Recommandation A24-01 du BST

Sortie d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien
Date à laquelle la recommandation a été émise
Date de la dernière réponse
Mai 2024
Date de la dernière évaluation
Août 2024
Évaluation de la réponse à la recommandation
Intention satisfaisante
État du dossier
Actif

Résumé de l’événement

Vers 15 h 48, heure avancée du Centre, le 25 avril 2021, l’hélicoptère Airbus Helicopters AS350 B2 (immatriculation C-FYDA, numéro de série 4157), exploité par Great Slave Helicopters 2018 Ltd., a quitté un camp éloigné sur l’île Russell (Nunavut) pour un vol de jour selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de l’aéroport de Resolute Bay (Nunavut), situé à 87 milles marins au nord-est. À bord se trouvaient le pilote, un technicien d’entretien d’aéronef et un biologiste. L’objectif du vol était de retourner à Resolute Bay après avoir passé 12 jours à mener des recherches sur les ours polaires pour un client, étant donné que des conditions météorologiques défavorables étaient prévues dans la région pour les prochains jours.

Vers 16 h 33, heure avancée du Centre, l’hélicoptère est entré en collision avec le relief enneigé de l’île Griffith (Nunavut), à environ 12 milles marins au sud-ouest de l’aéroport de Resolute Bay, sur une trajectoire quasi en sens inverse par rapport à la route prévue. L’hélicoptère a été détruit, et un incendie après impact a consumé une grande partie du fuselage. La radiobalise de repérage d’urgence a été détruite lors de l’impact et n’a émis aucun signal de détresse. Il n’y a eu aucun survivant.

Outre les circonstances qui ont vraisemblablement mené à la collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels dans des conditions de lumière plate et de voile blanc, l’enquête a porté sur les facteurs qui ont probablement influencé le processus décisionnel du pilote, sur les moyens de défense organisationnels en place chez Great Slave Helicopters 2018 Ltd. et sur l’environnement réglementaire.

Le Bureau a conclu son enquête et publié le rapport A21C0038 le 15 février 2024.

Justification de la recommandation

Malgré la fréquence des accidents d’hélicoptères liés à la perte de repères visuels survenant lors de vols VFR, et bien que certains pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR soient autorisés à voler lorsque la visibilité est aussi faible que ½ mille terrestre, rien n’exige que les exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes de leur entreprise possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IIMC).

Au cours de la présente enquête, le BST a découvert que certains exploitants canadiens d’hélicoptères commerciaux dont les pilotes possèdent une expérience de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) accordent une grande importance à l’équipement présent à bord de leurs aéronefs et à la formation de leurs pilotes qualifiés pour le vol VFR en ce qui a trait à la sortie d’un IIMC lorsqu’ils volent au-delà de la limite forestière pendant les mois d’hiver. Cependant, d’autres entreprises qui n’effectuent que des vols VFR, dont Great Slave Helicopters 2018 Ltd. (GSH), ont adopté une approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC et s’en remettent à cette approche. Une telle approche, autorisée par le Règlement de l’aviation canadien (RAC), repose sur la capacité du pilote à éviter un IIMC et à piloter en se fiant uniquement à des repères visuels extérieurs.

Comme le montre l’événement à l’étude, et bien d’autres événements évoqués dans le rapport d'enquête sur la sécurité du transport aérien A21C0038Note de bas de page 1 , il peut s’avérer inefficace de s’appuyer sur une approche fondée sur l’évitement intentionnel de quelque chose qui se produit par inadvertance. Compte tenu du nombre d’accidents attribuables à un IIMC qui se sont produits et du fait que les accidents d’hélicoptères sont deux fois plus susceptibles de comporter une perte de repères visuels que les accidents d’avions, il est évident que l’approche « éviter à tout prix » à l’égard des IIMC n’est pas efficace lorsqu’elle est utilisée seule. Le recours à cette approche peut exposer les pilotes et les passagers à un risque accru d’accidents liés à un IIMC, car cette approche encourage généralement les pilotes à voler plus bas et plus lentement au fur et à mesure que les conditions météorologiques se dégradent, et ce, jusqu’à ce qu’ils déterminent qu’il n’est plus possible de poursuivre le vol en toute sécurité. Cette approche a généralement pour effet de rapprocher les hélicoptères du sol, dans un profil de vol qui peut rendre plus difficile, voire impossible, le passage aux instruments de vol en cas de perte de repères visuels.

Lorsque le pilote de l’événement à l’étude a reconnu la nécessité de prendre des mesures d’évitement, il n’avait pas les compétences nécessaires pour faire en toute sécurité la transition vers un vol aux instruments et exécuter une procédure prédéterminée de sortie d’IIMC, comme effectuer une montée droit devant ou un virage à 180° pour revenir à des conditions météorologiques de vol à vue, avant de perdre tous ses repères externes. Au lieu, le pilote de l’événement à l’étude a vraisemblablement compté sur la technique qui lui avait été enseignée, à savoir continuer de piloter en se fiant à des repères extérieurs, et ce, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de repères visuels adéquats. Cette technique a fait en sorte que l’hélicoptère de l’événement a percuté le relief par inadvertance alors que le pilote se trouvait probablement dans des conditions IMC en raison de conditions de lumière plate et de voile blanc.

Après une série d’accidents liés aux conditions de lumière plate et de voile blanc ayant touché des hélicoptères commerciaux en vol VFR aux États-Unis (É.-U.), le National Transportation Safety Board des É.-U. a émis plusieurs recommandations de sécurité en 2002 visant à réduire ce type d’événements. À la suite de ces recommandations, la Federal Aviation Administration des É.-U. a apporté des modifications aux Federal Aviation Regulations. L’une des modifications les plus importantes a été l’obligation, pour les pilotes professionnels d’hélicoptères, de démontrer lors de la formation initiale et périodique qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMCNote de bas de page 2 . La Helicopter Association International a également reconnu la nécessité d’agir et a élaboré une approche globale à l’égard des IIMC qui comprend une formation sur la façon d’éviter les situations de type IIMC et d’en sortir. Cette approche est approuvée par la United States Helicopter Safety Team et la Helicopter Association of Canada.

Au Canada, le test en vol pour obtenir la licence de pilote privé d’hélicoptère, puis la licence de pilote professionnel d’hélicoptère, exige que les pilotes démontrent plusieurs compétences telles que le vol stationnaire, les virages à grande inclinaison et les autorotations. De plus, un pilote doit démontrer son habileté à maintenir le contrôle en n’ayant pour référence que les instruments de vol pendant la simulation d’un IIMCNote de bas de page 3 . Cela montre que les pilotes d’hélicoptère ayant une expérience limitée du vol aux instruments peuvent être formés à exécuter une procédure de sortie d’IIMC en utilisant uniquement les instruments de vol.

Une fois que les pilotes ont obtenu leur licence de pilote professionnel, ils doivent démontrer qu’ils satisfont à plusieurs de ces exigences du test en vol (p. ex., les autorotations) lors des vérifications annuelles de compétence pilote. Cependant, malgré le nombre d’accidents d’hélicoptères attribuables à un IIMC et les pertes de vie qui y sont associées, les pilotes professionnels d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR ne sont pas tenus de démontrer, lors des vérifications de compétence pilote, qu’ils conservent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC. Étant donné qu’il n’y a aucune obligation de maintenir cet ensemble de compétences, les exploitants d’hélicoptères commerciaux effectuant des vols VFR ne sont pas tenus de dispenser à leurs pilotes une formation de sortie d’IIMC. Sans entraînement périodique, que ce soit à bord de l’aéronef ou par d’autres moyens, les compétences s’éroderont. Plus il s’est écoulé de temps depuis la dernière évaluation de la capacité des pilotes à sortir d’un IIMC, moins il est probable qu’ils aient la compétence et la confiance nécessaires pour exécuter une telle manœuvre dans des conditions réellesNote de bas de page 4,Note de bas de page 5. Par conséquent, la réglementation en vigueur permet aux pilotes d’hélicoptère qualifiés pour le vol VFR de voler dans des conditions environnementales propices à une perte de repères visuels, sans avoir l’assurance qu’ils possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC.

