l’événement, il a été signalé que les extrants du logiciel de planification du chargement de ZIM avaient indiqué que les plans de chargement pour le voyage en question et les 3 voyages qui l’ont précédé respectaient les limites de force d’arrimage. L’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi il y aurait pu y avoir une divergence entre les extrants de ZIM et ceux du navire pour ces voyages particuliers.

    Le ZIM Kingston n’est pas un exemple unique de porte-conteneurs naviguant avec des forces d’arrimage supérieures aux limites de sécurité. D’autres événements survenus ailleurs dans le monde ont révélé le même problèmeMaritime Accident Investigation Board, « Loss of cargo containers overboard from container ship Ever Smart », à l’adresse https://www.gov.uk/maib-reports/loss-of-cargo-containers-overboard-from-container-ship-ever-smart (dernière consultation le 3 juin 2024).. Bien que les capitaines soient responsables de respecter les normes et les limites relatives à la sécurité du chargement de leur navire, dans la pratique, divers facteurs indépendants de leur volonté peuvent restreindre leur capacité de le faire. Parmi ces facteurs, figurent des pressions commerciales et de contraintes de planification pour accélérer les opérations de manutention des cargaisons, ainsi que la complexité des considérations de planification du chargement quand il faut charger et décharger des cargaisons dans plusieurs ports (p. ex., veiller à ce que les marchandises dangereuses soient correctement séparées, éviter le réarrimage des conteneurs).

    Bien que l’autorité ultime à l’égard de la sécurité de la navigation du navire appartienne aux capitaines, ceux-ci doivent également être appuyés dans leur prise de décision par une solide culture de sécurité. Sans cet appui, il peut être difficile pour les capitaines de jouer le rôle d’uniques champions de la sécurité. Les affréteurs ont généralement un intérêt commercial direct à maximiser la capacité de chargement du navire et à accélérer ses déplacements. Il appartient aux propriétaires de veiller à ce que les intérêts commerciaux de l’affréteur ne compromettent pas la sécurité du navire. Dans l’événement à l’étude, les instructions de navigation de l’affréteur indiquaient expressément que toute décision du capitaine fondée sur la sécurité pouvait être remise en question par l’affréteur. La charte-partie contenait également une clause standard stipulant que l’affréteur pouvait demander de remplacer le capitaine ou les officiers s’il n’était pas satisfait de leur conduite.

    2.6 Répercussions de la perte de conteneurs sur l’environnement

    En général, les conteneurs perdus à la mer constituent un danger pour la navigation lorsqu’ils flottent et, une fois qu’ils dérivent jusqu’au rivage ou coulent et se rompent, ils peuvent présenter un risque important pour les milieux côtiers et les habitats marins, selon leur contenu.

    Dans l’événement à l’étude, on estime que 1490 tonnes de conteneurs et leur contenu ont été perdus à la mer, dont environ 48 tonnes ont été récupérées au cours des opérations de nettoyage à court terme. Ainsi, environ 97 % de ce qui est tombé par-dessus bord reste sur le fond océanique, ou en suspension dans la colonne d’eau, ou échoué à terre dans des zones isolées du littoral du Canada et de l’Alaska (États-Unis).

    En raison du volume et de la variété des contenus perdus à la mer dans l’événement à l’étude, et du fait qu’il manque généralement d’études sur les pertes de conteneurs, il est difficile d’établir les effets environnementaux que le présent événement aura sur les eaux et les côtes canadiennes. Le manifeste de cargaison n’était pas suffisamment précis pour permettre de recenser tous les éléments constitutifs du contenu des conteneurs susceptibles d’avoir une incidence sur le milieu marin.

    Reconnaissant qu’il existe une lacune dans la compréhension des répercussions des conteneurs perdus en mer, le ministère des Pêches et des Océans (MPO) a entrepris un relevé visant à cartographier les conteneurs perdus du ZIM Kingston afin de mieux comprendre les répercussions sur le milieu marin. Le MPO a indiqué que, compte tenu du volume et de la zone de dispersion des conteneurs perdus, il y aurait des répercussions évidentes dans le milieu marin; ces répercussions peuvent être documentées par des relevés et des analyses approfondis.

    Au Canada, les pollueurs sont tenus par la loi d’assumer les coûts liés au nettoyage de la pollution qu’ils ont générée. L’exigence d’enlèvement des conteneurs et du contenu de conteneurs perdus à la mer relève de la Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux. Si la perte est considérée comme un polluant, il se peut aussi que le pollueur doive s’acquitter d’obligations en vertu de la Loi sur la responsabilité en matière maritime. Bien que la réglementation puisse obliger un pollueur à payer les coûts de nettoyage, cela ne signifie pas que les répercussions de la perte de conteneurs sur l’environnement peuvent être complètement évitées. En effet, un certain nombre de facteurs peuvent nuire au nettoyage à la suite d’une perte de conteneurs. Par exemple :

    • Il n’est pas toujours possible de localiser les conteneurs et les débris ou d’y accéder, surtout s’ils ont coulé en eau profonde.
    • Les conteneurs peuvent se rompre et libérer des débris pendant des années, voire des décennies, après leur perte.
    • Il se peut qu’il soit impossible d’établir la propriété de débris de conteneurs et, par conséquent, de déterminer à qui revient la responsabilité du nettoyage.
    • Des débris provenant des conteneurs, tels que le polystyrène et les films étirables utilisés pour l’emballage, peuvent se disperser à plusieurs endroits en quantités qui ne sont pas jugées suffisantes pour communiquer avec le propriétaire.
    • Il se peut que les documents relatifs à la cargaison ne soient pas suffisamment précis pour permettre de lier les débris à un navire.
    • Les débris peuvent demeurer en suspension dans la colonne d’eau ou rester au fond de l’océan, comme le montrent les débris trouvés lors des relevés au chalut entrepris par le MPO, et ne jamais dériver jusqu’au rivage.
    • Le pollueur peut s’avérer impossible à identifier ou se montrer peu coopératif ou incapable d’assumer la responsabilité financière de la pollution qu’il a occasionnée.

    Dans l’événement à l’étude, un plan d’enlèvement des débris a été élaboré pour les conteneurs et les débris échoués, et Danaos a accepté la responsabilité à l’égard des travaux initiaux de nettoyage qui se sont achevés en décembre 2022.

    En janvier 2024, le MPO a signalé que des débris frais continuaient de s’échouer sur la ligne de côte de la Colombie-Britannique, ce qui indique que les conteneurs du ZIM Kingston continuaient de libérer des débris. Le MPO a signalé que la majeure partie des 29 conteneurs provenant du ZIM Kingston trouvés au fond de l’océan présentaient des dommages importants. Au vu de l’état de ces 29 conteneurs, le MPO a estimé que les autres conteneurs présentaient des dommages plus ou moins importants et avaient libéré des débris ou risquaient continuellement d’en libérer. Les membres du groupe de travail sur les débris marins de la Colombie-Britannique continuent de participer aux efforts de collecte des débris sur la ligne de côte.

    Comme l’ont montré de nombreux rapports à travers le monde, le contenu de conteneurs perdus en mer continue de polluer des décennies après un événement. Au Canada, la responsabilité des propriétaires est limitée par la Loi sur les épaves et les bâtiments abandonnés ou dangereux. Plus précisément, le délai de prescription est de 3 ans à partir de la date où il est établi que l’épave représente un danger, jusqu’à concurrence de 6 ans suivant l’accident maritime qui a engendré l’épave. Ce délai de prescription peut compliquer les efforts visant à obtenir que les propriétaires retirent les conteneurs et les débris qui continuent à polluer pendant de nombreuses années suivant la perte d’un conteneur. En plus, il faut prouver que tout nouveau débris trouvé provient de la même perte de conteneurs, ce qui constitue une difficulté supplémentaire pour contraindre les propriétaires à enlever les conteneurs et les débris de conteneurs.

