Rapport d'enquête ferroviaire R16C0065

Collision et déraillement de trains sur voie non principale
Chemin de fer Canadien Pacifique
Trains de marchandise 303-646 et 113-31
Point milliaire 171,7, subdivision de Brooks
Calgary (Alberta)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 3 septembre 2016, vers 9 h 25, heure avancée des Rocheuses, le train 303-646 du Chemin de fer Canadien Pacifique, qui circulait vers l'ouest à environ 22 mi/h au point milliaire 171,7 de la subdivision de Brooks, est entré en collision avec la queue du train 113-31, qui était immobilisé sur la voie PT01, près du triage Alyth, à Calgary (Alberta). Deux locomotives à la tête du train 303-646 ont déraillé, tout comme 2 wagons-trémies couverts derrière les locomotives. Le dernier wagon du train 113-31, un wagon porte-conteneurs à 3 plateformes, a également déraillé. Il n'y a pas eu de blessés. Aucune marchandise dangereuse n'a été déversée.

    Renseignements de base

    L'accident

    Le 3 septembre 2016, le train 113-31 (train 113) du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a quitté Medicine Hat (Alberta), vers 0 h 45Note de bas de page 1. Circulant vers l'ouest sur la subdivision de Brooks, le train 113 roulait en direction de Coquitlam (Colombie-Britannique). Vers 1 h 15, le train 303-646 (train 303) du CP a quitté Medicine Hat, lui aussi circulant vers l'ouest sur la subdivision de Brooks, à destination de Vancouver (Colombie-Britannique). Les équipes de train de ces deux trains devaient être relevées au triage Alyth, à Calgary (Alberta) (figure 1).

    Figure 1. Carte du lieu de l'accident (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
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    Figure 1. Carte du lieu de l'accident (source : Association des chemins de fer du Canada,  <em>Atlas des chemins de fer canadiens</em>, avec annotations du BST)

    Le train 113 se composait de 3 locomotives (2 locomotives de tête et 1 locomotive située au milieu du train) et de 69 wagons plats intermodaux chargés. Il pesait environ 9 500 tonnes courtes et mesurait quelque 12 000 pieds de long. Le train 303 se composait de 3 locomotives (2 locomotives de tête et 1 locomotive de queue) et de 134 wagons-trémies couverts chargés. Ce train pesait environ 18 000 tonnes courtes et mesurait quelque 8 000 pieds de long.

    Vers 8 h 53, le train 113 est arrivé au triage Alyth par la voie PT01 pour effectuer la relève prévue. La voie PT01 est la continuation de la voie principale vers l'ouest au-delà d'Ogden (point milliaire 171,1). Après l'immobilisation du train 113, le wagon de queue se trouvait dans une courbe près du point milliaire 171,7.

    Peu après l'arrivée du train 113, le coordonnateur de trains au terminal de Calgary a recommandé au contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) de diriger le train 303 vers la voie PT01, derrière le train 113.

    À 9 h, pendant une conversation subséquente, le CCF et le coordonnateur de trains au terminal ont décidé de retarder le départ du train 113 afin de laisser le train pour voyages d'affairesNote de bas de page 2 circuler vers l'ouest pour quitter le triage Alyth avant le train 113. Personne n'a informé l'équipe du train 303 que le départ du train 113 était retardé.

    Plus tôt, le coordonnateur de trains au terminal de Calgary avait donné l'instruction au train 303 de circuler sur la voie PT01 jusqu'au triage Alyth derrière le train 113, et de changer d'équipe à l'extrémité ouest du triage. Vers 9 h 13, les membres de l'équipe du train 303 ont établi leur plan d'arrivée au triage Alyth, y compris la circulation vers l'ouest sur la voie PT01, au-delà d'Ogden, jusqu'au point de relève d'équipe.

    À 9 h 17, le train 303 a reçu une indication de vitesse normale du signal 1711Note de bas de page 3 à Ogden; ce signal autorisait le train à quitter la voie principale et à s'engager sur la voie non principale à Ogden. Alors que le train franchissait le signal, le mécanicien de locomotive a entendu par hasard une partie d'une conversation sur la radio concernant le train 113 et une voie de dépôt. Cette communication radio a laissé croire au mécanicien de locomotive que le train 113 faisait l'objet d'une surveillance au passage sur la voie de dépôt, situé à environ 3 milles plus loin à l'ouest. L'équipe du train 303 a alors communiqué par radio avec le train 113 pour obtenir un compte rendu de sa position. Toutefois, c'est le coordonnateur de trains au terminal de Calgary qui a répondu pour indiquer que le train 113 n'avait pas encore quitté le triage Alyth. L'équipe du train 303 a alors communiqué avec le coordonnateur de trains au terminal de Calgary pour connaître la longueur du train 113.

    À 9 h 17 min 50 s, alors que le train 303 roulait à 36 mi/h, l'équipe s'est rendu compte qu'elle était très près de la queue du train 113. Le mécanicien de locomotive du train 303 a appliqué les freins. Au même moment, le frein rhéostatiqueNote de bas de page 4 du train 303 était déjà en fonction pour contrôler la vitesse du train.

    À 9 h 18, alors que le train 303 roulait à environ 35 mi/h et sortait d'une courbe vers la droite au point milliaire 171,49, l'équipe a aperçu la queue du train 113 à environ 1 100 pieds devant. L'équipe du train 303 a immédiatement serré les freins d'urgence.

    À 9 h 18 min 25 s, alors que le train 303 roulait à environ 22 mi/h, sa locomotive de tête a percuté le wagon de queue du train 113 au point milliaire 171,7 (figure 2).

    Figure 2. Lieu de la collision (source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Figure 2. Lieu de la collision (source : Google Earth, avec annotations du BST)

    Le tableau 1 présente le déroulement des événements pour les trains 303 et 113 entre Carseland (point milliaire 144,4) et le lieu de la collision.

    Tableau 1. Déroulement des événements pour les trains 303 et 113
    Heure Événement
    7 h 17 à 7 h 56 Le train 303 est immobilisé à Carseland pour ramasser 12 wagons. L'essai des freins requis est effectué; aucune anomalie à signaler.
    8 h 35 Le coordonnateur de trains au terminal de Calgary donne l'instruction au train 303 de circuler sur la voie PT01 (derrière le train 113 au triage Alyth) et de relever l'équipe à l'extrémité ouest du triage.
    8 h 53 Le train 113 arrive au triage Alyth sur la voie PT01 pour une relève d'équipe prévue à l'horaire.
    8 h 56 Le coordonnateur de trains au terminal de Calgary indique au CCF de faire circuler le train 303 sur la voie PT01, derrière le train 113.
    8 h 57 Le train 303 est immobilisé à Murdoch (point milliaire 167,6) pour croiser le train 118.
    9 h Le CCF suggère au coordonnateur de trains au terminal de Calgary de laisser passer le train pour voyages d'affaires circulant vers l'ouest, avant le train 113.
    9 h 6 Le train 303 quitte Murdoch.
    9 h 12 Le coordonnateur de trains au terminal de Calgary confirme au CCF que le train pour voyages d'affaires peut circuler vers l'ouest devant le train 113.
    9 h 13 (approximatif) Ignorant que le départ du train 113 serait retardé, l'équipe du train 303 discute du plan pour l'arrivée au triage Alyth et pour continuer vers l'ouest sur la voie PT01, au-delà d'Ogden.
    9 h 15 Le train 303 franchit une indication permissive au signal 1697 à Glenmore (point milliaire 169,7).
    9 h 17 Le train 303 franchit une indication permissive au signal 1711 à Ogden (point milliaire 171,1).
    9 h 17 min 20 s L'équipe du train 303 entend une partie d'une communication radio concernant le train 113 et une inspection sur une voie de dépôt.
    9 h 17 min 20 s à 9 h 17 min 50 s L'équipe du train 303 communique avec le train 113 pour déterminer sa position. Le coordonnateur de trains au terminal de Calgary répond que le train 113 se trouve toujours au triage Alyth. L'équipe du train 303 demande alors au coordonnateur de trains au terminal la longueur du train 113.
    9 h 17 min 50 s Alors que le train 303 roule à 36 mi/h, le mécanicien de locomotive serre les freins pour ralentir le train. La queue du train 113 se trouve à environ 1 800 pieds devant.
    9 h 18 Au point milliaire 171,48, le train 303 sort d'une courbe vers la droite, et l'équipe de train aperçoit la queue du train 113 à environ 1 100 pieds devant.
    9 h 18 Le train 303 roule à environ 35 mi/h lorsque l'équipe de train serre les freins d'urgence.
    9 h 18 min 25 s Au point milliaire 171,7, alors qu'il roule à environ 22 mi/h, le train 303 entre en collision avec la queue du train 113.

    Renseignements consignés

    Les renseignements extraits du consignateur d'événements de la locomotive du train 303 ont été étudiés, et le tableau 2 en présente un résumé.

    Tableau 2. Renseignements enregistrés de la locomotive de tête du train 303
    Événement Heure Vitesse (mi/h) Position (point milliaire) Frein du train Frein rhéostatique
    Serrage des freins de train 9 h 17 min 50 s 36,3 171,37 Minimum 6,4
    Déclenchement du freinage d'urgence 9 h 18 min 2 s 35,3 171,49 Urgence 8 (maximum)
    Collision du train 303 avec la queue du train 113 9 h 18 min 25 s 22,0 171,7 Urgence 7

    Essai de simulation dynamique du train 303

    On a procédé à une simulation dynamique par ordinateur pour le train 303 au moyen du programme Train Energy and Dynamics Simulator  (TEDS) (simulation de dynamique et d'énergie de train).

    L'examen a permis de faire les constatations suivantes :

    • Étant donné le freinage qui a été utilisé (c.-à-d. frein rhéostatique, serrage minimal des freins, suivi d'un freinage d'urgence), il aurait fallu au train 303 environ 2 200 pieds pour s'immobiliser si la voie devant lui n'avait comporté aucun obstacle.
    • Si l'équipe de train avait déclenché le freinage d'urgence au moment où elle avait amorcé le serrage minimal des freins, le train 303 aurait pu s'immobiliser après avoir parcouru environ 1 763 pieds. Cette manœuvre lui aurait permis d'éviter la collision avec le train 113.

    Examen des lieux

    Les 2 locomotives de tête du train 303 (CP 9765 et CP 9839) ont déraillé au sudNote de bas de page 5 de la voie PT01 (figure 3). Toutes les roues des deux locomotives ont quitté la voie; les deux locomotives sont demeurées à la verticale. Les 2 premiers wagons-trémies couverts derrière les locomotives (SOO 115071 et CP 608093, tous deux chargés de produits alimentaires) ont déraillé à la verticale. Le distributeur et les réservoirs du circuit de freins à air ainsi que l'attelage, l'appareil de traction, les appareils de sécurité et les trémies du wagon-trémie couvert SOO 115071 ont été endommagés. Le roulement à rouleaux du wagon-trémie couvert CP 608093 a été endommagé.

    Figure 3. Position des locomotives et du matériel après la collision
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    Figure 3. Position des locomotives et du matériel après la collision

    Toutes les roues du dernier wagon du train 113 (CP 523216, un wagon porte-conteneurs à 3 plateformes chargé) ont déraillé. Deux plateformes du wagon CP 523216 qui ont déraillé gisaient au nord, et une plateforme déraillée gisait au sud (figure 4 et figure 5). La longrine centrale de ce wagon a été endommagée.

    Figure 4. Lieu de déraillement (vue vers l'est)
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    Figure 4. Lieu de déraillement (vue vers l'est)
    Figure 5. Lieu de déraillement (vue vers l'ouest)
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    Figure 5. Lieu de déraillement (vue vers l'ouest)

    Renseignements sur l'équipe de train

    L'équipe du train 113 était composée d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train. Les 2 connaissaient bien le territoire, respectaient les normes de repos et de condition physique et étaient qualifiés pour leurs postes respectifs.

    L'équipe du train 303 était elle aussi composée d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train. Les 2 connaissaient bien le territoire, respectaient les normes en matière de condition physique et de repos et étaient qualifiés pour leurs postes respectifs.

    Les membres d'équipe des 2 trains étaient en service en commun non assignéNote de bas de page 6 entre leurs gares d'attache de Medicine Hat et de Calgary.

    Renseignements sur la subdivision et la voie

    D'après l'indicateur no 32 pour la division Prairies du CP, la commande centralisée de la circulation (CCC) régit le mouvement des trains du point milliaire 0,0 au point milliaire 164,0 sur la subdivision de Brooks. La CCC continue entre les points milliaires 164,0 et 171,1. Toutefois, les instructions du module pour le terminalNote de bas de page 7 de Calgary s'appliquaient à cet endroit.

    D'après les directives particulières 11.6 et 11.7 du module pour le terminal de Calgary :

    [traduction]

    11.6 Les trains circulant vers l'ouest doivent obtenir la permission du coordonnateur de train du terminal de Calgary ou de son assistant pour entrer au triage Alyth, avant qu'ils passent MurdochNote de bas de page 8, sur la subdivision de Brooks.

    11.7 Tous les mouvements qui arrivent au triage Alyth, qui en partent ou qui y circulent doivent obtenir leurs instructions du coordonnateur de train du terminal de Calgary ou de son assistantNote de bas de page 9.

    Un panneau au point milliaire 171,1 annonce « CTC ends and non-main track begins » [fin de la CCC et début de la voie non principale].

    Le coordonnateur de trains au terminal peut faire (et fait généralement) une communication radio aux équipes de train qui arrivent au triage Alyth pour leur transmettre des instructions concernant les directives particulières 11.6 et 11.7. D'après la pratique courante, le coordonnateur de trains au terminal informait également les équipes de train de toute autre restriction connue avant que les trains arrivent au triage. Les renseignements fournis par le coordonnateur de trains au terminal ne sont en rien une assurance que la voie sur laquelle circule un train est dégagée, et ils n'exemptent en rien les équipes de leur responsabilité d'observer les règles de marche.

    De plus, dans les situations où un train bloque la voie aux trains circulant vers l'ouest qui arrivent au triage Alyth, la pratique courante consistait à informer le train suivant que la voie au triage Alyth était occupée et qu'il devait s'arrêter à Glenmore pour éviter de bloquer les passages à niveau publics.

    D'après le document CP Rule Book for Train & Engine Employees (manuel du service des trains et des locomotives à l'intention des employés du CP) :

    [traduction]

    9.1 VOIE NON PRINCIPALE

    Sur des voies autres que les voies d'évitement non signalisées en CCC

    1. Sauf indication contraire dans des instructions spéciales, un mouvement qui circule sur une voie non principale doit :
      1. être prêt à s'arrêter :
        • en deçà de la moitié de la distance de visibilité d'un matériel roulant ou d'un véhicule d'entretien;
        • avant d'atteindre :
          • un signal rouge ou bleu entre les rails;
          • un aiguillage non orienté;
          • un dérailleur en position de déraillement;
          • l'extrémité de la voie.
      2. circuler à une vitesse qui ne dépasse pas 15 mi/h sur les voies d'évitement et 10 mi/h sur des voies autres que les voies d'évitementNote de bas de page 10.

    Dans l'indicateur no 32 du CP, une directive particulière relative au module pour le terminal de Calgary stipule ce qui suit [traduction] :

    • entre les points milliaires 171,1 et 172,4, la vitesse maximale permise est de 45 mi/h;
    • entre les points milliaires 172,4 et 175,8, la vitesse maximale permise est de 25 mi/hNote de bas de page 110

    La vitesse maximale habituellement permise sur une voie non principale (c.-à-d. 10 mi/h sur des voies autres que les voies d'évitement) ne s'appliquait pas, étant donné les instructions additionnelles du module pour le terminal de Calgary.

    D'après le CP Rule Book for Train & Engine Employees du CP :

    [traduction]

    19. 1 SIGNAUX DE CANTON ET D'ENCLENCHEMENT

    1. Les indications des signaux de canton et d'enclenchement règlent la conduite jusqu'au prochain signal ou panneau indicateur de fin de canton.
    2. Les signaux indiquant de quitter la voie principale et de s'engager sur une voie non principale s'appliquent jusqu'au panneau indicateur de fin de canton ou jusqu'à ce que la tête du mouvement soit entrée sur la voie non principaleNote de bas de page 12.

    Le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada  (REF), sous la rubrique « Description générale et emplacement des signaux fixes », stipule ce qui suit :

    401.1 INDICATION DE SIGNAL

    Les indications données par les signaux de canton et d'enclenchement règlent la marche jusqu'au prochain signal ou panneau indicateur de fin de canton. Sauf indication contraire dans des instructions spéciales, le signal qui indique de quitter la voie principale pour s'engager sur une voie non principale règle la marche jusqu'au panneau indicateur de fin de canton ou jusqu'à ce que le matériel roulant de tête a [sic] complètement franchi l'emplacement contrôlé et qu'il soit entré sur la voie non principale. Il faut respecter la vitesse autorisée dans le branchement jusqu'à ce que la totalité du mouvement ait dégagé le branchementNote de bas de page 13.

    D'après les instructions additionnelles du module pour le terminal de Calgary, lorsqu'ils reçoivent une indication de signal de vitesse normale au lieu de l'événement (c.-à-d. lorsqu'ils sont orientés vers la voie PT01), les trains sont autorisés à passer de la CCC à un territoire de voie non principale en circulant à des vitesses atteignant 45 mi/h.

    Dispositifs de sécurité contre les collisions sur voie non principale

    La circulation de trains sur voies non principales est régie par la règle 105 du REF :

    Des instructions spéciales indiqueront quand cette règle ne s'applique pas sur une voie spécifique.

    Sous réserve de l'indication des signaux, un mouvement qui utilise une voie non principale doit circuler à vitesse RÉDUITE et être prêt à s'arrêter avant la fin de la voie ou du signal rouge prescrit à la règle 41.