En 1990, le BST a émis la recommandation A90-81 demandant que Transports Canada (TC) exige que les pilotes professionnels d’hélicoptère subissent, au cours de leur vérification annuelle de compétence pilote, un contrôle de leur aptitude à exécuter les manœuvres de base du vol aux instruments. Après plusieurs années d’inaction de la part de TC, le Bureau a estimé que la réponse de TC à cette recommandation dénotait une attention non satisfaisante et a fait passer la recommandation au statut « en veilleuse »Note de bas de page 6.

Étant donné que rien n’oblige les exploitants d’hélicoptères commerciaux à s’assurer que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un IIMC, les pilotes et les passagers d’hélicoptères en vol selon les règles de vol à vue sont exposés à un risque accru de collision avec le relief à la suite d’une perte de repères visuels.

Par conséquent, le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports exige que les exploitants d’hélicoptères commerciaux s’assurent que les pilotes possèdent les compétences nécessaires pour sortir d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
Recommandation A24-01 du BST

Réponses et évaluations antérieures

S.O.

Réponse et évaluation les plus récentes

Mai 2024 : réponse de Transports Canada

Transports Canada (TC) est d’accord en principe avec la recommandation du Bureau de la sécurité des transports (BST). Nous reconnaissons l’importance de doter les pilotes des compétences requises pour gérer efficacement un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques aux instruments (IIMC) et en sortir, augmentant ainsi les chances de survie dans de telles conditions.

TC prendra le temps d’examiner les exigences réglementaires que la Federal Aviation Administration (FAA) a mises en œuvre pour la démonstration initiale et récurrente des compétences nécessaires pour se sortir des IIMC et l’approche globale que la Helicopter Association International (HAI) a développée pour l’IIMC, qui comprend une formation sur l’évitement et la sortie. À la suite de cet examen, TC étudiera la viabilité d’améliorer les conditions préalables de formation aux instruments pour les licences d’hélicoptères commerciaux, ainsi que d’intégrer les exigences de formation dans les opérations régies par la partie VII, qui englobent également les opérations d’aéronefs à voilure fixe. Dans la prochaine mise à jour au BST, TC sera mieux placé pour fournir des détails sur un plan d’action.

Entre-temps, en 2023, TC a publié l’Avis de proposition de modification (APM) 2023-005 - Conditions météorologiques de vol à vue minimales pour un vol VFR en espace aérien contrôlé ou non contrôlé – Parties I, IV, VI, VII du RAC et normes associéesNote de bas de page 7 pour consultation sur le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne du Canada (CCRAC). Le but de cet APM est de modifier les articles 602.114 et 602.115, ainsi que d’autres aspects des parties I, IV, VI, VII du Règlement de l’aviation canadien (RAC) et les normes associées afin de faciliter l’introduction des systèmes d’imagerie de vision nocturne (SIVN) et de renforcer les exigences d’obtention et de maintien de la qualification VFR de nuit. Il convient de noter que ces améliorations comprennent des critères accrus pour la formation et la qualification des instructeurs et des pilotes dans la partie IV, en particulier concernant les opérations VFR de nuit, et que les parties VI et VII ont été désignées comme de la réglementation à renforcer avec des prérequis de formation et de compétences accrus. À titre d’exemple :

  • RAC 702.17 – Augmenter les exigences en matière d’équipement et de qualifications pour le vol VFR de nuit en conditions de visibilité minimale pour un équipement conforme à l’article 605.16 du RAC.

En raison d’une réorganisation des priorités qui guident le Plan prospectif de la réglementation de TCNote de bas de page 8, la publication de la modification n’est pas encore prévue dans la Partie I de la Gazette du Canada. Une fois que la nouvelle réglementation entrera en vigueur, TC a l’intention d’aider les écoles de pilotage, l’aviation générale et les exploitants commerciaux à s’adapter à ces changements. Il est prévu que ces modifications proposées entraîneront une amélioration perceptible de la sécurité aérienne, conduisant à une atténuation significative des risques d’accident.

Août 2024 : évaluation de la réponse par le BST (intention satisfaisante)

Dans sa réponse, Transports Canada (TC) a indiqué qu’il est d’accord en principe avec la recommandation.

Le Bureau se réjouit que TC reconnaisse l’importance de veiller à ce que les pilotes soient dotés des compétences nécessaires pour sortir efficacement d’un vol par inadvertance dans des conditions météorologiques aux instruments (IIMC). Le Bureau voit d’un bon œil que TC examine les exigences réglementaires que la Federal Aviation Administration des États-Unis a mises en œuvre pour la démonstration initiale et récurrente des compétences nécessaires pour se sortir des IIMC, de même que l’approche développée par la Helicopter Association International (HAI) pour l’IIMC, qui comprend une formation sur l’évitement et la sortie. TC a déclaré qu’à la suite de cet examen, il étudierait la viabilité d’améliorer les conditions préalables de formation aux instruments pour les licences d’hélicoptères commerciaux, ainsi que d’intégrer les exigences de formation dans les opérations régies par la partie VII du Règlement de l’aviation canadien (REC), qui englobent également les opérations d’aéronefs à voilure fixe.

De plus, en 2023, TC a publié l’Avis de proposition de modification (APM) 2023-005 : Conditions météorologiques de vol à vue minimales pour un vol VFR en espace aérien contrôlé ou non contrôlé – Parties I, IV, VI, VII du RAC et normes associées pour consultation sur le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne du Canada. L’APM vise à modifier la réglementation afin d’introduire les systèmes d’imagerie de vision nocturne et de renforcer les exigences d’obtention et de maintien de la qualification pour les règles de vol à vue (VFR) de nuit. Parmi les autres modifications proposées, on trouve des exigences accrues en matière d’équipement et de qualifications pour les vols VFR dans une visibilité minimale en espace aérien non contrôlé. Bien que la publication de l’APM ne soit pas encore prévue dans la Partie I de la Gazette du Canada, une fois que la nouvelle réglementation entrera en vigueur, TC a l’intention d’aider les écoles de pilotage, l’aviation générale et les exploitants commerciaux à s’adapter à ces changements.

La réponse de TC démontre un engagement à garantir que les pilotes maîtrisent la sortie d’un IIMC et montre les progrès réalisés par l’intermédiaire des examens réglementaires prévus et des modifications proposées. Toutefois, le Bureau est préoccupé par l’absence d’échéancier et de plan d’action détaillé pour remédier à la lacune de sécurité relevée dans cette recommandation. Bien qu’aucun échéancier n’ait été fourni pour cette initiative, TC a indiqué que le Bureau pouvait s’attendre à un plan d’action plus détaillé dans la prochaine réponse de TC à cette recommandation. Si TC procède à ces modifications réglementaires, il est probable que lorsqu’elles auront été entièrement mises en œuvre, elles permettront de réduire ou d’éliminer considérablement la lacune de sécurité associée à cette recommandation. Par conséquent, le Bureau estime que la réponse de TC à la recommandation A24-01 dénote une intention satisfaisante.

État du dossier

Le BST surveillera les progrès de TC, tel qu’il est décrit ci-dessus; il attend avec intérêt les prochaines mises à jour sur les mesures prises pour remédier à cette lacune de sécurité.

Le présent dossier est actif.