Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire
Chemin de fer QNS&L
Train PH651
Point milliaire 128,6, subdivision de Wacouna
Mai (Québec)
le
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 25 juillet 2017, afin d’effectuer des manœuvres en cours de route, un convoi de 159 wagons chargés de minerai de fer du Chemin de fer QNS&L avait été laissé sur la voie principale de la subdivision de Wacouna à Mai (Québec). Quelques minutes après que les locomotives ont été dételées du convoi, les wagons sont partis à la dérive et ont franchi le signal 1286 à Mai. Le mécanicien de locomotive de relève, qui était situé à proximité au sol, est intervenu pour arrêter le mouvement non contrôlé. Il n’y a eu aucun dommage et personne n’a été blessé.
1.0 Renseignements de base
1.1 L'incident
Le 25 juillet 2017, le train PH651 (le train) du Chemin de fer QNS&L (QNS&L) roulait vers le sud sur la subdivision de Wacouna. Le train était composé de 2 locomotives placées en tête du train et d'une rame de 159 wagons chargés de minerai de fer. Le train mesurait environ 5700 pieds et pesait environ 20 000 tonnes.
Vers 0 h 25 Note de bas de page 1, le train est arrivé à Mai (Québec), au point milliaire 128,6 (figure 1). À cet endroit, un changement de mécanicien de locomotive (ML) était prévu et la locomotive QNSL 322, qui était garée sur la voie d'évitement ouest, devait être ajoutée au groupe de traction. Pour ce faire, le ML et le ML de relève devaient travailler ensemble. Les 2 ML se sont entendus que le ML allait s'occuper de séparer le groupe de traction du convoi, alors que le ML de relève allait préparer la locomotive QNSL 322.
Le ML a arrêté le train sur la voie principale à environ 100 pieds du signal 1286, puis il a serré le frein automatique à fond. Avant que l'évacuation d'air de la conduite générale ne soit terminée, le ML a quitté la locomotive de tête et a fermé les robinets d'arrêt de la conduite générale entre les locomotives et le premier wagon de la rame. Il a ensuite serré quelques freins à main Note de bas de page 2 sur les premiers wagons de la rame et est retourné dans la cabine de la locomotive de tête afin de dételer le groupe de traction de la rame, l'avançant d'une dizaine de pieds vers le sud. Le ML a ensuite quitté la locomotive de tête une deuxième fois, s'est déplacé vers la rame de wagons et a partiellement ouvert le robinet d'arrêt de la conduite générale du wagon de tête. Il est ensuite retourné dans la locomotive de tête, a déplacé le groupe de traction, franchissant le signal 1286, qui indiquait vitesse normale, et a immobilisé le groupe de traction au sud du signal 1283 (figure 2). Pendant ces manœuvres, le ML n'a pas communiqué au ML de relève de quelle façon le convoi avait été sécurisé.
De sa position au sud du signal 1283, le ML était en mesure de voir l'indication de ce dernier et de déplacer le groupe de traction en marche arrière vers la locomotive QNSL 322, située sur la voie d'évitement ouest.
Pendant que le ML dételait les locomotives de la rame de wagons, le ML de relève a déplacé la locomotive QNSL 322 à l'extrémité sud de la voie d'évitement ouest. Le ML de relève s'est ensuite placé au sol, du côté ouest de la locomotive QNSL 322, afin de pouvoir guider le ML lors des manœuvres d'attelage prévues. De cette position, il s'est aperçu que la rame de wagons de minerai avait commencé à rouler de façon non contrôlée vers le sud, sur la voie principale. Il s'est alors dirigé vers la rame, se plaçant du côté est de la voie principale. À partir du sol, il a complètement ouvert le robinet d'arrêt de la conduite générale du wagon de tête de la rame, ce qui a eu pour effet de serrer les freins d'urgence des wagons, immobilisant la rame. Le wagon de tête de la rame avait franchi environ 400 pieds et s'est arrêté sur l'aiguillage nord de la voie d'évitement est, dépassant le signal 1286 d'environ 150 pieds. Toutefois, la voie principale à la hauteur de la voie d'évitement ouest n'était pas obstruée.
1.2 Renseignements sur l'équipe
Lors de l'incident, QNS&L était la seule compagnie ferroviaire au Canada de compétence fédérale qui utilisait une exploitation par un seul employé. Chez QNS&L, l'exploitation par un seul employé était utilisée exclusivement pour les trains de minerai.
