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Rapport d'enquête sur la sécurité du transport pipelinier P20H0023

Incident de déversement de pétrole brut
Trans Mountain Pipeline ULC
Station de pompage de Sumas
Abbotsford (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

L’événement

Le 12 juin 2020, à 22 h 32Note de bas de page 1, un déversement de pétrole brut s’est produit dans une section de tuyau en surface de 1 pouce à la station de pompage de Sumas de Trans Mountain Pipeline ULC (Trans Mountain), à Abbotsford (Colombie-Britannique) (figure 1). Au cours de l’évaluation initiale des lieux, 2 personnes résidant dans les environs ont été invitées à se mettre à l’abri sur place par le personnel d’intervention d’urgence. Il n’y a eu aucun blessé et aucune évacuation n’a été nécessaire.

Station de pompage de Sumas de Trans Mountain

La station de pompage de Sumas est située à Abbotsford (Colombie-Britannique). Elle dessert le pipeline Trans Mountain, qui relève de la Régie de l’énergie du Canada. Le pipeline Trans Mountain transporte du pétrole brut et des produits pétroliers raffinés à partir d’Edmonton (Alberta) vers des raffineries et des terminaux en Colombie-Britannique et dans l’État de Washington (États-Unis).

La propriété est divisée en 2 : une section nord, qui comprend la station de pompage ainsi que les systèmes de confinement et de surveillance connexes, et une section sud, qui est louée par un tiers à des fins agricoles.

La station de pompage de Sumas est surveillée et contrôlée 24 heures sur 24 à partir du centre de contrôle de l’exploitation de Trans Mountain à Edmonton.

Au moment de l’événement, la station de pompage était exploitée dans les limites prescrites. Aucun membre du personnel ne se trouvait sur les lieux.

Figure 1. Carte indiquant le lieu de l’événement (Source : Google Maps, avec annotations du BST)
Carte indiquant le lieu de l’événement (Source : Google Maps, avec annotations du BST)

Examen des lieux

Le pétrole brut s’est déversé depuis un raccord à compression de 1 pouce qui s’était séparé des tuyaux d’une section de canalisation en surface adjacente à l’édifice qui abrite le système d’équation d’état (EOS)Note de bas de page 2 (figure 2)Note de bas de page 3. Le raccord à compression en cause était utilisé pour joindre les tuyaux de la canalisation principale de refoulement au système EOS.

Figure 2. Raccord à compression de l’événement à l’étude (Source : BST)
Raccord à compression de l’événement à l’étude (Source : BST)

Quelque 150 à 190 m3 de pétrole brut se sont déversésNote de bas de page 4.

À partir du point de déversement, le pétrole a suivi une trajectoire jusqu’au réseau de drainage en surface de la station de pompage, passant par un séparateur eau-pétrole, et dans un ponceau qui déversait l’eau de surface vers la partie sud de la propriété (figure 3). En conséquence, 7 m3 du pétrole qui s’était déversé avaient migré vers le champ agricole dans la partie sud.

Figure 3. Trajectoire suivie par le pétrole qui s’est déversé (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajectoire suivie par le pétrole qui s’est déversé (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Pendant l’assainissement des lieux, environ 143 m3 du produit ont été récupérés, dont environ 6,6 m3 dans la section sud.

Signalement de l’événement et réponse de Trans Mountain à la suite de l’événement

À 22 h 40, le centre de contrôle de l’exploitation a reçu une alarme du système d’acquisition et de contrôle des données (SCADA) indiquant que des hydrocarbures avaient été détectés dans le bâtiment abritant le système EOS à la station de pompage de Sumas.

À 22 h 41, l’opérateur du centre de contrôle a communiqué avec le technicien sur le terrain en service pour déterminer la cause de l’alarme.

À 22 h 56, le SCADA a détecté du gaz combustible dans le bâtiment des pompes et a déclenché une alarme de situation très grave, ce qui a engendré l’arrêt automatique d’urgence de la station de pompage de SumasNote de bas de page 5.

À 23 h 03, l’opérateur du centre de contrôle a communiqué avec le technicien sur le terrain en service pour lui faire un compte rendu de la situation, a demandé l’affectation de personnel additionnel pour intervenir et a amorcé l’arrêt contrôlé de la canalisation principale de Trans Mountain.

À 23 h 28, l’arrêt contrôlé de la canalisation principale a été achevé.

À 23 h 38, le technicien sur le terrain en service a confirmé le déversement de pétrole brut à la station de pompage de Sumas.

