Rapport d'enquête ferroviaire R99H0010

Déraillement et collision
Canadien National
Train numéro U-783-21-30 et Train numéro M-306-31-30
Point milliaire 50,84, subdivision Saint-Hyacinthe
Mont-Saint-Hilaire (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 30 décembre 1999, vers 19 h, heure normale de l'Est, le train no U-783-21-30 du Canadien National (CN) circulait en direction ouest en provenance de Saint-Romuald (Québec) sur la voie nord de la subdivision Saint-Hyacinthe. Au point milliaire 50,84, près de Mont-Saint-Hilaire (Québec), des wagons du train no U-783-21-30 ont déraillé et obstrué la voie sud adjacente. Le train no M-306-31-30 du CN, qui circulait vers l'est, est arrivé sur la voie sud au même moment et est entré en collision avec les wagons du train no U-783-21-30 qui étaient en train de dérailler. Les deux membres de l'équipe du train no M-306-31-30 ont été mortellement blessés. Environ 350 familles qui vivaient dans un rayon de deux kilomètres du lieu de l'accident ont dû être évacuées temporairement. Deux locomotives et 61 wagons ont subi des dommages lors de l'accident. Environ 2,7 millions de litres d'hydrocarbures se sont répandus et ont pris feu, ce qui a occasionné des dommages à la propriété privée, à la propriété publique ainsi qu'à l'environnement.

    This report is also available in English.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 L'accident

    Le 30 décembre 1999, le train no U-783-21-30 (train 783) du Canadien National (CN) roule sur la voie nord de la subdivision Saint-Hyacinthe en direction ouest. Le train no M-306-31-30 (train 306) du CN circule en sens inverse sur la voie sud. Vers 19 h, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 1, après avoir franchi le passage à niveau du chemin Benoît, au point milliaire 50,84, dans la ville de Mont-Saint-Hilaire (Québec) (voir la figure 1), les locomotives du train 783 croisent les locomotives du train 306. Immédiatement après, les freins d'urgence du train 783 se déclenchent et le mécanicien voit une boule de feu vers l'arrière de son train — il s'agit d'une explosion. Le chef de train lance immédiatement un premier appel d'urgence sur la radio. Après que le train est immobilisé, les membres de l'équipe du train 783 essaient en vain de communiquer avec l'équipe du train 306.

    Figure 1. Plan de situation
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    Plan de situation

    Le chef de train vérifie les wagons et constate que son train s'est séparé après le 11e wagon et que le bogie arrière de ce wagon a déraillé. Il constate aussi que des wagons des deux trains ont déraillé et ont pris feu.

    Les wagons sont pêle-mêle sur les deux voies ferrées et dans les fossés des deux côtés des voies (voir la figure 2). Les locomotives du train 306 sont enveloppées par les flammes et reposent du côté sud de la voie, dans le fossé entre les voies ferrées et le boulevard Laurier (route 116). Les wagons-citernes chargés d'hydrocarbures du train 783 sont éventrés, et presque tout le matériel roulant se trouvant dans le secteur du déraillement est en feu. L'incendie est isolé et maîtrisé dans la nuit du 30 au 31 décembre, mais continue pendant quatre jours.

    Figure 2. Vue générale des wagons pêle-mêle
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    Vue générale des wagons pêle-mêle

    1.2 Victimes

    Les deux membres de l'équipe du train 306 ont été mortellement blessés. Le coroner a déterminé que les membres de l'équipe ont perdu la vie lors de la déflagration.

    1.3 Dommages au matériel roulant

    1.3.1 Train 783

    Trente-cinq wagons-citernes du train 783 ont déraillé (11e au 45e). Trente des wagons déraillés ont subi des dommages considérables et ont été démolis sur les lieux. La citerne de ces wagons a été éventrée et déchirée, et les soupapes de sécurité et les robinets d'isolement ont été arrachés. Les cinq autres wagons ont subi des dommages mineurs.

    1.3.2Train 306

    Les deux locomotives du train 306 ont été détruites lors de l'impact et de l'incendie. L'avant de la locomotive de tête s'est enfoncé dans le fossé entre les voies ferrées et la route 116, à la hauteur d'une conduite souterraine de gaz. Les 26 premiers wagons du train ont déraillé; 24 d'entre eux ont subi des dommages considérables et ont été démolis sur les lieux; les 2 autres ont subi des dommages mineurs. Deux wagons qui n'ont pas déraillé ont subi des dommages majeurs par suite de l'incendie.

    1.3.3 Marchandises dangereuses

    1.3.3.1 Train 783

    Parmi les 35 wagons-citernes qui ont déraillé, 11 contenaient environ 1 million de litres d'essence (UN 1203) et 24 contenaient environ 2,3 millions de litres d'huile de chauffage (UN 1202). L'huile de chauffage et l'essence sont des hydrocarbures liquides inflammables de classe 3, présentant des risques d'incendie ou d'explosion, et présentant un point d'éclair bas. Ils s'enflamment facilement sous l'action de la chaleur, d'étincelles ou de flammes. Les vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l'air. Le Guide des mesures d'urgence 2000 (GMU)Note de bas de page 2 décrit les risques potentiels associés aux liquides inflammables. Il stipule que, lors d'incendies majeurs de wagons-citernes contenant des hydrocarbures comme l'essence ou l'huile de chauffage, on doit combattre le feu avec de l'eau pulvérisée ou en brouillard, ou de la mousse. Il faut utiliser des lances ou des canons à eau télécommandés ou se retirer et laisser le combustible brûler. On doit continuer à refroidir les citernes à grande eau longtemps après l'extinction de l'incendie. Il faut toujours se tenir loin des extrémités des citernes et s'éloigner immédiatement si le sifflement émis par les dispositifs de sécurité augmente ou si les citernes se décolorent. En présence de chaleur, le combustible peut se mettre à bouillir et créer une surpression qui peut faire exploser les wagons-citernes, phénomène communément appelé BLEVENote de bas de page 3 dans l'industrie. Le GMU explique aussi qu'en cas d'incendie majeur, on doit isoler et évacuer une zone dans un rayon de 800 m du foyer de l'incendie.

    Environ 790 000 litres d'essence et 1,9 million de litres d'huile de chauffage ont brûlé ou n'ont pas été récupérés. Environ 255 000 litres d'essence et 330 000 litres d'huile de chauffage ont été transbordés dans des camions-citernes et des wagons-citernes.

    1.3.3.2 Train 306

    Parmi les wagons qui ont déraillé, un wagon-trémie contenait 79 900 kg (176 020 livres) de chlorate de sodium. Dans le GMU, le chlorate de sodium porte le numéro d'identification 1495 et est de classe 5 et division 5.1. Il s'agit d'un oxydant cristallin solide, de couleur jaune pâle ou blanc. Il accélère la combustion lorsqu'il est affecté par un incendie et peut se décomposer de façon explosive lorsqu'il est chauffé. Il peut aussi avoir une réaction explosive en présence d'hydrocarbures et peut enflammer des combustibles comme le bois, le papier, l'huile ou les tissus. Le chlorate de sodium peut dégager des gaz irritants et corrosifs lorsqu'il est exposé au feu. Le contact avec cette substance ou avec ses vapeurs peut présenter des risques potentiellement mortels. Lors d'un déversement ou d'une fuite, on doit garder les matières combustibles loin de la substance déversée. On ne doit pas manipuler les contenants endommagés ou les produits déversés sans porter des vêtements de protection appropriés, notamment un appareil de protection respiratoire autonome à pression positive.

    Le wagon a perdu environ la moitié de son contenu lors de l'accident; cependant, le produit n'est pas entré en contact avec les hydrocarbures. Le chlorate de sodium et le sol contaminé ont été transbordés dans des bacs préparés à cette fin lors du nettoyage des lieux.

    1.4 Autres dommages

    1.4.1 Dommages à l'infrastructure de la voie

    Environ 520 m (1 700 pieds) de voie ont été détruits incluant l'aiguillage d'une voie industrielle et le système de signalisation de la voie et du passage à niveau du chemin Benoît.

    1.4.2 Dommages à la propriété privée

    Un édifice commercial situé sur le chemin Benoît au nord de la voie ferrée a subi de légers dommages. Une partie du revêtement de la façade a été arrachée au coin sud-ouest du bâtiment et la toiture a été perforée par des débris.

    1.4.3 Dommages à la propriété publique

    La ligne d'alimentation électrique longeant la route 116 a été rompue. La conduite souterraine de gaz naturel située entre les voies ferrées et la route 116 a été isolée et une conduite de dérivation a été construite pour contourner l'endroit où les locomotives se sont enfoncées. La chaussée du chemin Benoît a été endommagée dans les environs du passage à niveau. Les voies de la route 116, adjacentes à la voie ferrée, ont aussi été endommagées. Les systèmes de signalisation routière de l'intersection du chemin Benoît et de la route 116 ont été démolis. La route 116 a été fermée à la circulation pendant cinq jours.

    1.4.4 Dommages à l'environnement

    Les opérations de nettoyage et de récupération des hydrocarbures ont commencé dès que l'incendie a été maîtrisé. Le sol de la plate-forme de la voie ferrée et des remblais de la route 116 a été contaminé par les hydrocarbures. Les produits se sont aussi déversés dans les fossés des côtés nord et sud des voies ferrées où ils ont été contenus par des estacades et des digues pour empêcher l'extension de la contamination. La plate-forme de la voie ferrée a été également touchée par le déversement de chlorate de sodium du wagon-trémie du train 306. Deux compagnies de nettoyage ont procédé par la suite à la récupération des produits et de l'eau contaminée.

    Lors de l'incendie, des hydrocarbures du train 783 et la cargaison de certains wagons du train 306 ont brûlé pendant quatre jours occasionnant un panache de fumée qui s'est élevé jusqu'à une hauteur d'environ 500 m. Les fumées ont affecté la qualité de l'air dans les environs immédiats du lieu de l'accident, ce qui a nécessité l'évacuation des résidences du Domaine des Hurons à Sainte-Madeleine.

    Dans le but d'évaluer les impacts environnementaux du déraillement, plus de 20 puits d'observation ont été forés pour déterminer l'étendue et le niveau de contamination des sols.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    Les équipes des trains 306 et 783 se composaient d'un mécanicien et d'un chef de train. Ils répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.

    1.6 Renseignements sur les trains

    1.6.1 Train 783

    Le train 783, communément appelé l'Ultratrain, est un train de type train-bloc unitaire. Il est composé de wagons identiques dédiés au transport d'hydrocarbures en circuit fermé entre Saint-Romuald et Montréal (Québec). Le cycle complet dure 36 heures environ, mais comme plusieurs rames sont disponibles, la fréquence des mouvements est de 16 à 24 heures. Le train transportait plus de 6,4 millions de litres d'hydrocarbures, mesurait environ 4 040 pieds et pesait quelque 8 170 tonnes. Il se composait de 2 locomotives et de 68 wagons attelés en quatre rames de 17 wagons. Les deux premières rames étaient chargées d'huile de chauffage et les deux dernières, d'essence.

    Les wagons de l'Ultratrain ont été conçus par la compagnie General American Transportation Corporation (GATX) et sa filiale canadienne, la Canadian General Transportation Company (CGTX). Les plans et les spécifications étaient basés sur les normes en vigueur pour les wagons de catégorie 111A. Certaines modifications ont été apportées pour répondre aux exigences du CN et d'Ultramar Canada Inc. (Ultramar). Les wagons étaient attelés en permanence en rames de 17 wagons avec des raccordements et de l'équipement connexe permettant le chargement et le déchargement de chaque rame à partir du raccordement du wagon situé au bout de la rame. Les wagons n'avaient pas de vidange par le fond. Pour atténuer les risques de déversement accidentel, les robinets d'isolement étaient placés dans une enceinte protectrice et devaient être fermés lors du déplacement des wagons, les tuyaux flexibles reliant les wagons entre eux étaient conçus pour se rompre en cas de séparation des wagons, et la fixation des coudes de raccord des tuyaux était conçue pour se rompre avant celle des robinets.

    Les plans et les documents de ce concept ont été soumis à Transports Canada (TC) pour démontrer que le niveau de sécurité de l'équipement modifié était au moins équivalent à celui des wagons de catégorie 111A. Un permis de niveau équivalent de sécurité de TC a été délivré le 24 septembre 1997 et a été renouvelé le 30 novembre 1999. Le permis a été délivré de nouveau le 30 mai 2001.

    1.6.2 Train 306

    Le train 306 se composait de 2 locomotives, de 17 wagons chargés et de 33 wagons vides. Il mesurait 2 820 pieds et pesait 3 040 tonnes. Le train 306 était limité à une vitesse maximale de 50 mi/h parce qu'il comptait des wagons-tombereaux d'un type identifié dans les Instructions générales d'exploitation (IGE) du CN (partie 3.0, paragraphe 19).

    1.7 Renseignements consignés

    1.7.1 Train 783

    Les données du consignateur d'événements de la locomotive de tête du train 783 ont révélé que le train circulait à une vitesse de 53 mi/h. La manette des gaz était à la position no 2. Le train s'est arrêté par suite d'un serrage automatique des freins d'urgence causé par une baisse soudaine de la pression dans la conduite générale.

    1.7.2 Train 306

    À cause des dommages causés par l'incendie et la chaleur, les renseignements des consignateurs d'événements des deux locomotives du train 306 n'ont pu être récupérés.

    1.8 Particularités de la voie

    La subdivision Saint-Hyacinthe se compose de deux voies principales désignées nord et sud. Elle couvre une distance de 34,4 milles entre Sainte-Rosalie (près de Saint-Hyacinthe) et Cape (à Montréal). Les voies sont orientées dans la direction est-ouest et longent la route 116. La vitesse maximale autorisée est de 60 mi/h pour les trains de marchandises et de 95 mi/h pour les trains de voyageurs.

    Dans le secteur de l'accident, les voies sont constituées de longs rails soudés (LRS) de 115 livres reposant sur des selles à double épaulement. Les selles sont attachées par deux crampons à des traverses de bois franc, posées à raison de 3 110 traverses par mille de voie, soit à un espacement d'environ 21 pouces. Des anticheminants sont posés à chaque traverse.

    Le programme d'inspection des voies vise à déceler les irrégularités et à planifier l'entretien afin d'assurer la sécurité de l'exploitation des trains. Il comprend des inspections de l'état géométrique faites par la voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie (TEST), l'auscultation des défauts internes des rails, une tournée à pied annuelle, une inspection mensuelle faite à partir des trains visant le contrôle de la qualité de roulement, et des inspections visuelles bihebdomadaires.

    L'état géométrique de la voie a été vérifié par la voiture TEST en 1999. La voie sud a été inspectée le 27 septembre 1999 et la voie nord, le 22 octobre 1999. Sur la voie nord, immédiatement à l'ouest du passage à niveau du chemin Benoît, la voiture TEST a mesuré un écart de nivellement longitudinal de 1 pouce 1/16. Selon la Circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) 3101 du CN et le Règlement sur la sécurité de la voie de TC, un écart de 1 pouce 1/4 constitue un défaut urgent et nécessite une mesure corrective immédiate. Cependant, selon la CMN 3101, une mesure corrective doit être planifiée dès que l'écart devient supérieur à 15/16 de pouce. Le surfaçage de l'approche ouest du passage à niveau a été refait le 15 novembre 1999 pour éliminer le défaut de nivellement.

    Les rails ont été auscultés le 21 octobre 1999 par la voiture d'auscultation des rails; aucune anomalie n'a été signalée. Afin d'écarter des erreurs dues au logiciel ou des erreurs d'interprétation de l'opérateur du système, toutes les données brutes enregistrées par l'ordinateur du système d'auscultation ont été vérifiées; aucun défaut n'a été enregistré dans les environs du lieu de l'accident.

    Les inspections visuelles bi-hebdomadaires sont effectuées par le superviseur adjoint à bord d'un véhicule rail-route à des vitesses pouvant atteindre 20 mi/h. La dernière inspection remontait au 28 décembre 1999; aucune anomalie n'avait été relevée.

    1.9 Systèmes de détection en voie

    Le réseau ferroviaire du CN est équipé de systèmes éélectroniques placés en bordure des voies, dont la fonction est de vérifier l'état du matériel roulant. Il s'agit des systèmes de détection en voie (SDV) et des détecteurs de défauts de roues (DDR).

    Les SDV comprennent des détecteurs de pièces traînantes et des détecteurs de boîtes et de roues chaudes. Les détecteurs de pièces traînantes servent à relever la présence d'objets traînant d'un wagon ou d'une locomotive. Les détecteurs de boîtes et de roues chaudes ont comme fonction de déceler les essieux ou les roues surchauffés. Une température anormalement élevée indique un manque de lubrification des roulements ou des boîtes d'essieux ou des plaquettes de frein collées sur les tables de roulement. Ces conditions entraînent une augmentation importante du frottement suivie d'une rupture catastrophique des essieux ou des roues. Les SDV sont placés à des intervalles compris entre 15 et 25 milles sur les voies principales.

    À partir de 1992, le CN a introduit un réseau de DDR situés à des endroits stratégiques pour détecter les roues défectueuses des wagons avant que les trains n'entrent dans les installations d'entretien des grands centres du pays. Le CN considère les systèmes de DDR comme un outil d'entretien. Le DDR se compose d'un système de jauges extensométriques placées sur l'âme des rails et qui mesurent la déformation des rails sous le passage des wagons. Le DDR permet de mesurer la charge d'impact générée par chaque roue d'un wagon. Ce système aide à identifier les roues ayant des méplats, les roues dont la table de roulement est exfoliée, écaillée, excentrée ou affectée par un excédent de métal de sorte que les roues défectueuses puissent être retirées du service avant qu'elles ne causent des dommages au matériel roulant ou à l'infrastructure de la voie. Le système comprend aussi un appareil qui donne le numéro exact du wagon et la position de la roue défectueuse. Le réseau du CN comporte 14 DDR dont 2 dans la région de Montréal — l'un près de Vaudreuil au point milliaire 29,18 de la subdivision Kingston et l'autre près de Bagot, au point milliaire 117,2 de la subdivision Drummondville, soit 20 milles à l'est du lieu de l'accident. Ces deux endroits ont un SDV combiné à un DDR.

    Le SDV situé près de Saint-Hilaire, à moins d'un mille à l'ouest du lieu de l'accident, n'a enregistré aucune anomalie sur le train 306. À Bagot, le SDV n'a enregistré aucune anomalie sur le train 783; par contre, le DDR a relevé une charge d'impact de roue de 111 900 livres sur le wagon CGTX 79117. Ce wagon était le 32e wagon derrière la locomotive et le 22e wagon déraillé. Quatre autres trains en route vers l'ouest avaient aussi emprunté la voie nord peu avant le passage du train 783. Le train 429 est passé à 15 h 40, le train 25 de VIA Rail Canada Inc. (VIA), à 15 h 59, le train 305, à 17 h 20 et le train 131, à 18 h 50. Le train 429 a déclenché le fonctionnement du système DDR qui avait alors enregistré des charges d'impact de 103 200 livres (46 909 kg) sur le rail sud. Les autres trains n'ont pas déclenché le dispositif.

    1.10 Inspection des wagons

    Le Règlement sur la sécurité des wagons (RSW) régit la sécurité des wagons utilisés sur les voies des compagnies ferroviaires sous réglementation fédérale. Il prescrit les normes de sécurité minimales, les vérifications de sécurité, les lieux désignés pour les vérifications de sécurité (LDVS), la qualification des inspecteurs de matériel remorqué, ainsi que les exigences supplémentaires pour les wagons de marchandises dangereuses. Le RSW stipule que des vérifications de sécurité doivent être effectuées sur les wagons aux endroits où ils sont pris en charge par une équipe de train ainsi qu'aux LDVS.

    Ces vérifications de sécurité sont faites par un inspecteur accrédité de matériel remorqué, s'il y en a un en fonction; autrement, elles peuvent être faites par une personne qualifiéeNote de bas de page 4. Un inspecteur accrédité de matériel remorqué est défini comme une personne formée et qualifiée pour effectuer des vérifications de sécurité sur les wagons, conformément au paragraphe 5.1 du RSW. L'inspecteur accrédité de matériel remorqué oeuvre en général dans le domaine de l'équipement alors que la personne qualifiée est normalement un membre d'une équipe de train ayant reçu une formation pour identifier les défectuosités des wagons.

    La vérification de sécurité par un inspecteur accrédité de matériel remorqué est une inspection détaillée au cours de laquelle chacune des composantes d'un wagon est minutieusement inspectée et vérifiée à l'aide d'appareils et de jauges de mesure, le cas échéant. La vérification de sécurité par une personne qualifiée est une inspection dont le but est d'assurer qu'il n'y a aucune anomalie mécanique évidente sur les wagons comme une caisse penchant sur le côté, des chargements mal assujettis ou qui fuient, une pièce traînante, une roue ou un essieu cassés. Comme cette vérification est plus sommaire, une vérification de sécurité par un inspecteur accrédité de matériel remorqué est requise au prochain LDVS du train.

    Pour les wagons qui transportent des marchandises dangereuses, le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses exige une vérification de sécurité par un inspecteur accrédité de matériel remorqué avant chaque chargement ainsi qu'une vérification de sécurité par une personne qualifiée avant le départ du train. Joffre étant le LDVS pour le train 783, une vérification de sécurité par un inspecteur accrédité de matériel remorqué y a été effectuée. À la raffinerie Ultramar de Saint-Romuald, l'équipe de train a procédé à une vérification de sécurité et à un essai de freins avant le départ du train 783. Aucune anomalie n'a été relevée.

    1.11 Méthode de contrôle du mouvement des trains

    Entre Douville (point milliaire 43,3) et Bruno-Jonction (point milliaire 64,2), le mouvement des trains est régi par la régulation de l'occupation de la voie (ROV) en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et est surveillé par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal. Les deux voies principales sont équipées de signaux de canton et les règles du block automatique (BA) s'y appliquent. Les signaux de canton sont unidirectionnels; ceux de la voie nord régissent le trafic est-ouest, et ceux de la voie sud, le trafic ouest-est. En général, le mouvement des trains se fait dans la direction gouvernée par les signaux, mais il arrive souvent que des trains circulent dans la direction opposée aux signaux.

    En territoire signalisé, un circuit de voie qui comprend les rails est connecté au système de signalisation. Lorsqu'un train occupe un canton ou lorsqu'il y a une interruption de la continuité électrique des rails, le système engendre une séquence de signaux qui informent l'équipe du train d'arrêter son train ou de réduire la vitesse à une vitesse qui permet de s'arrêter non seulement en deçà de la moitié de la distance de visibilité d'un matériel roulant, mais aussi avant un aiguillage mal orienté. Cette vitesse ne doit jamais dépasser 15 mi/h.

    En cas de rupture de rail dans un canton, il se crée normalement une discontinuité électrique qui engendre des indications de signaux similaires à une occupation de canton. Lorsque les trains circulent dans la direction contrôlée par les signaux, cette particularité du système permet de protéger les trains et de les avertir en cas de rupture de rail. Cependant, le système n'est pas infaillible; en effet, si la rupture du rail se fait directement au dessus d'une selle de rail ou s'il n'y a pas une séparation franche des surfaces de la rupture, la continuité électrique peut être maintenue et le signal n'est pas affecté.

    À l'arrivée du train 783, lequel circulait dans la direction régie par les signaux, le signal de canton 508, situé immédiatement à l'est du lieu du déraillement, affichait une indication de vitesse normale (aucune restriction).

    1.12 Renseignements sur les communications

    Juste après le passage à niveau du chemin Benoît, les membres de l'équipe du train 783 ont entendu une communication radio disant que des wagons de leur train obstruaient la voie sud.

    1.13 Renseignements météorologiques

    Au moment de l'accident, la température était d'environ moins 11 degrés Celsius. Les vents étaient légers, d'ouest-nord-ouest. Le ciel était dégagé. Les jours avant l'accident, la température minimale a atteint moins 20 degrés Celsius.

    1.14 Renseignements sur le lieu de l'événement

    Le rail sud de la voie nord s'est rompu à la hauteur d'une soudure aluminothermique située 10 m à l'ouest de l'extrémité du passage à niveau et 1,5 m à l'est de la pointe de l'aiguille du branchement de la voie industrielle (voir la figure 3).

    Figure 3. Plan de localisation de la soudure rompue
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    Plan de localisation de la soudure rompue

    Le rail s'est déplacé latéralement et l'about est s'est renversé sur le côté. La rupture avait la forme d'un T; elle était verticale dans le patin et l'âme, se séparait ensuite en deux branches horizontales à la jonction de l'âme et du champignon, puis remontait de nouveau verticalement dans le champignon (voir la figure 4). La partie champignon, d'un longueur de 150 mm, s'est séparée du rail et a été trouvée par terre, à côté du rail sud, quelques pieds à l'est de la soudure.

    Figure 1. Rupture du rail
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    Rupture du rail

    Le rail à l'est de la rupture a été laminé en 1950 et celui à l'ouest, en 1979. L'usure verticale et l'usure latérale des rails respectaient les limites admissibles de la CMN 3200 du CN pour les rails de 115 livres, à savoir 16 mm (5/8 de pouce) pour l'usure verticale et 21 mm (13/16 de pouce) pour l'usure verticale et l'usure latérale combinées.

    On a relevé des marques de boudin de roue sur l'entretoise d'espacement du branchement et sur la selle de rail à 0,5 m à l'ouest de la soudure. Il n'y avait aucune marque de boudin de roue ni de raclage quelconque à l'est de la soudure rompue. La rupture de la soudure aluminothermique se trouvait juste à côté d'une selle de rail; le bourrelet à la base de la soudure était adossé à la selle de rail. La selle de rail était fixée à une traverse de bois qui était détériorée et écrasée.

    La soudure avait été effectuée avec une plaque de base droite. Les abouts des rails soudés avaient un désalignement vertical de 6 mm. La date à laquelle la soudure avait été effectuée n'était pas indiquée et il n'y avait pas de marque de pointeau, ni de plaquette ou de résidu d'adhésif.

    Lors du passage du train 783, entre la fin du passage à niveau et l'aiguillage du branchement industriel, un choc anormal provenant du côté du rail sud a été ressenti à bord de la locomotive de tête. Cependant, les équipes des deux trains (305 et 131) qui ont précédé le train 783 n'ont ressenti aucun choc anormal.

    1.15 Examen technique des rails et du bogie

    Les morceaux de rail portant la soudure aluminothermique, six petits fragments de rail et un longeron de bogie brisé ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour fins d'analyse. Les six petits fragments de rail ont été trouvés près du branchement de la voie industrielle alors que le longeron de bogie a été trouvé parmi les débris. Les six petits fragments de rail de même que le longeron de bogie se sont rompus par suite de contraintes instantanées excessives survenues lors du déraillement.

    Sur les morceaux de rail portant la soudure aluminothermique, on a remarqué une marque de rayage assez distincte mesurant 115 mm de longueur du côté extérieur du champignon de la partie ouest. On n'a relevé aucune marque de boudin de roue ni de rayage quelconque sur la partie est. Peu de dommages causés par le martèlement des roues ont été relevés sur les surfaces de rupture des trois fragments de soudure.

    Une zone sombre semi-circulaire contenant une préfissure était située sur le côté extérieur de la surface de rupture de la soudure, au coin inférieur du patin (voir la figure 5). Elle mesurait 29 mm de largeur sur 6 mm de hauteur et se trouvait à 22 mm de l'axe de la soudure. La préfissure se trouvait dans la zone thermiquement affectée de la soudure, à la hauteur d'un changement brusque dans la coupe transversale du rail. La surface de la préfissure était fortement oxydée et ne portait aucune trace de croissance récente.

    Figure 5. Emplacement de la préfissure (O)
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    Emplacement de la préfissure (O)

    Les deux surfaces de contact de la préfissure ont été découpées dans les sections de rail est et ouest. L'analyse de ces bouts de rail au microscope électronique à balayage et au microscope métallographique a confirmé que la préfissure avait pris naissance dans une zone de ferrite aciculaire, en l'occurrence une microstructure ayant une faible résistance à la rupture et aux chocs, et qu'il n'y avait pas eu d'agrandissement récent de la préfissure.

    Les essais de résilience Charpy sur des éprouvettes prélevées sur les rails ont montré que la valeur de résilience du rail était égale à 2 pieds-livres pour la température qui prévalait au moment de l'accident. Cette faible valeur est conforme aux caractéristiques des aciers de rail en matière de ténacité. La résistance à la traction moyenne s'élevait à 144 ksiNote de bas de page 5; la limite d'élasticité était égale à 66 p. 100 de la résistance à la traction, soit 92 ksi.

    Sur la partie ouest du rail, il y avait une fissure verticale du champignon, du côté intérieur, qui prenait son origine dans un défaut de fabrication, mais ne s'était pas propagée dans la table de roulement ni dans l'âme du rail.

    1.16 Soudure des rails

    1.16.1 Longs rails soudés

    Sur les voies modernes, les rails éclissés sont remplacés par des LRS pour améliorer le confort de roulement et réduire les coûts d'entretien de la voie et l'usure du matériel roulant. Le CN définit comme LRS tout rail dont la longueur est supérieure à 400 pieds. La CMN 3205 décrit en détail la méthode d'installation des LRS.

    Les rails sont d'abord soudés par étincelage en atelier en longueurs pouvant atteindre 1 440 pieds, sont ensuite mis en place, puis soudés en voie par soudure aluminothermique ou par étincelage. Les LRS peuvent théoriquement avoir une longueur infinie mais, en pratique, ils sont coupés et boulonnés au voisinage des singularités de la voie (ponts et aiguillages). Le rail est également coupé et raccordé à l'aide de joints isolés pour assurer le fonctionnement des cantons (contrôle de la circulation ferroviaire) et des systèmes de signalisation des passages à niveau.

    La longueur des rails varie quand il y a des changements de température. Dans le cas des rails éclissés, les variations de longueur sont accommodées grâce au jeu de dilatation qui est laissé aux joints. Par contre, les LRS sont conçus de façon à empêcher leur dilatation et leur contraction, ce qui génère des contraintes dans le rail lorsque la température s'éloigne de la température à laquelle le rail a été posé initialement. En hiver, par exemple, le rail est soumis à des contraintes de traction et a tendance à se rompre si les conditions s'y prêtent, surtout lorsqu'il y a un défaut interne dans le métal.

    De ce fait, une température idéale de pose (TIP) des LRS est établie par le Service d'ingénierie pour chaque territoire géographique. Dans la région de Mont-Saint-Hilaire, la TIP est de 80 degrés Fahrenheit (26,7 degrés Celsius). Lorsque les LRS sont posés ou ajustés à une température voisine de la TIP, les contraintes thermiques sont minimisées. Par contre, les rails peuvent fluer et se déplacer sous l'action combinée de la circulation, des forces de freinage ou par suite de travaux d'entretien, et il peut y avoir une redistribution des contraintes, c'est-à-dire que le niveau de contraintes peut se modifier dans le temps et devenir excessif par endroit. Il faut alors ajuster de nouveau la longueur des rails aux endroits touchés afin de réduire les contraintes thermiques (libération des contraintes).

    Ces phénomènes sont bien connus et sont contrôlés par les compagnies ferroviaires grâce à des mesures particulières qui sont comprises dans les normes de construction et les programmes d'inspection et d'entretien. Le contrôle des ruptures de rail se fait principalement grâce à l'identification de l'usure des rails, la détection des défauts internes et externes des rails et à la limitation des efforts dynamiques des roues.

    1.16.2 Procédés de soudage

    Les deux procédés de soudage les plus utilisés pour assembler des rails sont la soudure par étincelage et la soudure aluminothermique.

    Les soudures en voie sont réalisées de plus en plus à l'aide d'un procédé de soudage bout à bout par étincelage. Cette technique, couramment utilisée pour les soudures en atelier, a été récemment perfectionnée pour les soudures en voie et adaptée au marché nord-américain. Dans ce procédé, la machine à souder aligne les rails, les presse bout à bout et fait passer un courant électrique pour les souder par forgeage. On cisaille ensuite le bourrelet qui se forme lorsque les rails sont pressés l'un contre l'autre et on meule le champignon et le patin du rail. Les caractéristiques géométriques de la soudure sont ensuite vérifiées (à l'aide d'une règle et d'une jauge d'épaisseur). Le procédé comprend aussi un contrôle magnétoscopique de la soudure. La qualité des soudures par étincelage est plus uniforme et le taux de défectuosités des soudures est inférieur à celui des soudures aluminothermiquesNote de bas de page 6.

    La soudure aluminothermique est un procédé de soudage par coulée de métal en fusion. Le matériel qu'on emploie est constitué de trois éléments principaux : le creuset où s'effectue la réaction aluminothermique, la charge qui forme le métal d'apport de la soudure et le moule qui entoure les abouts de rail à souder et qui donne la forme à la soudure. La coulée est précédée d'un préchauffage afin de réduire les chocs thermiques et permettre une fusion plus homogène entre le métal de base et le métal d'apport. Auparavant, les creusets pouvaient être réutilisés jusqu'à 18 fois; cependant, le CN a introduit des creusets jetables QP-CJ en 1995. Les procédures à suivre pour effectuer une soudure aluminothermique sont décrites dans le manuel du CN intitulé Soudage en voie. La réalisation d'une soudure exige 13 étapes distinctes qui doivent être effectuées dans un ordre précis par des opérateurs bien formés.

    1.16.3 Exigences relatives au soudage des rails

    Les exigences relatives au soudage des rails en voie sont détaillées dans les CMN 1304 et 3205 relatives au soudage en voie.

    Dans les CMN en vigueur de 1981 à 1988, les articles suivants se référaient aux soudures :

    • Les soudures aluminothermiques ne doivent pas être placées au-dessus des traverses, à moins que le dessous du patin n'ait été meulé ou cisaillé à niveau.
    • Sauf dans le cas des soudures mixtes, les champignons des rails à souder doivent avoir des hauteurs et des largeurs identiques. La tolérance est de 1,5 mm.
    • Les soudures en atelier doivent subir sur toute leur circonférence un contrôle magnétoscopique.
    • Les soudures en voie sont soumises à un contrôle visuel et ultrasonique par multisondes (divers angles).

