Impact sans perte de contrôle
Essential Helicopters
Robinson R44 Raven II (hélicoptère), C-GMCT
Aéroport municipal de Toronto/Buttonville (Ontario), 9 nm N
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Déroulement du vol
Le 25 septembre 2018, l'hélicoptère Robinson R44 Raven II d'Essential Helicopters (immatriculation C‑GMCT, numéro de série 10795) a quitté l'aéroport de North Bay (CYYB) (Ontario) vers 11 h 41Note de bas de page 1, en direction de l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville, selon les règles de vol à vue (VFR), avec seulement le pilote à bord. L'hélicoptère effectuait un vol de mise en place, en vue d'une série de vols de levés aériens qui devait commencer le lendemain.
Les conditions météorologiques à CYYB au moment du départ faisaient état d'une visibilité de 30 milles terrestres (sm) et d'un plafond avec couvert nuageux à 600 pieds au-dessus du niveau du sol (AGL). L'hélicoptère a volé à des altitudes inférieures à 1000 pieds AGL et à une vitesse sol moyenne d'environ 75 nœudsNote de bas de page 2 pour la majeure partie du vol.
Vers 13 h 35, le pilote, qui était à 16 milles marins (nm) de CYKZ, a communiqué avec le contrôleur à la tour de contrôle pour rapporter sa position et l'aviser qu'il était en rapprochement de l'aéroport. À ce moment-là, l'hélicoptère volait à une altitude d'environ 300 pieds AGL, et sa vitesse sol était de quelque 65 nœuds.
Poursuivant sa route vers CYKZ, l'hélicoptère a volé à des altitudes variées, dont la plus basse a été d'environ 100 pieds AGL, et sa vitesse sol a diminué graduellement à moins de 10 nœuds.
À 13 h 50, l'hélicoptère était à 6 nm de CYKZ. Il survolait un secteur résidentiel à environ 200 pieds AGL et sa vitesse sol a diminué à quelque 6 nœuds. Environ au même moment, le pilote a communiqué avec le contrôleur à la tour de contrôle. Il l'a informé qu'il volait dans des conditions de visibilité nulle et qu'il faisait demi-tour.
Le contrôleur a répondu que le plafond à CYKZ était couvert à 500 pieds AGLNote de bas de page 3. Le relief que l'hélicoptère survolait à ce moment-là était de 300 à 400 pieds plus élevé qu'à l'aéroport.
Dès que l'hélicoptère a fait demi-tour vers le nord, sa vitesse sol a rapidement augmenté à plus de 80 nœuds. Au cours des minutes qui ont suivi, l'altitude, la vitesse sol et le cap de l'hélicoptère ont continué de varier. Le contrôleur communiquait toujours avec le pilote et l'informait des repères vers l'ouest qui pourraient lui servir d'aide à la navigation.
L'hélicoptère a commencé à virer vers l'ouest, puis a continué à virer vers le sud, survolant des terres agricoles pour la plupart dégagées (figure 1). L'altitude de l'hélicoptère fluctuait entre 200 et 300 pieds AGL, et sa vitesse sol, entre 5 et 40 nœuds. Le pilote n'a jamais indiqué qu'il éprouvait des difficultés.
La dernière communication entre le contrôleur et le pilote a eu lieu vers 13 h 54. À 13 h 55, l'hélicoptère a percuté des arbres. Le pilote a été mortellement blessé. L'hélicoptère a été détruit et un incendie s'est déclaré après l'impact.
On a entrepris des recherches lorsque la communication entre le contrôleur et le pilote a été interrompue. On a découvert le site de l'accident à environ 9 nm au nord de CYKZ.
La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) de 406 MHz s'est déclenchée, mais le système de recherche et de sauvetage par satellite n'a pas capté le signal.
Renseignements météorologiques
L'enquête n'a permis d'établir les renseignements météorologiques que le pilote avait lus avant son vol.
Les prévisions d'aérodrome (TAF) pour CYKZ, publiées à 7 h 41, prévoyaient les conditions suivantes à partir de 11 h : vents soufflant de 190° vrai (V) à 12 nœuds avec rafales à 22 nœuds; visibilité supérieure à 6 sm dans des averses de pluie légères; nuages épars à 800 pieds AGL; plafond couvert à 1500 pieds AGL. Entre 11 h et 20 h, il y a eu un changement temporaire : pas de temps significatif (c.-à-d. pas d'averses de pluie); quelques nuages à 800 pieds AGL; plafond de nuages fragmentés à 2500 pieds AGL. On indiquait des probabilités de 30 %, entre 11 h et 14 h de : visibilité de 4 sm; averses de pluie légères et brume; couches de nuages fragmentés à 800 pieds AGL; ciel couvert à 1500 pieds AGL.
Des TAF révisées pour CYKZ, émises à 11 h 05, prévoyaient les conditions suivantes à partir de 13 h : vents soufflant de 170 °V à 10 nœuds avec rafales à 20 nœuds; visibilité de 5 sm dans des averses de pluie légères et de la brume; plafond de nuages fragmentés à 700 pieds AGL; ciel couvert à 1500 pieds AGL. Les TAF indiquaient également un changement temporaire entre 13 h et 20 h : visibilité supérieure à 6 sm; pas de temps significatif; couche de nuages épars à 800 pieds AGL; plafond avec couvert nuageux à 1500 pieds AGL.
Tandis que le pilote se rapprochait de CYKZ, il a avisé le contrôleur qu'il avait reçu le rapport de 13 h du service automatique d'information de région terminale (ATIS). Ce rapport indiquait : vents de 180° magnétique à 7 nœuds; visibilité de 5 sm; plafond avec couvert nuageux à 300 pieds AGL; température de 18 °C et point de rosée de 18 °C. Un bulletin météorologique spécial, émis à 13 h 11, indiquait une amélioration de la visibilité à 8 sm et une élévation du plafond à 500 pieds AGL. Le contrôleur avait transmis les données sur le plafond au pilote.
Les premiers répondants ont dit qu'à ce moment-là, le temps était brumeux, qu'il y avait du brouillard et qu'il tombait une faible pluie (figure 2).
Renseignements sur le pilote
Le pilote détenait une licence canadienne de pilote professionnel - hélicoptère et il était titulaire d'un certificat médical valide de catégorie 1. Il avait les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Il avait reçu une qualification de vol aux instruments en 2003, mais n'avait pas maintenu ses compétences. Le pilote avait accumulé environ 7355 heures de vol à bord d'hélicoptères, dont 1550 heures aux commandes du type Robinson R44. Il détenait une qualification d'instructeur de classe 2; au cours des 2 dernières années, il avait travaillé à titre de chef instructeur de vol adjoint et de chef instructeur de vol à Essential Helicopters.
Le pilote avait déjà travaillé dans la région de Toronto et la connaissait bien.
Renseignements sur l'aéronef
Le Robinson R44 Raven II est un hélicoptère à 4 places d'une masse brute maximale de 1134 kg (2500 lb). À cette masse, sa vitesse de croisière est de 202 km/h (109 nœuds). Essential Helicopters avait acquis l'hélicoptère à l'étude à l'automne 2016. L'hélicoptère était équipé des instruments de base, dont 1 indicateur d'assiette avec clinomètre et 1 conservateur de cap. Il n'était ni équipé ni certifié pour le vol en vertu des règles de vol aux instruments.
Renseignements sur le lieu de l'accident et l'épave de l'aéronef
La zone dans les environs de l'épave était densément boisée. Les pales du rotor principal ont heurté quelques branches à la cime des arbres tandis que l'hélicoptère avait une assiette horizontale. À la suite de l'impact avec les arbres, les pales du rotor principal ont commencé à se détacher; l'hélicoptère a perdu de sa vitesse anémométrique, son taux de descente a augmenté, et il est entré en collision avec le relief, à environ 150 pieds de l'endroit où il a heurté les arbres initialement.
On n'a trouvé aucun signe de panne mécanique ou de défaillance d'équipement avant impact qui auraient pu contribuer à cet accident. Les dommages subis par le moteur et le rotor indiquent que le moteur développait de la puissance au moment de l'impact.
La dernière position de l'hélicoptère enregistrée par le système de positionnement mondial SkyTrac, qui était à environ 450 pieds du site de l'accidentNote de bas de page 4, était d'environ 300 pieds AGL. Cette information laisse croire que l'hélicoptère a été entraîné dans un taux de descente élevé.
Renseignements sur la compagnie
Essential Helicopters est exploitée en tant qu'unité de formation au pilotage. Elle détient un certificat d'exploitation aérienne en vertu des sous-parties 702 (travail aérien) et 703 (taxi aérien) du Règlement de l'aviation canadien (RAC). La compagnie est limitée aux vols VFR de jour. Au moment de l'événement, sa flotte était composée d'hélicoptères Robinson R44 Raven II, Robinson R22 (Beta et Mariner) et Bell 206 (206L-1 et 206B), ainsi que de 1 hélicoptère Aerospatiale AS 350 B-2.
La compagnie utilise un système de régulation des vols par le pilote. Par conséquent, le commandant de bord d'un vol doit s'assurer que les documents appropriés (p. ex., plan de vol exploitation, plan de vol, itinéraire de vol) sont préparés et déposés avant le départ.
Le RAC indique les restrictions météorologiques suivantes pour les hélicoptères exploités en vol VFR à moins de 1000 pieds AGL dans un espace aérien non contrôlé : visibilité en vol d'au moins 1 mile et utilisation hors des nuagesNote de bas de page 5. Le manuel d'exploitation d'Essential Helicopters reflète les restrictions météorologiques du RAC pour les vols VFRNote de bas de page 6.
Perte des repères visuels
La perte des repères visuels au sol peut désorienter un pilote et lui faire perdre la maîtrise de son hélicoptère. L'avis de sécurité SN-18 de la Robinson Helicopter Company dit ce qui suit [traduction] :
LA PERTE DE VISIBILITÉ PEUT CAUSER LA MORT
L'exploitation d'un hélicoptère dans des conditions de visibilité réduite par le brouillard, la neige, un plafond bas ou même une nuit sombre peut causer la mort. Les hélicoptères ont une stabilité propre inférieure à celle des avions, et des taux de roulis et de tangage beaucoup plus rapides. La perte des repères visuels extérieurs, même pour un instant, peut désorienter un pilote; ce dernier pourrait alors solliciter les commandes de mauvaise façon, et un écrasement non contrôlé pourrait survenirNote de bas de page 7.
Plusieurs situations peuvent entraîner la perte des repères visuels au sol. Par exemple, la visibilité peut être réduite par un phénomène météorologique ou, encore, par de la condensation sur la face intérieure du pare-brise ou une accumulation de gouttelettes sur sa face extérieure lorsque l'aéronef traverse de fortes précipitations.
Les pilotes d'hélicoptères ont plus d'options d'atterrissage que les pilotes d'aéronefs à voilure fixe en cas de détérioration des conditions météorologiques. Le Manuel de pilotage des hélicoptères de Transports Canada stipule que : « [à] moins que vous ne vous trouviez en terrain exceptionnellement inhospitalier, vous devriez trouver un terrain convenable où poser votre hélicoptère jusqu'à ce que les conditions météorologiques s'améliorentNote de bas de page 8. »
Les données du BST sur les accidents mettant en cause des exploitants assujettis à la sous-partie 703 du RAC montrent que parmi tous les types d'accidents, ce sont les accidents d'avion ou d'hélicoptère, dont le vol avait commencé dans des conditions météorologiques de vol à vue et s'était poursuivi jusqu'au point où les pilotes ont perdu les repères visuels au sol, qui présentent le taux de mortalité plus élevé.
Vol à basse altitude
En vertu de l'alinéa 602.14(2) du RAC,
Sauf s'il s'agit d'effectuer le décollage, l'approche ou l'atterrissage d'un aéronef ou lorsque la personne y est autorisée en application de l'article 602.15, il est interdit d'utiliser un aéronef :
- au-dessus d'une zone bâtie […] à une altitude d'au moins : […]
- dans le cas d'un aéronef autre qu'un avion ou un ballon, 1 000 pieds au-dessus de l'obstacle le plus élevé situé à une distance de 500 pieds ou moins de l'aéronef, mesurée horizontalement;
- dans les cas autres que ceux visés à l'alinéa a), à une distance inférieure à 500 pieds de toute personne, tout navire, tout véhicule ou toute structureNote de bas de page 9.
Le Manuel d'information aéronautique de Transports Canada (AIM de TC) contient l'avertissement suivant, en caractères gras, concernant le vol à basse altitude :
Attention ! — Voler intentionnellement à basse altitude est dangereux. Transports Canada avise tous les pilotes que voler à basse altitude pour éviter du mauvais temps ou pour des raisons opérationnelles est une activité dangereuseNote de bas de page 10.
Radiobalise de repérage d'urgence
Durant l'impact, l'antenne de l'ELT de 406 MHz s'est cassée. De ce fait, aucun signal n'a pu être émis au système de recherche et de sauvetage par satellite.
Lors de son enquête sur l'impact sans perte de contrôle mettant en cause un hélicoptère, survenu à proximité de Moosonee (Ontario)Note de bas de page 11 en mai 2013, le BST a exprimé des préoccupations concernant la résistance à l'impact des ELT. Le BST a aussi fait part d'accidents précédents dans le cadre desquels une antenne d'ELT s'est brisée ou son fil a été endommagé pendant l'impact, et aucun signal n'avait été reçu par le système de recherche et de sauvetage par satellite. L'enquête sur l'événement de 2013 a permis de déterminer que, bien que les spécifications de conception relatives à la résistance à l'impact sont rigoureuses pour le dispositif d'ELT proprement dit, elles l'étaient beaucoup moins pour d'autres éléments essentiels du système (c.‑à‑d. le câblage et l'antenne).
À la suite de cet événement, le Bureau a recommandé que l'Organisation de l'aviation civile internationale, la Radio Technical Commission for Aeronautics, l'Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile et le ministère des Transports
[…] établisse[nt] de rigoureuses normes relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
Recommandation A16-02, A16-03, A16-04 et A16-05 du BST
Le Bureau est encouragé par les réponses reçues de ces organismes à propos des mises à jour des normes industrielles concernant les antennes, le câblage et la résistance à l'impact. Le Bureau était donc d'avis que les réponses à ces recommandations dénotaient une intention satisfaisante.
Enregistreurs de bord
L'hélicoptère n'était pas doté d'un enregistreur de données de vol ou d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage, et il n'était pas tenu d'en avoir selon la réglementation. Quoique le BST ait recommandé officiellementNote de bas de page 12 l'installation obligatoire de systèmes d'enregistrement des données de vol léger chez les exploitants commerciaux et privés qui n'y sont pas actuellement tenus, Transports Canada n'a fait aucun progrès récemment en ce sens.
Messages de sécurité
Il est difficile de piloter dans des conditions météorologiques qui se dégradent, particulièrement à basse altitude. Les risques qui y sont associés doivent être gérés correctement avant et pendant le vol. Les pilotes doivent prendre des mesures décisives rapidement lorsque les conditions ne sont pas propices à la poursuite d'un vol. Les pilotes d'hélicoptères, spécialement, ont plus d'options pour atterrir par mauvais temps et de temps d'attente pour que les conditions s'améliorent que les pilotes d'aéronefs à voilure fixe.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .