Surveillance de la santé et de la sécurité au travail sur les navires de pêche immatriculés dans les territoires canadiens
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada recommande que le ministère des Transports, en collaboration avec le ministère de l’Emploi et du Développement social et les gouvernements territoriaux, examine la surveillance de la santé et sécurité au travail à bord de navires de pêche immatriculés dans les territoires afin de garantir une surveillance efficace de la sécurité au travail.
Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime
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Date à laquelle la recommandation a été émise |
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Date de la dernière réponse |
Mars 2024
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Date de la dernière évaluation |
Mai 2024
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Évaluation de la réponse à la recommandation |
Attention en partie satisfaisante
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État du dossier |
Actif
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Résumé de l’événement
Le 26 août 2021 à 3 h 10, heure avancée de Terre-Neuve, un membre d’équipage du navire de pêche Suvak est passé par-dessus bord alors qu’il posait des filets maillants dans le détroit de Davis, à environ 120 milles marins au nord-est de Qikiqtarjuaq (Nunavut).
Au moment de l’événement, le Suvak approchait la fin d’un voyage de pêche de 2 semaines. Deux membres d’équipage qui remontaient et posaient des filets avaient travaillé de longues heures pour terminer toutes les opérations de pêche nécessaires avant que le navire parte en direction du port. Ils avaient posé et remonté des filets et réalisé d’autres activités de pêche au cours de la journée du 25 août. Ils avaient poursuivi le travail pendant la nuit et pris 1 pause de 1,75 heure. Au moment de l’événement, ils étaient éveillés depuis plus de 21 heures consécutives. L’intention était que les membres d’équipage disposent d’une période de repos après le départ du navire. Toutefois, pendant qu’ils posaient des filets aux premières heures du matin, 1 des 2 membres d’équipage a été tiré par-dessus bord après que son bras s’est emmêlé dans l’orin de bouée. Le membre d’équipage a été repêché et, malgré d’importants efforts pour le sauver, sa mort a été constatée par après.
L’enquête a révélé que les 2 membres d’équipage qui posaient les filets sur le Suvak étaient atteints d’une fatigue liée au sommeil découlant d’une combinaison de perturbations aiguës et chroniques du sommeil, d’éveil continu et de perturbations des rythmes circadiens, ce qui a réduit leurs capacités cognitives, notamment leur capacité à rester vigilants face aux risques. Le membre d’équipage qui est passé par-dessus bord était d’une stature physique plus petite et avait adapté la procédure de ramassage des rouleaux d’orin de bouée pour maintenir la cadence. Combinée à la fatigue mentale et physique, cette adaptation a entraîné l’emmêlement de son bras dans l’orin de bouée.
L’enquête a mis au jour des risques liés à l’absence de plans de gestion de la fatigue et à l’absence d’évaluation des risques liés aux procédures d’exploitation. Elle a par ailleurs repéré la nécessité que les politiques d’allocation des pêches prennent en compte la sécurité et que des procédures, de l’équipement et des exercices d’urgence pour l’intervention en cas de situations d’emmêlement soient mis en œuvre à bord.
Le Bureau a conclu son enquête et publié le rapport M21C0214 le 7 décembre 2023.
Justification de la recommandation
Le 26 août 2021 à 3 h 10, heure avancée de Terre-Neuve, un membre d’équipage du navire de pêche Suvak est passé par-dessus bord alors qu’il posait des filets maillants dans le détroit de Davis, à environ 120 milles marins au nord-est de Qikiqtarjuaq (Nunavut). Le membre d’équipage a été repêché des eaux et sa mort a été constatée par après.
L’enquête sur cet événement a permis de déterminer que le port d’immatriculation du Suvak était Iqaluit (Nunavut), et que le navire bénéficiait d’une assurance contre les accidents du travail auprès de la Commission de la sécurité au travail et de l’indemnisation des travailleurs des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut (CSTIT), l’organisme chargé d’appliquer la législation sur l’indemnisation des travailleurs et sur la santé et la sécurité au travail au Nunavut. La CSTIT a des inspecteurs de la santé et sécurité au travail (SST) qui effectuent des inspections dans les lieux de travail du Nord pour s’assurer que les lois sur la sécurité au travail du Nunavut sont respectées. Cependant, la CSTIT estimait que les navires de pêche relevaient de la compétence de Transports Canada (TC), et elle n’avait effectué aucune inspection de SST pour le navire à l’étude. Il en allait de même pour les 9 autres navires de pêche immatriculés au Nunavut.
L’enquête a révélé des situations similaires dans les autres territoires canadiens. La CSTIT est également l’organisme responsable de la santé et sécurité au travail dans les Territoires du Nord-Ouest. On compte 24 navires de pêche immatriculés dans les Territoires du Nord-Ouest. Comme au Nunavut, la CSTIT estime que les navires de pêche relèvent de la compétence de TC et n’effectue pas d’inspections de SST sur ces navires. Au Yukon, l’organisme responsable de la santé et sécurité au travail est la Commission de la sécurité et de l’indemnisation des travailleurs – Yukon (CSIT). On compte 4 navires de pêche immatriculés au Yukon. Comme la CSTIT, la CSIT n’effectue pas d’inspections de SST sur les navires de pêche immatriculés au Yukon.
TC joue un rôle important de réglementation de la sécurité de la pêche commerciale. De plus, il fournit un cadre réglementaire national qui s’applique à de nombreux aspects des navires de pêcheParmi les exemples de lois et de règlements de Transport Canada qui s’appliquent aux navires de pêche, mentionnons la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada, le Règlement sur l’inspection des grands bateaux de pêche, le Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche, le Règlement sur les certificats de sécurité de bâtiment, le Règlement de 2020 sur la sécurité de la navigation, le Règlement sur les mesures de sécurité au travail, le Règlement sur les exercices d’incendie et d’embarcation et le Règlement sur le personnel maritime.. Bien qu’Emploi et Développement social Canada soit responsable de l’application du Code canadien du travail, TC se voit déléguer la responsabilité d’appliquer et de faire respecter le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime.
Les territoires ont compétence sur « la propriété et les droits civils » à l’intérieur de leurs frontières, ce qui englobe la SST à bord des navires de pêcheGouvernement du Canada, Loi sur le Nunavut (L.C. 1993, ch. 28).,Gouvernement du Canada, Loi sur les Territoires du Nord-Ouest (L.C. 2014, ch. 2, art. 2).,Gouvernement du Canada, Loi sur le Yukon (L.C. 2002, ch. 7).. Afin de garantir une surveillance efficace de la sécurité à bord des navires de pêche immatriculés dans les territoires, y compris la santé et sécurité au travail, il faut une coordination entre les administrations. S’il n’y a pas de surveillance de la SST sur les navires de pêche immatriculés dans les territoires, il y a un risque que les équipages de ces navires soient exposés à des dangers liés à la SST en milieu de travail.
Par conséquent, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports, en collaboration avec le ministère de l’Emploi et du Développement social et les gouvernements territoriaux, examine la surveillance de la santé et sécurité au travail à bord de navires de pêche immatriculés dans les territoires afin de garantir une surveillance efficace de la sécurité au travail.
Recommandation M23-09 du BST
Réponses et évaluations antérieures
S.O.
Réponse et évaluation les plus récentes
Mars 2024 : réponse d’Emploi et Développement social Canada
Le mandat que le Parlement a donné à Transports Canada est de maintenir et d’accroître la sécurité maritime afin de protéger la vie, la santé, les biens et le milieu marin. Ce mandat comprend la prestation de services prescrits dans la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et ses règlements connexes.
Pour ce qui est des milieux de travail de compétence fédérale dans le secteur des transports, Transports Canada applique et exécute la partie II du Code canadien du travail ainsi que le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime pour le compte du Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada, en vertu d’un protocole d’entente qui remonte à 1986.
