Déraillement de train en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises U73451-11
Point milliaire 197,47, subdivision de Rivers
Saint-Lazare (Manitoba)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 16 février 2019, à environ 2 h 17, heure normale du Centre, le train-bloc U73451-11 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), composé de 108 wagons-citernes chargés de pétrole brut (ONU 1267, classe 3, groupe d’emballage I) et 2 wagons-trémies couverts chargés de sable, circulait vers l’est à environ 49 mi/h dans la subdivision de Rivers, lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché près de Saint-Lazare (Manitoba). Une inspection subséquente a permis de constater que 37 wagons-citernes de catégorie TC/DOT 117R avaient déraillé près du point milliaire 197,47. Au total, 17 des wagons-citernes déraillés ont subi des brèches, ce qui a causé le déversement d’environ 815 000 litres de produit. Le déraillement a endommagé ou détruit quelque 1000 pieds de voie. Il n’y a eu aucun incendie ni aucun blessé, et aucune évacuation n’a été requise.
À la suite du déraillement, du pétrole brut s’est accumulé près d’un ponceau au nord de la voie ferrée. Au sud de la voie ferrée, les wagons-citernes déraillés se sont immobilisés sur le flanc, en descendant le remblai, et une grande mare de pétrole brut s’est formée du côté sud des wagons. Les mesures mises en place pour protéger les intervenants, le public et l’environnement dans le cadre de l’intervention d’urgence et des mesures d’assainissement du site ont été généralement efficaces.
L’enquête a permis de relever un certain nombre de lacunes liées à la sécurité, décrites ci-après.
L’accident
Le train-bloc U73451-11 (le train) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) était désigné comme un train cléNote de bas de page 1 exploité sur un itinéraire cléNote de bas de page 2.
Dans la vidéo captée par la caméra orientée vers l’avant de la locomotive de tête, juste après le passage de la locomotive près d’un caisson porte-batterie situé au point milliaire 197,48 de la subdivision de Rivers du CN, on peut percevoir une vibration de l’image enregistrée et entendre un bruit fort. Neuf secondes plus tard, un freinage d’urgence s’est déclenché, alors que 37 wagons-citernes de catégorie 117R situés de la 5e à la 41e position derrière les locomotives de tête déraillaient.
La vibration perçue dans la vidéo semblait coïncider avec le passage de la locomotive à l’emplacement de 5 joints consécutifs dans le rail sud sur une distance d’environ 49 pieds, près du point milliaire 197,47. En outre, le plus récent contrôle de la géométrie de la voie à cet endroit avait révélé la présence de conditions de surface consécutives dans le rail sud, la variation la plus importante étant d’environ 1 pouce.
À proximité du point milliaire 197,47, parmi les composants de voie récupérés se trouvaient les 5 joints du rail sud. Les surfaces de rupture de 1 ensemble d’éclisses rompues (joint 1) présentaient des caractéristiques concordant avec une fissuration de fatigue et une rupture fragile.
L’enregistrement vidéo, la présence de marques d’impact observées sur les tables de roulement de roue du côté sud sur les wagons 1 à 5 derrière les locomotives de tête, et l’état des éclisses rompues dans le joint 1 indiquent que l’accident s’est produit lorsque le joint 1 du rail sud s’est rompu sous le train-bloc de pétrole brut.
Réparations avec éclisses et défaillance subséquente
Les éclisses ordinaires et les éclisses mixtes ne sont pas conçues pour être installées ensemble. À leur base, les éclisses mixtes présentent un désaffleurement de 1/8 pouce qui permet de relier ensemble 2 rails de taille différente (c.-à-d. 136 livres et 132 livres) et de faire en sorte que les champignons de rail soient alignés. Parce que les éclisses mixtes ont un désaffleurement, elles sont fabriquées en version gauche et en version droite de sorte que le désaffleurement concorde lorsqu’elles sont installées du côté extérieur et du côté intérieur d’un rail de façon à former un joint mixte. Un joint formé avec des éclisses dépareillées (c.-à-d. ordinaire et mixte) exige un effort manuel supplémentaire pour aligner les trous et installer les boulons. Un tel joint serait instable, se desserrerait au fil du temps et pourrait rompre de façon prématurée.
Le 31 décembre 2018, un superviseur d’entretien de la voie du CN a effectué une inspection ponctuelle de la voie et a repéré une éclisse intérieure rompue reliant 2 morceaux de rail de 136 livres à proximité du point milliaire 197,47. Le joint en question a été marqué de peinture jaune, de sorte qu’il puisse être repéré par les équipes d’entretien de la voie, et une équipe d’entretien de la voie dans la région a été chargée d’effectuer la réparation.
Les équipes d’entretien de la voie du CN transportent habituellement 4 éclisses ordinaires 132/136 RE et 4 éclisses mixtes 132/136 RE dans leur camion. Visuellement, une éclisse ordinaire 132/136 RE et une éclisse mixte 132/136 RE sont très semblables. Seul un désaffleurement de 1/8 pouce à la base d’une éclisse mixte la distingue d’une éclisse ordinaire. Les Normes de la voie de l’Ingénierie du CN exigent que les équipes d’entretien de la voie peignent les éclisses mixtes en bleu avant de les installer sur la voie.
L’équipe d’entretien de la voie a repéré l’éclisse ordinaire 132/136 RE rompue du côté intérieur du rail sud, l’a retirée et l’a remplacée par ce qui semblait être une éclisse ordinaire 132/136 RE non peinte. L’équipe a toutefois choisi par inadvertance une éclisse mixte 132/136 RE et l’a installée avec l’éclisse ordinaire 132/136 RE qui était déjà installée du côté extérieur du rail. L’installation d’une éclisse mixte avec une éclisse ordinaire a fait en sorte que le joint 1 dans le rail sud était mal aligné et instable.
Sur une période de 6 semaines, le désalignement du joint 1 a provoqué un desserrement du joint, ce qui a mené à l’apparition de fissures de fatigue dans les éclisses. La défaillance des éclisses s’est produite lorsque des ruptures instantanées par contrainte excessive se sont propagées à partir des extrémités de fissures de fatigue jusque dans le reste des sections transversales des éclisses, qui ne pouvaient plus supporter les charges normales de service au passage du train dans la zone.
De plus, le contrôle de l’état géométrique de la voie effectué le 23 novembre 2018 montrait que dans le secteur du lieu du déraillement, le rail sud présentait des conditions de surface d'une longueur pouvant aller jusqu'à 1 pouce, ce qui indiquait une détérioration du soutien offert par l'infrastructure à la hauteur de ce joint. La présence de 5 joints et des rails de raccord qui y sont associés sur une distance relativement courte de 49 pieds a eu une incidence négative sur le module de la voieNote de bas de page 3 dans cette zone et a entraîné une détérioration accélérée du joint 1 lorsque celui-ci était soumis aux charges des trains qui passaient.
Relation entre la vitesse du train, l’entretien de la voie et la gravité du déraillement
Comme on l’a constaté lors d’autres accidents majeurs de trains-blocs transportant du pétrole brut, même si le train du CN chargé de pétrole brut était exploité conformément à l’article 4 du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par TC, la vitesse du train (49 mi/h) a contribué au nombre de wagons déraillés et à la gravité générale du déraillement.
L’étude réalisée par le Conseil national de recherches du Canada concernant les facteurs qui augmentent la gravité des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses a permis de constater qu’il existe un lien complexe entre la vitesse du train, sa longueur, la cause de l’accident et d’autres facteurs qui influe sur la gravité d’un déraillement. Bien qu’il semble y avoir une relation linéaire entre le nombre de wagons déraillés et la vitesse à laquelle survient un accident, la vitesse n’est pas l’unique facteur.
Pour une vitesse donnée, les déraillements provoqués par une rupture de rails, de soudures de rail ou d’éclisses étaient nettement plus fréquents et comptaient un nombre plus élevé de wagons déraillés. À mesure que la vitesse augmentait, les déraillements de ces types provoquaient des accidents plus graves que ceux provoqués par d’autres causes. En particulier, les trains-blocs chargés (y compris les trains-blocs qui ne sont pas des trains clés) comptaient un plus grand nombre de wagons déraillés et représentaient un plus grand pourcentage des accidents de ces types. Tous ces facteurs étaient présents lors de l’accident à l’étude.
Bien qu’il ait été démontré qu’une meilleure conception de la structure des wagons-citernes réduit la probabilité de déversement de marchandises dangereuses et la gravité potentielle d’un accident, le risque qu’un wagon-citerne subisse une perforation ou une brèche et déverse du produit existe dans tout déraillement si la vitesse est suffisamment élevée. En revanche, l’amélioration de la réparation et de l’entretien de la voie sur les itinéraires clés a bien pour effet de diminuer la probabilité de l’ensemble des déraillements, y compris ceux de trains transportant des marchandises dangereuses.
Le Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) approuvé par TC fixe des normes minimales pour l’infrastructure de la voie, et certaines exigences figurant dans les normes d’ingénierie de la voie de la compagnie dépassent celles du RSV. Toutefois, ni le RSV ni les normes de la compagnie ne tiennent compte de la nécessité de renforcer les normes relatives à la voie pour les itinéraires clés malgré la hausse parfois élevée des volumes de marchandises dangereuses transportées, comme dans le cas de cette subdivision. Cela porte à croire que les exigences de la réglementation et de la compagnie concernant l’entretien de la voie pourraient ne pas suffire à prévenir les déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses sur les itinéraires clés.
Pour diminuer la fréquence des accidents de trains clés exploités sur des itinéraires clés et réduire les risques connexes, il est impératif que l’infrastructure de la voie des itinéraires clés soit entretenue adéquatement. Même si la capacité de survie des wagons-citernes transportant des marchandises dangereuses devient importante après un accident, la stratégie la plus efficace est d’éliminer les causes sous-jacentes des accidents pour éviter qu’ils se produisent.
Performance globale des wagons-citernes de catégorie 117R lors du déraillement
Tous les wagons-citernes de l’événement à l’étude étaient des wagons-citernes de catégorie 117R. Il s’agissait de wagons de catégorie 111 fabriqués conformément à la norme CPC-1232 de l’Association of American Railroads (AAR). Les wagons étaient équipés de chemises, de calorifuge et de boucliers protecteurs complets, et on leur avait installé en rattrapage des poignées de robinet de déchargement par le bas modifiées pour qu’ils soient conformes à la norme pour les wagons-citernes de catégorie DOT 117R. Plusieurs de ces caractéristiques semblent avoir influé sur la quantité de pétrole brut déversée lors de ce déraillement.
Lors de déraillements précédents, les poignées de robinet de déchargement par le bas s’étaient souvent déplacées en position ouverte durant le déraillement, entraînant le déversement accidentel de produit. Dans l’accident à l’étude, les robinets ont été endommagés, mais n’ont pas déversé de pétrole brut.
Toutes les brèches de tête étaient associées à une importante déformation de la tête, ce qui porte à croire que les têtes de citerne ont été soumises à d’importantes forces de collision. Malgré les importantes forces de collision, la présence de boucliers protecteurs complets sur l’ensemble des wagons-citernes déraillés a probablement minimisé le nombre de brèches de tête.
Une partie de l’énergie générée lors du déraillement a été absorbée par l’affaissement de la chemise et du calorifuge des wagons-citernes, ce qui a également protégé contre la perforation de la coque et a diminué le risque d’éclatement ou de rupture hydrostatique de la citerne.
En raison du poids du produit, environ 11 % du volume de ces wagons-citernes était de l’espace libre (creux de chargement). Lorsque le creux est plus important, il reste davantage d’espace que peut occuper le produit dans la citerne si celle-ci est déformée lors d’un déraillement. Le creux moyen de 11 % à l’intérieur des wagons-citernes chargés a diminué encore davantage le risque de ruptures sous pression hydraulique des coques de citernes pendant le déraillement, ce qui a minimisé la quantité de produit déversée et le risque d’incendie.
La température ambiante au moment de l’accident était beaucoup plus basse que le point d’éclair du pétrole brut, ce qui a également réduit le risque d’allumage. L’absence d’incendie sur les lieux du déraillement a minimisé la quantité supplémentaire de produit déversée à la suite du déraillement, puisque le pétrole brut qui est resté dans les wagons-citernes n’a pas pris feu et qu’aucun wagon-citerne n’a connu de défaillance structurale causée par l’exposition à un feu en nappe ou en conséquence d’une projection de flammes.
La performance globale des wagons-citernes TC/DOT 117R a été considérée comme étant quelque peu meilleure que celle des wagons-citernes de catégorie 111 de l’ancienne génération et des wagons-citernes de catégorie 111 sans chemise fabriqués selon la norme CPC-1232 qui ont été examinés lors de précédentes enquêtes du BST sur des déraillements de trains-blocs transportant du pétrole brut.
Mesures de sécurité prises
Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 4 mars 2020, à la suite du présent accident et de 2 autres graves déraillements de trains-blocs transportant du pétrole brut exploités par le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée survenus près de Guernsey (Saskatchewan), le BST a émis les avis de sécurité ferroviaire (ASF) 02/20 et 03/20 à Transports Canada (TC).
L’ASF 02/20 suggérait que TC fasse une analyse plus poussée de la vitesse des trains clés, et la modifie au besoin, en tenant compte de divers profils de risques des trains ainsi que d’autres facteurs influant sur la gravité d’un déraillement.
L’ASF 03/20 suggérait que TC envisage une révision du Règlement concernant la sécurité de la voie pour y intégrer des normes de la voie renforcées pour les itinéraires clés.
Transports Canada
Depuis le présent accident, en réponse aux ASF 02/20 et 03/20, TC a émis les arrêtés ministériels MO 20-05, MO 20-06, MO 20-07 et MO 20-10 donnant instruction à l’industrie d’élaborer des modifications au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés et au Règlement concernant la sécurité de la voie. Les règlements modifiés ont par la suite été approuvés par TC. Ils contiennent un certain nombre d’améliorations liées à la sécurité en ce qui concerne l’exploitation de trains clés et l’infrastructure de la voie.
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Depuis le présent accident, le CN exige que la surface exposée de toutes les éclisses mixtes installées sur la voie soit peinte bleu roi par le fournisseur. Cette mesure permettra de différencier plus facilement les éclisses mixtes des éclisses ordinaires.
Entre le 1er mars 2019 et le 31 décembre 2019, sur la subdivision de Rivers, le CN a éliminé un total de 1019 rails de raccord temporaires (2038 joints de rail) et installé 192 867 pieds de longs rails soudés.
1.0 Renseignements de base
Le 14 février 2019, vers 11 h, heure normale des Rocheuses, le train-bloc U73451-11 (le train) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) est parti de Bruderheim (Alberta) [point milliaire 99,2 de la subdivision de Vegreville du CN] à destination de Superior (Wisconsin, États-Unis), via Winnipeg (Manitoba) et Fort Frances (Ontario). Avant le départ, le train a été inspecté par un inspecteur accrédité de matériel remorqué et a fait l’objet d’un essai de frein no 1. Ce train était désigné comme un train cléNote de bas de page 4 exploité sur un itinéraire cléNote de bas de page 5.
Le train était composé de 2 locomotives en tête de train, 1 locomotive en queue de train, 2 wagons-trémies couverts chargés de sable et 108 wagons-citernes chargé de pétrole brut (ONU 1267, classe 3, groupe d’emballage [GE] I). L’un des wagons-trémies couverts se trouvait directement derrière les locomotives en tête de train, alors que l’autre était placé devant la locomotive en queue de train. Le train pesait environ 15 990 tonnes et mesurait approximativement 6725 pieds de long.
Le 15 février 2019, à 22 h 37, heure normale du CentreNote de bas de page 6, le train est arrivé à Melville (Saskatchewan) [point milliaire 270,3 de la subdivision de Rivers] pour effectuer un changement d’équipe. Le mécanicien de locomotive et le chef de train formant l’équipe de train étaient tous deux qualifiés pour leur poste, connaissaient bien le territoire et satisfaisaient aux exigences relatives au repos et à la condition physique. Le train a entamé son voyage en direction est dans la subdivision de Rivers le 16 février 2019, à 0 h 17.
Dans le trajet à partir de Bruderheim, le train a fait l’objet d’une inspection mécanique au défilé à Saskatoon (Saskatchewan), au point milliaire 191,9 de la subdivision de Watrous du CN, et est passé par plusieurs systèmes de détection en voie du CN; aucune anomalie n’a été notée.
1.1 L’accident
Le 16 février 2019, le train roulait vers l’est dans la subdivision de Rivers. La subdivision étant orientée principalement d’est en ouest, les rails sont identifiés ainsi : rail nord et rail sud. Bien que la subdivision soit orientée du nord au sud sur une courte distance dans quelques secteurs, tous les renvois aux directions cardinales sont fondés sur l’orientation est-ouest prédominante de la subdivision.
À 2 h 17 min, alors que le train roulait en direction est à 49 mi/h Note de bas de page 7, un bruit fort s’est fait entendre et un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est ensuite déclenché. Un examen subséquent a permis de déterminer que 37 wagons-citernes de catégorie 117R, occupant les positions 5 à 41 derrière les locomotives de tête, avaient déraillé à proximité du point milliaire 197,47, près de Saint-Lazare (Manitoba) (figure 1).
On a constaté que du pétrole brut s’échappait de plusieurs wagons-citernes et que le produit avait commencé à s’accumuler principalement du côté sud de la voie. Il n’y a pas eu d’incendie, personne n’a été blessé et aucune évacuation n’a été requise. L’équipe de train a séparé le train entre le 4e et le 5e wagon pour dégager le passage à niveau. À la suite de l’accident, le CN a immédiatement mis en œuvre son plan d’intervention d’urgence.
Bien que la température au moment de l’accident était de −27 °C, aucun ordre de marche au ralenti par temps froid n’était en vigueur dans le secteur où s’est produit le déraillement, ni n’était requis.
1.2 Examen des lieux
On a aménagé une berme de sol pour éviter que le produit déversé ne contamine un ancien méandreNote de bas de page 8 à proximité.
La locomotive de tête s’est immobilisée au point milliaire 197,13, immédiatement à l’est du passage à niveau situé au point milliaire 197,18. Les 5e et 6e wagons (VMSX 280746 et VMSX 281616) derrière les locomotives ont été les premiers à dérailler. Les 2 wagons sont restés sur leurs roues et attelés à la tête de train; ils ne présentaient pas de dommages aux citernes ou de fuites visibles.
Bien que l’essieu monté avant no 4 du 5e wagon soit demeuré sur les rails, la table de roulement de roue R4 sur le rail sud portait une marque d’impact telle qu’en produirait un contact avec un rail brisé (figure 2). Les 3 autres essieux montés du wagon VMSX 280746 ont déraillé. Des marques d’impact semblables ont été relevées sur les tables de roulement du côté sud des wagons 1 à 4 derrière les locomotives, mais aucune marque n’a été relevée sur les roues des locomotives.
Toutes les roues du 6e wagon ont déraillé. Le train s’est séparé entre les 6e et 7e wagons, et les 35 autres wagons-citernes ayant déraillé (de la 7e à la 41e position) se sont immobilisés dans diverses positions le long de l’emprise entre les points milliaires 197,39 et 197,49 (figure 3).
À l’extrémité est du lieu du déraillement, les wagons nos 7 à 15 ont dévalé le remblai au sud vers l’ancien méandre gelé. Plus à l’ouest, les wagons nos 16 à 34 se sont immobilisés empilés côte à côte sur la structure de la voie et perpendiculairement à celle-ci. À l’extrémité ouest du lieu, les wagons nos 35 à 38 se sont immobilisés tout juste au sud de la structure de la voie, tandis que les wagons nos 39 à 41 se sont arrêtés sur la structure de la voie ou tout juste au nord de celle-ci (figure 4).
Les wagons-citernes nos 7 à 41 (35 wagons) ont tous subi une certaine forme de dommages attribuables aux chocs durant le déraillement. En raison des dommages à la coque et à la tête des citernes, aux robinets de déchargement par le bas, aux trous d’homme et aux enceintes protectrices, 17 des 35 wagons ont subi une brècheNote de bas de page 9.
Sur les 17 wagons-citernes ayant subi une brèche, 5 ont perdu tout leur chargement, 10 en ont perdu une partie, et 2 n’ont laissé fuir aucune quantité mesurable de produit même s’il a été confirmé qu’ils avaient subi des brèches. Les 17 wagons ont déversé un total d’environ 815 000 litres de pétrole brut, qui s’est retrouvé en contre-bas au sud de la structure de la voie, près de l’ancien méandre gelé.
En approchant le lieu du déraillement par l’ouest, on n’a relevé aucune marque d’impact sur les rails ou la structure de la voie.
Les premiers dommages subis par la voie ont été relevés aux environs du point milliaire 197,47 (figure 5). Un caisson porte-batterie se trouvait à environ 75 pieds à l’est des premiers dommages, du côté sud de la voie. En direction est à partir du point milliaire 197,47, la voie a été endommagée ou détruite sur une distance d’environ 1000 pieds.
À proximité du point milliaire 197,47, on a récupéré des morceaux du rail sud, des éclisses et des attaches. Parmi les morceaux de rail récupérés, il y avait 5 joints de rail, tous situés sur une distance de 49 pieds. Sur 2 des joints de rail, l’éclisse était brisée, alors que les 3 autres joints étaient encore intacts. Les surfaces de rupture sur 1 ensemble d’éclisses rompues provenant des environs du point milliaire 197,47 présentaient des caractéristiques concordant avec une fissuration de fatigue (figure 6). Les éléments de voie récupérés ont été expédiés au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) pour analyse.
1.3 Renseignements consignés
1.3.1 Caméra vidéo orientée vers l’avant de la locomotive
La locomotive de tête du train (CN 2994) était munie d’une caméra vidéo orientée vers l’avant. La vidéo enregistrée montre qu’au moment où le train approchait d’un caisson porte-batterie situé au point milliaire 197,48, la voie était intacte et il y avait très peu de vibrations. Toutefois, juste après le passage de la locomotive près du caisson porte-batterie, un bruit se fait entendre sur l’enregistrement et une vibration est bien visible dans l’image enregistrée. Neuf secondes plus tard, un voyant rouge s’est allumé à l’intérieur de la cabine de locomotive indiquant que le robinet de l’interrupteur pneumatique de traction était activé et que le train se trouvait en freinage d’urgence. Un bruit s’apparentant à la mise à l’atmosphère du système de frein à air s’est également fait entendre au même moment.
1.3.2 Consignateur d’événements de locomotive
Juste avant que le train se trouve en freinage d’urgence, il roulait à 49 mi/h avec les freins desserrés, la pression de la conduite générale à la locomotive était de 88 lb/po2, et la manette des gaz était à la position 8.
À 2 h 17 min 26 s, un freinage d’urgence provenant de la conduite générale du train s’est déclenché au point milliaire 197,38. La pression de la conduite générale a diminué à 67 lb/po2 et la manette des gaz était à la position 7.
À 2 h 17 min 28 s, le train avait ralenti à 45 mi/h, la pression de la conduite générale avait chuté à 0 lb/po2 et la manette des gaz était à la position de ralenti.
À 2 h 18 min 04 s, la tête du train s’est immobilisée aux environs du point milliaire 197,13 après avoir parcouru environ 1320 pieds en freinage d’urgence.
1.4 Marchandises dangereuses
Le transport des marchandises dangereusesNote de bas de page 10 est assujetti à une réglementation fédérale au CanadaNote de bas de page 11 et aux États-UnisNote de bas de page 12. Lors de cet événement, tous les wagons-citernes transportaient du pétrole brut (ONU 1267). Ce produit est désigné comme un liquide inflammable de classe 3, GE (groupe d’emballage) I, groupe comprenant les produits les plus dangereux de cette classe.
1.4.1 Liquides inflammables de classe 3
Les liquides inflammables de classe 3 sont des marchandises dangereuses dont les vapeurs peuvent former avec l’air un mélange inflammable à une température égale ou inférieure à 60 °C. Ces liquides inflammables peuvent poser de graves dangers en raison de leur volatilité et de leur inflammabilité, déterminées respectivement par le point initial d’ébullitionNote de bas de page 13 et le point d’éclairNote de bas de page 14.
La volatilité et l’inflammabilité des produits de cette classe étant des caractéristiques qui varient beaucoup, les produits sont regroupés en fonction de ces caractéristiques pour qu’il soit possible d’établir différentes exigences relativement à leur emballage, à leur stockage, à leur manutention et à leur transport. Selon le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses, les liquides inflammables de classe 3 sont répartis en 3 groupes d’emballage, soit du GE I (danger le plus élevé) au GE III (danger le plus faible). Les critères ci-dessous s’appliquent à ces groupes d’emballage :
- GE I : liquides inflammables dont le point initial d’ébullition est inférieur ou égal à 35 °C à une pression absolue de 101,3 kPa, quel que soit leur point d’éclair.
- GE II : liquides inflammables dont le point initial d’ébullition est supérieur à 35 °C à une pression absolue de 101,3 kPa et dont le point d’éclair est inférieur à 23 °C.
- GE III : produits qui ne satisfont pas aux critères d’inclusion dans les GE I ou II.
1.4.2 Pétrole brut
Le pétrole brut est un liquide inflammable de classe 3 dont les propres caractéristiques d’inflammabilité et de volatilité varient beaucoup. Ce produit est habituellement qualifié en fonction de sa teneur en soufre (non corrosif [faible teneur] à corrosif, ou acide [forte teneur]) et de sa densité (léger à lourd). La densité du pétrole brut est exprimée en degrés selon les normes de l’American Petroleum InstituteNote de bas de page 15; un nombre plus élevé indique une densité plus faible. Les seuils de densité du pétrole brut léger, moyen ou lourd varient selon la région d’origine du produit et l’organisme qui procède à la déterminationNote de bas de page 16.
La viscosité (ou l’« épaisseur ») du pétrole brut peut aussi varier. Les produits dont la viscosité est faible (p. ex. l’eau) s’écoulent librement, et les produits dont la viscosité est élevée (p. ex. la mélasse) sont plus épais et ne s’écoulent pas librement.
1.4.3 Procédures d’intervention d’urgence en présence de pétrole brut
Dans le guide 128 du Guide des mesures d’urgenceNote de bas de page 17, on définit les dangers potentiels liés aux produits de pétrole brut, dont les distillats de pétrole. Ce guide comprend des conseils sur les mesures d’urgence et la sécurité publique.
À la section « Risques potentielsNote de bas de page 18 » du guide, on trouve ce qui suit :
- Ces produits sont moins denses que l’eau, extrêmement inflammables et s’enflammeront facilement sous l’action de la chaleur, d’étincelles ou de flammes.
- Les vapeurs de ces produits sont plus lourdes que l’air. Elles se propageront au ras du sol pour s’accumuler dans les dépressions ou les endroits clos (égouts, sous-sols, citernes). Les vapeurs peuvent former des mélanges explosifs avec l’air, et peuvent se propager vers une source d’allumage et provoquer un retour de flamme au point de fuite.
- Les vapeurs de ces produits posent un risque d’explosion à l’intérieur, à l’extérieur ou dans les égouts, et les contenants peuvent exploser lorsque chauffés.
Aux sections « Mesures d’urgenceNote de bas de page 19 » et « Sécurité publiqueNote de bas de page 20 » du guide, on trouve ce qui suit :
- On peut utiliser de l’eau pulvérisée ou en brouillard ou de la mousse régulière pour combattre les incendies, mais il ne faut pas employer de jet d’eau direct. Comme ces produits ont un point d’éclair très bas, l’eau pulvérisée peut s’avérer inefficace; l’utilisation d’une mousse antivapeur peut être nécessaire pour réduire les émanations.
- Envisager une première évacuation d’une distance d’au moins 300 mètres [1000 pieds] sous le vent et il faut éliminer toutes les sources d’allumage.
- Tout équipement utilisé pour manipuler ce produit doit être mis à la terre.
- Ne pas toucher ou marcher sur le produit déversé.
- Si sans risque, arrêter la fuite.
- Empêcher l’infiltration dans les cours d’eau, les égouts, les sous-sols ou les endroits clos.
- Absorber ou couvrir avec de la terre sèche, du sable ou tout autre produit non combustible et transférer dans des contenants.
- Utiliser des outils antiétincelles propres pour récupérer le matériel absorbé.
1.5 Intervention d’urgence de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le CN possède un plan d’intervention d’urgence détaillé qui établit le cadre et les procédures pour que la compagnie puisse intervenir rapidement et efficacement dans tous les types d’urgence, y compris lorsque des marchandises dangereuses sont présentes. Ce plan constitue également le plan d’intervention d’urgence (PIU 2-0120) déposé auprès de Transports Canada (TC), et est élaboré de manière à satisfaire aux exigences de l’Occupational Safety and Health Administration des États-Unis. Le plan établit le cadre régissant les activités du CN lors d’une intervention d’urgence et vise les objectifs suivants :
- prévenir les blessures et sauver les vies;
- minimiser les dommages à l’environnement;
- minimiser les dommages matériels;
- assurer la continuité des activités.
Après le déraillement, le CN a tout de suite mis en œuvre son plan d’intervention d’urgence et a établi un système de commandement unifié et un centre de commandement des interventions. Le but de l’intervention d’urgence immédiate était de contenir le produit déversé qui était visible sur la glace et la neige à proximité du lieu du déraillement. De nombreux entrepreneurs et consultants en interventions ont été mobilisés et se sont rendus sur les lieux pour appuyer l’intervention d’urgence.
La police du CN et du personnel de sécurité ont géré l’accès au lieu du déraillement en établissant des postes de contrôle à différents endroits sur le périmètre du site.
1.5.1 Intervention d’urgence et mesures d’assainissement du site
Des services de surveillance de la qualité de l’air et de soutien à l’hygiène industrielle ont été mis en place sur les lieux, dans les zones où le produit a été déversé, et durant la mise à l’écart et l’examen des wagons déraillés. Ces services visaient à assurer la santé et la sécurité du personnel travaillant sur les lieux.