    1. En CCC, les mouvements ne peuvent s'engager sur une voie d'évitement que sur l'indication des signaux ou avec la permission du CCF.
    2. Sous réserve de l'indication des signaux ou d'instructions spéciales, les mouvements se déplaçant sur une voie non principale ne doivent pas dépasser quinze (15) mi/h.
    3. En plus de se déplacer à vitesse RÉDUITE, un mouvement utilisant une voie d'évitement non signalisée ou utilisant des voies non principales spécifiées dans des instructions spéciales, doit circuler à une vitesse qui lui permettra d'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité d'un véhicule d'entretienNote de bas de page 14.

    D'après le REF, « Vitesse réduite » veut dire « [v]itesse permettant de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité d'un matériel roulantNote de bas de page 15 ».

    Les équipes de train qui exploitent des mouvements sur des voies non principales peuvent en tout temps s'attendre à croiser d'autres mouvements. Pour éviter une collision, les équipes de train doivent faire en sorte que le mouvement circule à une vitesse permettant de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité. On évitera les collisions si tous les mouvements se conforment à ces dispositions.

    Événements liés à des collisions sur voie non principale

    Depuis 2007, le BST a enquêté sur un autre accident survenu sur une voie non principale où il y a eu collision avec la queue d'un trainNote de bas de page 16.

    Le 19 décembre 2009, le train de marchandises 870-013 du CP circulait vers le sud lorsqu'il est entré en collision avec la queue du train de marchandises 2-298-16 du CP, qui était stationnaire au point milliaire 159,31 sur la subdivision de Weyburn, à North Portal (Saskatchewan). Huit wagons-citernes contenant des résidus du train 2-298-16 avaient déraillé. Une locomotive du train 870-013 avait été endommagée. Il n'y avait pas eu de blessés.

    De 2007 à 2016, il y a eu chaque année une légère baisse, non significative statistiquement, du nombre de collisions sur voie non principale – collisions latérales, en tête de train et en queue de train – sur les chemins de fer de compétence fédérale (figure 6).

    Figure 6. Collisions sur voies non principales, 2007 à 2016
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    Figure 6. Collisions sur voies non principales, 2007 à 2016

    Changement de méthode de contrôle de la circulation des trains entre Ogden et le triage Alyth

    En juin 2013, la méthode de contrôle de la circulation des trains sur la subdivision de Brooks entre Ogden (point milliaire 171,1) et le point milliaire 174,1 est passée de la CCC à la voie non principale sur la voie PT01, ainsi que sur la voie PT02, entre les signaux 1723D et 1724D. Ce changement a été apporté à la suite de l'affaissement du pont Bonnybrook, en juin 2013, au point milliaire 172,5, causé par une inondationNote de bas de page 17. La voie avait été reconfigurée en conséquence, et on avait changé la méthode de contrôle de la circulation des trains durant la construction du nouveau pont. Le pont Bonnybrook a été remis en service en avril 2014, mais la CCC n'a pas été remise en vigueur sur ce tronçon de voie. La CCC n'était pas en vigueur à cet endroit au moment de l'événement.

    En CCC, un signal de canton régit les mouvements de trains au-delà de ce signal, sur tout branchementNote de bas de page 18 connexe et jusqu'au prochain signal ou panneau indicateur de fin de canton. Quand un signal CCC régit les mouvements qui s'engagent dans un cantonNote de bas de page 19, le signal affiché donne de l'information sur le tronçon de voie à venir (c.-à-d. si la voie est dégagée ou non).

    Lorsque la désignation du tronçon de voie entre Ogden et le triage Alyth a été modifiée pour indiquer qu'il s'agissait d'une voie non principale, le signal 1711 vers l'ouest ne régissait plus les mouvements de trains au-delà de ce signal, qui franchissaient le branchement et s'engageaient dans le canton. Le signal 1711 vers l'ouest régissait plutôt les mouvements qui franchissaient le branchement jusqu'au panneau indicateur de fin de canton, situé à environ 50 pieds à l'ouest du signal. À cet endroit, les trains circulant vers l'ouest passent d'une voie simple à une voie double. Les trains circulant vers l'ouest qui bifurquent à l'aiguillage sont orientés vers la voie PT02. Les trains circulant vers l'ouest qui font le trajet de bout en bout sont orientés vers la voie PT01.

    Vers la fin de 2015, le comité mixte de Santé et sécurité du CP à Calgary a tenu des discussions officieuses sur la confusion chez certains membres d'équipe de train lorsqu'ils circulent vers l'ouest au-delà du signal 1711. Comme cette préoccupation n'a été abordée qu'à titre officieux, cet endroit n'a fait l'objet d'aucune mesure particulière (comme un contrôle d'efficacité sur les vitesses) avant l'événement.

    Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire

    Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (2001)

    D'après le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (le Règlement sur le SGS de 2001), les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale devaient concevoir et mettre en œuvre un SGS.

    D'après l'article 2 du Règlement sur le SGS de 2001 :

    1. Toute compagnie de chemin de fer doit mettre en œuvre et conserver un système de gestion de la sécurité qui comporte au moins les composantes suivantes : […]
      1. un processus qui a pour objet :
        1. d'une part, de déterminer les problèmes et préoccupations en matière de sécurité, y compris ceux qui sont associés aux facteurs humains, aux tiers et aux modifications d'importance apportées aux opérations ferroviaires,
        2. des stratégies de contrôle du risque; […]
      2. d'autre part, d'évaluer et de classer les risques au moyen d'une évaluation du risque;
      1. de la documentation de synthèse qui décrit les systèmes pour chacune des composantes du système de gestion de la sécuritéNote de bas de page 20.

    Dans l'événement à l'étude, lorsque le CP a changé la méthode de contrôle de la circulation des trains de la CCC à une voie non principale pour la voie PT01 sur la subdivision de Brooks entre Ogden (point milliaire 171,1) et le point milliaire 174,1, aucune évaluation des risques n'a eu lieu, et aucune n'était requise.

    Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire

    Le 1er avril 2015, de nouvelles exigences relatives aux systèmes de gestion de la sécurité (le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire [Règlement sur le SGS de 2015] de Transports Canada) sont entrées en vigueur. Ce règlement établissait les circonstances dans lesquelles une évaluation des risques doit avoir lieu, notamment en cas de changement de technologie. D'après l'article 15 du Règlement sur le SGS de 2015 :

    15 (1) La compagnie de chemin de fer effectue une évaluation des risques dans les circonstances suivantes :

    1. lorsqu'elle cerne une préoccupation en matière de sécurité dans son exploitation ferroviaire à la suite des analyses effectuées en vertu de l'article 13;
    2. lorsqu'elle se propose d'entreprendre le transport de marchandises dangereuses ou le transport de marchandises dangereuses différentes de celles qu'elle transporte déjà;
    3. lorsqu'un changement proposé à son exploitation ferroviaire — y compris les changements ci-après — peut avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens et de l'environnement :
      1. l'introduction ou l'élimination d'une technologie ou une modification apportée à une technologie,
      2. l'ajout ou l'élimination d'une installation ferroviaire ou une modification apportée à une installation ferroviaire,
      3. une augmentation du volume des marchandises dangereuses qu'elle transporte,
      4. une modification apportée au trajet emprunté pour le transport des marchandises dangereuses,
      5. une modification touchant le personnel, y compris une augmentation ou une réduction du nombre d'employés ou une modification apportée à leurs responsabilités ou à leurs fonctionsNote de bas de page 21.

    En 2016, TC a réalisé un audit de la politique et de la procédure d'évaluation des risques du CP et a remarqué que le CP effectuait des évaluations des risques au besoin.

    Compte tenu du Règlement sur le SGS de 2015, le CP a modifié sa politique et sa procédure interne d'évaluation des risques, en y apportant notamment les changements suivants :

    • une révision pour s'assurer que les rôles et responsabilités sont clairement définis, et une clarification des étapes pour évaluer l'efficacité de mesures correctives et les changements qui exigent une évaluation des risques et un avis ministériel;
    • l'élaboration et la mise en œuvre d'un programme de formation en ligne sur l'évaluation des risques, qui décrit clairement les attentes relatives aux procédures, pour tous les gestionnaires de l'exploitation au Canada;
    • la révision d'un outil d'évaluation des risques en ligne qui doit servir de cadre et permettre de documenter les évaluations des risques.

    Modèles mentaux pendant la conduite d'un train

    Les modèles mentaux sont des représentations internes qui aident les personnes à prédire et à expliquer le fonctionnement de leur milieu, à formuler des attentes relatives à ce qui est susceptible de se produire, et à choisir une marche à suivre appropriéeNote de bas de page 22. On se crée des modèles mentaux en fonction de différents facteurs, dont l'expérience, les connaissances ainsi que la perception et la compréhension d'indices externes dans l'environnement de travail. Dans les situations souvent répétées, l'attention et les attentes sont souvent le fruit du modèle mental que l'on se fait de la situation, puisque l'expérience antérieure détermine quelle information est importante et comment se déroulera la situationNote de bas de page 23.

    Pour prédire de façon fiable la manière dont les événements se dérouleront, le modèle mental que l'on se fait doit représenter la situation de manière exacte et exhaustiveNote de bas de page 24. Lorsque les renseignements que fournit l'environnement de travail sont incomplets ou ambigus, les évaluations mentales de la situation que se font les opérateurs (c.-à-d. les membres de l'équipe de train) peuvent être inexactes ou incomplètes. Ainsi, il y a de plus grandes chances que les prédictions des opérateurs soient inexactes, et par conséquent, que leurs actions soient inappropriées, par rapport à la situation « réelle ».

    Membre de l'équipe de train posté à l'extérieur de la cabine de la locomotive de tête

    En octobre 2015, le CP a diffusé le Bulletin ASA-112-15, lequel indiquait en partie :

    [traduction] Pour les équipes de train qui travaillent ou circulent sur des voies de triage ou des voies industrielles, à compter de maintenant, lorsque deux employés ou plus se trouvent dans une locomotive, un employé DOIT se poster sur le marchepied ou la plateforme de la locomotive lorsque celle-ci est en tête dans le sens de la marche (y compris les locomotives haut-le-pied).

    Dans les cas où 3 employés itinérants se trouvent dans la cabine, 2 employés devront être postés à l'extérieur de celle-ci pour protéger avec diligence le véhicule de tête.

    Cette mesure améliorera notre capacité de travailler en toute sécurité et d'éviter les accidents, comme un aiguillage talonné de force ou d'autres incidents dangereuxNote de bas de page 25.

    Au moment de l'événement, la méthode de contrôle de l'exploitation entre Ogden (point milliaire 171,1) et la zone enclenchée au point milliaire 174,1 était celle de la voie non principaleNote de bas de page 26. Or, comme la voie PT01 n'était désignée ni voie de triage ni voie industrielle, elle n'était pas assujettie aux instructions du bulletin ASA112-15. La compagnie de chemin de fer ne s'attendait pas à ce qu'un employé d'exploitation soit posté à l'extérieur de la cabine de la locomotive avant que le mouvement arrive au triage (c.-à-d. au point milliaire 174,1 plutôt qu'au point milliaire 171,1).

    Toutefois, l'enquête a permis de déterminer que d'autres employés d'exploitation étaient incertains quant aux exigences spécifiques lorsqu'ils circulaient à cet endroit. Certains d'entre eux se postaient à l'extérieur de la cabine dès le point milliaire 171,1. D'autres, par souci de sécurité, choisissaient de ne pas se poster à l'extérieur de la cabine à cet endroit. Au franchissement du signal 1711, beaucoup d'équipes de train réduisaient considérablement la vitesse à environ 25 mi/h ou moins, même si la vitesse permise était de 45 mi/h.

    Dans l'événement à l'étude, le chef du train 303 a décidé de ne pas se poster à l'extérieur de la cabine. L'équipe de train estimait qu'il était dangereux de se tenir sur la plateforme de la locomotive de tête, étant donné que la vitesse du train pouvait atteindre 45 mi/h.

    Horaire de travail et de repos de l'équipe du train 303

    Le mécanicien de locomotive et le chef de train du train 303 avaient été appelés pour travailler à 23 h 10 et à 22 h 10Note de bas de page 27 respectivement, le 2 septembre 2016. Ces deux employés ont commencé leur quart de travailNote de bas de page 28 à 0 h 10, le 3 septembre 2016. L'équipe était en service depuis un peu plus de 9 heures lorsque l'événement s'est produit (c.-à-d. à 9 h 18).