II est à noter que ni la partie II du Code canadien du travail ni le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime ne s’applique [sic] aux navires de pêche commerciaux, car ce secteur ne relève pas de la compétence fédérale, malgré le fait que des changements d’équipage étaient effectués au Groenland.
Transports Canada est prêt à travailler avec le Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada pour offrir des conseils aux gouvernements territoriaux. Le ministère rencontrera également des représentants du gouvernement du Nunavut pour confirmer la compréhension des rôles et des responsabilités en matière de santé et de sécurité au travail à bord des bateaux de pêche.
Mars 2024 : réponse d’Emploi et Développement social Canada
La santé et sécurité au travail dans l’administration fédérale sont régies par la partie II du Code canadien du travail (le Code), qui établit des dispositions visant à prévenir les accidents, les incidents de harcèlement et de violence et les blessures physiques ou psychologiques, y compris les maladies professionnelles liées à l’emploi dans les lieux de travail sous réglementation fédérale.
La compétence fédérale sur le travail découle du droit de réglementer certains sujets expressément attribués au Parlement ou expressément exemptés de la compétence provinciale ou territoriale par la Loi constitutionnelle. L’article 91 de la Loi constitutionnelle décrit 29 catégories de sujets qui sont de compétence fédérale. De plus, le paragraphe 92(10) contient une liste de catégories de travaux et entreprises qui, bien qu’ils soient entièrement situés dans une province, ont été déclarés par le Parlement du Canada être pour l’avantage général du Canada, ou pour l’avantage de deux provinces, et sont de compétence fédérale.
En 1925, une décision judiciaire phare, Toronto Electric Commissioners c. Snider, a établi que les provinces et les territoires exercent la compétence principale dans le domaine des relations entre employeur et employés. Par conséquent, les relations de travail sont régies par les provinces ou les territoires, et la compétence fédérale sur les relations de travail est une exception.
Deux affaires judiciaires importantes établissent que la pêche commerciale est une activité soumise à la compétence provinciale et territoriale :
- Great Lakes Fishermen and Allied Workers’ Union c. Omstead Foods Limited, 1986 CanLII 1522 – Cette affaire a confirmé que les relations de travail pour l’industrie de la pêche commerciale, y compris la santé et sécurité au travail et les normes d’emploi, sont soumises à la compétence provinciale et territoriale.
- R. c. Mersey Seafoods Ltd., 2008 NSCA 67 (CanLII)– Dans cette affaire, le juge a affirmé que les relations de travail d’une entreprise de pêche provinciale sont réglementées par la province, même si les navires pêchent dans des eaux situées en dehors des frontières provinciales, confirmant ainsi la compétence provinciale de l’industrie de la pêche commerciale.
Le rôle de Transports Canada, Sécurité maritime, mandaté par le Parlement, consiste à maintenir et à améliorer la sécurité maritime afin de protéger la vie, la santé, les biens et le milieu marin. Les responsables de Transports Canada, Sécurité maritime administrent et appliquent la partie II du Code et le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime au nom du Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada, aux termes d’un protocole d’entente datant de 1986. Ils n’appliquent pas le Code et le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime aux navires de pêche commerciale, ce secteur n’étant pas de compétence fédérale.
Les responsables du Programme du travail sont déterminés à promouvoir des lieux de travail équitables, sécuritaires et sains partout au Canada afin d’aider les employeurs à s’assurer que tous les employés sont protégés contre tout préjudice en milieu de travail. Nous collaborons étroitement avec nos homologues provinciaux et territoriaux, par l’entremise de l’Association canadienne des administrateurs de la législation ouvrière, aux questions de santé et sécurité au travail. À une prochaine réunion de l’Association canadienne des administrateurs de la législation ouvrière, les responsables du Programme du travail partageront la recommandation M23-09 du BST afin d’encourager la discussion entre les administrations.
De plus, Transports Canada a mis au point un cours de formation en ligne gratuit sur la gestion de la fatigue à l’intention de tous les gens de mer. Le cours permettra de mieux répondre aux exigences de l’industrie en matière de santé et sécurité dans l’ensemble des administrations. Le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail organisera cette formation sur sa plateforme, qui devrait être disponible au début de mars.
La sécurité des travailleurs canadiens est primordiale pour le gouvernement du Canada, et nous sommes déterminés à faire en sorte que les lieux de travail soient sécuritaires, équitables et productifs.
Mai 2024 : Évaluation des réponses par le BST
Transports Canada (attention en partie satisfaisante)
Dans sa réponse, Transports Canada (TC) reconnaît la responsabilité du ministère au chapitre de l’application de la partie II du Code canadien du travail et du Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime au nom du Programme du travail d’Emploi et Développement social Canada (EDSC) dans les lieux de travail sous réglementation fédérale; cependant, il note également que les navires de pêche ne relèvent pas de cette classification. TC se dit toutefois prêt à collaborer avec les responsables du Programme du travail d’EDSC pour offrir une orientation aux gouvernements territoriaux. De plus, des représentants ministériels rencontreront des représentants du gouvernement du Nunavut pour confirmer les rôles et responsabilités en matière de santé et sécurité au travail à bord des navires de pêche.
Le Bureau trouve encourageant que TC ait proposé de collaborer avec EDSC pour offrir une orientation aux gouvernements territoriaux. Bien que la santé et sécurité au travail relèvent de la responsabilité du gouvernement territorial, la sécurité des navires de pêche, de manière plus générale, est une responsabilité partagée entre les ordres de gouvernement. Étant donné que le gouvernement du Nunavut n’a pas considéré que les navires de pêche sont de compétence territoriale au chapitre de la santé et sécurité au travail, le Bureau croit toujours qu’un examen intergouvernemental par tous les ministères responsables sera nécessaire pour remédier à la lacune sous-jacente. Par conséquent, le Bureau estime que la réponse de TC à la recommandation M23-09 dénote une attention en partie satisfaisante.
Emploi et Développement social Canada (attention en partie satisfaisante)
Dans sa réponse, Emploi et Développement social Canada (EDSC) donne un aperçu des responsabilités fédérales, provinciales et territoriales en matière de santé et sécurité au travail et mentionne plusieurs affaires judiciaires qui ont créé un précédent. Il mentionne aussi dans sa réponse la responsabilité de Transports Canada (TC) en matière de sécurité maritime, en soulignant toutefois que le Programme du travail à EDSC n’applique pas le Code et le Règlement sur la santé et la sécurité au travail en milieu maritime, car ce secteur n’est pas de compétence fédérale. Enfin, le ministre souligne que les responsables du Programme du travail collaborent avec leurs homologues provinciaux et territoriaux sous l’égide de l’Association canadienne des administrateurs de la législation ouvrière sur les questions de santé et sécurité au travail et qu’ils partageront cette recommandation pour discussion lors de leur prochaine réunion.
Le Bureau est encouragé par le fait qu’EDSC fera la promotion de la formation de sensibilisation à la fatigue de TC. Toutefois, le Bureau estime que pour assurer une surveillance efficace de la santé et sécurité au travail à bord des navires de pêche immatriculés dans les territoires, il faut une coordination active et une interprétation commune des compétences respectives de TC, d’EDSC et des territoires. Le Bureau note que la recommandation fera partie de discussions fédérales-provinciales-territoriales à venir, dont il attend avec impatience les résultats. Par conséquent, le Bureau estime que la réponse d’EDSC à la recommandation M23-09 dénote une attention en partie satisfaisante.
État du dossier
Le BST continuera de surveiller les mesures proposées par Transports Canada et Emploi et Développement social Canada.
Le présent dossier est actif.