Perte de maîtrise pendant une approche de nuit et quasi-collision avec le relief
Helijet International Inc.
Sikorsky S-76C+ (hélicoptère), C-GHHJ
Aéroport de Tofino/Long Beach
(Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 15 novembre 2015, à 1 h 35 (heure normale du Pacifique), l’hélicoptère Sikorsky S-76C+ (immatriculé C-GHHJ, numéro de série 760500) d’Helijet International Inc. a quitté l’aéroport international de Vancouver (Colombie-Britannique) pour un vol d’évacuation médicale selon les règles de vol à vue la nuit à destination de l’aéroport de Tofino/Long Beach (Colombie-Britannique) avec 2 ambulanciers paramédicaux et 2 pilotes à son bord. Alors qu’il effectuait une approche visuelle vers la piste 29, l’équipage a débrayé le pilote automatique à une altitude de 600 pieds au-dessus du niveau de la mer et a manœuvré l’hélicoptère vers la zone d’atterrissage prévue. Vers 2 h 39, alors que l’hélicoptère se trouvait en courte finale, sa vitesse a diminué, son taux de descente a rapidement augmenté, le régime du rotor a commencé à diminuer, et l’équipage a perdu la maîtrise de la direction. L’équipage a repris la maîtrise de l’hélicoptère au-dessus d’une plage, à une altitude d’environ 3 pieds au-dessus du sol, et à environ 67 pieds sous l’altitude de l’aérodrome de Tofino/Long Beach. Les pilotes ont ensuite constaté que les paramètres du moteur et de la chaîne dynamique étaient normaux, et ont fait remonter l’hélicoptère à 500 pieds au-dessus du niveau de la mer pour effectuer une seconde approche. L’équipage a éprouvé d’autres problèmes de commande pendant cette approche, mais l’hélicoptère a été en mesure d’atterrir. Il n’y a pas eu de blessures ou d’incendie, et la radiobalise de repérage d’urgence ne s’est pas activée.
1.0 Renseignements de base
L’annexe 13 de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) exige des États qui effectuent des enquêtes sur les accidents de protéger les enregistrements des conversations dans le poste de pilotageNote de bas de page 1. Le Canada se conforme à cette exigence en protégeant tous les équipements d’enregistrement embarqués – y compris les enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) – protégés en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Même si le BST peut faire usage de toute l’information que contiennent les enregistreurs de bord dans l’intérêt de la sécurité des transports, il n’est pas autorisé à divulguer sciemment toute partie d’un enregistrement de bord qui n’a aucun rapport avec les causes ou les facteurs contributifs d’un accident ou avec la détermination des lacunes de sécurité.
La raison pour laquelle on protège l'information que contiennent les CVR se fonde sur le principe selon lequel les pilotes continueront de s'exprimer librement et que ces conversations seront mises à la disposition des enquêtes de sécurité. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière et a rigoureusement limité l'usage des données des CVR dans ses rapports. À moins que le contenu du CVR soit requis pour étayer un fait établi et cerner une lacune importante à la sécurité, il n'est pas inclus dans le rapport du BST.
Pour valider les enjeux de sécurité soulevés par la présente enquête, le BST s’est servi de l’information provenant du CVR dans son rapport. Dans chaque cas, nous avons soigneusement examiné ces renseignements pour nous assurer qu’ils étaient nécessaires pour promouvoir la sécurité des transports.
1.1 Déroulement du vol
Le 15 novembre 2015, vers 1 h 35Note de bas de page 2, pendant les heures d'obscurité, le C-GHHJ a quitté l'aéroport international de Vancouver (CYVR) pour effectuer un vol d'évacuation médicale à destination de l'aéroport de Tofino/Long Beach (CYAZ), en Colombie-Britannique, après avoir reçu un appel du coordonnateur des soins intensifs des British Columbia Emergency Health Services (BCEHS).
Avant le vol, l'équipage de conduite (composé de 2 pilotes ayant les qualifications de commandant de bord) avait étudié les prévisions météorologiques, préparé l'hélicoptère pour le vol à destination de CYAZ (qui devait durer 1 heure et 5 minutesNote de bas de page 3), et déposé un plan de vol selon les règles de vol à vue de nuit (NVFR).
Le commandant de bord désigné occupait le siège de gauche et était le pilote surveillant (PS). Le premier officier désigné occupait le siège de droite et était le pilote aux commandes (PC)Note de bas de page 4.
Pendant la montée initiale jusqu'à 2500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) selon l'itinéraire de vol NVFR approuvé par l'entreprise (figure 1), l'équipage de conduite a discuté de la visibilité réduite en raison de l'obscurité. Toutefois, les nuages et la visibilité signalée étaient conformes à la réglementation relative aux vols NVFRNote de bas de page 5.
À 1 h 55, le répartiteur des BCEHS a avisé l'équipage de conduite qu'on avait placé des feux TurboflareNote de bas de page 6 à l'héliplateforme temporaire de nuit de CYAZ, et que le personnel au sol avait indiqué que les conditions météorologiques étaient bonnes et que quelques étoiles étaient visibles.
Vers 2 h 22, avant de franchir le point de cheminement AT2Note de bas de page 7 (figure 1), l'équipage de conduite a chargé et activé l'approche du système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS)Note de bas de page 8 vers la piste 29 à CYAZ dans le système de navigation de surface (RNAV) basé sur le système mondial de navigation par satellite (GNSS) (annexe A)Note de bas de page 9. À ce moment, l'équipage de conduite s'est écarté de l'itinéraire de vol NVFR approuvé pour suivre la route de l'approche RNAV publiée afin de maintenir un profil de vol sécuritaire au-dessus du relief et des obstacles pendant l'approche de l'aéroport. Les équipages de conduite procèdent parfois de cette façon dans le but de maintenir à jour leurs compétences de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR).
À 2 h 24, le PC a demandé qu'on exécute les vérifications d'approche initiale. Le PS a lu la liste de vérification d'approche initiale et a confirmé que le frein de stationnement était à la position OFF et que les curseurs d'altitude minimale du radioaltimètre étaient réglés à 200 pieds. Le PS a demandé au PC d'effectuer un exposé d'atterrissage, et le PC a répondu que l'atterrissage aurait lieu sur la piste qui se trouvait devant eux. Le PS a acquiescé, puis a terminé la liste de vérification, qui comprenait une vérification du dispositif de régulation numérique du moteur (DECU).
À 2 h 32, le PC a commencé à réduire la vitesse de l'hélicoptère et a amorcé une descente jusqu'à 900 pieds ASL. Une minute plus tard, le PS a terminé la lecture de la liste de vérification d'approche finale. Après avoir franchi le point de cheminement EPSIK (figure 2) à 2 h 37 min 6 s, l'hélicoptère a continué à ralentir et à descendre, puis le PC l'a mis en palier à 620 pieds ASL, en maintenant une vitesse indiquée de 85 nœuds (KIAS).
À 2 h 38 min 18 s, le PS a indiqué que le point d'approche interrompueNote de bas de page 10 se trouvait au seuil de la piste 29 et était visible à l'écran du système de vision amélioréeNote de bas de page 11 de l'hélicoptère. Les membres de l'équipage de conduite ont mentionné à 3 reprises que la zone d'atterrissage était indiquée par un feu clignotant vert.
À 2 h 39 min 1 s, le PC a débrayé le pilote automatique, et l'hélicoptère a commencé à ralentir en maintenant une altitude constante. À 0,3 mille marin (nm) du seuil de la piste 29, la vitesse de l'hélicoptère a diminué à moins de 60 KIAS (ce qui correspond environ à la VMININote de bas de page 12), et l'hélicoptère a adopté une assiette de plus de 14° en cabré. Le PC a mentionné que l'hélicoptère se trouvait plus près du feu clignotant vert que prévu et a abaissé le levier de collectif au réglage minimal. L'hélicoptère a commencé à descendre rapidement, et la vitesse indiquée a diminué à presque zéro.
À 2 h 39 min 19 s, l'hélicoptère est descendu sous une altitude radar de 500 pieds au-dessus du niveau du sol (AGL) (figure 3), et le système d'avertissement de proximité du sol amélioré (EGPWS)Note de bas de page 13 a émis l'alerte vocale « FIVE HUNDRED ». Au moment où le taux de descente de l'hélicoptère a excédé 2000 pieds par minute (pi/min), le PC a demandé au PS de surveiller le taux de descente. Le PS a indiqué au PC que la vitesse était basse.
L'hélicoptère a descendu sous 300 pieds AGL à un taux de descente d'environ 2600 pi/min. Pendant la partie inférieure de la descente, alors que l'hélicoptère se trouvait sur un cap d'environ 290°, l'aéronef a commencé à voler à reculons à une vitesse de 20 à 25 nœuds, puis a entamé un mouvement de lacet vers la droite. Le régime du rotor principal (NR)Note de bas de page 14 adiminué sous la valeur asservie normale de 107 %, et les couples moteurs ont augmenté à 100 %.
À 2 h 39 min 26 s, le système EGPWS a émis l'alerte vocale « TWO HUNDRED ». Le régime NR a descendu à 89 %, et les couples moteurs ont augmenté à 120 %. Le nez a poursuivi son mouvement de lacet vers la droite, et l'hélicoptère s'est mis à voler latéralement vers la droite. L'hélicoptère a continué à descendre, et le système EGPWS a émis l'alerte vocale « ONE HUNDRED ». Pendant ce temps, le palonnier gauche était presque complètement enfoncé, mais le lacet s'est poursuivi jusqu'à un cap d'environ 185° (une déviation à droite d'environ 255° par rapport à la trajectoire de rapprochement). Comme le nez de l'hélicoptère pivotait dans le sens du mouvement, la vitesse a commencé à augmenter, et l'hélicoptère a poursuivi sa descente, pour franchir 50 pieds AGL.
Le PC a relevé le levier de collectif au réglage maximal, et les couples moteurs ont atteint 134 % alors que le régime NR est descendu à 77 %. L'hélicoptère a survolé-la basse plage à une vitesse de 15 à 25 nœuds et à une altitude radar presque nulle (environ 65 pieds sous l'altitude de l'aéroport d'environ 80 pieds ASL). À cet endroit, le terrain sous l'hélicoptère se composait de buissons au rebord de -la basse plage et de grosses billes de bois échouées contre le talus de la plage.
À 2 h 39 min 39 s, le système EGPWS a émis l'alerte vocale « TAIL TOO LOW » alors que l'hélicoptère affichait une assiette de 11° en cabré.
L'hélicoptère a interrompu sa descente à environ 3 pieds au-dessus des billes de bois sur la plage (figure 4). L'équipage de conduite a confirmé que les paramètres de vol étaient revenus à leur plage d'exploitation normale et qu'aucun voyant de mise en garde ou d'avertissement n'était allumé, puis le commandant a indiqué qu'il prenait les commandes en tant que PC. L'hélicoptère a accéléré et a pris de l'altitude en quittant la plage en direction sud.
L'équipage de conduite a manœuvré l'hélicoptère pour revenir en direction de l'héliplateforme temporaire de nuit à CYAZ, en montant à 550 pieds ASL, à une vitesse de 60 nœuds. Tous les paramètres moteurs sont demeurés dans leur plage d'exploitation normale pendant cette courte partie du vol.
Pendant la seconde approche vers l'héliplateforme temporaire de nuit, l'hélicoptère a encore une fois amorcé une descente rapide. Le système EGPWS a émis les alertes vocales « MINIMUMS, MINIMUMS » et « SINK RATE, SINK RATE » lorsque le taux de descente a atteint 1400 pi/min. Le PC a freiné la descente et a posé l'hélicoptère sur l'héliplateforme temporaire de nuit à 2 h 41 min 44 s.
L'équipage de conduite a exécuté la procédure d'arrêt, qui comprenait la consultation de la page de maintenance du système intégré d'affichage des instruments (IIDS) pour y déceler tout dépassement des limites de performance du moteur. Le système IIDS n'indiquait pas de dépassement ni d'avertissement.
L'équipage de conduite et les ambulanciers ont quitté l'hélicoptère, et le commandant a remarqué de l'huile sur le côté gauche du fuselage. On a communiqué avec le personnel d'entretien à Vancouver et la mission d'évacuation médicale a été annulée. On a subséquemment avisé le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) de l'événement.
1.2 Victimes
Il n'y a pas eu de blessés.
1.3 Dommages à l'aéronef
Une inspection après vol a permis de constater la présence d'une quantité considérable d'huile sur les pales du rotor principal et sur le côté gauche du fuselage. On a consulté le personnel de l'entreprise; par la suite, on a dépêché des membres du personnel à CYAZ. Après une inspection plus approfondie, on a constaté que chaque fusée du rotor principal était entrée en contact avec les paliers élastomériques de maintien des pales et que le tuyau d'huile de l'amortisseur du rotor principal s'était rompu.
Le personnel d'entretien a remplacé les fusées du rotor principal et le tuyau d'huile endommagé de l'amortisseur. On a désactivé l'enregistreur de conversations dans le poste de pilotage et de données de vol (CVFDR) pour éviter que les données du vol de l'événement à l'étude ne soient écrasées. Un autre équipage de conduite a effectué un vol d'essai et a retourné l'hélicoptère à CYVR, où l'entreprise a déposé le CVFDR et l'a envoyé à Maxcraft Avionics Ltd. (Maxcraft) aux fins du téléchargement des données de vol et des conversations. Le BCEHS a remis l'hélicoptère en service actif le 16 novembre 2015.
Le 16 novembre, Maxcraft a transmis les données téléchargées du CVFDR à l'entreprise. Ces données ont montré que les 2 moteurs avaient subi des valeurs de couple de plus de 155 % chacun (pour un total de plus de 310 %) pendant le rétablissement de la perte de maîtrise initiale de l'hélicoptère (au cours de la première approche vers CYAZ). De plus, pendant l'événement à l'étude, la valeur de couple des moteurs no 1 et no 2 a dépassé 135 % pendant 15 secondes et 13 secondes, respectivement. Ces valeurs indiquent que l'hélicoptère a dépassé la limite maximale transitoire du fabricantNote de bas de page 15 de 10 secondes pour un couple des 2 moteurs de 230 %.
Le 25 novembre 2015, Helijet a avisé le BST d'un autre événement mettant en cause le C-GHHJ (événement aéronautique A15P0237 du BST). Un équipage de conduite se préparait à effectuer un vol d'évacuation médicale entre CYVR et Chemainus (Colombie-Britannique) à bord de l'hélicoptère. Lorsque le levier de collectif a été levé pour quitter l'héliplateforme, il y a eu une vibration rapide dans les commandes et un bruit anormal. La vibration et le bruit ont cessé lorsque l'équipage a abaissé le levier de collectif. Il y a eu une autre tentative de décollage, mais on a constaté une vibration et un bruit semblables. L'hélicoptère est retourné au hangar, et on a consulté le personnel d'entretienNote de bas de page 16.
Après avoir été avisé du décollage interrompu, le BST a communiqué avec le fabricant de l'hélicoptère pour lui fournir une description des événements qui l'ont précédé et les données de l'enregistreur de données de vol (FDR) relatives à l'événement du 15 novembre. On n'avait pas avisé le fabricant des dépassements des limites de couple et des faibles valeurs de régime en vol constatés pendant l'événement du 15 novembre.
Le fabricant a ensuite déterminé que l'hélicoptère n'était pas en état de navigabilité et a demandé à ce qu'il soit retiré du service jusqu'à ce que tous les composants dynamiques aient fait l'objet d'une inspection et d'une remise à neuf. Après une inspection plus approfondie des composants dynamiques pour déceler d'éventuels dommages, le fabricant a conclu qu'il n'y avait [traduction] « aucun problème majeur causé par l'incident de surcouple »Note de bas de page 17. Le fabricant a aussi exigé l'inspection et l'essai de toutes les pales du rotor pour déceler tout décollement, et a spécialement demandé l'inspection ultrasonique de la partie de l'emplanture des pales où les stratifiés sont collés au longeron. Au cours de ces inspections, on a constaté qu'il y avait eu décollement de la surface inférieure sur 1 des 4 pales du rotor principal.
Le 26 novembre, on a récupéré le CVFDR de l'hélicoptère et on l'a envoyé au Laboratoire d'ingénierie du BST aux fins de téléchargement et d'analyse des données. Cette analyse a permis de constater que des facteurs de conversion incorrects avaient été utilisés lors du premier téléchargement des données.
L'analyse du laboratoire du BST a permis de constater que pendant le vol de l'événement à l'étude, l'hélicoptère a atteint une valeur maximale de couple de 134 % par moteur (pour une valeur de couple moteur totale de 268 %). On a aussi constaté que pendant l'événement à l'étude, la baisse du régime NR sous la normale de 107 % a duré 19 secondes et a atteint un minimum de 77 % (annexe B).
Il n'existe aucune procédure en vol normale ou d'urgence en cas de dépassement des limites de couple. Le fabricant n'exige pas que l'on prenne des mesures correctives en vol à la suite d'un dépassement des limites de couple, mais exige toutefois que des mesures d'entretien soient prises après le vol.
1.4 Autres dommages
L'événement à l'étude n'a causé aucun dommage à des biens ni à des objets.
1.5 Renseignements sur le personnel
1.5.1 Généralités
Commandant | Premier officier | |
---|---|---|
Licence de pilote | Licence de pilote de ligne – Hélicoptère | Licence de pilote de ligne – Hélicoptère |
Date d'expiration du certificat médical | 1er mai 2016 | 1er mai 2016 |
Heures de vol total | 6500 | 3772 |
Heures de vol sur type | 4500 | 806 |
Heures totales de vol de nuit | 595 | 482 |
Heures de vol aux instruments | 720 | 450 |
Heures de vol au cours des 7 derniers jours | 4 | 1 |
Heures de vol au cours des 30 derniers jours | 24 | 5 |
Heures de vol au cours des 90 derniers jours | 89 | 56 |
Heures de service avant l'événement | 6 | 6 |
Heures hors service avant la période de travail | 12 | 12 |
1.5.2 Commandant
1.5.2.1 Généralités
Le commandant de bord avait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le commandant détenait une licence de pilote de ligne – Hélicoptère canadienne et des qualifications de type sur Bell 206, Bell 47, McDonnell-Douglas 300, Robinson R22 et Sikorsky S-76. La licence du commandant était également annotée d'une qualification de vol aux instruments de groupe 4, valide jusqu'au 1er mars 2017.
Avant d'entrer au service de Helijet, le commandant avait accumulé de l'expérience de vol aux instruments à bord d'un Sikorsky S-76 à l'étranger. En 2003, le commandant avait obtenu une licence de pilote de ligne alors qu'il travaillait pour un autre exploitant d'hélicoptères du Canada.
On avait embauché le commandant à titre occasionnel en février 2008 et offert un poste à temps plein en mars 2009.
1.5.2.2 Formation en entreprise
En février 2015, le commandant avait suivi une formation périodique annuelle et avait fait l'objet d'un contrôle de compétence à bord d'un simulateur de vol de l'hélicoptère Sikorsky S-76C à système de mouvement complet hydraulique de niveau D.
En avril 2014, le commandant avait participé à une formation d'une journée complète portant sur la prise de décisions, la gestion des ressources du poste de pilotage (GRPP) et la prévention des impacts sans perte de contrôle. Helijet n'offrait pas de formation sur les approches NVFR ou sur l'effet de trou noir.
1.5.2.3 Horaire de travail
Les pilotes d'ambulance aérienne de Helijet effectuent des quarts de jour ou de nuit. Les quarts de nuit durent 12 heures (de 18 h 30 à 6 h 30 ou de 20 h 30 à 8 h 30), et les pilotes passent du quart de jour au quart de nuit le jour après la fin d'un quart de jour (p. ex., si le quart de jour d'un pilote se termine le mardi, il est affecté au quart de nuit du mercredi). On peut attribuer jusqu'à 3 quarts de nuit consécutifs aux pilotes, et ceux-ci ont accès à des dortoirs. L'horaire des quarts de nuit est conforme aux pratiques recommandées de gestion de la fatigue, selon lesquelles les quarts de nuit sont attribués aux différents pilotes selon une rotation rapide (c.-à-d., des quarts qui changent après quelques jours)Note de bas de page 18.
Le commandant n'avait pas dépassé les limites de ses heures de service et de vol. Le commandant avait travaillé de 20 h 30 à 8 h 30 au cours des nuits des 12 et 13 novembre 2015. Pendant ces 2 nuits, le commandant avait pu dormir pendant environ 5 heures dans le dortoir, ce qui signifie qu'il avait cumulé un déficit de sommeilNote de bas de page 19 total d'environ 5 heures. Le 14 novembre, le commandant a fait une sieste en après-midi, et son quart a commencé à 20 h 30. Il a fait une sieste de 1 heure dans le dortoir avant de recevoir l'appel initial du répartiteur. Le vol a eu lieu pendant un creux du rythme circadienNote de bas de page 20. Si l'on tient compte du sommeil qu'avait obtenu le commandant avant le vol, le déficit de sommeil dont il faisait l'objet n'était pas suffisant pour établir qu'il était fatigué au moment de l'événement à l'étude.
1.5.3 Premier officier
1.5.3.1 Généralités
Le premier officier avait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le premier officier détenait une licence de pilote de ligne – Hélicoptère canadienne et des qualifications de type sur Sikorsky S-61 et S-76. La licence du premier officier était également annotée d'une qualification de vol aux instruments de groupe 4, valide jusqu'au 1er mars 2017.
Le premier officier est entré au service de Helijet en novembre 2013. Le premier officier n'avait aucune expérience antérieure en pilotage professionnel d'hélicoptères. De 1998 à 2012, le premier officier avait cumulé de l'expérience de vol à bord des hélicoptères CH-124 Sea King du ministère de la Défense nationale (MDN). L'expérience du premier officier au MDN comprenait de nombreux déploiements opérationnels et des postes de pilote instructeur et de chef d'équipage. Le premier officier avait aussi participé à la supervision et au perfectionnement de pilotes débutants.
Le 21 novembre 2013, le premier officier avait obtenu une certification de type sur Sikorsky S-76 et une annotation de qualification de vol aux instruments de groupe 4 de Helijet. Le 16 février 2014, le premier officier était devenu commandant sur S-76C+ et avait occupé le poste de chef pilote adjoint, de juillet 2014 à août 2015. Le premier officier était un instructeur de pilotes de l'entreprise et un pilote-vérificateur agréé (PVA) par Transports Canada (TC).
1.5.3.2 Formation en entreprise
En septembre 2015, le premier officier avait suivi une formation périodique annuelle et avait fait l'objet d'un contrôle de compétence à bord d'un simulateur de vol de l'hélicoptère Sikorsky S-76C à système de mouvement complet hydraulique de niveau D. En août 2015, le premier officier avait participé à une formation d'une journée complète portant sur la prise de décisions du pilote, la GRPP et la prévention des impacts sans perte de contrôle. Helijet n'offrait pas de formation sur les approches NVFR ou sur l'effet de trou noir.
1.5.3.3 Horaire de travail
La semaine avant l'événement à l'étude, le premier officier s'était rendu à West Palm Beach (Floride) pour superviser la formation en simulateur des pilotes de l'entreprise et les soumettre à des contrôles de compétence. Le premier officier était revenu à Vancouver de West Palm Beach vers 21 h le 10 novembre 2015.
Le premier officier n'avait pas dépassé les limites de ses heures de service et de vol. Le premier officier avait effectué un quart de nuit (de 20 h 30 à 8 h 30) le 13 novembre 2015 et avait dormi environ 5 heures dans le dortoir. Le premier officier avait donc cumulé un déficit de sommeil d'environ 3 heures. Le 14 novembre 2015, le premier officier avait fait une sieste en après-midi, et son quart avait commencé à 20 h 30. Le premier officier avait fait une sieste de 1,5 heure dans le dortoir avant de recevoir l'appel initial du répartiteur. Le vol a eu lieu pendant un creux du rythme circadien. Si l'on tient compte du sommeil qu'avait obtenu le premier officier avant le vol, son déficit de sommeil n'était pas suffisant pour établir que le premier officier était fatigué au moment de l'événement à l'étude.
1.6 Renseignements sur l'aéronef
1.6.1 Généralités
Les dossiers indiquent que l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. L'hélicoptère ne présentait aucune anomalie connue avant le vol et était exploité dans les limites prescrites de masse et de centrage. L'enquête n'a pas permis d'établir que l'hélicoptère avait connu un type quelconque de mauvais fonctionnement d'un système lors du vol à l'étude.
Constructeur | Sikorsky |
---|---|
Type, modèle et immatriculation | S-76C+, C-GHHJ |
Année de construction | 1995 |
Numéro de série | 760500 |
Date d'émission du certificat de navigabilité/permis de vol | 12 août 2011 |
Nombre total d'heures de vol cellule | 8023,58 |
Type de moteur (nombre de moteurs) | Turbomeca Arriel 2S1 (2) |
Masse maximale autorisée au décollage | 5307,03 kg |
Type(s) de carburant(s) recommandé(s) | Jet A, Jet A-1, Jet B |
Type de carburant utilisé | Jet A |
La figure 5 montre l'hélicoptère en cause dans l'événement à l’étude.
1.6.2 Description
L'entreprise Sikorsky Helicopter Corporation a conçu et construit l'hélicoptère Sikorsky S-76. La Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a certifié cet hélicoptère en novembre 1978, et ce dernier a été certifié au Canada peu de temps après. Le modèle S-76C a été certifié en 1991. La masse maximale autorisée au décollage de l'hélicoptère est de 5307 kg (11 700 lb), sa vitesse maximale de 155 nœuds, et son rayon d'action est d'environ 400 nm. L'hélicoptère S-76C+ est doté de moteurs Turbomeca Arriel 2S1 commandés par un système de régulation numérique à pleine autorité redondante.
1.6.3 Performances de l'hélicoptère
1.6.3.1 Dépassement des limites de couple et de la chaîne dynamique
Dans le manuel de vol du giravion (MVG), on définit les régimes NR minimaux et maximaux suivants pour une utilisation des 2 moteurs en poussée :
- Fonctionnement continu : minimum de 106 %, maximum de 108 %
- Fonctionnement transitoire : minimum de 91 %, maximum de 109 % (pendant un maximum de 20 secondes)
Lors de l'événement à l'étude, le régime NR a diminué à moins de 106 % pendant un total de 19 secondes et à moins de 91 % pendant 15 secondes.
Pour une utilisation des 2 moteurs en poussée, on définit dans le MVG les limites maximales de couple (par moteur) suivantes :
- Fonctionnement continu : 104 %
- Fonctionnement transitoire : 160 % (pendant un maximum de 20 secondes)
Pendant la première approche (perte de contrôle) lors de l'événement à l'étude, le couple des 2 moteurs a dépassé la limite de fonctionnement continu pendant 19 secondes et a atteint un maximum de 134 %. Cette crête n'a pas dépassé la limite transitoire.
En ce qui concerne la transmission, on définit dans le MVG les limites maximales de couple suivantes pour l'utilisation des 2 moteurs :
- Fonctionnement continu : 100 % par moteur (total de 200 %)
- Fonctionnement transitoire : 115 % par moteur (total de 230 %) pendant un maximum de 10 secondes
Lors de l'événement à l'étude, les 2 moteurs fonctionnaient et produisaient un couple presque identique. Chaque moteur a produit un couple de plus de 100 % pendant 19 secondes et de plus de 115 % pendant 16 secondes. Dans le cas de l'événement à l'étude, les moteurs ont produit un couple combiné maximal de 268 %.
Dans le manuel de maintenance du Sikorsky S-76, on énonce ce qui suit [traduction] :
Pendant l'utilisation des 2 moteurs, un surcouple transitoire pouvant atteindre une valeur de 115 % au couplemètre est admissible pendant un maximum de 10 secondes par occurrence.
[…]
Une boîte de transmission principale qui a dépassé ses limites d'utilisation [...] doit être inspectée. Communiquer avec le service de soutien des produits commerciaux de Sikorsky Aircraft pour obtenir des instructions avant d'effectuer un nouveau volNote de bas de page 21.
Lors de l'événement à l'étude, l'hélicoptère n'était pas doté d'un système pouvant enregistrer les dépassements des limites de couple ou émettre des alertes lorsque de tels dépassements se produisent.
Dans le MVG, on définit aussi des limites de température de turbine (T5), de régime du compresseur (N1) et de régime de la turbine de puissance (N2). Toutefois, de ces 3 paramètres, le FDR n'enregistrait que le régime N2. Le régime N2 de chaque moteur correspondait de près au régime NR, comme prévu.
On définit dans le MVG les limites minimales suivantes pour le régime N2 :
- Fonctionnement continu : 90,5 %
- Fonctionnement transitoire : 68 % (pendant un maximum de 20 secondes, lors d'un atterrissage avec 1 moteur inopérant seulement)
Pendant l'événement à l'étude, le régime N2 a diminué à moins de 90,5 % pendant un total de 15 secondes et a atteint une valeur minimale de 77 %. Ainsi, la limite minimale de fonctionnement continu a été dépassée, mais la limite minimale de fonctionnement transitoire était sans objet en exploitation bimoteur.
Comme le FDR n'a pas enregistré la température T5 et le régime N1, il n'a pas été possible de déterminer si les limites de ces valeurs avaient été dépassées.
L'annexe C comprend un tableau présentant les limites de la chaîne dynamique de l'hélicoptère et les dépassements de ces limites.
Selon les données récupérées de l'hélicoptère en cause dans l'événement à l'étude, le régime NR et les couples moteurs correspondaient aux réglages du levier de collectif et à la conception du DECU. Le DECU offre un mode surpuissance qui permet au couple des 2 moteurs de dépasser les limites normales dans l'éventualité d'une diminution importante du régime NR. Ce mode se déclenche :
- lorsque le régime NR diminue lentement ou progressivement à 100 %; ou
- lorsqu'un régime NR de 104 % ou moins diminue à un rythme de 5 % ou plus par seconde.
Une fois que le mode surpuissance est activé, les moteurs produisent du couple jusqu'à ce que la limite de 115 % pour un seul moteur ou la limite de régime N1 de 2 minutes pour un seul moteur soit atteinte. Si le régime NR diminue à moins de 90 %, la limite de couple moteur augmente à 140 %. Si le mode surpuissance est activé, le DECU fait en sorte que les régimes N1 ne dépassent pas les limites. Si la limite de 2 minutes pour un seul moteur est atteinte, l'occurrence est enregistrée par le DECU et ajoutée au nombre d'occurrences présentées à l'affichage numérique de ce système, ou enregistrée par le système IIDS pour offrir des indices relativement à l'entretien requis.
Les données récupérées du DECU pendant l'examen du fabricant des moteurs ont permis de constater qu'aucune limite n'avait été dépassée et qu'aucune alerte ne s'était déclenchée relativement au dépassement d'une limite de 2 minutes ou de 30 secondes pour 1 seul moteur. L'analyse du fabricant des moteurs a permis de constater qu'aucune limite de régime N1 n'avait été dépassée.
1.6.3.2 Contrôle en lacet
Lors de l'événement à l'étude, pendant la période de couple moteur élevé, de faible régime NR et de vol à reculons, l'hélicoptère a effectué un mouvement de lacet vers la droite. Ce mouvement de lacet vers la droite s'est poursuivi même si le palonnier gauche (commandant le rotor de queue) était presque complètement enfoncé. Selon des estimations simplifiées, à un couple moteur de 134 %, le rotor de queue doit produire une poussée environ 56 % plus élevée que la poussée requise pour un vol stationnaire en dehors de l'effet de sol (tableau 3). Une telle poussée dépasse la capacité maximale du rotor de queue, car elle nécessiterait des valeurs de pas de pale qui dépassent les limites mécaniques des pales du rotor de queue.
Scénario | Couple moteur | Régime du rotor (NR) | Poussée requise du rotor de queue (en livres) |
Estimation du pas des pales du rotor de queue |
---|---|---|---|---|
Vol stationnaire en dehors de l'effet de sol, 11 000 lb | 85 % | 107 % | 880 | 19° |
Couple maximal | 100 % | 107 % | 1030 | 21° |
Surcouple | 134 % | 107 % | 1380 | 27° |
Événement à l'étude | 134 % | 77 % | 1380 | 46° |
Note : Ces résultats proviennent d'une analyse simplifiée effectuée par le BST pour déterminer la poussée approximative et le pas des pales du rotor de queue nécessaires selon différents scénarios de vol stationnaire, et comparer la différence relative entre les scénarios. Les valeurs réelles peuvent différer.
Le vol à reculons et légèrement vers la droite de l'hélicoptère a peut-être aussi contribué à la réduction du contrôle en lacet.
1.6.4 Systèmes de l'hélicoptère
1.6.4.1 Système de régulation numérique à pleine autorité redondante
Le système de régulation numérique à pleine autorité redondante de l'hélicoptère S-76C+ offre une fonction de protection des moteurs et de la boîte de transmission principale, qui empêche le pilote de dépasser les limites prescrites au cours de l'exploitation normale. Le système est conçu pour limiter le débit de carburant lorsque les limites de couple avec tous les moteurs en marche ou les limites de température sont atteintes. Lorsque l'une ou l'autre de ces conditions se produit, la réduction du débit de carburant entraîne une réduction du régime NR. Cependant, ces limites peuvent être augmentées grâce à la logique du mode surpuissance, lorsqu'il faut davantage de puissance dans des conditions de vol extrêmes.
1.6.4.2 Système d'avertissement de proximité du sol amélioré
L'hélicoptère était équipé d'un système EGPWS Mark XXII de Honeywell qui satisfaisait aux exigences des normes techniques canadiennes -C151b de classe A pour les systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact. Selon le fabricant [traduction] :
Note de bas de page 22Le système EGPWS Mark XXII de Honeywell compte 6 modes qui fournissent des avertissements lorsqu'il est établi que l'aéronef risque d'entrer en collision avec le relief en fonction de sa carte ou de sa base de données interneNote de bas de page 23.
Au cours de l'événement à l'étude, les modes 1 et 6 se sont déclenchés.
1.6.4.2.1 Mode 1 : Alerte/avertissement de taux de descente excessif
Le mode 1 du système EGPWS se déclenche en fonction du taux de descente et de l'altitude indiquée au radioaltimètre (figure 6). Si l'hélicoptère entre dans l'enveloppe jaune « d'alerte », une alerte vocale « SINK RATE » se fait entendre, et un voyant ambre s'allume sur le panneau de signalisation. Si le taux de descente élevé persiste, l'alerte vocale « SINK RATE, SINK RATE » est répétée à un intervalle de plus en plus court. Si l'hélicoptère entre dans l'enveloppe rouge « d'avertissement », une alerte vocale « PULL UP » se fait entendre de manière continue, et un voyant rouge s'allume sur le panneau de signalisation. Selon le fabricant, [traduction] « dans les 2 cas, au moment ou le pilote réagit à la diminution du taux de descente et que la trajectoire de vol de l'aéronef sort de l'enveloppe d'alerte ou d'avertissement, le voyant du panneau de signalisation s'éteint et les alertes vocales cessent »Note de bas de page 24.
Lors de l'événement à l'étude, aucune alerte vocale « SINK RATE » ou « PULL UP » n'a été activée pendant la première approche vers CYAZ en raison de la fonctionNote de bas de page 25 de désactivation en autorotationNote de bas de page 26 configurée lors du réglage initial du système EGPWS. Lorsque le couple moteur diminue à moins de 7,5 %, le mode 1 du système EGPWS est désactivé jusqu'à ce que le couple moteur dépasse 7,5 % et que l'hélicoptère ne soit plus en autorotation. La réinitialisation du système EGPWS, qui dure 20 secondes, doit s'effectuer avant que d'autres alertes vocales « SINK RATE » et « PULL UP » puissent être activées.
1.6.4.2.2 Mode 6 : Annonces d'altitude, angle d'inclinaison latérale excessif et contact queue-sol
Le mode 6 du système EGPWS émet des signaux sonores lorsque l'hélicoptère atteint des altitudes préalablement définies et l'altitude minimale de descente. Dans ce mode, aucun voyant de mise en garde ou d'avertissement ne s'allume. Les signaux réels sont sélectionnés dans un menu au moment de l'installation du système.
On a configuré le système EGPWS de l'hélicoptère en cause dans l'événement à l'étude pour que des signaux sonores d'altitude soient émis à 500 pieds AGL, à 200 pieds AGL et à 100 pieds AGL, ainsi qu'un signal sonore « MINIMUMS, MINIMUMS ». L'équipage de conduite peut régler l'altitude à laquelle le système EGPWS émet le signal sonore « MINIMUMS, MINIMUMS » en réglant le radioaltimètre à l'altitude voulue.
Le système EGPWS offre aussi [traduction] :
Note de bas de page 27La figure 7 montre les limites définies pour l'hélicoptère dans l'événement à l'étude.
Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) et les manuels d'exploitation de Helijet ne comprennent pas de procédures ni de directives d'urgence relatives à la manière dont l'équipage de conduite doit traiter les alertes et les avertissements du système EGPWS.
1.7 Renseignements météorologiques
Avant que l'hélicoptère ne quitte CYVR, le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) de 1 h à CYVR se lisait comme suit : vents du 300° vrais soufflant à 17 nœuds, visibilité de 15 milles terrestres (sm) sous une faible pluie, quelques nuages à 1300 pieds AGL, nuages fragmentés à 4100 pieds AGL, couvert nuageux à 7500 pieds AGL, température de 7°C, point de rosée de 5°C et calage altimétrique de 29,54 pouces de mercure.
À CYAZ, un METAR était diffusé de 7 h à 17 h seulement. Le dernier METAR de CYAZ diffusé à 17 h le 14 novembre (le jour précédant l'événement à l'étude) était le suivant : vents calmes, visibilité de 15 sm, nuages fragmentés à 5000 pieds AGL, couvert nuageux à 22 000 pieds, température de 6°C, point de rosée de 5°C et calage altimétrique de 29,69 pouces de mercure. À 0 h 58, le personnel de CYAZ avait signalé un couvert nuageux à 2300 pieds et une visibilité de 4 sm au répartiteur des BCEHS.
Le METAR de CYAZ diffusé à 7 h le 15 novembre était le suivant : vents du 10° vrais soufflant à 3 nœuds, visibilité de 15 sm, quelques nuages à 2000 pieds AGL, quelques nuages à 22 000 pieds AGL, température de 2°C, point de rosée de 2°C et calage altimétrique de 29,63 pouces de mercure.
La station d'observation météorologique la plus près de CYAZ diffusant des METAR 24 heures sur 24 se trouvait à l'aéroport de Comox Valley (Colombie-Britannique; CYQQ), à environ 50 nm au nord-nord-est de CYAZ. Le METAR de CYQQ diffusé à 2 h était le suivant : vents du 330° vrais soufflant à 12 nœuds, visibilité de 20 sm, couvert nuageux à 11 000 pieds AGL, température de 5°C, point de rosée de 1°C et calage altimétrique de 29,59 pouces de mercure.
Pendant le vol, les étoiles étaient visibles de manière intermittente, et il y avait peu ou pas de luminosité céleste au moment de l'événement à l'étude.
1.8 Aides à la navigation
L'aéroport CYAZ est doté d'un radiophare non directionnel (NDB). Les approches IFR pour la piste 29 sont : une approche de non-précision par NDB et une approche de non-précision par RNAV. Dans le cadre d'une approche RNAV, communément appelée « approche GPS », on utilise le système GNSS pour guider l'aéronef.
Selon le Canada Air Pilot (CAP), l'approche RNAV pour la piste 29 (annexe A) comporte un angle de descente constant de 3,22°, c'est-à-dire la trajectoire de descente optimale pour le segment d'approche finale de non-précision. Un aéronef volant à une vitesse sol de 110 nœuds doit adopter un taux de descente de 630 pi/min pour suivre cette trajectoire de descente. La descente peut se poursuivre jusqu'à l'altitude minimale de descente qui, dans le cas de la piste 29, est de 580 pieds ASL (504 pieds AGL). Les pilotes exécutant des approches aux instruments n'ont pas le droit de descendre sous la l'altitude minimale de descente, à moins d'avoir établi et conservé le contact visuel avec les repères nécessairesNote de bas de page 28 pour effectuer un atterrissage en toute sécurité.
Rien n'indiquait que les aides à la navigation offertes présentaient des problèmes.
1.9 Communications
Les communications radio entre l'hélicoptère C-GHHJ et les services de la circulation aérienne pendant le vol n'avaient rien d'anormal, et l'enquête n'a pas permis de constater de problèmes liés aux communications.
1.10 Renseignements sur l'aérodrome
1.10.1 Généralités
Au moment de l'événement à l'étude, CYAZ était certifié pour l'exploitation de jour selon les règles de vol à vue (VFR) seulement. L'aéroport CYAZ comporte 3 pistes :
- la piste 07/25, en béton, d'une longueur de 4999 pieds et d'une largeur de 150 pieds;
- la piste 11/29, en asphalte, d'une longueur de 4997 pieds et d'une largeur de 100 pieds; et
- la piste 16/34, en béton, d'une longueur de 5000 pieds et d'une largeur de 100 pieds.
L'élévation à l'aéroport CYAZ est de 80 pieds ASL.
La piste 07/25 est parallèle au rivage du parc national Pacific Rim, et la piste 11/29 est parallèle à la route Pacific Rim (numéro 4) vers Tofino. Comme CYAZ est un aéroport VFR de jour seulement, les pistes ne sont pas dotées de feux. L'éclairage artificiel aux environs de l'aéroport est presque nul. Une forêt dense et l'océan Pacifique se trouvent au nord et au sud de l'aéroport, respectivement.
À CYAZ, la zone d'atterrissage de nuit pour les hélicoptères se trouvait sur la rose de vents, à l'intersection des voies de circulation F, G et H. L'exploitant de l'aéroport y avait installé 12 feux Turboflare verts temporaires disposés de manière à former un cercle. Sur la carte d'atterrissage TOFLZNote de bas de page 29 de Helijet pour CYAZ (annexe D), la position de la zone d'atterrissage était correctement indiquée, mais il y était signalé que cette zone était délimitée par des feux ambre (et non verts). Cette carte d'atterrissage indiquait également qu'il y avait un éclairage artificiel minimal à l'aéroport et dans les environs, et que l'aéroport n'était pas doté de feux de piste. La carte ne comprenait pas de restriction ni de mise en garde à l'intention des équipages de conduite relativement au ciel couvert ou aux nuits avec faible luminosité céleste.
1.10.2 Héliplateforme temporaire de nuit à l'aéroport de Tofino/Long Beach
Jusqu'en décembre 2011, les hélicoptères d'évacuation médicale se rendaient à l'hôpital général de Tofino. L'hôpital a fermé son héliplateforme lorsque Transports Canada (TC) a jugé qu'elle ne satisfaisait pas aux normes réglementaires et n'était pas sécuritaire. On a donc temporairement déménagé les activités d'évacuation médicale à CYAZ, environ 7 nm au sud-est de l'hôpital, jusqu'à ce que l'héliplateforme de l'hôpital soit améliorée et homologuée à nouveau. Comme CYAZ n'était pas homologué pour l'exploitation de nuit, Helijet, le British Columbia Ambulance Service et l'exploitant de l'aéroport ont travaillé avec TC au développement d'une solution intérimaireNote de bas de page 30.
Le 9 décembre 2011, TC avait effectué une inspection à CYAZ et avait rencontré l'exploitant de l'aéroport, Helijet et un ambulancier paramédical du British Columbia Ambulance Service pour discuter des vols nocturnes d'évacuation médicale effectués par des hélicoptères à l'aéroport. Après une inspection, un inspecteur de TC avait transmis à l'exploitant de l'aéroport et à Helijet une liste de mesures à prendre avant le début des vols nocturnes d'évacuation médicale, dont :
- la définition de spécifications physiques relatives à l'éclairage et à une trajectoire de vol unique pour assurer la conformité à la sous-partie 305 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), à la norme 325 (Héliports) du RAC et au document TP 312 de TC;
- l'installation de feux d'obstacle sur l'aérogare principale, le hangar de Tofino Air et la hutte quonset;
- l'installation d'un dispositif d'éclairage sur l'indicateur de direction du vent du côté sud de la piste 07/25;
- une consultation auprès de NAV CANADA par Helijet pour qu'un système automatisé d'observations météorologiques soit disponible jour et nuit, et non seulement pendant les heures de contrôle de la circulation aérienne;
- une évaluation des risques effectuée par l'exploitant de l'aéroport à propos du niveau de service supplémentaire et l'obtention de l'approbation du cadre responsable de CYAZ;
- la publication par TC d'un avis aux aviateurs (NOTAM) et d'une modification au Supplément de vol – Canada à propos de l'exploitation d'hélicoptères la nuit, afin d'aider CYAZ;
- la publication par TC d'un NOTAM relatif aux obstacles non balisés à CYAZ, afin d'aider l'aéroport; et
- l'ajout du niveau de service supplémentaire au manuel d'exploitation d'aéroport.
Une seule de ces mesures (l'éclairage de l'indicateur de direction du vent) avait été mise en œuvre avant le début des vols de nuit vers CYAZ. Ni l'exploitant de l'aéroport ni Helijet n'avaient informé TC du début des vols nocturnes d'évacuation médicale.
Lors du vol de l'événement à l'étude, les seules lumières visibles à CYAZ étaient les 12 feux Turboflare temporaires installés sur la rose des vents et l'indicateur éclairé de direction du vent.
1.11 Enregistreurs de bord
Même si la réglementation ne l'exigeait pas, l'hélicoptère était doté d'un enregistreur de conversations dans le poste de pilotage et de données de vol (CVFDR) électronique Universal et d'un système de suivi des vols GPS SkyTrac ISAT-100. On a déposé et analysé ces composants, et ceux-ci ont été utiles lors de l'enquête.
1.11.1 Enregistreur de conversations de poste de pilotage et enregistreurs de données de vol
Le CVFDR peut enregistrer jusqu'à [traduction] « 120 minutes de conversations dans le poste de pilotage et de son ambiant, 120 minutes de messages de liaison de données, et au moins 25 heures de données de vol »Note de bas de page 31. Ce dispositif avait donc enregistré l'intégralité du vol de l'événement à l'étude.
Le 9 octobre 2012, Sikorsky Helicopter Corporation avait envoyé la lettre de service CCS-76-AOL-12-0005R1 à tous les exploitants d'hélicoptères S-76. Cette lettre avait pour objet d'aviser les exploitants de la possibilité d'obtenir des résultats erronés lors l'interprétation des données téléchargées du FDR si des facteurs de conversion incorrects étaient utilisés. Les valeurs de couple moteur et de régime de la turbine de puissance pouvaient être touchées. Dans cette lettre, on informait les exploitants qu'il fallait utiliser des facteurs de conversion précis pendant l'interprétation des données téléchargées du FDR pour obtenir des résultats exacts. L'entreprise n'a pas transmis à Maxcraft cette lettre de service relative aux facteurs de conversion des données du FDR, et des erreurs ont été commises pendant l'interprétation de ces données.
Le 16 novembre 2015, la direction de Helijet a passé en revue les enregistrements de l'enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) avec les pilotes impliqués dans l'événement à l'étude. Une telle pratique est interdite par la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (Loi sur le BCEATST). L'exploitant ne savait pas que les enregistrements du CVR étaient protégés en vertu de la Loi sur le BCEATST.
1.11.2 Suivi par satellite ISAT- 100
L'hélicoptère C-GHHJ était doté d'un système de suivi des vols GPS Skytrac ISAT -100 à transmetteur de position et de données de bord. Toutes les 5 secondes, ce système enregistre différentes données relatives au vol, dont la position, l'altitude, la vitesse sol et la trajectoire. Ces données sont automatiquement transmises par satellite toutes les 60 secondes.
On n'a pas coupé le système SkyTrac ISAT -100 immédiatement après l'événement à l'étude. En raison des retards liés à la préservation des données du système ISAT -100, toutes les données de vol enregistrées à un intervalle de 5 secondes dans la mémoire interne de l'émetteur-récepteur ont été écrasées pendant les vols suivants. Le 25 novembre 2015, on a récupéré l'émetteur-récepteur ISAT -100 et on l'a envoyé au Laboratoire d'ingénierie du BST aux fins de téléchargement et d'analyse des données. Les données du registre de position enregistrées à un intervalle de 60 secondes ont permis aux enquêteurs de reconstituer la trajectoire de l'hélicoptère dans l'événement à l'étude.
1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact
Sans objet.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Sans objet.
1.14 Incendie
Il n'y a pas eu d'incendie.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Sans objet.
1.16 Essais et recherches
1.16.1 Rapports de laboratoire du Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP267/2015 – CVR Download and Transcript (téléchargement et transcription des données du CVR)
- LP268/2015 – FDR Download and Analysis (téléchargement et analyse des données du FDR)
- LP 269/2015 – NVM [Non Volatile Memory] Recovery – ISAT 100 (récupération de la mémoire rémanente du système ISAT-100)
1.17 Renseignements sur l'entreprise et sur la gestion
1.17.1 Généralités
Helijet exploite une flotte de 19 hélicoptères légers/moyens et de 2 avions d'affaires à réaction légers en vertu des sous-parties 702, 703 et 704 du RAC. L'entreprise offre des vols réguliers, nolisés et d'évacuation médicale en Colombie-Britannique. Elle possède des bases d'exploitation à Richmond, Vancouver, Victoria, Nanaimo, Prince-Rupert et Haida Gwaii. Elle compte plus de 100 employés chargés de l'entretien, du pilotage et de la gestion des aéronefsNote de bas de page 32.
Depuis 1998, Helijet offre des services d'ambulance aérienne 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, de manière contractuelle pour les BCEHS à l'aide d'hélicoptères Sikorsky S-76A et S-76C+ dotés du matériel médical nécessaireNote de bas de page 33.
1.17.2 Exploitation et sécurité des giravions
La structure organisationnelle de Helijet est décrite à la section 2 du document Helijet International Inc. Company Operations Manual—Rotary Wing. Le cadre responsable (CR) désigné dans le système de gestion de la sécurité (SGS) est le président et chef de la direction. Le directeur de l'entretien et le directeur des opérations aériennes et de la sécurité relèvent directement du CR. Au moment de l'événement à l'étude, 5 personnes relevaient directement du directeur des opérations aériennes et de la sécurité : le pilote en chef des aéronefs à voilure tournante, le pilote en chef des aéronefs à voilure fixe, le coordonnateur des opérations aériennes, un directeur de base et un directeur des activités de villégiature.
Selon l'organigramme de l'entreprise, le ou les responsables de la sécurité relevaient directement du directeur des opérations aériennes et de la sécurité. Au moment de l'événement à l'étude, le directeur des opérations aériennes et de la sécurité assumait les tâches du responsable de la sécurité.
L'enquête a permis de déterminer que les personnes qui avaient précédemment occupé le poste de responsable de la sécurité avaient éprouvé des frustrations relativement à leurs tâches. Notamment, elles avaient de la difficulté à clore les rapports du SGS, elles étaient incapables de mettre en œuvre les processus de gestion proactive de la sécurité figurant dans le manuel du SGS, et elles n'arrivaient pas toujours à accomplir leurs tâches de responsable de la sécurité tout en assumant leurs tâches de pilote à temps plein.
Le directeur des opérations aériennes et de la sécurité était responsable envers le CR de mettre en œuvre [traduction] « un processus systématique, explicite, complet et proactif de gestion des risques pour la sécurité »Note de bas de page 34. Dans le manuel d'exploitation, on définissait 11 responsabilités précises du titulaire de ce poste. Au moment de l'événement à l'étude, le directeur des opérations aériennes et de la sécurité consacrait environ 2 heures par semaine à des tâches liées à la sécurité, et principalement au traitement des rapports reçus par l'intermédiaire du processus de notification du SGS.
Il incombait au directeur de l'entretien de voir à ce que les hélicoptères soient entretenus conformément aux normes d'entretien du fabricant et aux exigences réglementaires, et donc de voir à ce qu'ils soient en état de navigabilité.
Après le vol de l'événement à l'étude, même si on savait que la transmission de l'hélicoptère avait subi des couples dépassant les limites maximales, l'hélicoptère est demeuré en service sans que les composants du système d'entraînement fassent l'objet de l'entretien requis.
1.17.3 Système de gestion de la sécurité de l'entreprise
Même si la réglementation ne l'exigeait pas, Helijet avait élaboré et mis en œuvre un SGS en 2013.
Dans sa forme la plus simple, un SGS est un processus documenté de gestion des risques. Un SGS efficace comprend notammentNote de bas de page 35 :
- un processus qui permet d'établir des buts en vue d'améliorer la sécurité aérienne et de déterminer dans quelle mesure ils ont été atteints;
- un processus qui permet de déceler les dangers pour la sécurité aérienne et d'évaluer et de gérer les risques connexes;
- un processus qui fait en sorte que les employés reçoivent la formation et aient les compétences nécessaires pour exercer leurs fonctions;
- un processus qui permet de rendre compte à l'interne des dangers, des incidents et des accidents et de les analyser, et qui permet de prendre des mesures correctives pour empêcher qu'ils se reproduisent;
- un document contenant tous les processus du système de gestion de la sécurité et un processus pour que le personnel connaisse ses responsabilités; et
- un processus d'assurance de la qualité qui permet d'effectuer des examens ou des vérifications périodiques du SGS.
Un SGS officiel comprend de multiples mécanismes favorisant la sécurité. Certains mécanismes peuvent appuyer une gestion proactive de la sécurité (p. ex., au moyen d'une évaluation initiale des risques), d'autres peuvent assurer une gestion réactive de la sécurité (p. ex., grâce à des processus de notification).
Pour qu'un SGS soit efficace, il doit compter sur une culture de sécurité offrant l'engagement, les compétences et les connaissancesNote de bas de page 36 nécessaires à la définition et à la mise à jour d'activités de gestion de la sécurité. L'organisation doit s'engager à continuellement accroître la sécurité et à réduire les risques. Elle doit attribuer les ressources appropriées à ces fonctions. Un SGS requiert les compétences techniques nécessaires pour atteindre les objectifs de sécurité et recueillir et analyser les données sur la sécurité. L'organisation doit savoir qu'elle doit faire preuve d'une vigilance constante pour cerner les nouveaux dangers et qu'elle doit évaluer les mécanismes de gestion de la sécurité en vigueur s'ils ne fonctionnent pas comme prévu.
Le manuel du SGS de Helijet comprend la mention suivante [traduction] :
Note de bas de page 37Le manuel du SGS décrivait un certain nombre de processus de gestion de la sécurité, y compris des processus de notification et d'évaluation des risques.
1.17.3.1 Système de rapports sur la sécurité
Pour gérer efficacement la sécurité, une organisation doit mettre en œuvre des processus et des mécanismes lui permettant de détecter les événements importants sur le plan de la sécurité et d'y réagir. L'organisation peut atteindre cet objectif en établissant différents processus, dont des outils de notification, des processus d'assurance de la qualité et des évaluations réactives des risques. Grâce à de tels mécanismes, les problèmes de sécurité qui surviennent dans le cadre des activités quotidiennes peuvent être signalés, résolus et suivis, et on peut assurer un suivi auprès des personnes qui les ont signalés. On peut aussi utiliser l'information consignée pour suivre les tendances en matière de sécurité et déceler de nouveaux problèmes de sécurité.
Le SGS de Helijet comprenait un processus de saisie et de diffusion d'informations sur les incidents, les accidents, les événements et les dangers. Le manuel du SGS de l'entreprise expliquait le processus de création et de traitement de rapports à l'aide du SGS. Il y était indiqué que l'entreprise s'attendait à ce que tous les employés participent au processus de notification et qu'il ne s'agissait pas d'un système punitif [traduction] :
Note de bas de page 38Les renseignements recueillis pendant l'enquête sur l'événement à l'étude ont permis de constater que le processus de notification du SGS était utilisé dans une certaine mesure et que l'entreprise recevait environ 70 rapports par année. Toutefois, on a constaté des occurrences où des préoccupations en matière de dangers ou de sécurité n'avaient pas été signalées à l'aide du processus de notification. Par exemple, environ 1 mois avant l'événement à l'étude, un pilote d'ambulance aérienne de Helijet avait reconnu qu'il était difficile d'atterrir à CYAZ la nuit en raison du manque d'éclairage artificiel. Il avait discuté de ce danger avec le responsable de l'aéroport, et des feux Turboflare supplémentaires avaient été ajoutés le long d'une voie de circulation, à partir de la rose des vents. Ces feux ont offert des repères visuels supplémentaires qui ont facilité le départ de l'hélicoptère et l'arrivée d'un autre hélicoptère prévue plus tard le même soir. Toutefois, on n'a pas discuté de ce problème avec la direction de Helijet et il n'a pas été consigné dans le système de notification du SGS.
1.17.3.2 Gestion des risques
Pour gérer efficacement la sécurité, une organisation doit cerner les dangers potentiels et mettre en place des mesures d'atténuation pour réduire les risques au plus bas niveau que l'on puisse raisonnablement atteindre. Cela peut être accompli grâce à des processus et à des pratiques de gestion proactive des risques, y compris l'évaluation des risques liés à un nouvel environnement d'exploitation dans le but de mettre en place des mesures de contrôle avant le début des activités.
Au moment de l'événement à l'étude, le manuel du SGS de Helijet comprenait une liste de situations justifiant généralement une évaluation des risques, y compris :
- l'exploitation de nouveaux services et itinéraires;
- le début d'une nouvelle activité; et
- le début d'une activité existante dans un nouvel environnement.
Le manuel du SGS comportait aussi la mention suivante[traduction] :
Note de bas de page 39Le manuel du SGS contenait un processus d'évaluation des risques et indiquait la manière de documenter ces évaluations en fonction de la documentation de référence fournie par TC. Le manuel du SGS n'offrait pas de conseils pratiques concernant les personnes qui doivent effectuer ces évaluations et n'indiquait pas l'endroit où on pouvait trouver les formulaires nécessaires. Au moment de l'événement à l'étude, le manuel ne traitait pas du suivi des résultats des évaluations des risques.
Helijet avait effectué peu d'évaluations des risques depuis la mise en œuvre de son SGS en 2013. Comme la même personne assumait les rôles de directeur de la sécurité et de directeur des opérations aériennes, il arrivait souvent que les tâches de surveillance en matière de sécurité n'étaient pas accomplies en raison des demandes liées aux opérations aériennes. On avait nommé un directeur de l'assurance de la qualité, mais le titulaire de ce poste n'avait pas encore été affecté aux opérations aériennes.
Avant l'événement à l'étude à CYAZ, Helijet effectuait des vols de nuit vers 4 aéroports comportant une héliplateforme temporaire de nuit dans le cadre de ses activités d'évacuation médicale. Lorsque Helijet a mis en œuvre son SGS, il n'y a eu aucune évaluation des risques touchant les héliplateformes existantes, et l'exploitation de ces héliplateformes n'a pas fait l'objet d'un suivi dans le cadre du SGS.
1.17.3.3 Systèmes de gestion de la sécurité et surveillance réglementaire
Actuellement, au Canada, seuls les grands transporteurs commerciaux assujettis à la sous-partie 705 du RACNote de bas de page 40 sont tenus d'avoir un SGS. Même si de nombreuses entreprises plus modestes ont reconnu les avantages d'un SGS et en ont volontairement amorcé la mise en œuvre au sein de leur organisation, environ 90 % de tous les titulaires d'un certificat d'aviation canadien ne sont toujours pas tenus d'avoir de SGS, selon la réglementation en vigueur. Dans le Rapport d'enquête aéronautique A13H0001 du BST, le Bureau avait établi que le modèle de surveillance qu'utilise actuellement TC ne lui permet pas de s'assurer que les exploitants gèrent adéquatement la sécurité de leurs activités.
Par conséquent, le Bureau a recommandé que :
le ministère des Transports exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST
et que :
le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
Recommandation A16-13 du BST
Pour s'assurer que les compagnies utilisent efficacement leur SGS et qu'elles continuent de mener leurs activités conformément à la réglementation, le Bureau a également recommandé que :
le ministère des Transports renforce ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance, afin que la fréquence et l'objet de la
surveillance et des activités de contrôle après surveillance, y compris les mesures d'application, correspondent à la capacité de l'exploitant de gérer efficacement le risque.
Recommandation A16-14 du BST
TC avait donné son accord de principe à toutes ces recommandations et avait indiqué qu'on continuerait de promouvoir l'adoption volontaire de SGS, tout en évaluant les règlements et les processus de surveillance en vigueur. En attendant les résultats de ces examens, les 3 recommandations demeurent actives et ont reçu les cotes Évaluation impossible, En partie satisfaisante et Intention satisfaisante, respectivement.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Performance humaine
1.18.1.1 Modèles mentaux et conscience situationnelle
La conscience situationnelle est définie comme étant [traduction] « la perception des éléments de l'environnement à l'intérieur d'une période et d'un volume d'espace, la compréhension de leur signification, et la projection de leur état à court termeNote de bas de page 41 ».
Cette définition englobe les 3 niveaux de la conscience situationnelle généralement reconnus. Pour agir efficacement dans un environnement dynamique, une personne doit percevoir l'information (niveau 1), en comprendre la signification (niveau 2) et en saisir les répercussions sur les activités à venir (niveau 3).
Le développement de la conscience situationnelle n'est pas un processus passif; le processus nécessite plutôt la participation active des personnes et des équipes. Au sein d'environnements opérationnels dynamiques, les personnes participent activement au choix de l'information qui requiert leur attention et interagissent avec les autres membres de leur équipe pour confirmer leur compréhension des situationsNote de bas de page 42.
Un modèle mental est une représentation interne d'un système et de l'environnement opérationnel que l'on développe en s'appuyant sur l'expérience. Une personne dont le modèle mental est exact peut plus facilement développer sa conscience situationnelle à tous les niveaux, car un tel modèle guide son attention et lui permet de comprendre plus rapidement la signification d'une situation et d'anticiper les états futurs. Mais un modèle mental inexact peut accroître les risques qu'une personne ne porte pas son attention à de l'information importante ou n'en saisisse pas la signification. Cette situation peut se produire si l'équipage ou un de ses membres adopte un modèle mental par défaut lorsque survient une situation inattendueNote de bas de page 43. La préparation et la coordination de l'équipage contribuent grandement au développement de modèles mentaux justes qui étayent la conscience situationnelle [traduction] :
Des attentes peuvent être formulées en fonction du modèle mental actuel et d'attentes antérieures. Elles peuvent aussi se développer à partir d'instructions ou d'autres communications. Par exemple, les pilotes échafaudent souvent des attentes élevées en fonction de l'exposé avant le vol. Ces attentes peuvent constituer un moyen très efficace de filtrer les données fournies par l'environnement pour établir un sous-ensemble de données qui devraient être utilesNote de bas de page 44.
1.18.1.2 Gestion des ressources du poste de pilotage et chaîne d'autorité
La GRPP consiste à fournir aux équipages les compétences et les outils nécessaires pour optimiser le leadership, l'esprit d'équipe, la résolution de problèmes, la prise de décision et la conscience situationnelleNote de bas de page 45. Les exploitants peuvent favoriser l'efficacité de la GRPP en fournissant aux équipages de la formation en GRPP et des SOP qui les encouragent à partager l'information et à confirmer leur compréhension. Parmi les procédures qui appuient le développement et le maintien d'un modèle mental commun, on retrouve les contre-vérifications, les annonces normalisées et les exposés qui mettent l'accent sur les risques liés à un vol particulier tout en encourageant une communication bidirectionnelle.
Dans son rôle de leader, le commandant contribue grandement à donner le ton de chaque vol. Les commandants efficaces établissent un bon équilibre entre une autorité permettant une prise de décisions rapide et une communication ouverte. À l'inverse, les commandants moins efficaces sont plus autocratiques, n'encouragent pas les autres membres de l'équipage à donner leur avis ou abdiquent leurs responsabilités. Ainsi, ils ne gèrent pas efficacement les activités dans le poste de pilotageNote de bas de page 46.
On utilise parfois le terme « chaîne d'autorité dans le poste de pilotage » pour faire référence à l'équilibre entre l'autorité et l'interaction dans le poste de pilotage. En plus d'être directement responsable de la sécurité du vol, un pilote qui assume le rôle de commandant a généralement plus d'autorité qu'un pilote qui assume le rôle de premier officier, et ce, en raison de ses qualifications et de son expérience. Si les membres de l'équipage ont tous un même niveau d'autorité, ils risquent de faire preuve d'une courtoisie professionnelle exagérée et de ne pas communiquer où effectuer de contre-vérifications efficacement.
Les exposés avant le vol fournissent une importante occasion d'établir un bon travail d'équipe et de bonnes communications; ils doivent porter sur la dynamique entre les membres de l'équipe et sur les problèmes techniques auxquels on s'attend à faire face pendant le volNote de bas de page 47.
1.18.2 Procédures d'utilisation normalisées pour les ambulances aériennes
1.18.2.1 Généralités
Les exploitants commerciaux d'aéronefs devant être utilisés par au moins 2 pilotes doivent :
mettre en œuvre et tenir à jour des procédures d'utilisation normalisées qui permettent aux membres d'équipage d'utiliser l'aéronef selon les limites précisées dans le manuel de vol de l'aéronef et qui sont conformes aux Normes de service aérien commercialNote de bas de page 48.
Helijet avait défini des SOP pour l'utilisation d'hélicoptères S-76C+ dans le cadre d'activités d'ambulance aérienne qui satisfaisaient aux exigences du paragraphe 703.107(1) du RAC.
Ces procédures sont divisées en 9 sections : généralités, avant le vol, départ, croisière, arrivée, après le vol, situations anormales et procédures d'urgence, bruit, et service d'ambulance aérienne. La dernière version du document Helijet Standard Operating Procedures: Air Ambulance Sikorsky S76C+ était en vigueur depuis le 14 octobre 2014. Au cours d'une inspection de validation de programme effectuée le 28 novembre 2014, les inspecteurs de TC ont évalué les SOP de Helijet et ont constaté qu'elles satisfaisaient aux exigences du paragraphe 703.107(1) du RAC.
1.18.2.2 Désignation du commandant de bord
Des équipages sont affectés aux quarts de jour ou de nuit pour permettre à l'entreprise d'offrir des services en tout temps. En raison des exigences contractuelles et des contraintes liées à l'établissement des horaires, Helijet affectait souvent 2 pilotes ayant les qualifications de commandant aux vols d'évacuation médicale.
Selon les SOP de l'entreprise [traduction] :
Note de bas de page 49En vertu de la politique de l'entreprise, si l'un des membres de l'équipage était un commandant instructeur, il devait automatiquement assumer le rôle de commandant, et ce, peu importe son rang dans la liste des pilotes. Lors de l'événement à l'étude, cette politique ne figurait pas dans les SOP de l'entreprise ou les horaires des pilotes, et les équipages ne la connaissaient pas.
Le commandant et le premier officier affectés au vol de l'événement à l'étude étaient des pilotes ayant les qualifications de commandant, ce qui était une pratique habituelle. Le commandant a assumé ce rôle parce qu'il travaillait pour l'entreprise depuis plus longtemps, comptait plus d'heures de vol sur ce type d'aéronef et se trouvait à un rang plus élevé dans la liste des pilotes. L'autre pilote était un commandant instructeur mais a assumé le rôle de premier officier. L'attribution des rôles de PS et de PC était laissée à la discrétion du commandant de bord. L'équipage s'était entendu pour que le commandant assume le rôle de PS.
Les 2 pilotes connaissaient leur expérience respective. Le commandant de bord savait que le premier officier était un commandant instructeur et avait précédemment occupé le poste de chef pilote adjoint. Le premier officier savait que le commandant avait plus d'expérience au sein de l'entreprise et aux commandes de l'hélicoptère S-76.
Selon les SOP [traduction], « lorsqu'un aéronef est utilisé par 2 pilotes, il faut suivre les procédures de coordinationNote de bas de page 50 » définies dans les SOP.
1.18.2.3 Pilote aux commandes et pilote surveillant
1.18.2.3.1 Tâches du pilote aux commandes
Le PC est responsable de manœuvrer l'hélicoptère pendant le vol. Lorsque le pilote automatique est embrayé, le PC doit continuellement surveiller la trajectoire de vol et apporter des corrections en conséquence. Les tâches du PC sont définies dans les SOP de l'entreprise portant sur les ambulances aériennes :
La principale tâche du PC consiste à manœuvrer l'aéronef; le bien-être et le confort des passagers doivent être sa priorité. Les manœuvres extrêmes sont interdites. Dans la mesure du possible, il faut éviter les angles d'inclinaison supérieurs à 20 degrés. […] Les taux de montée de plus de 1500 pi/min et les taux de descente de plus de 1000 pi/min doivent aussi être évités, sauf lorsque cela est absolument nécessaire au bon déroulement du vol. […] Dans l'éventualité d'une situation anormale ou d'urgence, le PC doit porter son entière attention à la trajectoire de vol et au pilotage de l'aéronef, et ce, jusqu'à ce que la situation soit rétablieNote de bas de page 51.
Les tâches précises du PC sont définies dans différentes sections des SOP. Ces procédures comprennent des annonces normalisées pour [traduction] réduire les risques qu'une demande ou une commande de mesures correctives soit mal interprétée dans une situation indésirableNote de bas de page 52 ». Lorsqu'il constate un taux de descente anormal ou une vitesse anormale, le PS doit prononcer les mots « taux de descente » ou « vitesse ». Le PC doit répondre en prononçant l'annonce « vu, correction » et corriger le taux de descente ou la vitesse pour respecter les paramètres normaux.
1.18.2.3.2 Tâches du pilote surveillant
Le PS surveille habituellement l'aéronef et ses systèmes, porte les déviations perçues ou potentielles par rapport à la trajectoire de vol prévu à l'attention du PC, et intervient au besoin.
Selon les SOP de l'entreprise, [traduction]
La tâche principale du PS consiste à surveiller l'aéronef et les actions du PC.
Le PS doit :
- Lire les listes de vérification,
- surveiller les paramètres des moteurs et tous les instruments de vol (PS et PC) pour déceler toute indication inhabituelle,
- fournir au PC toute information demandée,
- gérer les systèmes de navigation, [...]
- […] surveiller la progression du vol pour s'assurer que l'on respecte les autorisations et
- balayer visuellement le ciel pour repérer d'autres aéronefs.
Dans l'éventualité d'une situation anormale ou d'urgence, le PS doit analyser le problème, communiquer ses constatations au PC, consulter le manuel des procédures d'urgence et prendre les mesures correctives appropriées au besoin. Le PS doit aussi être prêt à aider le PC à maîtriser l'aéronef au besoinNote de bas de page 53.
Selon les SOP de l'entreprise portant sur les ambulances aériennes, [traduction] « le PS doit surveiller le taux de descente, faire une annonce à haute voix lorsqu'il dépasse 750 pi/min »et « lorsque les valeurs de couple atteignent 50 %, à chaque augmentation de 10 % de ces valeurs au-dessus de 50 %, et lorsqu'on approche des limites du régime N1Note de bas de page 54 ».
En ce qui concerne la maîtrise de l'aéronef et la prise en charge des commandes, les SOP comprennent la mention suivante [traduction] :
Pendant toutes les phases du vol (au sol et dans les airs), il est essentiel que les pilotes sachent en tout temps lequel d'entre eux a les commandes et assume le rôle de pilote aux commandes (PC). […] Le commandant doit indiquer qui est le PC à l'équipage de conduite. Lorsque les commandes passent d'un pilote à un autre, le pilote qui cède les commandes doit transmettre au pilote qui prend en charge les commandes toute information pertinente concernant la performance de l'aéronef. […]
Le commandant peut prendre en charge les commandes à tout moment. Lorsque le commandant indique au premier officier qu'il prend en charge les commandes, ce dernier doit lui céder immédiatement les commandes.
Nonobstant ce qui précède, le premier officier doit prendre en charge les commandes si cela est nécessaire pour assurer la sécurité de l'aéronef. Le premier officier peut prendre les commandes pour éviter une collision s'il n'a pas le temps de demander au commandant de lui remettre les commandes si ce dernier est atteint d'une incapacitéNote de bas de page 55.
Lors de l'événement à l'étude, le PS a pris les commandes de l'hélicoptère environ 40 secondes après le taux de descente rapide, au moment où l'hélicoptère se trouvait à environ 3 pieds AGL. Le PS n'a pas indiqué qu'il prenait les commandes.
1.18.2.4 Planification et exposé avant le vol
Dans les SOP de l'entreprise portant sur les ambulances aériennes, on définit les tâches et les responsables que l'équipage de conduite doit assumer avant chaque vol. L'équipage doit notamment prendre connaissance des conditions météorologiques, des itinéraires, de l'état des aéroports et des héliports et de leurs périodes de service, de l'équipement et de l'état de service de l'hélicoptère, de l'expérience de l'équipage, des connaissances et de la familiarité de l'équipage par rapport à la route et la zone d'atterrissage [traduction] :
Avant chaque vol, les pilotes doivent partager toute information concernant le vol pertinente à leurs tâches respectives. […] Au minimum, les 2 pilotes doivent connaître l'information suivante :
- les conditions météorologiques à l'aéroport de départ, en cours de route, à la destination et (le cas échéant) à l'aéroport de déroutement […];
- la quantité de carburant à bord;
- la charge transportée;
- le temps de vol, la route du vol, les travaux à accomplir; et ;
- les tâches à effectuer autres que celles figurant dans les SOP et les autres directives.
Il incombe au commandant de s'assurer que l'équipage obtient l'information requise et que l'exposé est appropriéNote de bas de page 56.
Selon la pratique en vigueur à Helijet, les membres de l'équipage effectuaient la planification et l'exposé concernant le vol et la trajectoire prévus. Pendant l'exposé, l'équipage devait se référer aux cartes d'atterrissage de la destination prévue et discuter de la piste en usage et des références visuelles prévues. L'enquête a permis de déterminer que les délais imposés par la répartition avant le départ des vols MEDEVAC empêchaient souvent les équipages de conduite de faire des exposés avant vol exhaustifs. L'un des principaux objectifs de la planification et de l'exposé est d'établir une compréhension commune correcte de la route et de la destination.
Avant le vol de l'événement à l'étude, les membres de l'équipage n'avaient pas discuté de la carte d'atterrissage TOFLZ de Helijet ou de leur expérience respective relativement aux atterrissages à CYAZ. L'équipage n'a pas effectué d'évaluation des risques avant le vol concernant le vol de nuit, le vol aux instruments et les repères visuels. Au moment du décollage, l'équipage n'avait pas encore établi une compréhension commune de la zone d'atterrissage, et chaque pilote ne savait pas que l'autre pilote n'avait jamais effectué d'approche de nuit à CYAZ auparavant.
1.18.2.5 Directeur de vol et systèmes de navigation
Lorsqu'il est utilisé correctement, un pilote automatique couplé peut réduire la charge de travail et la fatigue de l'équipage, et accroître la précision du vol prévu. Dans le cas des approches NVFR, les SOP indiquent que le pilote automatique [traduction] « ne doit pas être couplé dans le circuit d'approche visuelle ou à proximité d'autres aéronefs dans les environs de l'aéroport. Il est interdit de coupler le pilote automatique à moins de 1000 pieds […]. Il faut découpler le pilote automatique au plus tard avant les vérifications d'approche finaleNote de bas de page 57 ».
1.18.2.6 Vitesse minimale
Même si l'on n'établit pas de vitesse minimale pour les approches NVFR dans les SOP, il convient de répéter que la vitesse minimale dans les conditions météorologiques de vol aux instruments (VMINI) est de 60 nœuds, conformément au manuel de vol du giravionNote de bas de page 58. Dans les SOP, on indique également que la vitesse VMINI est inférieure à la vitesse du meilleur taux de montée (VBROC) et ce qui suit [traduction] :
Toute réduction de la vitesse nécessite une augmentation de la puissance. La puissance peut ne pas suffire à maintenir l'aéronef en palier tout en accélérant à la vitesse voulue. De plus, l'aéronef a tendance à ralentir assez rapidement à une vitesse inférieure à la VBROC. En raison des exigences en matière de puissance et des difficultés liées à la maîtrise de la direction dans des conditions météorologiques de vol aux instruments à faible vitesse, les pilotes de l'entreprise ne doivent pas utiliser l'aéronef à une vitesse inférieure à la vitesse VBROC dans de telles conditions météorologiques, sauf pendant une approche assistée par un pilote automatique entièrement coupléNote de bas de page 59.
1.18.2.7 En route
Le système de vision améliorée fournit des repères visuels améliorés à l'équipage. Il y a un écran de ce système sur le tableau de bord de chaque pilote. Le PS s'est référé à son écran pendant le vol. Toutefois, le PC a éteint son écran, car la luminosité de celui-ci était trop élevée. Le PC manœuvrait l'hélicoptère sans utiliser les références visuelles supplémentaires fournies par le système de vision améliorée.
Selon la pratique en vigueur à Helijet, les pilotes devaient suivre le plan de vol prévu et déposé. S'il se produisait une situation inattendue nécessitant le changement de la nature du vol, y compris des conditions météorologiques imprévues exigeant l'utilisation d'un plan de vol IFR, il fallait effectuer un exposé sur ce changement ou mettre un terme au vol en retournant à la base, déposer un nouveau plan de vol et effectuer un exposé sur celui-ci.
L'équipage avait prévu et déposé un plan de vol NVFR en vertu duquel il allait effectuer une approche au-dessus de l'océan sur un cap de 358° vers la voie de circulation H. Cette approche était une approche directe vers la l'héliplateforme temporaire de nuit, comme l'indiquait la carte d'atterrissage (annexe D). Contrairement au plan de vol original, le PS a chargé dans le GPS une approche IFR vers la piste 29 à 2 h 22.
1.18.2.8 Arrivée
1.18.2.8.1 Vérification de vol aux instruments
Une vérification de vol aux instruments a pour objet de préparer l'équipage de conduite à une approche aux instruments. Selon les SOP, une vérification de vol aux instruments [traduction] « ne doit pas être effectuée pendant un vol selon les règles de vol à vue »Note de bas de page 60. L'équipage n'a pas effectué de vérification de vol aux instruments ou d'exposé sur l'approche aux instruments. Les membres de l'équipage ne se sont pas assurés qu'ils partageaient toujours une bonne compréhension de l'itinéraire et de la destination.
Les Procédures d'utilisation normalisées aéronef multipilote de TC stipulent :
Avant chaque approche et atterrissage, l'équipage de conduite doit être informé des aspects critiques de la procédure. Le pilote qui sera aux commandes pendant l'approche devrait faire lui-même l'exposé. [...] Pendant l'approche proprement dite, l'équipage de conduite doit comparer la procédure qui est suivie à celle qui a été décrite lors de l'exposé […]. Si le PNF [pilote qui n'est pas aux commandes] ou tout autre membre d'équipage autre que le PF constate un écart, il doit le porter à l'attention du PF. Ce dernier doit alors soit corriger l'écart soit, s'il y a lieu, indiquer que cet écart est intentionnel et énoncer la procédure ou les paramètres révisés. Lorsqu'il est nécessaire de s'écarter de la procédure annoncée, le PF doit informer les autres membres d'équipage de conduite du changement en causeNote de bas de page 61.
L'exposé sur l'approche aux instruments permet au PC de discuter de la manière dont il prévoit effectuer l'approche. Les principaux éléments de l'exposé doivent être soulignés pour que les 2 membres de l'équipage sachent et confirment que leur interprétation des procédures est adéquate, et pour leur permettre de corriger toute erreur ou omission.
Pendant une approche aux instruments, les vérifications de vol aux instruments constituent la première occasion formelle pour les membres de l'équipage de déterminer s'ils partagent toujours une compréhension correcte de la route et de la destination, tel que défini pendant la planification et l'exposé initiaux.
Le format AMORTES est un format couramment utilisé pour effectuer un exposé d'approche aux instruments est :
- Approach (approche) : Indiquer le nom de l'approche, le type de l'approche, et le numéro de la page et la date d'entrée en vigueur du Canada Air Pilot.
- Minima : Indiquer les altitudes minimales selon les réglages altimétriques, l'altitude du virage conventionnel, l'altitude de franchissement du repère d'approche finale, la hauteur et l'altitude de décision, l'altitude minimale de descente, et les réglages d'avertissement du radioaltimètre.
- Overshoot (remise des gaz) : Indiquer la procédure d'approche interrompue.
- Radios : Régler la radio de navigation.
- Timing (chronométrage) : Indiquer la durée en rapprochement et les vitesses à respecter.
- Emergencies (urgences) : Indiquer les procédures à suivre en cas d'urgence.
- Switches (interrupteurs) : Régler les instruments de navigation et l'indicateur de situation horizontale du PC et du PS.
Selon les SOP de l'entreprise relatives aux approches aux instruments, les pilotes devaient effectuer une vérification de vol aux instruments et un exposé sur l'approche aux instruments [traduction] :
à au moins 10 nm de la destination, avant le début de la descente initiale, un exposé d'approche, en utilisant le format « AMORTES » [...]Note de bas de page 62.
1.18.2.8.2 Vérifications d'approche initiale
Selon les Procédures d'utilisation normalisées aéronef multipilote de TC, il faut effectuer une vérification d'approche dans le cas d'une approche visuelle et aux instruments. Selon les SOP de l'entreprise, les pilotes devaient effectuer la vérification d'approche initiale suffisamment tôt pour [traduction] « réduire la charge de travail à l'approche de la destinationNote de bas de page 63 ». Cette vérification comprenait un exposé sur l'atterrissage dont l'objectif était de préparer l'aéronef et l'équipage en vue de l'atterrissage à l'endroit prévu. Le PC doit effectuer l'exposé d'atterrissage, et cet exposé [traduction] « doit porter sur l'approche visuelle, y compris la direction de l'approche, le point de poser des roues et les intentions relatives à la circulationNote de bas de page 64 ». Les vérifications d'approche initiale constituent la deuxième (dans le cas d'une approche aux instruments) ou la première (dans le cas d'une approche visuelle) occasion formelle pour les membres de l'équipage d'établir qu'ils partagent la même compréhension correcte de la route et de la destination, tel que défini pendant la planification et l'exposé initiaux.
À 2 h 24 min 45 s, le PC a demandé qu'on exécute les vérifications d'approche initiale. À 2 h 24 min 57 s, le PS a demandé l'exposé d'atterrissage. Le PC a affirmé son intention de poser l'hélicoptère sur la piste se trouvant devant eux. Le PC n'a pas parlé de la position de la zone d'atterrissage par rapport à l'approche ou des feux Turboflare temporaires placés sur la rose des vents. Le PC n'a pas non plus effectué d'exposé sur l'approche interrompue ou les repères visuels possibles et le relief à proximité de l'aéroport. Le PC n'avait pas atterri à CYAZ au cours des 6 derniers mois, d'après sa déclaration à 2 h 30 min 23 s.
Conformément aux SOP de l'entreprise [traduction], « si un pilote a des doutes sur une autorisation, une procédure ou une situation, il doit communiquer ces doutes à l'autre piloteNote de bas de page 65 ». Ces procédures comprennent des annonces normalisées pour [traduction] « réduire la probabilité qu'une demande ou une commande de mesures correctives soit mal interprétée dans une situation indésirableNote de bas de page 66 ».
1.18.2.8.3 Vérifications d'approche finale
En ce qui concerne les approches visuelles et aux instruments, les SOP de l'entreprise indiquent que [traduction] « le PC doit demander qu'on exécute la vérification d'approche finale au FAF [repère d'approche finale] ou lorsque la vitesse de l'aéronef diminue à moins de 110 KIASNote de bas de page 67 ». La vérification d'approche finale comprend généralement une évaluation visuelle de la zone d'atterrissage et des environs de cette zone, et la configuration de l'hélicoptère en vue de l'atterrissage. Les vérifications d'approche finale constituent la troisième (dans le cas d'une approche aux instruments) ou la deuxième (dans le cas d'une approche visuelle) occasion formelle pour les membres de l'équipage d'établir qu'ils partagent la même compréhension correcte de la destination.
À 2 h 33 min 31 s, le PC a demandé les vérifications d'approche finale, et le PS les a effectuées. À 2 h 34 min 32 s, alors que l'hélicoptère était en descente, le PC a indiqué que le temps semblait un peu brumeux et que l'aéronef semblait descendre dans du brouillard. Le PC a repéré une lumière brillante à proximité de l'aéroport malgré la brume, mais était incapable d'établir une relation entre la trajectoire d'approche et la zone d'atterrissage.
Le PS a confirmé que l'aéronef volait vers le seuil de la piste 29 et que le point de stationnement se trouverait à la droite du PC. Le PC a continué à émettre des doutes relativement à la zone d'atterrissage.
1.18.2.9 Approche stabilisée
Dans les SOP de Helijet portant sur les ambulances aériennes, on ne décrit pas une procédure d'approche stabilisée propre aux approches visuelles de nuit. Toutefois, on décrit la procédure d'approche stabilisée pour les approches aux instruments [traduction] :
L'approche finale est une phase du vol dont la charge de travail peut être très élevée et qui peut être l'une des phases les plus dangereuses d'un vol. Une approche stabilisée a pour objet de diminuer la charge de travail, réduire au minimum les distractions pour l'équipage, et faire baisser les dangers liés aux changements de configuration pendant une phase cruciale du vol; elle fait généralement croître les chances d'une approche réussie. Il faut établir la configuration d'approche stabilisée au plus tard lors du franchissement du FAF ou du FAWP [repère d'approche finale / point de cheminement d'approche finale] [...]. Si l'approche n'est pas stabilisée au moment de franchir le FAF ou le FAWP [...], il faut envisager l'interruption de l'approche. De la même manière, si l'on dépasse un ou plusieurs composants d'une approche précédemment stabilisée, il faut aussi envisager l'interruption de l'approcheNote de bas de page 68.
Les 2 conditions qui doivent inciter les équipages de conduite à envisager l'interruption de l'approche sont un taux de descente supérieur à 1000 pi/min et une déviation de plus de 10 nœuds par rapport à la vitesse d'approche définie pendant l'exposé.
1.18.2.10 Approches interrompues
Dans certaines situations, il peut devenir inopportun de poursuivre une approche. Il peut notamment convenir d'interrompre une approche :
- lorsque la vitesse est trop élevée ou trop basse;
- lorsque le taux de descente est trop élevé;
- lorsque la référence visuelle requise n'a pu être établie;
- lorsque l'hélicoptère se trouve à une position ne permettant pas à l'équipage de conduite d'atterrir dans la zone prévue; et
- lorsqu'un membre de l'équipage de conduite a des doutes relativement à la séquence d'approche, ou lorsqu'une situation d'urgence ou anormale survient pendant l'approche.
1.18.3 Vol de nuit
1.18.3.1 Règles de vol à vue de nuit
Le principe qui régit le vol à vue (VFR) est l'utilisation par le pilote d'indices visuels situés hors de l'aéronef pour déterminer l'attitude de ce dernier. Il faut donc satisfaire à certaines exigences de base avant d'effectuer un vol VFR de jour ou de nuit. Au Canada, conformément aux articles 602.114 et 602.115 du RAC, peu importe si l'on navigue dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé, l'aéronef doit être « utilisé avec des repères visuels à la surfaceNote de bas de page 69 ». Le RAC définit « surface » comme « toute surface au sol ou sur l'eau, y compris une surface geléeNote de bas de page 70 ». Ainsi, selon l'interprétation par TC des exigences de vol NVFR, un vol se déroulant au-dessus d'une région sans éclairage artificiel et où l'éclairage ambiant ne permet pas de discerner clairement l'horizon (c.-à-d. pour poursuivre le vol uniquement au moyen de repères à la surface) ne satisfait pas aux exigences d'exploitation selon les règles de vol à vue. Les pilotes effectueraient plutôt le vol selon les règles de vol aux instruments, c'est-à-dire en se fiant à leurs instruments de vol pour garantir l'exploitation en toute sécurité de l'aéronef.
Les vols NVFR sont permis dans plusieurs autres pays. Toutefois, dans certains pays, les règlements qui régissent ces vols sont très différents de ceux du RAC. En Irlande, par exemple, les vols NVFR sont interdits à moins qu'ils ne se déroulent à l'intérieur d'une zone de contrôle; il s'agit alors de vols VFR spéciauxNote de bas de page 71. Les vols de nuit qui sont effectués à l'extérieur d'une zone de contrôle doivent être effectués selon les règles IFR. Aux États-Unis, les Federal Aviation Regulations stipulent que personne ne peut exploiter un hélicoptère selon les règles VFR de nuit à moins que cette personne n'ait [traduction] « des repères visuels lumineux à la surface suffisants pour contrôler l'hélicoptèreNote de bas de page 72 ».
À l'heure actuelle, aucune exigence n'impose aux exploitants aériens commerciaux canadiens de démontrer qu'ils pourront maintenir un repère visuel à la surface le long d'une route NVFR, que ce soit au moyen d'un éclairage artificiel ou d'autres moyens. L'alinéa 702.18(3)c) du RAC comprend toutefois une modalité d'exception qui permet les vols VFR de nuit d'aéronefs monomoteurs lorsque le pilote n'a pas de qualification aux instruments. D'après les Normes de service aérien commercial (NSAC), « le vol se déroule au-dessus d'une zone éclairée dans des conditions VMC et en présence d'un horizon visibleNote de bas de page 73 ».
Comme l'a démontre le Rapport d'enquête aéronautique A13H0001 du BST, sans exigence clairement définie sur le vol de nuit selon les règles VFR pour établir des modalités d'éclairage/repères visuels à l'œil nu ou d'autres moyens de maintenir des repères visuels à la surface (c.-à-d., systèmes d'imagerie de vision nocturne), il est fort probable que des accidents comme celui à l'étude continueront de se produire.
Par conséquent, le Bureau a recommandé que :
le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d'éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
Recommandation A16-08 du BST
TC a indiqué que la présence d'un horizon visible est l'une des conditions nécessaires aux vols NVFR. Toutefois, dans les régions éloignées ou les régions où il y a peu ou pas d'éclairage artificiel, les vols NVFR se déroulent souvent dans des conditions sans horizon visible, et TC permet que ces vols continuent.
En général, pour les exploitants et les équipages aériens, « NVFR » veut dire un vol dans les conditions météorologiques VFR; en l'absence de repères visuels, on doit utiliser les compétences et procédures de vol aux instruments. TC approuve des itinéraires NVFR dans des zones où il n'y a que peu ou pas d'éclairage artificiel, et les exploitants ne sont pas tenus d'établir qu'ils peuvent maintenir des repères visuels sur ces routes.
Selon les observations météorologiques relatives au vol de l'événement à l'étude, il y avait un couvert nuageux à 2300 pieds et une visibilité de 4 sm; le commandant a accepté le vol. Toutefois, étant donné le ciel couvert à moyenne altitude et l'absence quasi totale d'éclairage artificiel, il est peu probable que l'équipage aurait pu apercevoir l'horizon ou maintenir le contact visuel avec la surface après son départ de la côte est de l'île de Vancouver vers CYAZ.
Les SOP de Helijet ne comprennent pas de section détaillée sur les dangers liés au vol de nuit ni ne décrivent les précautions à prendre pour assurer un niveau de sécurité adéquat pendant les approches visuelles de nuit.
1.18.3.2 Effet de trou noir
L'effet de trou noir est un risque inhérent aux approches visuelles la nuit. Il s'agit d'une illusion visuelle qui donne l'impression aux pilotes qu'ils se trouvent à une altitude plus élevée que leur altitude réelle pendant une approche. Pendant les approches visuelles de nuit, l'équipage de conduite doit maintenir le balayage visuel des instruments, assurer une gestion adéquate des ressources de l'équipage et communiquer efficacement.
Selon la Flight Safety Foundation, « l'effet de trou noir survient généralement […] au-dessus de l'eau ou d'un terrain sombre et sans relief où les seuls stimuli visuels sont les feux de l'aéroport ou aux alentours » ou de la zone d'atterrissageNote de bas de page 74. L'absence de points de repère visuels dans le champ visuel rapproché du pilote influe sur la perception de profondeur et peut donner l'impression que l'aéronef se trouve à une altitude trop élevée en approche. Dans beaucoup de cas, les pilotes réagissent à cette illusion en descendant sous la trajectoire de vol correcte.
Selon une étude réalisée par la United States Air Force intitulée « Visual Spatial Disorientation: Revisiting the Black Hole IllusionNote de bas de page 75 », la désorientation spatiale est définie comme suit par Gillingham [traduction] « une perception erronée par une personne de sa position et de son mouvement par rapport à la surface de la TerreNote de bas de page 76 ». Cette étude indique également ce qui suit [traduction] :
La désorientation spatiale (DS) visuelle est souvent citée comme facteur contributif dans les accidents d'aviation. L'illusion du trou noir (ITN), un type d'illusion spécifique associée à une surface sans relief, est une des formes de DS visuelle auxquelles les pilotes font le plus souvent face. Un environnement d'ITN ne réfère pas à la piste, mais plutôt à ce qui l'entoure et à l'absence de repères dans l'environnement pouvant permettre au pilote de poursuivre le vol à vue. Ce qui pose problème, c'est que le pilote, malgré le manque de repères visuels, se sent quand même en confiance et continue son approche à vue. L'environnement d'atterrissage sans relief peut donner à un pilote l'impression qu'il suit une pente trop prononcée (qu'il se trouve au-dessus de la trajectoire de descente prévue) et l'amener à surestimer l'angle de descente perçu (ADP) par rapport à la piste. Ainsi, un pilote risque d'amorcer inutilement une descente agressive, ce qui a pour résultat un angle d'approche beaucoup trop faible (au-dessous de la trajectoire de descente correcte de l'atterrissage) pour éviter les obstacles.Note de bas de page 77
Même si la réglementation ne l'exige pas, certains exploitants désignent les zones d'atterrissage concernées en tant que trous noirs et intègrent à leurs activités de la formation et des procédures spécialisées, dont des SOP portant sur les trous noirs. Les SOP et le programme de formation de Helijet ne traitaient pas des trous noirs, et aucune destination desservie par Helijet n'était désignée comme tel.
1.18.3.3 Lunettes de vision nocturne
La United States Army a utilisé les lunettes de vision nocturne (NVG) dans un contexte aéronautique pour la première fois dans les années 1970. Selon une étude [traduction], « les exploitants civils qui effectuent des vols 24 heures sur 24 ont demandé l'accès aux NVG en raison de l'efficacité accrue des opérations aériennes nocturnes qu'offrent ces dispositifsNote de bas de page 78 ».
Aussi [traduction], « le principe de fonctionnement fondamental des NVG est la réception et l'intensification de la lumière ambiante, puis l'affichage d'une image destinée à l'œil humainNote de bas de page 79 ». L'utilisation de NVG [traduction] « peut augmenter la sécurité, améliorer la conscience situationnelle, réduire la charge de travail du pilote, et atténuer le stress généralement associé aux vols de nuitNote de bas de page 80 ».
Beaucoup d'exploitants de services médicaux d'urgence par hélicoptère (SMUH), de services de police, d'organismes civils de recherche et sauvetage (SAR) et de services de foresterie et de la faune ont adopté les NVG pour leurs activités de nuitNote de bas de page 81. D'après la Flight Safety Foundation, le pourcentage des fournisseurs civils de SMUH aux États-Unis utilisant des NVG, qui était d'environ 2 à 5 % en 2006, est passé à plus de 90 %Note de bas de page 82. Un important fournisseur de SMUH de l'Ouest canadien utilise les NVG pour les vols de nuit depuis le milieu des années 2000. Les pilotes d'aéronefs à voilure tournante de la Gendarmerie royale du Canada et d'autres services de police provinciaux et municipaux et d'agences gouvernementales utilisent des NVG. Récemment, un important exploitant canadien d'hélicoptères effectuant des vols d'exploitation extracôtière a commencé à se servir de NVG pour ses opérations de recherche et sauvetage (SAR) de nuit. TC s'attend à ce que les systèmes d'imagerie de vision nocturne (SIVN) soient de plus en plus utilisés en raison des marges de sécurité accrues offertes par ces systèmes durant les opérations NVFRNote de bas de page 83.
Quoique les opérations assistées par NVG comportent certains défis, il est généralement accepté que les NVG réduisent considérablement les risques associés aux opérations NVFR, en particulier le risque d'impact sans perte de contrôle.
Lors du vol de l'événement à l'étude, l'entreprise n'utilisait pas de NVG et n'était pas tenu de le faire.
1.18.4 État de vortex
L'état de vortex est un phénomène aérodynamique qui se produit lorsque la trajectoire, la vitesse et le taux de descente d'un hélicoptère coïncident avec la déflexion de l'air vers le bas de l'hélicoptère. Un hélicoptère en état de vortex perd rapidement de l'altitude malgré une puissance suffisante pour se maintenir en vol. L'enquête a permis de déterminer que l'état de vortex n'a pas contribué à l'événement à l'étude.
1.18.5 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance énumère les principaux enjeux de sécurité qu'il faut s'employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
1.18.5.1 La gestion de la sécurité et la surveillance figurent sur la Liste de surveillance 2016
La gestion de la sécurité et la surveillance resteront sur la Liste de surveillance jusqu'à ce que :
- Transports Canada mette en œuvre des règlements obligeant tous les exploitants des secteurs du transport commercial aérien et maritime à adopter des processus de gestion de la sécurité officiels et supervise efficacement ces processus;
- les entreprises de transport qui possèdent un système de gestion de la sécurité démontrent qu'il fonctionne bien, c'est-à-dire qu'il permet de déceler les risques et que des mesures de réduction des risques efficaces sont mises en œuvre;
- Transports Canada intervienne lorsque des entreprises de transport ne peuvent assurer efficacement la gestion de la sécurité et le fasse de façon à corriger les pratiques d'exploitation jugées non sécuritaires.
Lors de l'événement à l'étude, le SGS de Helijet n'était pas entièrement au point et n'avait pas été évalué par TC. Comme plusieurs enquêtes précédentes du BST ont permis de la constater, la question de la surveillance réglementaire des exploitants aériens met en évidence la nécessité : d'établir un cadre réglementaire clair exigeant de toutes les entreprises la mise en œuvre d'un SGS adapté à l'ampleur et à l'envergure de leurs activités; de démontrer que les SGS permettent de déceler les dangers et d'atténuer les risques de manière efficace (car des enquêtes du BST concernant tous les modes de transport ont révélé que, dans certains cas, les processus de gestion de la sécurité en place étaient insuffisants ou inutilisés); d'exercer une surveillance réglementaire équilibrée permettant à l'organisme de réglementation de surveiller les processus de gestion de la sécurité d'une entreprise et d'intervenir lorsqu'il constate des problèmes de sécurité, le cas échéant.
1.18.5.2 Les approches non stabilisées figurent sur la Liste de surveillance 2016
Les approches non stabilisées resteront sur la Liste de surveillance jusqu'à ce que :
- les grandes compagnies aériennes fassent un suivi de la conformité à la politique sur les approches stables au moyen de leurs systèmes de gestion de la sécurité et prennent des mesures pour réduire le nombre d'approches non stabilisées qui se poursuivent jusqu'à l'atterrissage;
- l'on constate une baisse du nombre d'incidents d'approche non stabilisée et du nombre d'accidents pour lesquels la stabilité de l'approche figure parmi les causes ou les facteurs contributifs.
Comme l'événement à l'étude le démontre, les approches non stabilisées et les accidents pour lesquels la stabilité de l'approche figure parmi les causes ou les facteurs contributifs continuent d'être une source de préoccupations.
En mars 2014, le Bureau a transmis la recommandation de sécurité A14-01 à Transports Canada pour lui demander d'exiger que les exploitants régis par la sous-partie 705 du RAC surveillent les approches non stabilisées qui se poursuivent jusqu'à l'atterrissage et à en réduire la fréquence.
TC a notamment répondu à la recommandation A14-01 en créant l'Alerte à la sécurité de l'Aviation civile (ASAC) pour communiquer avec tous les exploitants régis par la sous-partie 705 du RAC. TC a publié l'ASAC 2014-03 en juin 2014 pour indiquer aux exploitants assujettis aux sous-parties 703 et 704 du RAC qu'ils peuvent être également touchés par les approches non stabilisées et les encourager à aborder le problème que posent ces approches, de manière volontaire.
1.19 Techniques d'enquête utiles ou indiquées
Sans objet.
2.0 Analyse
Rien n'indique que la défaillance d'un composant ou d'un système de l'hélicoptère a contribué à l'événement à l'étude. L'équipage de conduite avait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Dans l'événement à l'étude, l'équipage n'était pas prêt, sur le plan opérationnel, à faire face aux conditions qui se sont présentées pendant l'approche et l'atterrissage à l'aéroport de Tofino/Long Beach (CYAZ). De plus, CYAZ ne satisfaisait pas aux critères d'exploitation de nuit et n'avait pas reçu l'approbation de Transports Canada (TC) à cet égard. La présente analyse portera principalement sur la maîtrise de l'hélicoptère, le vol de nuit, la préparation et la coordination de l'équipage, les procédures d'utilisation normalisées (SOP), la gestion de la sécurité et la remise en service de l'hélicoptère.
2.1 Maîtrise de l'hélicoptère
À l'approche de CYAZ, l'équipage a décidé de s'écarter de l'itinéraire de vol selon les règles de vol à vue de nuit (NVFR) et de pratiquer une approche selon les règles de vol aux instruments (IFR) pour maintenir un profil de vol sécuritaire au-dessus du relief et des obstacles pendant l'approche de l'aéroport et pour maintenir sa compétence en vol IFR. Lorsque l'hélicoptère a passé le point de cheminement AT2, l'équipage de conduite a chargé et activé l'approche du système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) vers la piste 29 à CYAZ dans le système de navigation de surface (RNAV) basé sur le système mondial de navigation par satellite (GNSS) (annexe A).
À plusieurs reprises pendant le vol, l'équipage a mentionné « la piste » à CYAZ en discutant de l'approche et le pilote aux commandes (PC) s'attendait à effectuer une approche vers une piste, et non une héliplateforme temporaire de nuit.
L'aérodrome de CYAZ n'était pas éclairé, à l'exception d'un indicateur de direction du vent illuminé et d'un cercle de feux Turboflare sur la rose de vents, qui définissait l'héliplateforme temporaire de nuit. L'équipage n'a pas discuté de l'absence d'éclairage à CYAZ avant ou pendant l'approche.
Environ 10 secondes après le découplage du pilote automatique, la vitesse indiquée de l'hélicoptère a diminué à moins de 60 nœuds (vitesse indiquée exprimée en nœuds), ce qui correspond approximativement à la vitesse VMINI, et l'hélicoptère a adopté une assiette de plus de 14° en cabré. Lorsque le PC a constaté que l'hélicoptère était très près de la zone d'atterrissage prévue et qu'il ne s'agissait pas d'une piste d'atterrissage, le PC a tenté de régler l'approche en abaissant le levier de collectif au réglage minimum et en adoptant une assiette en cabré plus prononcée pour ralentir davantage l'hélicoptère.
L'hélicoptère a descendu à un taux de plus de 2600 pieds par minute (pi/min), a atteint une vitesse vers l'avant nulle et a commencé à voler à reculons. Pendant la tentative de reprise de la maîtrise de l'hélicoptère, ce dernier a fait l'objet d'une importante réduction du régime du rotor principal (NR) et d'une perte de maîtrise directionnelle. Le PC a constaté que la zone d'atterrissage se trouvait plus près que prévu et a alors fortement sollicité les commandes pour régler l'angle de descente et la vitesse en conséquence, ce qui s'est traduit par un profil d'approche dangereux.
Pendant l'approche, les 2 membres de l'équipage s'affairaient à maintenir une référence visuelle avec la zone d'atterrissage et n'ont pas constaté le profil d'approche dangereux.
L'équipage a perdu la maîtrise positive de l'hélicoptère pendant une approche visuelle nocturne vers une héliplateforme temporaire de nuit située dans un aérodrome non éclairé.
2.2 Vol de nuit
2.2.1 Définition des règles de vol à vue de nuit au Canada
Les vols effectués selon les règles de vol à vue (VFR), peu importe s'ils se déroulent le jour ou la nuit, doivent respecter 2 principes : la navigation avec repères visuels à la surface, et la notion d'espacement entre aéronefs qui consiste à « voir et éviter ». Selon les articles 602.114 et 602.115 du Règlement de l'aviation canadien (RAC), tous les vols NVFR, dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé, doivent se dérouler « avec des repères visuels à la surface »Note de bas de page 84.
La réglementation relative aux vols NVFR varie d'un pays à l'autre. Certains pays interdisent les vols NVFR et exigent que les vols de nuit à l'extérieur des zones de contrôle soient effectués selon les règles de vol aux instruments. Dans d'autres pays, les vols NVFR sont limités à des endroits très restreints. Aux États-Unis, par exemple, la réglementation relative aux vols NVFR effectués par des hélicoptères stipule que les repères visuels doivent être suffisants pour permettre la maîtrise de l'aéronef en toute sécurité. Au Canada, la réglementation générale relative aux vols NVFR ne comporte pas une telle exigence.
Comme la réglementation ne définit pas le concept de « repères visuels à la surface », on peut l'interpréter librement. TC a indiqué que la présence d'un horizon visible est l'une des conditions nécessaires aux vols NVFR. Toutefois, dans les régions éloignées et celles où il n'y a que peu ou pas d'éclairage artificiel, les vols NVFR se déroulent souvent dans des conditions sans horizon visible, qui n'offrent aucun repère visuel à la surface.
En général, pour les exploitants et équipages de l'industrie, « NVFR » veut dire un vol dans les conditions météorologiques VFR; en l'absence de repères visuels, on doit utiliser les compétences et procédures de vol aux instruments. Comme l'enquête sur l'événement à l'étude et les enquêtes sur d'autres événements ont permis de le constater, de nombreux pilotes, y compris ceux de Helijet International Inc. (Helijet), croient que la réglementation autorise les vols dans ces conditions. TC lui-même approuve des itinéraires NVFR dans des zones où il n'y a que peu ou pas d'éclairage artificiel, et les exploitants ne sont pas tenus d'établir qu'ils peuvent maintenir des repères visuels sur ces routes.
Au Canada, la réglementation ne comporte pas d'exigences précises à propos des modalités d'éclairage et des repères visuels à l'œil nu ou d'autres moyens de maintenir des repères visuels à la surface (p. ex., systèmes d'imagerie de vision nocturne) pour les vols NVFR. Ainsi, dans le Rapport d'enquête aéronautique A13H0001 du BST, le Bureau a recommandé que :
le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d'éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
Recommandation A16-08 du BST
L'article 602.115 du RAC ne définit pas la notion de « référence visuelle à la surface », que l'on interprète librement dans l'industrie comme voulant dire des « conditions météorologiques de vol à vue ». Ainsi, il est permis d'effectuer des vols de nuit sans repères visuels suffisants, ce qui accroît les risques d'impact sans perte de contrôle et d'accidents avec perte de contrôle.
Même si le RAC indique que l'horizon doit être visible pendant les vols NVFR, TC a approuvé des activités (des routes, etc.) d'exploitants effectuant des vols NVFR dans des régions éloignées ou des régions où il y a peu ou pas d'éclairage ambiant. Par conséquent, on effectue couramment des vols de nuit en l'absence d'éclairage artificiel ou céleste pouvant rendre l'horizon visible. Cette pratique incite les équipages de conduite à se référer principalement à leurs instruments sans prendre les mesures de protection prévues par la réglementation et les normes de vol aux instruments.
Si TC continue d'autoriser des vols NVFR sans références visuelles adéquates, il y a un risque que des collisions sans perte de maîtrise avec le relief et que des accidents avec perte de maîtrise se produisent.
Le vol de l'événement à l'étude a eu lieu dans des conditions météorologiques qui répondaient aux critères des vols NVFR, mais s'est déroulé pendant une période de luminosité céleste limitée au-dessus d'une région offrant un éclairage artificiel presque nul. Pendant le vol vers CYAZ, l'équipage de conduite a constaté le niveau d'obscurité et l'absence d'étoiles visibles. Dans de telles conditions, l'équipage de conduite ne voyait pas l'horizon et n'avait pas de contact visuel avec la surface.
La carte d'atterrissage de Helijet pour CYAZ met en garde les pilotes relativement à la lumière ambiante minimale à l'aéroport et dans les environs, et au fait que l'aérodrome n'est pas éclairé.
Après le découplage du pilote automatique, les seuls repères visuels offerts à l'équipage de conduite étaient l'indicateur de direction du vent illuminé et les 12 feux Turboflare verts délimitant l'héliplateforme temporaire de nuit. Pendant la majeure partie de l'approche, les feux Turboflare seraient apparus comme une seule source de lumière.
L'équipage a effectué un vol NVFR sans disposer de l'éclairage artificiel ou de la lumière ambiante nécessaires au maintien des repères visuels à la surface.
2.2.2 Systèmes d'imagerie de vision nocturne
Le Canada comprend de vastes régions où il n'y a que peu ou pas d'éclairage artificiel pour aider les pilotes à maintenir le contact visuel avec la surface, durant les vols NVFR sans dispositif d'aide visuelle. Dans ces régions, il faut un ciel dégagé et une importante luminosité céleste pour maintenir le contact visuel avec la surface, autrement on doit utiliser un quelconque système d'imagerie de vision nocturne (SIVN).
En 2006, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a publié un rapport spécial intitulé Special Investigation Report on Emergency Medical Services Operations. Dans ce rapport, on soulignait les avantages potentiels des lunettes de vision nocturne (NVG), mais le NTSB n'avait alors émis aucune recommandation exigeant leur utilisation. En 2009, le NTSB a recommandé que la Federal Aviation Administration (FAA) exige des exploitants de services médicaux d'urgence par hélicoptère (SMUH) qu'ils installent des systèmes d'imagerie de vision nocturne et offrent de la formation à leurs pilotes sur l'utilisation de ces systèmes durant l'exploitation de nuit. À ce jour, la FAA n'a pas imposé d'exigence réglementaire concernant les systèmes d'imagerie de vision nocturne pour les SMUH. Toutefois, plus de 90 % des exploitants de SMUH aux États-Unis ont adopté les NVG pour tirer parti d'une meilleure conscience situationnelle et de la sécurité accrue que favorise leur utilisation.
D'autres pays ont adopté des règlements qui exigent l'utilisation des SIVN durant les opérations SMUH de nuit, ainsi que des règlements particuliers sur l'approbation des SIVN pour les vols dans des conditions NVFR.
À l'heure actuelle, il n'y a aucune exigence au Canada sur l'utilisation de SIVN pour les SMUH ou quelque autre activité. Néanmoins, le nombre d'exploitants qui ont adopté un type quelconque de SIVN a beaucoup augmenté au cours des dernières années. L'émergence de NVG de nouvelle génération a fait disparaître bon nombre des restrictions associées aux versions antérieures qui dissuadaient les exploitants d'adopter ces produits. Ainsi, l'utilisation de NVG par les exploitants d'aéronefs civils à voilure tournante s'est accrue progressivement.
Les aéronefs de Helijet ne sont pas dotés de systèmes d'imagerie de vision nocturne, et ce, même si l'entreprise effectuait couramment des vols dans des conditions NVFR au-dessus de vastes régions offrant peu ou pas d'éclairage artificiel. Dans des conditions météorologiques qui, techniquement, conviennent aux vols VFR, mais qui offrent peu d'éclairage ambiant, il n'est pas toujours possible d'effectuer des vols avec des repères visuels à la surface. Même s'il y a contact visuel avec la surface au départ, il y a un risque, surtout dans les régions éloignées aux prévisions météorologiques limitées, que les conditions en route changent et que l'on perde le contact visuel requis avec la surface.
Si, durant les vols NVFR, les pilotes poursuivent le vol dans des conditions sans éclairage artificiel ou ambiant et sans autre moyen de maintenir le contact visuel avec la surface, il y a un risque accru d'impact sans perte de contrôle et d'accident avec perte de contrôle.
2.2.3 Formation
Le plan de formation approuvé par TC de Helijet ne comprenait pas de formation sur les approches NVFR et l'illusion de trou noir. Même si la réglementation n'exige pas cette formation à l'heure actuelle, une formation sur les trous noirs fait partie du programme approuvé d'autres exploitants consultés.
Helijet exploitait ses aéronefs à un certain nombre d'endroits qui donnaient lieu à des approches de nuit difficiles avec peu de références visuelles. Pour être efficace, la formation doit être conçue pour répondre aux besoins opérationnels de l'entreprise, donnée efficacement, et suivie d'une formation périodique pour favoriser la conservation et le perfectionnement continu des compétences acquises.
Si les équipages de conduite ne reçoivent pas de formation adéquate sur les vols NVFR et les illusions qui peuvent se produire pendant ces vols, ils risquent de ne pas être adéquatement préparés à relever les défis que posent les vols de nuit.
2.3 Préparation et coordination de l'équipage
Comme il a été indiqué plus haut, l'approche et l'atterrissage de nuit à CYAZ posaient à l'équipage de conduite des défis sur le plan opérationnel. Plus précisément, l'horizon n'était pas visible à cet endroit en raison du manque de lumière ambiante, ce qui empêchait les pilotes d'évaluer l'attitude de l'hélicoptère, et le manque d'éclairage artificiel ne leur offrait pas une référence leur permettant d'évaluer les distances et l'angle d'approche.
En dépit de ces défis, un équipage peut effectuer cette tâche avec succès s'il est adéquatement préparé à faire face à de telles conditions. Une bonne préparation aide les membres de l'équipage à anticiper les conditions auxquelles ils feront face, à bien comprendre leurs rôles respectifs pendant l'approche et l'atterrissage, et à s'assurer qu'ils sont prêts à réagir aux situations dangereuses pouvant survenir pendant l'approche et l'atterrissage. Une préparation efficace permet aux membres de l'équipage de former un modèle mental des conditions opérationnelles auxquelles ils feront face, ce qui est essentiel au développement et au maintien de la conscience situationnelle pendant le vol.
2.3.1 Exposés
Les exposés opérationnels constituent une occasion importante pour l'équipage de revoir l'information opérationnelle pertinente et de mettre au point des plans pour relever les défis opérationnels anticipés. Dans l'événement à l'étude, l'équipage n'a pas passé en revue la carte d'atterrissage avant le vol. De plus, les membres de l'équipage n'ont pas discuté des conditions environnementales qui allaient prévaloir à leur arrivée à CYAZ et du fait qu'ils n'avaient jamais effectué de vol de nuit vers CYAZ. Par conséquent, ils n'ont pas établi un modèle mental individuel ou commun adéquat de la destination ou des dangers connexes.
Les SOP de Helijet relatives aux ambulances aériennes exigeaient que les équipages effectuent un exposé avant chaque vol et indiquaient que ces exposés [traduction] « devaient traiter de procédures rarement utiliséesNote de bas de page 85 ». En vertu de ces SOP, une vérification de vol aux instrumentsNote de bas de page 86 et un exposé d'atterrissage devaient aussi faire partie de la vérification d'approche initialeNote de bas de page 87. L'objectif de l'exposé d'atterrissage était [traduction] « de décrire l'atterrissage visuel, y compris la direction de l'approche, le point de poser des roues et les intentions de circulationNote de bas de page 88 ».
En omettant d'effectuer des exposés approfondis, l'équipage a raté l'occasion de revoir l'information disponible sur les conditions de l'aérodrome à CYAZ et de discuter des risques liés à une approche nocturne vers une héliplateforme temporaire sur un aérodrome non éclairé se trouvant dans une région offrant peu d'éclairage ambiant et artificiel. L'enquête a permis de constater que dans la pratique, les pilotes chevronnés adaptaient parfois leurs exposés lorsqu'ils effectuaient des vols avec d'autres pilotes chevronnés ou des vols à destination de sites d'atterrissage familiers, y compris des aéroports et des héliplateformes d'hôpitaux. Cette pratique a incité l'équipage en cause dans l'événement à l'étude à adapter ses exposés en fonction de sa perception de son expérience et de son ancienneté.
Les exposés requis n'ont pas été effectués. Ainsi, au moment de l'approche finale, ni l'un ni l'autre des membres de l'équipage n'avaient développé un modèle mental juste ou complet du site d'atterrissage.
La pratique acceptée de ne pas effectuer un exposé complet pour toutes les approches a contribué à la coordination inefficace de l'équipage en cause dans l'événement à l'étude, en réduisant la quantité d'informations échangées entre 2 pilotes chevronnés.
2.3.2 Effet du jumelage des membres d'équipage sur leur coordination
La chaîne d'autorité qui existe entre les membres d'un équipage est fondée sur leurs qualifications et leur expérience. Un niveau d'autorité égal (une chaîne d'autorité « sans écart ») peut présenter des dangers liés à la gestion des ressources du poste de pilotage (GRPP) et peut inciter les membres de l'équipage à faire des suppositions sur les compétences, et à ne pas communiquer ni effectuer des contre-vérifications de manière efficace. Des SOP efficaces et des exposés avant vol approfondis sur les rôles et les responsabilités atténuent les risques liés à une chaîne d'autorité où il n'y a pas d'écart.
Les SOP de l'entreprise relatives aux ambulances aériennes comprennent la mention suivante [traduction] :
À moins d'indication contraire du pilote en chef, le commandant de bord assume son rôle pour tous les vols effectués par l'équipage dont il fait partie, et son nom figure en tête de la dernière liste des pilotes publiée par le pilote en chef à cette finNote de bas de page 89.
Cette stratégie de jumelage des membres d'équipage permettait donc d'établir une chaîne d'autorité naturelle. Dans le cas de l'équipage dans l'événement à l'étude, le commandant de bord travaillait pour l'entreprise depuis plus longtemps et avait le plus grand nombre d'heures sur type. Il se trouvait donc à un rang plus élevé dans la liste des pilotes. Toutefois, le premier officier (le PC) était également un commandant instructeur et avait précédemment occupé le poste de chef pilote adjoint. Ce petit écart d'ancienneté a réduit les écarts dans la chaîne d'autorité entre les 2 pilotes.
L'équipage n'a pas abordé les dangers liés à l'absence d'écart reconnu dans la chaîne d'autorité, et chaque pilote a amorcé le vol en faisant ses propres suppositions sur les connaissances, les compétences et les habiletés de l'autre pilote. De plus, il existait entre eux un niveau de respect qui ne les incitait pas à se remettre en question l'un et l'autre. Comme les 2 pilotes connaissaient leur ancienneté respective et employaient la pratique informelle d'adapter les exposés en fonction de l'ancienneté de l'équipage et de la destination, ils ont échangé de l'information de manière moins rigoureuse. Ainsi, l'équipage n'a pas passé les cartes d'atterrissage en revue, n'a pas effectué d'exposés complets et a raté de multiples occasions de dissiper des malentendus.
Les membres de l'équipage n'ont pas décelé ni traité l'absence d'écart dans la chaîne d'autorité dans le poste de pilotage, et leurs suppositions respectives sur leurs compétences et leur expérience ont eu des répercussions directes sur la qualité de la gestion des ressources et le style de communication.
2.4 Procédures d'utilisation normalisées
Il est nécessaire de disposer de SOP efficaces pour mener des activités sécuritaires et cohérentes. Ces procédures établissent des attentes et des normes par rapport à des activités précises, ainsi que des paramètres qui permettent de détecter tout écart par rapport aux profils de vol standards. Conformément à la réglementation, Helijet avait défini des SOP pour ses activités d'ambulance aérienne. Toutefois, certains des sujets abordés dans ces SOP comprenaient peu de détails.
2.4.1 Exigences relatives aux exposés
Des exposés efficaces aident les équipages à déceler les risques liés à une activité et à définir des attentes communes en ce qui concerne la gestion de ces risques. Les SOP doivent être suffisamment structurées pour que les exposés soient effectués de manière constante, mais être suffisamment flexibles pour que ces exposés soient brefs et pertinents.
Dans l'événement à l'étude, les exposés effectués par les membres de l'équipage n'ont pas porté sur les risques liés aux approches propices à l'illusion du trou noir ou l'absence d'écarts dans la chaîne d'autorité qui existait entre les 2 pilotes.
Dans les SOP de Helijet, on définissait des exigences relatives aux exposés, y compris les exposés avant vol, aux exposés relatifs aux approches aux instruments et aux exposés relatifs à l'atterrissage. En vertu de la procédure d'exposé avant vol, il incombait au commandant de bord de s'assurer que l'équipage obtienne l'information requise et d'effectuer un exposé avant vol approfondi. Cet exposé devait porter au minimum sur les conditions météorologiques, la quantité de carburant à bord, la charge transportée, le temps de vol, les travaux à accomplir et les tâches supplémentaires.
Dans le cadre de l'enquête, on a passé en revue les SOP d'autres exploitants d'hélicoptères effectuant des vols d'évacuation médicale (MEDEVAC). Il a été constaté que certains exploitants définissaient des formats plus détaillés pour les exposés et les listes de vérification pour encourager les équipages à traiter de dangers précis, y compris les niveaux de luminosité, et d'évaluer les risques liés à la mission pendant la préparation avant vol.
2.4.2 Exigences générales relatives au vol de nuit
En raison des risques inhérents aux vols dans des conditions NVFR, l'équipage de conduite doit porter une attention accrue au relief et aux obstacles, et être prêt à voler en se référant aux instruments. Les SOP contribuent grandement à garantir qu'un équipage est prêt à faire face aux conditions propres aux vols NVFR.
Dans les SOP de Helijet relatives aux ambulances aériennes, il y avait peu d'exigences relatives aux vols NVFR. Parmi les références au vol de nuit que comportaient les SOP, on retrouvait :
- des instructions sur l'utilisation du radioaltimètre pendant une approche NVFR;
- des restrictions sur l'utilisation du pilote automatique pendant un départ NVFR et à moins de 1000 pieds pendant une approche NVFR; et
- des instructions sur l'amorce d'une descente sous l'altitude minimale de descente la nuit.
L'examen des SOP d'autres exploitants offrant des services d'ambulance aérienne effectué pendant l'enquête sur l'événement à l'étude a permis de constater que certains exploitants utilisaient des procédures de vol de nuit plus précises. Par exemple, certains exploitants utilisaient des procédures spécialisées pour la planification des vols et les conditions météorologiques minimales, et exigeaient que les approches sans aides visuelles ne soient effectuées que dans des régions illuminées.
2.4.3 Procédures relatives à l'effet de trou noir
L'environnement à CYAZ correspondait à la définition d'un trou noir qui est généralement acceptée. L'aérodrome n'était pas éclairé, et était entouré d'eau et de relief dépourvu d'éclairage artificiel. L'héliplateforme temporaire de nuit éclairée par des feux Turboflare avait l'air d'un seul point dans l'espace pour un hélicoptère en approche, et constituait un repère peu propice à l'évaluation de la vitesse de rapprochement ou du profil de descente.
Un examen des SOP d'autres exploitants a permis de constater que certains exploitants ont établi des procédures relatives à l'effet de trou noir qui prévoient la transition au profil d'approche à partir de l'altitude minimale de franchissement d'obstacles, des annonces normalisées pour faciliter la surveillance de l'approche, un exposé d'approche adapté aux procédures relatives à l'effet de trou noir, et des critères clairs sur l'exécution d'une remise des gaz si l'hélicoptère s'écarte de certains paramètres pendant une approche vers une héliplateforme.
Lorsque les repères visuels extérieurs ne permettent pas le maintien de la maîtrise de l'aéronef, l'équipage de conduite devrait être prêt à effectuer une remise des gaz.
Même si Helijet effectuait des vols vers CYAZ et d'autres endroits pouvant potentiellement produire un effet de trou noir, l'entreprise n'avait pas de SOP ni de directives relatives aux environnements propices à l'effet de trou noir.
Les SOP de Helijet contenaient peu de directives pour un certain nombre de sujets, y compris les exposés de l'équipage, les exigences relatives aux vols en conditions NVFR, et les procédures d'approche et d'atterrissage en cas d'effet de trou noir. Ainsi, l'équipage de conduite a effectué une approche visuelle sans pouvoir s'appuyer sur des SOP efficaces, ce qui a nui à sa prise de décisions et sa coordination.
2.4.4 Exigence réglementaire liée aux procédures d'utilisation normalisées
Des SOP rigoureuses fondées sur des principes efficaces de gestion des ressources du poste de pilotage (GRPP), les meilleures pratiques du secteur et l'expérience opérationnelle renforcent la sécurité opérationnelle. TC doit examiner les SOP des exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC, ce qui donne à l'organisme de réglementation un aperçu de la façon dont une entreprise mène ses activités et lui permet de la comparer à d'autres entreprises du même secteur d'activité. Le processus d'examen est également l'occasion pour le ministère de faire des observations lorsque les SOP sont inadéquates ou non conformes aux meilleures pratiques. Il pourrait être avantageux pour TC d'examiner les SOP des exploitants d'aéronefs à équipage multiple assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC, en particulier les nouveaux exploitants, durant les activités de surveillance courantes.
À l'heure actuelle, aucun processus réglementaire ne prévoit l'examen par TC des SOP d'exploitants d'aéronefs à équipage multiple assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC. Par conséquent, il y a un risque d'adoption de procédures non optimales.
2.5 Gestion de la sécurité et surveillance
Il incombe à toutes les entreprises de transport de gérer efficacement les risques de sécurité liés à leur exploitation. Si la conformité à la réglementation offre un niveau de base de sécurité relativement aux risques s'appliquant à tous les exploitants, les entreprises doivent pouvoir cerner et atténuer les dangers propres à leurs activités pour les réduire le plus possible.
C'est pourquoi le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), par l'intermédiaire de sa Liste de surveillance et de ses recommandations, a proposé à maintes reprises d'obliger les entreprises de transport à mettre en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) et de soumettre ces SGS à des vérifications pour s'assurer que les processus qu'ils contiennent sont utilisés et efficaces. Même si la réglementation ne l'exige pas, Helijet avait mis en œuvre un SGS pour gérer la sécurité de ses activités. Au moment de l'événement à l'étude, ce SGS n'était pas entièrement au point et n'avait pas été évalué par TC.
L'événement à l'étude est survenu parce que l'équipage et, à plus grande échelle, l'entreprise n'avaient pas efficacement atténué les risques liés au vol de nuit lors du vol en cause.
Lors de l'événement à l'étude, Helijet utilisait une héliplateforme temporaire de nuit à CYAZ depuis environ 4 ans. De plus, l'entreprise effectuait des vols d'évacuation médicale de nuit vers un certain nombre d'autres endroits où l'on utilisait des héliplateformes temporaires pour les arrivées et les départs. En ce qui concerne CYAZ, TC avait défini un certain nombre de mesures d'atténuation qui devaient être mises en place avant le début de l'exploitation nocturne de l'héliplateforme temporaire de nuit. Toutefois, une seule de ces mesures avait été mise en œuvre lorsqu'ont commencé les vols d'évacuation médicale de nuit vers CYAZ.
Les atterrissages et les décollages nocturnes sur une héliplateforme située à un endroit offrant un éclairage artificiel minimal sont des tâches difficiles, car le pilote dispose de peu de repères visuels pour l'aider à maintenir son orientation et à juger la hauteur et la distance de l'hélicoptère par rapport à l'héliplateforme.
Helijet avait cerné le danger lié au manque d'éclairage artificiel et avait fourni à ses équipages une procédure d'approche selon les règles de vol à vue pour le site d'atterrissage temporaire de l'hôpital de Tofino situé à CYAZ. La section « Caution/Obstruction » de la carte d'atterrissage de CYAZ comprenait la mention suivante [traduction] : « Il y a peu d'éclairage ambiant à l'aéroport et dans les environs. Il n'y a pas de feux de piste à cet aéroport. » Toutefois, l'entreprise n'avait pas examiné ou mis en œuvre d'autres mesures d'atténuation pour les atterrissages nocturnes au site d'atterrissage temporaire de l'hôpital de Tofino et d'autres endroits. Elle aurait pu notamment élaborer des SOP propres au vol de nuit, donner de la formation sur l'effet de trou noir ou fournir des systèmes d'imagerie de vision nocturne aux équipages. Même si la réglementation ne les exigeait pas, ces mesures d'atténuation auraient réduit les risques liés aux vols de nuit vers des héliplateformes offrant peu de repères visuels et d'éclairage artificiel, et auraient témoigné d'une gestion efficace de la sécurité par l'entreprise.
On avait établi la zone d'atterrissage à CYAZ avant la mise en œuvre du SGS de l'entreprise, et cette zone n'avait pas fait l'objet d'une évaluation des risques. L'entreprise n'a pas correctement évalué les dangers et les risques liés aux procédures d'atterrissage à la nouvelle héliplateforme de l'hôpital de Tofino, même si les mesures d'atténuation requises n'avaient pas toutes été mises en œuvre, et elle effectuait des vols d'évacuation médicale de nuit vers CYAZ, un aéroport certifié pour les vols de jour seulement. L'enquête a aussi permis de constater que l'entreprise avait effectué peu d'évaluations des risques depuis la mise en œuvre de son SGS. Le manuel du SGS comprenait peu de directives sur la manière d'effectuer et de documenter des évaluations des risques ou sur la mise en œuvre et le suivi des mesures d'atténuation définies pendant ces évaluations.
Au moment de l'événement à l'étude, on avait entièrement mis en œuvre les processus réactifs du SGS, et on utilisait ces processus pour créer des rapports sur les événements. Le manuel du SGS contenait des processus pour la création et le traitement des rapports de sécurité réactifs. Toutefois, même si le système de création de rapports permettait de consigner efficacement certaines catégories d'événements (p. ex., les événements techniques, dont l'allumage des voyants de détecteurs de particules des moteurs), on n'utilisait pas ce système pour créer des rapports sur les dangers et les conditions dangereuses que l'on constatait pendant les activités normales. Par exemple, environ 1 mois avant l'événement à l'étude, un pilote avait constaté qu'il était nécessaire d'installer des feux supplémentaires pour faciliter les atterrissages et les décollages des hélicoptères à CYAZ. Le pilote avait fait part de ses préoccupations au directeur de l'aéroport, mais elles n'avaient jamais été consignées à l'aide du SGS de l'entreprise. L'entreprise avait ainsi raté une occasion de déterminer si les changements demandés réduiraient les risques liés à ses activités à CYAZ et à ses autres sites d'atterrissage de nuit temporaires.
Les processus proactifs définis dans le manuel du SGS de Helijet n'étaient pas utilisés, et les processus réactifs se limitaient à la création de rapports sur des incidents. Comme les processus définis dans le SGS de Helijet n'étaient pas utilisés efficacement, le SGS n'aidait pas l'entreprise à cerner et à atténuer les risques liés à ses vols d'évacuation médicale de nuit.
Pour que la mise en œuvre d'un SGS soit réussie, celui-ci doit être appuyé par une culture d'entreprise qui encourage une participation active au SGS en favorisant l'engagement, les compétences et les connaissancesNote de bas de page 90 requis à tous les niveaux de l'entreprise. Dans le cas de Helijet, le directeur de la sécurité assumait les responsabilités générales relatives au SGS. Toutefois, il occupait aussi le poste de directeur des opérations aériennes. On a établi que le directeur de la sécurité et des opérations aériennes consacrait environ 2 heures par semaine à ses tâches liées à la sécurité. Au moment de l'événement à l'étude, d'autres postes de responsable de la sécurité étaient vacants, ce qui signifie que le directeur de la sécurité avait accès à peu de ressources supplémentaires s'il avait besoin d'aide. En conséquence, les directeurs de l'entreprise effectuaient peu d'évaluations des risques conformément au manuel du SGS de l'entreprise, et leur participation au SGS se limitait à la gestion des rapports réactifs du SGS.
Le plan de formation du SGS ne comportait pas suffisamment d'éléments de formation relatifs au SGS. Ainsi, de nombreux directeurs principaux de la sécurité ne comprenaient pas adéquatement la manière de mettre en œuvre un SGS officiel ou d'effectuer des évaluations des risques. De nombreux employés de Helijet ne connaissaient pas le SGS ou ne savaient pas comment l'utiliser.
Au moment de l'événement à l'étude, comme des ressources et une formation insuffisantes étaient attribuées au SGS de l'entreprise, ce SGS ne permettait pas d'atténuer efficacement les risques liés aux vols de nuit.
La mise en œuvre efficace d'un SGS est un processus à long terme qui requiert un engagement à l'égard de l'amélioration continue pour garantir que les processus nécessaires à l'amélioration de la sécurité sont en place et fonctionnent efficacement. Dans le cadre d'enquêtes précédentes, le BST avait constaté des situations où un SGS n'était pas requis ou existait seulement sur papier. Le Bureau avait donc émis des recommandationsNote de bas de page 91 et avait réitéré dans sa Liste de surveillance 2016 que tous les exploitants devraient avoir l'obligation de mettre en œuvre un SGS et que les SGS devraient faire l'objet d'une surveillance réglementaire permettant d'en assurer le bon fonctionnement. TC n'avait pas évalué le SGS mis en œuvre par Helijet de manière volontaire, car la réglementation n'exigeait pas un tel SGS.
Si l'on n'oblige pas tous les exploitants à mettre en œuvre un SGS dont l'efficacité doit être évaluée par TC, il est plus probable que les risques propres à un exploitant passent inaperçus et ne soient pas atténués.
Si les dangers cernés ne sont pas saisis dans le SGS d'une entreprise, il se peut qu'ils ne soient pas éliminés, ce qui augmente les risques d'accident.
Si les employés qui signalent un danger ou un incident ne reçoivent pas de rétroaction ou ne constatent pas la prise de mesures correctives, il est moins probable qu'ils signaleront d'autres dangers ou incidents à l'avenir.
2.6 Remise en service de l'aéronef
2.6.1 Enregistrement des données sur les dépassements de limites
Dans l'événement à l'étude, les moteurs de l'hélicoptère avaient considérablement dépassé leurs limites de couple individuelles et combinées, mais seul l'enregistreur de conversations dans le poste de pilotage et de données de vol (CVFDR) (un dispositif facultatif) avait enregistré cette information. Le système intégré d'affichage des instruments (IIDS) n'a pas affiché les dépassements et les avertissements après l'événement à l'étude, car il n'était pas conçu pour le faire. Après l'atterrissage à CYAZ, l'équipage avait vérifié la page d'entretien du système IIDS pour déceler tout dépassement, mais cette page n'en indiquait aucun, conformément à la conception du système. Comme aucune information sur les dépassements n'était disponible sur le terrain, l'hélicoptère avait été remis en service sans que les tâches de maintenance essentielles soient exécutées.
L'hélicoptère Sikorsky S-76C+ n'est pas doté d'un système de série enregistrant les dépassements des limites de couple de la boîte de transmission lorsque les 2 moteurs tournent. Par conséquent, l'hélicoptère avait été remis en service même s'il n'était pas en état de navigabilité.
2.6.2 Tâches d'entretien après l'événement à l'étude
Pendant l'inspection effectuée après le vol sur l'aire de trafic à CYAZ, l'équipage a constaté la présence d'huile sur les pales du rotor principal et le côté gauche du fuselage. Le personnel d'entretien a constaté que le faible régime pendant le rétablissement de la maîtrise de l'hélicoptère avait causé une conicité extrême qui avait entraîné la rupture du tuyau d'huile d'un amortisseur du rotor principal et endommagé les 4 fusées du rotor principal. On a signalé les dommages aux fusées à Sikorsky, puis remplacé les fusées et le tuyau d'huile de l'amortisseur.
À ce moment, Helijet ne savait pas que le régime NR de l'hélicoptère avait subi une diminution prolongée sous la valeur asservie normale et que les limites de couple avaient été dépassées, des conditions pour lesquelles Sikorsky a plus tard exigé une inspection majeure et la remise à neuf des composants dynamiques.
2.6.3 Enregistreur de conversations dans le poste de pilotage et enregistreur de données de vol
L'hélicoptère dans l'événement à l'étude était doté d'un CVFDR facultatif qui enregistrait les paramètres de couple de la transmission. Lorsque l'hélicoptère est revenu à Vancouver le 15 novembre (le jour de l'événement à l'étude), on a déposé le CVFDR et Maxcraft Avionics Ltd. (Maxcraft) en a téléchargé les données.
Le 16 novembre, Maxcraft a fourni à Helijet des données indiquant que l'hélicoptère avait atteint une valeur maximale de couple de plus de 155 % pour un seul moteur. Les données fournies indiquaient aussi que l'hélicoptère avait dépassé la limite maximale transitoire du fabricant de 10 secondes pour un couple des 2 moteurs de 230 %.
Avant d'effectuer un vol d'essai et un vol de convoyage vers l'aéroport international de Vancouver (CYVR) après l'événement à l'étude, le personnel d'entretien de Helijet avait désactivé le CVFDR pour éviter que les données soient effacées ou écrasées. Même si une telle mesure fait croître les chances que les données de l'événement à l'étude soient conservées, la désactivation des enregistreurs de données de vol et de conversations de poste de pilotage empêche l'enregistrement de renseignements importants dans l'éventualité d'un autre événement mettant en cause l'aéronef.
Le 25 novembre (10 jours après l'événement à l'étude), le CVFDR a été envoyé au Laboratoire d'ingénierie du BST aux fins de téléchargement et d'analyse des données. L'examen du laboratoire a permis de constater que Helijet n'avait pas fourni à Maxcraft des renseignements essentiels figurant dans une lettre de service de Sikorsky, et que Maxcraft n'avait pas tenu compte de cette information lorsqu'on avait téléchargé et analysé les données du CVFDR. Par conséquent, les données fournies à Helijet par Maxcraft contenaient des erreurs. Le laboratoire du BST a établi que l'hélicoptère avait atteint un couple moteur combiné de 268 % et un régime NR minimal de 77 % pendant l'événement à l'étude.
Si l'on ne consulte pas les lettres de service émises par les fabricants d'aéronefs, il y a un risque accru que des tâches d'entretien essentielles ne soient pas effectuées.
2.6.4 Remise en service
Le jour de l'événement à l'étude, après le remplacement des fusées du rotor principal et du tuyau d'huile de l'amortisseur, et un vol d'essai réussi, on avait jugé que l'hélicoptère était en état de navigabilité et on avait effectué le vol vers CYVR. Le jour suivant, Helijet avait recommencé à exploiter l'hélicoptère pour effectuer des vols pour les British Columbia Emergency Health Services sans effectuer l'entretien requis des composants du système d'entraînement. Si l'on utilise un aéronef qui n'est pas en état de navigabilité et qui n'a pas fait l'objet de l'entretien requis, des composants peuvent subir une défaillance en vol, ce qui met la vie des passagers et des pilotes en danger.
Sikorsky savait que les fusées du rotor principal de l'hélicoptère avaient subi des dommages le 15 novembre et qu'on les avait remplacées. Toutefois, ce n'est que lorsque le BST a communiqué avec Sikorsky après l'événement du 25 novembre à CYVR que le fabricant a été mis au courant des dépassements des limites de couple et des faibles valeurs de régime qu'avait subi l'hélicoptère pendant l'événement du 15 novembre. À la lumière de cette information, Sikorsky avait établi que l'hélicoptère n'était pas en état de navigabilité jusqu'à ce que tous les composants dynamiques aient fait l'objet d'une inspection et des procédures de remise à neuf nécessaires, et que chaque pale du rotor principal ait été inspectée et testée pour que tout décollement soit décelé. Si les exploitants ne divulguent pas tous les détails des événements aux fabricants des aéronefs, il y a un risque que des aéronefs non en état de navigabilité soient remis en service.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- L'équipage a effectué un vol de nuit selon les règles de vol à vue sans disposer de l'éclairage artificiel ou de la lumière ambiante nécessaires au maintien des repères visuels à la surface.
- Les exposés requis n'ont pas été effectués. Ainsi, au moment de l'approche finale, ni l'un ni l'autre des membres de l'équipage n'avaient développé un modèle mental juste ou complet du site d'atterrissage.
- Lorsque le pilote aux commandes a constaté que la zone d'atterrissage se trouvait plus près que prévu, il a fortement sollicité les commandes pour régler l'angle de descente et la vitesse en conséquence, ce qui s'est traduit par un profil d'approche dangereux.
- Pendant l'approche, les 2 membres de l'équipage s'affairaient à maintenir une référence visuelle avec la zone d'atterrissage et n'ont pas constaté le profil d'approche dangereux.
- L'équipage a perdu la maîtrise positive de l'hélicoptère pendant une approche visuelle nocturne vers une héliplateforme temporaire de nuit située sur un aérodrome non éclairé.
- Les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de Helijet International Inc. contenaient peu de directives pour un certain nombre de sujets, y compris les exposés de l'équipage, les exigences relatives aux vols de nuit selon les règles de vol à vue, et les procédures d'approche et d'atterrissage en cas d'effet de trou noir. Ainsi, l'équipage de conduite a effectué une approche visuelle sans pouvoir s'appuyer sur des SOP efficaces, ce qui a nui à sa prise de décisions et à sa coordination.
- Les membres de l'équipage n'ont pas décelé ni traité l'absence d'écart dans la chaîne d'autorité dans le poste de pilotage, et leurs suppositions respectives sur leurs compétences et leur expérience ont eu des répercussions directes sur la gestion des ressources et le style de communication.
- La pratique acceptée de ne pas effectuer un exposé complet pour toutes les approches a contribué à la coordination inefficace de l'équipage dans l'événement à l'étude, en réduisant la quantité d'informations échangées entre 2 pilotes chevronnés.
- Comme les processus définis dans le système de gestion de la sécurité (SMS) de Helijet International Inc. n'étaient pas utilisés efficacement, le SMS n'aidait pas l'entreprise à cerner et à atténuer les risques liés à ses vols d'évacuation médicale de nuit.
- Au moment de l'événement à l'étude, comme des ressources et une formation insuffisantes étaient attribuées au système de gestion de la sécurité de l'entreprise, ce dernier ne permettait pas d'atténuer efficacement les risques liés aux vols de nuit.
3.2 Faits établis quant aux risques
- L'article 602.115 du Règlement de l'aviation canadien ne définit pas la notion de « référence visuelle à la surface », que l'on interprète librement dans l'industrie comme voulant dire des « conditions météorologiques de vol à vue ». Ainsi, il est permis d'effectuer des vols de nuit sans repères visuels suffisants, ce qui accroît les risques d'impact sans perte de contrôle et d'accidents avec perte de contrôle.
- Les risques de collision sans perte de maîtrise avec le relief et d'accident avec perte de maîtrise persisteront tant que Transports Canada autorisera les vols de nuit selon les règles de vol à vue sans références visuelles adéquates.
- Si, durant des opérations de nuit selon les règles de vol à vue, les pilotes poursuivent le vol dans des conditions sans éclairage artificiel ou ambiant et sans autre moyen de maintenir le contact visuel avec la surface, il y a un risque accru d'impact sans perte de contrôle et d'accidents avec perte de contrôle.
- Si les équipages de conduite ne reçoivent pas de formation pertinente sur les vols de nuit selon les règles de vol à vue et les illusions qui peuvent se produire pendant ces vols, il y a un risque qu'ils ne soient pas adéquatement préparés à relever les défis associés aux vols de nuit.
- À l'heure actuelle, aucun processus réglementaire ne prévoit l'examen par Transports Canada des SOP d'exploitants d'aéronefs à équipage multiple assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du Règlement de l'aviation canadien. Par conséquent, il y a un risque d'adoption de procédures non optimales.
- Si l'on n'oblige pas tous les exploitants à mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité dont l'efficacité doit être évaluée par Transports Canada, il est plus probable que les risques propres à un exploitant passent inaperçus et ne soient pas atténués.
- Si les dangers cernés ne sont pas saisis dans le système de gestion de la sécurité d'une entreprise, il se peut qu'ils ne soient pas éliminés, ce qui augmente les risques d'accident.
- Si les employés qui signalent un danger ou un incident ne reçoivent pas de rétroaction ou ne constatent pas la prise de mesures correctives, il est moins probable qu'ils signaleront d'autres dangers ou incidents à l'avenir.
- La désactivation des enregistreurs de données de vol et de conversations de poste de pilotage empêche l'enregistrement de renseignements importants dans l'éventualité d'un autre événement mettant en cause l'aéronef.
- Si l'on ne consulte pas les lettres de service émises par les fabricants d'aéronefs, il y a un risque accru que des tâches d'entretien essentielles ne soient pas effectuées.
- Si un aéronef qui n'est pas en état de navigabilité et qui n'a pas fait l'objet de l'entretien requis est remis en service, il y a un risque de défaillance de composants en vol, ce qui peut mettre la vie des passagers et des pilotes en danger.
- Si les exploitants ne divulguent pas tous les détails des événements aux fabricants des aéronefs, il y a un risque que des aéronefs qui ne sont pas en état de navigabilité soient remis en service.
3.3 Autres faits établis
- Les SOP et les manuels d'exploitation de Helijet International Inc. ne comprennent pas de procédures ou de directives d'urgence concernant la manière dont l'équipage de conduite doit traiter les alertes et les avertissements du système d'avertissement de proximité du sol amélioré.
- L'exploitant ne savait pas que les enregistrements des conversations du poste de pilotage étaient protégés en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports.
- Lors de l'événement à l'étude, l'entreprise n'utilisait pas de lunettes de vision nocturne et n'était pas tenue de le faire.
- On effectuait des vols d'évacuation médicale de nuit vers l'aéroport Tofino/Long Beach, un aéroport certifié pour les vols de jour seulement.
- L'hélicoptère Sikorsky S-76C+ n'est pas doté d'un système de série enregistrant les dépassements des limites de couple de la boîte de transmission lorsque les 2 moteurs tournent. Par conséquent, l'hélicoptère avait été remis en service même s'il n'était pas en état de navigabilité.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 30 novembre 2017, le Bureau de la sécurité des transports du Canada a émis un avis de sécurité adressé à l'exploitant et à Maxcraft Avionics Ltd., mentionnant leur rôle dans la communication non autorisée des enregistrements de bord de l'aéronef en cause. L'avis de sécurité rappelait aux 2 organisations que les enregistrements de conversations dans le poste de pilotage sont protégés par la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports et que toute communication illicite de ces enregistrements constitue une infraction punissable en vertu de la Loi.
4.1.2 Helijet International Inc.
À la suite de l'événement à l'étude, l'exploitant a pris les mesures de sécurité suivantes :
- Les membres de la gestion appropriés de Helijet International Inc. (Helijet) ont été informés des procédures et protocoles nécessaires au traitement des informations privilégiées en ce qui concerne le téléchargement des enregistrements de bord.
- Helijet a accru à 18 heures la durée de sa formation annuelle sur la gestion des ressources du poste de pilotage (GRPP). On encourage aussi les ambulanciers paramédicaux à participer à cette formation. Les pilotes instructeurs et le chef pilote ont suivi une formation d'instructeur en GRPP. Les cadres supérieurs de l'entreprise (dont le directeur général) ont participé à la formation GRPP initiale.
- Des réunions de sécurité avant le vol doivent être effectuées au début de chaque quart et au besoin pour les vols spécifiques.
- Helijet, en collaboration avec les British Columbia Emergency Health Services (BCEHS), a effectué une évaluation des risques et a rédigé un plan de gestion des risques pour les vols de nuit selon les règles de vol à vue (NVFR).
- Helijet a mené sa propre enquête interne sur les causes profondes de l'événement du 15 novembre 2015 à Tofino.
- Helijet a effectué un exercice pour établir la séquence des événements entre l'appel du répartiteur et le décollage, de concert avec le service des activités aériennes des BCEHS. On a chronométré les équipages à partir de l'appel initial du répartiteur pour déterminer le temps dont ils ont besoin pour effectuer avec soin toutes leurs tâches avant le décollage. On a révisé les procédures d'utilisation normalisées (SOP) pour indiquer aux équipages de conduite de décoller « au moment opportun », et non après un nombre de minutes précis.
- On a évalué les routes NVFR pour en déterminer la précision et la conformité réglementaire. On a évalué les emplacements ruraux et éloignés qui étaient précédemment desservis la nuit pour établir des procédures d'éclairage adéquates. On a suspendu le service à plusieurs emplacements éloignés pendant les heures d'obscurité en raison de leur manque d'éclairage artificiel.
- Helijet a examiné tous les sites d'atterrissage aménagés pour vérifier l'exactitude des cartes d'atterrissage de l'entreprise. Chaque site d'atterrissage aménagé a été examiné pour déterminer si une visite du site était nécessaire et pour évaluer les risques liés aux obstructions, à l'éclairage et aux exigences de formation des premiers intervenants.
- Helijet a évalué son manuel d'exploitation et ses SOP portant sur les activités d'ambulance aérienne. L'entreprise a modifié ses SOP portant sur l'exploitation selon les règles NVFR pour qu'elles soient plus descriptives et normatives.
- Helijet a évalué et modifié son programme et son plan de formation. Elle a accru de 20 % les heures de formation offertes aux équipages de conduite pour mettre davantage l'accent sur la GRPP, l'exploitation selon les règles NVFR, l'effet de trou noir et les sites d'atterrissage non préparés.
- Helijet a embauché un directeur des systèmes de sécurité. On révise maintenant la politique de sécurité chaque année et on a mis à jour le système de gestion de la sécurité (SGS) pour mettre un nouvel accent sur la gestion des risques et des changements. Un nouveau manuel SGS a été publié; le manuel comprend une nouvelle matrice de gestion et d'admissibilité des risques; une politique de sécurité; et des objectifs de sécurité. La formation des employés sur le SGS est en cours. On a révisé le manuel d'intervention d'urgence.
- Deux évaluations SGS ont été réalisées chez Helijet. Celles-ci ont été menées par un auditeur indépendant. Les évaluations ont révélé qu'il y avait eu des améliorations significatives dans la culture d'entreprise. La base de données sur les rapports de sécurité a également été améliorée et le nombre de rapports de sécurité a augmenté.
- Une formation en SGS, en gestion des risques et en gestion du changement a été complétée pour les postes de direction, de gestion intermédiaire et de leadership, et 45% du personnel a suivi la formation intitulée « introduction au SGS ».
- Helijet a examiné et fermé tous les rapports qui étaient ouverts dans le système de gestion de la sécurité.
- Les BCEHS et Helijet ont conclu une entente de modification contractuelle ayant pour objet d'améliorer le service d'ambulance aérienne fourni aux BCEHS en vertu du contrat existant afin d'inclure des systèmes d'imagerie de vision nocturne, notamment des lunettes de vision nocturne (NVG). Le projet de mise en œuvre des NVG est en cours et comprend l'achat de NVG, la modification des aéronefs et la formation des équipages de conduite.
4.1.3 Aéroport de Tofino/Long Beach
L'aéroport de Tofino/Long Beach a installé les infrastructures nécessaires aux vols de nuit et a reçu la certification complète de Transports Canada pour ces vols le 9 janvier 2017.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Approche du système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS) vers la piste 29 de l'aéroport de Tofino/Long Beach dans le système de de navigation de surface (RNAV) basé sur le système mondial de navigation par satellite (GNSS)
Annexe B – Données de vol de la première approche vers l'aéroport de Tofino/Long Beach de l'hélicoptère dans l'événement à l'étude
Annexe C – Limites de la chaîne dynamique et dépassements de l'hélicoptère dans l'événement à l'étude
Description des limites dans le manuel de vol du giravion Sikorsky S-76C+ | Valeur limite | Valeur réelle | Durée réelle du dépassement de la limite |
---|---|---|---|
Régime du rotor (NR): Minimum continu Minimum transitoire |
106 % 91 % |
77 % | 19 secondes 15 secondes |
Couple du moteur : Maximum continu Maximum transitoire |
104 % 160 % pendant 20 secondes |
134 % | 19 secondes − |
Couple de la transmission : Maximum continu Maximum transitoire |
100 % 115 % pendant 10 secondes |
134 % | 19 secondes 16 secondes |
Vitesse de la turbine de puissance (N2) : Minimum continu |
90,5 % | 75 % | 15 secondes |
Annexe D – Carte d'atterrissage (Helijet International Inc.) du site d'atterrissage de l'hôpital de Tofino
Annexe E – Photographie aérienne et profil du vol vers l'aéroport de Tofino/Long Beach
Source : Google Earth, avec annotations du BST