Rapport d'enquête aéronautique A16P0186

Perte de maîtrise et collision avec le relief
Norjet Inc.
Cessna Citation 500 (C-GTNG)
4,5 nm NE de l'aéroport de Kelowna (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 13 octobre 2016, un Cessna Citation 500 privé (immatriculé C-GTNG, numéro de série 500-0169) a quitté l'aéroport de Kelowna (CYLW) (Colombie-Britannique) pour effectuer un vol de nuit selon les règles de vol aux instruments à destination de l'aéroport Calgary/Springbank (CYBW) (Alberta). Le pilote et 3 passagers se trouvaient à bord. Peu après le départ, vers 21 h 35, heure avancée du Pacifique, l'aéronef a viré vers la droite alors qu'il franchissait 8600 pieds en montée au-dessus du niveau de la mer, puis a amorcé un virage serré en descente jusqu'à ce qu'il percute le relief. Tous les occupants ont été mortellement blessés. Les forces d'impact et un incendie après impact ont détruit l'aéronef. Il n'y a eu aucun appel d'urgence, et aucun signal de radiobalise de repérage d'urgence n'a été détecté.

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Déroulement du vol

    À 7 h 30Note de bas de page 1 le matin du 13 octobre 2016, le Cessna Citation 500 (C500) (C-GTNG) privé a décollé de l'aéroport de Calgary/Springbank (CYBW) (Alberta) à destination de l'aéroport de Kelowna (CYLW) (Colombie-Britannique). Les conditions météorologiques à CYLW étaient les suivantes : vents légers et nuages fragmentés à 3900 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), faible pluie et visibilité de 9 milles terrestres (sm). Après l'arrivée à CYLW, vers 8 h 30, le pilote a sécurisé l'aéronef avant de se rendre à un hôtel pour se reposer.

    Le pilote est retourné à CYLW vers 18 h 30 pour préparer le vol de retour à CYBW. À 20 h 39, le pilote a déposé un plan de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) au moyen d'un logiciel de planification de vol en ligne. La route vers CYBW prévue au plan de vol passait par les points de cheminement MENBO et IGVEP; le vol devait durer 46 minutes à une altitude de croisière au niveau de vol (FL) 250Note de bas de page 2.

    Le pilote et 3 passagers sont montés à bord de l'aéronef. À 21 h 26, le pilote a obtenu du contrôleur sol à CYLW l'autorisation IFR d'effectuer la procédure de départ normalisé aux instruments (SID) KELOWNA SEVEN DEP sur la piste 34 (annexe A).

    Les instructions SID KELOWNA SEVEN DEP pour la piste 34 indiquaient de monter à 9000 pieds asl, ou à l'altitude assignée par le contrôle de la circulation aérienne (ATC), et de communiquer avec le centre de contrôle régional (ACC) de Vancouver après avoir franchi 4000 pieds asl en montée. L'aéronef devait ensuite monter et suivre le relèvement 330° magnétique (M) en rapprochement jusqu'au radiophare non directionnel Kelowna (LW). À partir de LW, l'aéronef devait monter et suivre le relèvement 330 °M en éloignement pour obtenir les vecteurs vers la route prévue et assignée.

    À 21 h 27, le C-GTNG a amorcé sa circulation au sol vers la piste 34. À 21 h 31, le contrôleur aérien à CYLW a autorisé l'aéronef à décoller depuis l'intersection de la piste 34 et de la voie de circulation D. Le pilote a accusé réception de l'autorisation et a commencé la course au décollage sur la piste 34 environ 1 minute plus tard. Les données radar indiquaient qu'à 21 h 33 min 41 s, l'aéronef se trouvait à 0,5 mille marin (nm) de l'extrémité de départ de la piste et montait à plus de 4000 pieds par minute (pi/min) en franchissant 2800 pieds asl, à un angle de montée d'environ 16°. À ce moment, l'aéronef avait dévié latéralement d'environ 3° vers la droite du relèvement 330 °M que prévoit la SID.

    À 21 h 34 min 1 s, au moment où l'aéronef se trouvait à 1,2 nm de la piste, il avait franchi 3800 pieds asl en montée et dévié encore plus vers la droite par rapport à sa route prévue. La vitesse ascensionnelle de l'aéronef a diminué à environ 1600 pi/min, et sa vitesse sol était d'environ 150 nœuds. Peu de temps après, la vitesse ascensionnelle de l'aéronef a diminué à 600 pi/min, son angle de montée a diminué à 2°, et sa vitesse sol avait augmenté à 160 nœuds.

    À 21 h 34 min 22 s, l'aéronef se trouvait à 2,1 nm de l'extrémité de départ de la piste, et il franchissait quelque 4800 pieds asl en montée. L'aéronef avait dévié d'environ 13° vers la droite de sa route prévue, et sa vitesse ascensionnelle a atteint sa valeur maximale d'environ 6000 pi/minNote de bas de page 3, à un angle de montée d'environ 22°. La vitesse sol était d'environ 145 nœuds.

    À 21 h 34 min 39 s, l'aéronef se trouvait à 2,7 nm de l'extrémité de départ de la piste, franchissait 5800 pieds asl en montée et avait dévié d'environ 20° vers la droite par rapport à sa route prévue. Sa vitesse ascensionnelle était d'environ 2000 pi/min, et son angle de montée, d'environ 7°.

    D'après la SID, le pilot devait établir une première communication avec l'ACC au moment où l'aéronef avait franchi 4000 pieds asl. La première communication a eu lieu à 21 h 34 min 42 s alors que l'aéronef franchissait 6000 pieds asl.

    À 21 h 34 min 46 s, l'ACC a accusé réception de la communication et a indiqué que l'aéronef apparaissait sur l'écran radar. L'aéronef a alors reçu l'autorisation de virer vers la droite directement vers le point de cheminement MENBO dès qu'il aurait atteint une altitude sécuritaire, ou lorsqu'il franchirait 8000 pieds asl en montée. L'aéronef a également été autorisé à suivre la route établie au plan de vol et à monter à 10 000 pieds asl.

    À 21 h 34 min 55 s, le pilote a répété l'autorisation alors que l'aéronef franchissait 6400 pieds asl en montée, à une vitesse ascensionnelle d'environ 2400 pi/min. L'aéronef suivait alors un cap approximatif de 348 °M à une vitesse sol de quelque 170 nœuds.

    À 21 h 35 min 34 s, l'aéronef a amorcé un virage vers la droite, ce qui correspondait aux instructions de l'ACC. Pour naviguer directement au point de cheminement MENBO, l'aéronef devait suivre le cap 066 °M; ainsi, il aurait dû virer vers la droite sur environ 50°. À ce stade, l'aéronef poursuivait sa montée et franchissait 8300 pieds asl. Sa vitesse ascensionnelle était d'environ 3000 pi/min.

    L'aéronef a continué de virer vers la droite en suivant le cap 085 °M. Après qu'il eut atteint l'altitude maximale d'environ 8600 pieds asl, l'aéronef a amorcé un virage serré en descente vers la droite, dont les caractéristiques correspondaient à celles d'un piqué en spirale (figures 1 à 3).

    Figure 1. Vue aérienne de la trajectoire de vol du C-GTNG (source : Google Earth, avec annotations du BST)
     
     
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    Vue aérienne de la trajectoire de vol du C-GTNG
    Figure 2. Vue latérale du profil de montée du C-GTNG (source : Google Earth, avec annotations du BST)
     
     
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    Vue latérale du profil de montée du C-GTNG
    Figure 3. Vue de la vitesse ascensionnelle du C-GTNG, de 21 h 33 min 41 s à 21 h 34 min 39 s (source : Google Earth, avec annotations du BST)
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    Vue de la vitesse ascensionnelle du C-GTNG, de 21 h 33 min 41 s à 21 h 34 min 39 s

    À 21 h 35 min 47 s, le contrôleur de l'ACC a autorisé le C-GTNG à monter au FL250. L'absence d'échos radar et de communications radio de l'aéronef a incité le contrôleur à lancer des activités de recherche.

    À 21 h 51, NAV CANADA a informé les premiers intervenants, qui ont repéré les lieux de l'accident sur un terrain boisé, vers minuit. L'aéronef était détruit, et tous les occupants avaient été mortellement blessés.

    1.2 Tués et blessés

    Tableau 1. Tués et blessés
      Équipage Passagers Autres Total
    Tués 1 3 4
    Blessés graves 0 0 0
    Légèrement blessés ou indemnes 0 0 0
    Total 1 3 4

    1.3 Dommages à l'aéronef

    L'aéronef a été détruit par la force de l'impact et l'incendie qui s'est déclaré après l'impact.

    1.4 Autres dommages

    Environ 2500 livres de carburant se trouvaient à bord de l'aéronef au moment de l'accident. L'enquête n'a pu déterminer la quantité de carburant qui a contaminé le sol ou qui a brûlé durant l'incendie après impact. Les lieux de l'accident ont fait l'objet d'une dépollution environnementale.

    1.5 Renseignements sur le personnel

    Tableau 2. Renseignements sur le pilote
    Licence de pilote Licence de pilote de ligne
    Date d'expiration du certificat médical 1er février 2017
    Heures totales de vol 3912,1
    Heures de vol sur ce type 1,0 en double commande
    525,1 comme commandant de bord
    Heures de vol au cours des 7 derniers jours 3,4
    Heures de vol au cours des 30 derniers jours 7,1
    Heures de vol au cours des 90 derniers jours 28,7
    Heures de vol sur type – 90 derniers jours 26,7
    Heures totales dans de réelles conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) 729,3
    Heures totales dans de réelles conditions IMC – 12 derniers mois 25,1
    Heures totales de vol de nuit – 12 derniers mois 7,8
    Nombre de décollages de nuit – 6 derniers mois 2
    Nombre d'atterrissages de nuit – 6 derniers mois 3
    Total des décollages/atterrissage de nuit – 12 derniers mois 19/21

    Le pilote détenait une licence de pilote de ligne canadienne avec qualification de vol aux instruments Groupe 1, qui avait été renouvelée le 31 août 2015 et qui était valide jusqu'au 1er septembre 2017. Il avait piloté divers aéronefs monomoteurs, et avait acquis son expérience sur multimoteur principalement aux commandes du Cessna Citation 560.

    Le modèle de l'aéronef à l'étude, le C500, était le premier aéronef haute performanceNote de bas de page 4 que le pilote avait piloté à titre de commandant de bord. Le pilote avait accumulé au total 525,1 heures comme commandant de bord sur l'aéronef à l'étude.

    1.5.1 Formation du pilote sur le Cessna Citation 500

    1.5.1.1 Pilotage à un seul pilote du Cessna Citation modèle 500

    Le pilote est entré au service de Norjet Inc. en février 2012 et a achevé son entraînement initial sur aéronef pour obtenir une annotation en double commande sur le C500. Afin de se qualifier pour le pilotage à un seul pilote sur le C-GTNG, toutefois, le pilote devait suivre un entraînement additionnel. En novembre 2013, le pilote a achevé cet entraînement valide pour divers modèles de Cessna Citation, dont le C500, et Transports Canada (TC) lui a délivré l'annotation pour le pilotage à un seul pilote sur le C500 le 9 décembre 2013.

    L'enquête a établi que du 19 mars au 9 décembre 2013, le pilote avait effectué seul de 61 à 68 volsNote de bas de page 5 sur le C500 sans l'annotation requise de TC pour le pilotage à un seul pilote. Toutefois, au moment de l'accident, le pilote possédait les licences et les qualifications nécessaires au pilotage à un seul pilote, en conformité avec la réglementation en vigueur.

    De 2012 à 2015, le pilote a suivi l'entraînement périodique annuel sur simulateur de vol C500 pour pilotage à un seul pilote. Cet entraînement sur simulateur comprenait les modules suivants :

    • cisaillement du vent;
    • conscience des situations à bas régime;
    • décollage interrompu avec une portée visuelle de piste de 600 pieds;
    • événements GPWS (avertisseur de proximité du sol);
    • événements TCAS (système de surveillance du trafic et d'évitement des collisions);
    • approches RNAV (navigation de surface)/GPS (système mondial de positionnement pour navigation satellite);
    • tâches en place droite;
    • prise de décisions et jugement;
    • gestion des ressources (soutien d'un membre d'équipage et ATC);
    • utilisation appropriée des systèmes automatisés;
    • conscience situationnelle;
    • calcul des données de décollage et d'atterrissage;
    • décollage aux instruments;
    • sortie d'amorce de décrochage, montée et manœuvres en vol;
    • procédures anormales et d'urgence.
    1.5.1.2 Maintien des compétences de vol de nuit.