Le ML et le ML de relève avaient débuté leur carrière chez QNS&L en 2005 et 2012 respectivement. Depuis leur formation initiale Note de bas de page 3, ils avaient été requalifiés, tous les 3 ans, sur le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) ainsi que sur les instructions particulières de la compagnie ferroviaire.
Le matin de l'incident, le ML était en service depuis 19 h la veille et le ML de relève commençait son quart de travail après une période de repos d'environ 20 heures. Les 2 ML se conformaient aux normes de condition physique et de repos et répondaient aux exigences de leurs postes respectifs. Ils étaient tous les deux familiers avec l'emplacement et ce n'était pas la première fois qu'ils effectuaient ces manœuvres à Mai.
1.3 Examen des lieux
La gare de Mai est environ à mi-chemin entre Sept-Îles (Québec) et Labrador City (Terre-Neuve-et-Labrador). À cet endroit, QNS&L maintient un camp pour les équipes d'ingénierie et effectue les changements d'équipe de train. La gare s'étend sur une longueur d'environ 4,5 milles et est composée d'une voie principale simple et de 2 voies d'évitement situées de chaque côté de la voie principale. Chaque voie d'évitement est munie d'un embranchement. Entre l'extrémité nord et l'extrémité sud de la gare, QNS&L a identifié 16 changements à la déclivité de la voie qui sont à des intervalles irréguliers ainsi que des pentes allant jusqu'à 0,59 %. Entre le point milliaire 129,7 et le point milliaire 128,6 (signal 1286), la voie principale a une pente descendante d'environ 0,4 % vers le sud (figure 3).
1.4 Particularités de la voie
À Mai, la voie principale était composée de longs rails soudés de 136 livres fabriqués par Algoma en 1990 et posés sur des selles de 14 pouces à double épaulement, retenues à chaque traverse par 4 crampons. Des anticheminants encadraient 1 traverse sur 2 et le ballast était composé de pierre concassée de ½ pouce à 2 pouces.
Les inspections avaient été effectuées conformément aux dispositions du Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La dernière inspection visuelle de la voie avait eu lieu le 21 juillet 2017 et n'avait révélé aucun défaut.
1.5 Renseignements sur la voie
La subdivision de Wacouna est constituée d'une voie principale simple qui relie Sept‑Îles (point milliaire 8,9) à Emeril Junction (Terre-Neuve-et-Labrador) (point milliaire 225,30). Le mouvement des trains est régi par le système de commande centralisée de la circulation en vertu du REF, sous la supervision d'un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Sept-Îles.
Il s'agit d'une voie de catégorie 3, au sens du RSV. La vitesse maximale autorisée sur la subdivision est de 40 mi/h pour les trains de minerai et de marchandises, et de 50 mi/h pour les trains de voyageurs. Le trafic ferroviaire est constitué de 9 trains par jour (minerai, marchandises et voyageurs), ce qui représente un tonnage annuel de près de 28 millions de tonnes brutes.
Entre le point milliaire 55 et le point milliaire 95 de la subdivision de Wacouna, la voie est en ascension constante vers le nord. Sur cette longueur, la déclivité de certaines sections dépasse 1,6 %. Par conséquent, le groupe de traction des trains qui quittent Sept-Îles vers Labrador City doit être suffisamment puissant pour pouvoir gravir ces pentes.
1.6 Exploitation ferroviaire du Chemin de fer QNS&L
La subdivision de Wacouna relie les exploitations minières de la compagnie Iron Ore Company of Canada située à Labrador City au port de Sept-Îles. Le trafic ferroviaire sur la subdivision de Wacouna consiste surtout en des trains de minerai, mais le QNS&L exploite également un service de trains de marchandises à partir de Sept-Îles à raison de 4 départs par semaine Note de bas de page 4. Contrairement aux trains de minerai, les trains de marchandises quittent Sept-Îles surtout avec des wagons chargés. Par conséquent, sur le circuit des trains de marchandises, la déclivité entre les points milliaires 55 et 95 exige le plus d'efforts des locomotives.
Selon le plan d'exploitation du QNS&L, si des locomotives supplémentaires sont nécessaires pour qu'un train de marchandises puisse gravir les pentes situées entre les points milliaires 55 et 95, ces locomotives sont laissées à Mai et un train en direction sud les ramène à Sept-Îles. La pratique de laisser des locomotives à Mai se produit entre 2 et 4 fois par semaine, selon le trafic ferroviaire.