Le 13 juin 2020, à 3 h 32, le personnel de Trans Mountain a localisé et isolé en toute sécurité la source du déversementNote de bas de page 6.

Analyse de la défaillance du raccord à compression en cause

Les composants suivants récupérés sur les lieux de l’événement ont été envoyés à un laboratoire indépendant pour faire l’objet d’une analyse détaillée de la défaillance :

Le raccord en cause était un raccord à compression de 1 pouce en acier inoxydable à deux bagues avec retenue mécanique fabriqué par Swagelok (numéro de pièce SS‑1610‑6). Ce type de raccord est constitué d’un écrou extérieur, d’une bague avant, d’une bague arrière et d’un corps de raccord (figure 4).

Figure 4. Schéma illustrant les composants d’un raccord à compression à deux bagues avec retenue mécanique (Source : BST)
Schéma illustrant les composants d’un raccord à compression à deux bagues avec retenue mécanique (Source : BST)

L’installation consiste à insérer complètement un tube au bas du raccord et à visser l’écrou. La bague est conçue de façon à assurer l’étanchéité du joint entre le corps de raccord et le tuyau à mesure que l’écrou est vissé, et à exercer une compression contre le tuyau pour s’assurer que le raccord est ajusté. Les instructions d’installation du fabricant pour ce type de raccord à compression précisent qu’il faut visser l’écrou 1 ¼ fois après l’avoir serré avec les doigts.

Dans l’événement à l’étude, le tube s’était détaché du raccord à compression. Une analyse préliminaire a permis de déterminer que le tube à l’étude portait des marques de glissement progressif entre les 2 bagues, ce qui suggérait que le raccord à compression n’était pas suffisamment serré à l’endroit où il a fait défaut.

Dans le cadre de l’analyse en laboratoire, afin de reproduire le degré de serrage constaté sur le tube à l’étude, des sections de tubes de comparaison ont été serrées graduellement de ¼ à ¾ de tour. Cet essai a permis de constater qu’au plus 5/8 d’un tour aurait mené à un degré de serrage semblable à celui observé sur le tube à l’étude.

L’analyse en laboratoire a conclu que le raccord à compression a fait défaut en raison d’une perte de serrage des bagues due à un serrage inadéquat pendant l’installation.

Installation du raccord à compression à l’étude

Le raccord à compression à l’étude a été installé en 2015, au moment où Trans Mountain a remplacé le débitmètre de refoulement de la station, ce qui a nécessité la reconfiguration des tubes du système EOS.

Trans Mountain utilise les instructions du fabricant pour l’installation des raccords à compressionNote de bas de page 7. Dans le cadre du processus d’installation, les normes et les procédures de Trans Mountain ne comportaient pas d’inspection de chacun de ces raccords. Toutefois, conformément aux exigences de la norme Z662-15Note de bas de page 8 de l’Association canadienne de normalisation, Trans Mountain a soumis l’assemblage à un essai de pression (avec produit) pour s’assurer que la tuyauterie était à l’épreuve des fuites. Cet essai a eu lieu le 10 décembre 2015. Aucune fuite n’a été constatée.

Détection du déversement et isolement du réseau de tuyauterie d’équation d’état

Le jour de l’événement, les contrôles de détection des hydrocarbures et des gaz combustibles dans le bâtiment du système EOS ont fonctionné comme prévu et ont déclenché les alarmes nécessaires du SCADA, qui ont été reçues par le centre de contrôle de l’exploitation.

Lorsque le gaz combustible a atteint sa limite inférieure d’explosivité de 20 % dans le bâtiment des pompes, l’arrêt automatique d’urgence de la station de pompage de Sumas a été automatiquement amorcé. Dans un cas d’arrêt automatique d’urgence, les vannes pertinentes sont automatiquement réglées pour permettre au flux du réseau de la canalisation principale de contourner la station et, une fois réglées, elles sont verrouillées en placeNote de bas de page 9.

La procédure d’arrêt automatique d’urgence a isolé le bâtiment du système EOS en fermant les vannes automatiques à l’entrée et à la sortie de la tuyauterie du bâtiment. Cependant, le raccord à compression en cause se trouvait dans une section de tuyauterie en surface entre le bâtiment et le réseau de dérivation de la station. Les vannes nécessaires pour isoler cette section de tuyauterie étaient des vannes manuelles et ne faisaient donc pas partie de la séquence d’arrêt automatique (figure 5). Elles sont restées ouvertes, et du produit a continué à se déverser du raccord à compression en cause. Pour arrêter le déversement, les vannes de cette section de tuyauterie du système EOS devaient être fermées à la main, ce que le personnel de Trans Mountain a fait lorsqu’il était sécuritaire d’entrer sur le site, environ 5 heures après que le centre de contrôle de l’exploitation a reçu l’alarme initiale.