Une certaine quantité de pétrole brut s’était déversée sur le côté nord du remblai de la voie ferrée et s’était accumulée dans un fossé adjacent et près d’un ponceau, lequel a été temporairement bloqué par une berme de sol pour contenir le produit. La consistance du produit était surtout épaisse et visqueuse.
Du côté sud de la voie ferrée, là où des wagons gisaient sur le flanc en descendant un remblai, il y avait 4 ou 5 coulées de produit descendant le remblai à partir des wagons. Une grande mare de pétrole brut s’était formée au sud des wagons, sur le remblai. Le déversement initial faisait environ 10 à 15 m de largeur et 70 m de longueur, et s’étendait jusqu’à l’ancien méandre. Dans certaines zones, le produit avait fait fondre la neige et était devenu plus visqueux en refroidissant. D’autres zones adjacentes ont été utilisées pour différentes mesures d’intervention, notamment la mise à l’écart et la décontamination du matériel roulant et l’aménagement de routes d’accès (figure 7).
L’intervention d’urgence sur les lieux s’est déroulée selon les étapes suivantes :
- Une grande berme de retenue a été érigée en travers de l’ancien méandre.
- Des échantillons de sol ont été prélevés à l’extérieur de la zone immédiate du déraillement pour déterminer les concentrations de fond des constituants du produit, comme le benzène, le toluène, l’éthylbenzène et les xylènes.
- Un programme de récupération du produit à 3 niveaux a été instauré :
- le transbordement du produit qui était resté dans les wagons déraillées;
- la récupération du produit accumulé à la surface du sol;
- l’incorporation de produits stabilisateurs (copeaux de bois, sable) au produit accumulé au sol pour faciliter la récupération au moyen de l’excavation.
- Le produit récupéré, les sols contaminés et les débris retirés des lieux ont été envoyés dans des installations approuvées pour y être éliminés.
- Des postes d’échantillonnage des eaux de surface ont été établis le long de l’ancien méandre : 6 du côté sud de la berme sud et 2 du côté est de la berme est. Les échantillons quotidiens ont été testés pour détecter la présence de contaminants précis. Comme il n’y avait pas de différence notable entre les résultats de plusieurs jours successifs, la fréquence a été réduite à une fois par semaine, et les résultats étaient semblables.
- Les wagons déraillés ont été déchargés, mis à l’écart et examinés. Sept wagons-citernes ont été sélectionnés pour un examen plus détaillé par le BST et ont été transportés au triage Transcona du CN, à Winnipeg, aux fins d’inspection. Les autres wagons ont été examinés dans la zone de mise à l’écart sur les lieux pour ensuite être transportés en vue de leur élimination.
- Après la mise en œuvre des mesures d’assainissement du site, un premier nivellement du sol a été effectué et la couche de surface a été replacée. La revégétalisation du site a été réalisée lorsque les températures saisonnières l’ont permis.
- La surveillance des eaux de surface s’est poursuivie jusqu’à la fin des travaux d’assainissement des lieux, en fonction des résultats d’analyse des échantillons d’eau.
En juin 2020 :
- La qualité des eaux de surface n’avait pas été affectée par le déraillement.
- Il n’y avait pas eu d’écoulement dans la rivière Assiniboine.
- Aux postes d’analyse du sol et des sédiments où de nouveaux prélèvements ont été effectués, les contaminants s’étaient dissipés naturellement sous l’effet des conditions météorologiques et de la biodégradation.
- Les données d’analyse ont révélé que les contaminants n’étaient plus détectés dans l’environnement à la plupart des points d’échantillonnage.
En mai 2021 :
- La surveillance et l’échantillonnage des eaux souterraines et des sédiments se sont échelonnés de juillet à octobre 2020.
- Les activités de surveillance et de restauration prévues pour 2021 ont été suspendues en raison des restrictions en vigueur dans le contexte de la pandémie de COVID-19.
1.6 Renseignements sur la subdivision de Rivers
La subdivision de Rivers s’étend du point milliaire 0,0 à Winnipeg vers l’ouest jusqu’au point milliaire 280,30 à Melville (Saskatchewan). Elle fait partie de l’un des principaux corridors de transport du CN, et elle comprend des tronçons de voie double et des tronçons de voie simple à divers endroits. Les mouvements de train dans cette subdivision sont régis par le système de commande centralisée de la circulation, conformément au Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire en poste à Edmonton (Alberta).
Les lignes ferroviaires sont classées en fonction de l’état ou du niveau d’entretien de la voie. Le Règlement concernant la sécurité de la voieapprouvé par TC, aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie(RSV), décrit les catégories de voie et les vitesses maximales des trains autorisées dans chacune des catégories. Aux environs du lieu du déraillement, la voie appartient à la catégorie 4 et la vitesse maximale autorisée est de 60 mi/h pour les trains de marchandises et de 80 mi/h pour les trains de voyageurs. Le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par TC, aussi appelé Règlement sur les trains clés (RTC), limite par ailleurs la vitesse des trains clés à 50 mi/h en voie principale.
Au moment de l’événement, en moyenne 35 trains de marchandises et 1 train de voyageurs parcouraient chaque jour la subdivision de Rivers. Cette subdivision est l’une des plus achalandées du réseau du CN, et étant donné le nombre de wagons complets de marchandises dangereuses transportés par année, elle répond aux critères de la désignation d’itinéraire clé. Le volume annuel total en millions de tonnes-milles brutes (MTMB) et en nombre de wagons complets de marchandises dangereuses, y compris les liquides inflammables, qui sont transportés dans la subdivision, est présenté dans le tableau 1.
Année | Trafic annuel total (MTMB) |
Pétrole brut (ONU 1267) et pétrole brut acide (ONU 3494) (wagons complets) |
Trafic total de marchandises dangereuses (wagons complets) |
---|---|---|---|
2015 | 107 | 69 059 | 160 661 |
2016 | 104 | 29 086 | 87 845 |
2017 | 117 | 33 544 | 86 145 |
2018 | 123 | 58 667 | 137 820 |
1.7 Système d’information sur les voies de la Compagnie des chemins de fer du Canada
Pour repérer et surveiller les défauts de rail et de géométrie de voie, les compagnies de chemin de fer se servent des points milliaires, de véhicules d’inspection des voies munis de la fonction GPS (système de positionnement mondial) et d’appareils portatifs. Le CN utilise son système informatisé mobile d’information sur les voies pour gérer les renseignements sur la voie, notamment les défauts de rail et la géométrie de la voie ainsi que les registres d’inspection et d’entretien. Les coordonnées GPS des défauts de rail et de géométrie de voie sont saisies directement dans le système d’information sur les voies.
Pour établir la corrélation entre les registres de données et les lieux de travaux sur la voie, le système se sert des points milliaires et des coordonnées GPS. Les points milliaires sont consignés au centième de mille près, ce qui leur donne une précision de ±52,8 pieds. Les coordonnées GPS ont une plus grande précision, soit ±20 pieds. Les données du système d’information sur les voies sont téléchargées tous les matins vers les appareils portatifs du personnel d’entretien de voie, qui repère ensuite les défauts de voie à l’aide des coordonnées GPS.
Lorsqu’un défaut est repéré et réparé, les employés de l’ingénierie du CN consignent l’information directement dans le système d’information sur les voies. Cette opération peut être faite à partir d’un véhicule de l’équipe des travaux du CN au moyen d’un ordinateur de bord. Le système d’information sur les voies permet de consigner entre autres la méthode de détection des défauts de rail, le numéro d’identification de la voie, les points milliaires de début et de fin des travaux, le poids du rail, l’année du laminage, la présence de longs rails soudés (LRS), la disposition des anticheminants, le raccord de rail (assemblé ou soudé) et la longueur en pieds. Cependant, la corrélation entre les coordonnées GPS des travaux réalisés et les points milliaires n’est pas toujours exacte. De plus, au lieu d’utiliser le GPS, certains employés de l’ingénierie du CN consignent à la main l’information liée aux points milliaires, ce qui peut introduire d’autres erreurs quant à la localisation. Le système d’information sur les voies présente également certaines limites quant à la saisie des données, donc il y manque parfois des renseignements qui seraient nécessaires pour des enquêtes approfondies.
1.8 Renseignements sur la voie
La voie dans les environs du lieu du déraillement est une voie principale simple en alignement. Elle est formée d’une combinaison de LRS de 136 livres et de 132 livres fabriqués par différentes compagnies entre 1998 et 2015. Le rail était posé sur des selles à double épaulement de 16 pouces, le tout soutenu sur des traverses en bois dur no 1, fixé à raison de 5 crampons par traverse et encadré d’anticheminants toutes les 2 traverses. Les traverses étaient en bonne condition. Le ballast était fait de roche concassée propre. Les banquettes mesuraient environ 18 pouces de large, les cases étaient bien remplies et le drainage était efficace. Deux ponceaux, respectivement de 5 pieds et de 7 pieds de diamètre, se trouvaient au point milliaire 197,4.
1.8.1 Difficultés liées à l’entretien de la voie dans la subdivision de Rivers
La vélocité des trainsNote de bas de page 21 a des répercussions considérables sur l’utilisation des actifs et le contrôle des coûts, qui sont des aspects fondamentaux de l’activité ferroviaire du CN. Le personnel de l’ingénierie comprend l’urgence d’assurer une circulation des trains aussi rapide et sécuritaire que possible.
Les retards de trains qui réduisent la vélocité peuvent produire des pressions interfonctionnelles au sein de la compagnie. Ces pressions peuvent parfois créer des conflits entre les décisions prises à propos de l’entretien de la voie et de l’exploitation des trains. Comme il importe de ne pas retarder les trains, le personnel d’entretien peut souvent avoir de la difficulté à obtenir les périodes d’occupation de la voie nécessaires à l’inspection, à l’entretien et aux réparations dans des subdivisions où le volume de trafic est élevé, comme la subdivision de Rivers. L’augmentation de 18 % du trafic ferroviaire dans la subdivision entre 2016 et 2018 n’a fait qu’accroître ces difficultés.
1.9 Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés (2016) approuvé par Transports Canada
Le RTC précise (entre autres) ce qui suit :
[…]
5. ITINÉRAIRES CLÉS
5.1 Toute compagnie doit effectuer des inspections de détection des défauts de rail au moins deux fois par année sur les tronçons en voie principale et en voie de subdivision des itinéraires clés et une fois par année sur les tronçons en voie d’évitement des itinéraires clés.
5.2 Toute compagnie doit effectuer un contrôle électronique de la géométrie au moins deux fois par année sur les tronçons en voie principale et en voie de subdivision des itinéraires clés à l’aide d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique. La compagnie peut utiliser un véhicule léger de contrôle de l’état géométrique, plutôt qu’un véhicule lourd, conformément aux modalités du Règlement concernant la sécurité de la voie. Le contrôle doit toutefois être effectué au moins trois fois par année si un véhicule léger est utilisé.
5.3 Toute compagnie doit inspecter les éclisses en territoire à longs rails soudés sur les tronçons en voie principale et en voie de subdivision des itinéraires clés en effectuant une inspection à pied ou un contrôle électronique au moyen d’une caméra ou de toute autre technologie capable de détecter des éclisses défectueuses.
5.4 Toute compagnie doit disposer de procédures relatives aux réparations des éclisses en territoire à longs rails soudés. La compagnie doit préciser, dans ses procédures, la fréquence à laquelle toute réparation temporaire doit être inspectée jusqu’à ce qu’elle soit réparée de façon permanente.
[…]
6. ÉVALUATIONS DES RISQUES POUR LES ITINÉRAIRES CLÉS
6.1 Les compagnies détermineront le risque associé à chacun des itinéraires clés sur lesquels elles font circuler un train clé; à cette fin, elles procéderont à des évaluations des risques et à des mises à jour périodiques fondées sur des changements importants. Les évaluations des risques pour les itinéraires clés doivent avoir lieu au moins tous les trois (3) ans […] Note de bas de page 22
1.10 Règlement concernant la sécurité de la voie (2012) approuvé par Transports Canada
Les exigences réglementaires minimales concernant l’inspection et l’entretien des voies ferrées sous réglementation fédérale sont définies dans le RSV et étoffées dans le RTC. Lorsqu’elle constate qu’une voie n’est pas conforme au RSV, la compagnie de chemin de fer doit rétablir la conformité de la voie en réduisant la vitesse des trains ou en réparant la voie, ou en interrompre l’exploitationNote de bas de page 23.
Le RSV établit les normes minimales relatives à l’infrastructure de la voie, mais ne prévoit aucune disposition pour renforcer les normes concernant la voie pour les itinéraire clés, et ce, malgré des augmentations parfois importantes des volumes de trafic de marchandises dangereuses. Cependant, rien n’empêche une compagnie de chemin de fer d’adopter des pratiques plus rigoureuses que les exigences réglementaires minimales concernant l’inspection et l’entretien des voies.
1.10.1 Inspection visuelle
Selon le RSV, les voies de catégorie 4 doivent faire l’objet d’une inspection visuelle 2 fois par semaine. La voie dans le secteur où a eu lieu le déraillement était inspectée conformément aux exigences réglementaires. Le jour précédant le déraillement, une inspection visuelle de la voie à proximité du déraillement a été effectuée, et aucun défaut n’a été constaté.
1.10.2 Inspection de la géométrie de la voie
Le RSV exige que les voies de catégorie 4 soient inspectées 2 fois par année au moyen d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique et soient entretenues de manière à respecter les limites de nivellement indiquées dans le tableau suivant.
Nivellement | Catégorie de voie | ||||
---|---|---|---|---|---|
1 | 2 | 3 | 4 | 5 | |
À l’intérieur d’une distance de 31 pieds, un écart d’élévation à l'extrémité d'une rampe, ne peut être supérieur à : | 3 ½ po | 3 po | 2 po | 1 ½ po | 1 po |
Par rapport au profil uniforme, la flèche maximale sur un cordeau de 62 pieds, sur l'un ou l'autre rail, ne peut être supérieure à : | 3 po | 2 ¾ po | 2 ¼ po | 2 po | 1 ¼ po |
Dans une courbe de raccordement, la différence de nivellement transversal entre deux points séparés de moins de 31 pieds, ne peut être supérieure à : | 2 po | 1 ¾ po | 1 ¼ po | 1 po | ¾ po |
L'écart par rapport au plan horizontal en tout point d’une voie en tangente, ou la valeur du nivellement transversal en situation de dévers inversé sur une voie qui n’est pas en tangente, ne peut être supérieur à : | 3 po | 2 po | 1 ¾ po | 1 ¼ po | 1 po |
La différence de nivellement transversal entre deux points séparés de moins de 62 pieds ne peut être supérieure à : | 3 po | 2 ¼ po | 2 po | 1 ¾ po | 1 ½ po |
Dans le secteur où a eu lieu le déraillement, le CN a effectué 7 contrôles de la géométrie de la voie en 2018 à l’aide d’un véhicule lourd de contrôle de l’état géométrique. Le plus récent contrôle avait eu lieu le 23 novembre 2018 et aucun défaut n’avait été décelé.
Toutefois, un examen de la bande graphique provenant du véhicule de contrôle de l’état géométrique utilisé pour l’inspection a révélé que dans le secteur du déraillement, le rail sud présentait des conditions de surface consécutives, la variation la plus importante étant d’environ 1 pouce. Ces conditions semblaient se trouver dans le même secteur que le tronçon de 49 pieds présentant 5 joints, près du point milliaire 197,47.
Même si, individuellement, les conditions de surface ne pouvaient pas être qualifiées de défauts critiques au sens du RSV, leur existence indiquait une détérioration du soutien offert par l’infrastructure (traverses, ballast, plateforme) sur un tronçon du rail sud contenant plusieurs joints sur une courte distance.
L’examen a aussi permis de constater que dans le secteur où a eu lieu le déraillement, le dévers maximal était d’environ 1 pouce. Le dévers ne constituait pas un défaut critique au sens du RSV. Toutefois, il aurait eu une incidence sur les charges exercées sur les rails Note de bas de page 24 lorsque les trains franchissaient le tronçon, ce qui aurait pu mener à une détérioration plus rapide de l’infrastructure entre le 23 novembre 2018 et 16 février 2019, soit la date de l’accident.
1.10.3 Inspection de détection des défauts de rail
Le RSV exige que les voies de catégorie 4 ayant un trafic annuel de plus de 35 MTMB soient soumises à un contrôle ultrasonique pour la détection des défauts de rail au moins 4 fois par année.
En 2018, le CN a réalisé 12 inspections de détection des défauts de rail dans le secteur où a eu lieu le déraillement. Ces inspections permettent de détecter les défauts internes du rail dans un joint, mais elles ne permettent pas de détecter les défauts des éclisses. La plus récente inspection de détection des défauts de rail dans le secteur où a eu lieu le déraillement avait été effectuée par Sperry Rail Services (Sperry) le 23 janvier 2019, et aucun défaut n’avait été détecté.
1.10.4 Éclisses
En ce qui concerne l’inspection des éclisses, le RSV indique (entre autres) ce qui suitNote de bas de page 25 :
- a) Tous les joints de rail, ordinaires, isolants et mixtes, doivent présenter des caractéristiques et des dimensions compatibles avec les rails qu’ils réunissent.
- b) Lorsque, sur une voie de catégorie 3, 4, ou 5, une éclisse est fissurée, cassée, ou que, en raison de son usure, elle permet le déplacement vertical de l’un des rails alors que tous les boulons sont serrés, il est nécessaire de la remplacer.
- c) Lorsqu’une éclisse est fissurée ou rompue entre les deux trous de boulon centraux, il faut remplacer cette dernière.
Le RSV ne contient aucune exigence quant à la longueur minimale des rails de raccord ou à la distance minimale entre des joints consécutifs en voie principale. Il ne contient aucune directive sur le module de la voie Note de bas de page 26 et l’incidence négative que peut avoir la présence de plusieurs rails de raccord courts consécutifs et des joints connexes en territoire à LRS.
Bien qu’aucune exigence réglementaire ne régisse le recours à des rails de raccord courts engendrant plusieurs joints consécutifs dans les LRS, on considère qu’il ne s’agit pas d’une bonne pratique d’ingénierie.
1.11 Inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique
S’ajoutent aux exigences du RSV sur les éclisses celles du RTC voulant que les compagnies inspectent plus à fond les éclisses en territoire à LRS sur les tronçons en voie principale et en voie de subdivision des itinéraires clés. Il peut s’agir d’une inspection à pied ou d’une inspection électronique, notamment au moyen d’une technologie d’inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique qui peut détecter les défauts dans les éclisses, comme les éclisses rompues ou fissurées et les joints auxquels il manque des boulons.
Sur certains de ses véhicules de détection des défauts de rail, Sperry a intégré une technologie d’inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique à son système de détection des défauts de rail par ultrasons. Lors d’une inspection des défauts de rail par ultrasons, le système visionique prend des photographies de haute résolution et à haute fréquence de la surface exposée du côté intérieur et du côté extérieur des éclisses pour chaque joint de rail. Les photographies sont ensuite examinées par les techniciens de Sperry, dans les bureaux de l’entreprise aux États-Unis. Ils recherchent précisément les éclisses fissurées ou rompues et les boulons manquants.
Lorsqu’une éclisse fissurée ou rompue est décelée, Sperry en avise immédiatement les équipes d’entretien de la compagnie de chemin de fer, et des ordres de marche au ralenti sont imposés sur la voie. Dans les 72 heures suivant le contrôle, un rapport sur l’état des joints de rail est envoyé à la compagnie de chemin de fer. Il contient toutes les photographies des éclisses suspectes. Seulement environ 10 % des photographies montrant un défaut possible se révèlent être des faux positifs, ce qui indique que le système visionique est un outil d’inspection efficace.
Même si la technologie d’inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique améliore la sécurité, elle comporte certaines limites. Compte tenu de la résolution des photographies, le système ne peut détecter que les fissures évidentes, puisque les petites fissures peuvent ne pas être visibles. De plus, les surfaces des éclisses qui s’appuient sur l’âme du rail ainsi que le rayon situé entre le champignon et l’âme du rail ne sont pas visibles et ne peuvent pas être inspectés à l’aide de cette méthode.
1.11.1 Inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique dans le secteur où a eu lieu le déraillement
Le 23 janvier 2019, les éclisses dans le secteur où a eu lieu le déraillement ont été inspectées par Sperry au moyen de la technologie d’inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique. Les dossiers concernant les 5 joints situés dans le rail sud à proximité du point milliaire 197,47 ont été examinés par le BST.
Les 5 joints étaient fixés par des éclisses à 6 trous dont tous les boulons étaient bien en place et bien serrés. Même si aucun défaut critique n’a été décelé, les photographies prises au cours de l’inspection ont révélé ce qui suit :
- le deuxième joint le plus à l’est était un joint isolant collé;
- quatre des 5 joints dans le rail sud, y compris le joint isolant, étaient fixés par des éclisses 132/136 RE Note de bas de page 27 ordinaires;
- l’autre joint était le plus à l’ouest des 5 joints, et on a déterminé qu’il se trouvait au point millaire 197,4751 du rail sud; le joint était fixé par une éclisse mixte 132/136 RE du côté intérieur du rail et une éclisse ordinaire 132/136 RE du côté extérieur du rail (figure 8 et figure 9). Les champignons aux abouts de rail faisant partie du joint étaient écrasés et déformés.
1.12 Inspection par un système de mesure de l’écartement des voies sous charge
L’inspection effectuée par un système de mesure de l’écartement des voies sous charge (gauge restraint measurement system, GRMS) est une initiative de l’industrie. Ni le RSV ni le RTC ne prescrivent de telles inspections. Un GRMS exerce une charge latérale sur le champignon des 2 rails adjacents de la voie pour mesurer le mouvement du rail sous l’effet d’une charge verticale et latérale combinée, afin de détecter les traverses ou les attaches de rail affaiblies.
La dernière inspection à l’aide d’un GRMS effectuée dans le secteur où a eu lieu le déraillement avait été réalisée le 8 août 2018 et n’avait décelé aucun défaut.
1.13 Module de la voie
Le module de la voie est une valeur composée de la rigidité individuelle des rails, des attaches, des traverses, des semelles de rail, des plaques, du ballast, du sous-ballast et de la plateforme. Plusieurs facteurs influencent le module de la voie, dont la présence de joints, la qualité et la profondeur du ballast et du sous-ballast, l’état du sol de la plateforme et ses conditions d’humidité, l’étanchéité du bourrage et l’espacement des traverses. Par exemple, la voie aux ponts, tunnels, passages à niveau et aiguillages a généralement un module de la voie plus élevé (une plus grande rigidité) que la voie adjacente.
Lors du passage des trains de la voie plus rigide formée de LRS à une voie comptant un certain nombre de rails de raccord courts et les joints connexes, les rails du tronçon comportant des joints subissent des forces de flexion plus importantes en raison des différences de module de la voie. Lorsque de forts volumes de trafic et des trains lourds circulent sur un tel tronçon, la structure de la voie soumise à ces charges peut subir une détérioration accéléréeNote de bas de page 28.
1.14 Normes de la voie de l’ingénierie de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Les Normes de la voie de l’ingénierie du CN (NVI) présentent les normes et pratiques pour l’entretien de l’infrastructure de la voie du CN à respecter parallèlement au RSV.
1.14.1 Norme de la voie 1.0 – Rail
La section 1.0 des NVI énonce les exigences concernant les rails, notamment les rails de raccord. La longueur des rails de raccord utilisés en voie principale ne doit pas :
- faire moins de 12 pi (3 658 mm) s’ils sont posés dans une portion de voie droite
- faire moins de 19 pi et 6 po (5 944 mm) s’ils sont posés dans une portion de voie courbe.
1.14.2 Norme de la voie 1.2 – Joints de rail
La section 1.2 des NVI porte sur l’installation et l’entretien des joints de rail, et énonce entre autres ce qui suit :
13. Examiner les éclisses avant de les poser pour vérifier qu’elles ne sont pas fissurées ou endommagées
[…]
15. N’utiliser que les éclisses du type qui convient au profil du rail.
[…]
25. Sur les panneaux de voie de 39 pi ou moins posés avec au moins trois joints parallèles, il faut imposer une limitation de vitesse correspondant à la vitesse autorisée sur une voie de catégorie 3.
[…]
30. Les joints mixtes doivent être peints en bleu chaque année et inspectés tous les mois.
Les équipes d’entretien de la voie doivent s’assurer que les éclisses mixtes sont peintes en bleu au moment de leur installation.
Les NVI du CN établissent la longueur minimale des rails de raccord installés en territoire à LRS, mais ne prévoit aucune limite quant au nombre de rails de raccord courts consécutifs et de joints pouvant être installés.
1.14.3 Norme de la voie 7.0 – Directives relatives à l’inspection de la voie
La section 7.0 des NVI décrit les exigences liées aux inspections de la voie et précise entre autres ce qui suit (caractères gras dans l’original) :
19. Tous les joints de voies en LRS qui nécessitent une mesure corrective conformément aux indications du TABLEAU 4 doivent être repérés par un marquage hautement visible dans la voie. Il faut marquer l’emplacement de ces joints (subdivision, point milliaire, numéro de voie et file de rail [gauche ou droite en regardant dans la direction des points milliaires croissants]) en vue de leur signalement.
Le tableau 4 figurant dans cette section énumère les défauts de joints de rail nécessitant des mesures correctives (p. ex. les éclisses fissurées ou rompues) ainsi que les mesures correctives appropriées pour chacun d’eux. Sur le terrain, les inspecteurs de la voie marquent souvent avec de la peinture jaune les défauts de rails ou autres défauts de la voie, comme les éclisses rompues à réparer, pour aider les équipes de réparation dépêchées sur les lieux à localiser les défauts en question.
1.14.4 Norme de la voie 7.1 – Géométrie de la voie
La section 7.1 des NVI décrit les exigences relatives à la géométrie de la voie et précise entre autres ce qui suit (caractères gras dans l’original) :
- Les défauts de géométrie de la voie sont classés dans trois catégories : les défauts qui nécessitent une intervention URGENTE, QUASI URGENTE ou PRIORITAIRE.
- Les défauts nécessitant une intervention URGENTE sont des défauts qui dépassent les valeurs limites établies dans le Règlement sur la sécurité de la voie de Transports Canada ou dans les Track Safety Standards de la FRA [Federal Railroad Association].
[…]
- Les défauts nécessitant une intervention PRIORITAIRE sont des défauts qui dépassent les valeurs limites d’entretien admises au CN.
[…]
- Lorsqu’un défaut nécessitant une intervention PRIORITAIRE est repéré :
- il faut surveiller le défaut et le réparer avant qu’il devienne un défaut nécessitant une intervention URGENTE;
Un défaut est classé dans la catégorie « PRIORITAIRE » du CN selon les critères d’entretien des NVI du CN qui vont au-delà des exigences du RSV. Le RSV ne mentionne aucun défaut de géométrie de la voie équivalant à la catégorie « PRIORITAIRE » du CN.
Les NVI précisent que pour les voies de catégorie 4 :
- Par rapport au profil uniforme, une différence relevée à la surface qui est supérieure à 1 pouce sur un cordeau de 62 pieds, sur l’un ou l’autre rail, est considérée comme étant un défaut de surface nécessitant une intervention « PRIORITAIRE ».
- Dans un tronçon en alignement, une courbe de raccordement ou une courbe, une différence de nivellement transversal entre 2 points séparés de moins de 62 pieds qui est supérieure à 13/8 pouce est considérée comme étant un défaut de type Warp 62 nécessitant une intervention « PRIORITAIRE ».
1.15 Installation des rails de raccord
Lorsque des LRS sont endommagés et doivent être remplacés, la section de rail défectueuse est habituellement retirée et un rail de rechange (rail de raccord) est installé. Un rail de raccord peut être un rail neuf ou un rail usagé précédemment retiré du service. Lorsqu’un rail est retiré du service et doit ensuite être utilisé comme rail de raccord, il est soumis à une inspection visuelle et à un essai par ultrasons, mesuré pour déterminer l’usure du champignon et l’usure latérale, puis rangé sur un râtelier de rails en attendant d’être installé.
Lors du choix d’un rail de raccord parmi des rails usagés, les principaux facteurs pour déterminer sa compatibilité sont la longueur globale et l’usure du champignon de rail (hauteur du champignon et côté intérieur). Le rail de raccord usagé devrait être légèrement plus long que ce qui est requis pour la réparation, et la hauteur du champignon ainsi que l’usure du côté intérieur devraient correspondre de près à la hauteur et à l’usure du champignon du rail d’origineNote de bas de page 29.
Un nouveau rail de 132 livres est souvent utilisé comme rail de raccord pour remplacer un rail d’origine de 136 livre usé. Selon le manuel de l’American Railway Engineering and Maintenance-of-Way Association (AREMA)Note de bas de page 30, les mêmes éclisses ordinaires 132/136 RE peuvent être utilisées pour les joints tant dans un rail de 132 livres RE que dans un rail de 136 livres RE, puisque le rayon entre le champignon et l’âme du rail, et l’âme du rail même, sont identiques sur les 2 rails. La seule différence entre un nouveau rail de 136 livres et un rail de 132 livres est une différence de 5 mm dans la hauteur du champignon.
1.15.1 Éclisses mixtes utilisées pour les réparations avec rails de raccord
Si un rail d’origine de 136 livres est usé entre 5 mm et 8 mm, un nouveau rail de raccord de 132 livres conviendrait, et des éclisses ordinaires 132/136 RE peuvent être installées pour fixer le joint. Toutefois, si un rail d’origine de 136 livres est usé à plus de 8 mm et à moins de 11 mm, il faut alors, pour fixer le joint de rail, recourir à des éclisses mixtes 132/136 RE, lesquelles ont un désaffleurement vertical de 3 mm (1/8 pouce).
