Communiqué

Une sortie en mer dans des conditions météorologiques défavorables a mené au naufrage fatal du bateau de pêche Pop’s Pride au large de Terre-Neuve-et-Labrador, en 2016

Dartmouth (Nouvelle-Écosse),  — 

Dans son rapport d'enquête (M16A0327) publié aujourd'hui, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a établi que des conditions météorologiques défavorables ont mené au naufrage du petit bateau de pêche non ponté Pop's Pride et au décès de ses quatre occupants en septembre 2016, au large de Terre-Neuve-et-Labrador. Le rapport met en relief le besoin continu pour tous les niveaux de gouvernement et les intervenants de l'industrie de prendre des mesures précises et concertées pour remédier aux risques et lacunes de sécurité qui persistent dans l'industrie de la pêche au Canada.

Au petit matin du 6 septembre 2016, le bateau de pêche Pop's Pride a quitté le port de St. John's (Terre-Neuve-et-Labrador) avec le capitaine et trois membres d'équipageen direction des filets maillants à morue que l'équipage avait installés à environ 0,65 mille marin au nord du cap Spear. Ce jour-là, les vents dans la région ont atteint de 25 à 30 nœuds, créant de forts embruns et des vagues de près dedeux mètres de hauteur tandis que la température de l'eau était de 12 °C. Après la récupération de tous les filets maillants, le Pop's Pride a probablement été envahi par les eaux sous l'effet de la charge à bord combinée aux conditions environnementales, puis a sombré en entraînant les quatre membres d'équipage à l'eau. Aucun signal de détresse n'a été transmis, et ce n'est que vers 15 h 39 que des proches et d'autres membres de la communauté ont signalé le retard du bateau. Les autorités de recherche et sauvetage de Halifax ont lancé une intervention de recherche peu de temps après. Au début de la soirée, on a repêché les corps de deux membres d'équipage qui portaient des vêtements de flottaison individuels. Le bateau submergé a été localisé le lendemain. Les deux autres membres d'équipage n'ont jamais été retrouvés et sont présumés noyés.

L'enquête a permis de déterminer que le Pop's Pride est sorti en mer dans des conditions qui dépassaient les conditions d'exploitation normales d'un bateau non ponté. Plusieurs facteurs liés aux mesures de gestion des ressources halieutiques et des pressions économiques ont probablement influé sur la décision de l'équipage de sortir malgré l'état de la mer et les conditions météorologiques. Parmi ces facteurs, on compte une condition des permis de pêche qui oblige les pêcheurs à s'occuper de leurs filets toutes les 48 heures afin de garantir la fraîcheur du produit et de limiter le gaspillage. Quoique le règlement de pêche de Terre-Neuve-et-Labrador prévoie une prolongation de cette période dans des circonstances exceptionnelles et indépendantes de la volonté des pêcheurs, comme des conditions météorologiques défavorables, cette information n'apparaît pas dans les conditions des permis de pêche à la morue délivrés par Pêches et Océans Canada (MPO). L'établissement en 2016 de la prise limite hebdomadaire sans aucune mention de fin de saison a peut-être aussi eu un impact sur la décision de l'équipage. Comme la date de clôture de la saison de pêche n'était pas déterminée d'avance, celle-ci pouvait prendre fin d'un jour à l'autre. Par conséquent, l'équipage était sans doute fort motivé à atteindre leur quota hebdomadaire. Si des mesures liées à la pêche ne tiennent pas compte de leur impact sur la sécurité des pêcheurs, ces derniers risquent de mener leurs activités dans des conditions qu'ils éviteraient normalement. Par conséquent, ils compromettent tant la sécurité du navire que celle de l'équipage.

L'enquête a aussi permis d'établir qu'il n'y avait aucune radiobalise de localisation des sinistres (RLS) à bord du Pop's Pride, et la réglementation ne l'imposait pas. En 2001, le Bureau a émis la recommandation M00-09 pour que Transports Canada (TC) exige des petits bateaux de pêche faisant des voyages côtiers qu'ils aient à leur bord une RLS ou tout autre équipement de communication approprié. Le nouveau Règlement sur la sécurité des bateaux de pêche (RSBP), qui est entré en vigueur un an après le présent accident, n'impose pas cette exigence aux bateaux de pêche de moins de 12 mètres. Le BST continue d'enregistrer des décès et des événements à bord de petits bateaux de pêche non équipés de RLS et dont l'équipage n'avait aucun autre dispositif d'alerte de détresse, ou n'a pas été en mesure de l'utiliser. Les mesures stipulées dans le RSBP n'atténuent pas le risque indiqué dans la recommandation M00-09. Le BST a donc réévalué la réponse de TC comme étant non satisfaisante.

Au fil des ans, le BST a émis plusieurs autres recommandations afin de remédier aux risques pour la sécurité qui sont soulignés dans le rapport publié aujourd'hui. Deux de ces recommandations demandent que TC travaille plus étroitement avec le MPO, les associations de pêcheurs et les établissements de formation pour améliorer la culture de sécurité dans le secteur de la pêche. Les mesures prises par TC en réponse à ces recommandations ont été jugées entièrement satisfaisantes (M03-02) et en partie satisfaisantes (M03-07) en raison d'un protocole d'entente sur la sécurité des pêcheurs commerciaux qui a été ratifié en 2006 par TC, le MPO et la Garde côtière canadienne. Plus récemment, la recommandation M16-03 a demandé à TC d'exiger une évaluation de stabilité pour tous les petits bateaux de pêche et d'établir des normes pour faire en sorte que les renseignements sur la stabilité soient pertinents et que l'équipage y ait facilement accès. Le Bureau n'a pas encore évalué la réponse à cette recommandation.

En 2012, le BST a publié le document Enquête sur les questions de sécurité relatives à l'industrie de la pêche au Canada, un rapport détaillé qui offre une vue d'ensemble sur les questions de sécurité dans l'industrie de la pêche. La sécurité de la pêche commerciale est inscrite sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010. Comme en témoigne ce tragique événement, des préoccupations persistent sur l'utilisation et la disponibilité des engins de sauvetage à bord (comme les RLS) et sur les pratiques d'exploitation dangereuses.


Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements de transport aérien, ferroviaire, maritime et pipelinier. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.

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