    À la suite de l’événement à l’étude, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a rédigé un rapport dans lequel il recommandait que le gouvernement du Canada investisse dans la recherche et la surveillance afin de comprendre les impacts du polystyrène et des autres plastiques qui se retrouvent dans nos océans et d’améliorer la façon dont ces produits sont retirés afin de prévenir les dommages écologiques. Il recommandait également dans ce rapport que le gouvernement mette en œuvre un plan de surveillance et de gestion des débris marins qui traite adéquatement toutes les formes de débris marins ayant une incidence sur les côtes. Le ministre des Transports a répondu aux recommandations en indiquant que des mesures sont en cours pour y donner suite et que, dans le cadre du Plan de protection des océans, des investissements seront réalisés dans la recherche scientifique et dans des plans visant à renforcer la prévention, la préparation, l’intervention et la récupération en cas d’incident maritime. Cependant, ces initiatives se concentrent principalement sur les déchets de plastique et ne couvrent donc pas toutes les formes de débris qui se retrouvent dans l’eau à la suite d’une perte de conteneurs.

    Fait établi : Autre

    Le Canada ne s’est doté d’aucun programme visant à surveiller et à évaluer les effets à long terme des conteneurs perdus ou des débris provenant de conteneurs perdus, et les répercussions sur les écosystèmes marins sont peu connues.

    2.7 L’état de préparation du Canada en cas d’urgence maritime

    L’événement à l’étude a mis en évidence certains des défis liés à la gestion des situations d’urgence en milieu marin. C’est en grande partie grâce à la présence fortuite à Victoria de 2 navires ayant une capacité de lutte contre les incendies de catégorie 1 et à un contrat de sauvetage maritime préexistant qu’une intervention rapide a pu être lancée pour lutter contre l’incendie. Il a été possible de faire appel à des spécialistes de Resolve Marine qui ont été mobilisés sur le lieu de l’événement à partir d’une base américaine située à proximité, ce qui a permis de réduire le délai de mise à disposition des connaissances spécialisées nécessaires à l’intervention. Par conséquent, l’incendie provoqué par des marchandises dangereuses a été contenu sans trop de conséquences. Bien qu’il soit possible d’embaucher des spécialistes en sauvetage et en intervention maritime de façon urgente, un contrat préétabli peut améliorer la rapidité de l’intervention grâce à la disponibilité des renseignements sur le navire et à la planification préalable.

    Contrairement aux États-Unis, le Canada n’exige pas de plans préétablis d’intervention en cas d’incendie ou de sauvetage maritime. Des enquêtes antérieures menées par le BST ont montré que les ports canadiens ne sont pas toujours prêts à lutter contre les incendies à bord des navires. À la suite d’une enquête sur un incendie survenu à bord du vraquier TecumsehRapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M19C0403 du BST., le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant le caractère adéquat des ressources d’intervention en cas d’incendie à bord du navire. À l’extérieur des ports, les possibilités d’intervention en cas d’incendie à bord d’un navire sont encore plus limitées si l’équipe d’incendie à bord ne parvient pas à éteindre le feu.

    En ce qui concerne les événements de pollution, le Canada n’a aucun plan d’intervention en cas de déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), bien qu’il se soit doté d’un plan pour les événements relatifs aux hydrocarbures. Le gouvernement fédéral reconnaît qu’il est nécessaire d’améliorer l’état de préparation aux événements liés aux SNPD et a annoncé son intention d’élaborer un programme d’intervention visant à réduire les effets néfastes d’incidents futurs. À cette fin, Transports Canada (TC) et la Garde côtière canadienne ont commencé à donner suite à une proposition, présentée dans le cadre du Plan de protection des océans, qui vise à créer un système national unique d’intervention en cas d’incident de pollution marine, quelle qu’en soit la source, dans des délais qui réduisent au minimum les répercussions sur la santé humaine et l’environnement. Ce système contribuera à améliorer l’état de préparation de l’industrie maritime face aux événements futurs liés à des SNPD; cependant, il ne sera pas en place avant 2027 au plus tôt.

    En juin 2023, la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada a été modifiée afin de conférer au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre des règlements, sur recommandation du ministre, « concernant les ententes avec des services d’urgence, notamment les bâtiments ou les catégories de bâtiments qui sont assujettis à l’obligation de conclure de telles ententesGouvernement du Canada, Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (modifiée le 22 juin 2023), paragraphe 120(1), alinéa s.1. ». En juin 2024, TC indiquait que l’élaboration de règlements en vertu de cette disposition de la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada était en cours. Ce travail devrait se poursuivre au cours des 4 prochaines années, sous réserve des priorités du gouvernement en matière de réglementation. Dans le cadre de ce travail, TC réalisera des analyses supplémentaires des politiques et des risques, et mènera de vastes consultations auprès des peuples autochtones et autres parties prenantes. Un délai de 4 ans ne dépasse pas la norme pour de nouvelles initiatives de réglementation, mais les lacunes actuelles dans l’état de préparation aux interventions en cas d’urgence maritime persisteront entre-temps.

    2.8 Clinomètre électronique

    Les données des clinomètres électroniques peuvent fournir des renseignements importants sur les mouvements d’un navire. Ces données peuvent aider à la prise de décision en matière de navigation et faciliter les enquêtes sur les accidents. Les clinomètres électroniques enregistrent en continu les angles de roulis ainsi que la date et l’heure auxquelles ils ont été subis, ce qui permet d’établir le moment où des angles de roulis particuliers se sont produits et la période de roulis.

    Au moment de l’événement à l’étude, la réglementation exigeait que le ZIM Kingston soit équipé d’un clinomètre analogique. Ce type de clinomètre n’enregistre que l’angle de roulis maximal atteint par un navire, sans indiquer la date et l’heure de cet événement. Il ne fournit pas non plus de données sur la période de roulis du navire. En juin 2023, l’OMI a modifié la règle 19 du chapitre V de la Convention SOLAS pour rendre obligatoire la présence de clinomètres électroniques à bord des porte-conteneurs et des vraquiers d’une jauge brute de 3000 et plus construits à partir du 1er janvier 2026.