Les éclisses mixtes sont utilisées en paires comprenant une éclisse intérieure et une éclisse extérieure. Lorsqu’un joint mixte est requis, il faut installer 2 éclisses mixtes. L’utilisation d’une éclisse mixte et d’une éclisse ordinaire n’est pas autorisée.
Une telle réparation serait difficile à cause du désaffleurement de 1/8 pouce de l’éclisse mixte. Pour installer un joint en utilisant une éclisse ordinaire 132/136 RE et une éclisse mixte 132/136 RE, il faudrait également fournir un effort manuel supplémentaire pour aligner les trous et installer les boulons. Un joint assemblé de cette manière serait instable, se desserrerait sous le poids d’une charge et pourrait se rompre prématurément.
1.16 Utilisation de joints en territoire à longs rails soudés
Pour entretenir adéquatement une voie en LRS, il faut procéder périodiquement à l’enlèvement des rails présentant des défauts en surface et à l’interne, ou des rails usés, et les remplacer par des rails de raccord compatibles. L’installation de rails de raccord augmente le nombre de joints sur une voie, puisque chaque rail de raccord comporte 2 joints, c’est-à-dire 1 à chaque extrémité.
Il est reconnu qu’un manque de stabilité dans un joint de rail crée des conditions favorables à l’apparition de fissures de fatigue dans les éclissesNote de bas de page 31. Un joint desserré ou mal supporté peut non seulement causer des fissures de fatigue dans les éclisses, mais aussi des fissures de surcharge dans l’âme du rail. Si le joint est bien serré, les charges sont réparties sur le champignon et le patin de rail, alors que si le joint est desserré, les charges sont transférées à l’éclisse et/ou aux trous d’éclissage de l’âme du rail par les boulons appuyant contre l’alésage.
Une fois assemblé, le joint de rail doit préserver la continuité du rail en offrant une résistance, une rigidité, une flexibilité et une uniformité à peu près idendiques à celles du rail lui-même. Pour arriver à ce résultat, le joint doit être bien supporté par des traverses solides posées sur un ballast bien bourré. Toutefois, le moment d’inertie d’éclisses installées adéquatementNote de bas de page 32 ne correspond encore qu’au tiers environ de celui du rail correspondant non éclisséNote de bas de page 33.
Donc, même si les éclisses sont fixées solidement au rail, le joint qui en résulte demeure un point faible de la structure de la voie. Ce point faible entraîne une déflexion verticale accrue du joint lorsque les roues des wagons de marchandises le franchissent. Cela peut entraîner un desserrage et une détérioration du joint, des dommages au champignon aux abouts de rail près de l’interstice (écrasement), et une dégradation du ballast et de la plateforme à proximité du jointNote de bas de page 34.
En 2018, le CN a recensé un total de 95 défauts de rail internes entre les points milliaires 145,37 et 252,28 dans la subdivision de Rivers. De ce nombre, 58 étaient liés à des joints (61 %).
Le CN a reconnu la nécessité de réduire le nombre de joints dans la subdivision de Rivers. En 2018, les équipes d’entretien de la voie ont été agrandies pour mettre l’accent sur l’élimination des joints. Cependant, étant donné l’augmentation des volumes de trafic, il a été difficile d’obtenir les périodes d’occupation de la voie nécessaires à l’exécution de ces réparations. Même si 318 joints avaient été éliminés, la subdivision comptait toujours 1528 joints au moment du déraillement. Ces joints étaient principalement liés à des réparations avec rails de raccord en territoire à LRS.
1.17 Entretien de la voie à proximité du point milliaire 197,47
Selon les dossiers du système d’information sur les voies pour la subdivision de Rivers, entre le 26 février 2015 et le 9 février 2019, 50 rails de raccord ont été installés entre les points milliaires 190,09 et 200,75, ce qui était plus qu’à l’habitude pour seulement 10 milles de voie en LRS. Avec l’augmentation du nombre de rails de raccord, l’entretien des joints et le remplacement des éclisses fissurées ou rompues ont mené à une augmentation des activités d’entretien dans ce secteur. Un examen des dossiers d’entretien de la voie du système d’information sur les voies du CN pour la période entre le 1er janvier 2017 et le 15 février 2019 a permis de relever les travaux entrepris à proximité du point milliaire 197,47 (tableau 3).
Date | Travaux effectués | Poids du rail (en livres) | Côté de voie | Type de raccord de rail de la réparation |
---|---|---|---|---|
2017-06-01 | Installation d’un rail de raccord d’une longueur de 19 pieds et 0 pouce | 136RE | Rail gauche (sud) | Boulonné |
2018-10-01 | Soudage de rail pour éliminer 7 joints | |||
2018-12-12 | Installation d’un rail de raccord d’une longueur de 13 pieds et 9 pouces | 132RE | Rail gauche (sud) | Boulonné |
2018-12-31 | Remplacement d’une éclisse ordinaire 132/136 RE rompue | Rail gauche (sud) – côté intérieur | Boulonné |
Puisque le rail de la subdivision est formé d’une combinaison de LRS de 132 et de 136 livres, pour pouvoir réaliser les activités d’entretien de la voie au fur et à mesure des besoins, les équipes d’entretien de la voie du CN transportent habituellement au moins 8 éclisses dans chaque camion, soit 4 éclisses ordinaires 132/136 RE et 4 éclisses mixtes 132/136 RE. Les éclisses ordinaires et mixtes 132/136 RE sont très semblables. Seul un désafleurrement de 1/8 pouce à la base d’une éclisse mixte 132/136 RE la distingue d’une éclisse ordinaire 132/136 RE.
Le 31 décembre 2018, un superviseur d’entretien de la voie du CN a effectué une inspection ponctuelle de la voie et a repéré une éclisse intérieure rompue reliant 2 morceaux de rail de 136 livres à proximité du point milliaire 197,47. Le joint en question a été marqué de peinture jaune, de sorte qu’il puisse être repéré par les équipes d’entretien de la voie. Une équipe d’entretien de la voie dans la région a ensuite été contactée et chargée de remplacer l’éclisse. L’équipe est intervenue pour effectuer la réparation dans un camion d’entretien du CN.
L’équipe d’entretien a repéré l’éclisse ordinaire 132/136 RE rompue du côté intérieur du rail sud, l’a retirée et l’a remplacée par ce qui semblait être une éclisse ordinaire 132/136 RE prise dans le camion. Une fois la réparation effectuée, l’emplacement estimé de la réparation a été saisi manuellement dans le système d’information sur les voies comme étant le point milliaire 197,30. Le système d’information sur les voies ne contenait aucune information indiquant quelle éclisse avait été remplacée (côté intérieur, côté extérieur ou les deux).
1.18 Examen en laboratoire par le BST des composants de rail rompus
Les tronçons du rail sud récupérés sur les lieux de l’événement ont été réassemblés au laboratoire du BST. Par souci de commodité, les tronçons et joints de rail récupérés ont été étiquetés au moyen respectivement de lettres et de chiffres. Le rail sud était composé de 6 tronçons de rail et 5 joints de rail situés sur une distance 49 pieds (figure 10). Les éclisses du joint 1 et du joint 5 étaient rompues, tandis que les éclisses et le rail des 3 autres joints étaient toujours intacts.
Les tableaux 4 et 5 ci-dessous présentent de l’information sur les tronçons et joints du rail sud.
Tronçon de rail | Marques sur le rail | Longueur du rail mesurée | Commentaires |
---|---|---|---|
A | 136-8 VT TZ – 2005 | 13 pieds 7 pouces | Le joint 1 était présent à une extrémité du rail, et il y avait une fracture de surcharge à l’autre extrémité. |
B | 136-10 VT NKK – 1998 | 12 pieds 9 pouces | Les dossiers du CN montrent que ce rail mesurait au départ 19 pieds de long. |
C | 132 RE HH VT Nippon – 2015 | 12 pieds 9 pouces | Les dossiers du CN montrent que ce rail de raccord mesurait 13 pieds et 9 pouces de long. |
D | 132 RE HH VT Nippon – 2015 | 10 pieds 4 pouces | Rail de raccord isolant collé préfabriqué |
E | 132 RE HH VT Nippon – 2015 | 6 pieds 9 pouces | |
F | 136-8 VT TZ – 2005 | 9 pieds | Le joint 5 se trouvait à une extrémité du rail, et le rail était coupé à l’autre extrémité. |
No de joint | Éclisse intérieure | Éclisse extérieure | État |
---|---|---|---|
1 | Éclisse mixte 132/136 RE – CTM* 2018 | Éclisse ordinaire 132/136 RE – CTM 2015 | Les deux éclisses étaient rompues. |
2 | Éclisse ordinaire 132/136/141 – YRF** 2015 | Éclisse ordinaire 132/136 RE – Portec*** 1993 | Éclisses intactes, mais les écrous de 3 boulons étaient cisaillés du côté intérieur du rail. |
3 | Éclisse ordinaire 132/136 RE – CTM 2015 | Éclisse ordinaire 132/136 RE – CTM, 2015 | Éclisses intactes, mais les écrous de 3 boulons étaient cisaillés du côté intérieur du rail. |
4 | Isolante – fabricant et date de fabrication inconnus | Isolante – fabricant et date de fabrication inconnus | Éclisses intactes, mais les écrous de 3 boulons étaient cisaillés du côté intérieur du rail. |
5 | Éclisse ordinaire 132/136 RE – CTM 2015 | Éclisse ordinaire 132/136 RE – CTM 2015 | Éclisses intactes, mais les écrous de 3 boulons étaient cisaillés du côté intérieur du rail. |
*CTM : Cleveland Track Materials
**YRF : Yangtze Railroad Materials
***Portec : Portec Rail Products, Inc.
1.18.1 Joint 1
Le joint 1 reliait le tronçon de rail A au tronçon de rail B. Selon l’inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique effectuée le 23 janvier 2019, ce joint était situé au point milliaire 197,4751. Le joint récupéré qui a été examiné était identique à celui figurant sur les photographies basées sur la visionique. L’écrasement des abouts des tronçons de rail A et B unis par le joint, visible dans ces photographies, était présent avant le déraillement et indique que le joint était desserré ou mal supporté.
Les éclisses s’étaient rompues entre les 2 trous du milieu et étaient demeurées fixées aux 2 rails. Le joint était fomé d’une éclisse mixte 132/136 RE du côté intérieur du rail et d’une éclisse ordinaire 132/136 RE du côté extérieur du rail. L’about du rail A était intact, alors que l’about du rail B était brisé en plusieurs morceaux dans le joint, et des parties du champignon et de l’âme du rail étaient manquantes.
L’usure verticale du champignon sur le tronçon de rail A était de 8 mm (5/16 pouce), et celle sur le tronçon de rail B, de 6 mm (¼ pouce). La différence de hauteur du champignon entre les 2 tronçons de rail était inférieure à 2 mm, et n’exigeait pas de recourir à des éclisses mixtes pour former le joint.
L’extrémité de 136 livres de l’éclisse mixte intérieure 132/136 RE était fixée au tronçon de rail A de 136 livres, tandis que l’extrémité de 132 livres de l’éclisse mixte intérieure 132/136 RE était fixée au tronçon de rail B de 136 livres. Aucune peinture bleue ou jaune n’était visible sur l’éclisse mixte intérieure (figure 11).
Sur les surfaces exposées de l’éclisse ordinaire extérieure 132/136 RE, il y avait de la peinture jaune. Il s’agissait d’un marquage préexistant signalant un joint défectueux devant être réparé (figure 12).
L’examen a permis de faire les observations suivantes concernant les composants de joint et de rail :
- Le tronçon de rail A montrait un écrasement du champignon aux abouts de rail, alors que le tronçon de rail B s’était rompu dans le joint (figure 13 et figure 14). Des fissures de fatigue bien définies étaient visibles sur l’épaulement supérieur des 2 éclisses et à la base de l’éclisse mixte intérieure 132/136 RE. Des ruptures instantanées par contrainte excessive se sont propagées à partir des extrémités des fissures de fatigue des 2 éclisses jusque dans le reste des sections transversales des éclisses lorsqu’elles n’ont plus été en mesure de supporter les charges appliquées dans des conditions de service normales.
- Les surfaces de rupture de tous les morceaux récupérés du tronçon de rail B avaient une apparence granuleuse grossière caractéristique d’une rupture instantanée par contrainte excessive, ce qui laisse supposer que les ruptures sont attribuables au déraillement et ne l’ont pas causé.
- Un motif en chevron a été retracé jusqu’à l’endroit où la rupture du tronçon de rail B a probablement pris naissance, soit le trou de boulon le plus près du milieu du joint dans l’âme du tronçon de rail B.
- Des empreintes de filets du boulon étaient creusées dans le trou de boulon correspondant de l’éclisse mixte intérieure 132/136 RE, ce qui indique que le joint était désaxé puisque le boulon poussait contre l’alésage du trou de l’éclisse intérieure (figure 15).
- Les boulons d’éclisse étaient tordus, surtout le boulon du milieu sur le tronçon de rail B. Il y avait des régions polies sur le corps, l’épaulement et les filets du boulon aux endroits correspondant aux positions des trous dans l’âme du rail et les éclisses. Un côté des écrous et les 2 côtés des rondelles à ressort avaient également une apparence polie.
- Du polissage a aussi été constaté sur le patin du côté intérieur et du côté extérieur de chaque rail, dans les rayons des congés de raccordement assurant la transition entre le champignon et l’âme du rail, de même que sur les surfaces inférieures et supérieures correspondantes des 2 éclisses. Les surfaces polies constatées sur les boulons, les écrous, les rondelles à ressort, les 2 éclisses et les surfaces du rail correspondantes indiquent toutes que le joint 1 était desserré.
1.18.2 Joints 2 à 5 et composants connexes
Au cours de l’examen, les constatations suivantes ont été faites au sujet des joints et des composants connexes :
- Il y avait des indications d’un certain jeu dans les joints 2 à 5 de la section du rail sud, mais cela n’avait pas encore causé de fissures dans les éclisses et les rails.
- Les joints 2 à 4 étaient intacts. Le joint 4 était un joint isolant de chaque côté duquel des rails de raccord courts étaient fixés.
- Le joint 5 était formé de 2 éclisses ordinaires 132/136 RE reliant un rail de 132 livres et un rail de 136 livres. On a constaté un certain écrasement des 2 abouts de rail qui était antérieur à l’événement. Les 2 éclisses s’étaient brisées en 2 environ à la mi-longueur. La surface de rupture des éclisses était caractéristique d’une rupture par contrainte excessive sans fissure ou défaut préexistants.
- Il est probable que toutes les autres défaillances de composants du rail et de la voie qui ont été constatées sont attribuables au déraillement et ne l’ont pas causé.
1.18.3 Résumé de l’examen par le laboratoire du BST
Puisqu’une éclisse mixte intérieure a été installée avec une éclisse ordinaire extérieure pour former le joint 1 (point milliaire 197,4751), ce joint était quelque peu mal aligné (faussé) et instable, étant fixé au moyen de 2 éclisses différentes. À cause du mauvais alignement, le joint s’est rapidement détérioré et desserré, ce qui a mené à l’apparition de fissures de fatigue dans les éclisses et finalement entraîné leur défaillance.
1.19 Surveillance réglementaire
TC fait la promotion de la sécurité et de la sûreté des systèmes de transport aérien, maritime, ferroviaire et routier, ainsi que de la sécurité du transport des marchandises dangereuses. Pour ce faire, il élabore des règlements et des normes de sécurité et, dans le cas des compagnies de chemin de fer, il facilite l’élaboration de règles par l’industrie ferroviaire. Une fois qu’il a approuvé les règles, TC est responsable de les mettre en application au moyen d’un certain nombre de programmes d’inspection visant à assurer le respect des règles et des règlements.
La sécurité ferroviaire est régie par la Loi sur la sécurité ferroviaire, dont les objectifs sont les suivants :
a) pourvoir à la sécurité et à la sûreté du public et du personnel dans le cadre de l’exploitation ferroviaire et à la protection des biens et de l’environnement, et en faire la promotion;
b) encourager la collaboration et la participation des parties intéressées à l’amélioration de la sécurité et de la sûreté ferroviaires;
c) reconnaître la responsabilité qui incombe aux compagnies d’établir, par leurs systèmes de gestion de la sécurité et autres moyens à leur disposition, qu’elles gèrent continuellement les risques en matière de sécurité;
d) favoriser la mise en place d’outils de réglementation modernes, flexibles et efficaces dans le but d’assurer l’amélioration continue de la sécurité et de la sûreté ferroviaires Note de bas de page 35.
TC a également élaboré le Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) selon lequel les compagnies de chemin de fer doivent gérer les risques liés à la sécurité.
1.19.1 Inspections réglementaires de la voie par Transports Canada
TC gère un programme national d’inspection dans le cadre duquel il sélectionne chaque année au hasard des tronçons de voie à inspecter, ainsi qu’un programme d’inspection fondé sur les risques qui cible les emplacements à inspecter. Le programme d’inspection aléatoire de tronçons ne fait pas la distinction entre les voies principales de première et de deuxième catégorie, alors que dans le programme d’inspection fondé sur les risques, les corridors de transport principaux reçoivent habituellement davantage d’attention que les voies principales de deuxième catégorie.
Entre le 8 et le 10 janvier 2019, TC a effectué une inspection de la subdivision de Rivers, des points milliaires 151,39 à 267,76, au moyen d’un véhicule léger de contrôle de la géométrieNote de bas de page 36. Toutefois, à cause du manque de temps disponible pour l’occupation de la voie, les inspecteurs de TC n’ont pas pu inspecter la voie entre les points milliaires 180,00 et 204,57, y compris la zone où l’accident a eu lieu. L’inspection a permis de relever 3 éléments non conformes au RSV : 2 dispositifs de fixation n’étaient pas intacts et 1 joint en territoire à LRS comptait moins de 2 boulons par rail. De plus, on a relevé 19 problèmes de géométrie de la voie et 3 problèmes de signalisation préoccupants.
Le 14 janvier 2019, TC a envoyé au CN une lettre de non-conformité signalant des préoccupations, demandant à la compagnie d’aviser le ministère par écrit des mesures qu’elle entendait prendre pour remédier aux non-conformités et aux préoccupations.
Le 1er février 2019, le CN a répondu à la lettre de TC en décrivant les mesures correctives prises. Les 3 non-conformités ont immédiatement été corrigées, tandis que pour les préoccupations, soit elles étaient en voie d’être réglées, soit des mesures correctives étaient planifiées.
1.19.2 Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire
Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) est entré en vigueur le 1er avril 2015, remplaçant le Règlement sur le SGS de 2001. Conformément à ce règlement, les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent élaborer et mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité (SGS), tenir à jour un répertoire de tous les processus requis, garder des registres, aviser le ministre des Transports des changements qu’elles se proposent d’apporter à leur exploitation ferroviaire, et déposer auprès du ministre les documents relatifs au SGS, sur demande.
1.19.2.1 Gestion des risques
Conformément au Règlement sur le SGS, une compagnie doit élaborer et mettre en œuvre un processus d’évaluation des risques qui permet de cerner les risques nécessitant la prise de mesures correctives, ainsi que les mesures correctives à prendre. Le Règlement sur le SGS exige en outre qu’une compagnie élabore et mette en œuvre un processus pour mettre en œuvre et évaluer les mesures correctives. L’article 5 du Règlement sur le SGS énonce ce qui suit :
5La compagnie de chemin de fer élabore et met en œuvre un système de gestion de la sécurité qui comprend :
[…]
f) un processus visant les évaluations des risques;
g) un processus pour mettre en œuvre et évaluer les mesures correctives; […] Note de bas de page 37
L’article 13 du Règlement sur le SGS énonce ce qui suit :
13La compagnie de chemin de fer effectue, de façon continue, des analyses de son exploitation ferroviaire pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, y compris toute tendance actuelle, nouvelle tendance ou situation répétitive [sic]Note de bas de page 38.
Le paragraphe 15(1) du Règlement sur le SGS énonce ce qui suit :
15(1) La compagnie de chemin de fer effectue une évaluation des risques dans les circonstances suivantes :
a) lorsqu’elle cerne une préoccupation en matière de sécurité dans son exploitation ferroviaire à la suite des analyses effectuées en vertu de l’article 13;
[…]
c) lorsqu’un changement proposé à son exploitation ferroviaire […] peut avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens et de l’environnement [...]Note de bas de page 39
Parmi les changements visés figurent les suivants :
[…]
(iii) une augmentation du volume des marchandises dangereuses qu’elle transporte,
(iv) une modification apportée au trajet emprunté pour le transport des marchandises dangereuses [...]Note de bas de page 40
Pour aider les compagnies de chemin de fer à mettre en œuvre un SGS, TC a élaboré un document intitulé Directives sur le système de gestion de la sécurité à l’intention de l’industrie (avril 2016). En ce qui a trait aux composantes de l’évaluation des risquesNote de bas de page 41, le Guide précise que l’évaluation des risques :
- décrit les circonstances qui ont entraîné l’obligation d’effectuer l’évaluation des risques;
- cerne et décrit les risques associés à ces circonstances;
- cerne les facteurs dont il est tenu compte dans l’évaluation des risques, y compris les personnes qui peuvent être touchées et si les biens ou l’environnement sont touchés;
- indique, pour chaque risque, la probabilité qu’il se produise et la gravité de ses conséquences;
- cerne les risques qui exigent des mesures correctives;
- cerne les mesures correctives visant chacun de ces risques.
1.20 Système de gestion de la sécurité de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Conformément au Règlement sur le SGS, le CN a élaboré et mis en œuvre un SGS détaillé, qui prévoit que des évaluations des risques doivent être effectuées lorsque des changements sont apportés aux activités d’exploitation.
D’après la Norme relative à l’évaluation des risques du CN, des évaluations des risques doivent avoir lieu dans les cas suivants :
- Changements visant les activités d’exploitation, les procédures, l’infrastructure, la technologie, etc.
- Analyse des tendances indiquant une détérioration graduelle ou une augmentation soudaine.
- Problèmes décelés au cours d’enquêtes sur des blessures ou des accidents, d’autres types d’enquêtes ou d’inspections, à la suite de plaintes, etc.Note de bas de page 42
Si l’on juge qu’une évaluation des risques est nécessaire, la Norme relative à l’évaluation des risques définit les étapes à suivre, lesquelles comprennent la détermination des dangers, l’évaluation des dangers, la sélection des mesures de contrôle ou des mesures correctives, et la mise en œuvre des mesures de contrôle ou des mesures correctiveNote de bas de page 43.
1.20.1 Évaluation des risques dans les corridors de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le RTC définit ce qu’est un train clé et un itinéraire clé, et prévoit une série d’exigences auxquelles les compagnies doivent satisfaire pour augmenter leur marge de sécurité. Lorsqu’un itinéraire clé est désigné, le RTC précise par ailleurs que les compagnies doivent procéder à une évaluation des risques de cet itinéraire au moins une fois tous les 3 ans.
En 2013, le CN a désigné une série de subdivisions reliant Edmonton et Winnipeg comme étant des itinéraires clés et a procédé à une évaluation des risques dans les corridors. Le corridor en voie principale Edmonton-Winnipeg a été défini comme étant le principal itinéraire pour le transport de marchandises entre le triage de Walker du CN, à Edmonton, et le triage de Symington du CN, à Winnipeg. À l’origine, l’itinéraire comprenait les subdivisions de Wainwright, de Watrous et de Rivers. Le corridor est un itinéraire de transport de marchandises à tonnage élevé qui est essentiellement une voie simple, avec des voies de dépassement.
L’évaluation des risques dans les corridors du CN a donné lieu à un document exhaustif présentant les caractéristiques des subdivisions, les préoccupations possibles en matière de sécurité liées à l’itinéraire, ainsi que les stratégies d’atténuation des risques actuelles et proposées pour les risques décelés. En 2016, le CN a révisé son évaluation conformément au RTC.
En décembre 2018, le CN a produit une évaluation provisoire des risques dans les corridors qui a été mise à jour afin d’ajouter d’autres subdivisions devenues des itinéraires clés en raison des volumes accrus de trains-blocs de marchandises dangereuses y circulant.
Dans l’évaluation des risques dans les corridors menée en 2018, le corridor de transport principal (subdivisions de Wainwright, de Watrous et de Rivers) était indiqué comme étant essentiellement un territoire à LRS signalisé. Le CN a mis sur pied des processus pour définir les besoins en matière d’entretien de son infrastructure ferroviaire. On utilise les volumes de trafic ferroviaire et sur des analyses détaillées des défauts de voie pour déterminer s’il est nécessaire d’apporter des améliorations par l’entremise d’un programme d’immobilisations. L’examen était habituellement réalisé pendant le processus de planification effectué par le Service de l’ingénierie du CN et servait à étayer la nécessité de créer un programme d’élimination des joints pour le corridor de transport principal.
Le CN a déterminé que certaines sections de voie faites de rails éclissés plus petits (c.-à-d. 115 livres), plus anciens et moins ductiles posaient un risque plus élevé de défaillance en service que les LRS. Ainsi en 2019, le CN a prévu un programme de remise en état des voies pour remplacer ces sections de rails éclissés par des LRS sur des segments de 4 subdivisions de voie principale de deuxième catégorie faites en tout ou en partie de rails éclissés. Aucune activité d’élimination des joints n’était particulièrement prévue pour la subdivision de Rivers, qui faisait partie du corridor en voie principale. Bien qu’il ait été déterminé, lors de l’évaluation des risques dans les corridors, qu’un programme d’élimination des joints était nécessaire pour éliminer les risques de déraillement, l’évaluation ne fournissait aucune explication quant aux risques posés par le nombre de plus en plus élevé de rails de raccord et de réparations de joints sur le territoire à LRS du corridor de transport principal du CN, dont fait partie la subdivision de Rivers. Comme l’élimination des joints faisait partie du processus de planification du Service de l’ingénierie du CN, l’évaluation des risques dans les corridors ne fixait aucune date d’achèvement. En outre, l’évaluation n’indiquait pas les risques associés aux volumes de trafic de plus en plus élevés sur une voie principale essentiellement simple et au fait que les équipes d’entretien de la voie avaient de la difficulté à effectuer les travaux nécessaires d’entretien et de réparation de la voie, lesquels comprennent l’achèvement du programme d’élimination des joints. Par conséquent, les conditions de voie dans la subdivision de Rivers avaient continué de se détériorer comme en fait foi le nombre de rails de raccord et de joints dans la subdivision.
1.21 Autres enquêtes du BST concernant des états et des défaillances de joints
Le 22 janvier 2019, vers 9 h 25, heure normale du Centre, un train de marchandises du CN roulait en direction sud à 31 mi/h dans la subdivision de Warman, lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché près de Saskatoon (Saskatchewan)Note de bas de page 44, et que 29 wagons ainsi que la locomotive de milieu de train ont déraillé. De nombreux wagons ayant déraillé se sont empilés sur les voies en direction nord de l’autoroute 11 à chaussées séparées, ce qui a bloqué le passage à niveau. La locomotive de milieu de train a pris feu; le feu a rapidement été éteint. Il n’y avait aucune marchandise dangereuse, et personne n’a été blessé.
L’enquête a déterminé que :
- le champignon de rail d’un joint isolant situé sur le rail est de la voie du passage à niveau qui traverse le terre-plein de l’autoroute 11 était manquant; il s’était probablement rompu et avait été expulsé sous un train précédent;
- lors de l’application de charges au passage des trains, la présence de 2 rails de raccord adjacents relativement courts, d’une longueur respective de 17 pieds et 7 pouces, et de 14 pieds et 11 pouces, dans une zone où le module de la voie variait fortement entre les 2 passages à niveau, a probablement contribué à la détérioration de la voie;
- le système d’information sur les voies utilisé par le CN est un outil utile pour consigner les renseignements sur les travaux d’entretien des voies, mais il n’offre pas une précision suffisante pour évaluer précisément les travaux effectués sur chacun des joints et des rails de raccord courts installés à proximité les uns des autres.
Depuis 2015, le BST a enquêté sur 7 autres événements dans lesquels des joints rompus, des joints desserrés ou un rail rompu à l’intérieur d’un joint ont contribué à un déraillement Note de bas de page 45.
1.22 Enquête du BST sur des problèmes de sécurité
En réponse à une série de déraillements survenus sur des voies principales de deuxième catégorie où il y avait eu des ruptures de rail au cours de l’hiver 2003-2004, le BST a mené une enquête sur des problèmes de sécuritéNote de bas de page 46. Cette enquête a pu établir une relation importante entre les défauts de rail et le volume de trafic de trains-blocs vraquiers sur des voies principales de deuxième catégorie, et a révélé que l’effet de l’augmentation du trafic de ces trains-blocs n’avait pas été pris en compte dans le cadre des entretiens réguliers. Les mêmes circonstances pourraient également s’appliquer à certaines voies principales. L’enquête a également permis de constater ce qui suit :
- Quand le poids des rails est inférieur à 130 livres, l’accroissement du tonnage de trains-blocs vraquiers entraîne une augmentation importante du nombre de défauts de rail, d’où un risque accru de déraillements dus à la rupture de rails.
- Les compagnies de chemin de fer se sont rendu compte que la dégradation de la voie s’est accélérée avec l’augmentation du tonnage de trains-blocs vraquiers sur des voies principales de deuxième catégorie. Toutefois, un point d’équilibre n’avait pas été atteint entre l’augmentation de la dégradation de la voie et les opérations d’entretien ou de renouvellement opportuns de l’infrastructure.
- Pour assurer la sécurité, il n’est pas suffisant de se conformer au RSV puisque ce dernier n’offre pas de moyen de prévoir des conditions changeantes telles que l’accroissement du trafic à long terme.
1.23 Déraillements de trains-blocs de wagons-citernes transportant du pétrole brut
Depuis 2013, le BST a enquêté sur 3 déraillements graves de trains-blocs de wagons-citernes transportant du pétrole brut. Dans ces 3 déraillements, un total de 131 wagons-citernes chargés de pétrole brut ont déraillé et déversé un total combiné de 10,28 millions de litres de produit.