    Lors de la révision des CMN en 1990, les articles suivants ont été ajoutés :

    • Dans le cas du rail de 136 livres, si ce maximum (c'est-à-dire tolérance de 1,5 mm entre deux abouts de rail) est dépassé sans toutefois atteindre 8 mm, on peut utiliser un moule pour le soudage de rails de profils différents.
    • Pour chaque soudure, le mois, l'année et le numéro d'indicatif du soudeur doivent être indiqués en caractères de 13 mm sur la joue extérieure du champignon.

    Dans les révisions de septembre 1996 et juin 1997, l'article faisant référence au contrôle ultrasonique des soudures en voie a été abrogé, et les articles portant sur les soudures par étincelage, sur la tolérance entre les abouts et sur l'identification des soudures ont été modifiés comme il suit :

    • La différence de hauteur entre deux abouts de rail ne doit pas dépasser 3,2 mm. Si ce maximum est dépassé sans toutefois atteindre 8 mm, on peut utiliser un moule pour le soudage de rails de profils différents.
    • Une plaquette portant le mois et l'année d'exécution de la soudure, ainsi que le poinçon du soudeur, doit être apposée sur l'âme du rail, du côté intérieur de la voie, à 150 mm de la soudure.
    • Les soudures par étincelage exécutées en atelier ou en voie doivent être contrôlées par contrôle magnétoscopique.

    Le Règlement sur la sécurité de la voie de TC ne renferme aucune exigence relative aux soudures aluminothermiques. L'établissement des normes de pose et d'entretien des LRS est laissé à la discrétion des chemins de fer.

    1.16.4 Exécution de soudures

    Les travaux d'entretien et de remise en état de la voie sont réalisés par les équipes de zone (niveau local) et par les équipes de production (niveau du district ou de la division). L'inspection de la voie et l'entretien courant qui ne font appel qu'à des ressources limitées sont faits par les équipes de zone alors que les travaux majeurs, comme les programmes de changement de traverses ou de rail, qui exigent beaucoup plus de main d'oeuvre et de l'équipement lourd, sont effectués par les équipes de production. Les programmes de libération des contraintes et la plupart des soudures en voie sont faits par les équipes de production. Les équipes de zone peuvent comprendre un ou deux soudeurs dont la tâche principale est de souder les coeurs de croisement; toutefois, les soudeurs peuvent parfois effectuer quelques soudures aluminothermiques.

    La formation des soudeurs des équipes de zone est identique à celle des soudeurs des équipes de production. Un soudeur certifié doit suivre des cours théoriques et pratiques d'une durée totale de trois mois sur une période de trois ans. Des sessions de mise à jour offertes sur une base régulière viennent compléter la formation.

    1.16.5 Date d'exécution de la soudure

    Lorsqu'il y a une rupture de rail, les équipes de zone interviennent immédiatement, découpent le rail rompu et installent un rail de raccord. L'emplacement du rail, le profil et le type de rail, la température ambiante, la longueur de la section posée ainsi que la différence de longueur entre la longueur posée et la longueur découpée sont reportés sur le formulaire 1160 qui est placé dans l'inventaire des ruptures de rail. Une fois le rail réparé, le formulaire 1164 doit être rempli et la base de données sur les réparations et les ajustements des LRS est mise à jour. Le CN n'a pas pu confirmer la date d'exécution de la soudure; en outre, la base de données ne renfermait aucune information à ce sujet.

    1.17 Détection des défauts internes des rails

    1.17.1 Auscultation des rails aux ultrasons

    Les premières voitures d'auscultation étaient équipées d'un dispositif de détection par induction. Dans ce procédé, des sabots-balais sont en contact avec la surface de roulement du rail et créent un champ magnétique autour du rail. La présence de défauts ou de discontinuités dans le métal causent des distorsions au champ magnétique que le système capte et analyse. Ce procédé est toujours utilisé pour l'auscultation des soudures par étincelage.

    La technologie de sondage par ultrasons, qui a été choisie par le CN, fait appel au principe de réflexion du son. La technologie est basée sur le temps que met une impulsion sonore pour parcourir un aller-retour entre la surface de roulement du rail et le dessous du rail. Si un défaut se trouve sur le trajet de l'onde ultra-sonore, celle-ci est réfléchie ou dispersée. Il est ainsi possible de préciser la position et l'orientation du défaut par l'écho intermédiaire qui apparaît sur l'écran de l'opérateur.

    Les systèmes sont installés sur des véhicules rail-route pour permettre des auscultations automatisées à grande échelle sur les voies principales. La fréquence des auscultations varie d'un territoire à l'autre. Elle dépend de facteurs comme le tonnage, le type et la densité de trafic, l'âge des rails, et le taux de défectuosités antérieur. Entre Québec et Montréal, l'auscultation peut être faite deux fois par année, mais dans l'ouest du Canada, sur les voies à tonnage élevé où circulent de nombreux trains-blocs, la fréquence peut atteindre de six à huit auscultations par année. Depuis l'introduction des wagons de 115 tonnes et la mise en place de nouvelles normes d'usure des rails, les compagnies ferroviaires augmentent de plus en plus la fréquence des auscultations des rails.

    Comme la majorité des défauts internes des rails prennent naissance dans le champignon et l'âme du rail, le système dispose de plusieurs transducteurs qui balaient le champignon du rail sous différents angles. Les défauts qui se trouvent sur le patin, de part et d'autre de la projection de l'âme, ne peuvent pas être détectés car ils se trouvent en dehors du champ de réflexion des ondes. Selon les principales compagnies d'auscultation des rails, cette même technologie peut être adaptée et utilisée manuellement pour inspecter le patin du rail et les soudures non meulées. Ces techniques se font à l'aide d'une sonde ou d'un appareil de détection portatif et exigent beaucoup de temps car elles se font soudure par soudure. Une étude, publiée en 1975Note de bas de page 7, explique en détails la procédure à suivre pour inspecter les soudures aluminothermiques.

    1.17.2 Inspection des soudures en voie

    Les soudures aluminothermiques réalisées en voie par les équipes de production étaient contrôlées manuellement par ultrasons immédiatement après leur mise en place afin de détecter les défauts internes. Ce contrôle était toutefois limité à la partie meulée des soudures, c'est-à-dire au champignon du rail. En 1996, on a mis un terme au contrôle sur toutes les catégories de voies et, depuis lors, les équipes d'inspection font uniquement une inspection visuelle et prennent des mesures de la dureté Brinell pour s'assurer que le préchauffage et le refroidissement ont été faits correctement. Cette pratique est répandue à l'échelle de l'industrie; toutefois, les normes (article 213.341) de la Federal Railroad Administration (FRA) concernant les voies à haute vitesse (pour les trains de voyageurs roulant à plus de 90 mi/h) exigent qu'au moins une journée mais pas plus tard que 30 jours après l'exécution des soudures, on inspecte les soudures réalisées en voie pour y détecter d'éventuels défauts internes.

    En 1996, le CN est arrivé à la conclusion que le contrôle par ultrasons était devenu superflu et y a mis un terme pour les raisons suivantes :

    • le pourcentage de soudures défectueuses relevées est passé de 0,98 p. 100 en 1991 à un peu moins de 0,47 p.100 en 1995;,
    • il y a eu une amélioration de la qualité du matériel de soudage aluminothermique;
    • les équipes de soudure sont mieux formées;
    • les équipes d'inspection n'arrivaient que 10 ou 14 jours après l'installation des soudures; donc, dans bien des cas, la voiture d'auscultation des rails était déjà passée.

    Les soudures par étincelage effectuées en voie subissent toutefois encore un contrôle magnétoscopique.

    1.18 Résistance du rail

    1.18.1 Évaluation de la résistance résiduelle

    Une analyse de la résistance résiduelle a été faite à l'aide d'un progiciel spécialisé de mécanique de la rupture. Pour un défaut d'une taille comparable à celui qu'on a relevé sur la soudure aluminothermique (29 mm de largeur sur 6 mm de hauteur), la résistance résiduelle chute de 92 ksi à 30,13 ksi, soit environ 33 p. 100 de la limite d'élasticité initiale.

    La validité de l'analyse de la résistance résiduelle a été évaluée en modifiant certains paramètres d'entrée et en observant l'incidence de ces modifications sur les résultats. Ainsi, en faisant passer la valeur de la résilience Charpy de 2 à 4, la résistance résiduelle monte à 34,95 ksi.

    1.18.2 Évaluation des contraintes dans le rail

    Les contraintes longitudinales dans le rail proviennent principalement des sources suivantes :

    • charge statique — poids des wagons (tare et chargement);
    • surcharge dynamique verticale générée par les charges d'impact sur les roues;
    • forces de freinage et d'accélération;
    • contraintes thermiques dues aux variations de température;
    • contraintes résiduelles résultant de la fabrication ou du soudage du rail.

    Comme le train 783 roulait à vitesse constante, les forces de freinage ou d'accélération n'étaient pas présentes. La contrainte globale de flexion dans le rail est donc obtenue en faisant la somme des contraintes suivantes :

    • la contrainte de flexion produite par la charge d'impactNote de bas de page 8 exercée par la roue;
    • les contraintes thermiques longitudinales causées par les variations de température;
    • les contraintes résiduelles générées lors de la fabrication de la soudure.

    Les contraintes thermiques et les contraintes résiduelles qui existent à l'intérieur d'un rail sont en général très difficiles à déterminer avec exactitude. Elles sont mesurées par des méthodes de libération des contraintes qui consistent d'abord à instrumenter une section de rail, couper ou percer le rail, puis mesurer les déformations qu'il subit lors de la coupure. Les contraintes internes se libèrent et disparaissent, mais en mesurant les déformations que la section subit lors de la coupure ou du perçage du rail, on obtient une indication sur le niveau des contraintes qui y existaient. Dans le cas à l'étude, on ne peut qu'estimer théoriquement les contraintes au droit de la soudure et immédiatement dans la zone affectée thermiquement (voir l'annexe A) puisque la défaillance du rail a « libéré » les contraintes; elles sont donc impossibles à mesurer.

    Au niveau du patin du rail, la charge de roue et la température provoquent des contraintes de traction dont l'effet est neutralisé par la compression due aux contraintes résiduelles de soudage. Sous l'effet de charges statiques nominales (33,5 kipsNote de bas de page 9), de la température et des contraintes résiduelles de soudage, la contrainte dans le rail est inférieure à la résistance résiduelle du rail. Cependant, comme les contraintes agissant sur le rail augmentent avec les charges d'impact, le niveau des contraintes dans le rail devient supérieur à la résistance résiduelle dès que la charge de roue atteint les valeurs suivantes :

    • charge de roue de 100 kips si la résistance résiduelle du rail est de 30,13 ksi;
    • charge de roue de 111 kips si la résistance résiduelle du rail est de 34,95 ksi.

    1.19 Détecteurs de défauts de roues

    1.19.1 Niveaux d'impact

    Les procédures du CN (voir l'annexe B) prescrivent les mesures à prendre selon les niveaux des charges d'impact mesurées par le DDR. Les niveaux d'alarme des DDR du CN correspondent à des charges d'impact de roue de 100 kips, 125 kips et 140 kips. Ces niveaux sont indépendants des conditions locales.

    Lorsque la charge d'impact dépasse 140 kips, la procédure exige un dételage du wagon en cause. Si le train est en direction d'un terminal, le wagon doit être enlevé au terminal et si le train sort d'un terminal, le wagon doit être enlevé à la première voie d'évitement. Dans les deux cas, les roues qui ont engendré l'alarme doivent être remplacées. La conformité à ces procédures est souple et influencée par d'autres facteurs d'exploitation. Par exemple, en 1999, à cause de l'encombrement de la cour de triage de Jasper (Alberta) causé par un nombre anormalement élevé de wagons nécessitant des réparations, la procédure a été adaptée aux conditions d'exploitation — seuls les wagons ayant généré des impacts supérieurs à 150 kips pouvaient être laissés à Jasper. Les wagons ayant eu des impacts entre 140 kips et 150 kips ont été autorisés à continuer jusqu'au terminal suivant, soit Edmonton (Alberta), Kamloops (Colombie-Britannique) ou Prince George (Colombie-Britannique), sans aucune réduction de la vitesse.

    L'établissement des niveaux d'alarme des DDR évolue continuellement. Vu la complexité du phénomène et l'expérience que le CN acquiert dans l'exploitation du système de DDR, les procédures et les niveaux d'alarme sont continuellement ajustés de façon à réduire à la fois le nombre des roues qui sont détectées et le nombre de rails qui se brisent en serviceNote de bas de page 10. Lors de l'introduction des DDR, le niveau minimum était de 80 kips; en 1994, il est passé à 85 kips et, par la suite, il est passé à 90 kips et finalement à 100 kips. Le niveau maximum était à l'origine de 150 kips, puis il est passé à 140 kips. En 1996, par suite d'une étude statistique faite à l'interne par le CN, visant à déterminer la corrélation entre les ruptures de rail, la vitesse des trains et la température, on a recommandé d'abaisser la valeur maximale et de l'établir à 125 kips, et de réduire la vitesse des trains lorsque la température atteignait moins 25 degrés Celsius.

    Il est reconnu dans l'industrie que des roues produisant des impacts élevés peuvent occasionner des dommages à l'équipement (essieux et boîtes) et à l'infrastructure de la voie. Lors de l'analyse de données recueillies entre 1992 et 1995, le CN a clairement établi un lien de causalité entre des charges d'impact élevées et des ruptures de rail. Malgré ce lien, le CN ne réduit pas la vitesse des wagons ayant généré des impacts de plus de 140 kips et n'exige pas d'inspection spéciale de la voie sur le tronçon sur lequel la roue défectueuse est passée, alors que d'autres compagnies ferroviaires au Canada réduisent la vitesse des trains à 30 mi/h lorsque la charge d'impact dépasse 140 kips.

    1.19.2 Communications

    Contrairement aux autres systèmes de détection en voie, le DDR ne communique pas directement avec les équipes de trains pour les informer de l'état des roues de leur train. Après le passage d'un train, le site de DDR traite l'information puis transmet les données par modem à l'unité centrale de traitement du centre de contrôle de la circulation ferroviaire (CCCF), à Edmonton. Les messages apparaissent sur l'écran du contrôleur de la circulation ferroviaire - Mécanique (CCFM) et sont imprimés à l'atelier désigné. Les alarmes relatives à des charges d'impact supérieures à 140 kips font l'objet d'un suivi par téléphone avec le CCF responsable du territoire où le train circule. Lorsqu'un train ayant généré une alarme sur un DDR ne passe pas par l'atelier désigné ou s'en éloigne, on communique par télécopieur avec un atelier qui est en mesure de faire les inspections et de prendre les mesures correctives appropriées; il n'y a aucun mécanisme qui permet de s'assurer que les messages sont bien reçus et que les mesures correctives sont prises.

    L'état des communications des DDR est surveillé sur un écran d'ordinateur situé sur le bureau du technicien du Département de la signalisation et des communications à Edmonton. Lors d'une panne de communication avec un site de DDR, le technicien doit essayer de réamorcer la communication. Si la communication ne se rétablit pas, un technicien doit être envoyé sur le site pour effectuer les réparations nécessaires. Le technicien chargé de surveiller le Système de DDR à Edmonton est aussi responsable de la surveillance des pupitres de contrôle de la circulation ferroviaire, des systèmes de communication et des SDV. En raison de leurs tâches normales, les techniciens sont appelés à s'éloigner de l'écran de surveillance des DDR, parfois pendant des périodes prolongées. Il n'y avait pas de système destiné à avertir le technicien qu'une panne de communication affectait l'un ou l'autre des sites de DDR.

    Au cours des cinq jours avant l'accident, il y a eu plusieurs pannes de communication avec le DDR de Bagot. Les communications n'ont pas fonctionné entre 12 h 10, le 26 décembre, et 11 h32, le 28 décembre. Durant la période de panne, 51 trains sont passés et 40 alarmes de charges d'impact de plus de 100 kips ont été générées dont 5 de plus de 125 kips. Le 29 décembre, il y a encore eu quelques pannes de communication; entre 13 h 30 et 15 h 33, 6 trains sont passés à Bagot et les résultats de ces lectures n'ont été reçus qu'à compter de 17 h 9. Une de ces lectures indiquait qu'à 14 h 40, un train était passé et avait généré des charges d'impact de 146,3 kips. Le train en question circulait vers l'ouest et aurait dû être arrêté au triage de Saint-Lambert pour dételer le wagon ayant une roue défectueuse. À cause du retard de lecture, le wagon n'a été dételé qu'à Coteau (Québec). Les communications ont aussi été interrompues le 30 décembre, de 6 h 34 à 15 h 51. Pendant ce temps, 17 trains sont passés à Bagot. Des charges d'impact de plus de 100 kips ont été enregistrées à 11 reprises, dont 2 de plus de 125 kips.