    En l’absence de clinomètre électronique à bord du ZIM Kingston, l’équipe à la passerelle n’avait pas facilement accès à des données relatives à la période de roulis du navire, et le personnel chargé de l’enquête subséquente n’a pas eu accès à des données permettant d’établir la chronologie précise des angles de roulis du navire.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Alors que le ZIM Kingston se trouvait au large, au banc La Pérouse, en attendant un poste d’accostage au port de Vancouver (Colombie-Britannique), il a subi des conditions environnementales qui, conjointement avec les caractéristiques spécifiques du navire lui-même, ont entraîné l’apparition d’un roulis paramétrique.
    2. Le roulis paramétrique a entraîné l’inclinaison du navire de 36° sur bâbord et sur tribord. Les forces générées par ces mouvements extrêmes ont été le facteur déclencheur de la perte de 109 conteneurs à la mer et des dommages causés à d’autres conteneurs qui sont demeurés à bord.
    3. Le propriétaire du navire n’avait pas élaboré de procédures ni fourni d’outils précis pour aider l’équipe à la passerelle du ZIM Kingston à évaluer et à gérer le risque de roulis paramétrique; par conséquent, ce risque n’a pas fait l’objet d’une surveillance efficace, et aucune mesure d’atténuation n’a été mise en place alors que le navire attendait au large.
    4. Une infiltration d’eau dans un conteneur endommagé renfermant de l’amylxanthate de potassium, dans la baie 14, a provoqué une réaction qui a déclenché un incendie à l’intérieur du conteneur, qui s’est ensuite propagé à 5 autres conteneurs situés à proximité.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. S’il n’existe aucune directive exhaustive et à jour à l’intention de l’industrie sur la gestion du roulis paramétrique, il y a un risque que les politiques, les procédures, les outils et la formation des entreprises à cet égard soient incohérents, inefficaces ou totalement absents, ce qui pourrait entraîner de nouvelles pertes de conteneurs et les conséquences négatives qui en découlent pour la sécurité et l’environnement.
    2. Si les capitaines reçoivent des plans de chargement qui ne respectent pas les limites énoncées dans le manuel d’assujettissement de la cargaison du navire et si les capitaines acceptent de prendre le risque de naviguer avec des forces d’arrimage qui dépassent les limites de sécurité, des porte-conteneurs navigueront avec une marge de sécurité réduite pour les protéger contre la perte de conteneurs.
    3. Si le Canada n’est pas préparé à intervenir en cas d’urgence maritime dans les eaux canadiennes, il y a un risque que ces urgences ne soient pas gérées de manière rapide et efficace, ce qui pourrait mettre en danger les navires, leurs équipages, l’environnement, ainsi que la santé et la sécurité des Canadiens.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. Les essais sur modèle menés par le Conseil national de recherches Canada ont permis de constater qu’un roulis paramétrique peut se produire à des hauteurs significatives de vagues d’aussi peu que 2,6 m, soit considérablement moins que celles rencontrées au moment de l’événement à l’étude.
    2. L’intervention à bord lors de l’incendie des conteneurs a été menée de manière efficace, conformément aux lignes directrices de l’industrie et de l’entreprise. Le recours à du personnel spécialisé à terre et à des navires de passage a aidé à limiter l’ampleur de l’incendie.
    3. Grâce au contrat de Danaos avec une entreprise d’intervention en cas d’urgence, le ZIM Kingston a eu accès à des spécialistes qui l’ont guidé tout au long de l’intervention d’urgence et à une équipe de personnel qualifié qui a pu monter à bord du navire pour aider à lutter contre l’incendie.
    4. Le Canada ne s’est doté d’aucun programme visant à surveiller et à évaluer les effets à long terme des conteneurs perdus ou des débris provenant de conteneurs perdus, et les répercussions sur les écosystèmes marins sont peu connues.
    5. Les clinomètres électroniques fournissent davantage de données sur les angles de roulis d’un navire que les clinomètres analogiques et permettent également d’obtenir des données sur sa période de roulis, ce qui les rend plus utiles pour la sécurité de la navigation et les enquêtes sur les accidents. 

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Danaos Shipping Co. Ltd.

    À la suite de l’événement du ZIM Kingston, Danaos Shipping Co. Ltd. (Danaos) a pris les mesures de sécurité suivantes :

    • Le 1er novembre 2021, un élément Oui/Non a été ajouté au rapport de départ pour s’assurer que Danaos est informée lorsqu’un navire prend le large avec des forces d’arrimage excessives.
    • Le 19 novembre 2021, Danaos a publié un bulletin de sécurité à l’intention de tous les capitaines de la flotte. Le bulletin présentait les lignes directrices en matière de chargement et décrivait certains problèmes courants d’arrimage. De plus, le bulletin rappelait aux capitaines qu’ils devaient s’assurer de bien comprendre les exigences propres à chaque navire en matière d’arrimage, telles qu’elles figurent dans le manuel d’assujettissement de la cargaison de chaque navire. Enfin, les capitaines étaient invités à demander des explications aux planificateurs de navires si les plans n’étaient pas conformes au programme de chargement ou aux exigences documentées.

    4.1.2 La Garde côtière canadienne, Transports Canada et l’Administration portuaire Vancouver Fraser

    À l’automne 2022, la Garde côtière canadienne (GCC), Transports Canada (TC) et l’Administration portuaire Vancouver Fraser ont formé un groupe de travail chargé d’examiner et d’atténuer les risques découlant de l’augmentation du nombre de navires en attente au large, en particulier lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises, que peu de postes d’accostage sont disponibles ou que le nombre de postes de mouillage pouvant accueillir les navires en attente au large est limité.

    Ce groupe de travail a élaboré une note de service hebdomadaire, diffusée aux membres du groupe de travail et à d’autres partenaires, résumant les conditions météorologiques, le nombre de navires nécessitant des postes d’accostage, la disponibilité des postes de mouillage et les risques prévus. La GCC mène une initiative destinée à transformer cette note de service en un modèle dynamique d’aide à la prise de décision. Le groupe de travail a également rédigé des lignes directrices pour la communication de ces risques aux capitaines des navires qui sont en attente au large des côtes.

    De plus, lorsque les risques prévus sont élevés, les membres du groupe de travail collaborent pour que les ressources de la GCC soient disponibles et sur un pied d’alerte, pour mettre des postes de mouillage à la disposition des navires qui attendent au large ou pour diriger les navires vers des eaux abritées.

    4.1.3 Pêches et Océans Canada

    Pêches et Océans Canada a émis un avis aux pêcheurs à l’intention de plusieurs pêcheries, indiquant l’emplacement connu de 25 conteneurs sur le fond océanique. Les conteneurs ont également été signalés comme des dangers pour la navigation sur les fonds marins sur la carte du Service hydrographique du Canada pour la zone.

    4.2 Mesures de sécurité à prendre

    Le 21 octobre 2021, le porte-conteneurs ZIM Kingston, avec 21 membres d’équipage à bord, a subi un roulis paramétrique, s’est incliné de 36° et a perdu 109 conteneurs par-dessus bord alors qu’il dérivait au banc La Pérouse, à environ 27 milles marins au sud d’Ucluelet (Colombie-Britannique). Un certain nombre de conteneurs sur le pont ont également été endommagés. Environ 36 heures plus tard, alors que le navire était ancré au large de Victoria (Colombie-Britannique), un incendie s’est déclaré dans un conteneur endommagé qui contenait des marchandises dangereuses. L’incendie s’est ensuite propagé à 5 conteneurs voisins et a brûlé pendant 5 jours avant d’être déclaré éteint. L’un des membres d’équipage a ensuite reçu des soins après avoir inhalé de la fumée.

    En novembre 2021, 4 des conteneurs perdus par-dessus bord ont été récupérés sur les rives du nord de l’île de Vancouver, ainsi que divers débris des conteneurs. En juillet 2023, un relevé sous-marin a permis de localiser 29 autres conteneurs sur le fond océanique à proximité du lieu de l’événement. Des nettoyages de plage en cours ont permis de trouver des débris provenant probablement du ZIM Kingston s’échouant sur de grandes étendues de la ligne de côte de la Colombie-Britannique; des débris ont également été retrouvés aussi loin au nord qu’en Alaska, aux États-Unis.

    L’enquête a mis en évidence des lacunes de sécurité qui ont incité le Bureau à émettre les 2 préoccupations liées à la sécurité suivantes.

    4.2.1 Directives complètes sur la gestion du risque de roulis paramétrique

    Le roulis paramétrique résulte de l’interaction de 2 éléments – les caractéristiques des vagues dans une voie maritime et les caractéristiques de stabilité d’un navire – et entraîne l’apparition soudaine d’angles de roulis extrêmes pour un navire. La gestion du risque de roulis paramétrique est complexe. Non seulement il est difficile de prédire exactement quand un événement de roulis paramétrique se produira, mais une fois que le roulis extrême commence, il peut ne pas être possible d’arrêter les mouvements dangereux avant que des conséquences négatives se produisent, telles que la perte de conteneurs. Voilà pourquoi il faut mettre l’accent sur la surveillance des conditions qui donnent lieu à un roulis paramétrique, de sorte que des mesures préventives puissent être prises en présence de ces conditions. Pour ce faire, les membres de l’équipe à la passerelle doivent avoir accès à des politiques formelles et à des procédures complètes pour gérer le risque de roulis paramétrique. Ils doivent aussi avoir des outils efficaces pour surveiller les nombreuses conditions qui ont une incidence les mouvements de leur navire, pour analyser le risque de roulis paramétrique et pour mettre en œuvre des mesures d’atténuation le cas échéant.

    Après l’événement, une analyse des paramètres pertinents du navire et de l’environnement dans la période précédant l’événement a montré que le ZIM Kingston risquait de développer un roulis paramétrique et que ce risque pouvait être décelé à l’aide de certains documents d’orientation dont dispose généralement l’industrie. Toutefois, les directives disponibles à bord du navire au moment de l’événement ne permettaient pas de cerner le risque. En l’absence de politiques établies et de procédures détaillées à l’appui d’une évaluation du risque lié au roulis paramétrique, le capitaine a dû se fier à ses connaissances et à son expérience pour évaluer la sécurité du navire alors qu’il maintenait un circuit d’attente en pleine mer. Le capitaine avait une compréhension générale des conditions susceptibles de mener au roulis paramétrique et des mesures à prendre si cela se produisait, mais il n’avait jamais été confronté lui-même à un roulis paramétrique et n’avait jamais effectué une évaluation quantitative du risque propre au roulis paramétrique.

    Des enquêtes menées par d’autres organismes sur des événements antérieurs liés au roulis paramétrique mettent en évidence des incohérences et des lacunes similaires en ce qui concerne la formation des membres d’équipages à la passerelle et l’adoption de procédures et d’outils destinés à les aider à gérer le risque de roulis paramétrique. Bien qu’il existe un grand nombre de ressources disponibles qui ciblent divers publics et présentent différentes directives pour l’évaluation du risque de roulis paramétrique, aucune de ces ressources ne fournit de directives complètes pour aider les propriétaires de navire, les affréteurs et les équipes à la passerelle à gérer efficacement le risque de roulis paramétrique.

    Des directives complètes sur le roulis paramétrique devraient être présentées d’une manière accessible et compréhensible. Elles devraient aider les membres de l’équipe à la passerelle à se servir concrètement de ces renseignements, en fournissant des indications précises sur le moment où il convient de procéder à l’évaluation du risque, sur la façon de le faire, sur les résultats qui représentent un risque inacceptable et sur les mesures d’atténuation qui devraient être envisagées. Ces directives devraient aborder la nécessité pour les équipes à la passerelle de disposer d’outils efficaces pour gérer le risque de roulis paramétrique et de comprendre les mérites et les limites de ces outils. Elles devraient par ailleurs aborder la nécessité de dispenser une formation pour que les politiques, les procédures et les outils puissent être pleinement utilisés par l’équipage des navires. Enfin, des directives complètes devraient aborder la nécessité de politiques et de procédures de l’entreprise qui favorisent une compréhension commune du risque lié au roulis paramétrique par toutes les parties concernées (propriétaires, affréteurs, membres d’équipage à la passerelle) et qui garantissent que les membres de l’équipe à la passerelle reçoivent le soutien dont ils ont besoin pour prendre des décisions en matière de sécurité.

    L’Organisation maritime internationale (OMI) est généralement reconnue comme l’organisme international le mieux placé pour élaborer et diffuser des directives complètes à l’intention de l’industrie maritime; toutefois, sa circulaireOrganisation maritime internationale, MSC.1/Circ. 1228, Directives révisées destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses lorsque les conditions météorologiques et l’état de la mer sont défavorables (11 janvier 2007). traitant du risque de roulis paramétrique n’a pas été mise à jour depuis plus de 17 ans et l’enquête a permis d’y relever plusieurs lacunes. Par exemple, la circulaire ne présente que des directives opérationnelles minimes sur le roulis paramétrique, et elle n’offre aucune directive en ce qui concerne les politiques, les procédures, la formation, les outils ou les services liés à la gestion des risques associés au roulis paramétrique. De plus, la circulaire caractérise le roulis paramétrique comme un phénomène de gros temps, alors que les essais sur modèle du ZIM Kingston ont révélé qu’il pouvait se développer dans des hauteurs significatives de vaguesMaersk A/S, « P825 – Navigation in adverse weather », cité dans Danish Maritime Accident Investigation Board, « Maersk Essen: Marine Accident Report on Loss of Cargo, 16 January 2021 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8489/maersk-essen-loss-of-cargo-on-16-january-2021.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), p. 36. d’aussi peu que 2,6 m.

    L’OMI a publié récemment ses Directives intérimaires relatives à la deuxième génération de critères de stabilité à l’état intact, qui feront en sorte de réduire au minimum le risque de roulis paramétrique et offriront une approche cohérente pour aborder ce risque dans l’ensemble de l’industrie internationale du transport maritime. Toutefois, le calendrier d’intégration de ces directives au Recueil international de règles de stabilité à l’état intact, 2008 est incertain, et on ne sait pas clairement si les directives s’appliqueront aux navires existants. Les directives n’abordent pas non plus la question de la formation de l’équipage dans ce domaine. De même, on ne sait pas, au moment de la rédaction du présent rapport, si les travaux du Sous-comité du transport des cargaisons et des conteneurs de l’OMI aborderont les enjeux relevés dans le cadre de la présente enquête.

    Le Bureau craint qu’en l’absence de directives complètes et à jour à l’intention de l’industrie sur la gestion du roulis paramétrique, il y a un risque que les politiques, les procédures, les outils et la formation des entreprises à cet égard soient incohérents, inefficaces ou totalement absents, ce qui pourrait entraîner de nouvelles pertes de conteneurs et les conséquences négatives qui en découlent pour la sécurité et l’environnement.

    4.2.2 L’état de préparation du Canada en cas d’urgence maritime

    Sur les navires commerciaux, les équipages sont formés et équipés pour gérer de nombreuses urgences maritimes avec les ressources à bord. Cependant, une urgence peut vite en devenir une où des ressources externes sont nécessaires. L’événement touchant le ZIM Kingston a mis en évidence certains des défis que pose l’intervention en cas d’urgence maritime dans les eaux canadiennes. Il a également soulevé des questions sur la disponibilité et la capacité des ressources canadiennes de mener de telles interventions.

    Après que l’incendie se fut déclaré sur le ZIM Kingston, c’est en grande partie grâce à des circonstances fortuites qu’une intervention rapide et efficace, avec le concours de ressources extérieures, a pu être mise en œuvre. Comme l’exige la législation américaine, le ZIM Kingston avait un contrat préexistant avec une compagnie américaine d’intervention en cas d’urgence, qui a dépêché des spécialistes sur le lieu de l’événement. Deux navires battant pavillon étranger et équipés de systèmes de lutte contre les incendies de catégorie 1, qui se trouvaient par hasard à Victoria, ont aussi pu être engagés par la compagnie d’intervention en cas d’urgence. Cependant, ces circonstances pourraient ne pas être présentes lors d’événements futurs, ce qui met en évidence la nécessité d’examiner attentivement l’état de préparation du Canada aux urgences maritimes. Le Canada n’exige pas de plans convenus à l’avance pour l’intervention en cas d’incendie ou le sauvetage maritime, au contraire des États-Unis. De plus, la GCC ne participe pas directement aux activités de lutte contre les incendies maritimes dans le cadre de l’intervention en cas d’incident, et elle ne dispose pas non plus de capacités de lutte contre les incendies qui lui permettraient d’intervenir directement en cas d’incendie sur un navire.

    Le contrat préexistant d’intervention en cas d’urgence que possédait l’exploitant du navire a été un facteur déterminant dans le succès de la lutte contre l’incendie. Bien que des spécialistes des interventions d’urgence puissent être embauchés d’urgence, un contrat préexistant peut améliorer la rapidité de l’intervention, car les renseignements sur le navire peuvent être communiqués à l’avance aux spécialistes de l’intervention, ce qui permet de préparer un plan d’intervention à l’avance.