    Un examen de l'historique de travail et de repos de chaque membre d'équipe a permis de déterminer que :

    • Le mécanicien de locomotive et le chef de train avaient tous les deux effectué des quarts sporadiques. Au cours des journées qui ont précédé l'événement, le mécanicien de locomotive et le chef de train avaient été affectés à une combinaison de quarts de jour, de soir et de nuit.
    • Les horaires des quarts de travail des deux membres d'équipe au cours de la période de 4 semaines qui a précédé l'accident satisfaisaient aux exigences des Règles relatives au temps de travail et de repos du personnel d'exploitation ferroviaire.

    Liste de surveillance du BST

    La gestion de la sécurité et la surveillance resteront sur la Liste de surveillance jusqu'à ce que :

    • Transports Canada mette en œuvre des règlements obligeant tous les exploitants des secteurs du transport commercial aérien et maritime à adopter des processus de gestion de la sécurité officiels et supervise efficacement ces processus;
    • les entreprises de transport qui possèdent un système de gestion de la sécurité démontrent qu'il fonctionne bien, c'est-à-dire qu'il permet de déceler les risques et que des mesures de réduction des risques efficaces sont mises en œuvre;
    • Transports Canada intervienne lorsque des entreprises de transport ne peuvent assurer efficacement la gestion de la sécurité et le fasse de façon à corriger les pratiques d'exploitation jugées non sécuritaires.

    La Liste de surveillance du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité et la surveillance figurent sur la Liste de surveillance 2016. Comme l'événement à l'étude l'a démontré, il est crucial de cerner, au moyen d'évaluations des risques, les dangers potentiels liés aux changements opérationnels pour faire en sorte que des stratégies d'atténuation appropriées soient définies et mises en œuvre.

    Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

    • LP019/2017 – Stopping Distance Analysis [analyse de la distance d'arrêt]

    Analyse

    Aucun défaut de voie ni problème mécanique n'a été retenu comme facteur contributif à l'accident. L'analyse mettra l'accent sur la surveillance de la gestion de la sécurité, y compris le changement de la méthode de contrôle des trains, les instructions de triage et la protection du véhicule de tête durant l'exploitation à la vitesse maximale permise.

    L'accident

    Aux abords du triage Alyth, après que le train 303 est sorti d'une courbe vers la droite alors qu'il roulait à 35 mi/h sur la voie PT01, l'équipe a aperçu la queue du train 113 à environ 1 100 pieds devant elle. L'équipe a immédiatement déclenché un freinage d'urgence, et le train a ralenti à environ 22 mi/h avant de percuter la queue du train 113. La collision s'est produite lorsque le train 303 a été incapable de s'immobiliser après le déclenchement du freinage d'urgence, après que l'équipe avait aperçu la queue du train 113.

    Environ 45 minutes avant son arrivée à Ogden, l'équipe du train 303 avait reçu l'instruction d'entrer au triage par la voie PT01, derrière le train 113. À Ogden, le train 303 a reçu une indication de vitesse normale du signal 1711; ce signal autorisait le train à quitter la voie principale et à s'engager sur la voie non principale.

    Alors que le train 303 franchissait ce signal, le mécanicien de locomotive a entendu par hasard une partie d'une conversation sur la radio qui lui a laissé croire que le train 113 faisait l'objet d'une surveillance au passage sur la voie de dépôt, environ 3 milles plus loin à l'ouest. Toutefois, le train 113 avait été retenu au triage Alyth et était immobilisé avec son wagon de queue au point milliaire 171,7.

    Pour les trains circulant vers l'ouest qui changent d'équipe au triage Alyth, la pratique courante consistait à s'arrêter à Glenmore et d'y attendre le départ de tout train précédent du triage Alyth. Puisque le train 303 n'a pas été retenu à Glenmore, le modèle mental de l'équipe, soit que le train 113 quittait le triage Alyth, a été renforcé.

    • À Ogden, le territoire à voie non principale commence environ 50 pieds au-delà du signal 1711. Le signal 1711 régissait les mouvements de trains par l'aiguillage qui mène aux voies PT01 et PT02 jusqu'au panneau indicateur de fin de canton. Pour les trains circulant vers l'ouest qui arrivent au triage Alyth, ce signal agissait en fait comme repère indiquant la position de l'aiguillage. Les mouvements au-delà du panneau indicateur de fin de canton étaient régis par la règle 105 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada et pouvaient, en vertu d'instructions spéciales, circuler à une vitesse maximale de 45 mi/h. Étant donné que la vitesse maximale permise est de 45 mi/h et que l'équipe du train 303 prévoyait que le train 113 se trouverait plus à l'ouest, le train 303 s'est engagé sur la voie PT01 à environ 36 mi/h – trop vite pour s'immobiliser en deçà de la moitié de la distance de visibilité du train 113.
    • En juin 2013, à la suite de l'affaissement du pont Bonnybrook causé par une inondation, la compagnie de chemin de fer a changé à cet endroit la méthode de contrôle des trains, qui était passée de la commande centralisée de la circulation (CCC) à un territoire à voie non principale, sans toutefois réduire la vitesse maximale permise. Malgré ce changement opérationnel de la CCC à un territoire à voie non principale, la compagnie de chemin de fer n'a effectué aucune évaluation des risques avant de mettre en œuvre ce changement, et aucune n'était requise à cette époque.

    Demande de renseignements sur la position du train 113

    Même s'il croyait que le train 113 avait déjà quitté le triage Alyth, les membres de l'équipe du train 303 ont communiqué avec le train 113 pour connaître sa position. Lorsque le coordonnateur de trains du terminal de Calgary a entendu cette demande et a répondu que le train 113 était toujours stationnaire au point de relève d'équipe, le train 303 a immédiatement freiné. Peu après, l'équipe de train a déclenché un freinage d'urgence lorsqu'elle a aperçu la queue du train 113.

    L'analyse dynamique réalisée par le BST a permis de déterminer que le train 303 aurait pu s'immobiliser avant d'atteindre le train 113 si l'on avait déclenché un freinage d'urgence au moment du premier serrage des freins. Or, l'équipe du train 303 n'avait pas encore établi la position exacte de la queue du train 113. Si l'équipe du train 303 n'avait pas remis en question son hypothèse quant à la position du train 113 ni demandé des précisions à cet égard, le serrage des freins n'aurait été que retardé davantage, ce qui aurait augmenté la gravité de la collision.