Figure 5. Schéma des vannes de dérivation pendant un arrêt d’urgence à la station de pompage de Sumas (Source : BST)
Schéma des vannes de dérivation pendant un arrêt d’urgence à la station de pompage de Sumas (Source : BST)

Confinement secondaire à la station de pompage

La station de pompage de Sumas est conçue avec un système de nivellement et de drainage qui permet à l’eau de surface de couler dans la partie sud (agricole) de la propriété à travers un ponceau. Dans le cadre de ce système, l’eau de surface passe par un séparateur eau-pétrole utilisé à 2 fins :

La présence d’hydrocarbures dans le séparateur eau-pétrole indique qu’il y a un déversement de pétrole à la station de pompage. Après avoir reçu l’alarme du séparateur, les opérateurs doivent suivre les procédures énoncées dans le manuel d’exploitation de la station de pompage de Sumas, qui comprennent la mise en pratique de protocoles d’intervention d’urgence, s’il y a lieu, l’arrêt de tout déversement d’eau, et l’isolement ou l’arrêt de la source de la fuite de pétroleNote de bas de page 10.

Dans l’événement à l’étude, au moment où le pétrole qui s’est déversé du système EOS a atteint le séparateur eau-pétrole et a déclenché une alarme à 23 h 42, la station de pompage de Sumas était déjà en arrêt d’urgence. Le pétrole, qui coulait toujours à partir du point de rupture, a continué de s’accumuler dans le séparateur jusqu’à ce que le séparateur ne puisse plus le contenir efficacementNote de bas de page 11.

Le séparateur n’est pas muni d’un système d’isolement automatisé ni de vannes d’isolement manuelles. Par conséquent, une fois que le pétrole a commencé à couler dans le champ agricole, il n’y avait aucun moyen de l’arrêter avant que les opérateurs ne parviennent à isoler la source du déversement dans le système EOS.

Une fois la source du déversement isolée, Trans Mountain a placé des camions aspirateurs près du séparateur eau-pétrole et le long de la clôture délimitant les sections nord et sud de la propriété pour empêcher que le produit se déverse dans le champ agricole en contenant le pétrole avant qu’il ne l’atteigne.

Assainissement des lieux

L’assainissement des sections nord et sud de la propriété a commencé le 13 juin 2020, une fois qu’il était sécuritaire de se rendre sur les lieux.

Les sols touchés par le produit qui s’est déversé ont été excavés dans la mesure du possible, tout en tenant compte des contraintes géotechniques et d’intégrité des installations. Aux endroits où les excavations s’étendaient au niveau de la nappe aquifère, des camions aspirateurs ont été utilisés pour récupérer le produit déversé (sous forme de mélange de pétrole et d’eau) de l’eau souterraine.

Pour les matières contaminantes restantes qui n’ont pas pu être physiquement retirées des lieux, un plan d’assainissement pluriannuel a été mis sur pied. Les méthodes d’assainissement les plus appropriées seront choisies et mises en œuvre en fonction des résultats de la surveillance et des tests continus du sol et de l’eau souterraine.

Mesures de sécurité prises

À la suite de l’événement, la Régie de l’énergie du Canada a effectué des inspections sur le terrain en matière de gestion des urgences et de protection de l’environnement, et elle a surveillé les progrès réalisés dans le cadre de l’assainissement des lieux.

Trans Mountain a pris les mesures suivantes à la suite de l’événement à l’étude :

Message de sécurité

Il est important que les sociétés pipelinières établissent des normes et des procédures qui intègrent des inspections pour s’assurer que les réseaux de tuyauterie sont bien installés.

Dans le cas d’un déversement imprévu de produit, il est essentiel que les systèmes d’arrêt automatique d’urgence et d’isolement d’une station soient correctement configurés pour réduire au minimum la quantité de produit déversé. De plus, les dispositifs de confinement secondaires, comme le séparateur eau-pétrole dans l’événement à l’étude, doivent avoir une méthode d’isolement permettant d’empêcher toute migration hors site du produit déversé.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .