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Lettre d’information sur la sécurité aérienne A20C0103-D1-L1

Place du Centre, 4e étage
200, promenade du Portage
Gatineau QC K1A 1K8

19 avril 2021

Directeur général, Aviation civile
Transports Canada

Objet :

Lettre d’information sur la sécurité aérienne A20C0103-D1-L1 :
tige de commande d’une pale d’hélice de McCauley Propeller Systems

Monsieur le Directeur général,

Le 27 octobre 2020, l’aéronef Cessna 208B Grand Caravan (immatriculation C-FPCC, numéro de série 208B0840) exploité par Wasaya Airways LP (Wasaya) effectuait le vol WSG129 depuis l’aéroport de Pickle Lake (CYPL), en Ontario, avec seulement le pilote à bord. Peu après que l’aéronef a quitté le sol, une forte détonation s’est fait entendre, et une perte de poussée et d’intenses vibrations se sont fait sentir. Le pilote a abaissé le nez de l’aéronef pour maintenir la vitesse anémométrique et a effectué un atterrissage forcé, ce qui a entraîné l’arrêt de l’aéronef à environ 20 pieds de l’extrémité de la piste. Le pilote n’a pas été blessé et l’aéronef n’a pas été endommagé; toutefois, on a constaté qu’une pale d’hélice était à un angle anormal (figure 1).

Figure 1. L’aéronef sur la piste. L’une des pales d’hélice est à un angle de calage des pales inférieur à celui des deux autres pales, qui sont en drapeau. (Source : tierce partie, avec permission)
L’aéronef sur la piste. L’une des pales d’hélice est à un angle de calage des pales inférieur à celui des deux autres pales, qui sont en drapeau. (Source : tierce partie, avec permission)

Conformément à la Politique de classification des événements du BST, les circonstances de cet événement ont été évaluées et l’événement a été classé comme un événement de catégorie 5. Par conséquent, les activités du BST se sont limitées à la collecte de données, qui ont été enregistrées à des fins d’analyse de la sécurité, de rapport statistique et d’archivage. Les paragraphes suivants contiennent des renseignements sur la sécurité tirés de l’évaluation de cet événement.

L’exploitant a effectué une inspection préliminaire de l’hélice (modèle 3GFR34C703 de McCauley Propeller Systems, numéro de série 911094), qui a révélé que 1 pale pouvait être tournée librement à l’intérieur du moyeu. Le propriétaire de l’hélice et l’exploitant ont tous deux déposé des rapports de difficultés en service (RDS) auprès de Transports Canada (RDS no 202001105014 et no 20201202006, respectivement).

L’hélice de l’événement à l’étude est un modèle à simple effet, à pas réversible et avec capacité de mise en drapeau qui utilise la pression hydraulique pour déplacer les pales vers la position de petit pas (régime élevé). Des ressorts et des contrepoids déplacent les pales vers la position de grand pas (faible régime) et, en l’absence de pression hydraulique, vers la position en drapeau. Le mouvement du piston de commande est transféré à chaque pale d’hélice par l’intermédiaire d’une tige de piston et d’un assemblage de liaison qui actionne les tiges de commande des pales (figure 2a), qui sont indexées par une goupille cylindrique et boulonnées à l’emplanture de chaque pale d’hélice.

L’examen effectué par le BST a révélé que la tige de commande de la pale d’hélice no 2 (figure 2b) a fait défaut en raison d’une rupture de fatigue (figure 2c). Aucun défaut de surface ou aucune irrégularité microstructurelle, comme de grosses inclusions ou de la corrosion, n’a été observé à l’origine de la rupture de fatigue.

Figure 2. a) tige de référence; b) tige de commande de la pale d’hélice no 2; c) surface de la rupture avec la lettre « O » indiquant l’origine de la fissure (Source : BST)
a) tige de référence; b) tige de commande de la pale d’hélice no 2; c) surface de la rupture avec la lettre « O » indiquant l’origine de la fissure (Source : BST)

Des micrographies de la zone d’origine de la fatigue prises au moyen d’un microscope électronique à balayage ont révélé qu’une première fissure de fatigue en forme d’ongle (figure 3a) a commencé à partir d’une ligne presque droite sur la surface de la tige. À peu près parallèlement à cette ligne, il y avait plusieurs petites microfissures droites (figure 3b) sur la surface de la tige dans le revêtement de chrome. Les fissures étaient probablement assez profondes pour pénétrer dans le noyau d’acier de la tige. Les fissures sont probablement issues de la déformation par flexion et ont été à l’origine de la fatigue qui a entraîné la rupture ultime de la tige de commande de la pale. Les microfissures avaient une longueur inférieure à un millimètre et étaient trop petites pour être détectées par un contrôle magnétoscopique. Aucune fissure de ce genre n’a été trouvée sur les tiges de commande des pales d’hélice no 1 ou no 3.

Figure 3. Micrographies montrant a) l’origine de la fatigue (« o ») et b) la zone agrandie avec quelques microfissures visibles (Source : BST)
Micrographies montrant a) l’origine de la fatigue (« o ») et b) la zone agrandie avec quelques microfissures visibles (Source : BST)

L’hélice a été fabriquée en 1991. Toutefois, les pales d’hélice ont été remplacées par des pales fabriquées en décembre 2000. Il est probable que les 3 pales d’hélice ont toutes été remplacées en même temps en raison de leur gamme rapprochée de numéros de série. Les pales d’hélice neuves ne sont pas assorties de tiges de commande neuves.

L’historique des opérations et des révisions de l’hélice n’est pas clair. Toutefois, en 2013, alors que l’hélice était installée sur un Cessna Grand Caravan (immatriculation N105VE) exploité en Europe, un « léger impact d’héliceNote de bas de page 1 » a été consigné dans le dossier technique de l’hélice. L’hélice a été retirée et envoyée dans un centre de réparation approuvé à Linz, en Autriche. Bien que les dommages aient été suffisants pour justifier le retrait de l’hélice, le centre de réparation a estimé que les dommages étaient mineurs. La pale endommagée a été réparée et repeinte sans démonter l’hélice. À ce moment-là, l’hélice avait accumulé 9398,6 heures depuis sa fabrication.

L’hélice est restée en service sur l’aéronef N105VE jusqu’à ce qu’elle ait accumulé 10 357,2 heures depuis sa fabrication. Elle a été retirée et a fait l’objet d’une révision en juin 2017 aux États-Unis, au cours de laquelle les tiges de commande des pales ont été soumises à un contrôle magnétoscopique. En août 2017, l’hélice a été vendue et expédiée au Canada où elle a été réassemblée. Après une certaine période d’entreposage, elle est entrée en service en août 2018 sur un autre aéronef de Wasaya (immatriculation C-FHWA). En septembre 2019, l’hélice a été retirée et installée sur l’aéronef à l’étude. Un an plus tard, elle a subi un impact d’oiseauNote de bas de page 2. L’hélice a été inspectée sur place, nettoyée et remise en service par l’exploitant.

Le jour du vol à l’étude, l’hélice avait accumulé 2469,6 heures depuis la révision de 2017 et 12 826,8 heures depuis sa fabrication.

Les tiges de commande des pales (numéro de pièce C-5071)Note de bas de page 3 ne sont pas dotées d’un numéro de série et n’ont pas de délai de remplacement. Elles sont fabriquées à partir d’une pièce forgée en acier 4130 et sont traitées thermiquement selon les spécifications. Lors de la révision d’une héliceNote de bas de page 4 , les tiges de commande des pales sont soumises à des contrôles dimensionnels, à une inspection visuelle et à un contrôle magnétoscopique. Il n’y a aucune directive dans le manuel de révision indiquant que les tiges de commande doivent être réinstallées sur les mêmes pales que celles dont elles ont été retirées.

Il n’a pas été possible de déterminer le temps de service des 3 tiges de commande des pales. Cependant, le numéro de pièce sur chaque tige de commande des pales était inscrit à l’aide d’un burin électrique dans la même écriture manuscrite, ce qui suggère qu’elles provenaient du même lot de fabrication. La tige de commande de la pale d’hélice no 2 répondait aux spécifications d’alliage et de dureté fournies par le fabricant.

Le bulletin de service 176E de McCauleyNote de bas de page 5 (applicable à toutes les hélices de McCauley) définit les mesures de maintenance qui doivent être prises si l’hélice est soumise à l’un des événements suivants :

Le bulletin de service énonce les critères pour une réparation possible sur le terrain dans le cas des 3 premiers événements énumérés ci-dessus. Si l’hélice ne satisfait pas aux critères de réparation sur le terrain ou est soumise à un arrêt soudain du moteur (le 4e événement indiqué ci-dessus), l’hélice doit faire l’objet d’une révision.

Ce type de tige de commande des palesNote de bas de page 6 se retrouve sur différents modèles d’hélices fabriquées par McCauley et installées sur une vaste gamme d’aéronefs monomoteurs et multimoteurs. Comme il a été démontré dans le présent événement, la défaillance d’une tige de commande des pales d’un aéronef monomoteur entraînera une perte de poussée et une réduction considérable du taux de vol plané. Heureusement, dans ce cas, il restait suffisamment de piste pour permettre au pilote d’effectuer un atterrissage forcé. Si la perte de poussée avait eu lieu plus tard dans le vol, le résultat aurait pu être plus grave.

Ce type de défaillance semble être rare. Une recherche de tous les numéros de pièce de tiges de commande des pales dans le système de rapports de difficultés en service de l’aviation canadienne de Transports Canada n’a révélé aucune autre défaillance signaléeNote de bas de page 7.

La détection des tiges de commande endommagées dépend d’une évaluation sur le terrain appropriée d’un impact d’hélice et, si une révision est nécessaire, d’un contrôle magnétoscopique. Cependant, selon la gravité de l’impact d’hélice, les microfissures créées par le moment de flexion qui en résulte peuvent ne pas être détectables par le processus de contrôle magnétoscopique.

Ces renseignements sont fournis afin que toute mesure de suivi jugée appropriée soit prise. Le BST aimerait être informé de toute mesure prise à cet égard.

Veuillez agréer, Monsieur, mes salutations distinguées.

Original signé par

Natacha Van Themsche
Directrice des enquêtes – Air
Bureau de la sécurité des transports du Canada

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