    Bien que cet événement ait eu lieu dans un mouillage à l’extérieur du port de Vancouver, des enquêtes antérieures du BST ont aussi démontré que l’état de préparation soulève des préoccupations lorsque des incendies à bord de navires se produisent dans des ports canadiens. À la suite d’une enquête sur un incendie survenu à bord du vraquier Tecumseh, dans le port de WindsorConvention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (Convention SOLAS) (1974, dernière modification en 2020), chapitre 6, règle 5; et chapitre 7, règle 6., le Bureau a émis une préoccupation liée à la sécurité concernant la suffisance des ressources disponibles dans les ports canadiens pour intervenir en cas d’incendie à bord d’un navire. À l’extérieur des ports, les possibilités d’intervention en cas d’incendie à bord d’un navire sont encore plus limitées si l’équipe d’incendie à bord ne parvient pas à éteindre le feu.

    L’état de préparation du Canada face à d’autres urgences maritimes, comme des événements de déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD), est aussi source de préoccupation. En ce qui concerne les événements de pollution, le Canada n’a aucun plan d’intervention en cas de déversement de SNPD, bien qu’il se soit doté d’un plan pour les événements relatifs aux hydrocarbures. Le gouvernement fédéral a reconnu la nécessité d’améliorer l’état de préparation face aux événements concernant des SNPD. Il a annoncé son intention de mettre en place un système national unique permettant d’intervenir en cas d’incident de pollution marine, quelle qu’en soit la source, dans des délais qui réduisent au minimum les répercussions sur la santé humaine et l’environnement. De plus, TC a proposé de prendre des règlements destinés à renforcer les exigences en matière de préparation applicables à l’industrie, par exemple, en exigeant que les navires prennent des dispositions prévoyant des services de lutte contre les incendies et de sauvetage, et en disposant d’un spécialiste de l’intervention qui pourrait travailler avec les ministères fédéraux et d’autres partenaires pour gérer tout incident.

    Le présent événement, comme de nombreux autres, a montré que si la GCC a la capacité d’évacuer des membres d’équipage qui sont blessés ou en danger, il existe des lacunes systémiques dans d’autres aspects des interventions en cas d’urgences à bord de navires. Bien que TC propose les changements susmentionnés pour remédier à ces lacunes, dans la pratique, la seule mesure concrète qui ait été prise jusqu’à présent est la modification de 2023 à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada qui donne au gouverneur en conseil la possibilité d’adopter des règlements concernant les dispositions d’urgence. En juin 2024, TC indiquait que selon les prévisions, l’élaboration de tels règlements se poursuivra encore 4 ans, sous réserve des priorités du gouvernement en matière de réglementation.

    Dans l’intervalle, le Bureau se préoccupe du fait qu’il y a des lacunes dans l’état de préparation du Canada relativement aux urgences maritimes qui dépassent la capacité d’intervention de l’équipage d’un navire, ce qui présente un risque pour les navires, pour l’environnement, ainsi que pour la santé et la sécurité du grand public.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 26 juin 2024. Le rapport a été officiellement publié le 31 juillet 2024.  

    Annexes

    Annexe A – Liste des marchandises dangereuses à bord du ZIM Kingston

    Tableau A1. Liste des marchandises dangereuses à bord du ZIM Kingston. Les marchandises dangereuses qui sont tombées par-dessus bord lors de la perte de conteneurs sont surlignées en jaune, et les marchandises dangereuses qui ont pris feu ultérieurement sont surlignées en rouge.

    Marchandises dangereuses

    (énumérées par désignation officielle de transport)

    Position d’arrimage (baie, rangée, niveau)

    Poids (kg)

    protoxyde d’azote, liquide réfrigéré

    baie 01, rangée 09, niveau 84

    8200,000

    protoxyde d’azote, liquide réfrigéré

    010986

    550,000

    protoxyde d’azote, liquide réfrigéré

    010988

    630,000

    piles au lithium ionique (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    050782

    9513,000

    véhicule mû par accumulateurs ou appareil mû par accumulateurs

    060112

    8981,500

    véhicule mû par accumulateurs ou appareil mû par accumulateurs

    060314

    9200,000

    protoxyde d’azote

    060314

    25 076,800

    piles au lithium ionique (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    060582

    18 000,000

    véhicule mû par accumulateurs ou appareil mû par accumulateurs

    060784

    7390,800

    piles au lithium ionique (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    060784

    1173,000

    briquets ou recharges pour briquet contenant un gaz inflammable

    061084

    13 694,100

    briquets ou recharges pour briquet contenant un gaz inflammable

    061086

    9235,800

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    130710

    24 000,000

    dioxyde de thio-urée

    130782

    18 000,000

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    130810

    24 494,400

    hydroxyde de sodium solide

    130912

    20 000,000

    xanthates

    140382

    23 800,000

    xanthates

    140384

    23 800,000

    xanthates

    140582

    23 800,000

    xanthates

    140584

    23 800,000

    produits pour parfumerie contenant des solvants inflammables

    150682

    365,400

    piles au lithium ionique (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    150682

    527,250

    piles au lithium ionique (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    150682

    528,000

    piles au lithium ionique contenues dans un équipement ou piles au lithium ionique emballées avec un équipement (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    150682

    4000,000

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    150708

    24 494,400

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    150710

    24 000,000

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    150808

    24 494,400

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    150810

    24 494,400

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    150912

    24 000,000

    matière dangereuse du point de vue de l’environnement, solide, non spécifié ailleurs

    151012

    24 494,400

    résine en solution, inflammable

    170810

    16 000,000

    cyclohexylamine

    170908

    14 000,000

    résine en solution, inflammable

    171010

    16 000,000

    piles au lithium ionique (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    180382

    11 760,000

    piles au lithium ionique contenues dans un équipement ou piles au lithium ionique emballées avec un équipement (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    180386

    5145,600

    piles au lithium ionique contenues dans un équipement ou piles au lithium ionique emballées avec un équipement (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    180486

    5145,600

    acide sulfurique ne contenant pas plus de 51 % d’acide ou électrolyte acide pour accumulateurs

    180584

    13,150

    acide sulfurique ne contenant pas plus de 51 % d’acide ou électrolyte acide pour accumulateurs

    180586

    13,150

    acide sulfurique ne contenant pas plus de 51 % d’acide ou électrolyte acide pour accumulateurs

    180588

    13,150

    piles au lithium ionique contenues dans un équipement ou piles au lithium ionique emballées avec un équipement (y compris les piles au lithium ionique à membrane polymère)

    180686

    5145,600

    véhicule mû par accumulateurs ou appareil mû par accumulateurs

    180884

    609,840

    véhicule mû par accumulateurs ou appareil mû par accumulateurs

    180886

    609,840

    véhicule mû par accumulateurs ou appareil mû par accumulateurs

    180888

    609,840

    polymères expansibles en granulés dégageant des vapeurs inflammables

    180982

    25 500,000

    polymères expansibles en granulés dégageant des vapeurs inflammables

    180984

    25 500,000

    polymères expansibles en granulés dégageant des vapeurs inflammables

    181082

    25 500,000

    polymères expansibles en granulés dégageant des vapeurs inflammables

    181084

    25 500,000

    cyclohexylamine

    190708

    14 000,000

    acide sulfamique

    190806

    25 000,000

    résine en solution, inflammable

    191010

    16 000,000

    liquide inorganique corrosif, acide, non spécifié ailleurs

    251006

    22 500,000

    liquide inorganique corrosif, acide, non spécifié ailleurs

    251008

    22 500,000

    hydroxyde de sodium solide

    471006

    20 000,000

    -

    -

    741 803,420

    Source : ZIM Integrated Shipping Services

    Annexe B – Organigramme tiré de l’avis aux navigateurs du projet TopTier pour déterminer le risque de roulis paramétrique dans les mers de l’arrière

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    Annexe B – Organigramme tiré de l’avis aux navigateurs du projet TopTier pour déterminer le risque de roulis paramétrique dans les mers de l’arrière

    Source : Maritime Research Institute Netherlands, « Notice to Mariners: Beware of parametric rolling in following seas ». 

