Rapport d'enquête ferroviaire R16V0195

Employé blessé
BCR Properties Ltd.
Triage Roberts Bank
Point milliaire 16,8, subdivision de Port
Delta (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 18 décembre 2016, vers 12 h, heure normale du Pacifique, une équipe de manœuvre de la Toronto Terminals Railway poussait 66 plateformes intermodales vides sur la voie de la branche est au triage Roberts Bank, à Delta (Colombie-Britannique). Au même moment, 2 travailleurs de la voie de PNR RailWorks déneigeaient un aiguillage sur la même voie. Un des travailleurs a été heurté par la plateforme de tête du mouvement; il a subi de graves blessures et a dû être transporté à l'hôpital.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 L'événement

    À 5 h 30Note de bas de page 1, le 18 décembre 2016, au triage Roberts Bank (le triage) à Delta (Colombie-Britannique) (figure 1), les membres de l'équipe de manœuvre du quart de début de jour de la Toronto Terminals Railway (TTR) à Deltaport se sont rapportés au superviseur des opérations de triage de BCR Properties Ltd. (BCR) pour recevoir leurs instructions de manœuvre pour la journée. L'équipe se composait de 1 mécanicien de locomotive et de 1 chef de trainNote de bas de page 2. Durant la matinée, l'équipe a effectué diverses manœuvres au triage.

    Figure 1. Carte du lieu de l'événement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
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    Carte du lieu de l'événement

    Vers 11 h 54, durant des manœuvres sur la voie P2, le chef de train a remarqué la présence de travailleurs de la voie dans les environs de l'aiguillage ELN4X, sur la voie de la branche est (figure 2).

    Figure 2. Plan du lieu
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    Plan du lieu

    Une équipe d'entretien de PNR RailWorks (PNR) avait été envoyée sur place pour déneiger des aiguillages, après une récente chute de neige. Cette équipe se composait de 2 travailleurs de la voie et un chef d'équipe, qui devait arriver plus tard durant la journée. Lorsque les 2 travailleurs de la voie sont arrivés au triage, à 9 h 30, le superviseur des opérations de triage de BCR leur a remis des instructions qui indiquaient l'ordre dans lequel ils devaient déneiger les aiguillages. Les travailleurs de la voie ont déneigé plusieurs aiguillages à l'extrémité est du triage durant la matinée. Le chef d'équipe s'est joint aux travailleurs de la voie vers 11 h 15, durant leur pause-repas.

    Vers 11 h 52, les 2 travailleurs de la voie se sont rendus à l'aiguillage ELN4X. Leurs radios portatives avaient été laissées dans leur camion. En outre, ils n'utilisaient pas le haut-parleur de radio dans le camion, estimant que celui-ci était trop éloigné pour leur permettre de surveiller les manœuvres de TTR.

    Vers 11 h 59, le chef d'équipe est parti en pause‑santé, et les 2 travailleurs de la voie ont commencé à déneiger l'aiguillage. L'un des travailleurs de la voie (travailleur 1) pelletait la neige sous la tige de réglage de l'aiguillage qui relie les pointes d'aiguille à l'appareil de manœuvre d'aiguillage. L'autre travailleur de la voie (travailleur 2) balayait la neige des pointes d'aiguille (figure 3).

    Figure 3. Position des travailleurs à l'aiguillage lors de l'événement à l'étude
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    Position des travailleurs à l'aiguillage lors de l'événement à l'étude

    Vers midi, la queue du mouvement de 66 plateformesNote de bas de page 3 (4000 pieds de long) s'est immobilisée juste à l'est de l'aiguillage de la branche est (ELE). Le chef de train a alors orienté l'aiguillage sur la voie de la branche est, puis a indiqué au mécanicien de locomotive de pousser le mouvement vers l'arrière. Il n'a précisé aucune distance. Le mécanicien de locomotive a accusé réception de l'instruction et a commencé à pousser les plateformes vers l'ouest. L'intention de l'équipe de train était de continuer le mouvement vers l'arrière jusqu'à ce que les 22 premières plateformes aient franchi l'aiguillage S5W. Depuis sa position au volant d'un véhicule qui se déplaçait devant le wagon de tête du mouvement, le chef de train avait une vue non obstruée de l'aiguillage ELN4X, à quelque 1040 pieds à l'ouest.

    Dans son véhicule, le chef de train a traversé la branche est pour passer du côté sud de celle-ci. Il a ensuite positionné le véhicule à côté du wagon de tête du mouvement et juste devant celui-ci. Au moment où le wagon de tête approchait du passage à niveau de la branche estNote de bas de page 4, le chef de train a indiqué au mécanicien de locomotive de continuer de pousser vers l'ouest. Le mécanicien de locomotive n'a pas répondu au chef de train et a continué de pousser le mouvement vers l'ouest. Durant la pousse du mouvement, le mécanicien de locomotive, à bord de la locomotive à l'autre extrémité du mouvement, ne pouvait apercevoir le wagon de tête.

    Le chef de train n'a pas informé le mécanicien de locomotive de la présence de travailleurs sur la voie devant le mouvement. Lorsque le wagon de tête du mouvement était à environ 500 pieds des travailleurs de la voie, le chef de train a allumé le gyrophare jaune sur le toit du véhicule pour avertir les travailleurs de la voie qu'un mouvement approchait. D'après l'expérience antérieure du chef de train, les travailleurs de la voie au triage dégageraient la voie environ 15 secondes avant l'arrivée d'un mouvement. N'ayant obtenu aucune réaction de la part des travailleurs de la voie lorsque le wagon de tête était à environ 400 pieds de l'aiguillage ELN4X, le chef de train a tenté d'utiliser le klaxon du véhicule. Or, le klaxon ne fonctionnait pas. Le chef de train a alors communiqué avec le mécanicien de locomotive pour lui dire d'arrêter. Le mécanicien de locomotive a effectué un freinage d'urgence et a serré le frein direct de la locomotive. Toutefois, le mouvement n'a pu s'immobiliser avant que la plateforme de tête ne heurte et ne blesse gravement le travailleur 2.

    1.2 Renseignements consignés et observations de l'équipe de train

    On a examiné les renseignements consignés par le consignateur d'événements de locomotive (CEL)Note de bas de page 5, ainsi que l'enregistrement vidéo des manœuvres provenant d'une caméra du triage. La collision avec le travailleur de la voie est survenue hors du champ visuel de la caméra du triage.

    Le tableau 1 présente une chronologie détaillée des faits de l'événement à l'étude.

    Tableau 1. Chronologie des faits de l'événement
    Heure Événement
    11 h 53 min 57 s Le mouvement s'immobilise après l'attelage de 44 plateformes aux 22 plateformes du mouvement, sur la voie P2.
    De 11 h 53 min 57 s à 11 h 55 min 5 s Le chef de train descend du véhicule, met en circuit les freins à air du mouvement, puis relâche le frein à main. Il remarque la présence des travailleurs de la voie près de l'aiguillage ELN4X. Le chef de train retourne à son véhicule.
    11 h 56 min 28 s La locomotive amorce un mouvement vers l'avant pour tirer la rame de 66 plateformes.
    Vers 11 h 57 Le chef de train retourne à l'aiguillage de la branche est (ELE), sur la voie South 1.
    11 h 58 min 42 s Le chef de l'équipe d'entretien de la voie PNR quitte le chantier à l'aiguillage ELN4X pour faire une pause-santé.
    De 11 h 59 min 9 s à 11 h 59 min 24 s Le mouvement s'immobilise à l'est de l'aiguillage ELE, sur la voie South 1. Le chef de train oriente l'aiguillage ELE vers la voie de la branche est, puis remonte dans son véhicule.
    11 h 59 min 33 s Le chef de train se dirige vers l'ouest sur la route de gravier au nord de la voie de la branche est.
    11 h 59 min 44 s La locomotive commence à faire marche arrière pour pousser les 66 plateformes après que le chef de train eut donné l'instruction de refouler ainsi jusqu'à l'aiguillage ELN4X. On poussait le mouvement avec les freins à air desserrés.
    12 h 19 s Le chef de train traverse la voie de la branche est, du côté nord au côté sud, et continue de rouler vers l'ouest devant le mouvement. En conduisant, le chef de train indique au mécanicien de locomotive de continuer de pousser le mouvement. Le mouvement roule à environ 11 mi/h.
    12 h 40 s Le chef de train allume le gyrophare jaune sur le toit de son véhicule.
    Vers 12 h 1 min Constatant que les travailleurs de la voie ne se sont pas aperçus du mouvement qui approche, le chef de train tente (sans succès) d'utiliser le klaxon du véhicule pour les en avertir.
    Vers 12 h 1 min 4 s Le chef de train baisse la vitre de la portière du côté du chauffeur et crie pour attirer l'attention des travailleurs de la voie.
    Vers 12 h 1 min 8 s Le chef de train indique au mécanicien de locomotive d'arrêter le mouvement.
    12 h 1 min 11 s Le mécanicien de locomotive déclenche un freinage d'urgence.
    12 h 1 min 15 s Roulant à 11 mi/h, le mouvement heurte le travailleur 2.
    12 h 1 min 24 s Le mouvement s'immobilise.

    1.3 Triage Roberts Bank

    Le triage Roberts Bank se trouve sur la subdivision de Port entre les points milliaires 16,8 et 23,9. Ce triage dessert le port à charbon Westshore Terminals ainsi que Global Container Terminals. BCR est propriétaire de la subdivision de Port et du triage Roberts Bank. La subdivision de Port est contrôlée par un contrôleur de la circulation ferroviaire de BCR, tandis que toutes les opérations au triage sont contrôlées par le superviseur des opérations de triage de BCR. Le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC)Note de bas de page 6 régit à la fois le triage et la subdivision de Port.

    BCR avait confié à PNR en sous-traitance l'entretien de la voie sur la subdivision de Port et au triage. PNR fournissait la main-d'œuvre, l'équipement et le savoir-faire pour s'acquitter de ces tâches. Même si le personnel d'entretien de la voie et des installations de BCR supervisait les travaux de PNR, celle-ci était principalement responsable de la formation, de la surveillance de la sécurité et des mesures disciplinaires.

    TTR est une coentreprise qui appartient à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) et au Chemin de fer Canadien Pacifique. TTR effectuait les opérations de manœuvre dans le triage. Les équipes de manœuvre TTR relevaient du superviseur des opérations de triage de BCR, qui leur donnait leurs affectations de manœuvre et tenait chaque jour les séances de briefing. Il incombait au superviseur des opérations de triage de communiquer aux équipes de manœuvre de TTR tout changement ou toute mise à jour aux instructions. Même si le superviseur des opérations de triage de BCR supervisait les équipes de manœuvre de TTR dans le triage, TTR donnait la formation et effectuait les contrôles d'efficacité, tenait les réunions de sécurité, enquêtait sur les incidents mettant en cause les employés de TTR et imposait les mesures disciplinaires.

    Les activités de BCR sont réglementées par la BC Safety AuthorityNote de bas de page 7, Division ferroviaire. Les activités de PNR sont réglementées par WorkSafeBC. Les opérations de manœuvre de TTR sont réglementées par Transports Canada (TC).