    1.20 Ruptures de rail et déraillements

    De 1995 à 1999, à l'échelle du réseau du CN, les ruptures de rail en service sont passées de 584 à 296Note de bas de page 11, soit une diminution d'environ 49 p. 100. Le nombre de ruptures de rail dans le couloir Halifax-Toronto représente une faible proportion du total et a peu été touché par cette diminution (voir l'annexe C). Pour la même période, les données du CN et de l'ensemble des compagnies ferroviaires du pays montrent que les déraillements et le taux de déraillements (déraillements par million de tonnes-milles) dus à des ruptures de rail ont également suivi la même tendance à la baisse. Par contre, lorsqu'on tient compte de toutes les catégories de déraillements, les nombres absolus ont diminué de 21 p. 100 et le taux a diminué de 16 p. 100.

    1.21 Intervention d'urgence

    Les services des incendies de la plupart des municipalités situées le long du parcours de l'Ultratrain ont des ententes d'entraide inter-municipales pour entreprendre des interventions concertées lors de sinistres majeurs. Tous les pompiers et les officiers sont tenus de suivre la formation requise par le Règlement sur la formation des pompiers de la Loi sur la prévention des incendies du Québec. Cette formation théorique et pratique comprend des interventions relatives aux marchandises dangereuses mais ne comprend pas de cas pratique spécifique au transport ferroviaire. La formation est fournie par des organismes accrédités par le ministère de l'Éducation du Québec. La formation des officiers comprend des cours supplémentaires sur des accidents de transport de surface.

    La Sécurité publique de la ville de Mont-Saint-Hilaire a été avertie immédiatement après l'accident. Devant l'ampleur de l'incendie, les responsables de la Sécurité publique ont déclenché le plan des mesures d'urgence de la ville. Les municipalités avoisinantes faisant partie de l'entente d'entraide inter-municipales de la Montérégie ont immédiatement participé. Les pompiers de la ville de Mont-Saint-Hilaire ont demandé de l'équipement d'intervention additionnel à la ville de Beloeil. Un appel a ensuite été lancé à tous les services des incendies équipés de canons à eau à haut débit.

    En plus des corps des services des incendies de 13 municipalités et du personnel du CN, d'Hydro-Québec et de Gaz Métropolitain, des représentants des différents paliers de gouvernement, de l'industrie pétrolière ainsi que des compagnies d'assainissement sont arrivés sur les lieux à divers intervalles.

    Le premier véhicule d'intervention des pompiers est arrivé sur le lieu de l'accident à 19 h 9, soit dans les 10 minutes qui ont suivi l'appel. Pendant que les pompiers installaient leurs canons et leurs échelles, un wagon-citerne a explosé (BLEVE) et une moitié de citerne a été projetée au-delà du passage à niveau du chemin Benoît, jusqu'au terre-plein central de la route 116. Tous les intervenants ont reçu l'ordre de se retirer. Hydro-Québec et Gaz Métropolitain sont intervenus rapidement pour isoler la ligne électrique et la conduite de gaz qui longeaient la voie ferrée. Afin d'assurer la sécurité des intervenants, les pompiers ont dû surveiller tous les endroits où des travaux étaient en cours. Comme il y avait plusieurs foyers d'incendie sous les débris, les pompiers ont arrosé sans cesse l'ensemble des débris pour les refroidir.

    À cause de la fumée et des risques d'explosion, les résidences avoisinantes sur le boulevard Laurier et le chemin Benoît ont été évacuées. Plus tard, les résidants du Domaine des Hurons de la ville de Sainte-Madeleine ont aussi été évacués et envoyés au Centre communautaire de Mont-Saint-Hilaire. Les résidants évacués ont été traités avec déférence et courtoisie par la municipalité de Mont-Saint-Hilaire.

    Immédiatement après l'accident, la Sécurité publique a demandé au CN de lui fournir des renseignements sur les marchandises dangereuses contenues dans les deux trains en cause. Les documents d'expédition ont été fournis par le CN à 19 h 33. La documentation au sujet du train 306 obtenue sur le lieu de l'accident montrait qu'il n'y avait qu'un wagon de résidus de chlorate de sodium en cause dans l'accident. Le train 306 transportait des wagons chargés de marchandises dangereuses, mais ces wagons se trouvaient à l'arrière du convoi et n'ont pas été touchés par l'accident.

    Pendant toute l'intervention, on a tenu des réunions de coordination à intervalles réguliers, auxquelles participaient tous les intervenants sur les lieux. Lors de ces réunions, on a discuté des mesures à prendre, et des moyens à utiliser et de leur impact sur la progression des travaux de déblaiement. Pour limiter la propagation du feu, les pompiers ont demandé au CN d'enlever tous les wagons qui n'avaient pas déraillé ou qui n'étaient pas renversés. Tous les wagons situés sur la voie sud à l'ouest du déraillement ont été éloignés des lieux. Parmi ces wagons, certains contenaient du papier déchiqueté qui avait pris feu.

    Pour accélérer l'extinction de l'incendie et libérer les lieux le plus rapidement possible, lors de la réunion de 10 h, le 31 décembre, les pompiers et la compagnie ferroviaire se sont mis d'accord pour avoir recours à la mousse pour combattre l'incendie et utiliser le camion-mousse de l'aéroport international de Montréal (Dorval). Le camion est arrivé sur les lieux vers 13 h 45, le 31 décembre. Vers 15 h 40, l'incendie étant jugé comme maîtrisé, le CN, le Bureau du Coroner et les enquêteurs de la Sûreté du Québec ont été autorisés à commencer leurs tâches respectives. Peu de temps après, à 16 h 47, l'incendie a repris au bout est. Les travaux de la Sûreté du Québec et du coroner ont été interrompus et le personnel s'est retiré à une distance sûre, jusqu'à que le feu soit maîtrisé de nouveau. L'opération du camion-mousse a été interrompue vers 18 h, car il n'y avait plus de mousse disponible dans la région. Le lendemain, grâce à l'entremise de l'entraide mutuelle des pétrolières et des pompiers de la ville de Montréal-Est, des quantités additionnelles de mousse ont été ramenées de l'Ontario. Les pompiers ont repris leurs opérations avec la mousse et ont utilisé un camion-mousse additionnel de Petro-Canada.

    Le 1er janvier 2000, après que le feu a été maîtrisé et pendant les opérations de dégagement, les intervenants ont découvert un wagon-trémie portant une plaque qui avait été éventré lors de l'accident et qui contenait une marchandise dangereuse. Le CN a alors entrepris des démarches pour identifier le produit et a découvert qu'un des wagons, le CGLX 483, était chargé de chlorate de sodium alors que les documents d'expédition indiquaient qu'il était vide. Une unité de décontamination portative a alors été placée pour permettre au personnel exposé d'être décontaminé.

    1.22 Transfert électronique de données (TED)

    La Loi sur le transport des marchandises dangereuses et le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses exigent qu'un chargement de marchandises dangereuses soit accompagné en tout temps d'un registre d'expédition qui comporte, entre autres, des renseignements sur l'expéditeur, le destinataire, le véhicule utilisé, la description des marchandises et l'identification des plaques et des panneaux orange devant être utilisés lors du transport. Les documents qui doivent accompagner le wagon tout au cours de son trajet peuvent être une copie imprimée du registre d'expédition original ou une copie électronique générée à des points intermédiaires à partir du système de transfert électronique de données (TED) (ce système est utilisé par le CN pour recevoir et échanger les renseignements pertinents aux wagons et à leur contenu). Les renseignements pour l'intervention d'urgence accompagnent aussi les marchandises dangereuses. Certaines des données figurant dans les documents d'expédition sont annexées au document décrivant la composition du train, et sont utilisées par la compagnie ferroviaire pour préciser la composition du train et la position des wagons.

    1.22.1 Wagon de chlorate de sodium

    Le wagon CGLX 483, qui était le 12e wagon du train 306, transporte régulièrement du chlorate de sodium de la compagnie Produits chimiques CXY (CXY), un fabricant certifié ISO 9002, situé à Beauharnois (Québec) à destination de la compagnie Kimberly-Clark Inc. d'Abercrombie (Nouvelle Écosse).

    Le 15 décembre 1999, après avoir été vidé à la Kimberly-Clark Inc., il est reparti en direction de la CXY. Les documents d'expédition qui accompagnaient le wagon indiquaient qu'il était chargé alors qu'il était vide. Le CN a reçu le wagon à Truro (Nouvelle-Écosse) le 16 décembre à 12 h 16. Finalement, le 21 décembre, il a été remis au chemin de fer CSX Transportation, Inc. (CSX) au point d'échange Cecil Junction qui le livra à la CXY.

    Le 24 décembre, le wagon a été chargé de chlorate de sodium par la CXY. Le poids du contenu était de 176 000 livres. Les documents d'expédition en date du 28 décembre étaient en bonne et due forme et indiquaient que le wagon était chargé et devait être acheminé jusqu'à sa destination d'Abercrombie. Une copie manuelle des documents d'expédition a été placée dans le pigeonnier où les équipes de train ont l'habitude de les recueillir et une copie a été transmise par télécopieur au bureau de la CXY de Vancouver (Colombie-Britannique), pour que les changements soient entrés dans le système de TED.

    Le 28 décembre, le wagon a été amené par un train du CSX jusqu'à Cecil Junction où il a été ramassé par le train L53821-29 du CN. Le wagon est arrivé à Coteau à 21 h 15 pour être placé dans le train 306. Comme d'habitude, les documents d'expédition originaux ont été laissés dans un pigeonnier à la gare.

    Le 30 décembre, lorsque le train 306 en provenance de Toronto est arrivé à Coteau, il a été repris par une nouvelle équipe. Le train a ramassé plusieurs wagons, dont le wagon CGLX 483. Il est parti de Coteau à 15 h 44. La nouvelle équipe avait en sa possession une liste électronique de la composition du train 306 et les documents éélectroniques pour les wagons de marchandises dangereuses obtenus à partir du système de TED, conformément à la Loi sur le transport des marchandises dangereuses. Les documents originaux, produits manuellement par la CXY, sont demeurés dans le pigeonnier. Les renseignements générés par courrier électronique indiquaient que le wagon CGLX 483 était vide, ayant récemment transporté du chlorate de sodium.

    1.22.2 Validation des corrections du système de TED

    L'information envoyée par le bureau de Beauharnois de la CXY n'a pas été transférée au système de TED par le bureau de Vancouver. Par conséquent, on a continué de considérer que le wagon était « chargé ». Toutefois, pour que le CN puisse ajouter le wagon au train 306, après qu'il a été reçu de la CSX, le bureau du CN à Winnipeg a fait une mise à jour pour indiquer le nouveau statut du wagon, et la nouvelle information a été saisie dans le système de TED le 29 décembre à 19 h 10, indiquant que le wagon CGLX 483 était vide. Le lendemain, le personnel de Beauharnois a relevé l'erreur et a préparé à 8 h 54 un nouveau document d'acheminement électronique, montrant que le wagon était chargé.

    Pour assurer la sécurité et la qualité des données du système de TED, les changements significatifs (comme un wagon chargé au lieu d'un wagon vide) dans les documents d'expédition ne sont pas exécutés automatiquement et doivent être validés par le CN. Le document d'expédition modifié reste « suspendu » dans le système de TED, et les nouvelles données ne sont validées que lorsqu'un employé du CN a accusé réception de la transmission. Le 30 décembre, au moment où le train 306 est parti de Coteau, la transmission envoyée par la CXY n'avait toujours pas été validée. Les corrections apportées par la CXY n'apparaissaient donc pas dans les documents générés par le système de TED. De ce fait, au départ de Coteau, les membres de l'équipe du train 306 avaient en leur possession des documents indiquant que le 12e wagon derrière les locomotives était un wagon contenant des résidus de chlorate de sodium alors que le wagon était chargé.

    Il n'existe aucun mécanisme de contrôle pour éliminer les erreurs à la source ni procédures pour avertir le CN que des documents sont en suspens (avertissement téléphonique ou électronique) et pour vérifier et comparer les renseignements figurant sur les documents d'expédition avec les wagons d'un train. Les compagnies ferroviaires disposaient de ponts-bascules dans les cours de triage locales où la plupart des wagons pouvaient être pesés avant d'être placés dans un convoi. Les wagons pouvaient ensuite transiter vers les cours de triage principales, comme le triage Taschereau à Montréal, où ils étaient susceptibles d'être pesés de nouveau lors des opérations de buttage. Depuis que le CN a rationalisé ses activités de triage et modifié ses méthodes d'exploitation, les wagons sont pesés par l'expéditeur et il n'y a plus de vérification du poids en cours de route. Cependant, les compagnies ferroviaires, en collaboration avec les fournisseurs de DDR, ont entrepris des travaux de recherche afin d'adapter les DDR à la pesée en voie des wagons.

    1.23 Consignateurs d'événements

    Les consignateurs d'événements des deux locomotives du train 306 ont été envoyés chez le fabricant, et ils ont ensuite été analysés par le Laboratoire technique du BST. Les renseignements n'ont pu être récupérés car les consignateurs ont été endommagés par l'incendie et la chaleur. Les cartes éélectroniques et le câblage du consignateur de la locomotive de tête ont été complètement détruits et les connexions électriques ont fondu. Le consignateur a été soumis à des températures d'au moins 1 080 degrés Celsius. Dans le consignateur de la deuxième locomotive, les batteries d'alimentation électrique ont été détruites, ce qui a entraîné la perte de l'information stockée dans le module de mémorisation. Les caissons des deux consignateurs étaient constitués d'acier ordinaire d'une épaisseur de 3,5 mm ayant une faible résistance à la chaleur et aux chocs.

    Par suite d'une collision survenue le 15 février 1986 au point milliaire 13,8 de la subdivision Drummondville, la Commission canadienne des transports a formulé des ordonnances aux compagnies ferroviaires sous réglementation fédérale exigeant l'installation de consignateurs d'événements dans les locomotives exploitées sur des voies principales. Les consignateurs ont comme but de recueillir des renseignements pour aider à comprendre de façon exhaustive les causes et facteurs contributifs des accidents et d'éviter que des accidents semblables ne se reproduisent. L'ordonnance R-40339 du 19 février 1987, en particulier, stipule les renseignements que les consignateurs devraient être capables d'enregistrer : l'heure, la vitesse, la distance, la pression dans la conduite générale, la position de la manette des gaz, l'emploi des freins d'urgence, la pression indépendante du cylindre de frein, la pression et l'emploi du sifflet. L'ordonnance ne renfermait aucune exigence quant aux critères de construction et de résistance.

    Dans la réglementation présentement en vigueur, les exigences des anciennes ordonnances n'ont pas été modifiées. Il n'existe donc toujours pas de normes de construction et de performance des consignateurs utilisés dans le domaine ferroviaire. Par contre, les normes en vigueur dans les secteurs aéronautiques et maritimes précisent des critères de fabrication et de performance dans des conditions extrêmes (feu, choc, immersion). Par exemple, ces normes exigent une résistance au feu de 60 minutes à 1 100 degrés Celsius et de 10 heures à 260 degrés Celsius; les fonctions de mémorisation doivent garder l'information enregistrée même en cas de coupure du courant d'alimentation (mémoire non volatile).

    Entre 1990 et 1999, le BST a mené des enquêtes sur quatre accidents majeurs au cours desquels des membres d'équipes de train ont été mortellement blessés. Lors de trois de ces accidents, les données des consignateurs d'événements des locomotives ont été perdues car les consignateurs ont été exposés à des chocs, au feu ou à la contamination par l'eau:

    • En juillet 1992, un affaissement de la plate-forme au point milliaire 135,0 de la subdivision Caramat du CN, près de Nakina (Ontario), a entraîné le déraillement d'un train du CN. Les quatre locomotives ont plongé dans un lac et ont été englouties. Deux des trois membres de l'équipe ont péri, et l'autre a subi des blessures graves. On a récupéré les consignateurs d'événements mais les données qu'ils renfermaient ont été perdues par suite de la panne d'électricité consécutive à la contamination par l'eau des accumulateurs et des circuits qui alimentent la fonction de mémorisation (rapport no R92T0183 du BST).
    • En août 1996, près d'Edson (Alberta), un train du CN a heurté de plein fouet un groupe de 20 wagons partis à la dérive. Les trois personnes qui se trouvaient dans la cabine de la locomotive de tête du train de marchandises ont perdu la vie. Le consignateur d'événements de la première locomotive a été détruit dans la collision et l'incendie qui a suivi. Les consignateurs d'événements de la deuxième et de la troisième locomotives ont pu être récupérés et téléchargés (rapport no R96C0172 du BST).
    • En mars 1997, une grande dépression dans la plate-forme à la hauteur du point milliaire 106,15 de la subdivision Ashcroft, près de Conrad (Colombie-Britannique), a fait dérailler un train du CN qui se dirigeait vers Kamloops (Colombie-Britannique). Les deux membres de l'équipe du train ont péri. Les données du consignateur d'événements n'ont pu être récupérées, les locomotives ayant été détruites par l'incendie (rapport no R97V0063 du BST).

    1.24 Réglementation relative à la sécurité

    La mission de Transports Canada (TC) est d'établir et d'administrer des politiques, des règlements et des services pour le meilleur réseau de transport qui soit pour le Canada et les Canadiens : un réseau sûr, efficace, abordable, intégré et respectueux de l'environnement. Le rôle de TC consiste à établir des politiques et des lois modernes et pertinentes, et à assurer le maintien de niveaux de sécurité les plus élevés possible. Le groupe Sécurité et Sûreté est chargé, par l'entremise de la Direction de la sécurité ferroviaire et de la Direction générale du transport des marchandises dangereuses, de l'établissement de la réglementation et de l'application des règlements portant sur la sécurité ferroviaire et de la sécurité publique du transport des marchandises dangereuses.