    Le Règlement de l'aviation canadien (RAC)Note de bas de page 6 stipule qu'un pilote doit avoir effectué au moins 5 décollages et 5 atterrissages de nuit au cours des 6 mois précédents afin de pouvoir transporter des passagers la nuit. D'après le carnet de vol du pilote et les dossiers de NAV CANADA, le pilote n'avait effectué que 2 décollages et 3 atterrissages de nuit au cours des 6 mois qui ont précédé l'accident. Par conséquent, au moment de l'événement, le pilote ne satisfaisait pas aux exigences réglementaires de maintien des compétences de vol de nuit pour transporter des passagers.

    1.6 Renseignements sur l'aéronef

    Le C500 (figure 4) est un aéronef d'affaires à cabine pressurisée et à turboréacteur à double flux. Son altitude d'exploitation maximale est de 35 000 pieds asl et il est muni d'un train d'atterrissage escamotable. L'aéronef à l'étude était approuvé pour les vols de jour et de nuit selon les règles de vol à vue (VFR) et aux instruments (IFR), et il était certifié pour le vol dans des conditions givrantes connues. Le C-GTNG était également muni d'un pilote automatique (Bendix FSG-70) et d'un indicateur d'angle d'attaque.

    Figure 4. L'aéronef à l'étude (source : Michael MacKinnon)
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    L'aéronef à l'étude
    Tableau 3. Renseignements sur l'aéronef
    Immatriculation de l'aéronef C-GTNG
    Constructeur Cessna Aircraft Company/Textron Aviation
    Modèle Cessna Citation 500
    Année de construction 1974

    L'aéronef a été construit en 1974 et à l'origine était aménagé avec 7 sièges. En mars 1999, l'aéronef a fait l'objet de plusieurs modifications, notamment un aménagement à 9 places et une soute à bagages agrandie à l'arrière de l'aéronef.

    1.6.1 Pilotage à un seul pilote du Cessna Citation modèle 500

    À l'origine, le C500 a été conçu et aménagé pour le pilotage à 2 pilotes (1 pilote et 1 copilote). Cessna a conçu certaines variantes du modèle Cessna Citation, comme le C501, pour le pilotage à un seul pilote.

    En 1997, TC a publié un Avis de navigabilitéNote de bas de page 7 dans lequel on reconnaissait les similarités entre les modèles C500 et C501, TC ayant précédemment autorisé le pilotage à un seul pilote de ce dernier. D'après l'Avis de navigabilité, la certification de navigabilité pour l'exploitation à un seul pilote du C500 pouvait être délivrée au moyen du procédé d'homologation de type supplémentaire en respectant les exigences opérationnelles et de délivrance de licences en accord avec les règlements existants. Ainsi, outre l'annotation de TC pour le pilotage du C500 à un seul pilote (délivrance de la licence), 2 approbations par TC (technique et opérationnelle) étaient également requises.

    1.6.1.1 Approbation technique pour le pilotage à un seul pilote

    L'approbation technique pour le pilotage à un seul pilote du C-GTNG comptait 2 étapes. D'abord, TC devait délivrer un certificat de type supplémentaire restreint (CTS/R) pour le pilotage à un seul pilote du C500. Ensuite, des modifications techniques devaient être apportées à l'aéronef à l'étude, comme l'indique le CTS/R.

    En avril 1999, TC a délivré le CTS/R C-LSA05-240/D, qui autorisait la modification technique du type C500 pour le pilotage à un seul pilote.

    Le 28 juin 2005, pour satisfaire aux exigences techniques du CTS/R, des modifications ont été apportées à l'aéronef à l'étude, et le matériel suivant y a été installé :

    • un pilote automatique 3 axes avec couplage d'approche (Bendix FSG-70);
    • un commutateur de microphone sur le volant de commande gauche;
    • des prises de casque d'écoute et de microphone à la position du pilote;
    • un bouton de transpondeur IDENT sur le volant de commande gauche.

    Le 29 juin 2005, TC a approuvé les modifications au C-GTNG, et le 30 juin 2005, a délivré un certificat de navigabilité pour le C-GTNG, qui satisfaisait ainsi à toutes les exigences d'approbation technique stipulées par le CTS/R.

    1.6.1.2 Approbation opérationnelle pour le pilotage à un seul pilote

    Une autre approbation opérationnelle de TC était nécessaire avant que le pilotage à un seul pilote de l'aéronef à l'étude ne soit permis.

    Cette exigence était expressément stipulée dans l'Avis de navigabilité sur le pilotage à un seul pilote d'un C500 ayant été modifié selon les exigences techniques établies dans le CTS/R. Le CTS/R stipule en outre [traduction] : « Le présent CTS/R n'autorise pas le pilotage à un seul pilote. La présente approbation de modification doit s'accompagner d'une approbation opérationnelle appropriéeNote de bas de page 8 ». Le supplément du manuel de vol de l'aéronef sur le pilotage à un seul pilote du C500 réitère que Transports Canada doit émettre une approbation opérationnelle spécifique avant que le pilotage à un seul pilote d'un aéronef modifié en vertu d'un CTS/R ne soit permisNote de bas de page 9.

    Quoique des modifications techniques eussent été apportées à l'aéronef à l'étude conformément au CTS/R, on n'a trouvé aucune preuve écrite indiquant que TC avait évalué et accordé une approbation opérationnelle pour le pilotage à un seul pilote du C-GTNG. L'enquête n'a pas permis de déterminer si Norjet Inc. avait demandé cette approbation opérationnelle. Par contre, l'enquête a établi que TC n'a aucun processus officiel en place pour évaluer et accorder une approbation opérationnelle pour le pilotage à un seul pilote d'un C500.

    1.6.2 Navigabilité de l'aéronef

    Les normes de navigabilité du RAC exigent que les aéronefs aient à leur bord un manuel de vol (AFM) durant les opérations aériennes. Cet AFM, qui comprend des suppléments, contient les renseignements propres à un aéronef particulier, y compris ses limites, les procédures d'urgence, les procédures normales, les données de performance ainsi que les données de masse et centrage. L'article « Operating Limitations » (limites d'utilisation) de l'AFM indique les exigences d'équipage minimal. Seul cet article du manuel mentionne la conformité réglementaire à l'AFM.

    L'aéronef a été importé au Canada depuis les États-Unis en juin 2005. Il devait être entretenu conformément à un calendrier de maintenance approuvé conforme aux appendices C et D de la Norme 625 du RAC. La dernière inspection de maintenance à avoir été effectuée sur l'aéronef à l'étude remontait à mars 2016, après 8599 heures d'utilisation depuis la mise en service initiale de la cellule. Au moment de l'événement, l'aéronef comptait au total 8649 heures depuis la mise en service initiale de la cellule.

    Un examen des inscriptions faites dans le carnet de route d'aéronef 2 jours avant l'événement a révélé que l'on y avait inscrit que le réglage « HI » du circuit antigivrage de pare-brise était en panne et que le [traduction] « vol dans des conditions givrantes connues [était] interditNote de bas de page 10 ». Une plaquette portant la mention [traduction] « réglage HI du circuit antigivrage de pare-brise en panne » avait été installée à bord de l'aéronef. Le circuit antigivrage de pare-brise doit être fonctionnel lorsque l'on pilote un aéronef dans des conditions givrantes connues.

    Selon l'examen des dossiers techniques de l'aéronef, la dernière indication de conformité à la consigne de navigabilitéNote de bas de page 11 (AD) 79-12-06 de la Federal Aviation Administration était datée du 21 décembre 2007. L'AD 79-12-06 exige l'inspection des semelles de longeronNote de bas de page 12 supérieures et inférieures toutes les 600 heures ou tous les 600 décollages (selon la première de ces éventualités) pour s'assurer qu'il n'y a aucune fissure, à moins de mettre à exécution le Bulletin de service Cessna SB57-10 rév. 4.

    Le BS SB57-10 rév. 4 donne des instructions sur l'installation de cornières de renforcement des semelles de longeron supérieures et inférieures qui permettraient d'abolir l'exigence d'inspections aux 600 heures ou aux 600 atterrissages. Les documents de maintenance de l'aéronef à l'étude ne contenaient aucune indication que des cornières de renforcement des semelles de longeron avaient été installées.

    L'enquête n'a relevé aucune indication de conformité à la CN 79-12-06 depuis le 21 décembre 2007. Au moment de l'événement, l'aéronef avait accumulé 1062 heures de vol et effectué 1405 atterrissages depuis la dernière inspection des semelles de longeron consignée dans les dossiers techniques. L'enquête a établi le retard de l'inspection requise par la CN 79-12-06 pour l'aéronef en cause.

    1.6.3 Masse et centrage

    Les calculs de masse et centrage servent à déterminer si l'aéronef dépasse les limites permises de masse au décollage et de centre de gravité (CG). Ces calculs sont obligatoires avant chaque vol. L'exploitation d'un aéronef dont le CG est en dehors des limites pourrait nuire à sa stabilité et, dans certains cas, entraîner une perte de maîtrise.

    Lorsque l'aéronef a reçu sa première certification, sa masse maximale autorisée au décollage était de 11 500 livres. En mars 1999, sa masse maximale autorisée au décollage est passée à 12 500 livres conformément aux certificats de type supplémentaire (CTS) SA2172NM et CTS SA2646NM.

    La dernière pesée de l'aéronef remontait à juin 2007. Un examen de la fiche de données de masse à vide et de centrage de l'aéronef n'a révélé aucune anomalie. Toutefois, un examen de 2 modifications subséquentes à cette fiche des masses et centrages a révélé des erreurs de calcul qui ont influé sur la masse à vide en ordre d'exploitation et l'emplacement du CG. Le pilote avait préparé un rapport opérationnel de masse et centrage pour le vol à l'étude en se servant des derniers calculs de la fiche de masse et centrage qui étaient erronés. En conséquence, le pilote a cru que l'aéronef était conforme à son devis de masse et centrage.

    L'enquête a établi que 2 sacs de bâtons de golf ont probablement été rangés dans la soute à bagages arrière agrandie et que 4 petits sacs à dos avaient probablement été rangés dans la soute à bagages avant. D'après le plan de vol, il y avait 4 passagers à bord de l'aéronef; mais en réalité, seulement 3 passagers se trouvaient à bord. Le 4e passager avait décidé de ne pas faire le voyage. Les 3 passagers occupaient les sièges centraux orientés vers l'arrière et le divan arrière de la cabine dans l'une des 2 configurations possibles :

    • 2 passagers assis dans les sièges centraux orientés vers l'arrière et 1 passager sur le divan arrière;
    • 1 passager assis dans l'un des sièges centraux orientés vers l'arrière et 2 passagers sur le divan arrière.

    L'enquête a établi que l'aéronef transportait environ 2500 livres de carburant au moment de l'événement, et que sa masse brute était de 10 643 livres. Pour une masse brute pareille, le manuel de masse et centrage du C500 stipule que la limite avant permise du CG est de 249 pouces. Les enquêteurs ont refait les calculs de masse et centrage opérationnel de l'aéronef au moyen des bonnes données, qui exprimaient exactement la masse brute et l'emplacement du CG pour les 2 configurations d'occupation des sièges. L'enquête a établi que la masse maximale autorisée au décollage de l'aéronef était inférieure à celle permise, mais que son CG dépassait la limite avant de 3,4 ou 2,4 pouces, selon la configuration réelle d'occupation des sièges. Ces valeurs auraient eu un effet négligeable sur les caractéristiques de vol de l'aéronef durant le décollage.

    1.6.4 Groupe motopropulseur et moteurs

    L'aéronef était propulsé par 2 turboréacteurs double-flux JT15D-1A fabriqués par Pratt & Whitney Canada. Les moteurs gauche et droit comptaient respectivement 3045 heures et 2902 heures depuis leur dernière révision. Les générateurs de gazNote de bas de page 13 des 2 moteurs comptaient au total 1061 heures chacun depuis la dernière révision. Chacun de ces moteurs pouvait générer 2200 livres de poussée, et ni l'un ni l'autre n'était muni d'inverseur de poussée.