    1.4 Renseignements sur l'équipe

    1.4.1 Équipe de manœuvre de Toronto Terminals Railway

    L'équipe de manœuvre de TTR se composait de 1 mécanicien de locomotive et de 1 chef de train. Le mécanicien de locomotive était au service de TTR depuis 7 ans. Avant de se joindre à TTR, le mécanicien de locomotive avait été au service de diverses compagnies de chemin de fer pendant 26 ans. Le chef de train comptait 7 années de service à TTR et 39 ans de service au CN. Les deux membres d'équipe avaient travaillé au triage Roberts Bank durant tout leur service à TTR.

    Les deux membres d'équipe possédaient les qualifications nécessaires pour effectuer les tâches de leurs fonctions, connaissaient le triage Roberts Bank et respectaient les normes réglementaires d'aptitude au travail et de repos. Ils travaillaient au triage selon un horaire régulier et effectuaient occasionnellement des heures supplémentaires. Les deux membres d'équipe étaient reposés, et ni l'un ni l'autre n'avait mentionné de problème de vigilance le jour de l'événement.

    Les équipes de manœuvre de TTR recevaient 3 jours de formation de réattestation tous les 3 ans. Cette formation était confiée à une tierce partie, qui donnait 2 jours de formation sur le REFC, la manutention sécuritaire de marchandises dangereuses, et les instructions générales d'exploitation de TTR. WorkSafeBC offrait une journée additionnelle de formation sur les premiers soins au travail, niveau 1. Le mécanicien de locomotive et le chef de train devaient suivre cette formation de réattestation le 4 novembre 2017.

    1.4.2 Équipe d'entretien de la voie PNR RailWorks

    L'équipe d'entretien de la voie PNR comprenait 2 travailleurs de la voie et un chef d'équipeNote de bas de page 8. Le travailleur 1 était au service de PNR depuis 10 ans au triage Roberts Bank et sur la subdivision de Port. Le travailleur 2 était au service de PNR depuis environ 10 ans, dont 4 ans en Alberta et 6 ans au triage Roberts Bank et sur la subdivision de Port. Le chef d'équipe était au service de PNR depuis environ 11 ans, dont 9 ans sur la subdivision de Port et au triage Roberts Bank.

    Les 3 employés d'entretien de la voie étaient considérés par PNR comme possédant les qualifications nécessaires pour effectuer les tâches de leurs fonctions, et ils connaissaient le triage et la subdivision de Port. Ils travaillaient selon un horaire régulier et n'avaient fait aucune heure supplémentaire de travail durant la semaine de l'événement à l'étude. Les travailleurs d'entretien de la voie ne sont assujettis à aucune exigence réglementaire d'aptitude au travail et de repos. Les deux travailleurs de la voie et le chef d'équipe ont affirmé qu'ils étaient reposés et aptes au travail au début de leurs quarts respectifs.

    1.5 Protection par sentinelle

    Au cours des années 1990, la protection des travailleurs de la voie par sentinelle s'est répandue parmi les chemins de fer nord-américains. Cette procédure était conçue pour améliorer la productivité des travailleurs de la voie, surtout aux endroits caractérisés par une augmentation du trafic et des temps d'occupation de la voie réduits.

    En 2001, lorsque le CN a adopté ce type de protection des travailleurs de la voie, la compagnie a rédigé des lignes directrices qu'elle a ajoutées à ses Instructions générales de l'Ingénierie (IGI). Ces lignes directrices ont été révisées en 2006, en 2009, en 2011 et en 2013. Le CN exige la réattestation de ses employés des Services de l'ingénierie tous les 3 ans. Cette réattestation comprend une formation et une évaluation sur la protection par sentinelle.

    L'article 3.4 des IGI stipule en partie ce qui suit :

    Tous les membres du personnel de l'Ingénierie appelés à obstruer ou à occuper des voies doivent être protégés de l'une ou l'autre des façons suivantes:

    • Protection officielle, conformément au REFC
    • Protection par sentinelle
    • Protection pour travailleur isoléNote de bas de page 9

    L'article 5.0 des IGI stipule en partie ce qui suit :

    5.1 Les travaux exécutés sur la voie ou à proximité qui ne nécessitent pas une protection officielle prévue par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC) peuvent être exécutés sous la protection d'une sentinelle. […]

    Pour voir la liste des travaux exécutables sous la protection par sentinelle, se reporter au Tableau 2.

    Responsabilités d'une sentinelle

    5.2 La seule fonction de la sentinelle est d'assurer la protection du personnel en voie, en surveillant continuellement l'arrivée des trains ou des véhicules d'entretien sur le lieu des travaux et en détectant les dangers qui se présentent. La sentinelle doit consacrer toute son attention à cette fonction et ne laisser aucune autre activité l'en distraire, en s'abstenant par exemple de parler, d'écrire ou de consulter ses messages sur son téléphone cellulaire. Elle doit aussi prendre garde à ne pas se laisser distraire ou absorber par l'observation des travaux dont elle assure la protection. […]

    Dégagement en fonction des distances de visibilité

    5.5 La protection par sentinelle ne sera PAS considérée comme une protection suffisante lorsque la visibilité, la vitesse des trains, les conditions atmosphériques, les obstacles, etc., ne permettent pas au travailleur de dégager la voie et de se mettre en sécurité en un lieu prédéterminé au moins 15 secondes avant qu'un train circulant à la vitesse maximale permise n'atteigne le chantier. Ces 15 secondes sont un minimum auquel s'ajoutera le délai supplémentaire éventuellement nécessaire.

    Exemple : Des travailleurs utilisent la protection par sentinelle sur une voie où la vitesse maximale des trains est de 35 mi/h (56 km/h). Il a été établi qu'à partir de l'instant où l'arrivée d'un train lui est signalée, les travailleurs auront besoin de 5 secondes pour dégager la voie avec leurs outils et se mettre en sécurité. Ces 5 secondes viennent s'ajouter aux 15 secondes indiquées ci-dessus. Par conséquent, dans le tableau ci-après, la distance de visibilité à prévoir doit être cherchée dans la colonne « 20 secondes », où on voit que, pour une vitesse des trains de 35 mi/h (56 km/h), la distance de visibilité doit être de 1 030 pieds (314 mètres) dans les deux directions.

    5.6 Le Tableau 3 de la page 11 indique, en fonction de la vitesse d'un train qui approche, le temps dont disposent les membres du personnel pour se mettre complètement à l'abri, avec leurs outils, avant l'arrivée d'un trainNote de bas de page 10.

    Pour ce qui est de la protection par sentinelle, les IGI ne contiennent aucune exigence particulière selon laquelle les travailleurs de la voie qui sont ainsi protégés doivent être munis de radios.

    L'annexe A du présent rapport comprend des renseignements sur le type de travail permis en vertu de la protection par sentinelle ainsi que les distances de visibilité minimales requises.

    La règle 841 du REFC – Protection de travaux en voie sur une voie non principale et dans une zone de marche prudente, constitue une méthode de rechange à la protection par sentinelle permettant de protéger les travaux en voie sur une voie non principale. Cette règle permet l'utilisation de drapeaux rouges et de feux rouges entre les rails à 100 verges du lieu des travaux dans les deux directions ou encore la pose de cadenas spéciauxNote de bas de page 11 sur les aiguillages orientés de manière à interdire l'accès au lieu des travaux. Une combinaison de drapeaux rouges et de cadenas spéciaux est également permise.

    1.6 Mise en œuvre de la protection par sentinelle par PNR RailWorks

    En 2007, PNR a adopté les IGI du CN et a commencé à recourir à la protection par sentinelle comme méthode de protection des travailleurs de la voie au triage Roberts Bank. Les travailleurs de la voie devaient suivre ces instructions lorsqu'ils travaillaient au triage. Le Job Briefing Manual [manuel de séance de briefing] de PNR comprenait en outre des lignes directrices sur l'utilisation de la protection par sentinelle, y compris un tableau des distances de visibilité requises.

    Au triage Roberts Bank, on avait recours à la protection par sentinelle durant les travaux de déneigement des aiguillages. Dans l'événement à l'étude, l'intention des deux travailleurs de la voie était de déneiger l'aiguillage tout en assurant la protection par sentinelle. Les 2 travailleurs de la voie et le chef d'équipe estimaient qu'ils pouvaient tous déneiger les aiguillages en s'acquittant du même coup des tâches de protection par sentinelle.

    1.6.1 Formation sur la protection par sentinelle donnée aux travailleurs de la voie de PNR RailWorks

    Les superviseurs de PNR ont reçu une formation sur les IGI 2013 du CN, qui comprenaient des sections sur la protection par sentinelle, et ont suivi un cours de formation en ligne et passé un examen à ce sujet. Les superviseurs devaient ensuite communiquer aux travailleurs de la voie ce qu'ils avaient appris sur la protection par sentinelle durant les séances de briefing ou les réunions sur le terrain. Rien n'indiquait dans les dossiers que les travailleurs de la voie en cause dans l'événement à l'étude avaient suivi cette formation.

    Des 3 travailleurs de la voie de PNR, seul le travailleur 1 avait suivi une formation sur la protection par sentinelle. Celle-ci avait été donnée dans le cadre d'une revue en salle de cours des IGI 2013 du CN, qui abordait entre autres la protection par sentinelle. Toutefois, cette revue ne comprenait aucun test de compréhension de la documentation sur la protection par sentinelle.

    1.7 Exigences relatives aux séances de briefing à PNR RailWorks

    Le Job Briefing Manual de PNR comprenait des lignes directrices à l'intention des employés sur la bonne tenue d'une séance de briefing. En outre, l'article 6.4 du Health and Safety Manual [manuel de santé et sécurité] de PNR stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    Par danger, on entend toute circonstance ou condition qui pose un risque d'incident. Avant d'entreprendre les travaux, le responsable d'un groupe de travail doit faire une évaluation des dangers ou tenir une séance de briefing pour tous ceux qui participeront à l'activité, pour chaque quart de travail ou tâche, et à mesure que changent les conditions ou circonstancesNote de bas de page 12.

    PNR mettait en pratique l'article 2.0, Séances de briefing, des IGI 2013 du CN. Cet article stipule en partie ce qui suit :

    2.1 Avant d'entreprendre un travail, le responsable d'un groupe de travail doit tenir une séance de briefing pour toutes les personnes travaillant sur le chantier.

    2.2 On doit tenir une séance supplémentaire de briefing lorsque :

    • la méthode de protection est modifiée; ou
    • la protection est prolongée ou sur le point d'être annulée;
    • la tâche à effectuer a été modifiéeNote de bas de page 13.

    Le paragraphe 2.4 des IGI du CN stipule ce qui suit :

    À la fin de la séance de briefing, tous les membres du personnel doivent confirmer leur compréhension de son contenu. Les détails du briefing doivent être consignés dans les carnets prévus à cette fin, de façon à ce qu'ils puissent être facilement consultés par chaque membre du personnelNote de bas de page 14.

    En ce qui a trait aux exigences relatives aux séances de briefing lorsqu'on a recours à la protection par sentinelle, le paragraphe 5.3 des IGI du CN stipule ce qui suit :

    Avant la mise en place de la sentinelle, la personne responsable, la sentinelle et le personnel protégé par cette dernière doivent tenir un briefing très complet permettant de définir exactement les points suivants :

    • les voies qui seront occupées;
    • la date ou l'heure à laquelle les travaux seront effectués;
    • la personne désignée comme sentinelle;
    • l'endroit où sera postée la sentinelle;
    • la nature des travaux à effectuer;
    • le prolongement du délai de dégagement, s'il y a lieu;
    • la vitesse maximale des trains sur la voie et la distance de visibilité nécessaire;
    • les distances de visibilité réelles sur le chantier;
    • l'endroit où le personnel doit se placer à l'approche d'un mouvement;
    • la façon dont sera donné le signal de dégagement;
    • l'endroit où déposer les outils lorsqu'il faudra dégager la voie;
    • la personne chargée de mettre les outils à l'abri;
    • les autres risques présents sur le chantier.

    L'ensemble de ces renseignements doit être consigné dans le compte rendu de la séance de briefingNote de bas de page 15.

    On devait remplir un formulaire de séance de briefing PNR (annexe B) avant la mise en œuvre de la protection par sentinelle. Or, il n'y avait aucun espace prévu sur ce formulaire préimprimé pour consigner tous les renseignements demandés au paragraphe 5.3 des IGI du CN.

    Des formulaires de PNR avaient été obtenus pour une séance de briefing qui devait avoir lieu le matin de l'événement à l'étude. Les renseignements consignés sur ces formulaires comprenaient les risques présents sur le chantier :

    • marcher prudemment sur la glace
    • surveiller l'approche de trains
    • porter l'équipement de protection personnelle (EPP) au complet
    • ouvrir l'œil pour des véhicules qui reculent
    • protection par sentinelle postée

    Toutefois, il a été impossible de confirmer si une séance de briefing avait eu lieu conformément au Job Briefing Manual de PNR.

    1.8 Autres enquêtes du BST portant sur la protection par sentinelle

    Depuis 2012, le BST a enquêté sur 2 autres événements dans lesquels des employés de compagnies de chemin de fer ont été grièvement ou mortellement blessés pendant qu'ils protégeaient des activités en tant que sentinelle.

    1.8.1 Rapport d'enquête ferroviaire R11T0161 du BST (Durham Junction)

    Le 14 juillet 2011, un train de voyageurs de VIA Rail Canada Inc. qui roulait vers l'ouest depuis Montréal (Québec) jusqu'à Toronto (Ontario) a percuté et a tué un employé de l'ingénierie du CN au point milliaire 314,4 du tronçon de la subdivision de Kingston appartenant à Metrolinx. Le CN s'occupait de l'entretien de la voie dans ce secteur.

    L'enquête a permis d'établir les faits suivants :

    • L'équipe de travaux n'a pas tenu une séance distincte de briefing sur la sécurité pour la tâche supplémentaire, manquant ainsi une occasion de discuter des risques potentiels et de réexaminer le choix du plan de travail.
    • Même si elle ne disposait pas de la ligne de visibilité minimale exigée pour appliquer sans danger la protection par sentinelle, l'équipe de travaux a choisi d'aller de l'avant avec le travail.
    • Pendant l'exécution de l''entretien, les 2 travailleurs de la voie s'affairaient au travail, sans qu'aucun d'eux n'effectue les tâches propres à une protection par sentinelle.
    • Sans protection par sentinelle exclusive, l'équipe de travaux s'est concentrée sur son travail et, par conséquent, ne s'est pas rendu compte de l'approche imminente du VIA 51.

    1.8.2 Rapport d'enquête ferroviaire R12E0182 du BST (Clover Bar)

    Le 26 décembre 2012, le train de marchandises Q-19051-24 du CN se déplace vers l'est en provenance d'Edmonton (Alberta), à destination de Wainwright (Alberta), lorsqu'il frappe 3 employés d'A&B Rail Services Ltd., à un endroit situé environ au point milliaire 259,20 de la subdivision de Wainwright du Canadien National, près du triage de Clover Bar. Les 3 employés, qui procédaient à des activités de déneigement près d'un aiguillage, sont admis à l'hôpital; 2 d'entre eux ont subi de graves blessures.

    L'enquête a permis d'établir les faits suivants :

    • Si des employés dont la sécurité est touchée ne participent pas à des séances d'information exhaustives sur les travaux, il est possible qu'ils ne puissent pas se protéger contre les risques inhérents aux tâches à accomplir.
    • Si les procédures de protection par sentinelle pour la protection des travailleurs de la voie ne sont pas réglementées, il existe un risque accru que de telles procédures ne soient pas appliquées et supervisées de manière constante et uniforme chez tous les chemins de fer et les entrepreneurs.

    Le 8 janvier 2013, le Bureau de la sécurité des transports (BST) a envoyé à TC un avis de sécurité ferroviaire (RSA) 01/13, intitulé « Adequacy of Training Related to the use of Safety Watch Protection ». L'avis suggérait que TC revoie la manière dont les chemins de fer mettent en œuvre la protection par sentinelle, surveillent son application et procurent une formation à son sujet, afin de garantir que les instructions soient appliquées de manière appropriée et que la protection adéquate soit fournie à tout le personnel d'entretien de la voie, y compris les employés contractuels.

    Le 28 février 2013, TC a répondu au RSA 01/13, indiquant qu'il travaillait, en collaboration avec l'Association des chemins de fer du Canada, à l'ajout d'une règle au REFC concernant la protection par sentinelle et le recours à cette protection. En janvier 2014, TC a déclaré que l'Association des chemins de fer du Canada avait soumis les modifications qu'elle proposait au REFC actuel, lesquelles comprennent des règles sur la protection par sentinelle. TC a demandé la réécriture de la règle afin de produire une proposition plus rigoureuse. Toutefois, la version courante du REFC, en vigueur depuis le 27 juillet 2015, ne traite pas de la protection par sentinelle. L'Association des chemins de fer du Canada, au nom de ses compagnies de chemin de fer membres, n'envisage pas pour l'instant de présenter une proposition révisée de règlement concernant la protection par sentinelle.

    1.9 Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada en ce qui a trait aux opérations de manœuvre au triage Roberts Bank

    Les activités de manœuvre de TTR au triage Roberts Bank sont régies par la règle 105, Circulation sur une voie non principale, du REFC, qui stipule en partie ce qui suit :

    Sous réserve de l'indication des signaux, un mouvement qui utilise une voie non principale doit circuler à vitesse RÉDUITE et être prêt à s'arrêter avant la fin de la voie ou du signal rouge prescrit à la règle 41.

    […]

    1. Sous réserve de l'indication des signaux ou d'instructions spéciales, les mouvements se déplaçant sur une voie non principale ne doivent pas dépasser quinze (15) mi/hNote de bas de page 16.

    Le REFC définit « vitesse réduite » comme étant une « vitesse permettant de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité d'un matériel roulant. »Note de bas de page 17

    Le REFC définit « matériel roulant » comme étant « [t]oute locomotive, tout wagon ou toute voiture pouvant se déplacer sur ses propres roues dans un mouvement. »Note de bas de page 18

    Au triage Roberts Bank, la protection de l'avant des mouvements que l'on pousse est régie par la règle 115, Pousse du matériel roulant, du REFC, qui stipule en partie ce qui suit :

    1. Lorsqu'un matériel roulant est poussé par une locomotive ou qu'il est précédé d'une locomotive télécommandée sans personnel en cabine, un membre de l'équipe doit être posté sur le véhicule de tête ou au sol, de façon à pouvoir observer la voie à utiliser et donner les signaux ou les instructions nécessaires pour diriger le mouvement.

      EXCEPTION : Un membre de l'équipe n'a pas besoin de se poster de la sorte lorsqu'il est confirmé que la portion de voie à utiliser est libre. Cependant, du matériel roulant non précédé d'une locomotive ne doit pas s'approcher à moins de 100 pieds de tout passage à niveau public, privé ou de ferme, sauf si le passage est protégé conformément à la règle 103, paragraphe (b) ou (g).
    2. L'expression « lorsqu'il est confirmé que la voie est libre » désigne le fait d'observer la portion de voie à utiliser et de s'assurer qu'elle est, et restera, libre de matériel roulant et qu'elle offre assez de place pour accueillir le matériel roulant qu'on s'apprête à y pousser. Cette constatation doit être faite par un employé qualifié observant la voie et disposant d'un contact radio avec la personne chargée de diriger le mouvement. S'il a été constaté que la voie est libre et qu'aucun autre mouvement ne peut accéder à la voie en question, il est alors « confirmé » que la portion de voie à utiliser est libre.

      Nota : Quand il peut être déterminé qu'aucun autre mouvement n'est en service ou que des travaux ne seront pas effectués sur la voie à utiliser, alors les prescriptions de la règle sont respectées, et il est donc « confirmé » que la voie est libre continuellement.
    3. Sur une voie principale, lorsque du matériel roulant est poussé par une locomotive ou précédé par une locomotive télécommandée sans personnel en cabine, à moins qu'un membre de l'équipe ne le protège conformément au paragraphe (a), le mouvement doit :
      1. avoir l'autorisation nécessaire;
      2. ne pas excéder la longueur totale de celle du matériel roulant;
      3. se faire à une vitesse maximale de 15 mi/h; et
      4. ne pas se faire pendant que le véhicule de tête se trouve à l'intérieur d'une zone de marche prudente.
    4. Lorsqu'une locomotive effectue un mouvement en marche arrière et que la visibilité est restreinte, un membre de l'équipe doit se poster sur l'engin de tête dans le sens du déplacement, à un endroit d'où il pourra donner convenablement les signaux nécessaires pour diriger le mouvement à moins que l'itinéraire soit confirmé libreNote de bas de page 19.

    En 2008, le contrat pour les opérations de manœuvre au triage Roberts Bank a été adjugé à TTR. À ce moment, TTR est passé d'une protection assurée par 2 employés sur le terrain à une protection assurée par le chef de train seul sur le terrain. Parallèlement, TTR a mis en vigueur l'utilisation d'un véhicule moteur pour aider le chef de train à assurer la protection de la tête du mouvement. Aucune évaluation des risques n'a été faite avant la mise en œuvre de ces changements opérationnels, et une telle évaluation n'était pas requise à l'époqueNote de bas de page 20.

    Durant les manœuvres dirigées par radio, les manœuvres qu'effectue TTR sont régies par la règle 123.2, Manœuvres dirigées par radio, du REFC, qui stipule ce qui suit :

    Lorsque l'on utilise la radio pour diriger une manœuvre, et après que les intéressés se sont identifiés de la façon prescrite, il faut procéder comme suit :

    1. le sens du mouvement à effectuer par rapport à l'avant de l'engin menant doit être indiqué dans l'instruction initiale et, par la suite, chaque fois qu'il faut inverser le sens du mouvement;
    2. la distance à parcourir doit être donnée dans chaque communication; et il n'est pas nécessaire de répéter les distances correspondant à moins de deux longueurs de wagon;
    3. après que le mouvement a parcouru la moitié de la distance donnée dans la dernière instruction et qu'aucune autre communication n'est reçue, le mouvement doit être arrêté;
    4. pendant les manœuvres, les membres de l'équipe doivent se communiquer entre eux l'indication des signaux de canton et d'enclenchement réglant la marche de leur mouvement;
    5. en cas de doute sur la signification ou le destinataire d'une instruction, celle-ci doit être considérée comme un signal d'arrêt; et
    6. lorsque les longueurs de wagon sont utilisées pour communiquer la distance, à moins d'ententes contraires, la distance en question est de 50 pieds par longueur de wagonNote de bas de page 21.