    Annexe C – Exemple de résultat obtenu avec l’estimateur du risque de roulis du projet TopTier

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    Annexe C – Exemple de résultat obtenu avec l’estimateur du risque de roulis du projet TopTier

    Source : Maritime Research Institute Netherlands, « Roll Risk Estimator V1.3 ».

    Annexe D – Plan de dérive transmis au ZIM Kingston par Weathernews Inc.

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    Annexe D – Plan de dérive transmis au ZIM Kingston par Weathernews Inc.
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    Appendix D – Drifting plan issued to the ZIM Kingston by Weathernews Inc.

    Source : Weathernews Inc. 

    Annexe E – Événements de perte de conteneurs liés au roulis paramétrique

    À l’échelle internationale, plusieurs autres enquêtes ont été menées sur des événements de perte de conteneurs liés au roulis paramétrique, notamment par le Danish Maritime Accident Investigation Board (DMAIB), la Marine Accident Investigation Branch (MAIB) du Royaume-Uni et le Japan Transport Safety Board (JTSB).

    Maersk Essen

    Le 16 janvier 2021, le porte-conteneurs Maersk Essen, battant pavillon danois, a perdu 689 conteneurs à la mer alors qu’il faisait route de Xiamen (Chine) vers Los Angeles (États-Unis). La perte des conteneurs est attribuable à un fort roulis qui s’est produit à environ 450 milles marins au nord d’Hawaï (États-Unis). L’enquête du DMAIB a conclu que le Maersk Essen a très probablement subi une résonance paramétrique dans une mer oblique bâbord, possiblement conjuguée à une perte pure de stabilité sur la crête d’une vague.

    Même si l’équipage du navire avait une certaine connaissance de la façon d’arrêter le fort mouvement de roulis causé par la résonance paramétrique et même s’il avait reçu une formation à bord sur le roulis paramétrique, le DMAIB a constaté l’absence de renseignements fiables ou d’outils facilement accessibles à bord pour calculer et surveiller le risque de roulis paramétriqueDanish Maritime Accident Investigation Board, « Maersk Essen: Marine Accident Report on Loss of Cargo, 16 January 2021 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8489/maersk-essen-loss-of-cargo-on-16-january-2021.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), p. 41..

    Le DMAIB a également relevé que la seule mention de roulis paramétrique dans le système de gestion de la sécurité du navire se trouvait dans une procédure de navigation par mauvais temps. Dans cette procédure, le roulis paramétrique était décrit comme un [traduction] « phénomène bien connu, qui se produit lorsque la fréquence de rencontre correspond au double de la fréquence de roulis propre au navire et que la longueur d’onde dépasse 0,8 fois la longueur du navireMaersk A/S, « P825 – Navigation in adverse weather », cité dans Danish Maritime Accident Investigation Board, « Maersk Essen: Marine Accident Report on Loss of Cargo, 16 January 2021 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8489/maersk-essen-loss-of-cargo-on-16-january-2021.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), p. 36. ». On conseillait à l’équipage d’atténuer le roulis paramétrique en changeant de cap ou de vitesse, ce qui signifie que la procédure guidait l’équipage sur la façon de réagir seulement après le début du phénomèneDanish Maritime Accident Investigation Board, « Maersk Essen: Marine Accident Report on Loss of Cargo, 16 January 2021 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8489/maersk-essen-loss-of-cargo-on-16-january-2021.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), p. 36.. La procédure renvoyait à un module de formation à bord pour obtenir une orientation supplémentaire, mais ni le module de formation ni la procédure ne faisaient référence à des méthodes ou à des outils permettant de prédire le risque de roulis paramétrique ni ne précisaient comment déterminer la relation entre la période de roulis du navire et la période de rencontre des vagues. Par conséquent, l’équipage ne pouvait pas utiliser la procédure pour surveiller le risque de roulis paramétriqueIbid., p. 36..

    À la suite de l’accident, Weathernews Inc. (WNI), qui avait fourni des services de routage météorologique pour le navire, a préparé un rapport sur l’événement. Le rapport indiquait que WNI disposait d’une solution logicielle capable de prévoir le risque de mouvement qui pourrait être utilisée pour le roulis paramétrique. Le logiciel de WNI est entièrement basé sur la circulaire de 2007 de l’Organisation maritime internationale (OMI) (MSC.1/Circ. 1228). Le rapport de WNI a conclu que son logiciel avait déterminé que le risque de roulis paramétrique était élevé pendant la traversée océanique du navireIbid., p. 40.. On ne sait pas si l’analyse du risque contenue dans le rapport a été effectuée pendant le voyage ou en réponse à l’événement. Toutefois, les communications transmises au Maersk Essen par WNI durant le voyage ne contenaient aucune information précise sur le risque de roulis paramétriqueIbid., p. 40..

    Le rapport du DMAIB comprend une comparaison d’une variété d’outils qui peuvent être utilisés pour détecter le risque de roulis paramétrique :

    • une feuille de calcul Excel fournie par Maersk A/S après l’événement;
    • la MSC.1/Circ. 1228 de l’OMI;
    • le module de tenue en mer du système d’optimisation des performances des navires (SPOS) qui était utilisé sur certains navires de Maersk A/S, mais pas sur le Maersk Essen;
    • la prévision du risque de mouvement établie par WNI.

    Le DMAIB a constaté que tous ces outils détectent le risque de roulis paramétrique à partir de l’examen de l’état de la mer par rapport à la stabilité du navire [traduction] :

    Ils diffèrent par le niveau de détail et l’exactitude des renseignements propres au navire et des définitions du seuil de risque, mais ont en commun l’incertitude inhérente aux prévisions et aux données observées. Bien que certains des outils aient des données plus détaillées propres au navire et soient mieux intégrés aux procédures opérationnelles et aux logiciels du navire, ils sont toujours sujets à l’incertitude quant à l’exactitude des données sur les vagues et aux variations localesIbid., p. 36..

    Le rapport indiquait également que même si la MSC.1/Circ. 1228 de l’OMI [traduction] « transmet des connaissances à utiliser lors de l’élaboration de procédures opérationnelles, il ne s’agit pas d’un outil opérationnel en soiIbid., p. 38. ».

    Enfin, le DMAIB encourageait les entreprises et les autorités à explorer et à mettre à l’essai des options permettant de prédire le roulis paramétrique en se basant sur les conditions en temps réel plutôt que sur des prévisionsIbid., p. 66..

    ONE Apus

    Le 30 novembre 2020 vers minuit et le 1er décembre 2020 aux premières heures, le porte-conteneurs ONE Apus, battant pavillon japonais, a subi un fort roulis alors qu’il naviguait par gros temps au large de la côte nord-ouest de l’île de Niihau, à Hawaï, aux États-Unis. Les 2 cas de fort roulis se sont produits à environ 90 minutes d’intervalle : le 1er cas comprenait un roulis d’environ 20° et le 2e, des angles de roulis de 25° ou plus. Au total, 1841 conteneurs ont été perdus par-dessus bord et 983 autres ont été endommagés.

    L’enquête du JTSB a conclu que les mouvements de roulis subis par le navire étaient fort probablement différents des mouvements normaux de la coque et que le navire était exploité dans des conditions qui le rendaient vulnérable au roulis paramétriqueJapan Transport Safety Board, « Marine Accident Investigation Report, Container Ship ONE APUS, 2020 », à l’adresse https://www.mlit.go.jp/jtsb/eng-mar_report/2024/2022tk0001e.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), p. 39.. Le JTSB a aussi conclu que le roulis avait causé les dommages aux conteneurs et à leurs dispositifs d’arrimage, ainsi que la perte de conteneurs par-dessus bord qui en avait résulté.