    1.6.5 Avertisseur de décrochage

    Un tremblement aérodynamiqueNote de bas de page 14 de l'aile aurait averti le pilote de l'imminence d'un décrochage du C-GTNG. Le tremblement de l'aile aurait été ressenti comme une vibration ou une secousse. Si l'aéronef était démuni de système d'avertissement de décrochage visuel ou sonore, il était néanmoins pourvu d'un indicateur d'angle d'attaque qui aurait fourni un avertissement visuel d'un décrochage imminent.

    1.6.6 Pilote automatique

    Le C-GTNG était muni d'un pilote automatique (Bendix FSG-70). Ce dispositif maintient la stabilité latérale, longitudinale et directionnelle de l'aéronef sans sollicitation des commandes de vol par le pilote.

    En cas de défaillance du pilote automatique, le pilote peut le débrayer manuellement et, si nécessaire, solliciter les commandes de vol afin d'annuler les forces motrices requises pour actionner le pilote automatique et ses composants. Une inspection du pilote automatique pour détecter toute anomalie antérieure à l'impact a été peu probante, étant donné l'incendie après impact. L'enquête n'a pas permis de déterminer si le pilote automatique était embrayé au moment de l'événement.

    1.6.7 Instruments de vol

    L'enquête a établi que l'aéronef était muni des instruments requis pour effectuer le vol à l'étude. Le tableau de vol aux instruments, qui comprenait des instruments analogiques, a été détruit par la force de l'impact et l'incendie qui a suivi. Les dossiers techniques de l'aéronef et le plan de vol du vol à l'étude ont révélé que l'aéronef était muni d'un GPS Bendix/King KLN 900 et d'un affichage cartographique dynamique Argus 7000C/ENote de bas de page 15. En outre, les instruments suivants ont été retrouvés sur le site de l'événement :

    • un indicateur radio magnétique;
    • un indicateur de situation horizontale;
    • un indicateur d'angle d'attaque;
    • un altimètre;
    • un compas magnétique;
    • un gyromètre;
    • un horizon artificiel;
    • des anémomètres.

    Le pilote avait également un GPS et un ordinateur portables à bord. L'enquête a établi que le GPS était probablement positionné près du centre du pare-brise. L'ordinateur portable a été détruit, mais les restes de quelques instruments de vol analogiques et le GPS portable ont été récupérés et envoyés au Laboratoire d'ingénierie du BST à Ottawa pour une analyse plus approfondie. L'analyse de l'horizon artificiel a établi qu'il était sous tension au moment de l'impact. Une inspection du circuit anémométrique pour détecter toute anomalie antérieure à l'impact a été peu probante, étant donné l'incendie après impact. En outre, il a été impossible d'extraire des données du GPS portable et des 2 téléphones cellulaires qui ont été récupérés, étant donné la force de l'impact et l'incendie après impact.

    1.6.8 Onduleurs

    Un onduleur est un composant électrique qui transforme le courant continu en courant alternatif pour alimenter les instruments de vol dans le poste de pilotage. Les instruments de vol, y compris l'horizon artificiel, fournissent au pilote des renseignements sur la situation en vol de l'aéronef en l'absence de toute référence visuelle. Le C-GTNG comptait 2 onduleurs qui ont été détruits par la force de l'impact et l'incendie qui a suivi.

    1.6.9 Radiobalise de repérage d'urgence

    L'aéronef était pourvu d'une radiobalise de repérage d'urgence de 121,5/243 mégahertz (MHz); toutefois, elle n'a pu transmettre de signal comme suite aux dommages causés par les forces d'impact et l'incendie qui s'est déclaré après l'impact.

    1.7 Renseignements météorologiques

    Le pilote a obtenu un exposé météorologique et a consigné les conditions à 18 h sur le plan de vol qu'il a déposé. L'enquête a établi que le pilote avait probablement obtenu des mises à jour météorologiques après 18 h en utilisant son ordinateur portable à l'aéroport avant le vol.

    Selon les prévisions, les conditions météorologiques à CYLW devaient se détériorer à mesure que le jour avançait. Au moment du départ, des conditions VFR marginales de nuit prédominaient à CYLW, et l'on faisait état de conditions météorologiques IMC connues durant la montée initiale. Le bulletin météorologique émis à 21 h 16 faisait état de vents soufflant du 330 °M à 6 nœuds, d'une visibilité de 9 sm dans de la faible pluie, de nuages fragmentés à partir de 600 pieds au-dessus du niveau du sol, et de nuages fragmentés à partir de 2300 pieds au-dessus du niveau du sol. La température était de 7 °C, le point de rosée de 6 °C et le calage altimétrique de 29,47 pouces de mercure. Environnement et Changement climatique Canada a effectué une analyse météorologique complète de la région de Kelowna. Cette analyse a établi que les conditions météorologiques à CYLW au moment de l'accident ne semblaient pas propices à une importante accumulation de glace.

    1.8 Aides à la navigation

    Rien n'indiquait que les aides à la navigation présentaient des problèmes.

    1.9 Communications

    On n'a relevé aucun défaut de qualité des transmissions radio. Aucune des communications radio entre le pilote et les contrôleurs n'était teintée d'un sentiment d'urgence ou ne rapportait une anomalie de l'aéronef.

    1.10 Renseignements sur l'aérodrome

    CYLW se trouve à environ 6 nm de la ville de Kelowna (Colombie-Britannique), dans la vallée de l'Okanagan. L'aéroport compte 1 piste asphaltée, la piste 16/34, qui mesure 8900 pieds de long sur 200 pieds de large. L'aéroport se situe du côté est de la vallée et il est entouré d'un relief élevé atteignant jusqu'à 7595 pieds asl.

    1.11 Enregistreurs de bord

    L'aéronef n'avait pas d'enregistreur de bord (FDR) ou de conversations de poste de pilotage (CVR) ni d'enregistreur de bord léger de quelque type que ce soit, et la réglementation n'en exigeait pas.

    1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

    Le site de l'accident consistait en un relief dur, rocheux et boisé, d'une élévation de quelque 3400 pieds asl. L'aéronef a percuté le relief à un taux de descente élevé dans une assiette en piqué de 67° sur un cap de 025 °M.

    L'impact à régime élevé a produit un cratère de quelque 2 pieds de profondeur. Des fragments de l'aéronef ont été projetés dans les arbres et sur une superficie d'environ 12 000 m². L'incendie après impact a détruit la majeure partie de la structure de l'aéronef et a brûlé environ 710 m² de végétation autour de l'épave (figure 5).

    Figure 5. Site de l'épave (source : Gendarmerie royale du Canada, avec annotations du BST)
    Image
    Site de l'épave

    Les 2 moteurs ont été lourdement endommagés par l'impact, et leurs composants internes présentaient les caractéristiques de moteurs qui développaient une grande puissance au moment de l'impact.

    L'aéronef avait été avitaillé en turbocombustible Jet A-1 à CYBW le matin de l'événement. Il a été impossible au cours de l'enquête de tester le carburant de l'épave; toutefois, un échantillon de carburant a été recueilli à CYBW, et l'analyse a établi que le carburant était limpide et exempt de contaminants visibles.

    L'inspection de l'épave a établi que tous les composants étaient présents sur les lieux de l'accident. Une inspection de tous les câbles de commande primaires et secondaires a établi que les câbles présentaient de nombreuses ruptures en surcharge et des dommages causés par la chaleur, probablement comme suite à l'impact et l'incendie qui a suivi. Une inspection du reste de l'aéronef pour détecter toute anomalie antérieure à l'impact a été peu probante, étant donné l'ampleur des dommages causés par les forces d'impact et l'incendie après impact.

    1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

    L'enquête n'a rien révélé qui peut laisser croire que des facteurs physiologiques auraient eu une incidence négative sur le rendement du pilote.

    Le pilote était titulaire d'un certificat médical valide de catégorie 1 et TC attestait son aptitude à piloter. L'enquête a établi que le pilote n'avait pas dépassé sa journée de service, et rien ne permettait de croire que la fatigue était un facteur.

    1.14 Incendie

    Le carburant à bord de l'aéronef a alimenté l'incendie après impact, qui s'est éteint de lui-même.

    1.15 Questions relatives à la survie des occupants

    L'accident n'offrait aucune chance de survie.

    1.16 Essais et recherche

    1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP268/2016 –  Radar Data Analysis [analyse des données radar]
    • LP274/2016 – GPS and Cell Phone Download [téléchargement des données GPS et des téléphones cellulaires]
    • LP272/2016 – Instruments Analysis [analyse des instruments]
    • LP273/2016 – Wreckage Analysis [analyse de l'épave]

    1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

    1.17.1 Norjet Inc.

    Norjet Inc. est un exploitant privéNote de bas de page 16 constitué en mai 2008 dont le siège social est à Calgary (Alberta). Au moment de l'événement, la compagnie comptait 4 propriétaires.

    La compagnie possédait et exploitait 1 aéronef privé (C-GTNG, l'aéronef à l'étude), qui était basé et entretenu à CYBW. L'aéronef servait pour des vols d'affaires et personnels, la plupart se déroulant de jour, et était exploité selon la régulation des vols par le pilote, conformément à la sous-partie 604 du RAC.

    1.17.2 Enregistrement de propriétaires privés par Transports Canada

    Les exploitants privés comme Norjet Inc. utilisent certains types d'aéronefs sous immatriculation privée en transport non commercial, souvent pour des entités commerciales. Ces types d'exploitants privés font partie du secteur de l'aviation d'affaires.

    Les nouvelles entreprises dans le secteur de l'aviation d'affaires qui souhaitent obtenir un document d'enregistrement d'exploitant privé (DEEP) doivent fournir à TC des renseignements sur l'exploitant privé, tels : des renseignements généraux sur l'entreprise, ses bases d'exploitation, son personnel de gestion, ses régions géographiques d'exploitation, ainsi que le type et le nombre d'aéronefs dans sa flotte. TC fournit un formulaire de délivrance (annexe B) à cette fin.

    C'est le bureau régional de Transports Canada Aviation civile (TCAC) de la région géographique où l'exploitant privé compte établir sa base d'exploitation qui évalue et approuve les demandes DEEP. D'après le paragraphe 604.04(2) du RAC, TC « délivre » un DEEP à la réception d'une demande qui contient tous les renseignements exigés.

    Durant l'étape d'enregistrement d'un exploitant privé, TC n'effectue aucune inspection sur place de l'exploitant (c.-à-d. sa base d'exploitation, les aéronefs qu'il exploite, les installations de maintenance ou le personnel) avant de délivrer un DEEP. L'enregistrement d'un exploitant privé se limite strictement à une approbation administrative de routine d'une demande de DEEP; aucune vérification de suivi du demandeur n'est faite pour s'assurer que ses activités sont conformes à la réglementation en vigueur.

    L'enquête a établi qu'au moment de l'accident, Norjet Inc. menait ses activités en vertu d'un DEEP, comme l'exige la réglementation.

    1.17.3 Système de gestion de la sécurité

    D'après la réglementation, les exploitants privés doivent mettre en œuvre et gérer un système de gestion de la sécurité (SGS).

    Norjet Inc. avait un SGS en place, et son manuel d'exploitation de la compagnie en soulignait plusieurs éléments. D'après ce SGS, le pilote du C-GTNG occupait simultanément les fonctions de gestionnaire des opérations, de chef pilote, de responsable de la sécurité et de responsable de la maintenance.

    Quoiqu'on eut cerné plusieurs lacunesNote de bas de page 17 dans le SGS, l'enquête n'a pas permis de déterminer dans quelle mesure ce SGS était appliqué, en pratique. L'enquête n'a pas permis de déterminer si le SGS était efficace pour cerner et atténuer les risques pour la sécurité, étant donné que l'administrateur du SGS dans son ensemble était le pilote qui a été mortellement blessé dans l'événement.

    1.17.4 Surveillance des exploitants privés

    1.17.4.1 Mise en place de la surveillance réglementaire d'exploitants privés

    Avant 1983, aucune réglementation fédérale particulière n'encadrait le secteur de l'aviation d'affaires offrant des services aériens non commerciaux. À la suite d'une série d'événements d'aviation mettant en cause des exploitants privés, TC a mis en place l'Ordonnance sur le transport des passagers à bord d'avions privés (Ordonnances sur la navigation aérienne, série 1, numéro 2). Cette ONA réglementait le transport de passagers dans le cadre d'opérations aériennes non commerciales à bord d'aéronefs turbopropulsés, pressurisés ou lourds. En 1996, après l'adoption du RAC, on a établi un mécanisme de délivrance de certificats d'exploitation privée (CEP)Note de bas de page 18 en vertu de la sous-partie 604 du RAC.

    1.17.4.2 Association canadienne de l'aviation d'affaires

    L'Association canadienne de l'aviation d'affairesNote de bas de page 19 (ACAA) a vu le jour en 1962. Sa mission était de promouvoir l'aviation d'affaires et de représenter et défendre les exploitants privés, allant de l'individu (pilote-propriétaire) aux services aériens de grandes entreprises.

    Vers la fin de 1998, TC et l'ACAA ont mené ensemble une étude pour examiner la possibilité pour TC de déléguer à l'ACAA l'administration et la surveillance des exploitants privés. Cette délégation des pouvoirs laissait entrevoir plusieurs avantages pour les 2 parties. L'ACAA estimait que cette entente permettrait aux exploitants privés de réaliser une plus grande efficacité opérationnelle en s'engageant plus directement dans la gestion de leurs propres activités de sécurité. TC y voyait l'occasion de réaffecter ses ressources, de la surveillance d'exploitants privés à la surveillance d'autres activités d'aviation perçues comme étant à risque plus élevé. Le 21 mars 2000, on a publié un rapport sur cette étude selon lequel il était faisable pour l'ACAA de superviser ce secteur d'activité. Ainsi, le 1er janvier 2003, l'ACAA a pris en charge l'administration de la certification et de la surveillance des exploitants privésNote de bas de page 20.

    Le 11 novembre 2007, il y a eu un accidentNote de bas de page 21 mettant en cause un exploitant privé. Un aéronef s'était posé en deçà de la piste d'atterrissage à l'aérodrome de Fox Harbour (CFH4) (Nouvelle-Écosse). Des 10 occupants à bord, 2 ont été grièvement blessés et 8 légèrement blessés. L'enquête sur cet accident a mis en lumière l'inefficacité de la gestion des risques associés à la transition à un nouveau type d'aéronef plus grand.

    Le rapport d'enquête a souligné qu'un SGS « intègre des politiques, des pratiques et des procédures de gestion des risques saines pour les opérations courantes d'une compagnie. Sa mise en place, si elle est bien faite, offre un grand potentiel de réduction du nombre d'accidents. » Le BST a soulevé des questions à propos de la mise en œuvre inadéquate des SGS par des exploitants privés. On a en outre conclu que depuis la mise en place de la nouvelle approche réglementaire à l'égard des exploitants privés, la surveillance par TC de l'ACAA, de ses vérificateurs homologués ou des titulaires de CEP avait été inefficace. Le BST a également commenté, dans le rapport d'enquête aéronautique A13H0001, le cadre de surveillance systémique requis pour superviser la sécurité d'exploitants privés :

    L'approche traditionnelle de la surveillance des inspecteurs de TC se limitait à vérifier la conformité réglementaire des exploitants. Toutefois, pour accroître le niveau de sécurité au-delà de la simple conformité réglementaire, TC a adopté une approche systémique de la surveillance. Ce type d'approche exige que l'on vérifie non seulement si les exploitants se conforment à la réglementation, mais également s'ils ont en place des processus pour développer et gérer efficacement les mesures nécessaires pour corriger les causes sous-jacentes des non-conformités. À long terme, cette approche favorisera davantage la sécurité qu'un programme comprenant uniquement des inspections traditionnelles et des rectifications ponctuelles. […]

    L'approche systémique peut être efficace pour tous les systèmes et processus, mais on doit d'abord vérifier la capacité des exploitants de cerner et de rectifier eux-mêmes les conditions dangereuses sous-jacentes.

    Dans son rapport d'enquête sur l'événement à Fox Harbour, le BST a établi que « [s]i l'organisme de réglementation ou l'agence déléguée n'assurent pas une surveillance adéquate des exploitants titulaires d'un CEP surtout pendant la mise en place d'un SGS, le risque augmente que des lacunes de sécurité ne soient pas décelées. » Par conséquent, le BST a recommandé que

    le ministère des Transports veille à ce que l'Association canadienne de l'aviation d'affaires adopte un programme d'assurance de la qualité efficace pour la vérification de ses titulaires de certificat.
    Recommandation A09-06 du BST

    1.17.4.3 Reprise par Transports Canada des activités de surveillance des exploitants privés

    Le 16 mars 2010, TC a annoncé qu'on allait reprendre à l'ACAA la surveillance et l'administration des exploitants privés. Le transfert des responsabilités a eu lieu le 1er avril 2011. TC avait dit que, durant la période de transition, on ferait un examen approfondi de la structure de surveillance et de réglementation afférente aux exploitants privés.

    En décembre 2012, TC a informé le BST qu'on préparait de nouveaux règlements pour la sous-partie 604 du RAC qui allaient inclure les exploitants privés dans le cadre de la planification de la surveillance du ministère. Ces nouveaux règlements ont été incorporés au RAC et sont entrés en vigueur en 2014.

    En janvier 2015, TC a confirmé que son programme de surveillance engloberait tous les exploitants assujettis à la sous-partie 604 du RAC. Par conséquent, le BST a déterminé que la réponse à la recommandation A09-06 dénotait une attention entièrement satisfaisante.

    1.17.4.4 Surveillance des exploitants privés au moment de l'événement

    Au moment de l'événement, l'approche de TC relative à la surveillance d'exploitants privés se fondait entièrement sur des processus de surveillance réactifs. En fait, peu avant l'événement, soit le 17 août 2016, TC avait informé son personnel, par un bulletin interne de procédures (BIPNote de bas de page 22), qu'on allait exempter temporairement des secteurs entiers de l'aviation civileNote de bas de page 23, y compris le secteur de l'aviation d'affaires, de son programme de surveillance prévue. Durant son évaluation des risques en aviation, TC avait déterminé que les risques d'incidents ou d'accidents graves dans les secteurs exemptés étaient faibles.

    Ainsi, d'après le BIP, les exploitants privés ne feraient pas l'objet d'activités de surveillance prévues. TC a ajouté que la supervision continue de ces secteurs se poursuivrait, et que la suspension de sa surveillance des exploitants privés serait temporaire. Toutefois, aucune date n'a été fixée pour la reprise du programme de surveillance prévu des exploitants privés.

    Le 7 décembre 2016, TC a diffusé un BIP réviséNote de bas de page 24 selon lequel, en fonction des indicateurs de risque courants à ce moment-là, les exploitants privés continueraient d'être exemptés de ses politiques et procédures de surveillance prévues jusqu'à nouvel ordre, pendant que le ministère révisait son programme de surveillance pour ce secteur d'activité. Quoique TC continuerait de superviser les exploitants privés, on a affirmé que ces exploitants seraient uniquement « assujettis aux autorisations réglementaires/de certification et aux inspections réactives » [c'est nous qui soulignons], à moins que des indicateurs de risque individuels ne justifient des mesures additionnelles de supervision ou de surveillanceNote de bas de page 25.

    Le BIP mentionnait également que s'il se produisait un incident ou un accident grave, ou si les niveaux de risque devenaient source de préoccupation, le titulaire du DEEP en cause ferait l'objet d'un examen par le directeur régional de l'aviation civile de TC. On ajoutait que toute baisse des niveaux acceptables de sécurité pourrait justifier une supervision accrue par TC. Une évaluation de l'incidence du BIP devait avoir lieu en août 2017. Or, au moment de la présente enquête, rien ne permettait de croire que TC avait effectué cette évaluation.

    1.17.4.5 Surveillance de Norjet Inc.

    L'enquête a établi que depuis l'établissement de Norjet Inc. en 2008, TC n'avait entrepris aucune activité de surveillance pour superviser les opérations aériennes de cette compagnie.

    1.18 Renseignements supplémentaires

    1.18.1 Traitement de l'information et charge de travail du pilotage à un seul pilote

    Les pilotes travaillent dans un environnement complexe qui compte plusieurs sources et types de renseignements à surveiller. En même temps, la capacité d'attention et de traitement de l'information de l'humain est limitée.

    La charge de travail dépend du nombre de tâches à accomplir dans un laps de temps donné. Si le nombre de tâches à accomplir augmente, ou si le temps disponible pour les accomplir diminue, la charge de travail augmente. Des niveaux élevés de stress peuvent nuire à la capacité d'un pilote à percevoir et à évaluer les indices dans son environnement et peuvent entraîner une diminution de l'attentionNote de bas de page 26. Des études ont montré que les personnes ayant une charge de travail élevée ont tendance à ne porter attention qu'aux stimuli qu'elles perçoivent comme étant les plus importants ou les plus pertinents selon la tâche à accomplirNote de bas de page 27. Ainsi, les pilotes risquent d'être attentifs uniquement à certains indices, et d'en exclure d'autres.

    La charge de travail des pilotes est à son comble durant le décollage et peu après ce dernierNote de bas de page 28, en particulier durant les vols de nuit à un seul pilote dans des conditions IMC. Le pilote doit rapidement délaisser les repères visuels à l'extérieur du poste de pilotage et s'en remettre à la surveillance des instruments dans le poste de pilotage pour gérer les systèmes de l'aéronef et établir un angle et une taux de montée conformes à un départ sécuritaire.

    Pour comprendre les conditions dans lesquelles le pilote a travaillé durant le décollage et la montée initiale, les enquêteurs ont examiné la séquence normale des tâches requises. Peu après le décollage, ayant établi une vitesse ascensionnelle positive, le pilote doit rentrer le train d'atterrissage et les volets et confirmer qu'ils sont bien rentrés. Normalement, le pilote utiliserait le pilote automatique pour gérer la montée verticale, la vitesse anémométrique et la tenue d'axe pour rallier l'aide à la navigation (dans l'événement à l'étude, il s'agit du radiophare non directionnel).

    Si le pilote automatique n'est pas embrayé, le pilote doit alors piloter manuellement l'aéronef et naviguer en même temps. Cela comprend l'établissement et le maintien d'un profil de montée précis, tout en balayant des yeux les instruments de l'aéronef et en interprétant leurs données. Le pilote doit aussi changer de fréquence radio, communiquer avec l'ATC et écouter et suivre ses autorisations, en plus d'établir de nouvelles autorisations d'altitude avec le bouton d'affichage d'altitude.

    1.18.2 Orientation visuospatiale dans des conditions de visibilité réduite

    Les informations sensorielles les plus précises à la disposition des pilotes relativement à l'assiette et au mouvement de leur aéronef proviennent d'indices visibles à l'horizon et sur les instruments de vol de l'aéronef. En l'absence de ces informations, par exemple, lorsque les conditions météorologiques ou la noirceur occultent l'horizon ou lorsque l'attention du pilote est détournée des instruments de vol, l'oreille interne, source peu fiable d'information sensorielle en vol, peut neutraliser le sens d'orientation spatiale du pilote. Cela pourrait entraîner une désorientation spatiale, c'est-à-dire l'incapacité du pilote d'interpréter correctement l'assiette, l'altitude ou la vitesse anémométrique de l'aéronef par rapport à la terre ou à d'autres points de référenceNote de bas de page 29.

    Le pilote qui effectue des vols de nuit et dans des conditions IMC doit se fier à d'autres indices visuels (c.-à-d. les instruments de vol) pour s'orienter. Par conséquent, ces opérations présentent généralement un risque plus élevé de désorientation spatiale pour les pilotes que celles qu'ils exécutent durant le jour et dans des conditions météorologiques de vol à vueNote de bas de page 30. Les pilotes ayant peu d'expérience IFR sont les plus sujets à la désorientation spatialeNote de bas de page 31.

    De nombreuses illusions qui touchent les systèmes visuel ou vestibulaire peuvent causer la désorientation spatiale. L'illusion somatogravique et l'effet de Coriolis sont 2 illusions susceptibles d'être pertinentes à l'événement à l'étude.

    L'illusion somatogravique est le résultat d'un rétablissement en vol en palier après une montée rapide; le système vestibulaire est alors excessivement stimulé, ce qui induit l'illusion d'un basculement vers l'arrière. Cette illusion [traduction] « mène le pilote à pousser sur la commande de profondeur pour abaisser le nez de l'aéronef », ce qui ne fait « qu'aggraver la fausse perception première relativement à la gravitéNote de bas de page 32 ».