    1.10 Utilisation d'un véhicule tout en assurant la protection de la tête du mouvement

    Lorsqu'il utilise un véhicule moteur pour assurer la protection de la tête d'un mouvement, le chef de train doit veiller à positionner son véhicule à côté du wagon de tête du mouvement ou juste devant celui-ci, de manière à pouvoir observer la voie et la progression du wagon de tête. Ce faisant, le chef de train doit utiliser une radio bidirectionnelle afin de transmettre au mécanicien de locomotive les instructions nécessaires pour contrôler le mouvement.

    Avant l'événement à l'étude, du début de 2015 jusqu'à décembre 2016, TTR a cerné 3 événements au triage Roberts Bank comprenant des collisions mineures de matériel roulant qui avaient trait à la protection de la tête du mouvement pendant que l'on conduisait un véhicule moteur. Le 9 décembre 2016, TTR a émis l'avis d'exploitation no 52, une ligne directrice de l'entreprise concernant la conduite d'un véhicule moteur pendant que l'on protège la tête d'un mouvement au triage Roberts Bank; cet avis stipulait en partie ce qui suit [traduction] :

    Distance de protection de la tête d'un mouvement – les équipes de TTR doivent demeurer en deçà de 100 pieds de l'avant du mouvement;

    Exception 1 : passages à niveau
    On peut augmenter cette distance afin de pouvoir circuler en sécurité en avant du mouvement pour traverser un passage à niveau. Si cela est impossible, il faut arrêter le mouvement. Une fois qu'elles ont franchi le passage à niveau, les équipes doivent attendre que le mouvement se trouve en deçà de 100 pieds avant de continuer.

    Exception 2 : aucun chemin acceptable
    Dans ce cas, on doit d'abord arrêter le mouvement. Une fois que le mouvement est immobilisé, on peut repositionner le véhicule. Une fois que le véhicule est en position, on peut redémarrer le mouvement. Les équipes doivent attendre que le mouvement se trouve en deçà de 100 pieds avant de continuer.

    Devancer le mouvement – les équipes TTR ne doivent jamais devancer le mouvement pour :

    1. orienter un aiguillage;
    2. positionner le véhicule au point de raccordement entre les wagons;
    3. positionner le véhicule à l'endroit aux GCT où les wagons sont mis en placeNote de bas de page 22.

    1.11 Facteurs de performance humaine qui nuisent à la protection de la tête d'un mouvement pendant qu'on conduit un véhicule

    1.11.1 Attention et charge de travail du chef de train dans les environnements d'exploitation

    Chez l'être humain, l'attention et la capacité de traiter de l'information sont limitées. Ces limites peuvent être problématiques, car la conduite d'un véhicule moteur exige le partage de l'attention entre des tâches de contrôle (p. ex., demeurer dans la bonne voie), de guidage (p. ex., s'intégrer dans la circulation) et de navigation (p. ex., repérer des noms de rues). S'ils peuvent transférer rapidement leur attention d'une source d'information à l'autre, les humains ne peuvent toutefois se concentrer pleinement que sur une seule source d'information à la foisNote de bas de page 23.

    Si un conducteur doit effectuer plusieurs tâches qui exigent la même ressource attentionnelle, par exemple les yeux, et que soudainement l'une des tâches sollicite davantage cette ressource, l'exécution de l'autre tâche risque d'en souffrirNote de bas de page 24.

    Dans l'événement à l'étude, le chef de train a dû effectuer simultanément plusieurs tâches, entre autres :

    • s'assurer que la voie utilisée était sécuritaire (libre de matériel roulant, d'obstruction, ou de personnel travaillant sur la voie ou près de celle-ci);
    • communiquer avec le mécanicien de locomotive par radio bidirectionnelle portable;
    • diriger la progression du mouvement à mesure qu'il faisait marche arrière;
    • évaluer les différentes vitesses variables entre le mouvement et le véhicule moteur pour déterminer et communiquer les instructions nécessaires à la circulation du train.

    En outre, à l'approche de l'aiguillage ELN4X (figure 4), le chef de train était concentré sur les cibles d'aiguillage pour vérifier les positions des aiguillages qu'il avait orientés plus tôt. Sachant que des travailleurs de la voie s'étaient trouvés dans les environs, le chef de train voulait s'assurer que les positions des aiguillages n'avaient pas été modifiées par inadvertance.

    Figure 4. Vue de l'emplacement des travailleurs de la voie (aiguillage ELN4X) depuis le passage à niveau sur la branche est (554 pieds)
    Image
    Vue de l'emplacement des travailleurs de la voie depuis le passage à niveau sur la branche est

    1.11.2 Attention visuelle du conducteur

    Les conducteurs doivent être attentifs de façon continue et séquentielle à plusieurs éléments à l'intérieur et à proximité de leur véhicule. Cela comprend les obstacles sur la route qu'ils doivent éviter, les renseignements de guidage pour suivre une route et demeurer dans la bonne voie, les éléments à l'intérieur du véhicule, et les rétroviseurs, en plus de balayer occasionnellement du regard la route loin devant eux. Les conducteurs consacrent jusqu'à 90 % de leur attention visuelle aux éléments directement devant eux dans leur champ visuel, car ce sont là les objets avec lesquels les conducteurs sont les plus susceptibles d'interagirNote de bas de page 25.

    Au volant d'un véhicule moteur, le conducteur doit en réguler la vitesse tout en se concentrant sur les obstacles sur la route, sur le bord de la chaussée et sur les zones aux abords immédiats de la voie. Il doit aussi être attentif aux éléments dans l'environnement des deux côtés du véhicule, ainsi qu'à l'arrière et au-dessus de celui-ci.

    1.12 Surveillance de la conformité au triage Roberts Bank

    BCR surveillait et vérifiait les travaux effectués par PNR et d'autres entrepreneurs pour assurer leur respect des normes réglementaires et contractuelles en matière d'entretien de la voie. Cette surveillance comprenait une présence régulière au triage et sur la subdivision de Port. De plus, BCR vérifiait la conformité à d'autres aspects des travaux liés à la sécurité, comme la tenue de séances de briefing et la protection par sentinelle. Or, l'enquête n'a trouvé aucune documentation concernant les vérifications des processus de séance de briefing ou de protection par sentinelle.

    PNR faisait des observations de sécurité sur place et en compilait les résultats dans son Electronic Observation System (EOS) [consignateur électronique d'observations]. Les observations consignées dans l'EOS en 2016 portaient entre autres sur ces sujets :

    • la protection par la règle 41 du REFC
    • l'ergonomie (soudure)
    • l'état des véhicules
    • l'état des drapeaux rouges
    • l'équipement de protection individuelle
    • la séance de briefing
    • les procédures de verrouillage/étiquetage d'interdiction
    • les livrets d'employés et d'équipement

    Toutefois, il n'y a eu aucune observation concernant la protection par sentinelle dans l'EOS.

    Les superviseurs de TTR ont soumis les activités des équipes de manœuvre à des contrôles d'efficacité au triage. En 2016, TTR a effectué 53 contrôles d'efficacité portant sur la conformité à la règle 115 du REFC. Chacun des 53 contrôles a confirmé la conformité à cette règle. En 2016, on a également effectué des contrôles d'efficacité portant sur la conformité à la règle 123.2, Manœuvres dirigées par radio, du REFC. Des 40 contrôles effectués, on a relevé 7 cas de non-conformité.

    On a fait un examen des dossiers de conformité; ils indiquaient que certains employés n'étaient pas contrôlés chaque mois et que certains échecs n'ont donné lieu à aucun suivi ni à aucun examen de reprise dans le délai de 30 jours prévu. Ces dossiers ont également révélé des infractions antérieures à des exigences du REFC (règle 123.2) concernant les manœuvres dirigées par radioNote de bas de page 26 qui visaient des membres d'équipe en cause dans l'événement à l'étude.

    En 2016, TTR a enquêté sur 1 événement de mauvaise application de la règle 115, Pousse du matériel roulant, du REFC à ce triage.

    1.13 Procédures concernant l'utilisation des véhicules de la compagnie

    Le véhicule qu'utilisait le chef de train le jour de l'événement à l'étude était un Jeep Patriot 2015. Les dossiers d'entretien et de réparation indiquaient que ce véhicule était en bon état de service. Ce véhicule était immatriculé et assuré par TTR de manière à permettre son utilisation sur les chaussées publiques en Colombie-Britannique, au besoin. D'après le Motor Vehicle Act [loi sur les véhicules moteurs] de la Colombie-Britannique, un klaxon en bon état de fonctionnement est une exigence de sécurité obligatoire.

    TTR avait préparé un manuel de pratiques de travail sécuritaires dont l'une des sections expliquait les procédures de travail générales et les pratiques exemplaires relatives à l'utilisation des véhicules de la compagnie. La section T-4 de ce manuel décrit en détail les exigences de TTR relativement aux inspections avant le quart et à l'utilisation sécuritaire. Elle mentionne tout particulièrement l'inspection du klaxon du véhicule dans la section intitulée « Tips – Vehicle Safety – General » [Conseil – Sécurité des véhicules – Généralités], qui stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    1. Éteignez le moteur et évitez de fumer ou d'utiliser votre téléphone cellulaire pendant que vous faites le plein.
    2. Signalez tout accident du travail, peu importe la gravité, à votre superviseur.
    3. Inspectez le véhicule avant de l'utiliser.
    4. Assurez-vous que le klaxon, les phares et les clignotants fonctionnentNote de bas de page 27.

    Les employés de TTR n'ont reçu aucun exemplaire de ce manuel, ni aucune formation ou évaluation après formation concernant la section T-4 de ce manuel, qui aborde les procédures de travail générales et les pratiques exemplaires relatives à l'utilisation des véhicules de la compagnie. Il n'y avait aucun processus en place pour renforcer les pratiques de travail sécuritaires, l'acquisition de connaissances et la performance connexe, par exemple des vérifications indépendantes, une supervision, un contrôle de la qualité ou encore des activités d'assurance de la qualité pour vérifier l'inspection correcte des véhicules et l'achèvement du rapport d'inspection.

    1.13.1 Rapport d'inspection quotidienne des véhicules

    Avant chaque quart, les employés de TTR devaient remplir un rapport d'inspection quotidienne des véhicules (annexe C). Il s'agit en fait d'une liste de vérification qui avait été dressée en réponse à des dommages aux véhicules qui n'avaient pas été signalés. Au début, il incombait aux superviseurs de remplir cette liste de vérification. Toutefois, environ 2 semaines avant l'événement à l'étude, la responsabilité de mener l'inspection et de remplir la liste de vérification avait été transférée aux employés. Rien n'indiquait que tous les employés avaient été informés de ce changement.

    La liste de vérification exigeait l'inspection (en partie) :

    • de toutes les vitres, y compris le pare-brise;
    • des rétroviseurs des deux côtés du véhicule;
    • des phares et feux, y compris le gyrophare jaune sur le toit;
    • de la radio.

    La liste de vérification exigeait en outre une inspection générale du véhicule (y compris l'intérieur) pour détecter tout dommage évident et nouveau. La liste n'exigeait toutefois ni l'inspection du klaxon ni la confirmation qu'il fonctionnait.

    Aucune liste de vérification n'avait été remplie récemment pour le véhicule en cause dans l'événement à l'étude. Le jour de l'événement, aucune inspection du véhicule avant le quart n'avait été faite. Le conducteur croyait qu'il incombait au superviseur de faire l'inspection et de remplir la liste de vérification.

    1.14 Protection des travailleurs de la voie aux États-Unis

    Aux États-Unis, les procédures de protection des travailleurs de la voie font partie du Code of Federal Regulations (CFR), titre 49 (49 CFR), révisé le 10 juin 2016.

    Le paragraphe 214.329 du 49 CFR stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    Lorsque les membres d'une équipe de travaux de la voie obstruent une voie à l'extérieur d'un chantier, ils doivent être avertis de l'approche d'un train par un ou plusieurs surveillants ou sentinelles conformément aux dispositions qui suivent :

    […]

    1. Chaque travailleur de la voie à qui est confié le rôle de surveillant ou de sentinelle doit d'abord obtenir la formation, la qualification et la désignation écrite de l'employeur pour le faire, conformément au paragraphe 214.349Note de bas de page 28.

    Le paragraphe 214.349 du 49 CFR stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    1. La formation et la qualification des travailleurs de la voie affectés à des tâches de surveillant ou de sentinelle doivent prendre en considération, au minimum, les facteurs suivants :
      1. la détection et la reconnaissance des trains qui approchent;
      2. l'avertissement efficace des travailleurs de la voie au sujet des trains qui approchent;
      3. la détermination de la distance le long de la voie à laquelle les trains doivent être visibles pour que l'avertissement soit donné dans le délai prescrit;
      4. les règles et procédures du chemin de fer dont on doit se servir pour avertir de l'approche d'un trainNote de bas de page 29.

    Le paragraphe 214.343 du 49 CFR stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    1. Chaque employeur doit fournir à tous les travailleurs de la voie à son service une formation initiale ou périodique, une fois par année civile, sur les règles et procédures de sécurité sur la voie qu'ils doivent suivreNote de bas de page 30.

    1.15 Systèmes de gestion de la sécurité

    Un SGS est un « processus systématique, explicite et global de gestion des risques pour la sécurité »Note de bas de page 31. Il s'agit d'un moyen de s'assurer que les chemins de fer mettent en place les processus nécessaires pour identifier les dangers liés à leurs activités et définir des mesures d'atténuation des risques. Un SGS est fondé sur des concepts de sécurité en constante évolution qui semblent les plus susceptibles de faire croître l'efficacité de la gestion des risques. On a progressivement mis en œuvre des SMS au sein de l'industrie des transports du Canada. Ils servent à s'assurer que les entreprises mettent sur pied des processus systématiques de gestion des risques. L'on juge que cette approche de surveillance réglementaire, combinée à des inspections et à des mesures d'application de la loi, réduit considérablement les taux d'accident.

    1.15.1 Système de gestion de la sécurité de BCR Properties Ltd.

    L'entreprise BCR Properties Ltd., qui est réglementée par la BC Safety Authority, doit avoir un système de gestion de la sécurité (SGS). Le SGS pour la subdivision de Port de BCR (révisé en octobre 2016) précise que les entrepreneurs tiers et le personnel doivent avoir les connaissances nécessaires pour mener leurs activités de façon sécuritaire. L'élément H (Skills, Training and Supervision) [compétences, formation et supervision] du SGS exige en partie ce qui suit [traduction] :

    Mettre en œuvre des méthodes pour faire en sorte que les employés et toute autre personne à qui la compagnie de chemin de fer donne accès à son domaine disposent des compétences et de la formation appropriées et d'une supervision suffisante pour qu'ils puissent satisfaire à toutes les exigences de sécurité.

    1. Orientation pour entrepreneurs et pour les nouveaux entrepreneurs et gestionnaires – Protocoles d'embauche/affichages de poste.
    2. Examens périodiques des compétences de formation en sécurité par l'établissement d'exigences de réattestation pour toute formation de sécurité technique, et comme élément du processus d'enquête sur les accidents […]Note de bas de page 32.

    En 2015 et en 2016, la BC Safety Authority a vérifié divers éléments du SGS, y compris la conformité au Règlement concernant la sécurité de la voie et au REFC. Or, l'élément H du SGS n'a pas été examiné dans le cadre de ces vérifications.

    Le rapport de vérification 2015 indiquait l'inefficacité de BCR à se conformer aux règles, à la réglementation et aux éléments de son SGS qui avaient été vérifiés.

    Le rapport de vérification 2016 indiquait qu'en général, BCR se conformait aux règles, à la réglementation et aux éléments de son SGS qui avaient été vérifiés, sauf pour les situations de non-conformité relevées.

    1.15.2 Système de gestion de la sécurité de Toronto Terminals Railway

    TC réglemente les activités de TTR, qui doit avoir un SGS, conformément au Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (DORS/2015-26). Le SGS combinéNote de bas de page 33 de TTR est daté du 3 février 2016. Ce document couvre les sujets suivants, entre autres :

    • la conformité aux règles, à la réglementation et à d'autres instruments applicables
    • la gestion des événements ferroviaires
    • le processus d'identification des accidents et incidents
    • le processus d'évaluation des risques et dangers
    • la mise en œuvre et évaluation des mesures correctives
    • l'établissement d'objectifs de sécurité et d'initiatives de sécurité
    • la gestion des connaissances
    • les normes de qualification et de formation

    La section intitulée « Managing Knowledge » [gestion des connaissances] stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    Formation

    1. TTR donne toute la formation nécessaire pour satisfaire aux exigences en matière de qualification. Les programmes de formation sont animés par des instructeurs internes, des instructeurs tiers ou par un établissement d'enseignement qualifié (moyennant une aide financière). Toute l'instruction donnée à l'interne et par des instructeurs tiers est offerte sans fraisNote de bas de page 34.

    La section intitulée « USRC Efficiency Testing Program Analysis & Trending » [analyse et tendances du programme de contrôle de conformité, corridor ferroviaire de la gare Union] stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    Section N.3 – Examens – rôles et responsabilités

    Employés

    Tous les employés devraient subir un examen au moins une fois par mois.

    Superviseurs

    Tous les superviseurs doivent remettre leurs examens d'efficacité et de compétence à leur supérieur immédiat au plus tard le 25e jour de chaque mois.

    Gestionnaires

    Les gestionnaires respectifs doivent veiller à ce qu'un nombre adéquat d'examens ait été effectué ainsi que vérifier la rigueur, l'exactitude et la précision de chacun des contrôles d'efficacité des superviseurs. Le gestionnaire doit s'assurer que tous les examens sont remis au responsable de la sécurité sur le terrain avant le premier jour du mois. Le gestionnaire doit s'assurer que tous les employés relevant de lui subissent un examen au moins une fois par mois. Le gestionnaire doit faire un suivi pour s'assurer que tous les échecs entraînent une reprise de l'examen dans les 30 jours suivant l'échecNote de bas de page 35.

    Une analyse des contrôles d'efficacité réalisés en 2016 a révélé que les employés n'avaient pas tous fait l'objet d'un contrôle au moins une fois par mois, comme l'exige le SGS de TTR. De plus, aucun des 7 échecs parmi les 40 contrôles d'efficacité visant à vérifier la conformité à la règle 123.2 n'a donné lieu à un examen de reprise dans les 30 jours qui ont suivi l'échec.

    La surveillance par TC du nouveau règlement sur les SGS s'est déroulée par phases. La phase I visait à promouvoir, à encourager et à évaluer les efforts de chaque compagnie de chemin de fer pour satisfaire aux exigences légales minimales leur permettant de se conformer au nouveau règlement sur les SGS. La phase II devait évaluer si chaque compagnie de chemin de fer avait en place tous les processus du SGS ainsi que les procédures, plans et méthodes connexes. Dans le cas de TTR au triage Roberts Bank, la phase I s'est déroulée en juin 2015, et la phase II, en décembre 2015. TC n'a fait qu'une surveillance minimale de la conformité réglementaire au triage Roberts Bank.

    1.15.3 Système de gestion de la santé et sécurité au travail de PNR RailWorks

    Les activités de PNR sont réglementées à l'échelle provinciale par WorkSafeBC. Par conséquent, l'entreprise devait avoir en place un système de gestion de la santé et sécurité au travail et se conformer à la fois au règlement Occupational Health and Safety Regulation de WorkSafeBC et à la loi Workers Compensation Act de la Colombie-Britannique. La Partie 3, Division 3, General Duties of Employers, Workers and Others, de la Workers Compensation Act de la Colombie-Britannique stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    115 Devoirs des employeurs – généralités

    1. Chaque employeur doit
      1. veiller à la santé et à la sécurité de
        1. tous les travailleurs qui sont au service de cet employeur, et
        2. tout autre travailleur présent dans un milieu de travail où cet employeur effectue des travaux, et
      2. se conformer à cette Partie, à la réglementation et à toute autre ordonnance applicable.
    2. Sans limiter la sous-section (1), un employeur doit
      1. remédier à toutes les conditions en milieu de travail qui sont dangereuses pour la santé et la sécurité des travailleurs de l'employeur,
      2. s'assurer que les travailleurs de l'employeur
        1. sont au courant de tous les dangers pour la santé ou la sécurité qui sont connus ou raisonnablement prévisibles auxquels il est probable qu'ils seront exposés durant les travaux,

    […]

    1. fournir aux travailleurs de l'employeur l'information, les instructions, la formation et la supervision nécessaires pour protéger la santé et la sécurité de ces travailleurs lorsqu'ils font leur travail et pour protéger la santé et la sécurité d'autres travailleurs aux lieux de travail […]Note de bas de page 36

    L'article 7.1, intitulé « Safety Meetings and Training » [réunions de sécurité et formation] du Health and Safety Manual de PNR stipule en partie ce qui suit [traduction] :

    7.2 BUT

    La présente politique a pour but d'assurer que tous les employés reçoivent une orientation et une formation sur la sécurité qui sont suffisantes.

    7.3 POLITIQUE

    PNR RailWorks donnera la formation de sécurité suivante, et veillera à ce que tous les employés y participent :

    • l'orientation de tous les nouveaux employés;
    • la formation propre à une tâche, au besoin;
    • la formation d'appoint et recyclage;
    • les réunions de sécurité.

    7.4 RÉUNIONS SUR LE TERRAIN

    Une réunion officielle de sécurité sur le terrain doit avoir lieu au moins une fois par semaine. Ce formulaire servira à consigner les noms des personnes présentes, les points de sécurité qui ont été abordés, et les mesures à prendre. L'effort et la rigueur des participants déterminent la valeur d'une réunion de sécurité. L'ordre du jour d'une réunion sur le terrain doit comporter ce qui suit :

    • un examen des incidents qui ont été signalés depuis la dernière réunion, y compris l'état des mesures correctives qui ont été recommandées ou prises;
    • un examen des vérifications prévues qui ont été faites depuis la dernière réunion, y compris l'état des mesures correctives;
    • les commentaires et questions des employés;
    • une présentation sur le sujet de sécurité de la semaineNote de bas de page 37.