    Le navire avait reçu un tableau de référence intitulé « Guidelines To Master For Avoiding Heavy Weather Damage ». Le tableau indiquait les directions de rencontre des vagues et d’autres conditions qui présenteraient un risque pour un porte-conteneurs type de 289 m de long (le ONE Apus mesurait environ 364 m de long). Le tableau précisait que les renseignements n’étaient qu’une ligne directrice, car les réactions réelles du navire aux vagues varient en fonction du déplacement, de la stabilité et du chargement du navire. Le tableau faisait également référence aux directives de la circulaire MSC.1/Circ. 1228 de l’OMI. Le tableau indiquait que le roulis paramétrique constituait un risque lorsque les vagues s’approchaient du navire entre 30° et 60° de la poupe, de bâbord ou de tribord. Il indiquait aussi une stipulation que si l’angle de roulis du navire dépassait 20°, le navire devait changer de cap. Même si le tableau était utilisé sur les navires de la compagnie depuis un certain temps, aucune formation spéciale n’avait été dispensée pour faire face au roulis paramétrique.

    Pendant la période de fort roulis, le capitaine a fait des changements de cap et de vitesse du navire de manière à ce que la houle s’approche du navire plus près de l’arrière bâbord, hors de la zone de danger indiquée par le tableau de référence. Cependant, il n’a pas été en mesure d’évaluer correctement la direction de la houle dans l’obscurité, de sorte que ces changements ont été inefficaces et que le navire a poursuivi sa route dans des conditions propices au roulis paramétrique.

    Le JTSB a conclu que la préparation d’une orientation opérationnelle et d’une formation à l’intention des équipages sur l’application de cette orientation permettrait d’éviter que de tels événements se reproduisent. De plus, le JTSB a noté que l’industrie des porte-conteneurs bénéficierait de la mise au point d’un système capable de détecter les signes de roulis paramétrique et d’alerter les équipages afin que des mesures d’atténuation puissent être prises sans tarder.

    CMA CGM G. Washington

    Le 20 janvier 2018, le porte-conteneurs CMA CGM G. Washington, battant pavillon du Royaume-Uni, a perdu 137 conteneurs, et 85 autres ont été endommagés lors d’un roulis inattendu de 20° sur bâbord et sur tribord dans une grosse mer de l’océan Pacifique Nord alors qu’il faisait route de Xiamen (Chine) à Los Angeles (États-Unis). L’enquête de la MAIB a permis de conclure que le roulis paramétrique était presque certainement à l’origine de la perte des conteneurs.

    Le navire était équipé d’un outil électronique de surveillance des mouvements, de prévision et d’aide à la décision appelé Octopus-Onboard, mis au point par le groupe ABB. Le logiciel combinait les données relatives à la navigation et à la stabilité du navire avec les prévisions météorologiques et les mesures de mouvement du navire fournies par des capteurs embarqués. Les données étaient utilisées pour produire une gamme de résultats conçus pour aider l’équipage à prendre des décisions en matière de tenue en mer et de routageMarine Accident Investigation Branch (Royaume-Uni), « Report on the investigation into the loss of 137 containers from the container ship CMA CGM G. Washington in the North Pacific Ocean on 20 January 2018 », à l’adresse https://assets.publishing.service.gov.uk/media/5e1dc891ed915d7c7c397896/2020-2-CMACGMGWashington.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), section 1.3.7, paragraphe 1.. Par exemple, un diagramme polaire [traduction] « affichait les prévisions météorologiques dans un format qui permettait au capitaine et à l’équipe à la passerelle de choisir le meilleur cap et la meilleure vitesse pour éviter tout mouvement excessif du navireIbid., section 1.3.7, paragraphe 2. ». Il mettait notamment en évidence les zones où le navire pourrait rencontrer des phénomènes dangereux (tels que ceux décrits dans la MSC.1/Circ. 1228 de l’OMI), à savoir les groupes de vagues fortes, les vagues déferlantes, la tombée en travers, le roulis paramétrique et le roulis synchroneIbid., section 1.3.7, paragraphe 2.. Des traces temporelles étaient également produites et fournissaient [traduction] « des représentations graphiques des renseignements en temps réel provenant des capteurs embarqués concernant le tangage et le roulis et, à partir de ces données, des calculs de la probabilité historique d’un roulis paramétriqueIbid., section 1.3.7, paragraphe 6. ».

    Le système Octopus-Onboard permettait également aux utilisateurs de définir des limites de réponse pour une variété de critères, notamment le tangage et le roulis, le claquement, les zones de résonance, l’emballement de l’hélice, l’eau sur le pont et le moment de flexion. Cependant, aucune limite de réponse n’avait été fixée dans le système Octopus-Onboard du CMA CGM G. WashingtonIbid., section 1.3.7, paragraphe 3..

    Les données de trace temporelle du système Octopus-Onboard à bord du CMA CGM G. Washington ont montré qu’il y avait eu un risque de roulis paramétrique de 100 % en soirée la veille de l’événement et au moment des 2 roulis de 20°Ibid., section 1.8.2, paragraphe 4.. Cependant, le capitaine et les officiers de quart à la passerelle avaient concentré leur attention sur le diagramme polaire du système Octopus-Onboard et avaient négligé de consulter les données de trace temporelleIbid., section 2.5, paragraphe 2.. L’enquête a permis de constater que [traduction] :

    le capitaine et l’équipe à la passerelle n’ont pas utilisé le système Octopus-Onboard de manière efficace parce qu’ils ne comprenaient pas toutes ses fonctionnalités. Si les données de trace temporelle du système Octopus-Onboard avaient fait l’objet d’une surveillance, il est fort probable que le capitaine aurait pris des mesures supplémentaires pour réduire le risque de roulis paramétriqueIbid., section 2.5, paragraphe 4..

    Svendborg Maersk

    Le 13 février 2014, le porte-conteneurs Svendborg Maersk, battant pavillon danois, a affronté du gros temps et a été soumis à 2 reprises à des angles de roulis soudains et extrêmes (jusqu’à 41°), qui ont entraîné à chaque fois la perte de conteneurs. À ce moment-là, le navire parti de Rotterdam (Pays-Bas) traversait la partie nord du golfe de Gascogne.

    L’enquête du DMAIB n’a pas permis d’établir si les mouvements extrêmes de roulis étaient le résultat d’un roulis paramétrique, et l’équipage n’a pas déterminé si un tel roulis s’était produitDanish Maritime Accident Investigation Board, « Svendborg Maersk: Heavy Weather Damage on 14 February 2014 », à l’adresse https://dmaib.com/media/8621/svendborg-maersk-heavy-weather-damage-on-14-february-2014.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), p. 26 et 28.. Bien que le navire ait été équipé d’un SPOS doté d’un module de tenue en mer permettant de prévoir les mouvements de roulis du navire au cours d’un voyage et d’émettre des avertissements relatifs à des risques tels que le roulis paramétrique en fonction des données propres au navire, le module de tenue en mer n’avait pas été installé à bord au moment de l’événementIbid., p. 22..

    Néanmoins, le rapport d’enquête qui a suivi a soulevé des préoccupations quant aux procédures mises en place par l’entreprise pour appuyer la prise de décision dans des conditions météorologiques difficiles. Plus précisément, le système de gestion de la sécurité (SGS) demandait aux capitaines de faire appel à des services de routage météorologique d’une source supplémentaire (le Danish Meteorological Institute) en guise de 2e avis lorsque les méthodes habituelles s’avéraient insuffisantesIbid., p. 23.. Toutefois, lors de la planification du voyage, le capitaine a utilisé les renseignements qui étaient facilement accessibles et n’avait aucune raison de demander un soutien supplémentaire en matière de routage météorologique. Au moment de l’événement, les conditions des vagues étaient nettement plus mauvaises que prévu, mais la procédure du SGS offrait peu de soutien opérationnel lors de la préparation du voyage, car elle comptait sur l’expérience personnelle du capitaine et contenait peu d’indications sur ce qu’il fallait faire à différents moments.