    Les directions générales et les cinq bureaux régionaux, situés à Vancouver, Winnipeg, Toronto, Montréal et Moncton, veillent à l'application des programmes, des politiques et des normes de TC.

    1.24.1 Sécurité ferroviaire

    La Direction générale de la sécurité ferroviaire de TC administre la Loi sur la sécurité ferroviaire et en fait respecter les dispositions. Les principes de base sur lesquels se fonde la réglementation en matière de sécurité ferroviaire au Canada sont les suivants :

    • les compagnies ferroviaires sont responsables de l'exploitation de leurs réseaux de transport en toute sécurité;
    • l'organisme de réglementation doit avoir le pouvoir de protéger la sécurité du public et des employés.

    TC assume ce rôle soit en agissant en tant qu'organisme de réglementation conformément à la politique de réglementation du gouvernement, soit en approuvant des règles élaborées en consultation avec les associations pertinentes et soumises par l'industrie.

    Dans l'exercice de ses responsabilités de surveillance réglementaire, TC a instauré une série de politiques régissant la surveillance d'éléments du réseau ferroviaire comme la voie, le matériel roulant et l'exploitation des trains. Des dossiers sont tenus sur les inspections, les défauts identifiés et les mesures correctives prises.

    Les inspecteurs de TC procèdent à des vérifications de sécurité. Ils examinent ou vérifient les registres du programme de contrôle de la conformité de la compagnie, et examinent ensuite les résultats en procédant à des inspections, des vérifications ou de la surveillance d'emplacement en se concentrant sur les systèmes de sécurité et les tendances en matière de conformité et en déterminant les problèmes systémiques de sécurité. Afin d'assurer que les vérifications de sécurité sont fiables, les inspecteurs de l'infrastructure et du matériel roulant font appel à une méthode d'échantillonnage pour déterminer un nombre statistiquement significatif d'éléments à inspecter. La vérification est complétée par une vérification des dossiers et des procédures en place.

    1.24.1.1 Programmes de l'infrastructure

    Les inspecteurs de l'infrastructure extraient des échantillons provenant des cinq sources de données suivantes :

    • carnets d'inspection;
    • données sur les défauts de rail;
    • données de la voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie;
    • données sur l'état des branchements;
    • données sur l'état des ponts et des ouvrages de drainage.

    La taille des échantillons est fonction de l'étendue du réseau ferroviaire de chaque région, de l'évaluation des risques et des données historiques des subdivisions. La distribution des échantillons est pondérée de façon à tenir compte des catégories de voies qui présentent les plus grands risques. Par exemple, on porte une plus grande attention aux voies principales sur lesquelles la vitesse est élevée qu'aux voies secondaires.

    Dans la région du Québec, il faut faire un échantillonnage sur au moins 1 300 milles de voies pour obtenir un niveau de confiance minimum de 95 p. 100 (c'est-à-dire pour qu'il y ait une probabilité de 0,95 que l'état des voies de l'échantillon soit représentatif de celui de toutes les voies). En 1999, l'inspecteur régional de l'infrastructure de TC a couvert environ 2 500 milles de voie.

    La subdivision Saint-Hyacinthe a été inspectée par TC le 2 décembre 1999, entre le point milliaire 38,7 et le point milliaire 68,5. Des défectuosités relatives au platelage des passages à niveau, des attaches de tringles de branchement desserrées et une approche de pont basse ont été signalées au CN et rectifiées.

    1.24.1.2 Programmes de vérification du matériel roulant

    Les programmes de vérification du matériel roulant servent à vérifier l'équipement ferroviaire (locomotives, wagons) et comprennent d'autres programmes plus spécifiques relatifs aux essais et aux procédures en vigueur au sein des compagnies ferroviaires (essais de frein, protection par signaleur).

    Trois catégories de vérifications de sécurité sont effectuées lors des programmes de vérification du matériel roulant :

    • vérification intégrée — lors de cette vérification, les composants du matériel roulant aussi bien que les normes et les procédures en place sont vérifiées à fond;
    • vérifications de suivi — il s'agit de vérifications supplémentaires à la vérification intégrée et qui permettent d'assurer un suivi dans la surveillance;
    • vérifications spéciales — elles ont lieu pour éclaircir et analyser en profondeur un problème précis.

    Chaque gare doit faire l'objet d'une vérification intégrée complète par année; le nombre de vérifications de suivi dépend des résultats antérieurs, des tendances en matière d'accidents et d'incidents ainsi que du rendement du personnel.

    La gare de Joffre a fait l'objet de quatre vérifications de sécurité par TC sur une période de 16 mois entre juin 1998 et octobre 1999. En tout, 274 wagons de l'Ultratrain ont été vérifiés; 7 exceptions au RSW ont été relevées et corrigées immédiatement.

    1.24.1.3 Détecteurs de défauts de roues

    L'installation de DDR a été une initiative des compagnies ferroviaires. La participation et la consultation entre TC et les compagnies ferroviaires quant à l'élaboration des systèmes, aux niveaux d'alarme et aux procédures d'intervention ont été limitées. TC n'a pas de règlement, de normes et de programme de surveillance relativement à ces systèmes.

    1.24.2 Transport de marchandises dangereuses

    Le transport aérien, maritime, ferroviaire et routier des marchandises dangereuses est régi par la Direction générale du transport des marchandises dangereuses en vertu de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses de 1992. Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, adopté par toutes les provinces et territoires, permet d'établir les exigences de sécurité du transport de marchandises dangereuses.

    1.24.2.1 Programme d'inspection

    À l'aide d'un programme national d'inspection, d'enquête et de mise en application de la loi, la Direction de la conformité et des interventions de TC, secondée par les cinq bureaux régionaux, veille à ce que les expéditeurs, les transporteurs et les destinataires respectent le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses.

    Les critères qualitatifs du programme de surveillance du transport de marchandises dangereuses sont clairement définis dans le Manuel de l'inspecteur. Le calendrier des inspections est basé sur un ordre de priorité (1, 2 et 3). Les intervenants sont classés selon leur rôle et leur importance dans la manipulation et le transport de marchandises dangereuses. La stratégie de TC consiste à inspecter les marchandises dangereuses avant qu'elles n'entrent dans le réseau de transport; de ce fait, les inspecteurs se concentrent sur les intervenants faisant partie de la catégorie « Priorité 1 », qui comprend, entre autres, les fabricants.

    Les paramètres quantitatifs du programme de surveillance, comme la fréquence des inspections ou le pourcentage d'intervenants à inspecter par année, ne figurent pas dans le Manuel de l'inspecteur mais l'objectif est d'inspecter les intervenants de la catégorie « Priorité 1 » une fois tous les six ans.

    Les inspecteurs de TC ont visité la CXY le 24 février 1999. Le rapport de conformité générale indique qu'un document d'expédition par rail a été vérifié et qu'aucune non-conformité avec le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses n'y a été relevée. Le rapport de conformité générale ne fait pas état d'une vérification de l'information figurant dans le document d'expédition ni d'une comparaison avec le poids et le contenu des wagons. Par ailleurs, les dossiers d'inspection de TC ne font aucune mention d'une inspection des procédures de transfert des documents à Coteau.

    1.24.2.2 Plans d'intervention d'urgence

    Les plans d'intervention d'urgence permettent de définir à l'avance les rôles, les ressources et les priorités d'intervention. Ils sont le résultat de prévisions établies dans le cadre de l'analyse des risques et permettent de s'assurer que les ressources et le matériel spécialisé sont disponibles en temps opportun.

    Les expéditeurs et les importateurs de marchandises dangereuses faisant partie de l'Annexe INote de bas de page 12 du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses ainsi que les transporteurs qui font transiter ces produits à travers le Canada sur plus de 70 km doivent disposer d'un plan d'intervention d'urgence agréé par le ministre des Transports. Ces exigences s'appliquent lorsque les quantités en cause dépassent certaines limites basées sur la toxicité et la réactivité des produits. Par exemple, un expéditeur ou un importateur de propane (UN 1075) ou de phénol solide (UN 1671) aurait besoin d'avoir un plan d'intervention d'urgence agréé pour manipuler des quantités nettes supérieures à 3 000 kg ou 3 000 L.

    Selon les directives de TC contenues dans le document TP 9285 (Planification d'aide en cas d'urgence), chaque plan doit comporter un énoncé de politique, la description du but et de l'organigramme de la société, l'échelle géographique de l'activité et l'énumération des marchandises dangereuses concernées. Le document TP 9285 décrit les éléments que doit couvrir tout plan d'intervention d'urgence, à savoir :

    • mise en oeuvre (alertes internes, autorité);
    • activités d'intervention (alertes externes, méthodes d'intervention);
    • ressources (équipement, personnel);
    • degré de préparation (analyse des risques, formation, entretien).

    Le document souligne, entre autres, que la méthode d'intervention à utiliser pour chaque type de marchandise dangereuse transportée ainsi que les ressources et l'équipement nécessaires devraient être précisés dans le plan d'intervention d'urgence.

    Bien que les transporteurs ferroviaires ne soient tenus d'avoir des plans d'intervention d'urgence que dans les cas où les marchandises dangereuses transitent par le Canada, le CN dispose d'un plan d'intervention d'urgence (TP 110L [ERP2-0120]) déposé auprès de la Direction générale du transport des marchandises dangereuses de TC. La version de juin 1999 du plan ne suivait pas le modèle décrit dans le document TP 9285 de TC; des éléments comme les méthodes d'intervention, les ressources et le degré de préparation n'y étaient pas inclus. Le plan couvrait presque exclusivement les alertes internes et externes, c'est-à-dire les personnes et les organismes avec qui communiquer en cas d'accident mettant en cause des marchandises dangereuses comme le prescrit l'article 18 (Obligation d'agir) de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses.

    Ni le CN ni Ultramar ne sont tenus d'établir des plans d'intervention d'urgence précis pour l'Ultratrain puisque les hydrocarbures qui y sont transportés ne font pas partie de l'Annexe I.

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    La communication radio entendue dans la locomotive du train 783 juste avant l'accident disant que des wagons du train 783 obstruaient la voie sud, la disposition et l'angle d'orientation des locomotives du train 306 après l'impact et la rupture du rail sud de la voie nord démontrent que des wagons du train 783 ont déraillé, obstrué la voie sud puis ont été percutés par le train 306. L'analyse discutera surtout des causes et facteurs qui ont contribué au déraillement du train 783.

    Avant l'endroit où le rail sud de la voie nord s'est rompu, la voie et la plate-forme ne portaient pas de marques indiquant qu'une roue avait chevauché le rail ou qu'une défaillance du matériel, comme la rupture d'une roue ou d'un essieu, avait causé le déraillement. Les pièces d'équipement des wagons du train 783 ont été vérifiées et aucune anomalie pouvant avoir contribué à l'accident n'a été observée. De plus, aucune anomalie n'a été notée par les SDV les plus proches du lieu de l'accident. Comme l'exploitation du train était conforme aux procédures de la compagnie et aux normes de sécurité du gouvernement, l'analyse se concentrera principalement sur la rupture de la soudure aluminothermique, les pratiques connexes d'inspection et d'entretien des soudures, les détecteurs de défauts de roues et les mesures d'urgence.

    2.2 Rupture de la soudure aluminothermique

    Le rail sud de la voie nord s'est rompu au droit d'une soudure aluminothermique. Il n'y avait aucune marque de boudin de roue ni de raclage quelconque à l'est de la soudure rompue; par conséquent, on peut en déduire que le déraillement n'a pas eu lieu à l'est de la soudure. La forme de la première marque de rayage observée du côté extérieur du champignon, immédiatement à l'ouest de la soudure, indique que le boudin de roue est monté sur le rail à cet endroit; ceci est aussi compatible avec les traces de boudin de roue qui ont été relevées sur l'entretoise d'espacement du branchement et sur la selle de rail à l'ouest de la soudure.

    Les marques en chevron, observées sur les surfaces de rupture, sont compatibles avec une rupture rapide par contrainte excessive. Leur direction indique que la rupture a pris son origine dans la zone de préfissure située au niveau du coin inférieur du patin du rail. Une fois amorcée, la rupture s'est produite rapidement, la partie champignon étant la dernière à se rompre. La préfissure ne portait aucune trace de croissance récente. Elle n'était pas très foncée, ce que l'on associe habituellement à l'oxydation à haute température, ce qui signifie qu'elle s'est formée après la fabrication de la soudure et s'est vraisemblablement amorcée par suite de contraintes résiduelles créées lors du soudage. L'épaisseur de la couche d'oxyde indique qu'elle existait depuis au moins neuf mois.

    Un calcul de la mécanique de la rupture effectué à partir des résultats des essais de résilience Charpy et des essais de traction a permis d'établir qu'à la température ambiante qui prévalait au moment de l'accident, la préfissure avait effectivement entraîné une réduction de la résistance du rail à environ 33 p. 100 de la limite d'élasticité initiale. Le désalignement des abouts de rail et l'utilisation d'une plaque d'assiseNote de bas de page 13 droite ont créé un effet d'entaille favorable à la naissance et à la propagation des fissures. Une plaque d'assise chanfreinée aurait permis une transition plus graduelle entre les deux rails et aurait réduit cet effet.

    Comme peu de dommages dus au martèlement des roues ont été relevés sur les surfaces de rupture de la soudure, on peut en déduire que la rupture était très récente et que la partie champignon de la soudure s'était détachée peu de temps avant le déraillement. Selon toute vraisemblance, le 15e wagon a déraillé lorsque la partie champignon du rail s'est détachée. Les roues du wagon sont ainsi tombées sur la plate-forme vers le côté sud. Les wagons déraillés ont alors obstrué la voie adjacente et ont été percutés par le train 306. Les deux membres de l'équipe du train 306 ont été mortellement blessés lors de la déflagration qui a eu lieu au moment où la locomotive de tête a percuté le 15e wagon du train 783.

    Les contraintes générées par les charges de roues, les contraintes thermiques causées par la baisse de température et les contraintes résiduelles de soudage étaient présentes au point de rupture. Selon l'analyse des contraintes, pour la température qui prévalait au moment de l'accident, la contrainte dans le rail atteint la résistance résiduelle du rail et devient théoriquement suffisante pour rompre la soudure à la hauteur de la préfissure existante lorsque la charge d'impact est supérieure à 100 000 livres. Cette charge théorique passe à 111 000 livres lorsque la valeur de la ténacité est doublée. Des charges d'impact de cet ordre de grandeur sont courantes; en effet, le jour de l'accident, à 15 h 40, le DDR de Bagot avait détecté un wagon ayant une charge d'impact de 103 000 livres.

    En fait, les charges d'impact capables de causer la rupture de la soudure pourraient être encore plus basses que celles calculées car le bourrelet de la soudure était adossé à la selle de rail ce qui peut avoir donné lieu à une amplification de la contrainte dans le rail. Par ailleurs, les travaux de resurfaçage effectués sur l'approche ouest du passage à niveau auraient pu avoir une incidence sur la redistribution des contraintes dans le rail et entraîner un accroissement localisé des contraintes thermiques. Donc, même en adoptant une approche prudente, c'est-à-dire en tenant compte de l'incidence d'une variation de la ténacité du rail et en négligeant l'accroissement des contraintes à cause de la position de la soudure et du resurfaçage, on peut conclure que la préfissure existante était suffisante pour entraîner la rupture du rail sous l'effet des contraintes occasionnées par les basses températures et des charges d'impact de roues inférieures aux niveaux d'alarme des DDR à partir desquels le CN exige qu'on dételle un wagon.

    Les charges d'impact exercées par les roues et les températures froides peuvent aussi avoir joué un rôle dans l'amorçage de la fissure verticale du champignon observée sur le côté intérieur de la partie ouest du rail. Cependant, cette fissure, qui ne s'était pas propagée dans la table de roulement ni dans l'âme du rail, n'est pas considérée comme ayant contribué à l'accident.

    2.3 Soudures en voie

    2.3.1 Auscultation

    Bien que le Règlement sur la sécurité de la voie de TC n'exigeait aucun contrôle des défauts internes des soudures aluminothermiques, le CN effectuait un contrôle manuel par ultrasons qui se limitait à la partie eulée de la soudure. Le contrôle, tel qu'il était effectué, permettait de détecter des défauts dans le champignon et l'âme du rail mais n'aurait pas permis de détecter la préfissure dans le patin. Même s'il était incomplet, ce contrôle constituait néanmoins un outil essentiel à la sécurité surtout sur les voies où la fréquence des auscultations est faible comme sur les voies principales de l'est du Canada. Le CN aurait pu facilement adapter la même technologie à la partie non meulée des soudures pour détecter les défauts à travers toute la surface du rail, mais à l'instar des autres compagnies ferroviaires, le CN a plutôt mis un terme à tout contrôle par ultrasons des soudures aluminothermiques. Le contrôle des soudures par étincelage est par contre toujours requis, bien que leur qualité soit plus uniforme et que leur taux de défectuosités soit plus faible.