    Conséquences des collisions sur voies non principales

    L'exigence réglementaire voulant que les mouvements sur des voies non principales soient capables de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité du matériel roulant constitue une stratégie efficace dans la plupart des cas. Toutefois, les équipes de conduite ne satisfont pas toujours à cette exigence. Chaque année, on relève en moyenne environ 95 collisions sur les voies non principales des compagnies de chemin de fer de compétence fédérale. Dans la majorité des cas, la vitesse maximale permise était de 15 mi/h. Ainsi, les conséquences de la majorité des collisions sur des voies non principales étaient mineures.

    Dans une zone de voie principale en CCC, pour les trains qui approchent Ogden et qui sont orientés sur la voie PT01 alors qu'un autre train occupe le canton, l'indication de signal la plus permissive pour le train qui approchait aurait été un signal de marche à vue. Avec un signal de marche à vue en CCC, la vitesse de marche maximale du train qui approchait aurait été la vitesse de marche à vue (maximum de 15 mi/h), plutôt que 45 mi/h, comme le permet l'indicateur no 32 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) (module pour le terminal de Calgary). En outre, le train qui approchait aurait dû pouvoir s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité du matériel roulant. Si le train 303 avait été exploité en CCC en vertu d'un signal de marche à vue, on aurait probablement pu éviter la collision, ou ses conséquences auraient été beaucoup moins importantes.

    Si l'on autorise des vitesses supérieures à 15 mi/h sur des voies non principales, les forces d'impact en cas de collision pourraient être plus grandes. Ces vitesses plus élevées augmentent les risques d'accident aux conséquences plus graves, les risques de dommages au matériel roulant et à la voie ainsi que les risques de blessures aux personnes.

    Évaluation des risques liés aux changements à l'exploitation ferroviaire

    En juin 2013, à la suite de l'affaissement du pont Bonnybrook, le CP a changé la désignation de la voie PT01 entre Ogden et le début/la fin de la zone enclenchée à 12th Street East, la faisant passer de territoire à voie principale en CCC à territoire à voie non principale. Le CP a également changé à voie non principale la désignation de la voie PT02 entre les signaux 1723D et 1724D. Immédiatement après l'affaissement du pont, aucune évaluation complète des risques de ce changement opérationnel n'a été réalisée. Toutefois, à la reprise du trafic ferroviaire sur ce pont, le CP n'a pas rétabli la CCC à cet endroit, et il n'y a eu aucune évaluation des risques que posait le fait que cet endroit demeure une voie non principale avec une vitesse limite de 45 mi/h.

    Pour faire suite à cette nouvelle désignation, les signaux aux extrémités de ce tronçon de voie de 3 milles de long sont demeurés en place. Toutefois, ces signaux agissaient principalement comme indicateurs d'itinéraire pour les mouvements vers l'est et vers l'ouest qui s'engageaient sur ce tronçon de voie. Ces signaux ne fournissaient plus d'information sur l'état de la voie devant (c.-à-d. l'occupation de la voie).

    Vers la fin de 2015, le comité mixte de Santé et sécurité du CP à Calgary a tenu des discussions officieuses sur la confusion chez certains membres d'équipe de train concernant la marche vers l'ouest au-delà du signal 1711. Comme cette préoccupation n'a été abordée qu'à titre officieux, aucune mesure particulière n'a été prise par la compagnie de chemin de fer. Pourtant, en raison de préoccupations liées à la sécurité, d'autres équipes de train réduisaient la vitesse à cet endroit à environ 25 mi/h ou moins, même si la vitesse permise était de 45 mi/h.

    L'article 2 du Règlement de 2001 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire indiquait que toute compagnie de chemin de fer doit avoir en place un processus pour cerner les enjeux et les préoccupations en matière de sécurité, notamment en ce qui a trait aux changements importants à l'exploitation ferroviaire, ainsi qu'un processus pour évaluer et classer les risques au moyen d'une évaluation des risques. Le fait de changer de méthode de contrôle du trafic, soit passer de la méthode de commande de la circulation des trains (CCC) à un territoire de voie non principale, constitue un changement opérationnel. Lorsqu'il a été décidé de maintenir la désignation de ce tronçon de voie comme voie non principale, il n'y a eu aucune évaluation des risques, que la réglementation en vigueur n'exigeait pas d'ailleurs.

    Sans évaluation des risques, la compagnie de chemin de fer ignorait les dangers particuliers liés à la circulation à cet endroit et les préoccupations en matière de sécurité des équipes de train à cet égard. Par conséquent, avant l'événement, la compagnie de chemin de fer n'avait pris aucune mesure précise pour atténuer les dangers potentiels.

    Si aucune évaluation des risques n'a lieu après des changements touchant l'exploitation ferroviaire, il est possible que les dangers potentiels associés à ces changements ne soient pas cernés ou atténués de façon adéquate, ce qui augmente les risques d'accident.

    Vitesse maximale sur une voie non principale

    Tant avant qu'après l'affaissement du pont Bonnybrook, la voie PT01 servait à accélérer les relèves d'équipes de train qui traversaient Calgary. La compagnie de chemin de fer a changé la désignation de la voie, qui est devenue une voie non principale, sans pour autant changer son utilisation principale. Elle a ainsi décidé de laisser les trains circuler à des vitesses plus élevées (c.-à-d. jusqu'à 45 mi/h) sur certains tronçons de cette voie. La règle 105 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada permet aux compagnies de chemin de fer d'exploiter leurs trains à une vitesse maximale supérieure à 15 mi/h sur des voies non principales. Toutefois, des vitesses plus élevées peuvent entraîner des situations où les trains sont incapables de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité. Aux abords du lieu de l'événement, on n'avait mené aucun contrôle d'efficacité pour s'assurer que les équipes de train se conformaient aux règles relatives aux voies non principales.

