Perte de maîtrise - décrochage
Aerial Recon Surveys
Cessna 177B Cardinal C-GPML
Calling Lake (Alberta)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le Cessna 177B Cardinal, ayant à son bord une pilote et un passager, décolle de la piste 10 de l'aérodrome de Calling Lake (Alberta) pour un vol selon les règles de vol à vue de jour à destination de Lloydminster (Alberta). Au moment du décollage, des conditions météorologiques de vol à vue prédominent et un vent de travers variable souffle en rafales. Une fois l'appareil en vol, le klaxon de l'avertisseur de décrochage retentit, l'aile gauche s'enfonce brusquement et l'appareil s'écrase dans des arbres à quelque 400 pieds au-delà de l'extrémité de la piste. Après l'impact, un violent incendie de carburant se déclare et détruit l'appareil. L'incendie cause des brûlures mortelles à la pilote, et le passager survit à des fractures et à de graves brûlures.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
L'appareil avait décollé de Whitecourt (Alberta) à 14 h 10, heure avancée des RocheusesNote de bas de page 1, selon un itinéraire de vol de compagnie respectant les règles de vol à vue à destination de Calgary (Alberta), des escales étant prévues à Calling Lake et à Lloydminster; la deuxième étape du vol devait servir à embarquer un passager, photographe pigiste à contrat pour l'entreprise, et à le transporter de Calling Lake à Lloydminster. Le Cardinal est arrivé à Calling Lake vers 15 h 10 et, à 16 h 45, un hélicoptère Robinson R-44 de l'entreprise a débarqué le passager sur la bande d'atterrissage. Le pilote de l'hélicoptère a dit quelques mots à la pilote du Cardinal et l'a aidée à charger le matériel du passager à bord de l'avion, puis, vers 17 h, il a décollé de la bande d'atterrissage.
La pilote du Cardinal a roulé jusqu'au seuil de la piste 10, elle a effectué un virage à gauche de 180 degrés et elle s'est alignée à droite de l'axe de la piste. Au début du décollage, une longueur de piste utilisable estimée à 200 pieds se trouvait derrière l'appareil.
Après le décollage, il n'y a eu aucune variation perceptible du son du moteur, et le klaxon de l'avertisseur de décrochage a retenti avant l'impact.
Personne n'a été témoin de l'écrasement, lequel est survenu vers 17 h 15. Le petit incendie de forêt qu'il a provoqué a été détecté et signalé à 17 h 25, à partir d'une tour locale de surveillance contre les incendies de forêt. Le personnel en vol et au sol qui est intervenu pour lutter contre l'incendie a retrouvé l'épave de l'appareil à l'est de l'extrémité départ de la piste 10. Après l'impact, le passager a coupé sa sangle sous-abdominale au moyen d'un couteau, a ouvert sa porte d'un coup de pied et s'est éloigné de l'appareil en flammes. Lorsqu'il s'est aperçu que la pilote se trouvait toujours à l'intérieur de l'épave, il est revenu pour tenter de la secourir, mais il a été forcé d'y renoncer tellement l'incendie progressait rapidement. L'appareil a été détruit par l'incendie qui a suivi l'impact; la pilote a subi des blessures mortelles et le passager, de graves blessures, mais il a tout de même pu se rendre à pied jusqu'à une route secondaire qui se trouvait à proximité, où il a été secouru par des automobilistes qui passaient et par des travailleurs forestiers.
1.2 Victimes
Équipage | Passagers | Tiers | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 1 | - | - | 1 |
Blessés graves | - | 1 | - | 1 |
Blessés légers/indemnes | - | - | - | - |
Total | 1 | 1 | - | 2 |
Selon l'autopsie, il est très probable que la pilote avait subi des blessures non mortelles à l'impact, mais qu'elle avait succombé aux effets thermiques de l'incendie de carburant.
À l'impact, le passager a subi une fracture de la clavicule et une fracture de l'omoplate. Il s'est dégagé lui-même de l'épave et il s'est par la suite infligé de graves brûlures aux mains, aux bras, au dos et aux jambes en tentant de secourir la pilote prise dans l'incendie.
1.3 Dommages à l'aéronef
L'aéronef a été détruit par l'incendie.