1.23.1 Accident de Lac-Mégantic et recommandation liée aux wagons-citernes
Le 5 juillet 2013, vers 22 h 50, heure normale de l’Est, le train de marchandises MMA-02 de la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), en route de Montréal (Québec) à Saint John (Nouveau-Brunswick), s’est arrêté à Nantes (Québec) au point milliaire 7,40 de la subdivision de Sherbrooke, point désigné de relève des équipes de la MMA. Le train, formé de 5 locomotives en tête, 1 fourgon VB (fourgon de queue spécial), 1 wagon couvert et 72 wagons-citernes de catégorie 111 transportant du pétrole brut (ONU 1267, classe 3), a ensuite été immobilisé sur la voie principale et laissé sans surveillance, dans une pente descendante.
Peu avant 1 h le 6 juillet 2013, le train laissé sans surveillance a commencé à se déplacer et a gagné de la vitesse en dérivant dans la pente en direction de la ville de Lac-Mégantic (Québec). Après avoir atteint une vitesse de 65 mi/h, 63 wagons-citernes de catégorie 111 sans chemise et un wagon couvert ont déraillé près du centre-ville. Les wagons déraillés ont déversé quelque 5,98 millions de litres de produit en raison des dommages subis par les wagons-citernes. Le produit déversé s’est enflammé presque immédiatement, provoquant un grand feu en nappe qui a brûlé pendant plus d’une journée. Quarante-sept personnes ont subi des blessures mortelles.
Un grand nombre de bâtiments et de véhicules ainsi que la voie ferrée ont été détruits. Quelque 2000 personnes ont été évacuées de la zone environnante.
Dans le cadre de son enquête sur l’accident à Lac-MéganticNote de bas de page 47, le BST a fait ressortir les vulnérabilités des wagons-citernes de catégorie 111 et a recommandé que
[l]e ministère des Transports et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration exigent que tous les wagons-citernes de catégorie 111 affectés au transport de liquides inflammables soient conformes à des normes de protection renforcées qui réduisent considérablement le risque de déversement de produit lorsque ces wagons sont mis en cause dans des accidents.
Recommandation R14-01 du BST
1.23.1.1 Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation R14-01 (mars 2021)
Dans le cadre de son mandat, le BST formule des recommandations visant à réduire ou éliminer les lacunes de sécurité qui présentent des risques importants pour le système de transport et qui exigent l’attention des organismes de réglementation et de l’industrie. Le Bureau évalue les réponses aux recommandations en fonction du degré auquel elles permettent de corriger les lacunes de sécurité sous-jacentes. Une fois que les réponses sont jugées Entièrement satisfaisantes, les recommandations sont closes. Le BST surveille continuellement les progrès accomplis à l’égard de ses recommandations.
Depuis qu’il a formulé la recommandation R14-01 demandant des normes de protection renforcées pour les wagons-citernes de catégorie 111, le Bureau a surveillé et évalué annuellement les réponses de l’industrie.
Par suite de cette recommandation, le secteur ferroviaire et les organismes de réglementation d’Amérique du Nord ont élaboré et instauré une nouvelle norme sur les wagons-citernes (TC/DOT 117J) ainsi que des exigences de mise à niveau pour les wagons-citernes de catégorie 111 plus anciens transportant des liquides inflammables (TC/DOT 117R), et ils ont adopté un calendrier de mise en œuvre pour la modernisation du parc de wagons-citernes utilisés pour le transport de liquides inflammables.
Depuis le 1er mars 2018, l’utilisation des anciens wagons-citernes de catégorie 111 pour le transport du pétrole brut est interdite au Canada et aux États-Unis.
TC a évalué la résistance aux impacts des wagons-citernes neufs (117J) et modernisés (117R) de catégorie 117 dans des déraillements récents en voie principale. Selon TC, l’amélioration des caractéristiques de conception du matériel de service des wagons-citernes de catégorie 117 réduit considérablement le risque de déversement de marchandises dangereuses par les raccords supérieurs et les robinets de déchargement par le bas, et le système de protection thermique augmente la capacité de survie des wagons-citernes en cas d’incendie.
En collaboration avec la Federal Railroad Administration, TC a également participé à la modélisation de déraillements de trains complets. Selon TC, les résultats de ces modélisations démontrent que la performance des wagons-citernes de la spécification 117J est considérablement améliorée par rapport aux wagons-citernes de catégorie 111. TC a indiqué que la recherche par modélisation se poursuivra pour évaluer la performance des wagons-citernes de la spécification 117R.
TC continue d’assurer le suivi des progrès accomplis dans le secteur quant à la modification des wagons-citernes et au respect du calendrier de retrait progressif. TC a indiqué que le secteur respecte les délais d’élimination progressive qui ont été fixés et qu’il produit de nouveaux wagons-citernes 117J et des wagons-citernes 117R modernisés à un rythme suffisant pour respecter le calendrier d’élimination progressive avant l’échéance de 2025 au Canada.
D’ici la pleine mise en œuvre de la nouvelle norme en matière de wagons-citernes transportant des liquides inflammables, TC continue d’améliorer les mesures de contrôle des risques pour les trains transportant de grandes quantités de liquides inflammables. Ces mesures comprennent des réductions de vitesse, des mesures additionnelles de sécurité des voies et des restrictions d’exploitation propres aux trains clés à risque élevé.
Le Bureau a pris acte de la mise en œuvre par TC de mesures de contrôle des risques améliorées pour les trains transportant de grandes quantités de liquides inflammables. Le Bureau a constaté qu’un calendrier bien défini d’élimination progressive des wagons-citernes plus anciens était en place et que TC surveillait les progrès de l’industrie à cet égard. Le tout permettra de faire en sorte que d’ici le 1er mai 2025, au Canada, tous les liquides inflammables soient transportés dans des wagons-citernes de catégorie 117.
Le Bureau a également pris acte des efforts continus de TC pour caractériser et évaluer la résistance aux impacts des wagons-citernes de catégorie 117 ayant subi des accidents. Le Bureau a constaté que des enquêtes en cours du BST (R19W0050 et R19W0320) évalueront la performance des wagons-citernes de catégorie 117 dans des accidents ferroviaires et le risque de perte de produit qui en découle. Jusqu’à ce que les résultats de ces évaluations soient connus, le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation R14-01 dénotait une intention satisfaisante Note de bas de page 48.
1.23.1.2 Réévaluation par le BST de la réponse de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration à la recommandation R14-01 (mars 2021)
Depuis 2017, aux États-Unis, le Bureau of Transportation Statistics et la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration (PHMSA) produisent un rapport annuel qui fait état des progrès de l’industrie. Le plus récent rapport annuel, présenté au Congrès américain en septembre 2020, décrit les progrès réalisés quant à la mise à niveau des wagons-citernes de 2013 à 2019, indiqués par type de wagon-citerne et par type de liquide inflammable. Le prochain rapport annuel est attendu à l’automne 2021.
À la fin de 2019, les wagons-citernes DOT-117 neufs et modernisés représentaient près de la moitié du parc de wagons-citernes transportant des liquides inflammables de classe 3. En 2019, la moitié des nouveaux wagons-citernes DOT-117 transportaient du pétrole brut et 65 % des wagons-citernes DOT-117 modernisés transportaient soit du pétrole brut ou de l’éthanol. La PHMSA a indiqué que les wagons-citernes DOT-117 continueront de constituer une part croissante du parc de wagons-citernes pour atteindre l’objectif de sécurité d’ici 2029.
Le Bureau a pris acte des efforts de la PHMSA en ce qui concerne la collecte des renseignements sur la modification des wagons-citernes et la présentation de rapports annuels. Le Bureau a constaté qu’un calendrier bien défini d’élimination progressive des wagons-citernes plus anciens était en place et que la PHMSA surveillait les progrès de l’industrie à cet égard. Le tout permettra de faire en sorte que d’ici le 1er mai 2029, aux États-Unis, tous les liquides inflammables soient transportés dans des wagons-citernes plus robustes de catégorie 117.
Par conséquent, le BST a estimé que la réponse de la PHMSA à la recommandation R14-01 dénotait une intention satisfaisante Note de bas de page 49.
1.23.2 Déraillement de Gladwick et recommandation liée aux itinéraires clés
Le 14 février 2015 vers 23 h 35, heure normale de l’Est, le train-bloc de pétrole brut U70451-10 du CN circulait vers l’est à environ 38 mi/h dans la subdivision de Ruel lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est produit au point milliaire 111,7, à Gladwick (Ontario) Note de bas de page 50. Une inspection subséquente a permis de constater que les wagons 7 à 35 (au total 29 wagons-citernes de marchandises dangereuses) avaient déraillé. Sur les 29 wagons-citernes ayant déraillé, 19 avaient subi des brèches et environ 1,7 million de litres de produit avaient été rejetés dans l’atmosphère ou au sol. Le produit rejeté s’est enflammé et a brûlé pendant 5 jours. Le déraillement a détruit quelque 900 pieds de voie principale. Il n’y a eu aucune évacuation ni aucun blessé.
L’enquête a permis de déterminer que le déraillement s’est produit lorsqu’un joint isolant du rail sud, au point milliaire 111,7, s’est rompu sous la tête du train. La roue L4 du bogie arrière du 8e wagon est alors tombée entre les rails, ce qui a causé un surécartement des rails et le déraillement des wagons suivants.
Tous les wagons-citernes dans l’accident étaient de catégorie 111 et étaient conformes à la norme CPC-1232 de l’Association of American Railroads (AAR) Note de bas de page 51. Toutefois, seuls 2 wagons-citernes étaient munis de chemises, de calorifuge et de boucliers protecteurs complets, alors que les 27 autres wagons-citernes étaient dépourvus de chemises et étaient munis de demi-boucliers protecteurs.
Selon le rapport d’enquête, TC avait constaté le rôle que jouent la vitesse et le profil de risques d’un train dans la gravité d’un déraillement et avait mis en place certaines mesures pour limiter la vitesse des trains clés dans certaines conditions. Le RTC limite la vitesse maximale des trains clés à 50 mi/h sur les voies principales et à 40 mi/h à l’intérieur du noyau et du noyau secondaire des régions métropolitaines de recensement. Bien que les limitations imposées selon ce règlement constituaient à l’époque un net progrès, les vitesses maximales actuelles ont été fixées sans être validées par des analyses d’ingénierie.
Par conséquent, le BST a recommandé que
le ministère des Transports mène une étude sur les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements mettant en cause des marchandises dangereuses, détermine des stratégies d’atténuation appropriées, y compris les vitesses de trains propres à divers profils de risques de trains, et modifie en conséquence le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés.
Recommandation R17-01 du BST
1.23.2.1 Réévaluation par le BST de la réponse de Transports Canada à la recommandation R17-01 (mars 2021)
Depuis qu’il a formulé la recommandation R17-01, qui demande la tenue d’une étude sur les facteurs qui influent sur la gravité des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses et la modification du RTC, le Bureau a surveillé et évalué annuellement les réponses de TC Note de bas de page 52.
Le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) a achevé son rapport intitulé Études sur les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements qui mettent en cause des marchandises dangereuses, et établissement de mesures d’atténuation, et TC l’a rendu public en septembre 2020 Note de bas de page 53. À la lumière de cette étude, TC a émis plusieurs arrêtés ministériels visant à réduire la probabilité et la gravité de déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses et à améliorer la sécurité ferroviaire au Canada.
Plus précisément, l’arrêté 20-06 exigeait des compagnies de chemin de fer qu’elles mettent à jour le RTC, qui régit l’acheminement de marchandises dangereuses par train au Canada. Après l’émission des arrêtés ministériels, l’Association des chemins de fer du Canada, au nom de l’industrie, a soumis le RTC révisé à TC le 24 décembre 2020.
La mise à jour du Règlement vise à appliquer de manière permanente les mesures suivantes :
- nouvelle définition de « train clé à risque élevé »;
- obligation pour les compagnies de chemin de fer d’avoir un plan d’atténuation des risques pour les activités hivernales;
- modification des restrictions de vitesse par temps froid pour les trains à risque élevé;
- nouvelles exigences liées à l’inspection et à l’entretien des voies (p. ex., la gestion des joints installés à l’aide d’éclisses dans les LRS et l’utilisation de rails de raccord de rechange).
Le 22 février 2021, TC a approuvé le RTC révisé, qui entrerait en vigueur le 22 août 2021.
En réponse à la recommandation R17-01 du BST, TC a commandé au CNRC le rapport intitulé : Étude sur les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements qui mettent en cause des marchandises dangereuses, et établissement de mesures d’atténuation. L’étude du CNRC a été achevée et rendue publique en septembre 2020. Le 22 février 2021, TC a également approuvé le RTC révisé, qui entrerait en vigueur le 22 août 2021. Étant donné que ces deux mesures ont été mises en œuvre, la recommandation R17-01 du BST a été respectée.
Le Bureau a estimé que la réponse à la recommandation R17-01 dénotait une attention entièrement satisfaisante.
1.23.3 Déraillement de Gogama et entretien de la voie
Le 7 mars 2015, à 2 h 42, heure normale de l’Est, le train-bloc de pétrole brut U70451-02 du CN circulait vers l’est à environ 43 mi/h dans la subdivision de Ruel lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est produit au point milliaire 88,70, près de Gogama (Ontario) Note de bas de page 54. Une inspection subséquente a permis de constater que les wagons 6 à 44 (39 wagons au total) avaient déraillé. Par suite du déraillement, 33 des 39 wagons (85 %) ont subi une brèche et environ 2,6 millions de litres de pétrole brut (ONU 1267) ont été rejetés dans l’atmosphère, dans l’eau ou au sol. Le produit rejeté s’est enflammé et a causé des explosions, et du produit s’est écoulé dans la rivière Makami située à proximité. Le déraillement a détruit le pont du CN enjambant cette rivière (au point milliaire 88,70) et quelque 1000 pieds de voie. Il n’y a eu aucune évacuation ni aucun blessé.
Tous les wagons-citernes accidentés étaient de catégorie 111 et étaient conformes à la norme CPC-1232. Toutefois, seuls 4 wagons-citernes étaient munis de chemises, de calorifuge et de boucliers protecteurs complets, alors que les 35 autres wagons-citernes étaient dépourvus de chemises et étaient munis de demi-boucliers protecteurs.
L’enquête a révélé qu’avant l’arrivée du train, une section de 16 pouces du champignon du rail sud d’origine s’était rompue en raison d’une fissuration verticale du champignon dans le joint est d’une récente réparation avec unrail de raccord, ce qui a créé une brèche dans le rail sud. Le déraillement s’est produit lorsque le rail sud a subi une rupture catastrophique au passage du train; cette rupture a causé le déraillement des 39 wagons-citernes, qui étaient chargés de pétrole brut.
Par suite du déraillement, le CN a augmenté de 10 millions de dollars à 20 millions de dollars ses investissements en rails, en traverses et en nivellement pour 2015, dans le cadre d’un programme d’immobilisations en entretien de la voie qui s’est déroulé au printemps et à l’été. Environ 44 milles de nouveaux rails ont été posés, et 216 milles de voie ont été renivelés. On a procédé à la remise à l’écartement d’environ 30 milles de voie à l’aide de chevilles en bois ou d’isolateurs en béton. En outre, 773 soudures en bout ont été réalisées pour éliminer des joints et environ 37 000 traverses en béton ou en bois ont été installées.
Depuis le déraillement et l’entretien subséquent de la voie par le CN dans la subdivision de Ruel, seuls 2 déraillements en voie principale se sont produits dans la subdivision. Dans les 2 cas, 1 seul wagon a déraillé et aucune marchandise dangereuse n’était en cause.
1.24 Étude du Conseil national de recherches du Canada sur les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses
L’étude du CNRCNote de bas de page 55 visait à établir les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses, à déterminer des stratégies d’atténuation appropriées pour divers profils de risques de trains et à examiner la possibilité de modifier le RTC. Les facteurs généralement consignés et suivis dans les rapports d’accident au Canada et aux États-Unis ont été utilisés dans l’étude pour catégoriser la gravité d’un déraillement.
Dans le cadre de l’étude, le CNRC a examiné le RTC et a abordé la manière dont ce règlement pouvait permettre de gérer et de minimiser les risques associés à la vitesse des trains, au type de train (trains transportant des marchandises dangereuses par rapport aux trains qui n’en transportent pas) et à l’état des voies. La documentation analysée pour l’étude a permis de cerner et d’éclairer les facteurs qui contribuent à la gravité d’un déraillement. Ces facteurs comprenaient les effets de la vitesse des trains, du type de train, de la cause du déraillement et d’autres facteurs. L’analyse documentaire a aussi permis de repérer des stratégies d’atténuation possibles à l’égard de ces facteurs.
L’étude a permis de constater qu’il existe une relation complexe entre la vitesse du train, sa longueur, la cause de l’accident et d’autres facteurs qui influent sur la gravité d’un déraillement. Il existe une relation linéaire apparente entre le nombre de wagons déraillés et la vitesse lors d’un accident. Cependant, certains déraillements à grande vitesse font dérailler peu de wagons et certains déraillements à faible vitesse font dérailler beaucoup de wagons, de sorte que la vitesse n’est pas le seul facteur déterminant.
L’étude a permis d’établir qu’il est possible de mettre en œuvre des stratégies d’atténuation pour divers profils de risques de trains. La formation des trains a également été étudiée comme méthode possible pour réduire le risque lié au transport de marchandises dangereuses, l’opinion dominante au sein de l’industrie étant que le dernier quart ou dernier tiers d’un train est peut-être l’endroit le plus sûr où placer des wagons ou un lot de wagons de marchandises dangereuses.
Divers profils de risques de trains ont été cernés et comparés aux à ceux de trains-blocs de marchandises dangereuses, et intégraient des données sur en examinant la façon dont les résultats de déraillements peuvent différer selon les différents profils de risques, les trains-blocs transportant des marchandises dangereuses ayant le profil de risques le plus élevé. Cinq types de profils de risques de trains ont été cernés :
- train sans wagon de marchandises dangereuses;
- train qui n’est pas clé comportant 19 wagons de marchandises dangereuses ou moins;
- train clé comportant 20 wagons de marchandises dangereuses ou plus;
- train clé comprenant 1 wagon-citerne chargé de gaz toxiques ou autres produits toxiques à l’inhalation (TIH);
- train-bloc constitué entièrement de wagons de marchandises dangereuses, tels que des wagons-citernes transportant du pétrole brut.
À mesure que la vitesse augmentait, les déraillements causés par des ruptures de rails, de soudures ou d’éclisses donnaient lieu à des accidents plus graves que les autres causes d’accident. Par exemple, à 50 mi/h, les accidents causés par des ruptures de rails faisaient dérailler en moyenne deux fois plus de wagons que les autres causes de déraillement.
Les déraillements causés par des ruptures de rails ou de soudures (c.-à-d. des discontinuités imprévues du rail) étaient beaucoup plus fréquents et faisaient dérailler davantage de wagons par accident pour une vitesse donnée que les accidents causés par des roues brisées, des ruptures de roulements à rouleaux ou des défauts de géométrie de la voie.
Les trains-blocs chargés (y compris les trains-blocs qui ne sont pas des trains clés) comptaient un plus grand nombre de wagons déraillés et représentaient un pourcentage plus élevé des accidents causés par des ruptures de rails ou de soudures que les trains-blocs dont tous les wagons étaient vides.
Les conditions saisonnières ne peuvent pas être contrôlées. Toutefois, il existe des stratégies d’atténuation pour compenser l’augmentation du risque due à ces conditions. Ces stratégies d’atténuation des risques comprennent les réductions de vitesse, telles qu’elles sont actuellement pratiquées par les compagnies de chemin de fer par temps froid, et l’augmentation de la fréquence de l’entretien et des inspections des voies et des wagons.
Il a été démontré qu’une meilleure conception de la structure des wagons-citernes réduit la probabilité d’un déversement de marchandises dangereuses et la gravité potentielle d’un accident. Bien que des conceptions améliorées puissent réduire la probabilité de déversement de marchandises dangereuses, le risque qu’un wagon-citerne soit perforé et déverse du produit est présent dans tout déraillement si la vitesse est suffisamment élevée. L’amélioration de la conception des wagons-citernes ne réduit pas non plus la probabilité d’un déraillement, ni le nombre de wagons qui déraillent.
Un examen du RTC a permis de constater que ses dispositions peuvent être améliorées pour tenir compte des processus de réparation et d’entretien de la voie des compagnies de chemin de fer au Canada. L’étude a permis de conclure que les articles 5.3 et 5.4 du RTC portant sur les éclisses devraient prévoir une procédure pour l’installation temporaire et l’inspection d’éclisses et de rails de raccorden territoire à LRS, et que la procédure devrait préciser la fréquence à laquelle l’éclisse ou le rail de raccord temporaire sera inspecté jusqu’à ce que le rail soit réparé de façon permanente. De plus, l’étude recommande que la fréquence des inspections soit liée au volume de trafic et à la présence de trains clés.
Le RTC impose des limites de vitesse des trains en fonction de l’endroit de l’itinéraire, des défauts de roulement de roue, de la catégorie de voie et du type de marchandises transportées, mais ne formule aucune préférence ou recommandation en ce qui concerne les aspects suivants :
- stratégie relative à la formation des trains étant entendu que le placement des wagons de marchandises dangereuses dans les trains est à la discrétion des compagnies de chemin de fer tant qu’elles respectent les règles, les lignes directrices et les pratiques recommandées de l’AAR et des compagnies de chemin de fer, ainsi que les règlements établis par TC en ce qui concerne le transport de marchandises dangereuses;
- limites quant à la longueur ou au poids (tonnage) des trains clés;
- limites quant à la longueur, au poids ou à la vitesse des trains-blocs transportant des marchandises dangereuses. Malgré leur profil de risques plus élevé, les trains-blocs dont tous les wagons sont chargés de marchandises dangereuses sont assujettis aux mêmes règles que les autres trains clés, dont le convoi peut ne comprendre qu’un seul wagon transportant des produits de classe 2.3 (gaz toxiques) ou un produit toxique à l’inhalation (TIH);
- exigences plus strictes en ce qui concerne l’expérience des conducteurs de train ou d’autres questions relatives aux facteurs humains qui pourraient avoir un effet sur la fréquence ou la gravité des déraillements.
L’étude a fait un résumé des facteurs influant sur la gravité des déraillements et a proposé des stratégies d’atténuation. L’application de ces stratégies aux profils de risques cernés par le BST dans le rapport GladwickNote de bas de page 56 a été présentée comme un ensemble de stratégies d’atténuation modèles ou hypothétiques. Les stratégies d’atténuation modèles comprenaient une combinaison d’inspections et de réparations accrues des défauts de rail et de la géométrie de la voie, d’inspections et de réparations accrues des wagons et des locomotives, de réductions de la vitesse des trains et d’améliorations des facteurs humains, comme l’exigence d’une formation plus poussée ou d’une plus grande expérience de travail pour l’exploitation de trains clés ayant un pourcentage important de wagons de marchandises dangereuses.
La documentation examinée dans le cadre de l’étude étayait les stratégies d’atténuation des risques suggérées. L’étude a établi que l’augmentation du risque global qui se produit à mesure que le nombre de wagons de marchandises dangereuses dans un train clé augmente (de 1 wagon de marchandises dangereuses jusqu’à un train-bloc dont tous les wagons-citernes sont chargés de marchandises dangereuses) pourrait être contrée par un niveau croissant d’exigences liées aux voies, au matériel et aux facteurs humains.
Bien que l’élimination complète de tous les déraillements, quelle qu’en soit la cause, ne soit peut être pas possible, des mesures peuvent être mises en place pour minimiser la probabilité d’un déraillement et réduire la gravité des conséquences, sans grandes répercussions sur les activités d’exploitation ferroviaire.
1.25 Renseignements sur les wagons-citernes
Dans le passé, plusieurs types de wagons-citernes affectés au transport des marchandises dangereuses ont été utilisés pour transporter des liquides inflammables de classe 3. Les anciens wagons-citernes de catégorie 111 avec ou sans chemise qui ont été commandés avant le 1er octobre 2011 ont été construits conformément aux anciennes normes pour la catégorie TC/DOT 111. Depuis le 1er novembre 2016, ces wagons-citernes de catégorie 111 ne sont plus autorisés pour le transport de produits pétroliers non raffinés au Canada.
Les wagons-citernes de catégorie 111 construits entre 2011 et 2015 et affectés au transport du pétrole brut et de l’éthanol, qui sont des liquides inflammables de classe 3 des groupes d’emballage I et II, doivent être conformes à la norme CPC-1232 de l’AARNote de bas de page 57. La norme TP 14877 FNote de bas de page 58 de TC énonce les spécifications correspondantes. Ces wagons-citernes sont généralement appelés « wagons-citernes de classe 111 renforcés » ou « wagons-citernes CPC-1232 », et ils peuvent continuer de servir au transport de pétrole brut jusqu’au 1er mai 2025 à condition d’être dotés d’une chemise.
Certains wagons-citernes de catégorie 111 ont été modifiés par l’ajout d’une chemise, de calorifuge et de boucliers protecteurs complets ainsi que par le réaménagement des robinets de déchargement par le bas afin de respecter la norme TC/DOT 117R pour les wagons-citernes.
Les wagons-citernes utilisés pour le transport des liquides inflammables de classe 3 construits le 1er octobre 2015 ou après cette date doivent respecter la nouvelle norme TC/DOT 117J.
1.25.1 Exigences relatives au matériau
Selon les normes pour les wagons-citernes de catégorie 111 d’ancienne génération munis ou non d’une chemise, la coque et la tête de ces wagons-citernes pouvaient être fabriquées en tôle d’acier au carbone AAR TC128 de nuance B ou ASTM (American Society for Testing and Materials) A516 de nuance 70, sans qu’il soit exigé d’utiliser de l’acier normaliséNote de bas de page 59.
En règle générale, la norme CPC-1232 pour les wagons-citernes de catégorie 111 et la nouvelle norme TC/DOT 117JNote de bas de page 60 exigent que la coque et la tête des wagons-citernes soient faites d’acier normalisé plus épais pouvant mieux résister à la perforation et à la déformation. L’utilisation d’acier normaliséNote de bas de page 61 améliore la ductilité et la ténacité du matériau, assurant aux wagons-citernes une meilleure résistance à la rupture, par comparaison avec l’acier non normalisé utilisé pour les anciens wagons-citernes de catégorie 111.
1.25.2 Éléments et accessoires
Les wagons-citernes sont conçus avec divers éléments et accessoires pour le chargement et le déchargement et pour la protection contre les déversements de produit en cas de déraillement (figure 16).
1.25.2.1 Boucliers protecteurs
Les boucliers protecteurs protègent la tête du wagon-citerne des perforations. Ils doivent être faits de plaques d’acier pour structure ou réservoir sous pression, dont l’épaisseur est supérieure ou égale à 12,7 mm (½ pouce). Les boucliers protecteurs de demi-hauteur recouvrent au moins la moitié inférieure de la tête de la citerne. Les boucliers protecteurs complets recouvrent toute la tête de la citerne et sont exigés pour les wagons-citernes TC/DOT 117R et 117J. Les wagons-citernes de catégorie 111 munis d’une chemise et construits selon la norme CPC-1232 sont aussi, en général, munis d’un bouclier protecteur complet.
1.25.2.2 Accessoires soudés et plaques de renfort
La norme M-1001 du Manual of Standards and Recommended Practices de l’AAR précise ce qui suit à propos des wagons-citernes [traduction] : « Les soudures joignant la longrine à la plaque de renfort doivent avoir une surface de gorge totale qui ne dépasse pas 85 % de la surface de gorge totale des soudures joignant la plaque de renfort à la citerne Note de bas de page 62. »
Pour éviter de souder les accessoires directement à la citerne et minimiser les risques de rupture de la coque ou de la tête de la citerne, des plaques de renfort sont soudées à la citerne. Les accessoires des wagons-citernes, comme les longrines tronquées, sont ensuite soudés aux plaques de renfort plutôt que directement sur la citerne. Les soudures fixant les plaques de renfort à la tête de la citerne sont à dessein plus résistantes que celles fixant la longrine tronquée à la plaque de renfort. Ainsi, si une charge excessive était appliquée sur la longrine et que les soudures devaient rompre, la longrine se détacherait de la plaque de renfort, et celle-ci demeurerait fixée à la tête de la citerne. Cela minimise les risques qu’une fissure se propage de la soudure entre la plaque de renfort et la tête de citerne jusque dans la tête elle-même, et perfore la citerne.
1.25.2.3 Protection des raccords supérieurs
La protection des raccords supérieurs est assurée par une enceinte protectrice conforme à la disposition 10.5.3.1 de la norme TP 14877Note de bas de page 63. L’enceinte protectrice renferme le matériel de service sur la coque supérieure (robinets, accessoires) et le dispositif de décharge de pression pour assurer une protection contre les renversements et les charges horizontales accidentelles.
1.25.2.4 Wagons-citernes munis d’une chemise, d’un calorifuge et d’une protection thermique
Les chemises des wagons-citernes recouvrent la coque, la tête et le calorifuge des citernes, et elles doivent être résistantes aux intempéries. Elles doivent être faites d’acier ASTM 1011 (ou l’équivalent) d’une épaisseur supérieure ou égale à 3 mm.
Les wagons-citernes de catégorie 117R et 117J doivent être munis d’une chemise et d’un calorifuge. Le système de calorifugeage ou de protection thermique doit satisfaire à des normes de performance. Ainsi, un wagon-citerne muni d’un calorifuge ou d’une protection thermique doit pouvoir résister à un feu en nappe pendant 100 minutes et à des projections de flammes directes (feu de torche) pendant 30 minutes, sans perdre de chargement autrement que par un dispositif de décharge de pression.
1.25.2.5 Robinet de déchargement par le bas et protection en cas de glissement
Les wagons-citernes doivent également être munis d’un dispositif approuvé de protection en cas de glissement pour protéger les accessoires du bas qui dépassent la coque, comme le robinet de déchargement par le bas. La norme TP 14877 et l’AAR exigent que les poignées du robinet de déchargement par le bas, à moins qu’elles ne soient rangées séparément, soient conçues pour plier, se détacher ou être protégées en cas d’impact sans que le robinet s’ouvre, ou soient conçues de sorte que toute la poignée soit située dans la structure de protection des discontinuités de fondNote de bas de page 64,Note de bas de page 65.
Tous les wagons-citernes TC/DOT 117R modifiés le 1er juillet 2015 ou après cette date et tous les nouveaux wagons-citernes 117J doivent satisfaire aux exigences plus récentes en ce qui concerne la configuration des robinets de déchargement par le bas pour prévenir toute ouverture intempestive en cas de déraillementNote de bas de page 66.
1.26 Examen des wagons-citernes déraillés effectué sur place par le BST
Au cours de la remise en état des lieux de déraillements de wagons-citernes contenant des marchandises dangereuses, les wagons-citernes ayant déraillé sont déplacés soit pour libérer la voie, soit pour les orienter de manière à minimiser le déversement de produit, soit pour en retirer tout produit restant. Pour ce faire, les longrines tronquées et les enceintes des raccords supérieurs des wagons-citernes sont souvent utilisées pour déplacer les wagons, ce qui peut endommager considérablement les longrines et les enceintes. Par conséquent, il est parfois difficile de distinguer les dommages causés par le déraillement de ceux causés pendant la remise en état des lieux. Malgré ces difficultés, tous les efforts ont été déployés pour bien caractériser les dommages constatés sur les wagons-citernes qui ont été causés par l’accident.
Dans l’événement à l’étude, tous les wagons-citernes avaient été construits pour leur propriétaire actuel, Valero Energy Corporation (Valero), et cette entreprise était également l’expéditeur et le destinataire du produit. Les wagons-citernes ont été construits entre 2013 et 2014 par Trinity Tank Car Inc. conformément à la norme américaine DOT 111A100W1, et ils respectaient la norme CPC-1232 de l’industrie. Les wagons ont plus tard été modernisés pour satisfaire à la norme DOT 117R et marqués de nouveau au pochoir pour l’indiquer. Il s’agit du premier déraillement majeur au Canada comportant un déversement de pétrole brut provenant d’un grand nombre de wagons-citernes de catégorie 117R.
En tout, 37 wagons-citernes de catégorie 117R, occupant les positions 5 à 41 derrière les locomotives de tête, ont déraillé. Les 5e et 6e wagons-citernes sont demeurés sur leur roues et ne présentaient pas de dommages ou de fuites visibles. Les 35 autres wagons-citernes (de la 7e à la 41e position) se sont immobilisés dans diverses positions, empilés sur une distance d’environ 300 à 400 pieds. Ces 35 wagons-citernes ont tous subi des dommages attribuables aux chocs durant le déraillement. En raison de dommages à la coque et à la tête des citernes, aux robinets de déchargement par le bas, aux trous d’homme et aux enceintes protectrices, 17 des 35 wagons ont subi une brèche. L’examen sur place a porté plus spécialement sur les 35 wagons-citernes déraillés.
1.26.1 Observations concernant la zone de déraillement
L’examen de déraillements antérieurs de wagons-citernesNote de bas de page 67,Note de bas de page 68,Note de bas de page 69 montre que lorsqu’un train-bloc transportant du pétrole brut déraille, la zone de déraillement compte généralement 3 parties principales :
- La 1re partie est celle où les wagons-citernes déraillent en tête de train ou dans la portion menante du déraillement et se dispersent généralement de façon aléatoire. Cette partie comprend les wagons occupant les positions 7 à 15 dans l’accident.
- La 2e partie est la partie principale du déraillement. Il s’agit de la partie où, en général, des wagons-citernes se mettent en portefeuille, s’immobilisent côte à côte ou s’empilent. Cette partie comprend les wagons occupant les positions 16 à 34 dans l’accident.
- La 3e partie se situe en queue du déraillement. Un peu comme dans la première partie, les wagons-citernes restants qui déraillent dans cette partie se dispersent généralement de façon aléatoire, sans s’empiler. Cette partie comprend les wagons occupant les positions 35 à 41 dans l’accident.
Différents types de dommages, pouvant varier sur le plan de la gravité et de la quantité de produit déversé, ont été constatés dans chacune des 3 parties de la zone de déraillement (figure 17). Les raisons qui expliquent l’étendue des dommages subis par chaque wagon-citerne déraillé varient, mais les facteurs principaux sont la vitesse du train au moment du déraillement, la taille de la zone de déraillement, la topographie de la zone de déraillement et les conditions météorologiques au moment du déraillement. Les observations suivantes sont considérées comme étant typiques de chaque partie d’une zone de déraillement et permettent d’expliquer les forces dynamiques agissant sur les wagons-citernes durant un déraillement.
1.26.1.1 Première partie du déraillement
Les wagons-citernes dans la première partie du déraillement se trouvent souvent à une certaine distance de la partie principale du déraillement. Pendant un déraillement, la caisse des wagons se sépare souvent de ses bogies. Lorsqu’un wagon se sépare de ses bogies, il glisse jusqu’à ce que des obstacles ralentissent sa course. L’élan du wagon-citerne peut habituellement être réduit soit par la friction avec le sol, soit par le contact avec des obstacles. Souvent, la coque des wagons dans cette partie conserve une excellente intégrité durant le déraillement. Habituellement, les citernes sont moins déformées et les bosses et brèches causées par l’impact sont plus petites.
Les composants fixés à l’extérieur de ces wagons-citernes subissent habituellement des dommages attribuables aux chocs lorsque les citernes se renversent en glissant sur le sol. Au fil des ans, la conception des accessoires des wagons-citernes, comme le robinet de déchargement par le bas et les raccords supérieurs, a été modifiée pour qu’ils soient protégés contre ce type de dommages. Le volume de produit déversé est habituellement moins important dans la partie initiale du déraillement que dans la partie principale.
Des 9 wagons dans la partie initiale du déraillement (de la 7e à la 15e position), 4 ont subi des brèches (44 %). On a relevé 2 brèches du trou d’homme, 1 brèche en tête de citerne et 1 brèche de coque. Seule l’unique brèche de tête a entraîné le déversement d’une importante quantité de produit (plus de 20 000 litres).
1.26.1.2 Partie principale du déraillement
Les wagons-citernes situés dans la partie principale du déraillement subissent généralement la majeure partie des brèches et des pertes de produit. Cela peut s’expliquer par les importantes forces dynamiques auxquelles les wagons-citernes sont soumis dans cette partie. Le premier wagon de cette partie agit comme un point d’ancrage, habituellement sur l’assiette des rails, et il ralentit ou arrête la progression des wagons-citernes suivants qui déraillent. Les forces d’impact attribuables à l’élan des wagons-citernes suivants imposent de fortes charges aux wagons-citernes déraillés qui se sont immobilisés et entraînent souvent d’importantes déformations ou perforations des citernes. Cela se poursuit jusqu’à ce que les wagons-citernes s’immobilisent.
Des 19 wagons se trouvant dans la deuxième partie, ou partie principale, de la zone de déraillement (de la 16e à la 34e position), 11 wagons ont subi une brèche (58 %), et certains en ont subi plusieurs. On a dénombré 8 brèches de coque, 2 brèches de tête, 2 brèches des raccords supérieurs et 1 brèche de trou d’homme. Sept des 8 brèches de coque ont donné lieu au déversement d’une importante quantité de produit (plus de 20 000 litres).
1.26.1.3 Queue du déraillement
Pour les wagons-citernes situés en queue du déraillement, les dommages et les quantités de produit déversées peuvent varier considérablement.
Lorsque les wagons déraillent dans la partie principale du déraillement, l’énergie est dissipée lors des chocs et diffusée par la longrine tronquée jusqu’à ce que les wagons-citernes se séparent. Ces chocs et la diminution de vitesse des wagons-citernes suivants réduisent les forces d’impact, ce qui diminue généralement les dommages aux wagons-citernes et la quantité de produit perdue. Cependant, les wagons-citernes en queue du déraillement rencontrent généralement sur leur passage d’autres composants de matériel roulant déraillé, comme des attelages, des traverses danseuses, des longerons de bogie et des essieux montés, qui peuvent percer une citerne et provoquer un déversement de produit.
Si la partie principale du déraillement s’immobilise relativement rapidement, la masse du train restante (c’est-à-dire les wagons suivants) entre dans la zone du déraillement à une vitesse plus élevée, ce qui provoque des dommages plus importants non seulement aux wagons déraillés dans la partie principale, mais aussi aux wagons en queue du déraillement. Lorsque ce phénomène se produit, les wagons en queue présentent généralement d’importants dommages attribuables aux chocs à la tête ou à la coque, y compris des bosselures ou des perforations, selon leur orientation.
Des 7 wagons situés dans la troisième partie du déraillement, soit en queue du déraillement (de la 35e à la 41e position), 2 ont subi des brèches (29 %), et 1 des 2 en a subi plusieurs. On a constaté 2 brèches de coque et 1 brèche de tête. Les 2 brèches de coque ont provoqué le déversement d’une grande quantité de produit (plus de 20 000 litres).
1.26.2 Brèches des wagons-citernes et produit perdu
Un peu moins de la moitié des 35 wagons-citernes examinés (17 ou 49 %) présentaient une forme de brèche qui avait provoqué une perte de produit. Parmi les wagons ayant subi une brèche, 3 (8 %) comptaient plus d’un type de brèche. Les brèches de coque étaient la cause la plus fréquemment observée de déversement de produit (11 wagons), suivies des brèches de tête attribuables aux collisions (4 wagons). Un déversement de produit en raison d’une brèche de trous d’homme a été observé sur 3 wagons. Finalement, une brèche des raccords supérieurs (1 wagon) a aussi provoqué un déversement de produit. Aucun des dispositifs de décharge de pression ou des robinets de déchargement par le bas n’a subi de brèche. Un résumé des brèches des wagons-citernes survenues lors du présent accident est présenté à l’annexe A.
Parmi les 17 wagons-citernes ayant subi une brèche, 5 ont perdu tout leur chargement, 10 en ont perdu une partie, et 2 n’ont laissé fuir aucune quantité mesurable de produit. La quantité totale de produit déversée par les 17 wagons s’élève à environ 815 000 litres de pétrole brut. Un résumé des volumes de pétrole brut déversés est présenté à l’annexe B.
1.26.3 Coques des wagons-citernes
Les déformations de la coque observées sur les wagons-citernes dans le déraillement à l’étude varient. Certaines coques ont subi des bosselures, des rainures et des rayures mineures, alors que d’autres ont été écrasées ou fortement déformées et ont subi de larges brèches. Les coques de 11 wagons-citernes ont subi une brèche attribuable aux chocs. Parmi ces 11 wagons-citernes, 6 présentaient des perforations ou fissures légères, mesurant moins d’un pied de diamètre ou de longueur, tandis que les 5 autres présentaient de larges brèches de coque de plus de 1 pied de diamètre.
Bon nombre des brèches se présentaient sous la forme de perforations caractéristiques des collisions avec des objets pointus, relativement petits, comme des attelages, des logerons de bogie et des traverses danseuses. Quelques wagons-citernes présentaient des ruptures en raison des importants dommages provoqués par l’écrasement qui survient habituellement lorsque 2 wagons-citernes sont soumis à d’importantes forces d’impact lors d’une collision.
Les brèches de coque ont compté pour un volume estimé de 590 000 litres de produit déversé, soit 62 % du total déversé lors du déraillement. Des 11 brèches de coque, 9 ont occasionné une perte estimée d’environ 55 à 100 % du chargement des wagons. Les brèches de coque ont été un important facteur contributif du déversement de produit pour 6 de ces 9 wagons-citernes.
La majorité des wagons-citernes ayant subi une importante brèche de coque étaient situés dans la partie principale de la zone du déraillement, où les wagons-citernes se sont entrechoqués et entassés les uns sur les autres, ou les uns contre les autres, en s’immobilisant. La plupart de ces wagons-citernes présentaient d’importants gauchissements et écrasements transversaux, ce qui est caractéristique d’un affaissement plastique. Cette observation concorde avec d’autres observations effectuées par le BST dans le passé, c’est-à-dire que lorsqu’il y a une mise en portefeuille et un empilement des wagons-citernes dans la partie principale de la zone de déraillement, d’importantes forces de collision sont générées et contribuent à une forte déformation (affaissement plastique), à de larges brèches et, conséquemment, au déversement d’une importante quantité de produit.
1.26.4 Têtes de citerne et boucliers protecteurs
Tous les wagons-citernes de catégorie 117R dans le présent accident étaient équipés de boucliers protecteurs complets. Des dommages à 1 ou aux 2 têtes de citerne ont été observés sur 32 des 35 wagons-citernes (91 %), tandis que les boucliers protecteurs et les têtes des 3 autres wagons-citernes ne présentaient aucun dommage lié aux collisions. Les brèches de tête ont compté pour un volume estimé de 279 000 litres de produit déversé, soit 34 % du total déversé lors du déraillement.
Les dommages observés sur les têtes de citerne variaient de bosselures relativement mineures à des bosselures profondes accompagnées de perforations qui ont créé une brèche dans la tête de citerne. Deux des brèches de tête de citerne étaient des perforations ou des ruptures dont la dimension variait de quelques pouces à un peu plus de 2 pieds.
Des 32 wagons-citernes dont les têtes ont subi des dommages attribuables aux chocs, seulement 4 présentaient des brèches causées par les dommages attribuables aux chocs. Toutefois, 2 des 4 wagons en question avaient subi des brèches de tête à la fois au bout A et au bout B, pour un total de 6 brèches de tête.
Des 6 têtes de citerne ayant subi une brèche, 3 avaient subi une brèche attribuable aux chocs, 2, une brèche attribuable à la fissuration, et 1, une brèche attribuable à l’écrasement. Les brèches de tête étaient généralement plus petites que les brèches de coque, bien que 1 wagon ait subi une large brèche de tête qui a entraîné la perte totale du produit qu’il contenait.
Toutes les brèches de tête étaient associées à une importante déformation de la tête, ce qui porte à croire que les têtes de citerne ont été soumises à d’importantes forces de collision.
Certaines des brèches émanaient de fissures dans les soudures d’angle qui se sont séparées entre la tête de citerne et la plaque de renfort de bout de citerne de la longrine tronquée. Dans certains cas, la soudure d’angle joignant la cale de bout de citerne à la plaque de renfort de bout de citerne était également fissurée. Ces brèches consistaient en des fissures dans les cordons de soudure qui ont fini par se propager dans la tête des wagons-citernes.
1.26.5 Raccords supérieurs et dispositifs de décharge de pression
Tous les wagons-citernes étaient équipés de raccords supérieurs avec enceinte protectrice, conformément aux exigences de l’AAR pour ce type de wagons. L’enceinte protectrice de 28 des 35 wagons-citernes déraillés avait subi des dommages attribuables aux chocs.
Dans la plupart des cas, les dommages liés aux chocs sur l’enceinte protectrice des raccords supérieurs étaient relativement mineurs. Seul 1 wagon-citerne semblait avoir subi une brèche dans les robinets situés dans l’enceinte protectrice. Dans ce cas, l’enceinte protectrice était manquante, les robinets avaient été cisaillés et le dispositif de décharge de pression avait été endommagé, sans toutefois qu’il y ait de déversement de produit.
1.26.6 Trous d’homme
Les wagons déraillés étaient équipés de couvercles de trou d’homme à charnières et boulonnés. Certains boulons articulés des couvercles de trou d’homme, ou certains trous d’homme en tant que tels, étaient ouverts, et les boulons articulés de 2 couvercles de trou d’homme étaient brisés. On soupçonne toutefois que plusieurs couvercles de trou d’homme ont été ouverts pendant les activités de remise en état des lieux.
Les couvercles de trou d’homme de 21 wagons-citernes étaient fermés, et aucun dommage n’a été observé. Seuls 3 des trous d’homme des wagons-citernes semblaient avoir subi une brèche. Toutefois, 1 des brèches est probablement survenue lors de la remise en état des lieux, puisqu’aucune trace de déversement de produit n’a été relevée autour du trou d’homme lorsque le wagon était sur place. Les 2 autres trous d’homme ayant subi une brèche ont été endommagés par les forces d’impact lors du déraillement, ce qui a donné lieu à une perte estimée de 4 % et de 9 %, respectivement, du volume de produit contenu dans chacun des wagons. La position finale sur ses roues de 1 des wagons-citernes a vraisemblablement contribué à minimiser la quantité de produit déversée. Les 2 brèches de trou d’homme étaient associées à une importante déformation du dessus de la coque des citernes, ce qui indiquait que les wagons-citernes avaient eux aussi subi de violentes forces de collision localisées.
Les brèches de trou d’homme n’ont que faiblement contribué à la quantité totale de produit déversée, et les observations sur les lieux de l’accident ont confirmé que les trous d’homme ont bien résisté lors de l’accident.
En tout, les brèches de trou d’homme et de raccords supérieurs ont provoqué le déversement d’un volume estimé de 33 000 litres, soit 4 % du total de produit déversé en raison des forces d’impact du déraillement.
1.26.7 Robinets de déchargement par le bas
La norme pour les wagons de catégorie 117R exige que le mécanisme de la poignée des robinets de déchargement par le bas soit conçu de façon à empêcher leur ouverture intempestive en cas d’accident d’un wagon-citerne. Les poignées des robinets d’environ 77 % des wagons-citernes déraillés étaient soit endommagées, soit manquantes. Lors de précédents déraillements, cela aurait entraîné l’ouverture accidentelle d’un grand nombre de robinets de déchargement par le bas et un déversement de produit. Bien que plusieurs poignées de robinet de déchargement par le bas aient été endommagées ou étaient manquantes, aucun robinet ne s’est ouvert, et il n’y a eu aucun déversement de produit provenant d’un robinet de déchargement par le bas lors du déraillement.
Le robinet de déchargement par le bas de 19 des 35 wagons a été endommagé, et la protection en cas de glissement des 19 robinets endommagés a subi des dommages liés aux chocs. L’adaptateur du robinet de déchargement par le bas s’est comporté comme prévu à la conception. Il a été cisaillé ou déplacé sur 16 des 19 robinets, ce qui a exposé le tournant sphérique des robinets. Les valves sont restées fermées, et il n’y a pas eu de déversement de produit.
Les dommages qu’ont subis les robinets de déchargement par le bas et la protection en cas de glissement variaient : dans certains cas, la protection en cas de glissement avait subi des dommages mineurs, provoqués par les chocs ou l’écrasement, et dans d’autres, elle avait été déformée ou brisée, et l’adaptateur du robinet de déchargement par le bas avait été cisaillé. La coque de la plupart des wagons-citernes dont le robinet de déchargement par le bas et la protection en cas de glissement ont été endommagés avait également été grandement déformée à cet endroit, ce qui indique que les wagons ont été soumis à d’importantes forces de collision. Les adaptateurs des robinets de déchargement par le bas se sont détachés comme prévu à la conception.
1.26.8 Longrine tronquée
Les exigences de l’AAR sur la fixation des plaques de renfort des longrines tronquées visent à augmenter la probabilité, en cas de surcharge de la longrine, que la séparation se fasse entre la longrine et la plaque de renfort, plutôt que de créer une brèche dans la coque du wagon-citerne.
Trois wagons-citernes présentaient des fissures à la jonction entre la cale de bout de citerne, la plaque de renfort de la longrine tronquée et la tête de citerne. Dans 2 des 3 cas, les fissures s’étendaient jusque dans la tête de citerne, ce qui a créé une brèche. Près des brèches, la tête était grandement déformée, ce qui porte à croire que les wagons ont subi des forces supérieures à ce que prévoyait leur conception. Ces forces pourraient également avoir contribué à la fissuration des soudures. Dans 1 des cas, la longrine tronquée et la plaque de renfort ont été arrachées de la coque et de la tête du wagon-citerne sans toutefois qu’il y ait de brèche.
1.27 Examen détaillé par le BST de 7 wagons-citernes retirés des lieux de l’accident
Après l’examen sur place des 35 wagons-citernes déraillés, 7 d’entre eux ont été sélectionnés pour un examen plus approfondi. Ces wagons ont été sélectionnés parce que les dommages observés et les composants d’intérêt ne pouvaient pas être examinés sans retirer la chemise ou sectionner la coque et la structure de la citerne.
Les 7 wagons-citernes ont été transportés dans les ateliers Transcona du CN à Winnipeg, où ils ont été préparés pour l’inspection. Dans chacun des cas, les chemises et le calorifuge ont été retirés afin d’exposer complètement la coque, la tête, les plaques de renfort et les longrines tronquées. Une liste des wagons examinés et des composants d’intérêt est présentée dans le tableau 6.
Position dans le train | Numéro d’identification du wagon-citerne | Composant d’intérêt |
---|---|---|
7 | VMSX 280506 | Longrine tronquée du bout A et couvercle de bride de l’enceinte protectrice |
20 | VMSX 280939 | Boulons de bride de l’enceinte protectrice – rompus |
24* | VMSX 281189 | Traverse de caisse du bout A – côté gauche |
28 | VMSX 281866 | Enceinte protectrice des raccords supérieurs et traverse de caisse du bout B – côté droit |
29 | VMSX 281261 | Pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A |
34 | VMSX 280777 | Longrine tronquée du bout A |
35 | VMSX 280652 | Longrine tronquée du bout B |
* Ce wagon-citerne a été examiné, mais n’a nécessité aucune analyse supplémentaire.
Un résumé des observations est présenté dans les sections suivantes.
1.27.1 Soudures de la longrine tronquée et des plaques de renfort
1.27.1.1 Wagon VMSX 280506 (7e position)
Une grande plaque de renfort était soudée à chaque bout de la citerne, et les longrines tronquées étaient soudées aux plaques de renfort. Le but d’une telle conception est que la longrine tronquée se détache de la plaque de renfort sans endommager la coque ou la tête de la citerne en cas d’accident. Dans ce cas-ci, la longrine tronquée du bout A a été arrachée du wagon-citerne pendant le déraillement (figure 18) et une portion de la plaque de renfort de la longrine tronquée a été arrachée de la tête de citerne et est demeurée attachée à la longrine au moment de la rupture. Bien qu’aucune brèche n’ait été observée près de l’emplacement où il y a eu rupture de la plaque de renfort, la séparation entre la plaque de renfort et la tête de citerne n’est pas souhaitable, de sorte qu’un examen approfondi du mécanisme de rupture était requis.
La longrine tronquée qui s’est séparée, avec les portions de la cale de bout de citerne et de la plaque de renfort qui y étaient attachées (figure 19), et la surface de rupture correspondante de la plaque de renfort (figure 20) ont été envoyées au Laboratoire d’ingénierie du BST pour un examen approfondi.
L’examen de la coupe transversale de l’une des soudures a révélé la présence d’un caniveau et d’un profil de cordon de soudure de faible qualité. L’écart entre la plaque de renfort et la cale de bout de citerne était d’approximativement 1,8 mm, ce qui est 3 fois plus que l’écart de 0,6 mm observé sur une autre soudure. Des caniveaux ont également été observés à l’endroit où se terminaient les cordons de soudure sur la cale de bout de citerne (figure 21).
L’examen a permis de déterminer que la longrine tronquée du wagon-citerne VMSX 280506 a été arrachée vers le haut par une force de torsion. La séparation s’est produite partiellement comme prévu à la conception, c’est-à-dire le long de la soudure joignant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la cale de bout de citerne, et de la soudure joignant la plaque de renfort à la longrine tronquée. Cependant, certaines des soudures joignant la plaque de renfort avant de la longrine tronquée à la tête de citerne ont connu une défaillance. À cet endroit, la largeur des cordons de soudure reliant la cale de bout de citerne à la plaque de renfort était légèrement supérieure aux spécifications, et des défauts de soudure ont été observés. Ces éléments peuvent avoir contribué à la fissuration de la soudure reliant la plaque de renfort à la tête de citerne, mais la fissuration n’a pas provoqué de brèche de coque.
Les fissures observées à la racine de certaines des soudures reliant la plaque de renfort avant de la longrine tronquée à la tête de citerne au bout A du wagon VMSX 280506 pourraient néanmoins avoir été présentes avant le déraillement. De telles conditions pourraient provoquer une fissuration progressive supplémentaire des soudures en service normal, et une propagation des fissures, si elles ne sont pas détectées, jusque dans la tête de citerne.
1.27.1.2 Wagons VMSX 280777 (34e position) et VMSX 280652 (35e position)
De manière semblable à ce qui s’est produit pour le wagon VMSX 280506 (7e position), les wagons-citernes VMSX 280777 (34e position) et VMSX 280652 (35e position) ont également subi une rupture de la soudure reliant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne. La zone entourant la cale de bout de citerne a été découpée et envoyée au Laboratoire d’ingénierie du BST pour examen. Lors de l’examen des 2 composants sectionnés, il a été déterminé que d’importants chocs localisés et une déformation, qui se sont produits près de la zone de séparation entre les plaques de renfort et les têtes de citerne, étaient les principales raisons des défaillances.
1.27.2 Enceinte protectrice des raccords supérieurs
L’enceinte protectrice des raccords supérieurs des wagons-citernes de catégorie 117R doit être conforme aux exigences de la disposition 8.2.3.4 de la norme TP 14877 et de l’annexe E, disposition 9.3.1, de la norme M-1002 du Manual of Standards and Recommended Practices de l’AAR.
1.27.2.1 Wagon VMSX 280939 (20e position)
La zone contenant l’enceinte protectrice des raccords supérieurs et la plaque de renfort du trou d’homme a subi des dommages importants. Le choc a été suffisamment grand pour cisailler les 20 boulons retenant l’enceinte protectrice sur le couvercle de la bride. Le couvercle de la bride resté en place et le trou d’homme, de même que la plaque de renfort à laquelle ils étaient fixés, ont été enfoncés, ce qui a déformé la partie supérieure du wagon-citerne. Celui-ci a été sélectionné pour un examen approfondi, étant donné qu’il était impossible d’examiner l’état des soudures, de la plaque de renfort et de la coque de la citerne dans la zone ayant subi les dommages sans les sectionner.
Aucune défaillance des soudures de la plaque de renfort n’a été observée dans la zone de la plaque de renfort du dessus de la citerne, de l’enceinte protectrice des raccords supérieurs ou du trou d’homme. Plusieurs boulons ayant cédé et plusieurs boulons intacts récupérés sur les enceintes protectrices de 2 autres wagons-citernes ont été soumis à un examen métallurgique qui a permis de constater qu’ils possédaient des propriétés physiques presque identiques. Tous les boulons examinés respectaient les spécifications du grade B7 en ce qui concerne la dureté et la résistance à la traction. Ces résultats indiquent que la défaillance des boulons de l’enceinte protectrice serait attribuable aux forces d’impact plutôt qu’à une faiblesse dans les propriétés du matériau.
1.27.2.2 Wagon VMSX 281866 (28e position)
De manière semblable à ce qui s’est produit sur le wagon VMSX 280939 (20e position), la zone contenant l’enceinte protectrice des raccords supérieurs et la plaque de renfort du trou d’homme du wagon VMSX 281866 (28e position) a subi des chocs et a été enfoncée, ce qui a déformé le dessus du wagon-citerne. Même si l’enceinte protectrice est demeurée fermement attachée au wagon, le wagon-citerne a été sélectionné pour un examen approfondi, étant donné que l’état des soudures, de la plaque de renfort et de la coque de la citerne dans cette zone ne pouvait pas être examiné sans retirer la chemise de la citerne, qui couvrait la plaque de renfort. Une fois la chemise retirée, on a constaté que les soudures de la plaque de renfort étaient intactes et ne présentaient aucun défaut apparent.
1.27.3 Pièce de raccordement de la longrine tronquée
1.27.3.1 Wagon VMSX 281261 (29e position)
Une brèche s’étendant de la pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A jusque dans la coque de citerne a été observée. Il s’agissait d’une fissure de 23 pouces de long qui s’étendait perpendiculairement et au travers des deux côtés des abouts de la longrine tronquée (figure 23).
La fissure dans la pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A sur le wagon-citerne VMSX 281261 a été ouverte pour permettre l’examen de la surface de rupture. Un point d’origine de la rupture a été localisé sur un cordon de soudure (figure 24).
La coupe transversale effectuée au point d’origine de la fissure et dans le cordon de soudure a révélé que la largeur estimée du cordon était de 3/16 pouce en moyenne, ce qui est supérieur à la largeur de 1/8 pouce prévue dans les spécifications. Le profil du cordon de soudure n’était pas uniforme et aurait probablement échoué à un contrôle de la qualité.
La coupe transversale de la soudure montre qu’elle a pénétré d’environ 1,8 mm dans l’acier de la pièce de raccordement, ce qui porte à croire que la fissure observée aurait pris naissance dans la soudure ou dans la zone affectée thermiquement. Le profil du cordon de soudure était à la fois plus large que prévu par les spécifications et très inégal, ce qui a créé un lieu de concentration des contraintes; une fissure y a pris naissance, puis s’est propagée dans la citerne et a provoqué une brèche.
1.27.4 Tubulure de vidange
Les tubulures de vidange sont formées de tuyaux droits en acier inoxydable de 3 pouces de diamètre et d’environ 118 pouces (3 m) de longueur qui sont utilisées pour charger et décharger le produit. La tubulure de vidange est reliée à un robinet de la phase liquide situé dans l’enceinte protectrice des raccords supérieurs. La tubulure s’étend du robinet au sommet de la citerne jusqu’au puisard situé près du robinet de déchargement par le bas, au bas de la citerne.
Lors de l’examen sur place des wagons-citernes, on a constaté que la tubulure de vidange de plusieurs des wagons-citernes était pliée à presque 45 degrés (figure 25). La tubulure de vidange de 5 des wagons-citernes examinés au triage de Transcona du CN a été récupérée et envoyée au Laboratoire d’ingénierie du BST pour examen.
Les dommages observés sur la tubulure de vidange étaient attribuables à la déformation des wagons-citernes durant le déraillement. L’ampleur de la déformation des wagons-citernes a été estimée en calculant le degré de déformation de la tubulure.
La distance entre les extrémités de la tubulure pliée provenant des wagons-citernes déraillés variait de 1,8 m à 2,9 m, ce qui indique que la déformation de la citerne pendant le déraillement variait de 0,1 m à 1,2 m. Cette estimation est probablement un minimum, puisque la tubulure a sans doute eu un certain rebond élastique en même temps que la citerne. Bien que certains des wagons-citernes déraillés aient subi d’autres brèches, aucune n’est attribuable à la déformation de la citerne. Malgré le flambage, la tubulure de vidange s’est comportée comme prévu à la conception.
1.28 Évaluation par le laboratoire du BST des données sur le pétrole brut
La fiche de données de sécurité du produit indiquait que le pétrole brut transporté dans les wagons-citernes déraillés était du dilbitNote de bas de page 70 Cold Lake Blend (CLB). Il était décrit comme un mélange d’origine naturelle de paraffines, de naphtalènes, d’hydrocarbures aromatiques et de petites quantités de composés d’azote et de soufre mélangés avec un condensat. Le produit est principalement utilisé pour produire des carburants et des lubrifiants.
Le pétrole brut a été produit et fourni par Cenovus Energy Incorporated (Cenovus), dont le siège social est situé à Calgary (Alberta). Le destinataire et expéditeur était Valero Energy Corporation (Valero), dont le siège social est situé à San Antonio (Texas). Les wagons-citernes ont été chargés par Cenovus au Bruderheim Energy Terminal en Alberta. Le chargement du produit au terminal de Bruderheim a été réalisé suivant une procédure détaillée, comportant des vérifications et des mécanismes de contrôle pour garantir que le wagon-citerne était en bon état et que le chargement du produit était conforme aux exigences de l’industrie et de la réglementation.
Cenovus a fourni une analyse saisonnière du pétrole brut datant de septembre 2018, soit environ 5 mois avant le transport du pétrole brut et le déraillement du train-bloc du CN. L’analyse portait sur un produit semblable au pétrole brut transporté, mais le pourcentage de diluant mélangé avec le pétrole brut pour pouvoir le transporter pouvait varier de 10 à 50 %. Par conséquent, les propriétés du pétrole brut transporté pouvaient être différentes aux deux extrémités de la gamme de pourcentages de diluant, ce qui aurait également un effet sur le risque d’incendie après le déraillement. Quel que soit le pourcentage de diluant qu’il contenait, le produit a correctement été classifié comme un produit de classe 3, Liquides inflammables, GE I, soit le groupe le plus dangereux de la classe.
La transformation, le chargement et la classification du bitume dilué CLB avaient été effectués conformément aux exigences de la réglementation.
1.28.1 Propriétés du pétrole brut
Le tableau 7 présente les propriétés pertinentes du produit.
Propriétés du produits de pétrole brut | Description ou limites |
---|---|
État physique | Liquide brun/noir |
Odeur | Hydrocarbure |
Densité relative (eau =1,0) | 0,91 à 0,94 |
Pression de vapeur (kPa) | 33,0 |
Densité de vapeur (air = 1) | 2,5 à 5,0 (estimée) |
Plage d’ébullition (°C) | -1 à 400+ |
Point initial d’ébullition (°C) | 24,3 |
Point d’éclair (°C, D93) | < -5 |
Point de congélation (°C) | < -60 |
Limite supérieure d’explosivité (% vol/vol) | 8 (estimée) |
Limite inférieure d’explosivité (% vol/vol) | 0,8 (estimée) |
Température d’auto-inflammation (°C) | 250 (estimée) |
Sensibilité à la décharge statique | Oui, à des températures normales |
Solubilité dans l’eau | Négligeable |
1.28.1.1 Pression de vapeur
La pression de vapeur est une importante propriété physique du pétrole brut qui a une incidence sur les pratiques générales de manutention et de raffinage. Elle est aussi utilisée comme mesure indirecte de la vitesse d’évaporation des produits pétroliers volatils. La pression de vapeur du pétrole brut à l’étude, selon l’information recueillie, était de 33,0 kPa.
1.28.1.2 Point initial d’ébullition
Le point initial d’ébullition est une importante propriété physique utilisée dans les règlements sur la sécurité et le transport pour définir les matières inflammables ou combustibles et les classifier en fonction des risques qu’elles présentent et du groupe d’emballage requis dans le cas d’un liquide inflammable. Le point initial d’ébullition du pétrole brut à l’étude était, selon les informations recueillies, de 24,3 °C.
1.28.1.3 Point d’éclair
La température du point d’éclair est une mesure de la tendance du produit à former un mélange inflammable avec l’air dans des conditions contrôlées en laboratoire Note de bas de page 71, Note de bas de page 72. Le point d’éclair sert également à classifier un produit en fonction des risques qu’il représente et du groupe d’emballage requis dans le cas d’un liquide inflammable. Le point d’éclair du pétrole brut à l’étude était de -5 °C, ce qui signifie que pour produire des vapeurs inflammables, il devait atteindre une température supérieure à -5 °C.
1.28.1.4 Densité
La Régie de l’énergie du Canada (REC) définit le pétrole brut lourd comme du pétrole dont la densité est supérieure à 900 kg/m3. La densité du pétrole brut à l’étude était de 938,7 kg/m3, selon les informations recueillies, ce qui correspond à la définition de la REC pour le pétrole brut lourd.
1.28.1.5 Viscosité
La viscosité cinématique (à 40 °C) du pétrole brut à l’étude était de 99 centistokes (cSt) selon les informations recueillies. En comparaison, la viscosité du miel est habituellement de 75 cSt, tandis que celle du lait est d’environ 1,1 cSt, à température ambiante. Cette donnée confirme les observations effectuées sur les lieux selon lesquelles le produit était épais et visqueux, ce qui est caractéristique du pétrole brut lourd.
1.28.1.6 Creux des wagons-citernes
Chacun des wagons-citernes dans l’événement à l’étude avait une tare estimée de 83 000 livres, un poids brut sur rail (PBR) maximal de 286 000 livres et une capacité en eau d’environ 28 000 gallons américains. Comme le volume d’une citerne et le PBR sont fixes, le volume de produit pouvant être chargé dans un wagon-citerne est directement lié au poids ou à la densité du produit.
En raison de la variation dans les propriétés du pétrole brut, le poids du produit peut varier selon le fournisseur et la dilution requise pour le transporter. Un pétrole brut léger occupera un plus grand volume dans la citerne, ce qui réduira le creux Note de bas de page 73, tandis qu’un pétrole brut lourd occupera un volume plus faible dans la citerne, ce qui augmentera le creux, compte tenu du PBR maximal autorisé de 286 000 livres.
Une étude menée par la Federal Railroad Administration Note de bas de page 74 a indiqué que la quantité de produit chargée dans un wagon-citerne avait une incidence sur sa résistance à la perforation. Les résultats de l’étude montrent que l’énergie requise pour perforer la coque des wagons-citernes augmente à mesure que le creux augmente. Le Règlement sur les transports des marchandises dangereuses renvoie à la disposition 10.4.2.3 de la norme TP 14877, qui exige que les wagons-citernes chargés aient un creux minimal de 1 % à une température de référence donnée.
La capacité volumique de chaque wagon-citerne et le volume net de produit chargé dans la citerne avant le déraillement ont été utilisés pour calculer le creux de chaque wagon-citerne. Le creux moyen par volume des 35 wagons-citernes déraillés était d’environ 11 % (annexe C). Cette moyenne élevée est en partie attribuable à la densité du pétrole brut transporté.
1.28.2 Comportement du pétrole brut lors de son déversement après un déraillement
Le comportement du pétrole brut déversé après un déraillement peut être prédit en fonction de ses propriétés, entre autres :
- la composition et la quantité de diluant rejeté sous forme de vapeur;
- la vitesse d’évaporation du pétrole brut, qui est liée à sa pression de vapeur;
- la viscosité du pétrole brut, qui a une incidence sur la vitesse à laquelle le produit s’écoule sur le sol et pénètre dans le sol (la viscosité dépend également de la température du produit et de la température ambiante);
- la densité du pétrole brut, qui détermine s’il flotte ou s’il coule dans l’eau;
- la composition du diluant et le pourcentage contenu dans le bitume dilué CLB, qui peuvent également avoir une incidence sur le comportement du produit déversé.
Le déversement de pétrole brut provenant de wagons-citernes déraillés peut s’accompagner d’un allumage immédiat ou d’un allumage retardé, ou ne s’accompagner d’aucun allumage. Trois conditions doivent être remplies pour que du pétrole brut rejeté s’enflamme Note de bas de page 75 :
- la matière doit dégager des quantités suffisantes de vapeurs ou de gaz;
- les vapeurs ou les gaz doivent être mélangés à une quantité suffisante d’oxygène;
- le mélange air-vapeur doit se trouver à une température suffisamment élevée pour provoquer un auto-allumage, ou une source d’allumage (comme une étincelle, une petite flamme ou une pièce de métal surchauffée par la friction) doit être présente.
1.29 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance de 2020. Comme le montre l’événement à l’étude, bien que les compagnies de chemin de fer disposent, dans le cadre de leurs systèmes de gestion de la sécurité, de plans et d’évaluations des risques détaillés qui prévoient des stratégies d’atténuation pour minimiser les dangers potentiels (par exemple le nombre de joints restant sur une voie formée de LRS, ce qui peut provoquer un déraillement), le processus d’évaluation des risques peut parfois encore comporter des lacunes.
MESURES À PRENDRE La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport ferroviaire jusqu’à ce que les données sur la sécurité soient recueillies et analysées afin de déterminer de façon fiable l’évaluation des risques et l’atténuation des risques, ce qui permet d’améliorer de façon mesurable la sécurité. |
1.30 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP076/2019 – Failure and Metallurgical Examination and Analysis [examen métallurgique, examen des défaillances et analyse]
- LP092/2019 – Tank Car Examination [examen de wagons-citernes]
- LP093/2019 – Failure and Metallurgical Analysis of 117R Tank Car Components [analyse des défaillances et analyse métallurgique de composants de wagons-citernes 117R]
- LP094/2019 – Examination of Product Loading and Characteristics [examen du chargement et des caractéristiques du produit]
2.0 Analyse
La conduite du train-bloc U73451-11 (le train) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) transportant du pétrole brut était conforme aux exigences de la réglementation, et les actions de l’équipe de train n’ont pas été considérées comme des facteurs contributifs de l’accident. L’analyse portera principalement sur l’entretien de la voie, le repérage des éclisses mixtes, le module de la voie, l’élimination des joints en territoire à longs rails soudés (LRS), les dossiers d’entretien de la voie, les systèmes de gestion de la sécurité et les mesures d’intervention d’urgence.
Il s’agissait du premier déraillement majeur au Canada comportant un déversement de pétrole brut provenant d’un grand nombre de wagons-citernes de catégorie 117R (modernisés). La performance des wagons-citernes lors du déraillement a suscité de l’intérêt dans toute l’Amérique du Nord. Les résultats de l’examen détaillé des wagons-citernes, l’analyse du produit et les observations à l’égard de ces deux éléments seront également abordés.
2.1 L’accident
Le 16 février 2019, à 2 h 17, le train-bloc du CN transportant du pétrole brut circulait vers l’est à 49 mi/h dans la subdivision de Rivers lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale du train s’est déclenché.
Dans la vidéo captée par la caméra orientée vers l’avant de la locomotive de tête, on peut observer que, au moment où le train approchait d’un caisson porte-batterie situé au point milliaire 197,48, la voie était intacte et il y avait très peu de vibrations. Toutefois, juste après le passage de la locomotive près du caisson porte-batterie, on peut percevoir une vibration de l’image enregistrée et entendre un bruit fort. Neuf secondes plus tard, un freinage d’urgence s’est déclenché, alors que 37 wagons-citernes de catégorie 117R situés de la 5e à la 41e position derrière les locomotives de tête déraillaient à proximité du point milliaire 197,47, près de Saint-Lazare (Manitoba). Par suite du déraillement, 17 wagons-citernes ont subi une brèche et ont déversé un total d’environ 815 000 litres de pétrole brut, qui a majoritairement été contenu en contrebas au sud de la structure de la voie, près d’un ancien méandre gelé.
La vibration perçue dans la vidéo semblait coïncider avec le passage de la locomotive à l’emplacement de 5 joints consécutifs dans le rail sud sur une distance d’environ 49 pieds, près du point milliaire 197,47. En outre, le plus récent contrôle de la géométrie de la voie à cet endroit avait révélé la présence de conditions de surface consécutives dans le rail sud, la variation la plus importante étant d’environ 1 pouce.
Les 5eet 6e wagons (VMSX 280746 et VMSX 281616) derrière les locomotives ont été les premiers à dérailler. Ils sont demeurés restés sur leurs roues et attelés à la tête de train. Bien que l’essieu monté avant no 4 du 5e wagon soit demeuré sur les rails, la table de roulement de roue R4 sur le rail sud portait une marque d’impact telle qu’en produirait un contact avec un rail brisé. Des marques d’impact semblables ont été relevées sur les tables de roulement de roue du côté sud des wagons 1 à 4 derrière les locomotives, mais aucune marque n’a été relevée sur les roues des locomotives.
À proximité du point milliaire 197,47, parmi les composants de voie récupérés se trouvaient les 5 joints du rail sud. Les surfaces de rupture de 1 ensemble d’éclisses rompues (joint 1) provenant des environs du point milliaire 197,47 présentaient des caractéristiques concordant avec une fissuration de fatigue et une rupture fragile.
L’enregistrement vidéo, la présence de marques d’impact sur les tables de roulement de roue du côté sud sur les wagons 1 à 5 derrière les locomotives de tête et l’état des éclisses rompues dans le joint 1 indiquent que le joint 1 s’est rompu sous le train.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’accident s’est produit lorsqu’un joint (le joint 1) dans le rail sud s’est rompu sous le train-bloc transportant du pétrole brut au moment où celui-ci circulait dans la subdivision de Rivers du CN à proximité du point milliaire 197,47.
2.2 Réparations avec éclisses
Une éclisse ordinaire devrait uniquement être installée avec une autre éclisse ordinaire. En raison du désaffleurement à leur base, les éclisses mixtes sont fabriquées en version gauche et en version droite de sorte que le désaffleurement concorde lorsqu’elles sont installées du côté extérieur et du côté intérieur d’un rail de façon à former un joint mixte. Les éclisses ordinaires et les éclisses mixtes ne sont pas conçues pour être installées ensemble. En raison du désaffleurement de 1/8 pouce, il faudrait, si l’on tentait d’installer une éclisse ordinaire 132/136 RE avec une éclisse mixte 132/136 RE, fournir un effort manuel supplémentaire pour aligner les trous et installer les boulons. En outre, un joint ainsi assemblé serait instable et risquerait de connaître une rupture prématurée.
Le 31 décembre 2018, un superviseur d’entretien de la voie du CN a effectué une inspection ponctuelle de la voie et repéré une éclisse intérieure rompue reliant 2 morceaux de rail de 136 livres à proximité du point milliaire 197,47. Le joint en question (joint 1) était 1 de 5 joints situés sur une distance de 49 pieds. Le joint a été marqué de peinture jaune, de sorte qu’il puisse être repéré par les équipes d’entretien de la voie. Une équipe d’entretien de la voie dans la région a ensuite été contactée et chargée de remplacer l’éclisse rompue du côté intérieur de la voie. L’équipe est intervenue pour effectuer la réparation dans un camion d’entretien du CN.
Les équipes d’entretien de la voie du CN transportent habituellement 4 éclisses ordinaires 132/136 RE et 4 éclisses mixtes 132/136 RE dans leur camion. Visuellement, une éclisse ordinaire 132/136 RE et une éclisse mixte 132/136 RE sont très semblables. Seul un désaffleurement de 1/8 pouce à la base d’une éclisse mixte 132/136 RE la distingue d’une éclisse ordinaire 132/136 RE. Pour cette raison, les Normes de la voie de l’ingénierie du CN exigent que les équipes d’entretien de la voie peignent les éclisses mixtes en bleu avant de les installer sur la voie.
L’équipe d’entretien de la voie a repéré l’éclisse ordinaire 132/136 RE rompue du côté intérieur du rail sud, l’a retirée et l’a remplacée par ce qui semblait être une éclisse ordinaire 132/136 RE non peinte prise à l’arrière du camion de l’équipe d’entretien.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Comme les éclisses ordinaires et les éclisses mixtes non peintes sont visuellement très semblables, l’équipe d’entretien de la voie de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a choisi par inadvertance une éclisse mixte 132/136 RE et l’a installée avec l’éclisse ordinaire 132/136 RE qui était déjà installée du côté extérieur de la voie.
2.3 Défaillance du joint 1
Une inspection des éclisses par photographie basée sur la visionique effectuée sur le joint 1 le 23 janvier 2019 a permis de déterminer précisément son emplacement au point milliaire 197,4751. Les images du joint ont permis de confirmer que l’éclisse extérieure était une éclisse ordinaire 132/136 RE, tandis que l’éclisse intérieure était une éclisse mixte 132/136 RE.
La présence de restes de peinture jaune sur le joint 1 rompu a été constatée lors de l’examen en laboratoire du BST. Des empreintes de filets d’un boulon d’éclissage ont été observées sur l’alésage du trou correspondant dans l’éclisse intérieure. La présence de ces empreintes indique que le joint 1 était mal aligné (désaxé) et que, par conséquent, le boulon exerçait une pression sur l’alésage du trou de l’éclisse intérieure dans le joint assemblé.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
L’installation d’une éclisse mixte avec une éclisse ordinaire a fait en sorte que le joint 1 dans le rail sud était mal aligné (faussé) et instable.
Les conditions observées sur la surface de la voie indiquaient une détérioration du soutien de l’infrastructure dans une zone du rail sud qui comptait plusieurs joints sur une courte distance. Cependant, ces conditions ne constituaient pas des défauts critiques au sens du Règlement concernant la sécurité de la voie, aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), approuvé par Transports Canada. Étant donné le fort volume de trafic dans la subdivision de Rivers, les joints dans la structure de la voie subissent une déflexion verticale au passage des roues des wagons. Cela peut provoquer le desserrement et la détérioration des joints, des dommages au champignon aux abouts de rail près de l’interstice (écrasement) et une dégradation du ballast et de la plateforme à proximité du joint. Dans de telles conditions, il est probable que le soutien de l’infrastructure de la voie ait continué de se détériorer entre la date du dernier contrôle de l’état géométrique de la voie (le 23 novembre 2018) et la date de l’accident, moins de 3 mois plus tard.
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Étant donné que le soutien de l’infrastructure se détériorait, le désalignement du joint 1 a provoqué un desserrement rapide du joint, ce qui a mené à l’apparition de fissures de fatigue dans les éclisses.
La défaillance des éclisses s’est produite lorsque des ruptures par contrainte excessive instantanée se sont propagées à partir des extrémités de fissures de fatigue jusque dans le reste des sections transversales des éclisses, qui ne pouvaient plus supporter les charges normales de service au passage du train dans la zone.
Fait établi quant aux risques
Si les éclisses mixtes ne sont pas clairement identifiées avant d’être placées à bord du camion d’une équipe d’entretien, il y a un risque accru qu’une éclisse mixte soit installée avec une éclisse ordinaire, ce qui peut mener à une défaillance de l’éclisse et ainsi accroître le risque de déraillement.
2.4 Module de la voie
Le module de la voie est une valeur qui combine les valeurs individuelles de rigidité des rails, des attaches, des traverses, des semelles de rail, des plaques, du ballast, du sous-ballast et de la plateforme. La présence de joints, la qualité et la profondeur du ballast et du sous-ballast, l’état du sol de la plateforme et ses conditions d’humidité, l’étanchéité du bourrage et l’espacement des traverses influent sur le module de la voie. Par exemple, la voie aux ponts, tunnels, passages à niveau et aiguillages a généralement un module de la voie plus élevé (une plus grande rigidité) que la voie adjacente.
Lorsque les trains passent de la voie plus rigide formée de LRS à une voie comptant un certain nombre de rails de raccord courts et de joints consécutifs, les rails de la zone comportant des joints subissent des forces de flexion plus importantes en raison des différences de module de la voie. Lorsque de forts volumes de trafic et des trains lourds circulent dans une telle zone, la structure de la voie soumise à ces charges peut subir une détérioration accélérée.
Le RSV ne contient aucune exigence quant à la longueur minimale des rails de raccord ou à la distance minimale entre des joints consécutifs en voie principale. En outre, le RSV ne présente aucune directive sur le module de la voie et l’incidence négative que peut avoir la présence de plusieurs rails de raccord courts consécutifs et des joints connexes en territoire à LRS. Bien qu’aucune exigence réglementaire ne régisse le recours à des rails de raccord courts engendrant plusieurs joints consécutifs dans les LRS, on considère qu’il ne s’agit pas d’une bonne pratique d’ingénierie.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La présence de 5 joints et de rails de raccord connexes sur une distance relativement courte de 49 pieds a eu une incidence négative sur le module de la voie dans cette zone et a provoqué une détérioration accélérée du joint 1 lorsque celui-ci était soumis aux charges des trains qui passaient.
2.5 Vitesse du train
L’examen de déraillements antérieurs de wagons-citernes montre que lorsqu’un train-bloc transportant du pétrole brut déraille, la zone du déraillement compte généralement 3 grandes parties :
- La 1re partie est celle où les wagons-citernes se dispersent de façon aléatoire durant le déraillement. L’intégrité de la coque y est généralement préservée, la déformation des citernes y est moindre, et les bosselures ou les brèches qui en découlent sont de plus petite taille. Le volume de produit déversé est généralement moindre dans cette partie que dans la partie principale du déraillement.
- La 2e partie est la partie principale du déraillement, où en général des wagons-citernes se mettent en portefeuille, s’immobilisent côte à côte ou s’empilent. Ces wagons-citernes subissent la majorité des brèches et la majeure partie des pertes de produit, en raison des importantes forces dynamiques auxquelles ils sont soumis. Le premier wagon déraillé agit comme un ancrage, tandis que les wagons déraillés qui se sont immobilisés subissent les fortes charges transmises par la force des wagons suivants, ce qui donne souvent lieu à d’importantes déformations ou perforations des citernes.
- La troisième et dernière partie se situe en queue du déraillement, où les derniers wagons-citernes qui déraillent se dispersent généralement de façon aléatoire, sans s’empiler. Pour les wagons-citernes situés en queue du déraillement, les dommages et les quantités de produit déversées peuvent varier considérablement, mais habituellement, la vitesse des wagons et les forces d’impact à l’arrière sont moindres, ce qui cause généralement moins de dommages aux citernes et par conséquent moins de pertes de produit.
Les raisons qui expliquent la performance des wagons-citernes déraillés dans chacune des parties varient, mais les facteurs principaux sont la vitesse du train au moment du déraillement, la taille de la zone du déraillement, la topographie de la zone du déraillement et la température ambiante au moment du déraillement.
Dans l‘événement à l’étude, le train circulait à 49 mi/h lorsqu’un joint s’est rompu sous le train et 37 wagons-citernes de catégorie 117R ont déraillé, près du point milliaire 197,47. Un total de 17 wagons-citernes parmi ceux qui ont déraillé ont subi une brèche, ce qui a provoqué le déversement d’environ 815 000 litres de produit. Les circonstances de cet événement, y compris la vitesse à laquelle circulait le train-bloc transportant du pétrole brut, le nombre de wagons déraillés et certains des dommages constatés sur les wagons-citernes, sont semblables à celles d’autres accidents majeurs de trains-blocs transportant du pétrole brut qui ont fait l’objet d’enquêtes du BST. Elles concordent également avec les circonstances signalées par l’étude du Conseil national de recherches du Canada (CNRC), Étude sur les facteurs qui accroissent la gravité des déraillements qui mettent en cause des marchandises dangereuses, et établissement de mesures d’atténuation.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Comme on l’a constaté lors d’autres accidents majeurs de trains-blocs transportant du pétrole brut, même si le train-bloc du CN chargé de pétrole brut était exploité conformément au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés, la vitesse du train (49 mi/h) a contribué au nombre de wagons déraillés et à la gravité générale du déraillement.
2.6 Gravité des déraillements et entretien de la voie
L’étude réalisée par le CNRC concernant les facteurs qui augmentent la gravité des déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses a permis de constater qu’il existe une relation complexe entre la vitesse du train, sa longueur, la cause de l’accident et d’autres facteurs qui influent sur la gravité d’un déraillement. Bien qu’il semble y avoir une relation linéaire entre le nombre de wagons déraillés et la vitesse du train lors d’un accident, la vitesse n’est pas l’unique facteur.
Pour une vitesse donnée, les déraillements provoqués par une rupture de rails, de soudures de rail ou d’éclisses étaient nettement plus fréquents et comptaient un nombre plus élevé de wagons déraillés. À mesure que la vitesse augmentait, les déraillements de ces types provoquaient des accidents plus graves comparativement aux déraillements provoqués par d’autres causes. En particulier, les trains-blocs chargés (y compris les trains-blocs qui ne sont pas des trains clés) comptaient un plus grand nombre de wagons déraillés et représentaient un pourcentage plus élevé des accidents de ces types. Tous ces facteurs étaient présents lors de l’accident à l’étude.
Bien qu’il ait été démontré que l’amélioration de la conception de la structure des wagons-citernes réduit la probabilité de déversement de marchandises dangereuses et la gravité potentielle d’un accident, elle ne réduit pas la probabilité d’un déraillement et n’a pas d’incidence sur le nombre de wagons déraillés. Le risque qu’un wagon-citerne subisse une perforation ou une brèche et déverse du produit existe dans tout déraillement si la vitesse est suffisamment élevée.
Par exemple :
- Le 14 février 2015, un train-bloc du CN transportant du pétrole brut a déraillé au point milliaire 111,7 de la subdivision de Ruel près de Gladwick (Ontario). Le train circulait à 38 mi/h au moment de l’accident. Des 29 wagons-citernes déraillés, 19 (66 %) ont subi une brèche, et environ 1,7 million de litres de produit ont été rejetés dans l’atmosphère ou au sol. L’enquête a permis de déterminer que le déraillement s’est produit lorsqu’un joint isolé dans le rail sud, au point milliaire 111,7, s’est rompu sous la tête du train.
- Le 7 mars 2015, un autre train-bloc du CN transportant du pétrole brut a déraillé au point milliaire 88,70 de la subdivision de Ruel, près de Gogama (Ontario). Le train circulait à 43 mi/h au moment de l’accident. L’enquête a permis de déterminer qu’avant l’arrivée du train, une section de 16 pouces du champignon du rail sud d’origine s’était rompue en raison d’une fissuration verticale du champignon dans le joint est d’une récente réparation avec un rail de raccord, ce qui a créé une brèche dans le rail sud. Le déraillement s’est produit lorsque le rail sud s’est rompu au passage du train; cette rupture a causé le déraillement des wagons-citernes 6 à 44 (39 wagons-citernes). Par suite du déraillement, 33 wagons (85 %) ont subi une brèche et environ 2,6 millions de litres de pétrole brut (ONU 1267) ont été rejetés dans l’atmosphère, dans l’eau ou au sol.
Ces deux déraillements de trains du CN sont survenus en conséquence d’un entretien de la voie inadéquat et des problèmes de joints qui en ont découlé. Bien que la subdivision de Ruel soit considérée comme une voie formée de LRS, elle s’est détériorée au fil des années qui ont précédé les 2 accidents, comme le montrent les limitations permanentes de vitesse en vigueur en raison de l’état de la voie et l’installation de nombreux rails de raccord, les joints connexes et l’entretien supplémentaire requis pour les garder en état.
L’amélioration de la réparation et de l’entretien de la voie sur les itinéraires clés a bien pour effet de diminuer la probabilité de l’ensemble des déraillements, y compris ceux de trains transportant des marchandises dangereuses. Après les 2 déraillements survenus dans la subdivision de Ruel, le CN a réalisé d’importants investissements dans l’infrastructure de la voie de la subdivision et a amélioré ses pratiques d’inspection et d’entretien. Bien que la subdivision de Ruel se compose toujours principalement d’une voie de catégorie 4, au moment de la rédaction du présent rapport, aucun déraillement majeur de train en voie principale n’était survenu dans la subdivision depuis mars 2015.
Au moment de l’accident faisant l’objet du présent rapport, malgré l’existence d’un programme d’élimination des joints, la subdivision de Rivers comptait encore environ 1500 joints en territoire à LRS, dont bon nombre étaient liés à des réparations avec rails de raccord. Dans le seul secteur où a eu lieu l’accident, entre le point milliaire 190,09 et le point milliaire 200,75 de la subdivision de Rivers, 50 rails de raccord ont été installés entre le 26 février 2015 et le 9 février 2019, un nombre considéré comme élevé pour seulement 10 milles de voie composée de LRS. Cette donnée indique qu’avant l’accident, l’infrastructure de la voie dans la subdivision de Rivers avait commencé à se détériorer, ainsi qu’en témoignent le nombre de réparations avec rail de raccord, le nombre de joints ainsi formés et le niveau d’entretien de la voie requis sur ce territoire à LRS.
Le présent accident dans la subdivision de Rivers et les 2 accidents dans la subdivision de Ruel présentaient des éléments en commun :
- Il s’agissait de 3 accidents de trains-blocs du CN transportant du pétrole brut exploités sur des itinéraires clés.
- Avec le temps, la voie dans les 2 subdivisions avait commencé à se détériorer, comme en témoignent le grand nombre de réparations avec rail de raccord et les joints ainsi formés en territoire à LRS.
- Les 3 accidents sont survenus principalement en conséquence d’un entretien de la voie inadéquat et des problèmes de joints qui en ont découlé.
Le RSV fixe des normes minimales pour l’infrastructure de la voie, et certaines exigences figurant dans les normes d’ingénierie de la voie de la compagnie dépassent les exigences du RSV. Toutefois, ni le RSV ni les normes de la compagnie ne tiennent compte de la nécessité de renforcer les normes relatives à la voie pour les itinéraires clés malgré la hausse parfois élevée des volumes de marchandises dangereuses transportées, comme dans le cas de cette subdivision. Cela porte à croire que les exigences actuelles de la réglementation et de la compagnie concernant l’entretien de la voie pourraient ne pas suffire à prévenir les déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses sur les itinéraires clés.
Pour diminuer la fréquence des accidents de trains clés exploités sur des itinéraires clés et réduire les risques connexes, il est impératif que l’infrastructure de la voie des itinéraires clés soit entretenue adéquatement. Même si la capacité de survie des wagons-citernes transportant des marchandises dangereuses devient importante après un accident, la stratégie la plus efficace est d’éliminer les causes sous-jacentes des accidents pour éviter qu’ils se produisent. Comme les exigences actuelles de la réglementation et de la compagnie concernant l’entretien de la voie n’ont pas pu prévenir les accidents, le renforcement de ces exigences pour les itinéraires clés est une stratégie de prévention qui devrait être envisagée.
Fait établi quant aux risques
Si le renforcement des exigences de la réglementation et des compagnies de chemin de fer concernant l’entretien de la voie pour les itinéraires clés ne fait pas partie des stratégies de prévention des accidents, il y a un risque accru qu’une défaillance liée à un joint ou à la voie sur un itinéraire clé provoque un déraillement et le déversement de marchandises dangereuses.
2.7 Élimination des joints en territoire à longs rails soudés
Le train était un train clé exploité sur un itinéraire clé assujetti au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés (Règlement sur les trains clés, ou RTC). Il est reconnu au sein de l’industrie que les joints sont un point faible dans la structure d’une voie formée de LRS et que faute de surveillance et d’inspection adéquates, ils posent un risque de déraillement. Le BST a fait enquête sur un certain nombre de déraillements provoqués par une rupture de joint ou une rupture de rail dans un joint. Les risques associés aux déraillements sont accrus pour les trains clés exploités sur des itinéraires clés, comme c’était le cas dans l’événement à l’étude.
Conformément au Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) et au RTC, le CN a effectué une évaluation des risques dans les corridors en 2013, et l’a mise à jour en 2016 et en 2018. La présence de joints de rail a été comptée parmi les risques lors de l’évaluation réalisée en 2018, et un programme de remplacement des rails sur 4 voies principales de deuxième catégorie était l’une des mesures d’atténuation indiquées pour éliminer un risque de déraillement. De plus, un programme d’élimination des joints de rail sur le corridor de transport principal existait depuis 3 ans. Cependant, aucune activité particulière d’élimination des joints n’était prévue pour la subdivision de Rivers.
Le CN reconnaissait le besoin de réduire le nombre de joints sur la voie formée de LRS dans la subdivision de Rivers. Malgré l’existence d’un programme d’élimination des joints depuis 2015, seulement 318 joints, principalement liés à des réparations avec rails de raccord en territoire à LRS, avaient été éliminés en 2018 dans la subdivision de Rivers sur un total d’environ 1850. Bien que les équipes d’entretien de la voie du CN aient été augmentées en 2018 pour consacrer plus d’efforts à l’élimination des joints, l’obtention des périodes d’occupation de la voie nécessaires pour exécuter ces réparations s’est avérée un défi, étant donné l’augmentation des volumes de trafic.
Fait établi quant aux risques
Si une plus grande priorité n’est pas accordée aux programmes d’élimination des joints en territoire à longs rails soudés pour l’obtention de périodes d’occupation de la voie sur les itinéraires clés où le volume de trafic est élevé, l’élimination des joints de rail pourrait ne pas toujours être effectuée promptement, ce qui augmente le risque de rupture de joints et de déraillement.
2.8 Dossiers d’entretien de la voie
Le CN utilise son système d’information sur les voies pour consigner et gérer ses activités d’entretien. Pour établir la corrélation entre les données consignées et l’emplacement des travaux sur la voie, le système se sert des points milliaires et des coordonnées GPS (système de positionnement mondial). Les points milliaires sont consignés au centième de mille près, ce qui leur donne une précision de ±52,8 pieds. Les coordonnées GPS ont une plus grande précision, soit ±20 pieds.
La corrélation entre les coordonnées GPS des travaux réalisés et les points milliaires n’est toutefois pas toujours exacte. De plus, au lieu d’utiliser le GPS, certains employés de l’ingénierie du CN consignent à la main les points milliaires, ce qui peut introduire d’autres erreurs quant à la localisation. Le système d’information sur les voies utilisé par le CN présente également certaines limites quant à la saisie de données, donc il y manque parfois des renseignements qui seraient nécessaires pour des enquêtes approfondies. Par exemple, si plusieurs joints ou rails de raccord courts ont été installés à proximité les uns des autres, il n’est pas toujours facile de les différencier dans le système. Des problèmes similaires avec le système d’information sur les voies du chemin de fer avaient été relevés lors d’une précédente enquête du BSTNote de bas de page 76.
Autre fait établi
Le système d’information sur les voies utilisé par le CN est un outil utile pour consigner des renseignements sur les travaux d’entretien de la voie, mais il n’offre pas une précision suffisante pour évaluer précisément les travaux effectués sur chacun des joints et des rails de raccord courts installés à proximité les uns des autres.
En ce qui concerne l’événement à l’étude, une recherche a été effectuée dans le système d’information sur les voies pour les 5 joints installés sur une section de 49 pieds du rail sud près du point milliaire 197,47, et uniquement certains des dossiers de réparation ont pu être trouvés. Le dossier dans le système d’information correspondant à la date et à la réparation (c.-à-d. l’installation de l’éclisse mixte) aurait dû indiquer l’emplacement au point milliaire 197,47 et montrer que l’éclisse intérieure avait été remplacée. Il a toutefois été déterminé lors de l’enquête qu’une fois la réparation du joint 1 effectuée, son emplacement estimé a été saisi manuellement dans le système d’information comme le point milliaire 197,30, ce qui était erroné. En outre, le système d’information ne contenait aucun renseignement indiquant quelles éclisses avaient été remplacées (intérieure, extérieure ou les deux) ou le type d’éclisse installée (ordinaire ou mixte).
Dans de telles conditions, la présence de renseignements imprécis sur l’emplacement et les travaux d’entretien de la voie dans le système d’information sur les voies peut nuire à la gestion des rails de raccord courts et des joints connexes installés.
Fait établi quant aux risques
Si les renseignements sur l’emplacement et les travaux d’entretien de la voie ne sont pas saisis précisément et uniformément dans le système d’information sur les voies utilisé par le CN, les rails de raccord courts et les joints connexes installés pourraient ne pas être entretenus efficacement, ce qui augmente le risque de défaillance de composants et de déraillement.
2.9 Enquête sur des problèmes de sécurité
Une enquête sur des problèmes de sécurité effectuée par le BSTNote de bas de page 77 a permis d’établir qu’il existe un lien important entre les défauts de rail et le volume de trafic de trains-blocs vraquiers. L’étude a fait ressortir que l’augmentation du volume de trafic, qui comprend souvent du trafic de trains-blocs vraquiers, avait un effet négatif sur l’infrastructure de la voie qui ne pouvait pas être atténué par le seul entretien régulier de la voie. Les mêmes circonstances pourraient s’appliquer à la voie principale.
Selon l’étude, bien que les compagnies de chemin de fer se soient rendu compte que la dégradation de la voie s’accélérait avec la hausse du volume de trafic et du tonnage des trains-blocs vraquiers (p. ex., les trains-blocs transportant du pétrole brut), le point d’équilibre entre l’augmentation de la dégradation de la voie et les opérations d’entretien ou de renouvellement opportun de l’infrastructure n’avait pas été atteint. L’étude a également permis de relever que le respect du RSV ne suffisait pas en soi à assurer la sécurité, étant donné que le RSV ne permet pas d’anticiper les changements dans les conditions à long terme tels que l’accroissement du trafic. Des facteurs semblables étaient présents dans l’événement à l’étude.
2.10 Système de gestion de la sécurité et évaluations des risques dans les corridors
Conformément au Règlement sur le SGS, le CN a établi et mis en œuvre un plan détaillé dans le cadre de son système de gestion de la sécurité (SGS), qui prévoyait de réaliser des évaluations des risques en cas de changements dans les opérations ou lorsque les analyses des tendances montrent un changement qui pourrait avoir une incidence sur la sécurité dans diverses conditions d’exploitation ou conditions de l’infrastructure. Le CN a également établi des processus pour cerner les besoins en matière d’entretien et d’amélioration de l’infrastructure de la voie. Les volumes de trafic ferroviaire et les analyses des défauts de voie sont utilisés pour déterminer s’il est nécessaire d’apporter des améliorations dans le cadre de programmes d’immobilisations, comme les programmes d’élimination des joints.
Une gestion de la sécurité efficace doit permettre de relever les lacunes et les risques systémiques pour contribuer à prévenir les accidents. Malgré l’existence d’une évaluation des risques dans les corridors détaillée indiquant qu’un programme d’élimination des joints sur les corridors de transport principaux était nécessaire pour éliminer des risques de déraillement, l’évaluation des risques ne cernait pas les risques posés par un nombre excessif de réparations avec éclisses et joints en territoire à LRS dans la subdivision de Rivers. Aucune date cible n’avait été estimée pour l’élimination des joints.
Par ailleurs, l’évaluation ne cernait pas les risques associés à la hausse constante des volumes de trafic sur la voie principale essentiellement simple de la subdivision de Rivers, y compris la hausse importante du trafic de pétrole brut, et à la difficulté que les équipes d’entretien de la voie avaient à obtenir des périodes d’occupation de la voie pour effectuer l’entretien et les réparations, y compris l’élimination des joints. Les forts volumes de trafic posaient des difficultés semblables aux inspecteurs de TC, les empêchant d’obtenir une période d’occupation de la voie suffisante pour effectuer une inspection réglementaire de la voie dans la zone du déraillement environ un mois avant l’accident.
En l’occurrence, des lacunes dans le programme d’élimination des joints du CN ont fait en sorte que certains risques n’ont pas été atténués. Par conséquent, à mesure que le trafic et le nombre de réparations de la voie requises ont augmenté, l’état de la voie de la subdivision de Rivers a continué de se détériorer, comme le montre le nombre de réparations avec rails de raccord et joints en territoire à LRS.
Fait établi quant aux risques
Si les évaluations des risques effectuées par la compagnie ne cernent pas tous les risques potentiels associés à des hausses du trafic, il se peut que les mesures d’atténuation appropriées, comme l’augmentation des réparations de la voie, ne soient pas déterminées, ce qui augmente le risque d’accidents.
2.11 Intervention d’urgence et mesures d’assainissement du site
Le pétrole brut s’était accumulé près d’un ponceau au nord de la voie ferrée. Au sud de la voie ferrée, les wagons-citernes déraillés étaient couchés sur le flanc en descendant un remblai, et une grande mare de pétrole brut s’était formée au sud des wagons. Des bermes de sol ont été érigées pour retenir le produit et l’empêcher d’atteindre le ponceau du côté nord de la voie ferrée et l’ancien méandre du côté sud.
Un programme de récupération du produit a été mis en œuvre. Le produit récupéré, les sols contaminés et les débris retirés des lieux ont été envoyés dans des installations approuvées pour y être éliminés. Les wagons-citernes déraillés ont été déchargés, mis à l’écart, nettoyés, examinés, puis transportés pour être éliminés.
Des postes d’échantillonnage du sol et des eaux de surface ont été établis le long de l’ancien méandre. Les résultats des prélèvements quotidiens étaient au départ négligeables. La fréquence a donc été réduite à une fois par semaine, et les résultats étaient semblables. Après la mise en œuvre des mesures d’assainissement, un premier nivellement du sol a été effectué, la couche de surface a été remplacé, et on a procédé à la revégétalisation.
En juin 2020, la qualité des eaux de surface n’avait pas été affectée par le déraillement et il n’y avait pas eu d’écoulement dans la rivière Assiniboine. Aux postes d’analyse du sol et des sédiments où de nouveaux prélèvements ont été effectués, les contaminants s’étaient dissipés naturellement sous l’effet des conditions météorologiques et de la biodégradation; ils n’étaient plus détectés dans l’environnement à la plupart des postes d’échantillonnage.
Autre fait établi
Les mesures mises en place pour protéger les intervenants, le public et l’environnement dans le cadre de l’intervention d’urgence et des mesures d’assainissement étaient généralement efficaces.
2.12 Examen des wagons-citernes et analyse de leur performance
Sur les 35 wagons-citernes examinés, 17 (49 %) présentaient une brècheNote de bas de page 78 et ont déversé un total estimé de 815 000 litres de produit, qui a été majoritairement contenu dans une dépression de terrain adjacente à la voie ferrée. Parmi les wagons-citernes ayant subi une brèche, 3 (8 %) en comptaient plusieurs types. Certains wagons-citernes présentaient des fuites mineures alors que d’autres avaient perdu leur chargement complet.
La 2e partie, ou partie principale, de la zone de déraillement est généralement celle où l’on observe les brèches les plus graves qui entraînent une perte de produit. Dans l’événement à l’étude, 11 des 19 wagons se trouvant dans la deuxième partie ou partie principale du déraillement (de la 16e à la 34e position) avaient subi une brèche (58 %), et certains d’entre eux en avaient subi plusieurs. On a dénombré 8 brèches de coque, dont 7 ont entraîné le déversement d’un important volume de produit (plus de 20 000 litres).
2.12.1 Brèches des wagons-citernes
Les types de brèches sont résumés ci-dessous :
- Les brèches de coque comptaient pour environ 62 % du volume total de produit déversé. Les brèches de coque se sont produites principalement en raison des forces d’impact qu’ont subies les wagons pendant le déraillement.
- Les brèches de tête comptaient pour environ 34 % du volume total de produit déversé. Les brèches de tête se sont produites en raison des forces d’impact subies pendant le déraillement. Même si les boucliers protecteurs de plus de 91 % des wagons-citernes déraillés avaient subi des dommages attribuables aux chocs, seulement 11 % des têtes de citerne avaient subi une brèche.
- Les trous d’homme et les raccords supérieurs comptaient uniquement pour environ 4 % du volume total de produit déversé.
Aucun des dispositifs de décharge de pression ou des robinets de déchargement par le bas des 35 wagons-citernes déraillés n’avait subi de brèche ni n’avait déversé de produit.
2.12.2 Absence d’incendie après le déraillement
Dans le présent accident, près de la moitié des wagons-citernes ont subi une brèche et déversé du produit, mais aucun incendie ne s’est déclaré après le déraillement. Les facteurs suivants ont probablement diminué le risque d’incendie :
- Le pétrole brut avait un point d’éclair de -5 °C. La température au moment du déraillement (-27 °C) était inférieure au point d’éclair, ce qui diminuait le risque que le produit s’enflamme.
- La viscosité relativement élevée du mélange de pétrole brut, combinée à la faible température ambiante, a ralenti la vitesse de déversement du produit.
- La pression de vapeur relativement faible a minimisé l’émission de vapeurs.
- Comme le produit ne s’est pas enflammé au moment du déversement, le risque qu’un feu en nappe enveloppe les wagons, ou que les wagons déraillés soient directement atteints par des flammes, a été éliminé.
- En raison de la topographie du secteur où a eu lieu le déraillement, une grande partie du produit déversé s’est écoulée en direction sud, s’éloignant des wagons déraillés, dans une pente descendante vers un ancien méandre, bien à l’écart de toute source d’inflammation potentielle.
Autre fait établi
Les propriétés du mélange de pétrole brut, la température ambiante et la topographie des lieux du déraillement semblent avoir toutes contribué à empêcher que le produit déversé s’enflamme.
2.12.3 Creux des wagons-citernes
Une étude menée par la Federal Railroad AdministrationNote de bas de page 79 a révélé que la quantité de produit chargée dans un wagon-citerne a une incidence sur sa résistance à la perforation. Les résultats de l’étude indiquaient que l’énergie requise pour perforer la coque des wagons-citernes augmente à mesure que le creux augmente. Le Règlement sur le transport des marchandises dangereuses (disposition 10.4.2.3 de la norme TP 14877) exige que les wagons-citernes chargés aient un creux minimal de 1 %, à une température de référence donnée. En raison du poids du produit, les wagons-citernes dans ce déraillement avaient en moyenne un creux de chargement d’environ 11 %.
Lorsque le creux est plus important, il reste davantage d’espace que peut occuper le produit dans la citerne si celle-ci est déformée lors d’un déraillement.
Autre fait établi
Dans l’événement à l’étude, le creux moyen de 11 % des wagons-citernes chargés a diminué le risque de rupture des coques de citerne sous pression hydraulique pendant le déraillement, ce qui a minimisé la quantité de produit déversée et le risque d’incendie.
2.12.4 Examen détaillé de 7 wagons-citernes retirés des lieux de l’accident
Après l’examen sur place des 35 wagons-citernes déraillés, 7 d’entre eux ont été sélectionnés pour un examen plus approfondi. Les 7 wagons-citernes ont été transportés dans les ateliers de Transcona du CN à Winnipeg (Manitoba), où ils ont été préparés pour l’inspection. Des composants de 6 des wagons ont par la suite été retirés et transportés au Laboratoire d’ingénierie du BST pour un examen approfondi, dont les résultats sont les suivants.
2.12.4.1 Défaillance des soudures reliant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne
Les spécifications de l’Association of American Railroads (AAR) exigent une conception qui permette à la soudure reliant la cale de bout de citerne à la plaque de renfort de se séparer en laissant la plaque de renfort de la longrine tronquée fermement attachée à la tête de citerne en cas d’accident. Cette conception est requise pour minimiser le risque que la tête de citerne subisse une brèche si la longrine tronquée subit un choc, est endommagée ou se sépare de la citerne lors d’un déraillement. Toutefois, dans l’accident à l’étude, les soudures reliant les plaques de renfort de la longrine tronquée aux têtes de citerne des wagons VMSX 280506 (7e position), VMSX 280777 (34e position) et VMSX 280652 (35e position) ont toutes connu une défaillance qui a donné lieu à une séparation entre la plaque de renfort de la longrine tronquée et la tête de citerne.
Autres faits établis
La défaillance de la soudure reliant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne du wagon VMSX 280506 (7e position) était attribuable à la fois aux charges appliquées sur la longrine tronquée pendant le déraillement et à la mauvaise qualité des soudures reliant la cale de bout de citerne à la plaque de renfort de la longrine tronquée, et la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne.
Bien qu’aucune des défaillances des soudures reliant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne des wagons VMSX 280506 (7e position), VMSX 280777 (34e position) et VMSX 280652 (35e position) n’ait donné lieu à une brèche de citerne, la qualité des soudures était insuffisante pour que les soudures remplissent la fonction pour laquelle elles étaient prévues.
2.12.4.2 Pièce de raccordement de la longrine tronquée
La fissure dans la pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A du wagon VMSX 281261 (29e position) s’est prolongée jusque dans la coque de la citerne et a provoqué une brèche, ce qui a occasionné une perte de produit. La fissure dans la pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A a pris naissance dans une soudure de mauvaise qualité fixant le blindage inférieur à la longrine tronquée. Le profil du cordon de soudure était à la fois plus large que prévu dans les spécifications et très inégal. Un lieu de concentration des contraintes s’est donc formé, ce qui a donné lieu à une fissure qui s’est propagée jusque dans la citerne et a provoqué une brèche.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La fissure dans la pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A observée sur le wagon VMSX 281261 (29e position) provenait d’une soudure de mauvaise qualité dans le blindage inférieur; la fissure s’est propagée de la soudure jusque dans la coque de la citerne, ce qui a provoqué une brèche de citerne et une perte de produit.
2.12.4.3 Qualité des soudures
Des problèmes de qualité des soudures ont été constatés sur 4 des 7 wagons-citernes soumis à une analyse détaillée au triage Transcona du CN. La fissure de la pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A constatée sur le 29e wagon a provoqué une brèche de citerne. Si la défaillance des soudures reliant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne des wagons en 7e, en 34e et en 35e position n’a pas provoqué de brèche, le risque était tout de même présent, étant donné que les soudures n’étaient pas conformes aux spécifications et n’ont pas rempli la fonction pour laquelle elles étaient prévues. Cela porte à croire qu’il y a peut-être eu un problème de contrôle de la qualité des soudures au moment de la fabrication des wagons-citernes.
Fait établi quant aux risques
Si, lors de la fabrication d’un wagon-citerne, la qualité des soudures n’est pas contrôlée pour qu’elle soit conforme aux spécifications, il y a un risque accru que le wagon-citerne subisse une brèche lors d’un déraillement.
2.12.4.4 Enceinte protectrice des raccords supérieurs
Les wagons-citernes de catégorie 117R examinés sont conçus de manière robuste à l’emplacement de la plaque de renfort du dessus de la citerne, de l’enceinte protectrice des raccords supérieurs et du trou d’homme. Les forces énergétiques qui sont appliquées sur l’enceinte protectrice des raccords supérieurs des wagons-citernes lors d’un déraillement provoquent souvent une importante déformation, mais aucune brèche.
Autre fait établi
Les boulons de l’enceinte protectrice des raccords supérieurs du wagon VMSX 280939 (20e position) respectaient les normes prescrites et ont probablement été cisaillés en raison de charges d’impact excessives subies par l’enceinte protectrice lors du déraillement, sans que cela compromette l’intégrité de la citerne.
2.12.4.5 Tubulure de vidange
Dans l’accident à l’étude, la déformation de la tubulure de vidange constatée dans les wagons-citernes a été causée par la déformation du wagon au moment du déraillement. L’ampleur de la déformation des citernes a été estimée en calculant la déformation de la tubulure de vidange. Pour les 5 tubulures de vidange examinées, la déformation de la citerne variait de 0,1 m à 1,2 m. Bien que certains des wagons avaient subi d’autres brèches, aucune des brèches constatées n’était attribuable à la déformation de la citerne.
Dans la partie principale d’un déraillement, les wagons-citernes s’empilent et exercent des charges d’écrasement sur d’autres wagons-citernes. Ce type de charge est invariablement l’un des plus importants facteurs contributifs de la formation de larges brèches dans les citernes qui provoquent le déversement de grands volumes de produit pendant un déraillement.
Autre fait établi
L’examen de la déformation de la tubulure de vidange après un déraillement pourrait augmenter la compréhension de la dynamique d’un déraillement, ce qui pourrait contribuer à l’amélioration des essais, de la qualification et de la conception des wagons-citernes.
2.13 Performance globale des wagons-citernes de catégorie 117R lors du déraillement
Tous les wagons-citernes accidentés dans l’événement à l’étude étaient des wagons-citernes de catégorie 117R. Il s’agissait essentiellement de wagons-citernes de catégorie 111 fabriqués conformément à la norme CPC-1232 de l’AAR, équipés de chemise, de calorifuge et de bouclier protecteur complet, et sur lesquels on avait installé des poignées de robinet de déchargement par le bas modifiées, pour qu’ils soient conformes à la norme pour la catégorie DOT 117R. Plusieurs de ces caractéristiques semblent avoir influé sur la quantité de pétrole brut déversée en conséquence de ce déraillement.
Lors de déraillements précédents, on a constaté que les poignées des robinets de déchargement par le bas s’étaient souvent déplacées en position ouverte, ce qui avait accidentellement ouvert le robinet et entraîné le déversement de produit. Cela ne s’est pas produit lors du présent accident.
Autres faits établis relativement à la performance des wagons-citernes de catégorie 117R
Les nouvelles exigences relatives à la conception du système de poignée des robinets de déchargement par le bas ont contribué à réduire le volume de produit perdu.
Bien qu’un grand nombre d’enceintes protectrices des raccords supérieurs aient été fortement endommagées, elles ont tout de même minimisé les dommages aux robinets de commande et aux dispositifs de décharge de pression pendant l’accident. Aucune défaillance n’a été constatée dans les soudures des plaques de renfort au-dessus des citernes.
Une partie de l’énergie générée lors du déraillement a été absorbée par l’affaissement de la chemise et du calorifuge des wagons-citernes, ce qui a également protégé contre la perforation de la coque et a diminué le risque d’éclatement ou de rupture hydrostatique de la citerne.
Toutes les brèches de tête étaient associées à une importante déformation de la tête, ce qui porte à croire que les têtes de citerne ont été soumises à d’importantes forces de collision.
Autre fait établi relativement à la performance des wagons-citernes de catégorie 117R
Malgré les importantes forces de collision, la présence de boucliers protecteurs complets sur l’ensemble des wagons-citernes déraillés a probablement minimisé le nombre de brèches de tête.
La température du pétrole brut au moment de l’accident était inférieure à son point d’éclair. Par conséquent, le produit déversé ne s’est pas enflammé.
Autres faits établis relativement à la performance des wagons-citernes de catégorie 117R
L’absence d’incendie sur les lieux du déraillement a minimisé la quantité supplémentaire de produit déversée à la suite du déraillement, puisque le pétrole brut qui est resté dans les wagons-citernes n’a pas pris feu et qu’aucun wagon-citerne n’a connu de défaillance structurale causée par l’exposition à un feu en nappe ou en conséquence d’une projection de flammes. Toutefois, comme les wagons-citernes de catégorie 117R déraillés n’ont subi aucun dommage thermique, il n’a pas été possible d’établir une comparaison de la capacité de survie en cas d’incendie des wagons-citernes par rapport à celle observée lors de précédentes enquêtes du BST.
La performance globale des wagons-citernes de catégorie 117R a été quelque peu meilleure que celle des wagons-citernes de catégorie 111 de l’ancienne génération et des wagons-citernes de catégorie 111 sans chemise fabriqués selon la norme CPC-1232 qui ont été examinés lors de précédentes enquêtes du BST sur des déraillements de trains-blocs transportant du pétrole brut.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- L’accident s’est produit lorsqu’un joint (le joint 1) dans le rail sud s’est rompu sous le train-bloc transportant du pétrole brut au moment où celui-ci circulait dans la subdivision de Rivers de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada à proximité du point milliaire 197,47.
- Comme les éclisses ordinaires et les éclisses mixtes non peintes sont visuellement très semblables, l’équipe d’entretien de la voie de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada a choisi par inadvertance une éclisse mixte 132/136 RE et l’a installée avec l’éclisse ordinaire 132/136 RE qui était déjà installée du côté extérieur de la voie.
- L’installation d’une éclisse mixte avec une éclisse ordinaire a fait en sorte que le joint 1 dans le rail sud était mal aligné (faussé) et instable.
- Étant donné que le soutien de l’infrastructure se détériorait, le désalignement du joint 1 a provoqué un desserrement rapide du joint, ce qui a mené à l’apparition de fissures de fatigue dans les éclisses.
- La défaillance des éclisses s’est produite lorsque des ruptures par contrainte excessive instantanée se sont propagées à partir des extrémités de fissures de fatigue jusque dans le reste des sections transversales des éclisses, qui ne pouvaient plus supporter les charges normales de service au passage du train dans la zone.
- La présence de 5 joints et de rails de raccord connexes sur une distance relativement courte de 49 pieds a eu une incidence négative sur le module de la voie dans cette zone et a provoqué une détérioration accélérée du joint 1 lorsque celui-ci était soumis aux charges des trains qui passaient.
- Comme on l’a constaté lors d’autres accidents majeurs de trains-blocs transportant du pétrole brut, même si le train-bloc de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada chargé de pétrole brut était exploité conformément au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés, la vitesse du train (49 mi/h) a contribué au nombre de wagons déraillés et à la gravité générale du déraillement.
- La fissure dans la pièce de raccordement de la longrine tronquée au bout A observée sur le wagon VMSX 281261 (29e position) provenait d’une soudure de mauvaise qualité dans le blindage inférieur; elle s’est propagée de la soudure jusque dans la coque de la citerne, ce qui a provoqué une brèche de citerne et une perte de produit.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si les éclisses mixtes ne sont pas clairement identifiées avant d’être placées à bord du camion d’une équipe d’entretien, il y a un risque accru qu’une éclisse mixte soit installée avec une éclisse ordinaire, ce qui peut mener à une défaillance de l’éclisse et ainsi accroître le risque de déraillement.
- Si le renforcement des exigences de la réglementation et des compagnies de chemin de fer concernant l’entretien de la voie pour les itinéraires clés ne fait pas partie des stratégies de prévention des accidents, il y a un risque accru qu’une défaillance liée à un joint ou à la voie sur un itinéraire clé provoque un déraillement et le déversement de marchandises dangereuses.
- Si une plus grande priorité n’est pas accordée aux programmes d’élimination des joints en territoire à longs rails soudés pour l’obtention de périodes d’occupation de la voie sur les itinéraires clés où le volume de trafic est élevé, l’élimination des joints de rail pourrait ne pas toujours être effectuée promptement, ce qui augmente le risque de rupture de joints et de déraillement.
- Si les renseignements sur l’emplacement et les travaux d’entretien de la voie ne sont pas saisis précisément et uniformément dans le système d’information sur les voies utilisé par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, les rails de raccord courts et les joints installés pourraient ne pas être entretenus efficacement, ce qui augmente le risque de défaillance de composants et de déraillement.
- Si les évaluations des risques effectuées par la compagnie ne cernent pas tous les risques potentiels associés à des hausses du trafic, il se peut que les mesures d’atténuation appropriées, comme l’augmentation des réparations de la voie, ne soient pas déterminées, ce qui augmente le risque d’accidents.
- Si, lors de la fabrication d’un wagon-citerne, la qualité des soudures n’est pas contrôlée pour qu’elle soit conforme aux spécifications, il y a un risque accru que le wagon-citerne subisse une brèche lors d’un déraillement.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- Le système d’information sur les voies utilisé par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada est un outil utile pour consigner des renseignements sur les travaux d’entretien de la voie, mais il n’offre pas une précision suffisante pour évaluer précisément les travaux effectués sur chacun des joints et des rails de raccord courts installés à proximité les uns des autres.
- Les mesures mises en place pour protéger les intervenants, le public et l’environnement dans le cadre de l’intervention d’urgence et des mesures d’assainissement étaient généralement efficaces.
- Les propriétés du mélange de pétrole brut, la température ambiante et la topographie des lieux du déraillement semblent avoir toutes contribué à empêcher que le produit déversé s’enflamme.
- Dans l’événement à l’étude, le creux moyen de 11 % des wagons-citernes chargés a diminué le risque de rupture des coques de citerne sous pression hydraulique pendant le déraillement, ce qui a minimisé la quantité de produit déversée et le risque d’incendie.
- La défaillance de la soudure reliant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne du wagon VMSX 280506 (7e position) était attribuable à la fois aux charges appliquées sur la longrine tronquée pendant le déraillement et à la mauvaise qualité des soudures reliant la cale de bout de citerne à la plaque de renfort de la longrine tronquée, et la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne.
- Bien qu’aucune des défaillances des soudures reliant la plaque de renfort de la longrine tronquée à la tête de citerne des wagons VMSX 280506 (7e position), VMSX 280777 (34e position) et VMSX 280652 (35e position) n’ait donné lieu à une brèche de citerne, la qualité des soudures était insuffisante pour que les soudures remplissent la fonction pour laquelle elles étaient prévues.
- Les boulons de l’enceinte protectrice des raccords supérieurs du wagon VMSX 280939 (20e position) respectaient les normes prescrites et ont probablement été cisaillés en raison de charges d’impact excessives subies par l’enceinte protectrice lors du déraillement, sans que cela compromette l’intégrité de la citerne.
- L’examen de la déformation de la tubulure de vidange après un déraillement pourrait augmenter la compréhension de la dynamique d’un déraillement, ce qui pourrait contribuer à l’amélioration des essais, de la qualification et de la conception des wagons-citernes.
3.3.1 Autres faits établis relativement à la performance des wagons-citernes de catégorie 117R
- Les nouvelles exigences relatives à la conception du système de poignée des robinets de déchargement par le bas ont contribué à réduire le volume de produit perdu.
- Bien qu’un grand nombre d’enceintes protectrices des raccords supérieurs aient été fortement endommagées, elles ont tout de même minimisé les dommages aux robinets de commande et aux dispositifs de décharge de pression pendant l’accident. Aucune défaillance n’a été constatée dans les soudures des plaques de renfort au-dessus des citernes.
- Une partie de l’énergie générée lors du déraillement a été absorbée par l’affaissement de la chemise et du calorifuge des wagons-citernes, ce qui a également protégé contre la perforation de la coque et a diminué le risque d’éclatement ou de rupture hydrostatique de la citerne.
- Malgré les importantes forces de collision, la présence de boucliers protecteurs complets sur l’ensemble des wagons-citernes déraillés a probablement minimisé le nombre de brèches de tête.
- L’absence d’incendie sur les lieux du déraillement a minimisé la quantité supplémentaire de produit déversée à la suite du déraillement, puisque le pétrole brut qui est resté dans les wagons-citernes n’a pas pris feu et qu’aucun wagon-citerne n’a connu de défaillance structurale causée par l’exposition à un feu en nappe ou en conséquence d’une projection de flammes.
- Comme les wagons-citernes de catégorie 117R déraillés n’ont subi aucun dommage thermique, il n’a pas été possible d’établir une comparaison de la capacité de survie en cas d’incendie des wagons-citernes par rapport à celle observée lors de précédentes enquêtes du BST.
- La performance globale des wagons-citernes de catégorie 117R a été quelque peu meilleure que celle des wagons-citernes de catégorie 111 de l’ancienne génération et des wagons-citernes de catégorie 111 sans chemise fabriqués selon la norme CPC-1232 qui ont été examinés lors de précédentes enquêtes du BST sur des déraillements de trains-blocs transportant du pétrole brut.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 4 mars 2020, à la suite du présent accident et de 2 autres graves déraillements de trains-blocs transportant du pétrole brut exploités par le Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée, survenus près de Guernsey (Saskatchewan) le 9 décembre 2019 (événement R19W0320 du BST) et le 6 février 2020 (événement R20W0025 du BST), le BST a émis les avis de sécurité ferroviaire 02/20 et 03/20 à Transports Canada (TC).
Les avis de sécurité ferroviaire soulignaient que, depuis 2015, en comptant le présent accident, le BST avait dépêché des enquêteurs sur les lieux de 7 déraillements de trains comprenant des wagons-citernes qui transportaient du pétrole brut, dont 6 ont entraîné un déversement important de produit. Un examen des 7 accidents a révélé ce qui suit :
- Les 7 déraillements sont survenus sur un itinéraire clé dont les voies étaient entretenues conformément aux normes de catégorie 3 ou 4 du Règlement concernant la sécurité de la voie (aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie ou RSV).
- Les 7 déraillements sont survenus en conséquence d’une rupture de rail ou d’éclisses ou d’un autre problème touchant l’infrastructure de la voie.
- Dans 6 des 7 cas :
- La vitesse du train se situait entre 38 et 49 mi/h.
- De 29 à 39 wagons-citernes chargés de pétrole brut ont déraillé.
- Au total, 8,43 millions de litres de pétrole brut ont été déversés.
- Les déraillements se sont produits en hiver.
4.1.1.1 Avis de sécurité ferroviaire 02/20 – Modification de la vitesse de trains clés en fonction de divers profils de risques des trains
Dans l’avis de sécurité ferroviaire 02/20, le BST indiquait que la vitesse du train était l’un des principaux facteurs qui contribuent à la gravité d’un déraillement. Toutefois, d’autres facteurs entrent en ligne de compte, comme la longueur du train, le poids du train, la position du ou des premiers wagons à quitter les rails, la position des wagons dans le train et la conception des wagons-citernes. L’avis de sécurité ferroviaire suggérait que, pour réduire la fréquence de ces accidents et le risque auquel ils exposent le public, les biens et l’environnement, TC fasse une analyse plus poussée de la vitesse des trains clés, et la modifie au besoin, en tenant compte de divers profils de risques des trains ainsi que des autres facteurs influant sur la gravité d’un déraillement.
4.1.1.2 Avis de sécurité ferroviaire 03/20 – Normes de la voie renforcées pour les itinéraires clés
Dans l’avis de sécurité ferroviaire 03/20, le BST indiquait que l’exploitation des trains avait évolué, mais que le RSV n’avait pas évolué en conséquence. Le RSV alors en vigueur datait du 25 mai 2012, soit près de 4 ans avant le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par TC, entré en vigueur en février 2016. Bien que le RSV établisse des normes minimales pour l’infrastructure de la voie, il ne contient aucune disposition répondant au besoin de normes de la voie renforcées pour les itinéraires clés, malgré les hausses parfois importantes des volumes de marchandises dangereuses transportées.
Afin de réduire la fréquence des accidents de trains clés sur des itinéraires clés et d’atténuer les risques connexes, il est impératif d’entretenir adéquatement l’infrastructure de la voie. Puisque les causes sous-jacentes des 7 accidents mentionnés étaient toutes liées à des défaillances de l’infrastructure de la voie, l’avis indiquait à TC que le RSV alors en vigueur ne palliait pas les risques accrus associés à l’exploitation de trains clés. Le BST suggérait que TC envisage une révision du RSV visant à y intégrer des normes de la voie renforcées pour les itinéraires clés.
4.1.2 Transports Canada
4.1.2.1 Révision du Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés
En réponse à l’avis de sécurité ferroviaire 02/20 du BST, TC a pris un certain nombre d’arrêtés ministériels, dont les suivants.
4.1.2.1.1 Arrêté ministériel MO 20-05 pris en vertu de l’article 32.01 de la Loi sur la sécurité ferroviaire
Le 1er avril 2020, TC a pris l’arrêté ministériel MO 20-05 qui, conformément aux dispositions de l’article 32.01 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, ordonnait aux compagnies de chemin de fer de compétence fédérale de mettre en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires pour les trains clés.
L’arrêté tenait compte du fait qu’il y avait eu récemment un certain nombre de déraillements de trains transportant des marchandises dangereuses qui avaient entraîné la rupture de wagons-citernes et le déversement de marchandises dangereuses, notamment à Saint-Lazare (Manitoba) en 2019, à Guernsey (Saskatchewan) en 2019 et une deuxième fois à Guernsey (Saskatchewan) en 2020.
Il était ordonné aux compagnies de chemin de fer de mettre en application une définition supplémentaire de « train clé à risque élevé », soit une locomotive dont les wagons comprennent des wagons-citernes chargés transportant du pétrole brut ou des gaz de pétrole liquéfiés, selon la définition de la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses, dans un bloc continu de 20 wagons-citernes ou plus, ou dans 35 wagons-citernes ou plus répartis dans le train.
L’arrêté prévoyait également des limites de vitesse supplémentaires, des exigences relatives à la gestion des joints des longs rails soudés (LRS) et des exigences concernant l’installation d’un rail de rechange (rail de raccord).
L’arrêté MO 20-05 prenait effet immédiatement, à l’exception des exigences portant sur la gestion des joints des LRS et l’installation d’un rail de rechange (rail de raccord), dont l’entrée en vigueur était prévue le 1er septembre 2020. Il demeurera en vigueur jusqu’à ce que le ministre approuve le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés révisé, qui inclut les mesures ci-dessus à titre permanent.
4.1.2.1.2 Arrêté ministériel MO 20-06 pris en vertu de l’article 19 de la Loi sur la sécurité ferroviaire
Le 1er avril 2020, TC a pris l’arrêté ministériel MO 20-06 en vertu du paragraphe 19(1) de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Il ordonnait aux compagnies de chemin de fer de compétence fédérale de réviser le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés.
Le règlement modifié devait reposer sur une évaluation des risques pour la sécurité et il devait comprendre, au moins : de nouvelles définitions, notamment pour « train clé à risque élevé », qui doit être défini comme « une locomotive dont les wagons comprennent des wagons-citernes chargés transportant du pétrole brut ou des gaz de pétrole liquéfiés, selon la définition de la Loi de 1992 sur le transport des marchandises dangereuses, dans un bloc continu de 20 wagons-citernes ou plus, ou dans 35 wagons-citernes ou plus répartis dans le train »; des limites de vitesse supplémentaires; des exigences relatives à la gestion des joints des LRS; et des exigences concernant l’installation d’un rail de rechange (rail de raccord).
L’arrêté exigeait que les compagnies de chemin de fer déposent le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés révisé auprès du ministre des Transports, pour approbation, dans les 210 jours suivant la date de publication de l’arrêté.
4.1.2.1.3 Arrêté ministériel MO 20-10 pris en vertu de l’article 32.01 de la Loi sur la sécurité ferroviaire – arrêté MO 20-05 abrogé
Le 6 novembre 2020, TC a pris l’arrêté ministériel MO 20-10 en vertu de l’article 32.01 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. En conséquence de la publication de l’arrêté MO 20-10, l’arrêté ministériel MO 20-05 a été abrogé, et les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale ont reçu l’ordre de mettre en œuvre des mesures de sécurité supplémentaires pour les trains clés :
- partie I : Limites de vitesse supplémentaires en l’absence d’un plan d’atténuation des risques liés à l’exploitation hivernale;
- partie II : Exigences relatives à la gestion des joints des LRS;
- partie III : Exigences concernant l’installation d’un rail de rechange (rail de raccord);
- partie IV : Limites de vitesse pour les trains clés dans le cas où un plan d’atténuation des risques liés à l’exploitation hivernale est en place;
- partie V : Exigences concernant l’atténuation des risques liés à l’exploitation hivernale;
- partie VI : Exigences concernant la technologie de détection des ruptures de rail.
L’arrêté prenait effet immédiatement et restera en vigueur jusqu’à ce que le ministre approuve le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés révisé, qui inclut les mesures ci-dessus à titre permanent.
4.1.2.1.4 Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés révisé
Le 22 février 2021, TC a approuvé les modifications au Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés proposées par l’industrie. La version révisée du Règlementest entrée en vigueur le 22 août 2021 Note de bas de page 80. Les nouvelles exigences sont les suivantes :
- Les compagnies doivent élaborer et respecter un plan d’entretien et d’inspection des joints de rail permanents et des joints de rail temporaires en territoire à LRS.
- Le plan d’inspection doit comprendre les délais pour le maintien des joints de rails temporaires jusqu’à la réparation permanente, ainsi que l’exigence concernant la tenue de registres précisant l’emplacement des joints de rail temporaires, de même que les dates d’installation, d’inspection et d’entretien.
- Des limites de vitesse sont établies pour les trains clés exploités dans une région métropolitaine de recensement.
- Les trains clés à risque élevé sont définis comme étant des trains clés composés de wagons-citernes chargés de pétrole brut ou de gaz de pétrole liquéfié dans un bloc continu de 20 wagons-citernes ou plus, ou de 35 wagons-citernes ou plus répartis dans le train, et
- des limites de vitesse supplémentaires sont établies pour les trains clés à risque élevé, par comparaison avec les trains clés, qu’ils soient exploités à l’extérieur ou à l’intérieur d’une région métropolitaine de recensement.
- De nouvelles exigences sont instaurées en ce qui concerne les plans d’atténuation des risques liés à l’exploitation hivernale.
4.1.2.2 Révision du Règlement concernant la sécurité de la voie
En réponse à l’avis de sécurité ferroviaire 03/20 du BST, TC a pris l’arrêté ministériel MO 20-07.
4.1.2.2.1 Arrêté ministériel MO 20-07 pris en vertu de l’article 19 de la Loi sur la sécurité ferroviaire
Le 1er avril 2020, TC a pris l’arrêté ministériel MO 20-07 qui, conformément aux dispositions du paragraphe 19(1) de la Loi sur la sécurité ferroviaire, ordonnait aux compagnies de chemin de fer de compétence fédérale de réviser le RSV.
Le règlement révisé devait être fondé sur une évaluation des risques liés à la sécurité, les causes de déraillement attribuables à la voie, la technologie en constante évolution, les normes en vigueur de l’industrie ferroviaire et les pratiques exemplaires de l’industrie. Il devait en outre inclure, au minimum, les éléments suivants en 3 phases :
Phase 1
- Formation, compétence et assurance qualité
- Gestion des LRS
- Géométrie de la voie
- Gestion de l’usure des rails
- Gestion de la surface de roulement
Phase 2
- Fréquence d’inspection des voies
- Technologie d’inspection automatisée des voies
Phase 3 – Structures/autres
- Exigence de traverses en béton
- Exigence d’inspection des voies de triage sur lesquelles circule du matériel voyageurs transportant des voyageurs
- Exigence d’établir des indicateurs clés de performance des voies et d’en rendre compte
- Exigence de déposer auprès de TC la version la plus récente des normes relatives à la voie de la compagnie
Les dates pour le dépôt de la version révisée du RSV auprès du ministre sont le 1er avril 2021 (phase 1), le 1er octobre 2021 (phase 2) et le 1er avril 2022 (phase 3).
Le 31 mai 2021, TC a approuvé les éléments révisés de la phase 1 du RSVNote de bas de page 81. Les nouveaux alinéas b) à f), article 9, partie 1 du RSV prévoient des exigences liées à l’assurance de la qualité pour les activités d’entretien et de réparation essentielles à la sécurité. On s’attend à ce que ces exigences fassent diminuer les risques de déraillements attribuables à des activités d’entretien et de réparation non conformes aux normes et aux procédures de la compagnie de chemin de fer.
L’article IX, sous-partie D, partie II, de la version révisée du RSV contient des exigences selon lesquelles les plans de gestion requis pour les LRS doivent inclure des exigences détaillées relatives à l’installation, à l’inspection et à l’entretienNote de bas de page 82.
Par ailleurs, la version révisée du RSV prévoit des exigences selon lesquelles les compagnies de chemin de fer doivent élaborer et respecter un plan de gestion de la géométrie de la voie, un plan de gestion de la surface de roulement et un plan de gestion de l’usure des rails.
4.1.3 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Le CN a fourni les renseignements suivants au sujet des mesures de sécurité prises :
Le CN exige maintenant que la surface exposée des éclisses mixtes, c’est-à-dire le côté de l’éclisse qui est visible lorsque celle-ci est installée sur la voie, soit peinte bleu roi par le fournisseur. Ce changement permet de différencier plus facilement les éclisses mixtes des éclisses ordinaires.
Les éclisses et tronçons de rail de l’événement à l’étude ont été remis au CN pour que la compagnie puisse s’en servir dans le cadre de son programme de formation à l’intention du personnel de l’ingénierie.
À des fins de formation, le CN prépare également différents ensembles d’éclisses et de tronçons de rail faits de matériau composite léger. Puisque les ensembles d’éclisses et de segments de rail peuvent peser jusqu’à 400 livres, les ensembles légers conviennent mieux au transport et à la formation pratique.
Les points suivants faisaient partie des initiatives d’entretien de la voie en cours au CN pour la subdivision de Rivers :
- entre le 1er mars 2019 et le 31 décembre 2019 :
- un total de 1019 rails de raccord temporaires, avec les 2038 joints connexes, ont été retirés de la subdivision de Rivers (y compris la voie principale et les voies d’évitement);
- des LRS d’une longueur totalisant 192 867 pieds ont été installés ou remplacés dans la subdivision de Rivers dans le cadre des programmes d’immobilisations du CN.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Le rapport a été officiellement publié le
Annexes
Annexe A – Résumé des brèches des wagons-citernes
Note : Aucun des wagons du train ne présentait de brèche au robinet de déchargement par le bas.
Position dans le train | Numéro d’identification du wagon-citerne | Type de brèche |
---|---|---|
7 | VMSX 280506 | Tête |
8 | VMSX 281366 | Pas de brèche |
9 | VMSX 281846 | Pas de brèche |
10 | VMSX 280999 | Coque |
11 | VMSX 281732 | Trou d’homme |
12 | VMSX 281065 | Pas de brèche |
13 | VMSX 281240 | Pas de brèche |
14 | VMSX 281753 | Trou d’homme |
15 | VMSX 281911 | Pas de brèche |
16 | VMSX 280866 | Pas de brèche |
17 | VMSX 281536 | Pas de brèche |
18 | VMSX 280913 | Coque |
19 | VMSX 280861 | Pas de brèche |
20 | VMSX 280939 | Raccords supérieurs et dispositifs de décharge de pression |
21 | VMSX 280790 | Coque |
22 | VMSX 281428 | Trou d’homme |
23 | VMSX 280921 | Coque |
24 | VMSX 281189 | Pas de brèche |
25 | VMSX 281042 | Coque |
26 | VMSX 280996 | Coque |
27 | VMSX 280812 | Pas de brèche |
28 | VMSX 281866 | Pas de brèche |
29 | VMSX 281261 | Coque |
30 | VMSX 281476 | Pas de brèche |
31 | VMSX 280794 | Pas de brèche |
32 | VMSX 280685 | Tête |
33 | VMSX 280820 | Coque |
34 | VMSX 280777 | Tête et coque |
35 | VMSX 280652 | Tête et coque |
36 | VMSX 281348 | Pas de brèche |
37 | VMSX 280758 | Pas de brèche |
38 | VMSX 280947 | Coque |
39 | VMSX 281677 | Pas de brèche |
40 | VMSX 281331 | Pas de brèche |
41 | VMSX 280818 | Pas de brèche |
Annexe B – Résumé des volumes de pétrole brut déversé
Position dans le train | Numéro d’identification du wagon-citerne | Capacité (en litres) | Volume total estimé de produit récupéré (en litres) | Volume brut chargé (en litres) | Volume total perdu (en litres) | Pourcentage (%) de produit récupéré |
---|---|---|---|---|---|---|
7 | VMSX 280506 | 107 884 | 41 800 | 95 876 | 54 047 | 44 |
8 | VMSX 281366 | 107 960 | 93 250 | 95 099 | 1820 | 98 |
9 | VMSX 281846 | 107 809 | 96 800 | 95 030 | -1878 | 102 |
10 | VMSX 280999 | 107 960 | 95 250 | 95 704 | 406 | 100 |
11 | VMSX 281732 | 107 809 | 95 750 | 95 140 | -658 | 101 |
12 | VMSX 281065 | 107 733 | 94 000 | 95 782 | 1705 | 98 |
13 | VMSX 281240 | 107 998 | 93 700 | 95 621 | 1892 | 98 |
14 | VMSX 281753 | 107 922 | 87 000 | 95 416 | 8349 | 91 |
15 | VMSX 281911 | 107 846 | 98 500 | 95 371 | -3205 | 103 |
16 | VMSX 280866 | 108 111 | 98 700 | 96 626 | -3205 | 102 |
17 | VMSX 281536 | 107 960 | 99 000 | 95 661 | -3435 | 104 |
18 | VMSX 280913 | 107 771 | 15 800 | 95 732 | 79 855 | 17 |
19 | VMSX 280861 | 107 809 | 89 500 | 96 049 | 6482 | 93 |
20 | VMSX 280939 | 107 884 | 97 850 | 96 716 | -1192 | 101 |
21 | VMSX 280790 | 107 922 | 75 700 | 95 851 | 20 103 | 79 |
22 | VMSX 281428 | 107 922 | 91 000 | 95 023 | 3947 | 96 |
23 | VMSX 280921 | 107 771 | 500 | 95 750 | 95 183 | 1 |
24 | VMSX 281189 | 107 884 | 101 895 | 95 420 | -6561 | 107 |
25 | VMSX 281042 | 107 884 | 71 000 | 96 688 | 25 601 | 73 |
26 | VMSX 280996 | 107 846 | 32 000 | 95 785 | 63 785 | 33 |
27 | VMSX 280812 | 107 657 | 98 900 | 96 769 | -2150 | 102 |
28 | VMSX 281866 | 107 884 | 93 500 | 95 301 | 1791 | 98 |
29 | VMSX 281261 | 108 074 | 82 500 | 96 098 | 13 608 | 86 |
30 | VMSX 281476 | 108 111 | 106 000 | 95 798 | -10 192 | 111 |
31 | VMSX 280794 | 107 998 | 101 500 | 96 121 | -5369 | 106 |
32 | VMSX 280685 | 108 111 | 1000 | 96 382 | 95 411 | 1 |
33 | VMSX 280820 | 107 998 | 1500 | 96 525 | 95 054 | 2 |
34 | VMSX 280777 | 107 846 | 5000 | 96 236 | 91 265 | 5 |
35 | VMSX 280652 | 107 809 | 67 000 | 95 880 | 28 870 | 70 |
36 | VMSX 281348 | 108 225 | 93 500 | 95 978 | 2468 | 97 |
37 | VMSX 280758 | 108 111 | 98 000 | 95 233 | -2777 | 103 |
38 | VMSX 280947 | 107 846 | 3000 | 95 692 | 92 739 | 3 |
39 | VMSX 281677 | 107 809 | 96 200 | 95 901 | -280 | 100 |
40 | VMSX 281331 | 107 695 | 97 500 | 94 955 | -2536 | 103 |
41 | VMSX 280818 | 107 884 | 96 000 | 95 323 | -649 | 101 |
Volume total indiqué sur le connaissement (en litres) | 3 352 532 | |||||
Volume total de produit récupéré – camions de transbordement (en litres) | 2 537 473 | |||||
Volume total perdu (en litres) | 815 059 | |||||
Pourcentage total perdu (%) | 24,3 |
* Les nombres négatifs à la colonne « Volume total perdu » indiquent que le volume estimé de produit récupéré est supérieur au volume réel de produit chargé dans le wagon-citerne. Toute incohérence entre le volume de produit récupéré et la présence d’une brèche confirmée sur le wagon-citerne est le résultat d’inexactitudes dans le processus de suivi du volume de produit récupéré pour chaque wagon-citerne. Cela n’a toutefois pas d’incidence sur le volume total perdu, étant donné qu’il est établi en fonction de la différence entre le volume total de produit transporté et le volume total de produit récupéré.
Annexe C – Calcul du creux des wagons-citernes
La capacité volumique de chaque wagon-citerne et le volume net de produit chargé dans la citerne avant le déraillement ont été utilisés pour calculer le creux de chaque wagon-citerne.
Position dans le train | Numéro d’identification du wagon-citerne | Volume net de produit chargé (en litres) | Capacité volumique du wagon-citerne (en litres) | Creux (en pourcentage de volume) | Tare du wagon-citerne (en livres) | Tare du wagon-citerne (en kg) | Poids net du produit chargé (en kg) | Poids total du wagon-citerne et du produit (en kg) |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
7 | VMSX 280506 | 95 847 | 107 884,2 | 11,2 | 83 400 | 37 909,1 | 89 332,90 | 127 242 |
8 | VMSX 281366 | 95 070 | 107 960,0 | 11,9 | 85 500 | 38 863,6 | 88 478,19 | 127 342 |
9 | VMSX 281846 | 94 922 | 107 808,5 | 12,0 | 84 600 | 38 454,5 | 88 807,63 | 127 262 |
10 | VMSX 280999 | 95 656 | 107 960,0 | 11,4 | 83 800 | 38 090,9 | 89 440,65 | 127 532 |
11 | VMSX 281732 | 95 092 | 107 808,5 | 11,8 | 85 000 | 38 636,4 | 88 760,93 | 127 397 |
12 | VMSX 281065 | 95 705 | 107 732,8 | 11,2 | 83 800 | 38 090,9 | 89 118,48 | 127 209 |
13 | VMSX 281240 | 95 592 | 107 997,8 | 11,5 | 84 900 | 38 590,9 | 88 676,23 | 127 267 |
14 | VMSX 281753 | 95 349 | 107 922,1 | 11,7 | 84 500 | 38 409,1 | 88 754,81 | 127 164 |
15 | VMSX 281911 | 95 295 | 107 846,4 | 11,6 | 84 800 | 38 545,5 | 88 646,78 | 127 192 |
16 | VMSX 280866 | 96 539 | 108 111,4 | 10,7 | 83 400 | 37 909,1 | 89 414,21 | 127 323 |
17 | VMSX 281536 | 95 565 | 107 960,0 | 11,5 | 85 200 | 38 727,3 | 88 491,85 | 127 219 |
18 | VMSX 280913 | 95 655 | 107 770,7 | 11,2 | 83 700 | 38 045,5 | 89 176,88 | 127 222 |
19 | VMSX 280861 | 95 982 | 107 808,5 | 11,0 | 83 500 | 37 954,5 | 89 317,63 | 127 272 |
20 | VMSX 280939 | 96 658 | 107 884,2 | 10,4 | 83 600 | 38 000,0 | 89 365,58 | 127 366 |
21 | VMSX 280790 | 95 803 | 107 922,1 | 11,2 | 83 900 | 38 136,4 | 89 142,19 | 127 279 |
22 | VMSX 281428 | 94 947 | 107 922,1 | 12,0 | 85 200 | 38 727,3 | 88 626,03 | 127 353 |
23 | VMSX 280921 | 95 683 | 107 770,7 | 11,2 | 83 600 | 38 000,0 | 89 324,17 | 127 324 |
24 | VMSX 281189 | 95 334 | 107 884,2 | 11,6 | 84 900 | 38 590,9 | 88 625,68 | 127 217 |
25 | VMSX 281042 | 96 601 | 107 884,2 | 10,5 | 83 700 | 38 045,5 | 89 320,37 | 127 366 |
26 | VMSX 280996 | 95 785 | 107 846,4 | 11,2 | 84 000 | 38 181,8 | 88 950,53 | 127 132 |
27 | VMSX 280812 | 96 750 | 107 657,1 | 10,1 | 83 400 | 37 909,1 | 89 337,14 | 127 246 |
28 | VMSX 281866 | 95 291 | 107 884,2 | 11,7 | 84 700 | 38 500,0 | 88 837,26 | 127 337 |
29 | VMSX 281261 | 96 108 | 108 073,5 | 11,1 | 84 700 | 38 500,0 | 88 727,28 | 127 227 |
30 | VMSX 281476 | 95 808 | 108 111,4 | 11,4 | 85 300 | 38 772,7 | 88 458,21 | 127 231 |
31 | VMSX 280794 | 96 131 | 107 997,8 | 11,0 | 83 700 | 38 045,5 | 89 172,59 | 127 218 |
32 | VMSX 280685 | 96 411 | 108 111,4 | 10,8 | 84 100 | 38 227,3 | 89 066,61 | 127 294 |
33 | VMSX 280820 | 96 554 | 107 997,8 | 10,6 | 83 800 | 38 090,9 | 89 063,62 | 127 155 |
34 | VMSX 280777 | 96 265 | 107 846,4 | 10,7 | 83 600 | 38 000,0 | 89 367,72 | 127 368 |
35 | VMSX 280652 | 95 870 | 107 808,5 | 11,1 | 83 400 | 37 909,1 | 89 335,76 | 127 245 |
36 | VMSX 281348 | 95 968 | 108 224,9 | 11,3 | 85 000 | 38 636,4 | 88 530,11 | 127 166 |
37 | VMSX 280758 | 95 223 | 108 111,4 | 11,9 | 83 800 | 38 090,9 | 89 195,04 | 127 286 |
38 | VMSX 280947 | 95 739 | 107 846,4 | 11,2 | 83 900 | 38 136,4 | 89 123,23 | 127 260 |
39 | VMSX 281677 | 95 920 | 107 808,5 | 11,0 | 85 100 | 38 681,8 | 88 593,34 | 127 275 |
40 | VMSX 281331 | 94 964 | 107 695,0 | 11,8 | 85 100 | 38 681,8 | 88 664,54 | 127 346 |
41 | VMSX 280818 | 95 351 | 107 884,2 | 11,6 | 83 700 | 38 045,5 | 89 233,07 | 127 279 |