    Selon le CN, le contrôle était devenu redondant car, entre 1991 et 1995, le taux de défectuosités des soudures aluminothermiques avait été réduit de moitié. La décision du CN de mettre un terme au contrôle manuel par ultrasons a été appliquée à toutes les subdivisions, indépendamment des conditions locales, du tonnage, de la vitesse ou du type et de la densité de trafic. Les nouvelles normes de la FRA ont d'ailleurs reconnu cet aspect et exigent que les soudures faites sur les voies à haute vitesse soient inspectées pour détecter les défauts internes. Le taux de défectuosités des soudures a peut-être été réduit, mais des risques résiduels existent et peuvent être considérés comme élevés sur certaines sections de voie. De ce fait, les particularités inhérentes aux voies principales sur lesquelles circulent des trains de voyageurs ou des trains transportant de grandes quantités de marchandises dangereuses dans des zones urbaines devraient être prises en considération. Il est indéniable que des progrès considérables ont été réalisés dans le domaine du soudage aluminothermique; par exemple, l'introduction des creusets jetables a réduit les risques de porosité. Cependant, la multiplicité des étapes pour réaliser une soudure aluminothermique et certaines étapes critiques, particulièrement à l'étape de la préparation et de l'alignement des rails et lors du préchauffage, demeurent des faiblesses de ce procédé et peuvent encore être des sources d'erreurs.

    La dernière auscultation des rails dans le tronçon de la voie a eu lieu environ deux mois avant le déraillement et n'a pas révélé l'existence d'un défaut interne dans le rail. De toute façon, la préfissure ne pouvait pas être détectée par les méthodes automatisées d'auscultation car elle se trouvait dans le patin du rail. Par ailleurs, la probabilité de détecter les fissures au moment où elles émergent dans l'âme du rail est relativement minime car, une fois amorcées, les fissures se propagent rapidement. Par conséquent, sans un contrôle par ultrasons de tout le pourtour des soudures, les défauts du patin ne peuvent pas être détectés et sont donc susceptibles d'occasionner des ruptures de rail et de mettre en danger la santé, la sécurité et le bien-être des employés et des résidants qui demeurent à proximité des voies ferrées.

    2.3.2 Assurance de la qualité

    Le système d'assurance de la qualité que le CN avait en place n'a pas été en mesure de déterminer que la soudure n'avait pas été effectuée selon les normes de la compagnie. La soudure n'a pas non plus été répertoriée dans l'inventaire des réparations et ajustements des LRS. L'enquête n'a pas déterminé si la pratique était répandue, car seule une inspection visuelle d'un échantillon aléatoire assez grand de soudures existantes pourrait fournir une évaluation exacte de l'ampleur des risques potentiels. Comme seules les soudures réalisées par les équipes de production sont contrôlées par des inspections indépendantes, il est fort probable que la soudure a été réalisée par une équipe de zone car les défectuosités sont plus susceptibles de rester cachées lorsqu'il n'y a pas de contrôle de la qualité. Cependant, vu que la formation des soudeurs des équipes de zone est identique à celle des soudeurs des équipes de production et que, d'autre part, le nombre des soudures réalisées par les équipes de zone est faible, on pourrait en conclure que le nombre de soudures non conformes aux exigences du CN devrait être relativement faible. Toutefois, comme les soudures sont des éléments critiques dans l'infrastructure ferroviaire, un contrôle de la qualité par du personnel indépendant est primordial pour que des conditions dangereuses ou des méthodes de travail inappropriées soient identifiées rapidement et corrigées.

    Le bourrelet de la soudure était adossé à la selle de rail, ce qui peut avoir donné lieu à une amplification des charges d'impact. Il est toutefois peu probable que le bourrelet se soit trouvé à cette position lors de l'exécution de la soudure, parce qu'il aurait été impossible de placer le moule à cet endroit. La soudure s'est certainement déplacée sous l'effet du fluage du rail dû aux contraintes thermiques et dynamiques. Malgré des inspections visuelles bi-hebdomadaires de la voie, la position du bourrelet n'a pas été relevée et corrigée. En fait, ces inspections courantes sont adéquates pour vérifier des changements dans l'état de la voie mais s'avèrent souvent insuffisantes quand il s'agit de détecter des détails précis et qui sont de surcroît difficiles à distinguer à partir d'un véhicule rail-route qui peut rouler jusqu'à une vitesse d'environ 20 mi/h. Cela est compréhensible du point de vue des facteurs humains, et de nombreux chercheurs dans le domaine de la psychologie cognitive, dont G. Miller (1956)Note de bas de page 14, D. Lane (1982)Note de bas de page 15 ou C. Wickens (1984)Note de bas de page 16, ont décrit en détail les limites de la capacité humaine en matière de traitement de l'information. Les inspecteurs doivent effectuer un grand nombre d'inspections visuelles distinctes mais concurrentes (profil géométrique de la voie, rails, traverses, ballast, drainage, branchements, passages à niveau, équipement de signalisation, clôtures). Quand des personnes doivent s'acquitter de plus d'une tâche à la fois, leur rendement est moindre dans l'exécution d'au moins une des tâches. Les personnes peuvent suivre l'évolution de cinq à neuf éléments d'information en même temps, mais si plusieurs tâches concurrentes font appel à la même faculté, en l'occurrence la vision dans le cas des inspecteurs, ce nombre diminue. De ce fait, seules une inspection spécifique de la soudure et une mesure du désalignement des abouts de rail auraient permis de constater que la soudure n'était pas conforme aux normes en vigueur et qu'elle était adossée à la selle de rail.

    2.4 Ruptures de rail et déraillements

    De 1995 à 1999, à l'échelle du réseau du CN, les ruptures de rail en service sont passées de 584 à 296, soit une diminution d'environ 49 p. 100. Pour la même période, le taux de déraillements dus à des ruptures de rail a également suivi la même tendance à la baisse aussi bien à l'échelle du réseau du CN que dans l'ensemble de l'industrie. La multiplication des DDR et l'augmentation des fréquences d'auscultation pour déceler les défauts internes des rails sont des éléments qui ont probablement contribué à la baisse générale des ruptures de rail en service et des déraillements qui leur sont associés.

    Toutefois, il faut noter que le taux de déraillements (toutes catégories) du CN a toujours été inférieur à celui de l'industrie (inférieur à 78 p. 100) alors que le taux de déraillements dus à des ruptures de rail est sensiblement le même que la moyenne de l'industrie et l'a même atteint en 1996 et dépassé en 1998. Contrairement aux autres compagnies ferroviaires au Canada, le CN ne réduit pas la vitesse des trains lorsque la charge d'impact des roues est supérieure à 140 kips. Cette différence de procédure pourrait être un facteur contributif mais serait insuffisante à expliquer à elle seule cette singularité. Il faudrait en fait tenir compte de facteurs comme l'âge, le profil et la métallurgie du rail, le tonnage, la géométrie et les normes d'inspection et d'entretien de chaque compagnie ferroviaire afin d'établir la contribution de chaque paramètre.

    Lorsque le train 783 est entré dans le canton où le rail s'est rompu, le signal de canton affichait une indication de vitesse normale; cependant, entre le passage à niveau et l'aiguillage du branchement industriel, un choc anormal provenant du côté du rail sud a été ressenti à bord de la locomotive de tête. Selon toute vraisemblance, le rail était déjà rompu mais il y avait encore une continuité électrique car la partie champignon du rail n'était pas encore détachée. Le fait que le système de signalisation fonctionnait encore n'est nullement considéré comme une défaillance car la fonction première du système de signalisation est de contrôler le mouvement des trains et non de détecter les ruptures de rail. Toutefois, cette particularité du système de détecter les ruptures de rail est exploitée par les compagnies ferroviaires et explique en partie la raison pour laquelle le CN n'exige pas d'inspection spéciale de la voie ni de ralentissement de la vitesse des trains lorsque le DDR détecte des charges d'impact de plus de 140 kips.

    Il est vrai qu'il n'y a qu'une infime partie des ruptures de rail qui cause des déraillements; en 1999, à l'échelle du réseau du CN, il y a eu 296 ruptures de rail et seulement 4 déraillements associés. On serait donc porté à croire que le système de signalisation offre un moyen de sécurité secondaire adéquat; cependant, ce système n'est pas toujours fiable et ne devrait donc pas être utilisé comme moyen de sécurité principal car le rail pourrait se rompre directement sous le train. Par ailleurs, certaines subdivisions ne sont pas équipées de systèmes de signalisation ou encore, comme c'est le cas sur la subdivision Saint-Hyacinthe, les trains peuvent être autorisés à circuler dans la direction inverse des signaux et ne disposent donc plus de système d'alerte. Donc, en se fiant à la particularité du système de signalisation de détecter les ruptures de rail, les compagnies ferroviaires font courir davantage de risques à leurs employés et au public. De ce fait, une identification de l'usure et des défauts de rail et un contrôle des charges d'impact deviennent essentiels pour réduire les ruptures de rail de façon significative et, par conséquent, les risques de déraillement.

    2.5 Détecteurs de défauts de roues

    Bien que l'industrie reconnaisse que des roues générant des impacts élevés peuvent occasionner des dommages à l'équipement et à l'infrastructure ferroviaire et que le CN a clairement établi un lien de causalité entre des charges d'impact élevées et des ruptures de rail, il n'existe toujours pas de normes ni de réglementation à ce sujet. En analysant l'évolution historique des niveaux d'alarme, on se rend compte qu'ils sont fixés d'une manière empirique et sont souvent appelés à changer car ils sont tributaires des exigences d'exploitation. Le niveau d'impact maximum pour lequel le CN exige un dételage du wagon était de 150 kips puis a été réduit à 140 kips. L'Association of American Railroads (AAR) accepte 90 kips comme critère de remplacement pour les roues excentrées mais ne mentionne aucune limite d'impact pour les défauts de surface des roues. Certaines compagnies ferroviaires ne prennent aucune mesure lorsque le niveau d'impact atteint 140 kips alors que d'autres réduisent la vitesse des trains à 30 mi/h. De plus, les procédures existantes sont assouplies lorsque des contraintes locales l'exigent, comme cela a été le cas à Jasper en 1999. Par conséquent, les procédures mises en place par le CN lorsque des roues génèrent des alarmes indiquant des charges d'impact de plus 140 kips ne sont pas toujours respectées et certains wagons ayant des roues défectueuses pouvant endommager la voie sont autorisés à continuer à circuler sur de longues distances sans aucune restriction.

    Cependant, il faut reconnaître que les charges d'impact ne sont qu'une des nombreuses variables qui affectent les ruptures de rail et qu'il est très difficile de prédire leur influence d'une façon fiable. Les variables qui interviennent sont nombreuses et leur interaction est encore mal connue : caractéristiques du rail, température, gradient de température, rigidité de la voie. Il est difficile d'inclure toutes les variables et d'établir des valeurs minimales qui tiendraient compte aussi bien des critères de sécurité que des critères d'exploitation; toutefois, compte tenu de l'importance des charges d'impact sur les ruptures de rail, une approche rigoureuse est indispensable si l'on veut réduire les accidents dus aux bris de rail et de roues.

    Les communications entre les DDR et le CCCF d'Edmonton sont surveillées par le technicien du CCCF d'Edmonton à l'aide d'un écran d'ordinateur placé sur son bureau. Étant donné que le technicien a plusieurs autres tâches à accomplir et qu'il est rarement assis à son bureau, il ne peut pas détecter les pannes de communication à temps. Le bureau du technicien était d'une conception qui, de concert avec les autres fonctions qui l'obligeaient à être ailleurs, réduisait ses possibilités de remarquer les pannes de communication.

    Quand la transmission des lectures du DDR de Bagot a été interrompue pendant les journées qui ont précédé l'accident, la panne a duré plusieurs heures. De l'information essentielle à la sécurité n'a pas été transmise et un wagon ayant une charge d'impact supérieure à 140 kips a continué de rouler jusqu'à Coteau, soit sur une distance additionnelle de 41 milles avant d'être dételé. Étant donné que le système de communication du DDR n'est pas un système à sécurité intrinsèque, une panne de communication peut affecter son bon fonctionnement et permettre à des roues défectueuses de continuer à circuler au risque de se briser ou de rompre le rail.

    Contrairement aux autres systèmes en voie, le DDR ne transmet aucune information aux équipes de train mais la communique à du personnel situé à plusieurs milles de l'endroit. De ce fait, ce système nécessite des communications fiables, des imprimantes fonctionnelles et des interactions humaines sans faille pour que les mesures correctives qui s'imposent soient immédiatement prises lorsqu'une roue ayant dépassé le niveau sûr a été détectée.

    TC a traditionnellement eu des programmes de surveillance du matériel roulant et de la voie mais n'a toujours pas encore mis en place de programme pour surveiller les nouveaux systèmes introduits par les compagnies ferroviaires ces dernières années, comme les DDR. Tout comme l'inspection des roues des wagons et l'auscultation des rails, le contrôle des charges d'impact est essentiel à la réduction des ruptures de rail et des bris d'équipement. Les compagnies ferroviaires sont responsables de la sécurité des activités ferroviaires quotidiennes, mais dans l'intérêt du public, TC doit veiller, par sa surveillance réglementaire, à ce que les compagnies ferroviaires disposent d'outils et de systèmes adéquats essentiels à la sécurité des opérations ferroviaires.

    2.6 Consignateurs d'événements

    Dans la grande majorité des accidents ferroviaires qui ont fait l'objet d'une enquête par le BST, les données ont pu être récupérées; cependant, lors de la plupart des accidents majeurs, les données ont été perdues. Comme il n'y a aucune exigence spécifiée dans la réglementation en vigueur quant à la conception ou à la construction des consignateurs, les consignateurs d'événements utilisés dans le domaine ferroviaire ont une faible résistance au choc et au feu et sont en général munis d'une fonction de mémorisation volatile. Lors de cet accident, les locomotives ont été soumises à des conditions extrêmes : le consignateur de la locomotive de tête a été exposé à des températures et des durées qui dépassent les normes en vigueur dans les autres modes de transport. Par contre, le consignateur de la deuxième locomotive a été moins endommagé; les données auraient pu être récupérées si la fonction de mémorisation avait été non volatile ou si le consignateur avait été conçu et fabriqué selon les normes en vigueur dans les autres modes de transport. Par conséquent, il faut en conclure que l'absence de normes de conception et de construction des consignateurs utilisés dans le domaine ferroviaire ne favorise pas la compréhension des accidents et gêne l'amélioration de la sécurité dans ce mode de transport.

    2.7 TED et composition du train

    L'erreur dans les documents d'expédition n'a pas eu de conséquences désastreuses car le chlorate de sodium n'est pas entré en contact avec les hydrocarbures. Cependant, l'enquête a permis de révéler des faiblesses dans les procédures existantes et des risques et conditions dangereuses auxquels les équipes de mesures d'urgence et le grand public peuvent être exposés.

    Les procédures de validation mises en place par le CN retardent le transfert de l'information en temps réel sans pour autant éliminer les risques d'erreurs. Pour assurer la sécurité et la qualité des données du système de TED, il est normal que les modifications aux documents d'expédition soient validées par le CN; toutefois, comme ces documents sont utilisés par les équipes de train, les modifications devraient être effectuées en temps réel afin de permettre aux équipes de train d'avoir accès à la version exacte. Or, les procédures mises en place par le CN ne permettent pas d'atteindre cet objectif puisqu'il n'y a aucun mécanisme sonore ou visuel pour avertir le personnel du CN chargé de la validation des données lorsque de l'information est « suspendue » dans le système de TED. Cette situation peut donc entraîner un retard dans la mise à jour et laisser des données erronées dans le système.

    Malgré le fait que le système de TED ne procède pas automatiquement à la modification des documents et « suspend » les nouvelles données introduites, il continue néanmoins à utiliser l'information existante même si elle est erronée. Comme le logiciel de TED ne dispose pas d'un mécanisme de sécurité intrinsèque, l'information erronée n'est pas gelée lorsque des nouvelles données sont en « suspens ». Par conséquent, le système a continué à générer des compositions de train inexactes alors qu'il disposait de renseignements « suspendus » exacts, indiquant que le wagon CGLX 483 était chargé de chlorate de sodium.

    Des erreurs de documentation ont été commises à des endroits différents par trois compagnies différentes (la Kimberly-Clark Inc., le bureau de la CXY de Vancouver et le bureau du CN à Winnipeg); toutefois, cela ne dénote pas nécessairement une faiblesse du système même s'il a pu y avoir un lien entre les erreurs. Il n'en demeure pas moins que le système est vulnérable puisqu'un grand nombre de clients entrent des données. Même les employés les plus motivés sont sujets aux erreurs et aux défaillances. Or, le système qui est en place n'est pas à l'épreuve de l'erreur humaine normale, comme le montre le cas de la CXY, qui dispose pourtant d'un système d'assurance de la qualité certifié. L'enquête a aussi permis de constater qu'il n'y a pas non plus de procédures en place pour vérifier et comparer physiquement les documents d'expédition avec les wagons d'un convoi. Comme la pesée des wagons est laissée à la discrétion des expéditeurs et que le CN ne pèse plus les wagons de nouveau dans les cours de triage, il se peut qu'une erreur de poids introduite par le client ne soit pas identifiée. En attendant que les DDR soient calibrés pour peser les wagons en voie, l'absence de tout contrôle du poids des wagons est un facteur qui fait augmenter les risques pour les employés et le public. Les erreurs grossières (wagon vide au lieu de wagon plein) affectent la composition du train et peuvent créer des conditions dangereuses pour l'exploitation du train ou pour les mesures d'urgence, mais des wagons surchargés peuvent par contre affecter la sécurité et l'intégrité de l'infrastructure surtout sur les voies secondaires et les chemins de fer d'intérêt local où la capacité de l'infrastructure (voie et ponts) peut être marginale.