    Même si PNR s'était dotée d'un SGS, rien ne laissait croire que des processus étaient en place pour garantir la formation adéquate des travailleurs de la voie et qu'ils étaient tout à fait conscients des exigences relatives à la protection par sentinelle.

    En 2015 et 2016, WorkSafeBC n'avait fait aucune vérification du système de gestion de la santé et sécurité au travail de PNR, et l'organisme de réglementation faisait très peu de surveillance de la conformité réglementaire au triage Roberts Bank.

    1.16 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    La gestion de la sécurité et la surveillance resteront sur la Liste de surveillance du BST jusqu'à ce que :

    • les entreprises de transport qui possèdent un système de gestion de la sécurité démontrent qu'il fonctionne bien, c'est-à-dire qu'il permet de déceler les risques et que des mesures de réduction des risques efficaces sont mises en œuvre;
    • TC intervienne lorsque des entreprises de transport ne peuvent assurer efficacement la gestion de la sécurité et le fasse de façon à corriger les pratiques d'exploitation jugées non sécuritaires.

    La gestion de la sécurité et la surveillance figurent sur la Liste de surveillance 2016. Toutes les entreprises de transport sont responsables de la gestion des risques pour la sécurité de leur exploitation.

    C'est la raison pour laquelle le BST a maintes fois souligné les SGS, qui sont des cadres reconnus à l'échelle internationale qui permettent aux entreprises de gérer efficacement les risques et de rendre leur exploitation plus sécuritaire. Comme l'événement à l'étude a démontré, des lacunes dans la formation, la supervision et les contrôles d'efficacité des employés peuvent réduire l'efficacité du SGS d'une entreprise.

    Pour que le passage au régime SGS soit efficace, il doit être appuyé par une surveillance réglementaire suffisante au moyen de vérifications et d'inspections de conformité réglementaire.

    2.0 Analyse

    L'état mécanique de la manœuvre et l'état de l'infrastructure de la voie n'ont joué aucun rôle dans l'événement à l'étude. L'analyse portera sur l'utilisation de la protection par sentinelle, la formation des employés d'entrepreneurs tiers, les vérifications de rendement des travailleurs de la voie, le processus de séance de briefing, l'entretien et l'inspection des véhicules, et le contrôle de la sécurité.

    2.1 L'événement

    L'accident s'est produit lorsque l'un des travailleurs a été heurté par le wagon de tête d'un mouvement de manœuvre qui était poussé au-delà de l'aiguillage ELN4X. Le chef de train n'a pas donné à temps l'instruction au mécanicien de locomotive d'immobiliser le mouvement, qui n'a pu s'arrêter avant d'atteindre l'aiguillage ELN4X.

    Le chef de train a orienté l'aiguillage de la branche est (ELE) pour le mouvement vers l'ouest sur la voie de la branche est. Il est ensuite retourné à son véhicule pour indiquer au mécanicien de locomotive de faire marche arrière, sans toutefois préciser de distance. Le mécanicien de locomotive a accusé réception de l'instruction et a commencé à pousser les plateformes vers l'ouest. Le chef de train pouvait voir que la voie était libre de tout matériel roulant jusqu'à l'aiguillage ELN4X. Le chef de train savait que des travailleurs de la voie se trouvaient près de l'aiguillage ELN4X. Toutefois, il n'a pas informé le mécanicien de locomotive de la présence de travailleurs sur la voie devant le mouvement. D'après l'expérience antérieure du chef de train, les travailleurs de la voie au triage dégageaient la voie environ 15 secondes avant l'arrivée d'un mouvement. En l'absence de renseignements pertinents pour le mécanicien de locomotive, comme la présence de travailleurs de la voie à proximité de l'aiguillage ELN4X, le mouvement a continué de circuler en direction de l'aiguillage sans être prêt à arrêter.

    Le chef de train a commencé à rouler vers l'ouest juste devant le mouvement sur la route de gravier qui longe la voie de la branche est au nord de celle-ci. Environ à mi-chemin de l'aiguillage de la branche est (ELE) et de l'aiguillage ELN4X, le chef de train a traversé un passage à niveau pour passer au sud de la voie de la branche est, avant de continuer vers l'ouest. Le chef de train a transmis une seconde instruction au mécanicien de locomotive de continuer de pousser le mouvement en marche arrière. Il n'a reçu aucune réponse du mécanicien de locomotive. Toutefois, le mouvement a poursuivi la marche arrière vers l'ouest. À l'approche de l'aiguillage ELN4X, les freins du mouvement étaient desserrés, et celui-ci roulait à environ 11 mi/h. Malgré l'exigence du REFC concernant la spécification d'une distance lorsque l'on transmet des instructions relatives à un mouvement, le chef de train n'a précisé aucune distance dans ses instructions au mécanicien de locomotive.

    Habituellement, durant les manœuvres, le chef de train se positionne à l'avant du wagon de tête lorsqu'un mouvement est poussé. Il peut ainsi se concentrer sur une seule direction (devant le mouvement). Le chef de train doit pouvoir surveiller la progression du wagon de tête tout en s'assurant que la voie utilisée est sécuritaire (libre de matériel roulant, d'obstruction ou de personnel travaillant sur la voie ou près de celle-ci). Dans les situations où le chef de train commande le mouvement depuis une position stationnaire au sol, le chef de train doit consacrer toute son attention à la progression sécuritaire du mouvement.

    Dans l'événement à l'étude, la tâche du chef de train a été rendue encore plus complexe par la nécessité de protéger la tête du mouvement pendant qu'il conduisait un véhicule moteur. Plus précisément, pour protéger le véhicule de tête tout en conduisant un véhicule moteur, le chef de train a dû effectuer simultanément plusieurs tâches, par exemple :

    • S'assurer que la voie à utiliser est sécuritaire (libre de matériel roulant, d'obstruction, ou de personnel travaillant sur la voie ou près de celle-ci)
    • Communiquer avec le mécanicien de locomotive par radio bidirectionnelle portable
    • Diriger la progression du mouvement à mesure qu'il fait marche arrière
    • Évaluer les différentes vitesses variables entre le mouvement et le véhicule automobile pour déterminer et communiquer les instructions nécessaires à la circulation du train

    L'attention nécessaire pour surveiller la progression du mouvement tout en conduisant un véhicule, combinée à l'attente que la voie soit libre, a probablement contribué à l'absence d'instruction de la part du chef de train d'arrêter le mouvement avant qu'il ne soit trop proche de l'aiguillage ELN4X pour s'immobiliser. Lorsqu'un chef de train conduit un véhicule durant des opérations de manœuvre et que soudainement, une tâche exige plus d'attention (p. ex., une obstruction imprévue sur la route ou sur la voie), il y a un risque accru que cela nuise à sa capacité d'accomplir de façon sécuritaire d'autres tâches, comme protéger la tête du mouvement.

    2.2 Pertinence de la formation sur la protection par sentinelle donnée aux travailleurs de la voie de PNR RailWorks

    Le domaine d'une compagnie de chemin de fer est un environnement de travail potentiellement dangereux. C'est pourquoi les chemins de fer investissent massivement dans la formation de leurs employés et consacrent d'importantes ressources à la promotion de la sécurité des employés. Reconnaissant les dangers inhérents à l'environnement ferroviaire, le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC) définit un employé comme étant une personne, employée par une compagnie et qualifiée selon les normes réglementaires et celles de la compagnie. Il stipule en outre que cette définition s'applique aux employés contractuels et aux employés d'autres compagnies et chemins de fer exploitant et/ou exécutant d'autres tâches réglementées sur les voies ferroviaires hôtesNote de bas de page 38.

    Les activités de PNR sont réglementées à l'échelle provinciale par WorkSafeBC. Par conséquent, l'entreprise doit avoir en place un système de gestion de la santé et sécurité au travail et se conformer au règlement Occupational Health and Safety Regulation de WorkSafeBC et à la loi Workers Compensation Act de la Colombie-Britannique. D'après cette loi, il incombe aux employeurs de fournir aux travailleurs l'information, les instructions, la formation et la supervision nécessaires pour protéger leur santé et leur sécurité.

    PNR a adopté le modèle de protection par sentinelle des Instructions générales de l'Ingénierie (IGI) 2013 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Au lieu de former activement ses travailleurs de la voie à la protection par sentinelle, PNR formait ses superviseurs, à qui il incombait de transmettre leurs connaissances aux travailleurs de la voie durant des séances de briefing et des réunions sur le terrain. Ce processus, toutefois, ne comprenait aucune documentation de la matière enseignée (les sujets couverts). De plus, les présences n'étaient pas consignées, et la compréhension n'était pas évaluée. Si les résultats de programmes de formation des travailleurs de la voie ne sont pas documentés et examinés, on pourrait ne pas rapidement cerner une formation qui est inefficace, ce qui augmente le risque que les travailleurs de la voie ne travaillent pas toujours de façon sécuritaire.

    Dans l'événement à l'étude, les travailleurs de la voie avaient collectivement assumé le rôle de protection par sentinelle tout en étant activement occupés par leurs travaux. Les travailleurs de la voie ne comprenaient pas bien comment mettre en place la protection par sentinelle. Ainsi, aucun des deux travailleurs de la voie n'effectuait les tâches de protection par sentinelle. Pour que la protection par sentinelle soit un mode efficace de protection des travailleurs de la voie qui effectuent les types limités d'activité en voie prévus aux IGI, le travailleur qui effectue les tâches de protection par sentinelle ne doit pas participer aux travaux en cours. Le travailleur qui effectue les tâches de protection par sentinelle doit s'en tenir exclusivement à surveiller les mouvements qui approchent et à avertir les autres travailleurs à temps pour qu'ils se mettent à l'abri, avec leurs outils. Les travailleurs de la voie n'avaient pas reçu la formation pertinente sur l'utilisation de la protection par sentinelle comme méthode de protection de la voie à utiliser au triage Roberts Bank.

    2.3 Vérification du rendement des travailleurs de la voie

    Outre la formation des travailleurs de la voie, on doit vérifier régulièrement les méthodes de travail sécuritaires au moyen d'une vérification du rendement. On s'assure ainsi que la formation est efficace, que les travailleurs mettent en pratique les notions apprises, et qu'ils maintiennent les connaissances et les méthodes de travail sécuritaires qu'ils ont développées. La surveillance du rendement est également un outil pour s'assurer que les travailleurs se conforment aux politiques et aux procédures et satisfont aux exigences réglementaires applicables.

    À BCR Properties Ltd. (BCR), on s'attendait à ce que le superviseur de l'entretien de la voie et des installations s'assure que les travailleurs contractuels respectaient les règles, méthodes, politiques et procédures de travail sécuritaire, et que toute question de sécurité serait abordée avec l'entrepreneur et ses employés. PNR se servait de son propre système électronique d'observations pour vérifier le rendement. Cet outil permet de consigner les observations de tâches essentielles à la sécurité sur le terrain, y compris toute mesure corrective jugée nécessaire. Même si BCR et PNR avaient chacune un système en place pour faire la vérification du rendement, ni l'un ni l'autre de ces systèmes ne ciblait particulièrement la protection par sentinelle. Sans mécanisme de vérification du rendement visant particulièrement la protection par sentinelle, personne n'a constaté l'inefficacité de la formation qu'ont reçue les travailleurs de la voie de PNR à ce sujet. Si des processus essentiels pour la sécurité comme la protection par sentinelle ne font l'objet d'aucune vérification permettant de s'assurer de l'efficacité de leur mise en œuvre, ces processus pourraient être mal mis en œuvre, ce qui augmente le risque que la sécurité soit compromise.

    2.4 Pertinence du processus de séance de briefing de PNR RailWorks

    Plusieurs formulaires de séance de briefing ont été fournis. Toutefois, les travailleurs de la voie n'avaient pas de souvenirs clairs de la tenue d'une séance de briefing officielle. De plus, les formulaires de séance de briefing qui ont été soumis n'étaient pas complets; certains renseignements avaient été omis, même s'ils sont obligatoires d'après les IGI 2013 du CN quand on a recours à la protection par sentinelle. Plus précisément, les formulaires n'indiquaient pas la personne affectée à la protection par sentinelle. Il est peu probable qu'une séance de briefing en conformité avec le Job Briefing Manual de la compagnie ait eu lieu avant que les travailleurs de la voie ne commencent à enlever la neige des aiguillages.

    La tenue de séances de briefing officielles est un processus universellement reconnu par lequel les employés qui doivent effectuer une tâche s'entendent sur les travaux à faire, les dangers que pourraient comporter ces travaux, et les stratégies à employer pour réduire au minimum les risques. Si tous les travailleurs de la voie ne participent pas à une séance de briefing complète, ils pourraient ne pas se protéger contre les dangers inhérents à leurs tâches, ce qui augmente les risques d'accident.

    2.5 Exigences réglementaires relatives à la protection par sentinelle

    Au Canada, la procédure de protection par sentinelle est établie selon les instructions de la compagnie et ne fait pas partie de la réglementation. En conséquence, Transports Canada (TC) ne surveille pas particulièrement l'observation de ces procédures par les employés, pas plus que le contrôle qu'exerce la direction à cet égard. Au contraire, aux États-Unis, des méthodes semblables de protection de la voie sont réglementées.

    De plus, au Canada, comme plusieurs compétences peuvent être en jeu (p. ex., provinciales et fédérale), la confusion peut être plus grande encore concernant la mise en œuvre et la surveillance de la procédure de protection par sentinelle ainsi que la conformité à celle-ci.

    Pour faire suite à l'accident survenu à Durham Junction, en juillet 2011 (rapport d'enquête ferroviaire no R11T0161 du BST), TC a indiqué qu'il envisageait la possibilité d'incorporer la protection par sentinelle dans un cadre réglementaire plus officiel. Or, cette mesure n'a pas été prise. À la suite de l'accident de Clover Bar, en décembre 2012 (rapport d'enquête ferroviaire no R12E0182 du BST), TC a affirmé qu'il travaillait de concert avec l'Association des chemins de fer du Canada à l'ajout d'une règle au REFC portant sur la « protection par sentinelle » et « le recours à la protection par sentinelle ». L'Association des chemins de fer du Canada a proposé une nouvelle règle sur la protection par sentinelle au nom de ses compagnies de chemin de fer membres; toutefois, sa première soumission a été rejetée. TC a demandé la réécriture de la règle afin de produire une proposition plus rigoureuse. Aucune démarche n'est en cours pour réécrire la règle proposée de protection par sentinelle en vue d'une nouvelle soumission. Par conséquent, cette lacune de sécurité n'a toujours pas été traitée. Si des procédures comme la protection par sentinelle pour protéger les travailleurs de la voie ne sont pas uniformément mises en place par toutes les compagnies de chemin de fer et tous les entrepreneurs, il y a un risque accru que les travailleurs de la voie ne comprennent pas parfaitement comment mettre en place ce type de protection de la voie.

    2.6 Systèmes de gestion de la sécurité

    D'après son système de gestion de la sécurité (SGS), BCR doit s'assurer que les employés ainsi que toute autre personne à qui la compagnie de chemin de fer donne accès à son domaine possèdent les compétences et la formation appropriées et fassent l'objet d'une supervision suffisante afin qu'ils puissent satisfaire à toutes les exigences en matière de sécurité. En outre, BCR était tenue de donner une orientation aux nouveaux entrepreneurs et de faire passer aux entrepreneurs des examens périodiques des compétences de formation en sécurité.

    PNR, grâce à son système de gestion de la santé et sécurité au travail offert par l'intermédiaire de WorkSafeBC, devait assurer la santé et la sécurité de tous les travailleurs et fournir de l'information, des instructions, de la formation et la supervision nécessaires pour garantir la santé et la sécurité de ces travailleurs.

    Le SGS combiné de Toronto Terminals Railway (TTR) établit des exigences en matière de formation, de supervision et de contrôle de l'efficacité des employés. Le programme de contrôles d'efficacité de TTR permet à ses superviseurs de mesurer l'efficacité de la formation sur le REFC que donne TTR. Les dossiers d'examens indiquaient que certains employés n'étaient pas soumis à un contrôle d'efficacité chaque mois et que pour certains échecs, il n'y a eu aucun suivi ni examen de reprise dans le délai de 30 jours prévu. Ces dossiers ont également révélé que des infractions antérieures relativement aux exigences du REFC concernant les manœuvres dirigées par radio visaient des membres d'équipe en cause dans l'événement à l'étude. Certaines des mesures correctives prévues par le SGS n'ont pas été prises.

    Si un seul accident ne permet pas de déterminer l'efficacité d'un SGS dans son ensemble, il permet tout de même de juger de l'efficacité ou non d'éléments particuliers d'un SGS. Ni PNR ni BCR n'avait de processus en place pour garantir la formation adéquate des travailleurs de la voie et qu'ils étaient pleinement au courant des exigences relatives à la protection par sentinelle. Qui plus est, le contrôle de la sécurité qu'ont fait BCR et TTR de l'équipe de manœuvre de TTR était inadéquat pour s'assurer que l'équipe suivait les procédures normalisées de manœuvres dirigées par radio. En outre, BCR et TTR n'ont pris aucune des mesures correctives nécessaires pour corriger ces comportements après que des contrôles d'efficacité eurent révélé des non-conformités relatives à la procédure par radio. Certains éléments des systèmes de gestion de la sécurité de PNR, de BCR et de TTR portant sur la formation et la supervision n'ont pas été appliqués de façon adéquate.

    2.7 Klaxon, inspections de véhicule avant le quart et rapport d'inspection quotidienne des véhicules

    Le chef de train a tenté de klaxonner pour avertir les travailleurs de la voie lorsqu'il s'est rendu compte qu'ils ne dégageaient pas la voie à l'approche du mouvement. À ce moment, le véhicule approchait de l'aiguillage ELN4X et était suffisamment proche pour que les travailleurs entendent le klaxon. Toutefois, le klaxon ne fonctionnait pas, ce qui a empêché la possibilité d'avertir les travailleurs de la voie de l'approche du mouvement.

    Le manuel de pratiques de travail sécuritaires de TTR comprend une section qui couvre les procédures de travail générales et les pratiques exemplaires en ce qui concerne l'utilisation des véhicules de la compagnie. Cette section décrit en détail les exigences de TTR relatives aux inspections avant le quart et à l'utilisation sécuritaire des véhicules, et mentionne tout particulièrement la vérification du klaxon. De plus, TTR remet à tous les employés d'exploitation un rapport d'inspection quotidienne de véhicule, qui consiste en une liste de vérification qu'ils doivent remplir avant chaque quart. Or, cette liste ne mentionne pas la vérification du fonctionnement du klaxon. Si une liste de vérification du véhicule avant le quart ne stipule pas la vérification de chaque composant de sécurité, il y a un risque accru que l'on ne vérifie pas tous les composants de sécurité d'un véhicule avant de l'utiliser.

    Les employés de TTR n'ont reçu aucune formation concernant le manuel de pratiques de travail sécuritaires, l'exécution d'inspections de véhicule avant le quart ou l'achèvement du rapport d'inspection quotidienne de véhicule. De plus, il n'y avait aucun processus en place pour renforcer les pratiques de travail sécuritaires, l'acquisition de connaissances et le perfectionnement des compétences. Le jour de l'événement à l'étude, aucune inspection de véhicule n'a été faite avant le quart, et la liste de vérification n'a pas été remplie, car le chef de train estimait que cette inspection était du ressort du superviseur. Environ 2 semaines avant l'événement à l'étude, la responsabilité de l'inspection du véhicule avant le quart était passée des superviseurs aux employés. Rien n'indiquait que tous les employés avaient été informés de ce changement.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'accident s'est produit lorsque l'un des travailleurs a été heurté par le wagon de tête d'un mouvement de manœuvre qui était poussé au-delà de l'aiguillage ELN4X.
    2. Le chef de train n'a pas donné à temps l'instruction au mécanicien de locomotive d'immobiliser le mouvement, qui n'a pu s'arrêter avant d'atteindre l'aiguillage ELN4X.
    3. En l'absence de renseignements pertinents pour le mécanicien de locomotive, comme la présence de travailleurs de la voie à proximité de l'aiguillage ELN4X, le mouvement a continué de circuler en direction de l'aiguillage sans être prêt à arrêter.
    4. Malgré l'exigence du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada concernant la spécification d'une distance lorsque l'on transmet des instructions relatives à un mouvement, le chef de train n'a précisé aucune distance dans ses instructions au mécanicien de locomotive.
    5. L'attention nécessaire pour surveiller la progression du mouvement tout en conduisant un véhicule, combinée à l'attente que la voie soit libre, a probablement contribué à l'absence d'instruction de la part du chef de train d'arrêter le mouvement avant qu'il ne soit trop proche de l'aiguillage ELN4X pour s'immobiliser.
    6. Les travailleurs de la voie ne comprenaient pas bien comment mettre en place la protection par sentinelle. Ainsi, aucun des deux travailleurs de la voie n'effectuait les tâches de protection par sentinelle.
    7. Les travailleurs de la voie n'avaient pas reçu la formation pertinente sur l'utilisation de la protection par sentinelle comme méthode de protection de la voie à utiliser au triage Roberts Bank.
    8. Certains éléments des systèmes de gestion de la sécurité de PNR RailWorks, de BCR Properties Ltd. et de Toronto Terminals Railway portant sur la formation et la supervision n'ont pas été appliqués de façon adéquate.
    9. Le klaxon du véhicule ne fonctionnait pas, ce qui a empêché la possibilité d'avertir les travailleurs de la voie de l'approche du mouvement. Aucune inspection de véhicule n'a été faite avant le quart, et la liste de vérification n'a pas été remplie, car le chef de train estimait que cette inspection était du ressort du superviseur.
    10. Environ 2 semaines avant l'événement à l'étude, la responsabilité de l'inspection du véhicule avant le quart était passée des superviseurs aux employés. Rien n'indiquait que tous les employés avaient été informés de ce changement.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Lorsqu'un chef de train conduit un véhicule durant des opérations de manœuvre et que soudainement, une tâche exige plus d'attention (p. ex., une obstruction imprévue sur la route ou sur la voie), il y a un risque accru que cela nuise à sa capacité d'accomplir de façon sécuritaire d'autres tâches, comme protéger la tête du mouvement.
    2. Si les résultats de programmes de formation des travailleurs de la voie ne sont pas documentés et examinés, on pourrait ne pas rapidement cerner une formation qui est inefficace, ce qui augmente le risque que les travailleurs de la voie ne travaillent pas toujours de façon sécuritaire.
    3. Si des processus essentiels pour la sécurité comme la protection par sentinelle ne font l'objet d'aucune vérification permettant de s'assurer de l'efficacité de leur mise en œuvre, ces processus pourraient être mal mis en œuvre, ce qui augmente le risque que la sécurité soit compromise.
    4. Si tous les travailleurs de la voie ne participent pas à une séance de briefing complète, ils pourraient ne pas se protéger contre les dangers inhérents à leurs tâches, ce qui augmente les risques d'accident.
    5. Si des procédures comme la protection par sentinelle pour protéger les travailleurs de la voie ne sont pas uniformément mises en place par toutes les compagnies de chemin de fer et tous les entrepreneurs, il y a un risque accru que les travailleurs de la voie ne comprennent pas parfaitement comment mettre en place ce type de protection de la voie.
    6. Si une liste de vérification du véhicule avant le quart ne stipule pas la vérification de chaque composant de sécurité, il y a un risque accru que l'on ne vérifie pas tous les composants de sécurité d'un véhicule avant de l'utiliser.

    3.3 Autres faits établis

    1. Il est peu probable qu'une séance de briefing en conformité avec le Job Briefing Manual de la PNR RailWorks ait eu lieu avant que les travailleurs de la voie ne commencent à enlever la neige des aiguillages.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada

    4.1.1.1 Avis de sécurité ferroviaire 03/17

    Le 17 février 2017, le BST a émis l'Avis de sécurité ferroviaire (ASF) 03/17, intitulé « Adequacy of Training for Safety Watch Protection » [pertinence de la formation sur la protection par sentinelle]. D'après cet ASF, étant donné les risques pour le personnel d'entretien qui effectue des travaux en voie pendant que des trains/mouvements circulent, Transports Canada (TC) souhaiterait peut-être revoir la mise en œuvre de la protection par sentinelle, y compris la formation requise pour les travailleurs de la voie, afin de s'assurer que le personnel d'entretien est toujours suffisamment protégé.

    Le 25 août 2017, TC a donné cette réponse à l'ASF 03/17 [traduction] :

    La BC Safety Authority mène actuellement l'enquête sur cet accident, puisque les employés d'ingénierie en cause sont assujettis à la réglementation provinciale. Par conséquent, la formation de ces employés sur la mise en place de la protection par sentinelle ne relève pas de la compétence de Transports Canada. Transports Canada appuie l'enquête de la BC Safety Authority en fournissant des ressources techniques au besoin.
    4.1.1.2 Avis de sécurité ferroviaire 07/17

    Le 23 mai 2017, le BST a émis l'ASF 07/17, « Providing Point Protection for a Shoving Movement while Operating a Motor Vehicle at Roberts Bank Yard in Delta, BC » [protection de la tête d'un mouvement poussé tout en conduisant un véhicule moteur au triage Roberts Bank à Delta (C.-B.)]. D'après cet ASF, étant donné les risques inhérents aux manœuvres de pousse de matériel roulant, TC souhaiterait peut-être revoir la façon dont on protège la tête d'un mouvement au triage Roberts Bank pour s'assurer de la conduite sécuritaire des mouvements, surtout lorsque le chef de train conduit un véhicule moteur.

    Le 13 octobre 2017, dans sa réponse à l'ASF 07/17, TC a indiqué que les instances de la Région du Pacifique de Transports Canada allaient se concentrer sur les procédures de protection de la tête d'un mouvement durant ses inspections à Deltaport.

    TC a ajouté que les inspections continues à Deltaport se pencheraient également sur les communications radio et la supervision des employés.

    4.1.2 Transports Canada

    En décembre 2017, TC a effectué une vérification approfondie du système de gestion de la sécurité (SGS) des opérations de Toronto Terminals Railway (TTR) à Deltaport, à Delta (Colombie-Britannique). Cette vérification portait principalement sur la gestion, les comptes rendus et l'analyse d'événements ferroviaires et des préoccupations liées à la sécurité, ainsi que sur le processus d'évaluation des risques.

    TC prévoit faire sa prochaine vérification des activités de TTR à Deltaport durant l'exercice financier 2018-2019.

    4.1.3 Technical Safety BC

    En réponse à l'Avis de sécurité ferroviaire 07/17 du BST, Technical Safety BC (anciennement la BC Safety AuthorityNote de bas de page 39) a émis l'avis de sécurité R2017-06-02, « Providing Point Protection for Shoving Movement » [protection de la tête d'un mouvement poussé]. Cet avis informait toutes les compagnies de chemin de fer certifiées par la Colombie-Britannique et y menant leurs activités des risques liés à la pousse du matériel roulant. Ce même avis recommandait que chaque compagnie de chemin de fer examine ses processus pour assurer leur conformité au Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, aux Instructions générales d'exploitation, aux pratiques de travail sécuritaires et aux instructions spéciales concernant la pousse de matériel roulant. Cet avis de sécurité stipulait en partie ce qui suit [traduction] :

    Chaque compagnie de chemin de fer provinciale doit confirmer :

    1. Que tous les employés de chemin de fer comprennent et observent les procédures.
    2. Que le mouvement respecte les règles suivantes et s'y conforme :
      1. Instructions générales d'exploitation (IGE) ou pratiques de travail sécuritaires ou instructions semblables de la compagnie de chemin de fer;
      2. Règle 106 – Responsabilités de l'équipe, règle 115 – Pousse du matériel roulant, règle 121 – Identification formelle, et règle 123.2 – Manœuvres dirigées par radio du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC).
    3. Qu'elle effectue régulièrement des vérifications de conformité pour s'assurer que l'on suit les bonnes procéduresNote de bas de page 40.

    4.1.4 BCR Properties Ltd.

    À la suite de l'événement à l'étude, BCR Properties Ltd. (BCR) a annulé l'utilisation de la protection par sentinelle au triage Roberts Bank, le 6 janvier 2017. TTR a émis un avis à ses employés pour les informer de ce changement.

    Le 27 février 2017, BCR a effectué une évaluation des risques portant sur la protection par sentinelle et a noté les risques potentiels suivants [traduction] :

    • Les employés d'entretien de la voie de PNR Railworks n'ont pas reçu une formation adéquate sur les procédures de protection par sentinelle des Instructions générales de l'Ingénierie [IGI] de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [du CN].
    • Les IGI du CN ne constituent pas une exigence du système de gestion de la sécurité [SGS] de BCR.
    • Il se peut que les employés de PNR deviennent moins vigilants à l'égard des procédures de protection par sentinelle.
    • La formation que reçoivent les nouveaux employés de PNR sur les procédures de la protection par sentinelle n'est pas pertinenteNote de bas de page 41.

    Les résultats de cette évaluation des risques ont été remis à la BC Safety Authority, qui a répondu ainsi [traduction] :

    La protection par sentinelle du personnel utilisée par d'autres compagnies de chemin de fer comme le CN et le CP [Chemin de fer Canadien Pacifique] demeure problématique. Pas plus tard qu'en janvier de cette année, deux employés du CN ont été blessés au triage Symington de la compagnie alors qu'ils étaient protégés par sentinelle.

    Même si la BC Safety Authority n'interdira pas à BCRP de rétablir la protection par sentinelle au triage Roberts Bank dans le cadre de son nouveau protocole, elle n'appuie pas pour autant cette pratique. Le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada prévoit des méthodes plus sûres pour protéger les employés d'entretien de la voie qui travaillent dans un triageNote de bas de page 42.

    Après avoir évalué les risques liés au recours à la protection par sentinelle, BCR Properties Ltd. a pris les mesures suivantes [traduction] :

    • Intégration officielle dans le SGS de BCR de certaines dispositions des IGI du CN, notamment celles sur la protection par sentinelle, en veillant à ce PNR soit au courant de ces dispositions;
    • Suivi auprès de PNR pour s'assurer que tous ses employés travaillant au triage Roberts Bank ont reçu la formation et la certification appropriées, y compris pour la protection par sentinelle;
    • Mise en œuvre d'un processus permettant de recevoir et d'examiner des mises à jour trimestrielles de PNR sur les qualifications et certifications (avec dates d'expiration) de ses employés qui travaillent au triage Roberts Bank;
    • Mise en œuvre d'un processus de vérification amélioré selon lequel PNR remet à BCR des copies de toutes ses séances de briefing quotidiennes, de ses réunions sur le terrain hebdomadaires et des formulaires des séances de briefing sur la protection par sentinelle; et
    • Mise en œuvre d'un processus plus strict d'orientation des entrepreneurs et de contrôle des arrivées, pour tous les entrepreneurs qui travaillent sur le domaine de BCRNote de bas de page 43.

    4.1.5 PNR RailWorks

    Pour faire suite à l'événement à l'étude, PNR a donné une formation de recyclage à ses employés et a fourni à BCR une liste trimestrielle à jour des qualifications de tous ses employés qui travaillent sur la subdivision de Port de BCR. PNR a également pris des mesures pour s'assurer que ses employés sont pleinement qualifiés selon toutes les règles et normes indiquées dans le SGS révisé de BCR, qui comprend désormais l'édition de novembre 2013 des IGI du CN et le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada.

    Le 4 avril 2017, la protection par sentinelle a été rétablie pour les employés qualifiés au triage Roberts Bank. Un nouveau formulaire de séance de briefing sur la protection par sentinelle (annexe D) fait désormais partie de la formation et est utilisé sur le terrain lorsque la protection par sentinelle est la méthode de protection de la voie.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Tableaux des Instructions générales de l'Ingénierie de la Compagnie des chemins de fer du Canada indiquant les travaux exécutables sous la protection par sentinelle et les distances de visibilité minimales

    Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, Instructions générales de l'Ingénierie (novembre 2013), pp. 9 et 10.
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    Tableaux des Instructions générales de l'Ingénierie de la Compagnie des chemins de fer du Canada indiquant les travaux exécutables sous la protection par sentinelle et les distances de visibilité minimales

    Annexe B – Formulaires de séance de briefing de PNR RailWorks

    Source : PNR RailWorks, 15095 PNR Job Briefing Manual

    Source : PNR RailWorks, PNR Daily Job Briefing Book

    Annexe C – Rapport d'inspection quotidienne des véhicules de Toronto Terminals Railway

    Source : Toronto Terminals Railway
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    Rapport d'inspection quotidienne des véhicules de Toronto Terminals Railway

    Annexe D – Formulaire de séance de briefing sur la protection par sentinelle de PNR RailWorks (émis en avril 2017)