    L'effet de Coriolis se produit [traduction] « lorsque l'aéronef fait un mouvement de roulis ou de tangage et que le pilote bascule sa tête dans un autre plan que le plan de rotation de l'aéronef ». La combinaison des mouvements de roulis ou de tangage de l'aéronef et de bascule de la tête stimule 2 (de 3) ensembles de canaux semi-circulaires dans le système vestibulaire, ce qui crée « une sensation de rotation dans un plan opposé » lorsque cesse le mouvement de rotation. « En l'absence de repères visuels fiables, il se peut que le pilote réagisse à cette fausse illusion en mettant l'aéronef en pirale en sens opposéNote de bas de page 33 ».

    Les conditions de vol qui comprennent des accélérations prolongées peuvent entraîner des illusions somatograviques. Toute combinaison de telles accélérations et de mouvements soudains de la tête peut engendrer instantanément l'effet de Coriolis. Ces illusions peuvent être si fortes, que même un balayage visuel conscient des instruments de vol pourrait ne pas suffire à inciter le pilote à solliciter les commandes de vol pour effectuer les corrections adéquates.

    Dans le cas d'un aéronef à équipage multiple, il est rare que les 2 pilotes subissent en même temps une désorientation spatiale, et une surveillance appropriée des instruments de vol du pilote qui n'est pas aux commandes est alors cruciale. Un pilote seul aux commandes doit relever un plus grand défi, soit de reconnaître la désorientation spatiale et composer avec cette dernière. Si un pilote seul devient désorienté, il n'a personne pour contre-vérifier l'information et surveiller les sollicitations des commandes ou à qui céder les commandes ou demander conseil sur l'utilisation du pilote automatique.

    1.18.3 Conception et aménagement du poste de pilotage par rapport au risque de désorientation spatiale

    L'aménagement du poste de pilotage, y compris la disposition et la présentation des instruments, compte pour beaucoup dans la création d'un environnement convivial pouvant contrer la désorientation spatiale du pilote. Si des instruments principaux se trouvent là où le pilote ne peut facilement les apercevoir par un balayage visuel, la manipulation de commutateurs durant les phases de vol cruciales pourrait exiger du pilote d'importants mouvements de la tête. Ces mouvements de tête peuvent augmenter la probabilité que l'effet de Coriolis survienne. L'ergonomie des postes de pilotage doit tenir compte de ces facteurs pour éviter aux pilotes d'importants mouvements de la tête durant les phases de vol cruciales.

    L'aménagement de l'aéronef à l'étude était d'ancienne génération. La commande du pilote automatique était installé bas sur le pylône central du poste de pilotage, entre les sièges du pilote et du copilote.

    1.18.4 Limiter les risques de la désorientation spatiale

    Les connaissances et l'expérience sont les principaux facteurs déterminants de la fragilité d'un pilote à la désorientation spatialeNote de bas de page 34. Les pilotes sont particulièrement susceptibles à la désorientation spatiale lorsqu'ils ont peu de repères visuels externes pour déterminer l'assiette de l'aéronef. Une méconnaissance de la désorientation spatiale augmente aussi les chances qu'elle se produiseNote de bas de page 35 à l'insu du pilote et qu'elle l'empêche d'agir pour en contrer les effets.

    Si un pilote ignore qu'il y a possibilité de désorientation spatiale, ses chances de reconnaître une illusion et d'agir pour en contrer les effets sont limitées. Pareillement, en cas de désorientation, un pilote qui n'a pas les compétences nécessaires pour piloter aux instruments de façon sécuritaire a peu de chances de s'en sortir.

    Dans son Operator's Guide to Human Factors in AviationNote de bas de page 36, la Flight Safety Foundation propose aux pilotes plusieurs astuces pour gérer la désorientation spatiale et les illusions visuelles en vol :

    • La conscience de l'information trompeuse que peut fournir l'organe vestibulaire.
    • La confiance et les compétences en vol aux instruments, ainsi que le maintien de ces compétences, réduisent énormément le risque de désorientation.
    • L'acquisition de l'expérience en maîtrise de l'aéronef dans un environnement qui comprend des indices d'orientation contradictoires.
    • Dans les moments de stress, la prise de décisions fondées sur les instruments; éviter de s'en remettre à son instinct ou à ses perceptions.
    • La confiance dans les indications des instruments, peu importe la sensation, pour se remettre de la désorientationNote de bas de page 37.

    Les pilotes doivent suivre un entraînement pratique approprié s'ils veulent acquérir les connaissances et les compétences nécessaires pour piloter un aéronef correctement et sûrement, surtout dans des conditions difficiles. Une expérience nourrie et la répétition régulière améliorent la maîtrise en renforçant les leçons apprises.

    Dans les situations imprévues, les pilotes sont mieux préparés s'ils ont appris à reconnaître des circonstances semblables; ils peuvent alors rapidement identifier la situation, l'évaluer, puis décider quoi faire. Les pilotes amélioreront leur capacité à surmonter la désorientation spatiale en se mesurant à des situations à risque élevé qu'ils vivent rarement, mais dans des conditions à faible risque, comme dans un simulateur de vol ou durant l'entraînement en ligne. Pour atténuer les risques d'incapacité causée par la désorientation spatiale, l'Australian Transport Safety Bureau recommandeNote de bas de page 38 que les pilotes combinent l'exposition régulière au vol aux instruments avec des démonstrations de désorientation en vol et l'entraînement aux techniques de rétablissement en cas de perte de contrôle ou d'assiette anormaleNote de bas de page 39Note de bas de page 40.

    La récence de l'entraînement joue un rôle dans la faculté de se remémorer une compétence apprise et l'intégrité de cette faculté. Plus tôt le pilote met en pratique les leçons apprises après l'entraînement, meilleure sera sa performance. Le « transfert de connaissances » veut dire l'application aux tâches opérationnelles des connaissances, des compétences et de la compréhension acquises lors d'une formation (ou en salle de cours)Note de bas de page 41. Un transfert de connaissances positif peut se faire par l'application en situations réelles des compétences acquises durant la formationNote de bas de page 42.

    Un aéronef muni d'un pilote automatique permet au pilote de maintenir un vol sécuritaire, même lorsqu'il est en proie à la désorientation spatiale. Si le pilote automatique est embrayé et fonctionne correctement, un pilote désorienté peut s'en servir pour surmonter les sensations vestibulaires sans compromettre la stabilité de l'aéronef par des sollicitations inappropriées des commandes de vol. Le vol sans le pilote automatique, le pilotage d'un aéronef dépourvu d'un pilote automatique, ou une défaillance du pilote automatique peuvent contribuer à la désorientation spatiale d'un pilote aux commandesNote de bas de page 43.

    1.18.5 Enregistreurs de bord

    1.18.5.1 Enregistreurs de données de vol, de conversations de poste de pilotage et d'images/vidéo d'événement

    De nombreux rapports d'enquête aéronautique du BST ont fait état d'enquêteurs incapables de déterminer les raisons pour lesquelles un accident s'était produit, étant donné l'absence de dispositifs d'enregistrement de bord. Les avantages des données de vol enregistrées dans le cadre d'enquêtes sur les accidents d'aéronefs sont bien connus et documentésNote de bas de page 44.

    Depuis plusieurs décennies, les enregistreurs de données de vol (FDR) et les enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) sont conçus, prévus et installés pour enregistrer les données de vol et de poste de pilotage aux fins d'enquête sur les accidents. Les FDR enregistrent de nombreux paramètres d'aéronef, comme l'altitude, la vitesse anémométrique, le cap, etc., plusieurs fois par seconde. Les CVR enregistrent les transmissions radio et les sons ambiants dans le poste de pilotage, y compris les voix des pilotes, les alertes et le bruit des moteurs. Les enregistreurs d'images/vidéo fournissent des vidéos de l'équipage de conduite immédiatement avant, pendant et après un événement.

    À l'heure actuelle, les CVR et FDR constituent la méthode la plus complète de saisie de grandes quantités de données de vol aux fins d'enquêtes sur les accidents.

    Les enquêteurs peuvent également obtenir les données téléchargées depuis les dispositifs GPS, moniteurs de moteur et autres sources de mémoire rémanente qui ne sont pas protégées contre les impacts. Les enquêtes dans lesquelles on peut compter sur les données de telles sources, ainsi que celles d'autres enregistreurs, donnent de meilleures chances de cerner des lacunes de sécurité que les enquêtes qui ne peuvent compter sur des données de FDR et de CVR.

    1.18.5.2 Exigences sur les enregistreurs de données de vol et enregistreurs de conversations de poste de pilotage

    Au Canada, l'article 605.33 du RAC, « Enregistreur de données de vol et enregistreur de la parole dans le poste de pilotage », stipule les règlements sur les FDR et CVR. En vertu de cette disposition, les exigences relatives aux FDR et CVR à bord d'aéronefs se fondent principalement sur le nombre et le type de moteurs, le nombre de sièges passagers et le type d'exploitation.

    De plus, un FDR et un CVR sont obligatoires dans le cas d'opérations aériennes avec des aéronefs multimoteurs à turbine en configuration de 6 sièges passagers ou plus, et dont le certificat de type ou la sous-partie à laquelle ils sont assujettis exigent 2 pilotes.

    Étant donné les caractéristiques et la configuration de l'aéronef en cause, et la nature de ses opérations aériennes privées, la réglementation en vigueur n'exigeait pas que le C-GTNG soit muni d'un FDR ou d'un CVR.

    1.18.5.3 Systèmes d'enregistrement des données de vol légers

    Les aéronefs en exploitation commerciale qui pèsent moins de 12 500 livres (5700 kg) ne sont habituellement pas munis en usine de l'infrastructure système requise pour un FDR. L'installation d'un FDR conventionnel exigerait des modifications pour cette catégorie d'aéronefs. En outre, l'installation de FDR conventionnels est incompatible avec beaucoup d'autres types d'aéronefs qui sont exploités à des fins non commerciales.

    Plusieurs fabricants proposent actuellement des systèmes d'enregistrement des données de vol légers capables d'enregistrer une combinaison de données vidéo et audio du poste de pilotage, de données paramétriques de l'aéronef ou des messages de liaison de données. Ces systèmes offrent ainsi un moyen accessible et réalisable d'enregistrement des données de vol utiles, peu importe le type d'aéronef ou d'opération aérienne. Le coût, la conception et la complexité de ces systèmes varient d'un modèle à l'autre. On les destine à une mise en œuvre prochaine par des exploitants aériens, commerciaux ou non, qui ne sont pas pour l'instant assujettis aux exigences réglementaires sur les FDR et CVR. Ainsi, les systèmes d'enregistrement des données de vol légers sont une solution de rechange potentielle pour certains secteurs de l'aviation civile.

    En 2016, les parties I et III de l'annexe 6 des Normes et pratiques recommandées de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) ont été modifiées pour recommander que certaines catégories d'aéronefs qu'utilisent les exploitants commerciaux soient munies d'enregistreurs de bord légers. Ces Normes et pratiques recommandées ont pour objet les aéronefs et giravions à turbomoteur d'une masse maximale autorisée au décollage supérieure à 2250 kg, et pour lesquels une demande de certification de type a été faite à compter du 1er janvier 2018. L'annexe 6 de l'OACI définit les enregistreurs de bord légers ainsi :

    Minimum Operations Specifications (MOPS) Note de bas de page 45

    En vertu de l'Annexe 6 de l'OACI, les enregistreurs de bord légers doivent en outre se conformer à la norme Minimum Operational Performance Specification for Lightweight Flight Recording Systems (ED-155) de l'EUROCAE, qui [traduction]

    définit les normes minimales auxquelles doivent se conformer les aéronefs qui doivent être munis de systèmes d'enregistrement des données de vol légers [...]. Elle a pour objet les systèmes d'enregistrement de bord robustes, le matériel auxiliaire et leur installation à bord d'un aéronef.

    Ce document peut également servir de lignes directrices aux fabricants qui entendent développer ou installer des systèmes d'enregistrement des données de vol légers qui pourraient servir à d'autres usages, comme la formation au pilotage ou le suivi des données de volNote de bas de page 46.

    En outre, de 2005 à 2015, 12 recommandations de sécurité présentées à l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) par 7 organismes d'enquête différents en Europe proposaient que les aéronefs qui ne sont pas actuellement visés par la réglementation sur les FDR et CVR soient munis d'enregistreurs de bordNote de bas de page 47.

