Rapport d'enquête aéronautique A18A0053

Perte de maîtrise et collision avec un plan d’eau
de Havilland DHC-2 Mk. I (Beaver) (C-FCOO)
Hydroaérodrome Goose (crique Otter), Happy Valley-Goose Bay (Terre-Neuve-et-Labrador)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    Le 11 juillet 2018, le monomoteur de Havilland DHC-2 Mk. I Beaver privéNote de bas de page 1 muni de flotteurs (immatriculé C-FCOO, numéro de série 314) a quitté l'hydroaérodrome Goose (crique Otter) (CCB5), à Happy Valley-Goose Bay (Terre-Neuve-et-Labrador), pour effectuer un vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination du camp de pêche du propriétaire de l'aéronef, accessible uniquement par avion, pour y livrer de la marchandise et déposer un employé. Outre l'employé, 2 pilotes brevetés prenaient place à bord : un pilote instructeur qualifié et un élève-pilote qui était en voie d'obtenir sa qualification sur hydravion.

    Lors du vol de retour à CCB5, avec seulement les 2 pilotes à bord, l'élève occupait le siège avant gauche. Il s'agissait de son premier vol d'entraînement à bord d'un hydravion. L'aéronef était muni d'un seul manche, du côté gauche, et d'un seul casque d'écoute, que portait le pilote instructeur.

    À ce moment, les vents en provenance du sud-ouest soufflaient à quelque 5 nœuds.

    Vers 20 h 50Note de bas de page 2, l'élève effectuait la première d'une série prévue d'exercices d'amerrissage. Durant l'arrondi, le pilote instructeur a dit à l'élève de tirer sur le manche et a commencé à tendre le bras pour l'aider dans cette manœuvre. Avant que le pilote instructeur puisse atteindre le manche, le nez du flotteur gauche s'est enfoncé dans l'eau, et l'aéronef a viré à gauche. Durant ce virage, le flotteur droit a happé l'eau à un angle perpendiculaire au sens du vol. L'aéronef a roulé à droite et, du coup, l'aile droite s'est rompue; l'aéronef s'est immobilisé à l'envers sur l'eau.

    L'aéronef a coulé, mais le dessous des flotteurs était toujours visible à la surface de l'eau. L'élève a évacué l'épave par le pare-brise rompu et a nagé jusqu'à la surface. Le pilote instructeur n'a pu ouvrir la porte de droite, qui était coincée; après avoir détaché sa ceinture de sécurité, il s'est retrouvé à l'arrière de la cabine.

    Le pilote instructeur a été incapable d'ouvrir la porte Alaska (voir le paragraphe « Porte Alaska ») de l'intérieur, mais l'élève a réussi à l'ouvrir de l'extérieur. Le pilote instructeur a ainsi pu évacuer l'épave.

    Des plaisanciers à proximité ont été témoins de l'accident et ont repêché les 2 pilotes des eaux. Des vêtements de flottaison individuels se trouvaient à bord de l'aéronef, mais ni le pilote ni l'élève ne portaient leur vêtement, et la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas. L'un des pilotes a été légèrement blessé, et l'autre a subi des blessures plus graves.

    Renseignements sur le personnel

    Le pilote instructeur était titulaire d'une licence de pilote professionnel – avion, annotée d'une qualification sur avion terrestre et hydravion monomoteur et multimoteur, ainsi qu'une qualification de vol aux instruments de groupe I. Il avait accumulé plus de 9500 heures de vol au total, dont 1600 heures sur des hydravions. Il pilotait l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude pour le propriétaire depuis 2012 et comptait environ 800 heures sur type. Il était qualifié pour donner la formation au pilotage menant à la qualification sur hydravionNote de bas de page 3.

    L'élève était détenteur d'une licence de pilote de ligne - avion valide annotée d'une qualification multimoteur et d'une qualification de vol aux instruments de groupe I. Il avait cumulé environ 8000 heures de vol au total. Outre des exercices de circulation sur l'eau aux commandes d'un DHC-2, il n'avait aucune expérience des hydravions.

    Un examen de l'horaire de travail et de repos des 2 pilotes a permis d'écarter la fatigue comme facteur dans cet événement.

    Ni l'un ni l'autre des pilotes n'avait suivi de formation sur l'évacuation d'urgence, et la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas.

    Exigences en matière de formation au pilotage pour obtenir la qualification sur hydravion

    Les normes du Règlement de l'aviation canadien stipulent que pour obtenir une qualification sur hydravion, un pilote doit « suivre un cours de sept heures de formation sur hydravion, comprenant un minimum de : (A) cinq heures d'instruction en double commande; (B) cinq décollages et cinq atterrissages effectués comme seul occupant [...]Note de bas de page 4 ». Pour qu'un pilote suive la formation en double commande, les normes du Règlement de l'aviation canadien stipulent en outre que l'aéronef doit « être muni de commandes de puissance moteur et de commandes de vol facilement accessibles et fonctionnant de façon habituelle aux deux postes pilotes [...]Note de bas de page 5 ». Comme l'aéronef à l'étude n'était muni que d'un seul manche, il ne convenait pas à la formation au pilotage.

    Renseignements sur l'aéronef

    Le DHC-2 a été conçu par de Havilland Aircraft of Canada Ltd., qui a fabriqué cet aéronef de 1947 à 1967. Viking Air Limited détient le certificat de type du DHC-2. À l'heure actuelle, on dénombre 382 appareils DHC-2 immatriculés au Canada. De ce nombre, 223 sont utilisés à des fins commerciales.

    Les DHC-2 ont subi de nombreuses modifications, et des certificats de type supplémentaire ont été délivrés au fil des ans afin d'améliorer ou d'adapter la conception originale. Ces modifications sont généralement facultatives, à moins qu'une consigne de navigabilité ne les exige.

    Modifications pour évacuer l'aéronef

    Pour résoudre les difficultés d'évacuation qui ont marqué des accidents antérieurs, Viking Air Limited a conçu des modifications pour remplacer les poignées de porte rotatives encastrées originales par des poignées plus accessibles et plus faciles à actionnerNote de bas de page 6. Viking Air Limited a également conçu des fenêtres de porte arrière des passagers qui sont largables pour remplacer les vitres fixes standardsNote de bas de page 7. Aucune de ces modifications n'était obligatoire et n'a été apportée sur l'aéronef à l'étude.

    Porte Alaska

    La modification de la porte Alaska est un certificat de type supplémentaire disponible auprès de Sealand Aviation Ltd. pour agrandir l'ouverture donnant sur la soute de l'aéronef. Elle consiste en 2 portes montées côte à côte pour faciliter le chargement et le déchargement de marchandises encombrantes par une ouverture mesurant 52 pouces sur 42 pouces, lorsque les deux portes sont ouvertes (figure 1). La porte arrière peut être ouverte de manière autonome pour permettre l'accès derrière les sièges passagers.

    Figure 1. Porte Alaska de l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude (Source : J. Cooper)

    La porte Alaska a été conçue en 1990, et on en a installé environ 185 sur des aéronefs. À l'origine, la modification de la porte ne comprenait aucun mécanisme de déverrouillage à l'intérieur de la porte, car le fabricant estimait qu'un filet d'arrimage de fret séparerait cette zone de la cabine de passagers, ce qui la rendrait inaccessible de l'intérieur. Avant l'événement à l'étude, le fabricant a reconnu que cette porte pourrait servir d'issue supplémentaire. Il collabore actuellement avec un délégué à l'approbation de conceptionNote de bas de page 8 pour faire approuver un mécanisme de déverrouillage à l'intérieur des portes.

    Le propriétaire actuel a installé la porte Alaska sur l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude en 2005.

    Recommandations du BST à l'égard des hydravions

    Le BST a émis plusieurs recommandations relativement à l'exploitation des hydravions dans le but d'éliminer ou de réduire les lacunes de sécurité posant de graves risques. Les sections qui suivent comprennent des points importants de certaines de ces recommandations.