    Les inspecteurs de TC ont visité l'expéditeur 10 mois avant l'accident; cependant, même si leur inspection avait eu lieu le jour où l'erreur a été introduite, elle n'aurait probablement pas détecté la défectuosité puisque celle-ci a été commise à Vancouver. Seule une comparaison entre les documents d'expédition générés par le TED et le chargement du wagon aurait permis d'identifier l'erreur; cependant, les dossiers d'inspection de TC ne font nullement état d'une telle comparaison. D'autre part, l'absence d'inspection au point de transfert à Coteau ne permet pas non plus de s'assurer que les documents sont transmis à tous les intervenants. En ce sens, la surveillance exercée par TC est insuffisante car elle ne permet pas de découvrir ce genre de non-conformité. Par ailleurs, comme les intervenants dans le transport de marchandises dangereuses ne disposent pas tous de systèmes d'assurance de la qualité adéquats, la fréquence d'inspection préconisée par TC, soit au mieux une fois tous les six ans, n'est pas de nature à assurer que le transport et la manutention des marchandises dangereuses sont toujours conformes au Règlement sur le transport des marchandises dangereuses.

    2.8 Wagons-citernes de l'Ultratrain

    Lors de cet accident, il y a eu un déraillement, suivi d'une collision. Les wagons-citernes directement en cause n'ont pas résisté à la force de l'impact et des explosions. L'ampleur de l'accident et des forces en présence constitue un cas extrême qui ne permet pas de tirer des leçons ou d'identifier des faiblesses dans la conception et la construction du matériel roulant.

    2.9 Mesures d'urgence

    La protection des lieux et les mesures mises en place pour assurer la sécurité de la population ont été appropriées et bien exécutées. L'évacuation par la municipalité de Mont-Saint-Hilaire s'est faite de façon exemplaire.

    L'entente d'entraide inter-municipales a bien fonctionné, et les ressources humaines et les équipements conventionnels étaient adéquats. Cependant, l'amoncellement des wagons a rendu la lutte des pompiers extrêmement difficile car le feu couvait sous les débris. Au moment où aucun foyer n'était visible et que le feu semblait être maîtrisé, il reprenait de plus belle. Ceci a entraîné quelques problèmes dans la protection des lieux mais à aucun moment la sécurité du personnel chargé de la lutte contre l'incendie n'a été compromise. Dans l'ensemble, les pompiers se sont bien acquittés de leur tâche, même s'ils étaient confrontés à un sinistre de grande envergure dans un mode de transport qu'ils n'avaient pas couvert dans leur formation pratique.

    D'après le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, ni le CN ni Ultramar ne sont tenus d'établir des plans d'intervention d'urgence spécifiques à l'Ultratrain car les hydrocarbures qui y sont transportés ne font pas partie de l'Annexe I. Malgré tout, le CN disposait du plan ERP2-0120. Ce plan ne suivait pas le document TP 9285 de TC et ne pouvait en aucun cas répondre aux besoins spécifiques de l'Ultratrain puisqu'il ne définissait pas à l'avance les rôles, les ressources et les priorités des interventions d'urgence. Ceci a d'ailleurs été illustré lors de cet accident car la décision d'utiliser la mousse et certains autres aspects de logistique ont été débattus durant l'intervention; par conséquent, les opérations de lutte contre l'incendie ont quelque peu été gênées et retardées. Un plan d'intervention d'urgence suivant le document TP 9285 de TC aurait facilité et accéléré la lutte contre l'incendie car il aurait permis de définir à l'avance les rôles, d'établir les méthodes d'intervention appropriées et de répertorier les quantités de mousse et l'équipement disponibles dans la région.

    Il ne fait aucun doute que les exigences et les produits faisant partie de l'Annexe I ont fait l'objet d'une analyse des risques qui a tenu compte des propriétés physiques et chimiques, de la quantité de produits en cause ainsi que de l'environnement dans lequel ces produits sont transportés (zones urbaines). Cependant, sans remettre en cause cette analyse, on ne peut que remarquer que l'introduction de trains-blocs d'hydrocarbures liquides circulant dans des zones urbaines crée des conditions d'exploitation singulières qui mettent en évidence certaines faiblesses de l'Annexe I; par exemple, si l'on expédie ou importe 3 000 kg de phénol solide (UN 1671) qui est certes toxique mais qui ne se répand pas et reste confiné dans le wagon en cas de déraillement, on doit disposer d'un plan d'intervention d'urgence, mais lorsqu'on manipule 6,5 millions de litres d'essence comme dans le cas de l'Ultratrain, aucun plan d'intervention d'urgence n'est requis. Sans plan d'intervention d'urgence, il est difficile de s'assurer qu'on est en mesure d'intervenir d'urgence en cas d'accident mettant en cause des marchandises dangereuses et que l'intervention est adaptée aux risques.

    L'accident est arrivé à moins de 25 milles (40 km) du centre-ville de Montréal dans une zone peu peuplée mais le trajet de l'Ultratrain le mène dans plusieurs zones urbaines où les risques sont beaucoup plus grands. Les fuites ou les déversements de marchandises dangereuses peuvent compromettre la santé, la sécurité et le bien-être des employés et des résidants qui demeurent à proximité des voies ferrées mais les risques sont encore plus élevés lorsqu'il s'agit de voies en milieu urbain. Les règlements de sécurité en vigueur tiennent déjà compte de ces facteurs pour les produits faisant partie de l'Annexe I. Il est primordial qu'une approche similaire soit adoptée pour les marchandises dangereuses transportées en grand volume et que les risques soient réévalués.

    La contamination a été plus concentrée à l'endroit où les wagons se sont empilés et dans les fossés où se sont déversés les hydrocarbures. Comme les sols contaminés de la plate-forme ferroviaire, de la route et des fossés ont été excavés et évacués pour être traités, les impacts environnementaux à long terme ont été minimes.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et facteurs contributifs

    1. Les deux membres de l'équipe du train 306 ont été mortellement blessés lors de la déflagration qui a eu lieu au moment où la locomotive de tête a percuté le 15e wagon du train 783.
    2. Selon toute vraisemblance, le 15e wagon du train 783 a déraillé lorsque la partie champignon du rail s'est détachée.
    3. La direction des marques en chevron, observées sur les surfaces de rupture, indique que la rupture a pris son origine dans la zone de préfissure située au niveau du coin inférieur du patin du rail.
    4. Le bourrelet de la soudure adossé à la selle de rail, le désalignement des abouts de rail et l'utilisation d'une plaque d'assise droite ont créé des conditions favorables à la naissance et à la propagation des fissures.
    5. La préfissure existante était suffisante pour entraîner la rupture du rail sous l'effet des contraintes occasionnées par les basses températures et des charges d'impact de roues inférieures aux niveaux d'alarme des détecteurs de défauts de roues (DDR) à partir desquels le Canadien National (CN) exige qu'on dételle un wagon.
    6. Seules une inspection spécifique de la soudure et une mesure du désalignement des abouts de rail auraient permis de constater que la soudure n'était pas conforme aux normes en vigueur et qu'elle était adossée à la selle de rail.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. À l'instar des autres compagnies ferroviaires, le CN a mis un terme aux essais par ultrasons des soudures aluminothermiques. Le contrôle des soudures par étincelage est par contre toujours requis, bien que leur qualité soit plus uniforme et que leur taux de défectuosités soit plus faible.
    2. Le contrôle manuel par ultrasons, comme il était effectué par le CN, n'aurait pas permis de détecter la préfissure dans le patin, mais il constituait néanmoins un outil essentiel à la sécurité, surtout sur les voies où la fréquence des auscultations est faible.
    3. Sans un contrôle par ultrasons de tout le pourtour des soudures, les défauts du patin ne peuvent pas être détectés et peuvent occasionner des ruptures de rail.
    4. Comme les soudures sont des éléments critiques dans l'infrastructure ferroviaire, un contrôle de la qualité par du personnel indépendant est primordial pour que des conditions dangereuses ou des méthodes de travail inappropriées soient identifiées rapidement et corrigées.
    5. Bien que l'industrie reconnaisse que des roues générant des impacts élevés peuvent occasionner des dommages à l'équipement et à l'infrastructure ferroviaire et que le CN a clairement établi un lien de causalité entre des charges d'impact élevées et des ruptures de rail, il n'existe toujours pas de normes ni de réglementation à ce sujet.
    6. Étant donné que le système de communication du DDR n'est pas un système à sécurité intrinsèque, une panne de communication peut affecter son bon fonctionnement et permettre à des roues défectueuses de continuer à circuler au risque de rompre le rail ou d'endommager l'équipement.
    7. Comme la pesée des wagons est laissée à la discrétion des expéditeurs et que le CN ne contrôle plus le poids des wagons, il se pourrait qu'une erreur de poids introduite par le client ne soit pas identifiée, ce qui augmente les risques pour les employés et le public.
    8. Comme le logiciel de transfert électronique de données (TED) ne gèle pas l'information erronée lorsque de nouvelles données sont en « suspens », le système peut continuer à générer des compositions de train inexactes alors qu'il dispose de renseignements exacts.
    9. La fréquence d'inspection préconisée par Transports Canada (TC), soit une fois tous les six ans, n'est pas de nature à assurer que le transport et la manutention de marchandises dangereuses sont toujours conformes au Règlement sur le transport des marchandises dangereuses.
    10. Un plan d'intervention d'urgence suivant le document TP 9285 de TC aurait facilité et accéléré l'intervention car il aurait permis de définir à l'avance les rôles, d'établir les méthodes d'intervention appropriées et de répertorier les quantités de mousse et l'équipement disponibles dans la région.
    11. Le transport de grandes quantités d'hydrocarbures liquides dans des trains-blocs circulant dans des zones urbaines entraîne des risques.

    3.3 Autres faits établis

    1. La multiplication des DDR et l'augmentation des fréquences d'auscultation pour déceler les défauts internes des rails sont des éléments qui ont probablement contribué à la baisse générale des ruptures de rail en service et des déraillements qui leur sont associés.
    2. L'absence de normes de conception et de construction des consignateurs d'événements des locomotives ne favorise pas la compréhension des accidents ferroviaires et gêne l'amélioration de la sécurité dans ce mode de transport.
    3. Même s'ils étaient confrontés à un sinistre de grande envergure dans un mode de transport qu'ils n'avaient pas couvert dans leur formation pratique, les pompiers se sont bien acquittés de leur tâche.
    4. Comme les sols contaminés de la plate-forme ferroviaire, de la route et des fossés ont été excavés et évacués pour être traités, les impacts environnementaux à long terme ont été minimes.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Soudures en voie

    Peu après l'accident, le Canadian National (CN) a émis des instructions à l'intention des superviseurs de la voie de l'ensemble du réseau, disant de vérifier la position des soudures aluminothermiques existantes et de modifier celles qui sont adossées à des selles de rail.

    En 2000, le CN a entrepris de faire des inspections visuelles au hasard sur 4 000 nouvelles soudures en voie; le CN a examiné 10 p. 100 de ces soudures et a relevé une seule soudure défectueuse. Le CN a aussi porté à quatre par année la fréquence des auscultations des rails sur les voies principales de l'est du Canada.

    4.1.2 Détecteurs de défauts de roues

    Au cours de l'année 2000, le CN a installé de nouveaux appareils de transmission à chaque détecteur de défauts de roues (DDR) pour améliorer la compatibilité des protocoles. On a mis en place un nouveau système de surveillance ainsi que des nouvelles procédures au centre de contrôle de la circulation ferroviaire, pour être en mesure de détecter les erreurs de transmission et de prendre rapidement les mesures correctives qui s'imposent. Au début de février 2001, le BST a vérifié les lectures du DDR de Bagot enregistrées entre le 26 janvier et le 28 janvier 2001, pour réévaluer les pannes de communication observées au cours des jours qui ont précédé l'accident. Pendant les trois jours d'observation, aucune panne de communication n'a été signalée.

    On a ajouté un deuxième appareil de surveillance des alarmes relatives aux communications des DDR dans le bureau du contrôleur de la circulation ferroviaire - Mécanique (CCFM) d'Edmonton, pour assurer une intervention rapide en cas de panne de communication en voie. Le CN a aussi instauré des réunions hebdomadaires d'examen des performances du système de DDR, au cours desquelles les CCFM et les techniciens du Département de la signalisation et des communications identifient les problèmes d'entretien et d'exploitation et veillent à ce que des correctifs soient apportés dans les meilleurs délais.

    Même si la préfissure existante aurait pu causer à elle seule la rupture du rail sous l'effet des contraintes dues aux basses températures et aux charges d'impact inférieures aux niveaux d'alarme des DDR à partir desquels le CN exige qu'on dételle les wagons, le Bureau reconnaît qu'il est difficile d'établir des limites optimales qui tiennent compte à la fois des exigences de la sécurité et de celles de l'exploitation (c'est-à-dire réduire à la fois le nombre des roues qui sont détectées et le nombre des ruptures de rail en service). Comme pour toute nouvelle technologie, il faudra un certain temps pour en venir à optimiser l'application des données à l'exploitation ferroviaire.

    La détection des défauts de roues est une initiative positive en matière de sécurité ferroviaire, dont l'objet n'est pas nécessairement d'éliminer les ruptures de rail. Toutefois, quand elle est combinée à des programmes visant à déceler l'usure et les défauts internes des rails, le contrôle des charges d'impact peut contribuer de façon sensible à la réduction du nombre de ruptures de rail et, partant, des risques de déraillement.

    Le Bureau reconnaît les efforts de Transports Canada (TC) en vue de l'élaboration d'un programme de surveillance et de vérification des signaux de contrôle de la circulation ferroviaire qui inclura les systèmes de DDR et d'autres systèmes de détection en voie. Ce programme consistera à superviser l'installation et l'entretien des systèmes en question, et notamment l'établissement de niveaux d'alarme entraînant le retrait du matériel roulant. Vu l'importance des charges d'impact pour ce qui est des ruptures de rail, il est essentiel de suivre une démarche rigoureuse afin de réduire le nombre d'accidents dus à des ruptures de rail et de roues.

    4.2 Mesures nécessaires

    4.2.1 Plans d'intervention d'urgence

    L'introduction de trains-blocs d'hydrocarbures liquides circulant dans des zones urbaines crée des conditions d'exploitation singulières qui mettent en évidence certaines faiblesses de la réglementation de sécurité existante. Même si l'accident s'est produit dans une zone peu peuplée, le trajet de l'Ultratrain le mène dans plusieurs zones urbaines où les risques sont beaucoup plus grands. Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses tient déjà compte de ces facteurs pour les produits figurant dans l'Annexe I, et exige par conséquent des plans d'intervention d'urgence spécifiques pour le transport des produits en question. Toutefois, ni les expéditeurs ni les transporteurs ne sont tenus d'établir des plans d'intervention d'urgence spécifiques pour des trains-blocs comme l'Ultratrain, étant donné que les hydrocarbures qu'il transporte ne figurent pas dans l'Annexe I. Un plan d'intervention d'urgence exhaustif basé sur le TP 9285 de TC, dans lequel on définit clairement à l'avance les rôles, les ressources et les priorités des interventions d'urgence, permettrait sans aucun doute d'améliorer l'intervention d'urgence et d'atténuer les risques consécutifs aux accidents. Sans un tel plan d'intervention d'urgence, il est difficile d'assurer une exécution immédiate des mesures appropriées en cas d'accident touchant des marchandises dangereuses. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    Transports Canada révise les dispositions de l'Annexe I et les exigences relatives aux plans d'intervention d'urgence pour s'assurer que, lors du transport d'hydrocarbures liquides, on tienne compte des risques que ce transport représente pour le public.
    Recommandation R02-03 du BST

    4.2.2 Possibilité de survie des données sur les accidents

    Le BST réussit à récupérer les données des consignateurs d'événements concernant la grande majorité des accidents ferroviaires sur lesquels il fait enquête; toutefois, dans le cas d'accidents catastrophiques, lors desquels les locomotives ont subi un impact majeur, ont été incendiées ou submergées, il est impossible de récupérer les données. Par exemple, lors de l'accident à l'étude, il a été impossible de déterminer la façon dont les membres de l'équipe du train 306 se sont comportés ou ont réagi, parce que les consignateurs d'événements des deux locomotives ont subi des dommages. Les données du consignateur de la seconde locomotive auraient été sauvegardées si la conception du consignateur et la façon dont il a été fabriqué avaient été conformes à des normes de résistance aux accidents similaires à celles qui sont en vigueur dans les autres modes de transport.