    Pour se conformer aux modifications récentes à l'annexe 6 de l'OACI et répondre à ces recommandations, l'AESA a publié un Avis de proposition de modification en 2017 selon lequel de nouveaux règlements prescriraient les enregistreurs de bord légers pour certaines catégories d'aéronefs et de giravions exploités à titre commercial. Les modifications que propose l'AESA, en plus d'harmoniser sa réglementation en fonction des modifications récentes à l'annexe 6, incluent les aéronefs autres qu'à turbomoteur, dont le nombre maximal de sièges passagers est supérieur à 9.

    Au Canada, aucune réglementation n'exige que les aéronefs soient munis d'un système d'enregistrement des données de vol léger, selon la définition qu'en donnent l'OACI et l'EUROCAE (ED-155). Toutefois, l'utilisation volontaire de ces dispositifs par les exploitants aériens commerciaux et non commerciaux est de plus en plus fréquente. En effet, un nombre croissant d'exploitants aériens se familiarisent avec les avantages pour la sécurité des systèmes d'enregistrement des données de vol légers.

    1.18.5.4 Recommandation A13-01 du BST (mai 2013)

    Le BST a enquêté sur un incident de perte de maîtrise et désintégration en vol au nord-est de Mayo (Yukon)Note de bas de page 48 survenu en mars 2011. En 2013, le BST a constaté que, dans le cadre d'une enquête, l'absence d'enregistrement des conversations de poste de pilotage ou d'enregistrement des données de vol peut empêcher la détermination et la communication de lacunes de sécurité qui pourraient améliorer la sécurité des transports. Dans le préambule à sa recommandation, le BST affirmait que,

    Le Bureau a reconnu qu'il faudra régler certains enjeux pour faciliter l'utilisation efficace des enregistrements provenant des systèmes d'enregistrement des données de vol légers, entre autres l'intégration de ce dispositif dans un aéronef, la gestion des ressources humaines et des enjeux d'ordre juridique, comme les restrictions sur l'utilisation d'enregistrements de conversations et vidéo dans le poste de pilotage.

    Néanmoins, compte tenu des possibilités qu'offrent cette technologie et le suivi des données de vol (SDV) pour améliorer considérablement la sécurité, le BST croit qu'aucun effort ne doit être épargné pour surmonter ces obstacles. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

    le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées en ce qui a trait à la mise en œuvre du suivi des données de vol et à l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers par les exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
    Recommandation A13-01 du BST

    TC a reconnu que les programmes de suivi des données de vol amélioreraient la sécurité, et le ministère a pris les mesures suivantes pour aborder les lacunes de sécurité soulevées par la Recommandation A13-01 :

    • En 2013, après avoir réalisé une évaluation des risques pour étudier d'autres méthodes de SDV, TC a fait savoir au BST qu'on appuyait la recommandation A13-01. En 2015, TC a fait savoir au BST qu'on entendait réviser cette évaluation des risques.
    • En 2013, TC a fait savoir au BST qu'on allait rédiger une circulaire d'information pour décrire les pratiques recommandées concernant les programmes de SDV.
    • En 2013, TC a fait savoir au BST qu'on allait incorporer l'analyse et l'étude de la recommandation A13-01 dans une évaluation des enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) et enregistreurs de données de vol (FDR), censée débuter en 2014-2015.
    • En 2014, TC a fait savoir au BST qu'on allait étudier la possibilité d'ajouter les principes du SDV à de futures initiatives et modifications réglementaires.
    • En 2015, TC a fait savoir au BST qu'on allait rédiger un document de travail comprenant des renseignements factuels sur l'utilisation du SDV, ainsi que ses avantages, ses coûts et ses défis.

    Cependant, en raison d'autres engagements ministériels, TC n'a entrepris aucun de ces travaux.

    En février 2018, TC a organisé un groupe de discussion composé d'intervenants du secteur afin d'évaluer les défis et les avantages de l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers à bord d'aéronefs qui ne sont pas actuellement tenus d'en être munis.

    Cependant, d'ici à ce que ce groupe de discussion formule des conclusions sur les défis et avantages de l'installation de ces systèmes dans les petits aéronefs, et à ce que TC indique au BST le plan d'action découlant de ces conclusions, on ignore quand et comment la lacune de sécurité soulevée par la recommandation A13-01 sera corrigée. Le Bureau juge préoccupant le fait que très peu de mesures concrètes sont prises pour mettre la recommandation A13-01 en pratique. Le Bureau estime que cela causera d'importants retards, comme dans le cas de nombreuses autres recommandations.

    Par conséquent, à l'égard de la réponse à la recommandation A13-01, le Bureau estime que son évaluation est impossible.

    1.18.5.5 Avantages manifestes des systèmes d'enregistrement des données de vol légers

    Le BST a enquêté sur un événement récentNote de bas de page 49 au cours duquel un aéronef privé qui volait selon un plan de vol IFR a percuté le relief durant le segment d'approche finale à l'atterrissage. Les 7 occupants ont été mortellement blessés.

    Même si la réglementation ne l'exigeait pas, cet aéronef avait à son bord un système d'enregistrement des données de vol léger. Les enquêteurs du BST ont récupéré l'enregistreur parmi les décombres, et le Laboratoire d'ingénierie du BST a pu en extraire les données et les analyser. Les renseignements ainsi obtenus ont été essentiels pour comprendre la chronologie des faits qui a mené à la perte de maîtrise de l'aéronef. Sans système d'enregistrement à bord, les enquêteurs n'auraient pas obtenu ces renseignements cruciaux à la compréhension des circonstances et faits qui ont mené à cet événement.

    En revanche, dans l'événement à l'étude, les enquêteurs n'avaient aucun des renseignements que contiennent normalement les systèmes d'enregistrement de données de vol. Par conséquent, si les enquêteurs n'ont pas ces données, ils risquent d'être incapables de cerner et de bien comprendre les facteurs causals et contributifs sous-jacents.

    Quoique la Recommandation A13-01 ait ciblé les exploitants commerciaux, ces 2 événements récents font ressortir la valeur d'un système d'enregistrement des données de vol léger à bord d'aéronefs privés en démontrant l'importance de la disponibilité des données.

    2.0 Analyse

    2.1 Généralités

    L'aéronef a percuté le relief après que le pilote en eut perdu la maîtrise, pour des raisons que l'on ignore.

    Il n'y avait aucun enregistrement des données de vol, des conversations de poste de pilotage ou vidéo qui aurait permis d'établir une chronologie détaillée des actions dans le poste de pilotage. Par conséquent, on n'a pu déterminer si un événement anormal s'était produit avant la descente rapide de l'aéronef. Rien n'indique que des facteurs environnementaux auraient contribué à cet événement.

    Étant donné la destruction quasi totale des composants comme suite à la collision et à l'incendie après impact, il a été impossible au cours de l'enquête de déterminer si des problèmes mécaniques ou électriques préexistants auraient pu entraîner la perte de maîtrise et la collision avec le relief. Un examen de l'épave n'a révélé aucune dislocation des composants de l'aéronef avant l'impact. Un examen des moteurs a indiqué qu'ils développaient une puissance importante au moment de l'impact. L'échantillon de carburant prélevé à l'aéroport Calgary/Springbank (CYBW), source du carburant de l'aéronef, ne contenait aucune contamination visible.

    Rien n'indiquait que la fatigue ou d'autres facteurs physiologiques auraient contribué à l'accident. Le pilote possédait les qualifications ainsi que la licence appropriée pour effectuer le vol. Par contre, avant d'effectuer le vol à l'étude avec des passagers à bord, il n'avait pas effectué le nombre de décollages et d'atterrissages de nuit exigé par la réglementation.

    Rien n'indiquait que les passagers avaient contribué à l'accident.

    L'analyse portera sur le scénario possible de désorientation spatiale du pilote, sur la masse et le centrage de l'aéronef, sur des anomalies techniques, sur la surveillance des exploitants privés par Transports Canada (TC), et sur l'importance des enregistreurs de bord.

    2.2 Scénario s'appuyant sur un accident causé par la désorientation spatiale

    On a envisagé comme scénario possible la perte de maîtrise dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) la nuit, et l'entrée de l'aéronef dans une assiette inhabituelle comme un piqué en spirale. Des facteurs cognitifs ou physiologiques auraient pu contribuer à la perte de maîtrise en limitant la capacité du pilote de surveiller et de comprendre correctement les indications des instruments de vol. On a également envisagé la possibilité que le pilote ait subi une combinaison de désorientation spatiale, de charge de travail élevée, et une baisse de l'attention due au pilotage de l'aéronef à un seul pilote.

    Dans l'événement à l'étude, les conditions météorologiques ont limité la visibilité peu de temps après le décollage. Le pilote a donc dû se fier exclusivement aux instruments de vol pour l'aider à naviguer. Durant la montée initiale, et dans les quelques secondes qui ont suivi le décollage, l'aéronef a subi des changements rapides de vitesse ascensionnelle; diminution de 4000 pieds par minute (pi/min) à 600 pi/min en quelque 20 secondes, puis augmentation à environ 6000 pi/min 10 secondes plus tard. L'aéronef a fini par afficher une vitesse ascensionnelle normale lorsqu'il se trouvait à environ 5800 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl).

    L'aéronef s'est aussi écarté de sa route prévue vers la droite, peu après le décollage et jusqu'à peu avant la perte de maîtrise. De 3° au début, l'écart a atteint un maximum de quelque 20°.

    Il se peut que le risque d'illusion somatogravique (ou fausse sensation de tangage) chez le pilote ait augmenté dû à : l'accélération avant intermittente durant le décollage; la montée dans des conditions IMC la nuit; la réduction ultérieure de la vitesse ascensionnelle lorsque l'aéronef s'est stabilisé en approchant les 5800 pieds asl. Il se peut qu'au même moment, le pilote ait fait un ou plusieurs mouvements de la tête pour chercher ou actionner une commande de vol (par exemple, la commande du pilote automatique, située au bas du pylône central entre les sièges). Ces mouvements auraient accru le risque de stimulation des canaux semi-circulaires de l'oreille interne et de production de l'effet de Coriolis, de même que la sensation de basculement qui l'accompagne.

    Le pilotage d'un aéronef à un seul pilote impose une charge de travail élevée qui aurait pu diminuer l'attention du pilote et le porter à se concentrer sur certains instruments de vol au détriment d'autres. Cette situation aurait mis encore plus à l'épreuve la capacité du pilote de maîtriser l'aéronef.

    La connaissance du phénomène de désorientation spatiale et la sensibilisation à ce dernier permettent de le reconnaître et de le contrer plus facilement. Un entraînement récent sur la façon de reconnaître la désorientation spatiale accroît la capacité du pilote de la surmonter dans des situations réelles. Piloter de nuit, dans des conditions de visibilité limitée et sans l'aide d'un second membre d'équipage aurait été particulièrement difficile pour le pilote. En effet, son expérience des vols de nuit selon les règles de vol aux instruments (IFR) au cours des mois précédents était limitée. Le pilote avait effectué principalement des vols de jour, et son expérience récente des vols de nuit et dans des conditions IMC était limitée. Au cours des 12 mois qui ont précédé l'événement, le pilote avait accumulé 25,1 heures de temps de vol IMC et 7,8 heures de temps de vol de nuit. En outre, le pilote n'avait effectué que 2 décollages et 3 atterrissages de nuit au cours des 6 mois précédant l'événement à l'étude.

    L'analyse des tâches de pilotage d'un aéronef semblable dans des conditions similaires (à un seul pilote, vol de nuit, IMC) a montré que normalement, peu après le décollage et l'établissement d'une vitesse ascensionnelle positive, un pilote rentrerait le train d'atterrissage et les volets, puis confirmerait qu'ils sont bel et bien rentrés. Ensuite, le pilote embrayerait normalement le pilote automatique pour l'aider à respecter le profil de vol, y compris la montée verticale, la vitesse anémométrique et la route vers le radiophare non directionnel, et pour l'aider à compenser l'aéronef. Si le pilote utilise un système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS), il le consulterait probablement pour faire route jusqu'au radiophare non directionnel.

    Simultanément, le pilote changerait de fréquence radio tout en écoutant et en répétant les autorisations du contrôle de la circulation aérienne (ATC). L'utilisation du pilote automatique réduirait la charge de travail du pilote en l'aidant à gérer les paramètres de vol. Le pilote aurait ainsi plus de temps pour balayer du regard et interpréter correctement les instruments de vol.

    Le pilote a communiqué avec le centre de contrôle régional (ACC) de Vancouver après qu'il eut franchi 6000 pieds asl en montée, plutôt qu'à 4000 pieds, comme le veut la procédure de départ normalisé aux instruments KELOWNA SEVEN DEP. Que le pilote ait fait cette communication plus tard que prévu laisse croire à une charge de travail accrue durant la montée. Ce retard pourrait s'expliquer par les tentatives du pilote d'établir une vitesse ascensionnelle normale et de tenir l'aéronef sur la bonne route pour intercepter le radiophare non directionnel, en présumant qu'il avait remarqué la déviation. Le pilote n'a indiqué aucun problème lorsqu'il a communiqué avec l'ACC, et son ton de voix n'indiquait aucun sentiment d'urgence.

    L'utilisation par le pilote d'un appareil électronique portable (non intégré) est un autre facteur qui aurait pu accroître la charge de travail du pilote et sa susceptibilité à la désorientation spatiale. Lorsque l'ACC a autorisé l'aéronef à rallier le point de cheminement MENBO, le pilote a peut-être utilisé le dispositif GPS portable, parce qu'il était peut-être plus facile à interpréter que les instruments de navigation plus anciens du tableau de bord de l'aéronef. La position du dispositif GPS portable ne permettait peut-être pas un balayage visuel adéquat sans mouvements additionnels de la tête.

    Les circonstances de l'accident correspondent à une perte de maîtrise comme suite à la désorientation spatiale du pilote, menant à un piqué en spirale. S'ils ne maintiennent pas régulièrement leurs compétences de vol de nuit et aux instruments, les pilotes risquent d'être incapables de reconnaître une perte de contrôle et d'y réagir de façon appropriée, surtout en situation de charge de travail élevée, ce qui augmente les risques d'accident par perte de maîtrise.

    Toutefois, sans enregistreur, on n'a pu établir de façon concluante les facteurs qui ont contribué à la déviation latérale et verticale de l'aéronef durant sa montée, et à la perte de maîtrise subséquente.

    2.3 Masse et centrage de l'aéronef

    Un centre de gravité (CG) qui se situe au-delà de la limite avant a pour effet d'augmenter la charge alaireNote de bas de page 50 et la vitesse de décrochageNote de bas de page 51 d'un aéronef et pourrait entraîner une perte de maîtrise. Dans l'événement à l'étude, la position du CG avant aurait eu un effet négligeable sur les caractéristiques de vol de l'aéronef durant le décollage. La position du CG avant n'a probablement pas été un facteur dans l'événement en cause. Toutefois, en cas d'inexactitude de la documentation de masse et centrage, il y a un risque que l'on exploite l'aéronef en dehors des normes de CG, ce qui pourrait influer sur la stabilité et la manœuvrabilité du vol.

    2.4 Anomalies techniques

    L'enquête n'a pas permis de déterminer avec certitude si le pilote avait embrayé le pilote automatique au cours de la montée. Toutefois, des enregistrements radars des trajectoires de vol verticale et horizontale laissent croire que le pilote automatique n'était pas embrayé ou était défectueux. Le pilote n'a signalé aucune anomalie à l'ATC durant les segments de décollage et de montée initiale. En cas de panne du pilote automatique, ce système est conçu de manière à permettre au pilote de le débrayer ou de l'annuler. Ainsi, l'enquête a établi qu'il est peu probable que le pilote automatique ait contribué à la perte de maîtrise.

    L'enquête a établi que l'horizon artificiel fonctionnait au moment de l'impact. Étant donné que l'horizon artificiel est alimenté par du courant alternatif, il est probable qu'un onduleur fonctionnait au moment de l'impact. Toutefois, on n'a pu déterminer lequel des 2 onduleurs à bord alimentait l'horizon artificiel.

    Le carnet de route d'aéronef indiquait que le réglage de puissance élevée (« HI ») du circuit antigivrage de pare-brise était en panne. Les conditions météorologiques annoncées durant le vol à l'étude ne faisaient pas état de conditions givrantes. Par conséquent, l'aéronef était en état de service pour le vol projeté.

    La consigne de navigabilité (CN) 79-12-06 de la Federal Aviation Administration exige l'inspection des semelles de longeron supérieures et inférieures toutes les 600 heures ou tous les 600 décollages (selon la première de ces éventualités) pour s'assurer qu'il n'y a aucune fissure, à moins de mettre à exécution le Bulletin de service de Cessna SB57-10, rév. 4. Un examen des dossiers techniques de l'aéronef a établi que la dernière entrée relative à l'examen de conformité à la CN 79-12-06 était daté du 21 décembre 2007, soit 1062 heures de vol et 1405 atterrissages plus tôt. L'enquête a également établi que le Bulletin de service Cessna SB57-10, rév. 4 n'avait pas été mis à exécution. Une défaillance des semelles de longeron aurait entraîné une désintégration en vol ou la séparation de l'aile de l'aéronef; dans ce cas, les composants de l'aéronef auraient été éparpillés au sol à de grandes distances les uns des autres. Étant donné que tous les composants de l'aéronef ont été retrouvés au site de l'épave, les enquêteurs ont établi qu'il n'y avait eu ni désintégration ni séparation de l'aile en vol.

    2.4 Surveillance des exploitants privés par Transports Canada

    Il incombe à tous les exploitants de services de transport de gérer les risques pour la sécurité que posent leurs activités. Toutefois, la capacité de gérer efficacement la sécurité et de se conformer à la réglementation varie inévitablement d'un exploitant à l'autre. Lorsque les exploitants sont incapables de bien contrôler la sécurité, l'organisme de réglementation doit intervenir afin de cerner de façon préventive les manquements à la sécurité, et le faire de manière à changer les pratiques d'exploitation dangereuses.

    À l'heure actuelle, les activités de surveillance prévue de TC ne visent pas les exploitants privés assujettis à la sous-partie 604 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). L'approche de TC en matière de surveillance d'exploitants privés se fonde entièrement sur des processus de surveillance réactifs. En excluant les exploitants privés de son programme de surveillance prévue, TC soustrait un secteur d'activité entier aux mécanismes de surveillance élémentaire conçus pour atténuer les risques pour la sécurité, tant individuels que systémiques.

    On n'a trouvé aucune indication d'une surveillance de Norjet Inc. depuis son établissement en 2008, jusqu'à la date du vol à l'étude, 8 ans plus tard. Plusieurs manquements à la sécurité dans les opérations aériennes de Norjet Inc. ont échappé à TC : Norjet Inc. n'a jamais obtenu l'approbation opérationnelle de TC pour le pilotage à un seul pilote de l'aéronef à l'étude; le pilote avait effectué seul de 61 à 68 vols sur le C500 sans avoir suivi la formation ni obtenu l'annotation nécessaires; et le pilote ne respectait pas les exigences de maintien des compétences pour transporter des passagers la nuit.

    L'enquête du BST sur l'accident à Fox HarbourNote de bas de page 52 a soulevé de nombreuses préoccupations concernant la mise en œuvre et le fonctionnement des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) dans le secteur de l'aviation d'affaires et la surveillance des exploitants privés. Ces préoccupations ont mené à la recommandation A09-06 du BST. En réponse à cette recommandation, TC s'était engagé à intégrer le règlement sur le SGS de la sous-partie 604 du RAC dans son programme de surveillance. TC a affirmé qu'on examinerait attentivement la structure de surveillance et de réglementation afférente aux exploitants privés. Le ministère envisageait en outre de développer de nouveaux règlements pour la sous-partie 604 du RAC afin d'inclure les exploitants privés dans sa structure de planification de la surveillance. Or, TC a fait volte-face en 2016 lorsqu'on a exempté les exploitants privés du futur programme national de surveillance.

    L'enquête a établi que les efforts de TC n'ont pas encore répondu aux préoccupations du BST en matière de surveillance des exploitants privés par le ministère. TC n'a pu cerner de manquement à la sécurité dans le SGS de la compagnie. De plus, TC n'a pu cerner de risque potentiel pour la sécurité lié au fait que le pilote était l'unique personne responsable de l'administration du SGS dans ses fonctions cumulées de chef pilote, de gestionnaire des opérations, de responsable de la sécurité et de responsable de la maintenance.

    L'approche courante à la surveillance des exploitants privés pourrait être inadéquate pour corriger les pratiques et conditions dangereuses dans le secteur de l'aviation d'affaires. Sans programme de surveillance en place pour les exploitants privés dans le secteur de l'aviation d'affaires, l'approche à la surveillance que préconise TC ne favorise pas de rectification imminente des manquements à la sécurité, et ainsi permet aux pratiques dangereuses de s'établir et de persister.

    Si TC ne surveille pas efficacement les exploitants privés, ce secteur de l'aviation pourrait être exposé à des risques plus élevés qui pourraient mener à un accident.

    2.5 Enregistreurs de bord

    Le manque de données de vol a considérablement limité la possibilité de cerner des manquements à la sécurité qui auraient pu être importants. Tout manquement à la sécurité qu'une enquête ne permet pas de cerner ne peut être ni ciblé ni éliminé par des mesures de sécurité concrètes. Afin d'établir les faits quant aux causes, aux facteurs contributifs et aux risques ainsi que les manquements à la sécurité, les enquêteurs doivent déterminer de manière fiable les événements, les circonstances et les facteurs qui ont donné lieu à un accident. Dans le cas présent, les enquêteurs n'avaient pas accès aux données de vol et enregistrements audio cruciaux, comme les données des systèmes de l'aéronef, les actions du pilote, la réaction de l'aéronef, les sons ambiants, le bruit des moteurs et d'autres paramètres.

    Les systèmes d'enregistrement, peu importe leur type, sont une source d'information inestimable. Ils fournissent des données objectives qui peuvent aider les enquêteurs à établir les causes possibles, et de plus, ils corroborent la chronologie des faits. Durant les enquêtes, les données d'enregistreur de données de vol (FDR) et d'enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) servent à reconstituer l'état de l'aéronef et les actions du pilote dans les minutes précédant l'événement. Les enregistreurs aident les enquêteurs à mieux comprendre les raisons pour lesquelles un accident s'est produit et déterminer les manquements potentiellement importants à la sécurité.

    Depuis des décennies, les exploitants d'avions de passagers lourds tirent parti des FDR et CVR embarqués pour promouvoir la sécurité. Ces exploitants se servent des renseignements des FDR dans le cadre de programmes internes de suivi des données de vols et d'assurance de la qualité des opérations aériennes. Ces programmes aident les compagnies aériennes à gérer la sécurité de façon préventive.

    Des FDR légers peuvent également être installés à bord d'aéronefs plus petits. Ces systèmes peuvent enregistrer les données de performance d'un aéronef, ainsi que les données vidéo et audio du poste de pilotage. Un nombre sans cesse croissant d'exploitants du monde entier les adoptent.

    Le document Minimum Operational Performance Specification for Lightweight Flight Recording Systems de l'Organisation européenne pour l'équipement de l'aviation civile définit les spécifications minimales pour les systèmes d'enregistrement des données de vol légers. À l'heure actuelle, TC n'a aucune exigence réglementaire ni spécification en matière d'enregistreurs légers.

    Si les enregistrements de données de vol, audio et vidéo ne sont pas disponibles dans le cadre d'une enquête, il pourrait être impossible de déterminer et de communiquer d'importants manquements au chapitre de la sécurité et ainsi d'améliorer la sécurité des transports.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. L'aéronef a percuté le relief après que le pilote en eut perdu la maîtrise, pour des raisons que l'on ignore.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    1. Si les enregistrements de données de vol, audio et vidéo ne sont pas disponibles dans le cadre d'une enquête, il pourrait être impossible de déterminer et de communiquer d'importants manquements au chapitre de la sécurité et ainsi d'améliorer la sécurité des transports.
    2. S'ils ne maintiennent pas régulièrement leurs compétences de vol de nuit et aux instruments, les pilotes risquent d'être incapables de reconnaître une perte de contrôle et d'y réagir de façon appropriée, surtout durant les situations de charge de travail élevée, ce qui augmente les risques d'accident par perte de maîtrise.
    3. En cas d'inexactitude de la documentation de masse et centrage, il y a un risque que l'on exploite l'aéronef en dehors des normes de CG, ce qui pourrait influer sur la stabilité et la manœuvrabilité du vol.
    4. Si Transports Canada ne surveille pas efficacement les exploitants privés, ce secteur de l'aviation pourrait être exposé à des risques plus élevés qui pourraient mener à un accident.