    Membre de l'équipe de train posté à l'extérieur de la cabine de la locomotive de tête

    Au moment de l'événement à l'étude, la méthode de contrôle de l'exploitation entre Ogden (point milliaire 171,1) et la zone enclenchée au point milliaire 174,1 était la voie non principale. Comme la voie PT01 n'était désignée ni voie de triage ni voie industrielle, elle n'était pas assujettie aux instructions du bulletin ASA112-15. Ce bulletin exigeait qu'un membre d'équipe se poste à l'extérieur de la cabine de la locomotive de tête. La compagnie de chemin de fer ne s'attendait pas à ce qu'un employé d'exploitation soit posté à l'extérieur de la cabine de la locomotive avant que le mouvement arrive au triage (c.-à-d. au point milliaire 174,1 plutôt qu'au point milliaire 171,1).

    Cependant, beaucoup d'employés d'exploitation étaient incertains des exigences spécifiques lorsqu'ils passaient à cet endroit. Certains se postaient à l'extérieur de la cabine dès le point milliaire 171,1, tandis que d'autres décidaient de ne pas le faire par souci de sécurité.

    L'équipe de train à l'étude estimait qu'il était dangereux pour un membre de l'équipe de se placer sur la plateforme de la locomotive de tête, étant donné que le train pouvait circuler à une vitesse atteignant 45 mi/h. Le chef de train a décidé de ne pas se poster à cet endroit. Si le chef du train 303 s'était posté à l'extérieur de la cabine de la locomotive de tête au moment où elle traversait Ogden, il aurait pu être gravement blessé à la suite de la collision.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La collision s'est produite lorsque le train 303 a été incapable de s'immobiliser après le déclenchement du freinage d'urgence, après que l'équipe avait aperçu la queue du train 113.
    2. L'équipe du train 303 avait reçu l'instruction d'entrer au triage par la voie PT01, derrière le train 113. À Ogden, le train 303 a reçu une indication de vitesse normale du signal 1711; ce signal autorisait le train à quitter la voie principale et à s'engager sur la voie non principale.
    3. Alors que le train franchissait ce signal, le mécanicien de locomotive a entendu par hasard une partie d'une communication sur la radio qui lui a laissé croire que le train 113 faisait l'objet d'une surveillance au passage sur la voie de dépôt, environ 3 milles plus loin à l'ouest. Toutefois, le train 113 avait été retenu au triage Alyth et était immobilisé avec son wagon de queue au point milliaire 171,7.
    4. Puisque le train 303 n'a pas été retenu à Glenmore, le modèle mental de l'équipe, soit que le train 113 quittait le triage Alyth, a été renforcé.
    5. Étant donné que la vitesse maximale permise est de 45 mi/h et que l'équipe du train 303 prévoyait que le train 113 se trouverait plus à l'ouest, le train 303 s'est engagé sur la voie PT01 à environ 36 mi/h – trop vite pour s'immobiliser en deçà de la moitié de la distance de visibilité du train 113.
    6. La compagnie de chemin de fer avait changé à cet endroit la méthode de contrôle des trains, qui était passée de la commande centralisée de la circulation à un territoire à voie non principale, sans toutefois réduire la vitesse maximale permise.
    7. Malgré ce changement opérationnel (passage de la commande centralisée de la circulation à un territoire à voie non principale), la compagnie de chemin de fer n'a effectué aucune évaluation des risques avant de mettre en œuvre ce changement.

    Faits établis quant aux risques

    1. Si l'on autorise des vitesses supérieures à 15 mi/h sur des voies non principales, les forces d'impact en cas de collision peuvent être plus grandes. Ces vitesses plus élevées augmentent les risques d'accident aux conséquences plus graves, les risques de dommages au matériel roulant et à la voie ainsi que les risques de blessures aux personnes.
    2. Si aucune évaluation des risques n'a lieu après des changements touchant l'exploitation ferroviaire, il est possible que les dangers potentiels associés à ces changements ne soient pas cernés ou atténués de façon adéquate, ce qui augmente les risques d'accident.

    Autres faits établis

    1. Si l'équipe du train 303 n'avait pas remis en question son hypothèse quant à la position du train 113 ni demandé des précisions à cet égard, le serrage des freins n'aurait été que retardé davantage, ce qui aurait augmenté la gravité de la collision.
    2. Si le chef du train 303 s'était placé à l'extérieur de la cabine de la locomotive de tête au moment où elle traversait Ogden, il aurait pu être gravement blessé à la suite de la collision.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité

    Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Le 23 septembre 2016, le BST a transmis à Transports Canada (TC) l'Avis de sécurité ferroviaire (ASF) 13/16 : « Train movements leaving CTC for non-main track at CP's Calgary Terminal » [mouvements de trains passant de la CCC (commande centralisée de la circulation) à une voie non principale au terminal du CP (Chemin de fer Canadien Pacifique) à Calgary]. Cette lettre comprenait le passage suivant :

    Note de bas de page 29

    Le 6 mars 2017, TC a répondu à l'ASF 13/16 en affirmant ceci :

    Le 1er novembre 2016, le BST a transmis à TC l'ASF 14/16 : « Train crew member(s) positioned on the front of locomotives while operating on non-main track » [membre(s) d'équipe posté(s) à l'avant de la locomotive sur une voie non principale]. Cette lettre comprenait le passage suivant :

    Note de bas de page 30

    Le 24 janvier 2017, le CP a répondu à l'ASF 14/16 en affirmant qu'il ne se serait pas attendu à ce qu'un employé se trouve à l'extérieur de la cabine de la locomotive avant l'arrivée du mouvement au triage.

    Chemin de fer Canadien Pacifique

    Le 6 septembre 2016, le CP a publié un bulletin d'exploitation (OPER-AB-080-16) qui révisait les vitesses sur la subdivision de Brooks (terminal de Calgary). Ce bulletin comprenait le passage suivant :

    Note de bas de page 31 Note de bas de page 32

    Le CP a également pris les mesures suivantes :

    • Le 19 octobre 2016, le CP a publié la Règle de la semaine no 35 pour rappeler aux équipes les exigences en vigueur lorsqu'elles passent d'une voie signalisée à une voie non principale.
    • Le 6 décembre 2016, la CCC a été remise en place sur la voie PT01.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .