Employé blessé
Chemin de fer Canadien Pacifique
Train de marchandises 141-30
Point milliaire 113,0, subdivision de Galt
London (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
L'événement
À 5 h 30Note de bas de page 1 le 31 juillet 2017, l'équipe du train de marchandises ordinaire 141-30 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) venait de laisser 35 wagons au triage Quebec Street du CP à London (Ontario) (figure 1). Les membres de l'équipe (un chef de train et un mécanicien de locomotive [ML]) étaient aptes au travail et qualifiés pour leurs postes respectifs, et ils connaissaient bien la subdivision.
Au moment de l'événement, le ciel était sombre et il n'y avait aucune source additionnelle d'éclairage le long de l'emprise ferroviaire.
Après que les wagons avaient été stationnés, le mouvement était composé de 5 locomotives et 33 wagons chargés. Il pesait environ 3400 tonnes et mesurait 3378 pieds de long. Les 33 wagons chargés étaient des wagons porte-automobiles à trois étages munis d'appareils amortisseurs en bout de wagonNote de bas de page 2.
Après avoir reçu un signal permissif, l'équipe a tiré le mouvement en direction ouest jusque sur la voie principale, puis a fait marche arrière en direction est pour retourner s'atteler à la partie du train qui était demeurée sur la voie. Le mouvement gravissait une pente de 1,6 % à environ 9 mi/h, avec le manipulateur au cran 1 et les freins desserrés.
Le chef de train se trouvait, comme il se doit, du côté nord du wagon de tête et se tenait sur l'échelle (figure 2). Le chef de train donnait des instructions par radio au ML, qui se trouvait dans la locomotive de commande à une distance d'environ 3300 pieds. Comme mesure de sécurité additionnelle, le chef de train a informé le ML lorsque le wagon de tête a atteint un endroit prédéterminé à « 1 mille » de l'endroit où l'attelage devait se faire, pour que le ML puisse régler le compteur de distance de la locomotive.
Au cours des 5 prochaines minutes, le chef de train a suivi le protocole normal pour signaler la distance qui restait à parcourir avant l'attelage. Environ 25 secondes après que le chef de train a indiqué par radio qu'il restait « 30 wagons », le ML a informé le chef de train que le compteur de distance indiquait qu'il restait 1000 pieds à parcourir. Presque immédiatement, le chef de train a dit au ML d'arrêter le mouvement. À l'insu du ML, la tête du mouvement longeait d'épaisses broussailles le long de l'emprise ferroviaire (figure 3). Les épaisses broussailles fouettaient le côté du wagon de sorte que le chef de train avait de la difficulté à s'agripper au wagon.
Ayant compris qu'il devait donner suite à la demande sans tarder, le ML a fermé le manipulateur et a essayé d'effectuer un freinage d'urgence. Toutefois, la poignée du frein de train était coincée par le cordon de la radio; le combiné radio avait été placé à proximité par souci de commodité. La poignée du frein de train s'est arrêtée à la position de retrait (soit la position juste avant celle du freinage d'urgence).
Dans cette position, les freins du train ont continué de se serrer à un taux de serrage normal plus graduel, mais pas à un taux de serrage d'urgence. Les freins à air directs des 5 locomotives ont pu se serrer complètementNote de bas de page 3. Pendant le serrage des freins, le chef de train a lancé un deuxième appel, plus urgent, pour demander d'arrêter le mouvement.
Le mouvement s'est arrêté rapidement, ce qui a entraîné une compression rapide du jeu des attelages qui s'est propagée jusqu'à l'endroit où se trouvait le chef de train sur le wagon de tête. Lorsque la compression a atteint le wagon de tête, le chef de train, qui subissait encore l'effet des épaisses broussailles, a été projeté de côté, a perdu pied et a perdu sa prise sur l'échelle. Le chef de train est tombé du wagon de tête du côté extérieur de la voie et a subi une blessure à la jambe gauche. Le chef de train a ensuite lancé un appel radio demandant de l'aide et indiquant qu'il s'était fracturé la jambe. Le contrôleur de la circulation ferroviaire situé à Calgary (Alberta) a entendu le message radio et a immédiatement coordonné l'intervention d'urgence. Les services médicaux d'urgence de London-Middlesex ont transporté le chef de train jusqu'à l'hôpital.
Maîtrise de la végétation au Chemin de fer Canadien Pacifique
Le CP possède un programme régional de débroussaillage et d'élimination de la végétation qui planifie les activités en fonction des caractéristiques de croissance régionales. Les régions où les précipitations sont abondantes et où la saison de végétation est longue, comme le sud-ouest de l'Ontario, sont traitées à tour de rôle tous les 2 ou 3 ans. L'horaire du programme régional tient également compte des renseignements fournis par le personnel local de contrôle de la voie et par d'autres parties, telles que les équipes de train.
Lors des réunions du comité de santé et de sécurité local, des questions concernant la maîtrise de la végétation font souvent l'objet de discussions, ce qui donne lieu à des mesures correctives. Par exemple, au cours de la réunion de juin 2017, on a signalé le fait que des broussailles dans les environs de la rue Wentworth Sud (à Hamilton [Ontario]) pouvaient présenter un danger : en raison des broussailles, les membres des équipes de train éprouvaient de la difficulté à observer un signal et à se tenir sur le côté du matériel roulant en déplacement.
Depuis mars 2017, au moins 6 discussions avaient porté sur l'herbe, les mauvaises herbes, les broussailles et les arbres qui constituaient des obstructions dans la région, dont 1 discussion au sujet de végétation qui empiétait sur l'emprise ferroviaire et qui pouvait nuire aux employés qui se tenaient sur le côté d'un wagon. L'endroit où s'est produit l'accident n'a pas été mentionné comme tel lors des réunions du comité de santé et de sécurité. Toutefois, les photos de Google Street View prises entre septembre 2015 (figure 4) et juillet 2016 indiquent qu'il y avait déjà eu une végétation abondante dans les environs du lieu de l'événement.
Dans les environs du lieu de l'accident, les travaux de débroussaillage devaient débuter le 13 juin 2017. Toutefois, le personnel de l'ingénierie local effectuait des travaux d'entretien de la voie à ce moment-là et ne pouvait pas assurer la protection de l'entrepreneur chargé du débroussaillage. Les travaux ont donc été reportés et l'entrepreneur réaffecté. Au moment de l'événement à l'étude, le nouveau calendrier des activités de débroussaillage à cet endroit n'avait pas encore été fixé.
Pendant l'examen des lieux après l'événement, on a constaté la présence d'épaisses broussailles sans éclaircie sur une distance de plus de 370 pieds le long du côté nord de l'emprise ferroviaire, empiétant jusqu'à environ 2 pieds du rail nord. Lorsqu'un membre d'équipe se tient sur le côté d'un wagon type, il dépasse de plusieurs pieds le côté extérieur du rail.
Réaction du mécanicien de locomotive face à la situation d'urgence
En réponse au message radio inattendu du chef de train lui donnant instruction d'arrêter, le ML a compris qu'il y avait une urgence, mais il en ignorait la nature. Le ML a dû poser rapidement une série de gestes sous pression, y compris déclencher un freinage d'urgence. Toutefois, les freins du train ont été placés par inadvertance à la position juste avant celle du freinage d'urgence (la position de retrait). De plus, le frein à air direct a été serré, mais sans être affranchi pour limiter l'accumulation de forces en-train. Par conséquent, les locomotives du mouvement se sont arrêtées plus rapidement, mais l'arrêt rapide sur la pente ascendante a entraîné une compression plus importante du jeu des attelages des wagons munis d'appareils amortisseurs en bout de wagon.
Le CP s'attend à ce que ses équipes d'exploitation conduisent les trains comme il se doit lorsqu'ils sont aux commandes, et qu'elles se conforment aux Instructions générales d'exploitation (IGE) en tout temps, même en situations d'urgence. La section 1, paragraphe 37.2, des IGE précise ce qui suit :
N'effectuer un FREINAGE D'URGENCE qu'en cas de nécessité, par exemple dans les situations exigeant de s'arrêter sur la distance la plus courte possible […] pour éviter un contact imminent avec une personne ou un objet qui risquerait de blesser […] des employés […]Note de bas de page 4.
Le paragraphe 37.4 précise ce qui suit :
En cas de FREINAGE COMPENSATEUR ou D'URGENCE en marche, le mécanicien doit, jusqu'à l'arrêt du mouvement, moduler la pression dans les cylindres de frein de la locomotive afin de s'arrêter sur la plus courte distance possible permise par la situation. Prudence et discernement s'imposent pour éviter le glissement des roues et les forces en-train excessivesNote de bas de page 5.
Événement précédent mettant en cause des protocoles de maîtrise de la végétation
En 2012, le BST a mené une enquête sur un accident à un passage à niveau survenu à Broadview (Saskatchewan) (rapport d'enquête ferroviaire R12W0182 du BST). L'enquête a permis de constater que, malgré le protocole de maîtrise de la végétation bien établi du CP, les activités de débroussaillage dans les environs du passage à niveau n'avaient pas été complétées avant que les broussailles ne constituent une obstruction. Il a été déterminé que l'obstruction avait été un des facteurs ayant contribué à l'accident de Broadview.
Message de sécurité et mesures prises
À la suite de l'événement à London, le CP a immédiatement diffusé un bulletin à l'échelle du réseau pour mettre les équipes d'exploitation en garde contre l'obstruction causée par la végétation. Les broussailles ont ensuite été éliminées dans les environs de l'accident.
Le CP a continué de se pencher sur de nouvelles technologies en vue d'améliorer l'efficacité de son programme de maîtrise de la végétation, notamment le « SkyTrim ». Le « SkyTrim » est un camion muni d'un bras télescopique au bout duquel se trouve une scie pour couper complètement les branches qui pourraient compromettre les lignes de visibilité des signaux ou entrer en contact avec des trains sur leur passage.
Le 7 septembre 2017, le BST a émis un avis de sécurité ferroviaire (no 11/17) à l'intention de Transports Canada, indiquant que Transports Canada pourrait vouloir examiner les pratiques de débroussaillage du CP afin de s'assurer que la végétation en bordure de l'emprise ferroviaire n'empiète pas sur la voie et ne devient pas un danger pour la sécurité.
Lorsque les programmes de maîtrise de la végétation ne sont pas complétés en temps opportun, les obstructions causées par la végétation le long de l'emprise ferroviaire pourraient ne pas être réglées avant qu'elles ne compromettent la sécurité des activités ferroviaires.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .
Note en bas de page
- Note de bas de page 1
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Les heures sont exprimées en heure avancée de l'Est.
- Note de bas de page 2
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Les appareils amortisseurs en bout de wagon assurent un amortissement additionnel du déplacement longitudinal entre les attelages afin de réduire au minimum l'effet des forces en-train au cours d'opérations ferroviaires normales.
- Note de bas de page 3
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En cas de freinage d'urgence, les Instructions générales d'exploitation du Chemin de fer Canadien Pacifique exigent que le mécanicien de locomotive module la pression dans les cylindres de frein de manière à arrêter le train sur la plus courte distance possible en fonction de la situation. Prudence et discernement s'imposent pour éviter le glissement des roues de la locomotive et les forces en-train excessives.
- Note de bas de page 4
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Chemin de fer Canadien Pacifique, Instructions générales d'exploitation (IGE), entrées en vigueur le 14 octobre 2015, section 1, paragraphe 37.2.
- Note de bas de page 5
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Ibid., paragraphe 37.4.