    3.3 Autres faits établis

    1. La consigne de navigabilité (CN) 79-12-06 de la Federal Aviation Administration exige l'inspection des semelles de longeron supérieures et inférieures toutes les 600 heures ou tous les 600 décollages (selon la première de ces éventualités) pour s'assurer qu'il n'y a aucune fissure, à moins de mettre à exécution le Bulletin de service Cessna SB57-10, rév. 4. Un examen des dossiers techniques de l'aéronef a établi que le dernier examen de conformité à la CN 79-12-06 était daté du 21 décembre 2007, soit 1062 heures de vol et 1405 atterrissages plus tôt.
    2. L'enquête a établi que TC n'a aucun processus officiel en place pour évaluer et accorder une approbation opérationnelle pour le pilotage à un seul pilote d'un Cessna Citation 500.
    3. Étant donné que tous les composants de l'aéronef ont été retrouvés au site de l'épave, les enquêteurs ont établi qu'il n'y avait eu ni désintégration ni séparation de l'aile en vol.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    Le Bureau n'est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l'événement à l'étude.

    4.2 Préoccupation liée à la sécurité

    4.2.1 Surveillance des exploitants privés

    L'enquête du BST sur l'événement à l'étude montre en quoi la sécurité des exploitants pourrait être compromise lorsque Transports Canada (TC) exempte un segment entier de l'aviation d'affaires de son programme de surveillance prévue. Comme Norjet Inc. n'avait jamais fait l'objet d'une activité de surveillance au cours de ses 8 années d'existence, TC ignorait tout des manquements à la sécurité de ses opérations aériennes.

    Dans son enquête sur l'événement mettant en cause un exploitant privé à l'aérodrome de Fox Harbour (Nouvelle-Écosse)Note de bas de page 53, le BST a soulevé plusieurs préoccupations concernant la mise en œuvre inadéquate des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) des exploitants privés. Le Bureau a déterminé que TC avait exercé une surveillance inefficace du secteur de l'aviation d'affaires.

    En 2011, TC a repris la surveillance et l'administration de l'aviation d'affaires, qu'elle avait auparavant déléguées à l'Association canadienne de l'aviation d'affaires. En 2014, le ministère a mis en œuvre de nouveaux règlements pour la sous-partie 604 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Or, en 2016, TC a apporté des modifications temporaires à sa politique de surveillanceNote de bas de page 54 pour exempter les exploitants privés et autres titulaires de certificatsNote de bas de page 55 de son programme national de surveillance. Par conséquent, des préoccupations persistent dans ce secteur.

    En 2016, comme suite à son enquête sur un accident d'hélicoptère mortel à Moosonee (Ontario) en mai 2013Note de bas de page 56, le BST a déterminé qu'au moment de l'événement, l'approche à la surveillance du ministère ainsi que des difficultés de mise en œuvre des SGS avaient empêché TC de s'assurer que les exploitants géraient efficacement la sécurité. En conséquence, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
    Recommandation A16-13 du BST

    Quoique la recommandation A16-13 ait été publiée dans le contexte d'une enquête sur un exploitant commercial, l'accident mortel mettant en cause Norjet Inc. montre, de façon similaire, que le manque de surveillance régulière actuel dans le secteur de l'aviation d'affaires empêche TC d'évaluer la capacité des exploitants privés de gérer efficacement la sécurité.

    La politique de surveillance courante de TC et son approche réactive à la surveillance du secteur de l'exploitation privée ouvrent la porte à un autre incident ou accident grave mettant en cause un exploitant privé. Sans vérification ni inspection régulières de surveillance, TC ne peut valider l'efficacité du SGS d'un exploitant assujetti à la sous-partie 604 du RAC ni cerner et corriger promptement les manquements à la sécurité. Ainsi, des pratiques dangereuses peuvent s'établir et persister.

    Par conséquent, le BST est préoccupé par le fait qu'une approche réactive à la surveillance, selon laquelle les exploitants privés sont exemptés du programme national de surveillance prévu de TC, pourrait exposer le secteur de l'aviation d'affaires à des risques plus élevés, qui pourraient mener à un accident.

    Le Bureau continuera de surveiller cet enjeu pour la sécurité.

    4.3 Mesures de sécurité à prendre

    4.3.1 Exploitants privés assujettis à la Sous-partie 604 du Règlement de l'aviation canadien : système d'enregistrement des données de vol léger

    Après un accident mortel sans survivant ni témoin, il pourrait être impossible d'en déterminer les causes exactes et facteurs contributifs au cours d'une enquête, à moins que l'aéronef ne soit muni d'un enregistreur de bord. Les avantages des données de vol enregistrées dans le cadre d'enquêtes sur les accidents d'aéronefs sont bien connus et documentésNote de bas de page 57.

    À l'heure actuelle, les enregistreurs de données de vol (FDR) et les enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) sont considérés comme la méthode la plus complète de saisie de grandes quantités de données de vol. Ces dispositifs peuvent aider les enquêteurs à déterminer les raisons d'un accident. Les FDR enregistrent de l'information plusieurs fois par seconde, comme l'altitude, la vitesse anémométrique, le cap et d'autres paramètres de l'aéronef. Les CVR enregistrent les transmissions radio et les sons ambiants dans le poste de pilotage, comme les voix des pilotes, les alertes et le bruit des moteurs.

    Au Canada, l'article 605.33 du RAC, « Enregistreur de données de vol et enregistreur de la parole dans le poste de pilotage », définit la réglementation sur les FDR et CVR. En vertu de cette disposition, les exigences sur les FDR et les CVR à bord d'aéronefs se fondent principalement sur le nombre et le type de moteurs, le nombre de sièges passagers et le type d'exploitation. Étant donné les caractéristiques de conception et configurations de nombreux aéronefs pilotés par des exploitants privés, dont l'aéronef à l'étude, la réglementation n'exige pas qu'ils soient munis d'un FDR ou d'un CVR.

    Plusieurs systèmes d'enregistrement des données de vol légers peuvent enregistrer une combinaison de données vidéo et audio du poste de pilotage, de données paramétriques de l'aéronef ou des messages de liaison de données. Ils offrent ainsi un moyen accessible et réalisable d'enregistrer des données de vol utiles, peu importe le type d'aéronef ou d'opération aérienne.

    En 2016, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a modifié l'annexe 6 de ses Normes et pratiques recommandées pour préconiser l'installation d'enregistreurs de bord légers dans des aéronefs et des giravions de certaines catégories que les exploitants commerciaux utilisentNote de bas de page 58. L'annexe 6 de l'OACI établit en outre les spécifications minimales de ces systèmes. Pour respecter les modifications récentes à l'annexe 6 de l'OACI et satisfaire à 12 recommandations de sécurité présentées par 7 organismes d'enquête différents en EuropeNote de bas de page 59, l'Agence européenne de la sécurité aérienne a publié un Avis de proposition de modification en 2017 selon lequel de nouveaux règlements prescriraient les enregistreurs de bord légers pour certaines catégories d'aéronefs et de giravions exploités à titre commercial.

    Il n'y a aucun règlement au Canada qui dicte la présence à bord d'un aéronef d'un système FDR léger. Pourtant, ces dispositifs représentent une solution potentielle rentable pour certains secteurs de l'aviation civile.

    En 2013, comme suite à son enquête sur un événement mortel de désintégration en vol au nord-est de Mayo (Yukon)Note de bas de page 60 survenu en mars 2011, le BST a déterminé qu'il existait des facteurs militant en faveur de l'installation de systèmes FDR légers parmi tous les exploitants commerciaux, et a recommandé que

    le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées en ce qui a trait à la mise en œuvre du suivi des données de vol et à l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers par les exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
    Recommandation 13-01 du BST

    TC a reconnu que les programmes de suivi des données de vol amélioreraient la sécurité, et le ministère a pris les mesures suivantes pour aborder les lacunes de sécurité soulevées par la Recommandation A13-01 :

    • En 2013, après avoir réalisé une évaluation des risques pour étudier d'autres méthodes de suivi des données de vol (SDV), TC a fait savoir au BST qu'on appuyait la recommandation A13-01. En 2015, TC a fait savoir au BST qu'on entendait réviser cette évaluation des risques.
    • En 2013, TC a fait savoir au BST qu'on allait rédiger une circulaire d'information pour décrire les pratiques recommandées concernant les programmes de SDV.
    • En 2013, TC a fait savoir au BST qu'on allait incorporer l'analyse et étude de la recommandation A13-01 dans une évaluation des enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) et enregistreurs de données de vol (FDR), censée débuter en 2014-2015.
    • En 2014, TC a fait savoir au BST qu'on allait étudier la possibilité d'ajouter les principes du SDV à de futures initiatives et modifications réglementaires.
    • En 2015, TC a fait savoir au BST qu'on allait rédiger un document de travail comprenant des renseignements factuels sur l'utilisation du SDV, ainsi que ses avantages, ses coûts et ses défis.

    En raison d'autres engagements ministériels, TC n'a entrepris aucun de ces travaux.

    En février 2018, TC a réuni un groupe de discussion composé d'intervenants du secteur, dont l'Association canadienne de l'aviation d'affaires, afin d'évaluer les défis et les avantages de l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers à bord d'aéronefs qui ne sont pas actuellement tenus d'en être munis.

    Cependant, d'ici à ce que ce groupe de discussion formule des conclusions sur les défis et avantages de l'installation de ces systèmes dans les petits aéronefs, et à ce que TC indique au BST le plan d'action découlant de ces conclusions, on ignore quand et comment la lacune de sécurité soulevée par la recommandation A13-01 sera corrigée. Le BST juge préoccupant le fait que très peu de mesures concrètes sont prises pour appliquer la recommandation A13-01 et estime que cela pourrait causer d'importants retards, comme dans le cas de nombreuses autres recommandations.

    Le BST a enquêté sur un événement récentNote de bas de page 61 au cours duquel un Mitsubishi MU-2B-60 a percuté le relief durant le segment d'approche finale à l'aéroport des Îles-de-la-Madeleine (Québec). Les 7 occupants ont été mortellement blessés. Quoique la réglementation ne l'exigeait pas, cet aéronef avait à son bord un système FDR léger. Les enquêteurs ont récupéré l'enregistreur et en ont extrait les données pour les analyser. Ils ont ainsi pu mieux comprendre la chronologie des faits qui a mené à la perte de maîtrise de l'aéronef. Sans système d'enregistrement à bord, les enquêteurs n'auraient pas obtenu ces renseignements cruciaux à la compréhension des circonstances et faits qui ont mené à cet événement.

    En revanche, dans l'événement à l'étude, les enquêteurs n'avaient en main aucun des renseignements que contiennent normalement les systèmes FDR. L'enquête n'a pu permettre de déterminer ce qui a entraîné la perte de maîtrise de l'aéronef et la collision avec le relief. Comme l'aéronef à l'étude n'était muni d'aucun type de FDR ou de CVR, l'absence de toute donnée de vol a empêché les enquêteurs de déterminer et de comprendre la chronologie précise des faits de cet accident, ses causes sous-jacentes et les facteurs contributifs.

    Quoique la Recommandation A13-01 ait ciblé les exploitants commerciaux, l'accident aux Îles-de-la-Madeleine et celui à l'étude font ressortir la valeur d'un système d'enregistrement des données de vol léger à bord d'aéronefs privés en démontrant l'importance de la disponibilité des données. La présente enquête montre que les enquêteurs sont désavantagés lorsqu'ils n'ont aucune donnée de vol pour déterminer les causes profondes d'un événement, peu importe si l'enquête porte sur un aéronef exploité à titre commercial assujetti à la partie VII du RAC, ou sur un avion d'affaires privé assujetti à la sous-partie 604 du RAC.

    Il existe des preuves concluantes comme quoi l'absence d'enregistreurs à bord d'aéronefs commerciaux et privés assujettis à la sous-partie 604 du RAC continue de nuire à la capacité du BST de promouvoir la sécurité des transports. C'est pourquoi le Bureau recommande que :

    le ministère des Transports oblige l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers chez les exploitants commerciaux et exploitants privés qui n'y sont pas actuellement tenus.
    Recommandation A18-01 du BST

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Procédure de départ normalisé aux instruments KELOWNA SEVEN DEP

    Source : Canada Air Pilot (en vigueur du 15 septembre 2016 à 0901Z au 10 novembre 2016 à 0901Z)

    Annexe B – Formulaire de demande – Document d’enregistrement d’exploitant privé

    Source : Transports Canada