    La procédure de navigation par mauvais temps indiquait que le roulis paramétrique et/ou synchrone devait être pris en compte; toutefois, le rapport d’enquête a souligné que la procédure était principalement axée sur la description de ces types de roulis et offrait peu d’aide sur la manière de les éviter dans la pratique.

    De 2001 à 2003, les capitaines de l’entreprise avaient suivi un cours sur la prévention des avaries par gros temps qui portait sur les principes du roulis paramétrique, les précautions à prendre pour s’en prémunir et les mesures à prendre pour y réagir. Le contenu du cours était disponible sur CD dans la bibliothèque de formation du navire afin que l’équipage puisse en prendre connaissance, mais il n’avait pas fait l’objet d’une grande attention, car [traduction] « le roulis paramétrique n’avait pas été désigné comme une cause d’incidents ou d’accidents depuis plusieurs années ». Par conséquent, les membres d’équipage connaissaient peu le CD et son contenuIbid., p. 23..

    Enfin, dans son rapport d’enquête, le DMAIB a prévenu que [traduction]

    les objectifs commerciaux liés aux activités des navires ne favoriseront pas une approche prudente de la planification du voyage et de toute décision de poursuivre le voyage par mauvais temps, qui serait ultérieurement remise en question si d’autres navires parvenaient à traverser la zone de mauvais temps en toute sécurité. Ces objectifs auront une influence sur la prise de décision du capitaineIbid., p. 27..

    P&O Nedlloyd Genoa

    En janvier 2006, le porte-conteneurs P&O Nedlloyd Genoa, battant pavillon du Royaume-Uni, a rencontré du gros temps et a subi l’effondrement d’une pile de conteneurs, entraînant la perte de 27 conteneurs de 40 pieds, alors qu’il faisait route vers l’ouest dans l’Atlantique Nord. L’enquête de la MAIB a permis de conclure que les accélérations provoquées par un roulis excessif, combinées à des écarts dans la répartition du poids, ont probablement entraîné l’effondrement progressif de la pile de conteneursMarine Accident Investigation Branch (Royaume-Uni), « Report on the investigation of the loss of cargo containers overboard from P&O Nedlloyd Genoa, North Atlantic Ocean, 27 January 2006 », à l’adresse https://assets.publishing.service.gov.uk/media/547c7073ed915d4c10000091/Nedlloyd_Genoa.pdf (dernière consultation le 3 juin 2024), sections 2.4 et 2.6.2..

    Avant l’effondrement, le navire roulait et tanguait fortement dans une houle d’une hauteur de 5 à 6 m. Le capitaine était conscient des dangers liés au roulis paramétrique et synchrone; toutefois, sa principale préoccupation était d’éviter de se diriger vers de grosses vagues de houle, qui pourraient entraîner un claquementIbid., section 2.7.1, paragraphe 1.. Lorsque l’amplitude du roulis a augmenté en raison de la dégradation des conditions météorologiques (des angles de roulis de 25° à 30° ont été signalés), le navire a adopté une trajectoire qui plaçait davantage la proue face à la houle et a réduit sa vitesse pour éviter le claquement. Du lest liquide a également été chargé dans le double-fond du navire, ce qui a augmenté la hauteur métacentrique du navireIbid., section 2.7.1, paragraphe 2..

    L’enquête a permis de conclure qu’en présence de vagues de houle d’une longueur semblable à celle du navire, ces mesures ont fait que la période de rencontre des vagues se rapproche de la moitié de la période de roulis naturel du navireIbid., section 2.7.1, paragraphes 2, 3 et 4.. Bien que l’état de la mer ne semble pas avoir été suffisamment stable pour provoquer un roulis paramétrique, les mesures prises pour contrer le claquement ont créé les conditions préalables à un roulis paramétrique – ce qui aurait pu être évité si des conseils adaptés au navire étaient fournis sur cette question.

    Cette enquête a également permis d’établir que [traduction] :

    une connaissance des circonstances et des conditions qui conduisent au roulis paramétrique et des mesures préventives à prendre constitue une condition préalable essentielle à laquelle doivent satisfaire les officiers de pont servant sur des porte-conteneurs sensibles au roulis paramétriqueIbid., section 3.1, point 13..

    À la suite de son enquête, la MAIB a recommandé que l’exploitant du navire procède à une évaluation du risque concernant la vulnérabilité de ses navires au roulis paramétrique et qu’il mette en œuvre des mesures de contrôle en cas de risque important. L’une des mesures de contrôle consistait à fournir aux capitaines des directives propres au navire pour leur indiquer les situations dans lesquelles un roulis paramétrique est susceptible de se produire, ainsi que des instructions sur la façon d’éviter qu’il se produiseIbid., section 5, point 2006/196.. De plus, il a été recommandé que la Maritime and Coastguard Agency entreprenne des consultations dans le but d’inclure des données de roulis paramétrique propres au navire dans les renseignements sur la stabilité du navire à l’intention de son équipageIbid., section 5, point 2006/199..

    APL China

    Les premières observations concernant la résonance paramétrique sur les navires ont été réalisées par William Froude dans les années 1860, et le roulis induit de façon paramétrique intéresse la communauté de la recherche marine depuis le début des années 1950. Toutefois, il a fallu attendre un rapport sur l’événement survenu à bord du porte-conteneurs APL China en 1998, qui a entraîné une perte importante de conteneurs, pour que la résonance du roulis paramétrique devienne une priorité parmi les phénomènes liés à la stabilitéR. Galeazzi, M. Blanke et N. Kjølstad, « Early Detection of Parametric Roll Resonance on Container Ships », IEEE Transactions on Control Systems Technology, vol. 21, no 2 (mars 2013), p. 489 à 503..

    En octobre 1998, l’APL China a rencontré des conditions météorologiques extrêmes dans le Pacifique Nord et a été soumis à des mouvements violents inattendus, y compris des roulis de 35° à 40° accompagnés d’un tangage extrême. L’ampleur des dommages a été considérable : environ les ⅔ des 1300 conteneurs arrimés sur le pont ont été endommagés ou perdusW. N. France, M. Levadou, T. W. Treakle et al., « An Investigation of Head-Sea Parametric Rolling and its Influence on Container Lashing Systems », Marine Technology and SNAME News, vol. 40, no 1 (1er janvier 2003), p. 1 à 19. Cette étude rend compte d’une enquête sur un événement concernant le navire APL China qui est survenu en octobre 1998.. Les mouvements du navire au cours de cette tempête ont été étudiés à l’aide d’une série d’essais sur modèle et d’analyses numériques, qui ont confirmé que le navire avait probablement été soumis à un roulis paramétrique par mer de l’avant, ce qui, jusqu’alors, n’avait pas été considéré comme un problème pratique; en effet, le roulis paramétrique était jugé plus important dans les mers de l’arrière.

    On a constaté que les navires dont l’arrière à tableau est plat et dont la proue est fortement évasée sont plus sujets au roulis paramétrique en raison des variations importantes de stabilité auxquelles ces navires sont soumis dans les mers de l’avant et quasi de l’avant. Par ailleurs, le roulis paramétrique entraîne des charges sur les piles de conteneurs en pontée et leurs systèmes d’arrimage qui dépassent largement les valeurs calculées à partir des lignes directrices de la société de classification ou prédites par l’analyse linéaire de la tenue en mer.

    Le rapport mettait en évidence la nécessité de sensibiliser les propriétaires, les exploitants et les membres d’équipage des navires au phénomène du roulis paramétrique par mer de l’avant et de définir des combinaisons sûres ou dangereuses de cap et de vitesse pour diverses combinaisons d’état de la mer et de chargement, puis de les présenter au capitaine. Enfin, le rapport recommandait à l’OMI d’améliorer la MSC circulaire 707, Directives destinées à permettre au capitaine d’éviter les situations dangereuses par mer de l’arrière et par mer oblique, afin d’y inclure des lignes directrices pour l’exploitation des navires qui sont susceptibles au roulis paramétrique par mer de l’avantIbid., p. 1 à 19. .