1.4 Autres dommages
L'écrasement a déclenché un incendie de forêt dans lequel se sont consumés plusieurs hectares de bois immature invendable, dont la majeure partie se trouvait dans la zone de prolongement dégagé de l'aérodrome.
1.5 Renseignements sur le personnel
Âge | 29 ans |
---|---|
Licence | Pilote professionnelle |
Date d'expiration du certificat médical | 1er septembre 2000 |
Nombre total d'heures de vol | 343 |
Nombre total d'heures de vol sur type en cause | 140 |
Nombre total d'heures de vol dans les 90 derniers jours | 1215 |
Nombre total d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours | 1215 |
Nombre d'heures de service avant l'accident | 5 |
Nombre d'heures libres avant la prise de service | 15 |
La pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Elle avait commencé une formation ab initio au pilotage en avril 1998 et elle était titulaire d'une licence de pilote privé depuis avril 1999. En novembre 1999, elle avait obtenu sa licence de pilote professionnelle, valide pour tous les avions terrestres monomoteurs, autres que ceux à hautes performances, dont l'équipage de conduite est composé d'un seul pilote, et elle était une employée de l'exploitant depuis février 2000. Au moment de l'accident, elle totalisait quelque 343 heures de vol sur monomoteur, dont environ 140 heures sur Cessna 177B. Depuis qu'elle était au service de cet exploitant, elle avait acquis la majeure partie de son expérience de pilotage en effectuant la surveillance aérienne de pipelines, et ce, à des vitesses de croisière. Son expérience sur des pistes gazonnées était limitée et elle n'avait jamais utilisé l'aérodrome de Calling Lake. Elle avait reçu toute la formation au pilotage de base exigée par l'entreprise, et elle totalisait quelque 109 heures de formation à la surveillance des pipelines et de formation en vol alors qu'un autre pilote de l'entreprise prenait place dans le siège droit de l'appareil. Puisqu'elle venait tout juste d'obtenir sa licence de pilote professionnelle et qu'il s'agissait de son premier emploi en qualité de pilote, l'entreprise surveillait de près ses aptitudes et ses progrès en matière de pilotage.
1.6 Renseignements sur l'aéronef
Constructeur | Cessna Aircraft |
---|---|
Type et modèle | 177B Cardinal |
Année de construction | 1975 |
Numéro de série | 177-02250 |
Certificat de navigabilité | Délivré le 5 janvier 1982 |
Nombre total d'heures de vol cellule | 21667 |
Type de moteur (nombre) | Lycoming O-360-A1F6 (1) |
Type d'hélice (nombre) | McCauley B2D34C208B (1) |
Masse maximale autorisée au décollage | 2 500 livres |
Type(s) de carburant recommandé(s) | 100/130 ou 100 LL |
Type de carburant utilisé | 100 LL |
1.6.1 Généralités
D'après les dossiers de maintenance, l'aéronef était entretenu et certifié conformément à la réglementation en vigueur. L'aéronef avait été construit en 1975 et, au moment de l'accident, il totalisait 2 166,7 heures de vol cellule.
1.6.2 Masse et centrage
Les calculs de masse ont permis d'établir que l'avion se trouvait à la masse maximale autorisée au décollage de 2 500 livres ou presque. La masse opérationnelle à vide de l'aéronef était de 1 659 livres, la masse réelle des occupants était de 370 livres, la masse prévue du matériel du passager était de 190 livres et la masse prévue du carburant était de 285 livres. Il a été établi que le centre de gravité se situait dans la plage normale pour le vol.
1.6.3 Performances du Cessna 177 Cardinal
D'après les données de performances figurant dans le Manuel de vol du Cessna 177 Cardinal de 1975, à 2 500 pieds au-dessus du niveau de la mer et à 50 degrés Fahrenheit (10° C), un décollage à la masse maximale sur une piste en dur, avec volets sortis à 15°, requiert une distance de 1 675 pieds pour un franchissement d'obstacles à une hauteur de 50 pieds. Si l'on tient compte de la température plus élevée, de la pente longitudinale de la piste, de l'utilisation d'une piste gazonnée et de volets complètement rentrés, il faut accroître cette distance d'environ 32 %, ce qui la fait passer à quelque 2 211 pieds. D'après le Manuel de vol, les décollages peuvent se faire avec un braquage volets compris entre 0° et 15°, mais, dans le cas d'un décollage normal, il est préférable d'utiliser un braquage de 10°. D'après le vérin de volets retrouvé avec l'épave, tout indique qu'à l'impact, les volets étaient rentrés (0°). Il a été impossible d'établir avec certitude si la pilote avait décollé volets rentrés ou si elle avait rentré les volets immédiatement après le décollage. Dans les deux cas, il y aurait eu augmentation de la distance requise pour monter jusqu'à 50 pieds.
D'après le Manuel de vol, pour effectuer un décollage aux performances maximales, il faut sortir les volets à 15° et mettre pleins gaz avant le lâcher des freins. Une vitesse de montée de 69 milles à l'heure doit être maintenue jusqu'à ce que tous les obstacles soient franchis, et les volets doivent être rentrés lentement une fois ces obstacles franchis. Le manuel recommande que les décollages par de forts vents de travers soient effectués avec le braquage volets minimal que nécessite la longueur de piste. De plus, l'aéronef doit accélérer jusqu'à une vitesse légèrement supérieure à la vitesse normale, puis décoller brusquement de la piste afin d'éviter de refaire contact avec celle-ci tout en dérivant latéralement dans le vent de travers. Le Manuel de vol ne comporte aucune donnée sur la distance de décollage sans volets.
D'après le Manuel de pilotage de Transports Canada, « c'est une exigence de certification qu'un aéronef puisse être piloté en toute sécurité dans un vent de travers à 90°, pourvu que la vitesse du vent ne dépasse pas 20 % de la vitesse de décrochage pour cet aéronef ». La vitesse de décrochage sans moteur du Cessna 177B, avec 0° de volets, est de 63 milles à l'heure, ou 55 nœuds. Compte tenu de cette vitesse, la vitesse du vent traversier de 90° permise qui a été calculée est de 11 nœuds. Le Manuel de vol ne mentionne pas la vitesse de décrochage au moteur de l'appareil avec 15° de volets, mais il mentionne que, lors d'atterrissages par vent de travers, le pilote moyen peut manœuvrer l'appareil en toute sécurité par un vent de travers direct soufflant à 15 nœuds. Le Manuel de vol ne mentionne aucune vitesse maximale du vent de travers au décollage.
1.7 Renseignements météorologiques
Le pilote de l'hélicoptère qui a débarqué le passager sur la bande d'atterrissage a signalé qu'un vent de 10 à 15 nœuds soufflait du nord au nord-ouest. Après avoir décollé, il a effectué une montée initiale au-dessus de la piste 10; il a affirmé avoir décollé en vent arrière. Le personnel qui est intervenu pour lutter contre l'incendie a signalé que le ciel était dégagé et que la visibilité était maximale, et il a estimé qu'un vent de 12 à 15 nœuds de direction variable soufflait entre le nord-ouest et le nord-est, avec des rafales à 20 nœuds. La température a été évaluée à 15 °C. Compte tenu de la vitesse du vent qui soufflait, un décollage sur la piste 10 aurait eu pour effet minimal de soumettre l'appareil à un fort vent de travers gauche et, fort probablement, par moments, à un vent arrière.
1.8 Aides à la navigation
Il n'y a aucune aide à la radionavigation à l'aérodrome de Calling Lake.
1.9 Télécommunications
Sans objet.
1.10 Renseignements sur l'aérodrome
La surface gazonnée est longue de 2 950 pieds.Note de bas de page 2 Au moment de l'accident, la surface était en bon état, et le gazon était haut de trois à quatre pouces. La pente longitudinale ascendante de la piste 10 est de 1,5 % sur environ 2 700 pieds et elle est de 0,40 % sur le reste de la piste. L'altitude du seuil de la piste 10 est de 2 054 pieds, et celle de son extrémité départ est de 2 092 pieds.
L'aérodrome est exploité par le district municipal no 17 d'Opportunity et il est classé comme un aérodrome enregistré dans le Supplément de vol - Canada. Le défrichage en vue de la construction de l'aérodrome a été effectué en 1983, et l'aérodrome a été construit en 1985. Un long prolongement dégagé avait d'abord été construit à l'extrémité départ de la piste 10.Note de bas de page 3 Le prolongement dégagé de la piste 10 n'avait pas été entretenu depuis la construction de l'aérodrome et il comportait des arbres de seconde pousse dont la hauteur pouvait atteindre 30 pieds. La réglementation de Transports Canada n'exige ni la présence de prolongements dégagés, ni que ces derniers soient dépourvus de végétation aux aérodromes enregistrés.
1.11 Enregistreurs de vol
L'aéronef n'était pas équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR), ce qui ne contrevenait pas à la réglementation.
1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
L'appareil a heurté des peupliers de seconde pousse d'une hauteur d'environ 30 pieds en un lieu qui, à l'origine, était la zone de prolongement dégagé de l'aérodrome. L'examen du sillon laissé par l'épave a permis d'établir que l'appareil était descendu dans les arbres en un piqué incliné à gauche extrêmement prononcé, qu'il avait rebondi au contact initial avec le sol et qu'il avait fait la roue avant de s'immobiliser en position verticale. L'épave a laissé un sillon long de 151 pieds.
Aucune défaillance importante avant l'impact n'a été décelée, et ce ni lors de l'inspection visuelle des câbles de commandes de vol de l'appareil, ni lors de l'examen en cours de démontage du moteur. À cause de l'étendue des dommages causés par l'incendie, il a été impossible d'obtenir des renseignements fiables à partir des instruments de l'appareil. L'hélice avait sectionné les branches et le tronc de plusieurs peupliers en petits morceaux, et ce d'une façon qui laissait croire que le moteur fournissait de la puissance à l'impact. Les commandes des gaz, d'hélice, de mélange et de réchauffage du carburateur ont été retrouvées à la position maximale, ce qui correspond à la position normale de décollage. Puisque l'aéronef a été presque complètement détruit par l'écrasement et l'incendie, il a été impossible de déterminer avec certitude si une défaillance ou un mauvais fonctionnement d'un système de bord avant l'impact avait pu contribuer à l'accident; toutefois, aucune défaillance ou mauvais fonctionnement n'a été observé.
Le réservoir de carburant de l'aile droit a résisté à l'impact et à l'incendie, et il a été établi qu'il contenait environ 16 gallons de carburant aviation 100 LL exempt de tout contaminant solide visible. Au moment de la récupération de l'épave, le sélecteur de réservoirs était positionné sur le réservoir droit et le robinet d'arrêt carburant était ouvert.
1.13 Renseignements médicaux
Le médecin légiste de la province a conclu que la pilote avait survécu à l'écrasement, mais qu'elle avait probablement perdu conscience à cause des forces d'impact. Elle est décédée par inhalation des gaz de l'incendie.
1.14 Incendie
L'incendie a détruit la cabine, le fuselage et l'aile gauche. À cause de l'étendue des dommages causés par l'incendie à la cabine et à la partie avant du fuselage, il a été impossible de déterminer la source et l'origine de l'incendie. Ce dernier a semblé s'être déclaré dans le plancher de l'appareil, au-dessous et en arrière des sièges avant. Plusieurs composants du circuit carburant, dont les conduites de carburant et un petit réservoir de carburant, ou collecteur d'équilibrage, installé pour garantir l'alimentation en carburant du moteur pendant les manœuvres en vol, se trouvent sous le plancher de la cabine. À cause de l'étendue des dommages causés par l'incendie, il a été impossible de déterminer de quelle façon ces composants ont été endommagés au moment de l'impact. Il a été remarqué qu'à l'impact, le carburateur et le filtre carburant monté sur la cloison pare-feu inférieure avaient subi des dommages qui auraient été à l'origine d'un déversement de carburant après l'impact.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Les deux occupants portaient leur sangle sous-abdominale et la sangle diagonale simple de leur ceinture-baudrier. Après l'écrasement, au lieu de tenter de détacher sa sangle sous-abdominale, le passager l'a coupée au moyen d'un canif et il a ouvert la porte avant droite d'un coup de pied pour se dégager de l'épave. Au moment de la récupération, les sangles sous-abdominales des deux sièges avant étaient bouclées.
1.16 Essais et recherches
Il existe de nombreuses données sur les recherches et les enquêtes relatives aux accidents en ce qui a trait aux techniques visant à réduire les effets des incendies après impact lors d'accidents aéronautiques. Dans nombre d'aéronefs légers, les composants critiques du circuit carburant - y compris les conduites, les crépines et les filtres, les collecteurs d'appoint et d'équilibrage ainsi que les carburateurs sont souvent montés à des endroits qui les rendent vulnérables aux dommages subis lors d'un impact. De plus, comme nombre d'aéronefs, le Cessna Cardinal est équipé de réservoirs de carburant structuraux qui ne sont munis d'aucun revêtement intérieur ultra-résistant ou antiperforation, ce qui les rend vulnérables au déversement d'importantes quantités de carburant s'ils sont perforés lors d'un impact. Sur le Cessna Cardinal, les réservoirs structuraux sont montés à l'avant du longeron principal et ne sont donc aucunement protégés par ce dernier en cas d'impact.
Une recherche dans la base de données sur les accidents et les incidents d'aéronefs de la Federal Aviation Administration (FAA), laquelle base de données comporte des renseignements sur les événements survenus depuis 1973, a permis de trouver 4 092 dossiers où figurait la mention « incendie après impact » comme facteur contributif. Une recherche plus poussée est nécessaire pour déterminer dans combien de ces 4 092 dossiers il était possible de survivre et combien se sont traduits par des blessés graves ou des morts. Néanmoins, les incendies après impact sont relativement fréquents.
Pour la période de janvier 1976 à janvier 2001, la base de données du BST fait état de 469 accidents avec incendie après impact impliquant des aéronefs de masse inférieure à 5 700 kg et qui ont fait au total 667 morts. Il a été établi que l'incendie ou l'inhalation de fumée avaient contribué, totalement ou partiellement, à faire au moins 195 morts (29 %), et que les impacts en avaient fait 374 (56 %) et que, dans 98 cas (15 %), la cause de décès n'avait pu être déterminée. Au moins 73 des survivants d'accidents avaient subi des brûlures. La plupart des aéronefs en question dans ces incidents étaient certifiés conformément aux normes américaines et européennes, lesquelles ne comportent qu'un minimum de dispositions ou aucune disposition en matière de conception de circuit carburant à l'épreuve des impacts.
Nombre de préoccupations concernant les incendies après impact ont été traitées dans un rapport d'étude spéciale du National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis intitulé General Aviation Accidents: Postcrash Fires and How to Prevent or Control Them (NTSB-AAS-80-2, 1980). Ce rapport mentionne clairement que le nombre de blessés et de morts était beaucoup plus élevé dans les accidents où l'aéronef avait brûlé, comparativement à ceux où l'aéronef n'avait pas brûlé, et qu'à l'époque, les exigences de certification ne faisaient aucune mention du confinement du carburant en cas d'écrasement. S'appuyant sur cette étude spéciale, le NTSB a fait six recommandations à la FAA des États-Unis, dont trois proposaient la révision de la réglementation de la FAA en matière de navigabilité aérienne, en vue d'améliorer la résistance à l'écrasement des circuits de carburant. La FAA a lancé des projets pour étudier ces recommandations, publié des avis de projet de réglementation et travaillé avec le General Aviation Safety Panel de 1980 à 1996 sans, selon le NTSB, établir aucune mesure concrète pour améliorer le confinement du carburant en cas d'écrasement. En 1996, constatant l'inaction de la FAA, le NTSB a considéré ses six recommandations comme « terminées - mesures inacceptables ».
Les normes de conception canadiennes régissant les avions des catégories normale, utilitaire et voltige de masse maximale certifiée au décollage de 5 700 kg ou moins sont basées sur le chapitre 523 du Manuel de navigabilité, lequel est inspiré d'une partie des FAR. Même s'il comporte de nombreuses exigences de conception relatives aux circuits de carburant pour éliminer les risques d'incendie en vol ainsi qu'une exigence relative au confinement du carburant dans les réservoirs de carburant lors d'un atterrissage train rentré, le chapitre 523 ne comporte aucune exigence additionnelle visant l'amélioration de la résistance à l'écrasement des circuits de carburant.
1.17 Renseignements sur l'organisation et la gestion
Au moment de l'accident, l'entreprise exploitait une flotte affrétée composée de 7 aéronefs à voilure fixe et de 40 hélicoptères, conformément aux parties 702 et 703 du Règlement de l'aviation canadien. Une grande partie des opérations en vol était reliée à l'exploration, à l'inspection et à l'entretien de champs de pétrole. L'utilisation annuelle de la flotte dépassait 30 000 heures. La structure de l'organisation et de gestion de l'entreprise respectait les exigences de Transports Canada, et le certificat d'exploitation aérienne pertinent de l'entreprise avait été approuvé et était en vigueur.
1.18 Autres renseignements
Si un pilote tente de faire monter un aéronef dans la plage de vol lent, à une vitesse inférieure à la vitesse de montée optimale, l'appareil peut entrer dans un état appelé « vol en second régime ». L'appareil vole alors à faible vitesse suivant un angle d'attaque très prononcé, avec puissance moteur élevée. Cette configuration place l'appareil dans un état où la traînée aérodynamique est importante et, si le pilote tente de franchir les obstacles dont il s'approche en augmentant l'assiette longitudinale, la vitesse diminue davantage jusqu'à ce qu'il y ait décrochage. Des rafales peuvent aggraver la situation en provoquant des variations instantanées de vitesse et, si l'appareil est confronté à une rafale en vent arrière, la vitesse et la portance de l'appareil peuvent diminuer momentanément sans qu'il n'y ait aucune variation de l'assiette, ce qui est particulièrement dangereux à basse altitude pendant une montée initiale, car le pilote doit abaisser le nez de l'appareil et réduire son altitude afin de recouvrer la vitesse de montée appropriée.
Les sièges avant de l'appareil étaient équipés de sangles sous-abdominales et de ceintures-baudriers S2070H-16 de Cessna. Même s'ils ne font pas partie des facteurs contributifs à cet accident, deux vices de conception pouvant nuire au débouclage rapide du baudrier et empêcher l'occupant de sortir de l'appareil ont été décelés. Sur ce type de ceinture, il est possible de prendre le support de la poignée de verrouillage pour la poignée de verrouillage elle-même; il se peut donc qu'en essayant de dégrafer sa ceinture, un occupant insère ses doigts sous le support et tire sur ce dernier plutôt que sur la poignée, ce qui risque de le dérouter, dans une situation d'urgence, et de retarder le dégrafage de sa ceinture.
De plus, le dispositif de réglage de la longueur de la sangle sous-abdominale se trouve du côté du verrou et la courte sangle fixe se trouve du côté de la languette. La sangle diagonale passant sur l'épaule s'engage dans une fente de la languette et elle est maintenue en position diagonale par la courte sangle sous-abdominale fixe, en avant de l'occupant. La ceinture étant montée avec la languette du verrou se trouvant du côté opposé de l'occupant par rapport à la sangle diagonale passant sur l'épaule, le dégrafage de la sangle sous-abdominale a pour effet de desserrer la sangle diagonale, mais pas de la détacher. L'occupant doit ensuite, dans un deuxième temps, soit détacher la sangle diagonale de la sangle sous-abdominale, soit passer en-dessous de la sangle diagonale pour se libérer du siège.
En 1975, la conception des sangles sous-abdominales et des ceintures-baudriers a été modifiée par l'introduction du dispositif de retenue de type S2275, dans lequel la languette de verrouillage et la sangle diagonale sont reliées et situées du même côté de l'occupant, et le dégrafage du verrou permet de détacher d'un seul coup la sangle sous-abdominale et la sangle diagonale. De plus, la partie verrou est fixée à la sangle sous-abdominale de façon à éviter qu'un occupant place ses doigts sous la poignée de verrouillage pour dégrafer sa ceinture. Entre le 21 juillet et le 7 décembre 2000, l'exploitant a retiré les anciennes ceintures de sécurité et ceintures-baudriers de type S2070 des deux autres Cessna 177B Cardinal de la flotte et a installé des dispositifs de type S2275.
2.0 Analyse
2.1 Généralités
L'enquête n'a permis de déceler aucune anomalie de l'appareil qui aurait pu contribuer à l'accident. L'analyse portera donc davantage sur le vent de travers et l'état de la piste, sur la technique de décollage utilisée par la pilote ainsi que sur les facteurs reliés à la survie après impact.
2.2 Gestion du décollage
Dans le cas de ce décollage, la pilote devait tenir compte de nombreuses variables. La combinaison d'un fort vent de travers soufflant en rafales, d'une déclivité de la piste vers le haut, d'une piste gazonnée et d'un aéronef de masse maximale, ou presque, nécessitait une bonne gestion du décollage pour que ce dernier soit réussi.
Il est probable qu'à cause du fort vent de travers, la pilote a choisi de décoller sans volets. Une telle configuration lui aurait permis de mieux composer avec le vent de travers, mais aurait également prolongé la course au décollage et augmenté la distance nécessaire au franchissement des obstacles qui se trouvaient dans la zone de prolongement dégagé de la piste. Comme le montre le fait qu'elle ait laissé un segment de piste utilisable long d'environ 200 pieds derrière l'appareil avant le début de la course au décollage, il est possible que la pilote ne se soit pas rendu compte que le décollage nécessiterait une gestion attentive dans les conditions qui prédominaient.
D'après les chiffres sur les performances de l'appareil au décollage qui figurent dans le Manuel de vol, tout indique qu'avec une technique de pilotage appropriée, l'appareil pouvait décoller de la piste et franchir tous les obstacles sur la distance disponible, et ce en laissant un segment de piste non utilisé de plusieurs centaines de pieds. Il est donc probable que la pilote a tenté de monter à une vitesse inférieure à la vitesse de montée optimale lorsqu'elle s'est approchée des arbres et qu'elle est entrée dans la zone de prolongement dégagé de la piste 10, et que l'appareil a continué de voler à faible vitesse, ou en second régime, jusqu'à ce qu'il y ait décrochage. La composante vent de face qui pouvait réduire la distance de décollage était faible ou nulle et, en réalité, il se peut qu'après le décollage, l'appareil se soit trouvé dans un vent arrière soufflant en rafales, ce qui n'a cependant pas été établi. L'appareil a décroché à une altitude à laquelle tout rétablissement était impossible.
2.3 Survie à l'incendie après impact
S'il n'y avait pas eu incendie après impact, il est fort probable que la pilote aurait survécu à l'accident. Il se peut que plusieurs facteurs, dont l'emplacement du réservoir d'appoint et des conduites de carburant sous le plancher de la cabine, l'emplacement non protégé du filtre de carburant et du carburateur ainsi que la conception des réservoirs de carburant structuraux, aient contribué au déclenchement, à l'intensification et à la propagation rapide de l'incendie après impact. L'appareil s'étant immobilisé en position verticale, le robinet d'arrêt carburant étant demeuré ouvert et le sélecteur de réservoirs s'étant trouvé à la position réservoir droit, du carburant aurait continué à s'écouler par gravité du réservoir structural droit et se serait échappé .par le filtre de carburant et le carburateur endommagés. De plus, si l'impact a endommagé les conduites de carburant connexes situées en amont du sélecteur de réservoirs, il se peut que du carburant en provenance du réservoir structural gauche ait continué à couler.
Plusieurs constructeurs ont amélioré volontairement la conception des circuits de carburant de leurs plus récents modèles d'aéronefs. Parmi ces améliorations, on compte le montage des composants du circuit de carburant loin des endroits où prennent place les occupants, l'augmentation de la distance entre les réservoirs de carburant et la cabine passagers, le renforcement de l'intérieur des réservoirs de carburant pour en empêcher la rupture sous les forces d'inertie du carburant en cas d'écrasement et l'isolement des sources potentielles d'incendie des zones où il y a risque de fuite.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- Après le décollage, l'aéronef a décroché à une altitude à partir de laquelle tout rétablissement était impossible, puis il s'est écrasé.
- Il est probable qu'après avoir décollé, la pilote n'a pas réussi à s'élever à la vitesse de montée optimale requise et que l'appareil a continué de voler à faible vitesse, ou en second régime, jusqu'à ce qu'il y ait décrochage.
- Il est fort probable que l'impact n'a pas causé de blessure mortelle à la pilote et que cette dernière a succombé aux effets thermiques de l'incendie de carburant après impact.
3.2 Faits établis quant aux risques
- L'aéronef n'était équipé d'aucun dispositif d'amélioration de la résistance à l'écrasement des circuits de carburant qui aurait pu empêcher l'incendie après impact ou en réduire l'intensité, et la réglementation en vigueur n'impose l'emport d'un tel dispositif ni à bord des anciens, ni à bord des nouveaux aéronefs.
- Aucune réglementation n'exige que les prolongements dégagés soient dépourvus de végétation aux aérodromes enregistrés; la zone de prolongement dégagé originale de l'extrémité départ de la piste 10 comportait des broussailles et des arbres abandonnés dont la hauteur pouvait atteindre environ 30 pieds.
3.3 Autres faits établis
- L'aéronef était certifié et équipé conformément à la réglementation en vigueur, et rien n'indique qu'il y ait eu mauvais fonctionnement du moteur ou d'un système.
- Dans les conditions qui prédominaient, l'appareil était en mesure de décoller de la piste et de franchir les obstacles sur la distance disponible.
- Les sièges avant de l'appareil étaient équipés de sangles sous-abdominales et de ceintures-baudriers qui auraient pu empêcher leurs occupants de sortir rapidement de l'appareil, mais il a été établi que ces dispositifs de retenue n'avaient pas été des facteurs contributifs dans cet accident.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures prises
À la suite de cet accident, l'exploitant de l'aérodrome de Calling Lake a coupé les arbres qui se trouvaient sur le prolongement dégagé de l'extrémité départ de la piste 10.
Transports Canada élabore un nouveau programme de formation de pilote professionnel désigné sous le nom de programme intégré de formation de pilote professionnel pour réduire les accidents de ce genre. Le but de ce programme est de mieux préparer les élèves-pilotes à travailler dans un service aérien commercial. On s'attend à ce que des pilotes participant à un programme intégré soient exposés, dans un environnement surveillé et avec l'aide d'un instructeur, aux conditions auxquelles ils risquent de faire face dans leurs fonctions, ce qui inclut le genre de situation décrite dans le présent rapport.
Lorsqu'il a pris connaissance que les vices de conception des ceintures de sécurité et des ceintures-baudriers pouvaient empêcher un occupant de sortir rapidement de l'appareil, l'exploitant a retiré les ceintures de sécurité et ceintures-baudriers de type S2070 et a installé des dispositifs de type S2275 dans les deux autres Cessna 177B Cardinal de la flotte.
4.2 Préoccupation liée à la sécurité
Dans cet accident, il est fort probable que l'impact n'a pas causé de blessure mortelle à la pilote et que cette dernière a succombé aux effets de l'incendie après impact; le passager a subi de graves brûlures. Comme le montre l'analyse des bases de données de la FAA et du BST, le problème relatif aux incendies après impact n'est particulier à aucun modèle d'aéronef et il est relativement fréquent. De plus, l'étude du BST sur les accidents avec incendie après impact impliquant des aéronefs de masse inférieure à 5 700 kg montre que, sur 25 ans, l'incendie ou l'inhalation de fumée ont été identifiés comme étant responsables, en partie ou en totalité, de près de 30 % des 677 morts.
Même si les principes de conception des dispositifs de résistance à l'écrasement des circuits de carburant sont bien connus, l'examen du RAC et des FAR indique qu'il n'y a actuellement aucune norme de navigabilité qui nécessite que les aéronefs légers soient équipés de matériel de contremesure technique amélioré capable de réduire les incendies après impact dans d'autres circonstances que les atterrissages train rentré.
Le Bureau est préoccupé du fait que les circuits de carburant des petits aéronefs ne sont généralement pas bien protégés contre les incendies après impact. Lorsqu'un incendie se déclare dans un accident auquel il est possible de survivre, les occupants de l'appareil en cause courent un risque inutile. Le Bureau poursuivra son enquête sur ce problème de sécurité et évaluera le bien-fondé de la réglementation en vigueur.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a donc autorisé sa publication le .
Annexes
Annexe A - Document justificatif
Rapport d'étude spéciale du National Transportation Safety Board des États-Unis (NTSB-AAS-80-2) : General Aviation Accidents: Postcrash Fires and How to Prevent or Control Them (Accidents de l'aviation générale : prévention et maîtrise des incendies après impact).
Annexe B - Aérodrome de Calling Lake
Annexe C - Sigles et abréviations
- BST
- Bureau de la sécurité des transports du Canada
- C
- Celsius
- É.-U.
- États-Unis
- FAA
- Federal Aviation Administration
- LL
- Carburant à faible teneur en plomb
- NTSB
- National Transportation Safety Board
- °
- Degré(s)