    La capacité de comprendre la nature des accidents ferroviaires et d'analyser les tendances en matière de sécurité ferroviaire constitue un élément clé du succès de toute initiative en matière de sécurité. Du fait qu'ils renferment un relevé historique de la situation (vitesse, position de la manette des gaz, etc.) et des mesures qui ont été prises (serrage des freins, accélération, etc.) dans les instants qui précèdent un accident, les consignateurs d'événements jouent un rôle de premier plan dans l'amélioration de la sécurité des transports.

    Il n'y a pas qu'au Canada qu'on se préoccupe des possibilités de survie des données contenues dans les consignateurs d'événements des locomotives. Cette question est aussi examinée par la Federal Railroad Administration (FRA). Après un déraillement catastrophique survenu à Cajon Pass en Californie, en 1996, on a mis sur pied en 1997 un groupe de travail sous l'égide du comité consultatif de la sécurité ferroviaire (Rail Safety Advisory Committee [RSAC]) de la FRA, qui a été chargé de modifier les règles relatives aux consignateurs d'événements des locomotives (49 CFR 229.135). On a produit récemment une ébauche de document de réglementation qui a été présentée pour examen en janvier 2002. Cette ébauche exige que les locomotives soient équipées d'un consignateur d'événements qui incorpore un module de mémoire certifié comme étant résistant aux accidents. Elle prévoit aussi les exigences relatives à la méthode de certification des modules résistant aux accidents. Les méthodes d'essai et les critères de performances et de résistance aux incendies, aux impacts, à l'écrasement statique, à l'immersion et à la pression hydrostatique ont été tirées des normes en vigueur dans le secteur de l'aviation civile internationale.

    Par ailleurs, l'établissement d'exigences de résistance aux accidents des consignateurs d'événements n'est qu'une des façons disponibles pour assurer la survie des données; on peut aussi envisager d'autres méthodes, notamment assurer le transfert en temps réel des données des consignateurs d'événements ou placer le module de mémoire à un endroit plus sûr. L'objectif ultime est d'accroître la qualité et les possibilités de survie des renseignements disponibles aux fins des enquêtes consécutives aux accidents, de façon que les enquêtes soient plus poussées et qu'on puisse prendre des initiatives permettant de réduire les risques d'accidents similaires ainsi que les conséquences de ces accidents.

    Les locomotives qui franchissent la frontière États-Unis-Canada devront se conformer à la nouvelle règle de la FRA; toutefois, les locomotives qui ne circulent que sur des voies canadiennes ne seront pas touchées par cette règle puisque ni la réglementation en vigueur au Canada ni les normes de l'industrie ne contiennent des dispositions quant à la conception et à la construction des consignateurs d'événements des locomotives. En l'absence de normes de conception et de construction, il est plus difficile de comprendre les causes des accidents ferroviaires et d'améliorer la sécurité ferroviaire au Canada. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    Transports Canada s'assure que les normes de conception des consignateurs d'événements des locomotives comprennent des dispositions quant à la survie des données.
    Recommandation R02-04 du BST

    4.2.3 Soudures en voie

    L'enquête a révélé des lacunes dans les méthodes existantes d'inspection et de contrôle de la qualité des soudures en voie. Le système en place d'assurance de la qualité n'a pas détecté les soudures qui n'étaient pas conformes aux normes de la compagnie (désalignement entre les abouts de rails, absence de plaquette de soudure, soudure non répertoriée dans l'inventaire des réparations et ajustements des longs rails soudés [LRS]).

    Les efforts du CN, consistant à identifier les soudures en voie qui étaient adossées aux selles de rail et à modifier leur position, et à porter à quatre par année la fréquence des auscultations des rails aux ultrasons sur les voies principales de l'est du Canada, constituent des étapes positives en vue de la réduction des risques liés aux défauts des soudures en voie. Toutefois, on n'a pris aucune mesure pour remédier aux problèmes concernant le contrôle de la qualité des soudures et l'auscultation pour déceler les défauts internes des soudures en voie peu de temps après le soudage.

    Même si le règlement n'exigeait pas un contrôle pour déceler les défauts internes des soudures aluminothermiques, le CN auscultait manuellement aux ultrasons la surface meulée des soudures peu de temps après le soudage. Cette mesure de sécurité supplémentaire était unique dans l'industrie et n'était pas appliquée par d'autres compagnies ferroviaires d'Amérique du Nord. Toutefois, comme le taux de défaillances des soudures aluminothermiques avait diminué jusqu'à atteindre moins de 0,5 p. 100, grâce à l'amélioration considérable du soudage aluminothermique, le CN a mis un terme à cette pratique en 1995 et s'en est remis aux inspections automatiques faites par la voiture d'auscultation des rails. La décision du CN de mettre un terme aux auscultations manuelles aux ultrasons a été appliquée à toutes les subdivisions, quels que soient les conditions locales, le tonnage, la vitesse ou le type et la densité du trafic. Aux États-Unis, la FRA avait adopté une approche tenant compte des risques; par exemple, les normes de la FRA exigent qu'on inspecte les soudures sur les voies à grande vitesse peu de temps après le soudage pour s'assurer de leur qualité.

    Le soudage aluminothermique est un processus susceptible d'être affecté par des erreurs humaines, car l'exécution d'une soudure requiert 13 opérations distinctes qui doivent être réalisées dans un ordre précis par des soudeurs bien formés. De plus, les méthodes d'auscultation automatique ne permettent pas de détecter les défauts situés à la base de la soudure, et la probabilité de détecter les fissures au moment où elles émergent dans l'âme du rail est relativement minime car, une fois amorcées, les fissures de ce type se propagent rapidement. À défaut d'un contrôle par ultrasons de tout le pourtour des soudures, et d'un contrôle de la qualité effectué par un personnel indépendant, il est impossible d'identifier les matériaux ou les méthodes de travail non appropriés qui peuvent occasionner des défauts des soudures en voie.

    Le Bureau reconnaît que le taux de défauts de soudures aluminothermiques a diminué et que les soudures par étincelage remplacent graduellement les soudures aluminothermiques en voie; toutefois il faut réduire encore davantage les risques résiduels sur certains tronçons de voie, par exemple les voies principales où circulent des trains de voyageurs à grande vitesse ou des trains qui, comme l'Ultratrain, transportent de grandes quantités de marchandises dangereuses dans des zones urbaines. Les soudures sont des éléments critiques de l'infrastructure de la voie et on doit donc leur porter une attention particulière. Par conséquent, le Bureau recommande que :

    Transports Canada révise les exigences relatives à l'auscultation et au contrôle de la qualité des soudures aluminothermiques faites en voie afin d'assurer en tout temps une sécurité adéquate sur tous les types de voies ferrées.
    Recommandation R02-05 du BST

    4.3 Préoccupations liées à la sécurité

    Aux termes de la Loi sur le transport des marchandises dangereuses et du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, les documents d'expédition qui accompagnent les wagons peuvent consister en des copies éélectroniques générées à des points intermédiaires à partir du système de transfert électronique de données (TED).

    Le système de TED donne une certaine marge de manoeuvre aux équipes des trains et leur donne accès à des bulletins de composition des trains à jour. Toutefois, l'enquête a mis en évidence des lacunes dans les procédures existantes du système. Ces lacunes, notamment l'absence de système de contrôle permettant de détecter les erreurs et de les compenser, sont susceptibles de donner lieu à des conditions dangereuses.

    Le système de TED est particulièrement susceptible d'être affecté par des erreurs humaines, étant donné qu'un grand nombre de clients entrent des données et que le système en place n'a pas de mécanisme de protection contre les erreurs humaines normales. Pour accélérer les opérations lorsque des données sont absentes ou que les données sur un wagon qu'on ramasse sont incomplètes, le transporteur peut faire la saisie de l'information dans le système sans que l'expéditeur ait à intervenir ou à donner une confirmation. De plus, les modifications aux documents d'expédition sont validées par le CN; toutefois, la vérification ne se fait pas en temps réel puisque le système ne modifie pas automatiquement les documents et laisse les nouvelles données en « suspens ». Le système ne gèle pas l'information erronée lorsque de nouvelles données sont en « suspens ». Il n'y aucune procédure de contrôle permettant de vérifier les documents d'expédition éélectroniques et de les comparer aux originaux ou au bulletin de composition du train.

    Comme les documents d'expédition sont utilisés par les équipes des trains et par le personnel d'intervention d'urgence, leur disponibilité et leur exactitude sont d'une importance critique pour la sécurité. Le Bureau s'inquiète du fait que les risques liés au système de TED et aux inexactitudes possibles dans le bulletin de composition des trains n'ont pas été réglés et présentent encore des conditions dangereuses pour le personnel d'intervention d'urgence et le grand public.

    Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

    Annexes

    Annexe A - Calcul des contraintes

    Contrainte de flexion par une roue sur le rail

    La contrainte de flexion due au chargement vertical est obtenue en utilisant l'équation de TalbotNote de bas de page 17. Les contraintes sont calculées pour la charge statique et pour les charges d'impact. La charge statique par roue est déterminée en considérant le poids maximal des wagons courants qui circulent en Amérique du Nord, c'est-à-dire 286 000 livres, ce qui équivaut à une charge statique nominale de 33 500 livres par roue.

    La contrainte est fonction de plusieurs variables, notamment du module de rigidité de la voie, qui représente la flexibilité de la voie. Elle dépend du profil de rail et de la rigidité de la structure d'assise (traverses, ballast, plate-forme). Le module de rigidité peut varier de 750 (pour un rail de 85 livres et une couche de ballast de 6 pouces) à 3 000 (rail de 130 livres et couche de ballast de 24 pouces). Les voies principales, comme les voies de la subdivision Saint-Hyacinthe, ont un module de rigidité moyen qui varie entre 2 000 et 3 000.

    Figure 6. Contrainte en fonction de la charge verticale (P) et du module de rigidité (U)
    Image
    Contrainte en fonction de la charge verticale (P) et du module de rigidité (U)

    Contraintes combinées

    Contrainte thermique

    La contrainte thermique engendrée dans le rail dépend de l'écart entre la température de pose du rail et la température ambiante. Au moment de l'accident, la température ambiante était de 12 degrés Fahrenheit (moins 11 degrés Celsius) environ. Pour un rail qui a été posé ou ajusté à une température voisine de la température idéale de pose (TIP), comme le prescrit la Circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) 3205, l'écart de température serait de 68 degrés Fahrenheit (20 degrés Celsius). La contrainte de traction attribuable à l'effet thermique serait une traction qui s'élèverait à 12 240 livres au pouce carré ou 12,24 ksi.

    Contraintes résiduelles

    Selon plusieurs sourcesNote de bas de page 18, le soudage aluminothermique génère des contraintes résiduelles de traction sur l'âme du rail et de la compression sur le champignon et le patin. À l'axe de la soudure, la compression est de l'ordre de 36 ksi à 44 ksi; à 50 mm de l'axe de la soudure, elle est de 18 ksi. En considérant une distribution linéaire des contraintes, la contrainte serait une compression de 28 ksi au droit de la préfissure (à 22,3 mm de l'axe de la soudure).

    La contrainte combinée est obtenue en additionnant les contraintes de traction engendrées par la charge des roues et les effets thermiques et en soustrayant la compression due aux contraintes résiduelles au niveau de la préfissure.

    Figure 7. Contrainte combinée, en fonction de la charge verticale (P) et du module de rigidité (U)
    Image
    Contrainte combinée, en fonction de la charge verticale (P) et du module de rigidité (U)

    Annexe B - Procédures pour les détecteurs de défauts de roues

    Critères de remplacement des roues de l'AAR

    Les critères de remplacement des roues de l'Association of American Railroads (AAR) sont clairement définis dans la règle 41 du Field Manual of the AAR Interchange Rules. Les roues doivent être remplacées lorsque les tables de roulement et les boudins des roues atteignent certains stades d'usure ou lorsqu'il y a des fissures ou des défectuosités comme des entailles, des exfoliations, de l'écaillage, des méplats. Parmi les 32 critères de remplacement de l'AAR, seule l'excentricité des roues se réfère aux charges d'impact. En effet, l'AAR autorise le remplacement des roues lorsque l'impact généré est supérieur à 90 000 livres; toutefois, l'excentricité doit mesurer au moins 0,07 pouce.

    Procédures du CN

    Les mesures suivantes doivent êtres prises lorsque des charges excessives d'impact de roues sont détectées par les détecteurs de défauts de roues (DDR) :

    Impact unique

    Si la charge d'impact est supérieure à 100 kips, les roues sont inspectées si l'atelier désigné est un lieu désigné pour les vérifications de sécurité (LDVS) pour le train en question. Les roues sont remplacées lorsqu'elles rencontrent les critères de remplacement des roues de l'AAR.

    Si la charge d'impact est de plus de 124 kips, les roues doivent être automatiquement inspectées à l'atelier désigné et remplacées lorsqu'elles rencontrent les critères de remplacement des roues de l'AAR.

    Si la charge d'impact est supérieure à 140 kips, la procédure exige un dételage du wagon en cause. Si le train est en direction d'un terminal, le wagon doit être dételé au terminal et si le train sort d'un terminal, le wagon doit être dételé à la première voie d'évitement. Dans les deux cas, les roues qui ont engendré l'alarme doivent être remplacées.

    Impact double

    Les DDR gardent en mémoire toutes les roues qui ont déclenché une alarme de charges d'impact supérieures à 100 kips. Si une même roue a déclenché une autre alarme de charges d'impact de plus de 100 kips dans les derniers 90 jours, le contrôleur de la circulation ferroviaire - Mécanique doit consigner le wagon en question dans le système informatisé pour les wagons. Si les deux charges d'impact sont comprises entre 100 kips et 125 kips, le wagon est inspecté au prochain LDVS pour ce train. Cependant, si l'une des deux alarmes de charges d'impact est de plus de 125 kips, le wagon doit être inspecté au premier endroit où il y a un inspecteur accrédité de matériel remorqué. Lorsque les roues rencontrent les critères de remplacement des roues de l'AAR, les roues en question sont remplacées; autrement, elles ne sont remplacées que si elles appartiennent au CN.

    Annexe C - Statistiques sur les ruptures de rail et les déraillements

    Ruptures de rail en service

    1995 1996 1997 1998 1999
    CN 584 638 407 364 296
    CN: Halifax-Montréal-Toronto 25 29 38 21 35

    Déraillements dus à des ruptures de rail

    1995 1996 1997 1998 1999
    Industrie 20 20 11 9 9
    CN 8 10 5 6 4
    CN: Halifax-Montréal-Toronto 1 0 0 1 1

    Déraillements (toutes catégories)

    1995 1996 1997 1998 1999
    Industrie 151 188 172 108 120
    CN 59 74 55 43 45
    CN: Halifax-Montréal-Toronto 6 10 10 8 14

    Taux de déraillements dus à des ruptures de rail

    1995 1996 1997 1998 1999
    Industrie 0,25 0,26 0,14 0,12 0,12
    CN 0,2 0,26 0,12 0,16 0,11
    Coefficient : CN / Industrie 0,8 1,00 0,86 1,33 0,92

    Taux de déraillements (toutes catégories)

    1995 1996 1997 1998 1999
    Industrie 1,9 2,49 2,20 1,42 1,6
    CN 1,44 1,93 1,35 1,12 1,24
    Coefficient : CN / Industrie 0,76 0,78 0,61 0,79 0,78

    Annexe D - Sigles et abréviations

    AAR
    Association of American Railroads
    BA
    block automatique
    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    BLEVE
    Boiling Liquid Expanding Vapour Explosion (détente explosive des vapeurs de liquides en ébullition)
    CCCF
    centre de contrôle de la circulation ferroviaire
    CCF
    contrôleur de la circulation ferroviaire
    CCFM
    contrôleur de la circulation ferroviaire - Mécanique
    CGTX
    Canadian General Transportation Company
    CMN
    Circulaire sur les méthodes normalisées
    CN
    Canadian National
    CSX
    CSX Transportation, Inc.
    CXY
    Produits chimiques CXY
    DDR
    détecteur de défauts de roues
    FRA
    Federal Railroad Administration
    GATX
    General American Transportation Corporation
    GMU
    Guide des mesures d'urgence 2000
    h
    heure
    HNE
    heure normale de l'Est
    IGE
    Instructions générales d'exploitation
    kg
    kilogramme
    kips
    milliers de livres
    km
    kilomètre
    ksi
    milliers de livres au pouce carré
    L
    litre
    LDVS
    lieu désigné pour les vérifications de sécurité
    LRS
    long rail soudé
    m
    mètre
    mi/h
    mille à l'heure
    mm
    millimètre
    P
    charge verticale
    REF
    Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
    ROV
    régulation de l'occupation de la voie
    RSAC
    Rail Safety Advisory Committee
    RSW
    Règlement sur la sécurité des wagons
    SDV
    système de détection en voie
    TC
    Transports Canada
    TED
    transfert électronique de données
    TIP
    température idéale de pose
    TTCI
    Transportation Technology Center, Inc.
    U
    module de rigidité
    Ultramar
    Ultramar Canada Inc.
    VIA
    VIA Rail Canada Inc.