1.7 Le train
Avant son départ de Labrador City, le train a subi un essai de freins et une inspection avant départ; tous les wagons étaient en bon état. En cours de route, le train a été inspecté par plusieurs systèmes de détection en voie et aucune anomalie n'avait été décelée. Lorsque le train a quitté Mai, une inspection au défilé a été effectuée et aucun défaut n'avait été constaté. À son arrivée à Sept-Îles, le train a été inspecté de nouveau et aucun défaut lié au système de freinage n'avait été décelé.
1.8 Renseignements consignés
Le BST a examiné les données du consignateur d'événements de locomotive (CEL) de la locomotive de tête. Le tableau 1 présente les détails de ces données.
Heure | Vitesse (mi/h) | Conduite générale (lb/po2) | Cylindre de frein (lb/po2) | Queue du train (lb/po2) | Description d'événement |
---|---|---|---|---|---|
0 h 28 min 23 s | 0 | 80 | 83 | 79 | Le train s'est arrêté à Mai. |
0 h 28 min 59 s | 0 | 78 | 84 | 79 | Le frein automatique a été serré à fond (suppression). |
0 h 30 min 1 s | 0 | 60 | 84 | 73 | La pression dans la conduite générale s'est stabilisée. |
0 h 30 min 13 s | 0 | 60 | 84 | 82 | La pression dans la conduite générale en queue du train a augmenté. |
0 h 31 min 15 s | 0 | 81 | 61 | 82 | Le frein automatique a été relâché. |
0 h 31 min 24 s | 1 | 88 | 2 | 82 | Les locomotives ont avancé d'environ 10 pieds. |
0 h 31 min 31 s | 0 | 88 | 83 | 82 | Les locomotives se sont arrêtées. |
0 h 33 min 4 s | 0 | 88 | 78 | 82 | Le frein indépendant a été relâché. |
0 h 33 min 11 s | 1 | 88 | 3 | 82 | Les locomotives ont avancé d'environ 1300 pieds. |
Le CEL a permis de constater qu'une fois que le train s'est arrêté à Mai, il y a eu 2 périodes d'inactivité dans le poste de commande du ML : la première, d'une durée d'environ 2 minutes et 15 secondes Note de bas de page 5 et la deuxième, d'environ 1 minute et 30 secondes Note de bas de page 6. De plus, quand les wagons ont été laissés sur la voie principale, l'air était embouteillé Note de bas de page 7 dans la conduite générale.
1.9 Système de freinage pneumatique
Le système de freinage pneumatique d'un wagon est composé de 4 éléments principaux : la conduite générale, le distributeur, les réservoirs d'air et le cylindre de frein (figure 4). La conduite générale est un tuyau qui relie les wagons les uns aux autres jusqu'à la locomotive de tête. Elle sert à alimenter en air comprimé les réservoirs du matériel roulant et à communiquer au distributeur de serrer ou de relâcher les freins.
Chaque wagon est équipé de 2 réservoirs d'air : un auxiliaire et un d'urgence. Le réservoir auxiliaire alimente le cylindre de frein lorsque les freins de service sont serrés. Quand les freins d'urgence sont serrés, l'air comprimé provenant des réservoirs d'urgence et auxiliaire alimente le cylindre de frein, créant une force de freinage supérieure à un freinage de service.
Le distributeur est l'intermédiaire entre la conduite générale, les réservoirs d'air et le cylindre de frein. Il réagit aux changements de pression dans la conduite générale. Lorsqu'il y a une baisse de pression, le distributeur alimente le cylindre de frein en air comprimé, ce qui amène les sabots de freins à s'appuyer contre les roues du wagon. Une augmentation de pression dans la conduite générale entraîne le relâchement des freins.
Le frein de service des wagons peut être serré par le ML en palier, en fonction des besoins opérationnels. Cependant, lors du relâchement, les freins des wagons de marchandises ne peuvent pas se desserrer graduellement. Par conséquent, dès que la pression dans la conduite générale augmente (minimum de 2 livres par pouce carré), les freins se relâchent complètement.
1.9.1 Relâchement accéléré des freins de service
Le système de freinage pneumatique des wagons de marchandises en usage en Amérique du Nord date des années 1860. Lors de sa conception initiale, quand le ML relâchait les freins, la locomotive de tête était la seule source d'air qui réalimentait la conduite générale. Plus le train était long, plus il y avait un délai avant que les wagons situés en queue du train relâchent leurs freins. Ce délai était parmi les enjeux qui limitaient la longueur des trains. Afin de surmonter ce problème, les wagons ont été munis de distributeurs avec relâchement accéléré des freins de service (accelerated service release ou ASR). Grâce à l'ASR, lorsque la pression dans la conduite générale augmente, le wagon relâche ses freins et la conduite générale est alimentée avec de l'air comprimé provenant du réservoir d'urgence. Ainsi, chaque wagon doté de l'ASR contribue à faire augmenter la pression dans la conduite générale, diminuant le temps nécessaire pour que les freins se relâchent sur les wagons placés en queue du train.
1.9.2 Relâchement intempestif des freins
Quand le frein automatique est serré sur un train, le retrait d'air de la conduite générale se fait à partir de la locomotive de tête Note de bas de page 8 et les freins se serrent de façon séquentielle, du premier wagon jusqu'au dernier. Pendant le serrage des freins, un gradient de pression Note de bas de page 9 est créé dans la conduite générale; c'est-à-dire que la pression en tête de train diminue avant la pression en queue de train.
Si le débit d'air dans la conduite générale est interrompu et l'air est embouteillé dans la conduite générale, le gradient se corrige de lui-même en raison du principe d'égalisation, ce qui peut entraîner le relâchement des freins pneumatiques du train au complet.
Afin d'éviter le relâchement intempestif des freins pneumatiques, il faut s'assurer que, lors d'un serrage des freins, le débit d'air ne soit pas interrompu. De plus, une fois le dételage effectué, le robinet d'arrêt doit être laissé complètement ouvert afin d'éviter d'embouteiller l'air dans la conduite générale.
1.10 Réglementation et instructions particulières
Pour pouvoir effectuer les manœuvres ferroviaires nécessaires à l'exploitation des trains en toute sécurité, les compagnies ferroviaires s'attendent à ce que les équipes de train interprètent et appliquent correctement, dans l'exercice de leurs fonctions, le REF et les Instructions générales d'exploitation (IGE) de la compagnie ferroviaire. En général, il n'existe pas de moyens de défense physiques pour se protéger contre l'application erronée des règles. Toutes les mesures de sécurité sont d'ordre administratif et dépendent uniquement, dans chaque situation, de la bonne application des règles d'exploitation par les équipes de train.
1.10.1 Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada
La règle 108 du REF, Précautions durant une manœuvre, précise ce qui suit :
Lors des manœuvres, les membres de l'équipe doivent prendre les précautions nécessaires pour prévenir les mouvements de recul involontaires de matériel roulant ou l'obstruction involontaire d'autres voies. Note de bas de page 10
La règle 112 du REF, Matériel roulant laissé sans surveillance, en vigueur au moment de l'incident, stipule en partie ce qui suit :
Dans l'application de la présente règle :
- un matériel roulant est considéré comme étant laissé sans surveillance quand un employé n'en est pas suffisamment proche pour intervenir efficacement afin d'arrêter le mouvement intempestif du matériel.
- les dispositifs d'immobilisation physique ou les dispositifs mécaniques incluent les éléments suivants :
- freins à main;
- freins à air;
- dérailleurs;
- dispositifs mécaniques d'urgence;
- locomotives munies d'un dispositif de veille automatique (RSC) avec protection contre la dérive où la pression d'air est maintenue en fonctionnement continu ou la mise en marche automatique est assurée;
- terrain concave; et
- en gare de triage : frein de voie, sabot d'arrêt, cale des roues et patins de roues.
[…]
- Quand des freins à main sont utilisés, il faut en vérifier l'efficacité comme suit : desserrer tous les freins à air et :
- laisser ou faire s'ajuster le jeu des attelages, en constatant, quand les attelages se compriment ou s'étirent, que l'action des freins à main est suffisante pour empêcher le matériel de bouger; ou
- appliquer un effort de traction suffisant afin de déterminer qu'il y a assez de force dans les freins à main pour empêcher le matériel de bouger après la cessation de l'effort de traction [.…] Note de bas de page 11
Dans cet événement, le ML a estimé que le ML de relève était suffisamment proche de la rame et a déterminé que la règle 112 du REF ne s'appliquait pas. Toutefois, le ML a serré quelques freins à main sur les premiers wagons de la rame avant de dételer le groupe de traction mais n'a pas vérifié leur efficacité et n'était pas tenu de le faire.
Selon le tableau intitulé « Nombre de freins à main à serrer pour immobiliser un matériel roulant ou des mouvements laissés sans surveillance » de la règle 112 du REF (annexe A), un train de 20 000 tonnes laissé sur une pente de 0,4 % requiert un minimum de 12 freins à main pour être sécurisé.
1.10.2 Instructions générales d'exploitation du Chemin de fer QNS&L
En plus des règles contenues dans le REF, les compagnies ferroviaires ont élaboré leurs propres instructions relatives à l'exploitation de trains sur leur réseau.
La section 8, article 8.6.2 des IGE du QNS&L, en vigueur au moment de l'incident, précise ce qui suit :
AVANT DE DÉBRANCHER LA CONDUITE GÉNÉRALE
Il faut effectuer un serrage à fond des freins au moyen du robinet de mécanicien et, lorsque l'échappement d'air a cessé, fermer les robinets d'arrêt des deux véhicules en cause et débrancher les boyaux d'accouplement.
Il ne faut pas fermer les robinets d'arrêt tant que le serrage à fond n'a pas été complètement effectué et que le mécanicien de locomotive ait confirmé par radio ou par sifflet de locomotive, signal 14(a) du REF, que les pressions dans la conduite générale soit [sic] égales.
Il faut ensuite ouvrir lentement et complètement le robinet d'arrêt du matériel roulant laissé sur place pour éviter un serrage d'urgence des freins et laisser ce robinet complètement ouvert à l'atmosphère.
IL EST STRICTEMENT DÉFENDU D'EMBOUTEILLER L'AIR DANS LA CONDUITE GÉNÉRALE D'UN MATÉRIEL ROULANT LAISSÉ SUR PLACE PEU IMPORTE LA PÉRIODE DE TEMPS.
Exception : à moins qu'un membre de l'équipe soit en position près du robinet d'arrêt de ce matériel roulant afin de pouvoir le placer en serrage d'urgence dans l'éventualité où celui-ci bougerait [.…] Note de bas de page 12
Les IGE du QNS&L précisent que, lorsque les locomotives sont dételées du train, il faut éviter un serrage d'urgence des freins Note de bas de page 13. Cette pratique diminue le temps requis pour réalimenter en air la conduite générale et évite des problèmes par temps froid.
À la suite de l'incident, l'exception permettant d'embouteiller l'air dans la conduite générale a été retirée.
Malgré les IGE du QNS&L, le ML avait l'habitude de serrer les freins d'urgence plutôt que les freins de service pour sécuriser l'équipement.
1.11 Formation et supervision
Les compagnies ferroviaires élaborent et administrent leurs propres programmes de formation et de certification en fonction de leurs besoins. En général, la formation initiale et les programmes de certification comprennent une revue des règles pertinentes du REF et des questions sur cette dernière.
Parmi les conditions d'avoir une exploitation par un seul employé, QNS&L s'était engagé à un programme de supervision de ses ML qui allait au-delà des exigences de TC. Dans le cadre de ce programme, tous les 2 mois, un superviseur examinait le CEL d'un quart de travail de chaque ML et, tous les 8 mois, un superviseur accompagnait chaque ML lors d'un de ses quarts de travail.
Lors de sa carrière comme ML, le ML n'avait été en cause dans aucun accident. Les dernières vérifications faites par QNS&L à l'égard du ML n'avaient soulevé aucune non-conformité à la réglementation.
Dans les semaines précédant l'incident, un superviseur de première ligne avait observé le ML dans le cadre de ses fonctions. Lors des manœuvres effectuées par le ML, le superviseur avait constaté qu'il avait laissé les freins d'urgence serrés sur des wagons. Le superviseur a alors communiqué au ML les attentes de la compagnie à cet égard, qui étaient d'éviter le serrage d'urgence des freins et de laisser les wagons avec seulement les freins de service serrés. Lors de cette discussion, les IGE n'ont pas été consultées, la procédure telle que décrite dans les IGE n'a pas été examinée et les conséquences du non-respect de cette procédure n'ont pas été abordées.
1.12 Manœuvres effectuées à Mai
Après avoir dételé le groupe de traction de la rame de wagons, le ML a fait avancer les locomotives au sud du signal 1283. Pendant que le ML attendait que ce signal change et lui permette de reculer vers la voie d'évitement ouest, le signal a affiché une indication de marche à vue et, quelques secondes plus tard, une indication d'arrêt. Le ML, ayant vu les changements successifs du signal, a syntonisé sa radio sur le canal correspondant aux communications avec le CCF et a contacté le CCF pour l'en informer. D'après le tableau du CCF, du matériel roulant avait franchi le signal 1286, ce qui avait eu pour effet de bloquer tous les signaux à cet endroit à une indication d'arrêt. Malgré les indications du tableau du CCF, le ML a confirmé au CCF que la rame était immobilisée sur la voie principale, au nord du signal 1286. Par conséquent, le CCF a émis au ML une autorisation pour franchir le signal 1283 et reculer vers la voie d'évitement ouest. Après avoir pris par écrit cette autorisation, le ML a syntonisé sa radio sur le canal correspondant aux communications avec les trains. C'est à ce moment que le ML de relève l'a informé que la rame était partie à la dérive et avait franchi le signal 1286 avant d'être immobilisée.
Après que le ML a pris connaissance du mouvement non contrôlé, les 2 ML ont discuté de l'événement avant d'atteler les 2 locomotives à la locomotive QNSL 322. Une fois les locomotives attelées, il ne restait qu'à retourner sur la voie principale pour s'atteler à la rame. En quittant la voie d'évitement ouest, le ML a franchi le signal 1284B qui affichait une indication d'arrêt. Une fois sur la voie principale, au sud du signal 1283, le ML a communiqué avec le CCF pour obtenir une autorisation pour franchir ce signal et s'atteler à la rame.
1.13 Manœuvres en cours de route au Chemin de fer QNS&L
Les CEL de 19 trains du QNS&L qui ont effectué des manœuvres en cours de route ont été examinés par le BST. Parmi les 19 trains, 8 ont été dételés en laissant les freins d'urgence serrés (robinet d'arrêt ouvert) alors que 11 ont été dételés en laissant la conduite générale se vider à un taux de freinage de service (robinet d'arrêt ouvert). Des 19 CEL examinés, 1 train avait été exploité par le ML en cause. Dans ce cas, lorsque le ML a dételé le groupe de traction, il avait laissé les freins d'urgence se serrer.
2.0 Analyse
Le système de freinage pneumatique du train était en bon état. Avant son départ de Labrador City, en cours de route et lors de son arrivée à Sept-Îles, le train avait été inspecté et aucune défectuosité liée au système de freinage n'avait été décelée. Les 2 mécaniciens de locomotive (ML) satisfaisaient aux normes en matière de repos et de condition physique et répondaient aux exigences de leurs postes respectifs. Par conséquent, l'analyse portera sur la façon dont les wagons ont été laissés sur la voie principale à Mai, la formation, la supervision et les manœuvres qui ont été effectuées à Mai.
2.1 L'incident
Après que le ML a arrêté le train à Mai, il a serré à fond le frein automatique. Immédiatement après, il a quitté la cabine, a fermé les robinets d'arrêt entre les locomotives et le premier wagon de la rame et a serré quelques freins à main. Quand les robinets d'arrêt ont été fermés, l'évacuation d'air de la conduite générale n'était pas terminée, ce qui a embouteillé l'air dans la conduite générale. Avec les robinets d'arrêt fermés, les freins pneumatiques du train se sont mis à se relâcher de façon intempestive. Après que les locomotives ont été dételées, le ML est retourné au premier wagon de la rame pour ouvrir le robinet d'arrêt. Cependant, le robinet d'arrêt n'a été que partiellement ouvert. Par conséquent, le débit d'air dans la conduite générale n'était pas à un taux suffisant pour faire serrer les freins pneumatiques ou pour que la baisse de pression dans la conduite générale soit consignée, et il n'y avait pas un nombre suffisant de freins à main serrés pour assurer l'immobilisation de la rame de wagons. L'air a été embouteillé dans la conduite générale, entraînant un relâchement intempestif des freins pneumatiques et laissant la rame rouler de façon non contrôlée et franchir le signal 1286.
2.2 Formation et supervision
Lorsque le ML effectuait des manœuvres en cours de route, il avait l'habitude de laisser les freins d'urgence serrés sur les wagons dételés. Cette pratique était courante parmi plusieurs ML du Chemin de fer QNS&L (QNS&L) même si elle était contraire à la procédure décrite dans les Instructions générales d'exploitation (IGE) du QNS&L. La dernière fois que le ML avait fait des manœuvres, il avait été observé par un superviseur et cette non-conformité avait été identifiée. Bien que le superviseur avait communiqué au ML les attentes de la compagnie à l'effet de ne pas laisser les freins d'urgence se serrer, il ne s'était pas assuré que le ML maîtrisait bien cette procédure. Le ML n'était pas habitué d'appliquer la procédure visant à laisser des wagons avec seulement leurs freins de service serrés.
Lors des observations ou contrôles périodiques de performance, lorsqu'une déviation à une procédure d'exploitation établie est identifiée, il est nécessaire de s'assurer que les mesures correctives appropriées, incluant le cas échéant la formation des employés, soient mises en œuvre. Si les compagnies ferroviaires ne s'assurent pas que le personnel maîtrise bien les procédures d'exploitation qu'il est tenu de suivre, il est possible que certaines procédures soient mal comprises ou appliquées, ce qui peut augmenter le risque d'accident.
2.3 Immobilisation du matériel roulant
Dans l'événement à l'étude, étant donné la présence du ML de relève au sol à proximité des wagons, le ML a déterminé que la règle 112 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) ne s'appliquait pas. Le ML a tout de même serré quelques freins à main sur les premiers wagons de la rame.
La règle 112 du REF inclut un tableau stipulant le nombre de freins à main à serrer pour immobiliser du matériel roulant en fonction de son tonnage et de la déclivité de la voie. Ainsi, l'immobilisation d'une rame de 20 000 tonnes laissée sur une pente de 0,4 % requiert un minimum de 12 freins à main.
Quand les freins pneumatiques des wagons se sont relâchés, les freins à main serrés n'ont pas tenu les wagons immobilisés.
2.4 Manœuvres à Mai
Après que la rame laissée sur la voie principale a franchi le signal 1286 en roulant de façon non contrôlée, tous les signaux à cet endroit se sont bloqués à une indication d'arrêt. Par conséquent, la série de manœuvres à Mai nécessitait que le ML prenne par écrit plusieurs autorisations du contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF). Le ML avait pris par écrit une autorisation pour franchir le signal 1283 et reculer sur la voie d'évitement. Cependant, lorsqu'il a quitté cette voie, il n'avait pas demandé au CCF l'autorisation lui permettant de franchir le signal 1284B. Le ML était vraisemblablement préoccupé par le mouvement non contrôlé de la rame et les tâches à accomplir pour effectuer les manœuvres. De ce fait, en manœuvrant le groupe de traction pour sortir de la voie d'évitement, le ML n'a pas demandé au CCF l'autorisation de franchir le signal 1284B, qui indiquait arrêt.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'air a été embouteillé dans la conduite générale, entraînant un relâchement intempestif des freins pneumatiques et laissant la rame rouler de façon non contrôlée et franchir le signal 1286.
- Le mécanicien de locomotive n'était pas habitué d'appliquer la procédure visant à laisser des wagons avec seulement leurs freins de service serrés.
- Quand les freins pneumatiques des wagons se sont relâchés, les freins à main serrés n'ont pas tenu les wagons immobilisés.
3.2 Faits établis quant aux risques
- Si les compagnies ferroviaires ne s'assurent pas que le personnel maîtrise bien les procédures d'exploitation qu'il est tenu de suivre, il est possible que certaines procédures soient mal comprises ou appliquées, ce qui peut augmenter le risque d'accident.
3.3 Autres faits établis
- En manœuvrant le groupe de traction pour sortir de la voie d'évitement, le mécanicien de locomotive n'a pas demandé au contrôleur de la circulation ferroviaire l'autorisation de franchir le signal 1284B, qui indiquait arrêt.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Transports Canada
Après l'événement, Transports Canada a pris les mesures suivantes :
- Un avis a été émis le 7 septembre 2017 au Chemin de fer QNS&L (QNS&L). Selon cet avis :
- Les équipes de train ne disposent pas d'outils ou de procédures claires pour évaluer correctement le gradient moyen lorsqu'ils doivent sécuriser le matériel roulant.
- L‘exception prévue dans les Instructions générales d'exploitation (IGE) du Chemin de fer QNS&L qui permet à l'air d‘être embouteillé dans la conduite générale a créé de la confusion chez les employés afin de déterminer si le matériel roulant est sous surveillance ou sans surveillance.
- Une sanction administrative pécuniaire a été imposée au QNS&L le 9 janvier 2018 pour avoir contrevenu à la règle 112 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et à l'article 17.2 de la Loi sur la sécurité ferroviaire en ayant laissé du matériel roulant sans surveillance sur la voie principale sans avoir serré suffisamment de freins à main et sans avoir effectué un test d'efficacité.
4.1.2 Chemin de fer QNS&L
Après l'événement, le QNS&L a pris les mesures suivantes :
- La circulaire 17-546 a été émise le 8 septembre 2017 modifiant l'article 8.6.2 de la section 8 des IGE du QNS&L pour en supprimer l'exception permettant d'embouteiller l'air dans la conduite générale (annexe B).
- Le bulletin d'exploitation 17-016 a été émis le 15 septembre 2017 pour préciser que, dans l'application de la règle 112 du REF, la déclivité maximale selon le profil de la voie occupée par un train sera utilisée pour déterminer le nombre de freins à main à serrer selon le tableau de la règle (annexe C).
- Une formation axée sur ces changements a été élaborée et donnée à tous les mécaniciens de locomotive du QNS&L.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Tableau (k) de la règle 112 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
Annexe B – Circulaire 17-546 émise par le Chemin de fer QNS&L à la suite de l'incident
CIRCULAIRE NO. 17-546
2017 09 08
INSTRUCTIONS GÉNÉRALES D'EXPLOITATION SECTION 8, ARTICLE 8.6.2
Le quatrième paragraphe de l'article 8.6.2, qui débute par «Exception», à la page 8-9 de la section 8 des IGE est annulé.
Il est strictement défendu d'embouteiller l'air dans la conduite générale d'un matériel roulant laissé sur place, peu importe la période de temps. Il n'y a aucune exception à cette instruction.
FIN DE LA CIRCULAIRE NO. 17-546, DATÉE DU 2017-09-08
Annexe C – Bulletin d'exploitation 17-016 émis par le Chemin de fer QNS&L à la suite de l'incident
BULLETIN D'EXPLOITATION NO. 17-016
2017 09 15
INSTRUCTION SPÉCIALE NO. 2 À LA RÈGLE 112 K) DU REFC
Dans l'application de la règle 112 a) ou b) du REFC, Matériel roulant laissé sans surveillance, le profil de la voie sera utilisé pour déterminer la déclivité maximale de l'endroit que le matériel roulant occupera lorsqu'il sera laissé sans surveillance.
Ce document est disponible au bureau des superviseurs T&T [Transport et Trafic] à Sept-Îles et à la gare de Carol Lake. Chaque mécanicien de locomotive doit s'en procurer un exemplaire.
La déclivité maximale sera utilisée pour déterminer le nombre de freins à main à appliquer, selon le tableau à la règle 112 k) du REFC, à cet endroit.
A [sic] titre d'exemple, 164 wagons de minerai chargés (20,500T) doivent être laissés sans surveillance au nord du signal 1286 subdivision Wacouna. La longueur de la rame est de 1.1 milles. Selon le profil, la déclivité maximale entre le mille 128.6 et le mille 129.7 est de 0.59. Avec une déclivité de 0.6 et un tonnage entre 20,000 et 22,000T, le tableau indique qu'un minimum de 22 freins à main doit être appliqué.
Après avoir appliqué les freins à main, leur efficacité doit être vérifiée selon les dispositions de la règle 112 e) du REFC et de l'instruction spéciale Division de Moisie à cette règle.
Nota : Si le profil n'est pas disponible, la déclivité maximale peut être obtenue de l'autorité compétente, en lui indiquant la longueur et l'endroit ou [sic] le matériel roulant sera laissé sans surveillance. Il incombe au mécanicien de locomotive de déterminer le nombre minimum de freins à main a [sic] appliquer selon la règle 112 k) du REFC.
Il est défendu d'embouteiller l'air dans la conduite générale d'un matériel roulant laissé sur place, peu importe la période de temps ou l'endroit.
Fin du bulletin d'exploitation no. 17-016, datee [sic] du 2017-09-15