Avis de sécurité ferroviaire 01/21

18 janvier 2021

Directeur général, Sécurité ferroviaire
Transports Canada
14e étage, immeuble Enterprise
427, avenue Laurier
Ottawa ON K1A 0N5

Objet :

Avis de sécurité ferroviaire 01/21 (événement R19T0191)
Événements mettant en cause un 2e train aux passages à niveau à voies multiples

Le 13 novembre 2019, vers 14 h 50 (heure normale de l’Est), le train de banlieue GO 3919 de Metrolinx (GO 3919) circulait vers l’ouest sur la voie principale de la subdivision de Guelph de Metrolinx près de Kitchener (Ontario). Alors que le GO 3919 s’approchait du passage à niveau public de la rue Lancaster Ouest au point milliaire 62,08 (le passage à niveau), le train de marchandises L56831-13 du CN (CN 568) se déplaçait lentement vers l’est sur une voie d’évitement qui était adjacente à la voie principale et au nord de celle-ci.

Un petit groupe de piétons sur le trottoir ouest est arrivé du côté nord du passage à niveau et a attendu que le CN 568 dégage le passage. Après avoir occupé le passage à niveau pendant un peu moins de 9 minutes, le CN 568 était sur le point de dégager l’extrémité est du passage à niveau lorsque le groupe a commencé à franchir les dispositifs d’avertissement de passage à niveau (DAPN) automatiques activés et à s’engager sur le passage à niveau. Inconscients de l’approche du GO 3919, une adulte et un enfant d’âge scolaire du groupe ont traversé rapidement les voies ferrées, se plaçant dans la trajectoire du GO 3919. Ils ont tous deux été heurtés par le train et grièvement blessés. Les deux piétons ont été transportés à l’hôpital et ont reçu leur congé de l’hôpital plus tard. L’enquête R19T0191 du BST est en cours.

Le passage à niveau de la rue Lancaster Ouest est constitué de 2 voies ferrées, les 2 appartenant à Metrolinx. La voie sud est la voie principale de la subdivision de Guelph, tandis que la voie nord est une voie d’évitement qui donne accès à un triage du CN, situé au nord-est du passage à niveau et adjacent à celui-ci. Les trains de banlieue de Metrolinx, les trains de voyageurs de VIA Rail Canada Inc., les trains de marchandises du CN et les affectations de manœuvre du CN circulent tous sur le passage à niveau. Comme le triage du CN se trouve juste à l’est du passage à niveau, les trains et les affectations de manœuvre du CN occupent fréquemment le passage à niveau. Il n’est pas rare que des trains occupent les 2 voies près du passage à niveau ou sur celui-ci en même temps.

La rue Lancaster Ouest est une route asphaltée à 4 voies (figure 1), orientée dans le sens nord–sud, qui croise la subdivision de Guelph à environ 80 degrés.

Figure 1. Passage à niveau de la rue Lancaster Ouest dans la subdivision de Guelph de Metrolinx (Source : Google Maps, avec annotations du BST)
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Passage à niveau de la rue Lancaster  Ouest dans la subdivision de Guelph de Metrolinx (Source : Google Maps,  avec annotations du BST)

Les trottoirs sont parallèles et adjacents à la route et s’étendent au-delà des DAPN jusqu’au passage à niveau. Le passage à niveau est protégé par des panneaux indicateurs de passage à niveau réflectorisés standard, des feux clignotants, des cloches et des barrières. Certains des feux clignotants sont montés sur une structure en porte-à-faux qui s’étend au-dessus des voies extérieures de la rue Lancaster Ouest. Le passage à niveau était désigné comme un passage où l’utilisation du sifflet est interdite, ce qui interdisait aux trains de faire retentir leur klaxon à l’approche de celui-ci. Le passage à niveau était conforme à toutes les exigences réglementaires.

Au moment de l’accident, à part les DAPN automatiques, il n’y avait pas de barrières pour protéger les piétons utilisant les trottoirs. Il n’y avait pas non plus de panneaux de signalisation ou d’autres dispositifs d’avertissement situés au passage à niveau ou à ses abords pour avertir les piétons ou les usagers de la route qu’un 2e train pouvait s’approcher du passage à niveau ou l’occuper à tout moment. Bien que de telles défenses supplémentaires ne soient pas exigées par le Règlement sur les passages à niveau (RPN) de Transports Canada, rien n’empêche une compagnie de chemin de fer et/ou une autorité routière de prendre des mesures additionnelles pour améliorer la sécurité des usagers de la route et des piétons aux passages à niveau publics.

À la suite de l’événement, Metrolinx a réduit de 30 à de 15 mi/h la vitesse maximale d’exploitation autorisée sur le passage à niveau pour son service de train GO Transit, et a émis des instructions à l’intention des équipes de train de GO Transit qui s’approchent du passage à niveau afin qu’elles fassent retentir le klaxon du train lorsqu’un 2e train est à proximité du passage à niveau.

Le Règlement sur les passages à niveau (RPN) de Transports Canada s’applique aux passages à niveau publics et privés.

Le paragraphe 97(2) du RPN, Obstruction du passage à niveau public, énonce ce qui suit :

Il est interdit de placer à l’arrêt du matériel ferroviaire sur une surface de croisement, ou d’effectuer des manoeuvres, de façon à obstruer plus de cinq minutes le passage à niveau public — y compris par l’activation de la barrière d’un système d’avertissement — lorsque des véhicules automobiles ou des piétons attendent de le franchir.

Le paragraphe 98(1) du RPN, Collaboration, énonce ce qui suit :

Si le matériel ferroviaire est exploité de façon à obstruer régulièrement un passage à niveau public, y compris par l’activation d’un système d’avertissement, et que la municipalité dans laquelle le passage à niveau est situé déclare par résolution que l’obstruction du passage à niveau soulève une question de sécurité, la compagnie de chemin de fer et l’autorité responsable du service de voirie collaborent en vue de résoudre cette question.

En juin 2020, Metrolinx a installé 2 caméras au passage à niveau, face à l’est et centrées sur les barrières nord et sud ainsi que sur les abords routiers. L’enregistrement vidéo durant les heures d’exploitation des trains de banlieue de Metrolinx a été examiné (les 5 jours de semaine du 23 au 29 juin 2020, d’environ 4 h à 23 h). L’examen a permis de déterminer que, pendant ces périodes, les DAPN automatiques ont été activés à 195 occasions, réparties comme suit :

  • 129 (66,2 %) activations ont été déclenchées par un train de marchandises ou une affectation de manœuvre du CN.
    • 17 sur 129 activations (13,2 %) ont retardé des véhicules et des piétons/cyclistes de plus de 5 minutes, ce qui est contraire au RPN.
    • Trois sur 17 activations ont retardé des véhicules et des piétons/cyclistes de plus de 10 minutes, le retard le plus long étant un peu plus de 18 minutes.
  • À 46 occasions (23,6 %), des piétons et/ou des cyclistes se sont engagés sur le passage à niveau après qu’un train s’était passé et pendant que les barrières étaient toujours abaissées.
  • À 11 occasions (5,6 %), des véhicules se sont engagés sur le passage à niveau pendant que les barrières descendaient.
  • À 7 occasions (3,6 %), un train de marchandises était sur la voie d’évitement en même temps qu’un 2e train circulait sur la voie principale.

En 2005, le BST a enquêté sur un accident de passage à niveau mettant en cause un 2e train à Brockville (Ontario), où 2 piétonnes ont été heurtées par un train du CNNote de bas de page 1. Les piétonnes étaient préoccupées par leur conversation et, après avoir constaté le passage d’un train circulant vers l’ouest, elles se sont placées dans la trajectoire d’un train circulant vers l’est; l’une des piétonnes a été mortellement blessée tandis que l’autre a subi des blessures graves. Le passage à niveau était protégé par des feux clignotants, des cloches et des barrières.

Entre 2005 et 2019, il y a eu au moins 12 autres événements mettant en cause un 2e train sur des passages à niveau publics de compétence fédérale, événements qui ont fait un total de 4 blessés (2 gravement, 2 légèrement) et 6 morts. Les événements mettant en cause un 2e train sont considérés comme des événements peu fréquents mais à risque élevé car, lorsqu’ils se produisent, ils ont souvent des conséquences graves.

Les DAPN traditionnels (feux clignotants, cloches et barrières) sont conçus pour informer les conducteurs de véhicules et les autres usagers de la route que du matériel ferroviaire se trouve sur un passage à niveau ou est sur le point de s’y engager. Toutefois, aux passages à niveau à voies multiples, ces dispositifs d’avertissement ne fournissent pas de renseignements spécifiques sur la possibilité de l’arrivée imminente d’un 2e train qui peut ne pas être facilement visible.

Comme l’a démontré cet événement, lorsqu’un passage à niveau à voies multiples se trouve près d’un triage, des trains lents ou des affectations de manœuvre à l’arrêt peuvent souvent occuper le passage à niveau et parfois retarder les usagers du passage à niveau au-delà de la limite réglementaire de 5 minutes. Lorsque ces retards mettent en cause une affectation de manœuvre lente, les usagers du passage à niveau peuvent mal estimer les risques et s’engager sur le passage à niveau avant que les DAPN ne soient désactivés, se plaçant ainsi dans la trajectoire d’un 2e train en approche.

La sécurité des passages à niveau est fondée sur une approche collaborative et une responsabilité partagée entre l’organisme de réglementation, les chemins de fer et les autorités routières. Outre le passage à niveau à l’étude, il y a 788 autres passages à niveau publics à voies multiples de compétence provinciale et fédérale dans les zones urbaines canadiennes. Par conséquent, il pourrait être prudent pour les parties concernées de recenser les passages à niveau à voies multiples qui connaissent des activations fréquentes et prolongées des signaux et qui présentent un niveau élevé de circulation de piétons et de cyclistes; d’évaluer la probabilité qu’un événement mettant en cause un 2e train survienne; et d’envisager des mesures de sécurité supplémentaires pour réduire au minimum les risques d’accident.

Le BST aimerait être informé de toute mesure prise à cet égard. Une fois l’enquête R19T0191 achevée, le Bureau publiera son rapport d’enquête sur cet événement.

Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de mes meilleurs sentiments.

Lettre original signée par
Paul Treboutat
Directeur des enquêtes ferroviaires et pipelinières
Bureau de la sécurité des transports du Canada

c.c.

  • Vice-président, Exploitation du transport en commun
    Metrolinx

  • Directrice, Direction des politiques du transport
    Ministère des Transports

  • Conseiller principal
    Association des chemins de fer du Canada

  • Vice-président adjoint, Sécurité
    Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

  • Directeur de l’exploitation
    VIA Rail Canada Inc.

  • Conseillère en politiques, Politiques et affaires publiques
    Fédération canadienne des municipalités

  • Gestionnaire, Ingénierie des transports
    Région de Waterloo

  • Vice-président adjoint, Sécurité et durabilité
    Chemin de fer Canadien Pacifique