Eurocopter EC120B (hélicoptère), C-FSII
Sainte-Agathe-des-Monts (Québec), 5 NM W
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 19 novembre 2018, à 10 h 22, heure normale de l’Est, un élève-pilote, seul à bord de son hélicoptère Eurocopter EC120B privé (immatriculation C-FSII, numéro de série 1473), a décollé de Rouyn-Noranda (Québec) à destination de l’héliport de Mirabel Hélico, près de Mirabel (Québec), où il était attendu par son instructeur de vol vers 13 h. À 13 h 20, constatant que l’hélicoptère n’était pas arrivé et restant sans communication depuis le dernier appel, l’instructeur a contacté le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage de Trenton (Ontario) pour l’informer que C-FSII n’était pas arrivé à destination. Aucun signal provenant de la radiobalise de repérage d’urgence n’a été capté. Un avion Hercules CC130 et un hélicoptère Griffon CH146 des Forces armées canadiennes ont entamé des recherches. L’hélicoptère a été repéré le lendemain, le 20 novembre 2018, à 16 h 04, dans un secteur boisé sur le flanc d’une colline à environ 5 milles marins à l’ouest de Sainte-Agathe-des-Monts (Québec). L’hélicoptère a été lourdement endommagé par les forces de l’impact, mais n’a pas pris feu. L’élève‑pilote a subi des blessures mortelles.
1.0 Renseignements de base
1.1 Déroulement du vol
Le matin du 19 novembre 2018 vers 7 hNote de bas de page 1, l’élève-pilote, qui était à son domicile à Rouyn-Noranda (Québec), a appelé son instructeur de vol, établi dans la région de Montréal (Québec), dans le but d’obtenir l’exposé avant volNote de bas de page 2, prévisions météorologiques comprises, pour son vol en soloNote de bas de page 3 à destination de l’héliport Montréal/Mirabel Hélico (CMH4). Une fois l’exposé terminé, l’instructeur a approuvé le vol d’entraînement en solo avec l’utilisation du système de positionnement mondial (GPS) et a convenu avec l’élève-pilote que le suivi du vol serait effectué par téléphone, puisque l’élève-pilote utilisait un dispositif mains libres. L’instructeur prévoyait retourner avec l’élève-pilote la journée même à Rouyn-Noranda pour y poursuivre la formation les jours suivants.
Peu après 9 h, l’élève-pilote s’est présenté à son hangar privé, à environ 2 milles marins (NM) à l’ouest de l’aéroport de Rouyn-Noranda (CYUY), pour y préparer l’hélicoptère. À la demande de celui-ci, les GPS ont été programmés pour le vol par une tierce personne titulaire d’une licence de pilote et présente sur les lieux avant le décollage.
L’élève-pilote a par la suite appelé son instructeur à 2 reprises avant le décollage pour discuter à nouveau de la planification du vol et des prévisions météorologiques pour le secteur de Mirabel. La décision d’effectuer le vol a été maintenue. Il a décollé à bord de l’hélicoptère EC120B (immatriculation C-FSII, numéro de série 1473) à 10 h 22 et prévoyait atterrir à CMH4 vers 13 h.
L’instructeur a contacté le centre d’information de volNote de bas de page 4 de Québec à 10 h 21 pour obtenir plus d’information sur le givrage annoncé le long de la route de vol. Selon l’exposé valide jusqu’à 13 h fourni par le spécialiste de l’information de vol, du givrage était présent dans la couche nuageuse et était également à prévoir hors de la couche nuageuse dans les zones de précipitations de bruine verglaçante. De plus, le spécialiste a mentionné qu’au moment où il parlait, des conditions météorologiques de vol aux instrumentsNote de bas de page 5 prévalaient à l’aéroport Montréal International (Mirabel) (CYMX) et qu’il ne prévoyait pas d’évolution significative vers des conditions météorologiques de vol à vueNote de bas de page 6 dans le courant de la journée.
Vers 10 h 45, soit 23 minutes après le décollage, l’élève-pilote a appelé une première fois son instructeur. À ce moment-là, tout allait bien et aucun sujet précis n’a fait l’objet de discussion. L’élève-pilote a appelé une deuxième fois son instructeur à 12 h 08 et l’a informé qu’il survolait le secteur de Mont-Laurier (Québec), que tout allait toujours bien, qu’il avait rencontré quelques précipitations et qu’il prévoyait atterrir à CMH4 environ 42 minutes plus tard. L’appel a duré 50 secondes et aucune mention des conditions météorologiques récentes dans le secteur de Mirabel n’a été faite.
Vers 12 h 58, l’instructeur a tenté en vain d’appeler l’élève-pilote sur son cellulaire. Il a alors appelé la station d’information de vol de CYMX à 13 h 02 pour savoir si le spécialiste de l’information de vol avait eu un contact radio avec C-FSII. Aucun appel radio n’avait été reçu et l’hélicoptère n’apparaissait pas sur les écrans radars à ce moment-là. L’instructeur a tenté une dernière fois de contacter l’élève-pilote sans succès. Il a alors appelé le Centre conjoint de coordination de sauvetage de Trenton (Ontario) à 13 h 20 pour rapporter l’hélicoptère manquant. Un hélicoptère Griffon CH146 et un avion Hercules CC130 des Forces armées canadiennes, ainsi qu’un hélicoptère Bell 412 de la Sûreté du Québec, ont été déployés pour les recherches. Aucun signal provenant de la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de C-FSII n’a été capté.
C-FSII a été localisé le lendemain, le 20 novembre 2018, à 16 h 04 dans un secteur boisé sur le flanc est d’une colline, à environ 5 NM à l’ouest de Sainte-Agathe-des-Monts (Québec)Note de bas de page 7. L’élève-pilote a subi des blessures qui n’offraient aucune chance de survie, même si l’hélicoptère avait été repéré plus tôt. L’hélicoptère a été lourdement endommagé, mais aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.
1.2 Tués et blessés
Équipage | Passagers | Autres | Total | |
---|---|---|---|---|
Tués | 1 | 0 | – | 1 |
Blessés graves | 0 | 0 | – | 0 |
Légèrement blessés ou indemnes | 0 | 0 | – | 0 |
Total | 1 | 0 | – | 1 |
1.3 Dommages à l’aéronef
L’hélicoptère a été lourdement endommagé par les forces de l’impact, mais aucun incendie ne s’est déclaré.
1.4 Autres dommages
Selon les calculs basés sur le temps de vol et la consommation horaire théoriqueNote de bas de page 8, environ 100 L de carburant se sont déversés sur le sol.
1.5 Renseignements sur le personnel
1.5.1 Renseignements sur l’élève-pilote
Permis d’élève-pilote | 9 octobre 2018 |
---|---|
Date d’expiration du certificat médical | 1er mai 2023 |
Heures de vol total | 100,5 |
Heures de vol en double commande inscrites au carnet de vol personnel du pilote | 93 |
Heures de vol en double commande inscrites dans le dossier d’entraînement du pilote | 53,7 |
Heures de vol en solo inscrites au carnet de route de C-FSII | 7,5 |
Heures de vol en solo inscrites dans le dossier d’entraînement du pilote* | 3,7 |
* La dernière inscription au dossier d’entraînement du pilote remontait au 24 octobre 2018.
L’élève-pilote, domicilié à Rouyn-Noranda, était propriétaire et personne-ressource d’une compagnie offrant des services 7 jours sur 7. En raison de l’absence d’écoles de pilotage dans la région, il avait conclu une entente pour sa formation de licence de pilote privé – hélicoptère avec la compagnie Azimut Heli-Services Inc. (Azimut)Note de bas de page 9, qui lui offrait un horaire de formation adapté à ses besoins.
L’élève-pilote a entrepris sa formation initiale et fait l’acquisition de l’hélicoptère en cause dans l’événement à l’étude en juin 2018. Depuis le mois d’août 2018, l’instructeurNote de bas de page 10 allait à Rouyn-Noranda approximativement toutes les 2 semaines pour une période de 3 à 4 jours pour y dispenser la formation à l’élève-pilote. Les cours au sol et les entraînements en vol ont tous été donnés par cet instructeur, à l’exception de 6,9 heures d’entraînement en vol effectuées au mois de septembre 2018 avec un autre instructeur de vol qualifié qui ne travaillait pas pour la compagnie Azimut.
1.5.2 Délivrance initiale du certificat médical
Avant de pouvoir effectuer un vol en solo, un stagiaireNote de bas de page 11 doit obtenir un certificat médical délivré par le ministre des Transports. Pour cela, le stagiaire doit subir un examen médical auprès d’un médecin-examinateur de l’aviation civile (MEAC). Lors de circonstances particulières, le MEAC peut exiger que le demandeur subisse un autre examen ou fasse d’autres tests pour pouvoir évaluer précisément son aptitude physique ou mentale et déterminer s’il sera apte à s’acquitter en toute sécurité de ses fonctions lorsqu’il exercera les avantages de sa licence ou son permisNote de bas de page 12.
Dans le cas de l’élève-pilote en cause, le MEAC avait indiqué, dans son rapport d’examen, une déficience visuelle de l’œil droit ainsi qu’une faible acuité visuelle de près corrigée par le port de verres correcteurs. Par la suite, la Direction de la médecine aéronautique civile, à Ottawa (Ontario), a demandé un examen ophtalmologique, et le directeur régional de l’Aviation civile en poste à Dorval (Québec), a demandé un test pratique en vol.
Selon le rapport de l’ophtalmologue, l’élève-pilote avait une vision monoculaireNote de bas de page 13 depuis l’enfance; son acuité visuelle de près était bien corrigée par ses verres correcteurs et il satisfaisait aux conditions requises par Transports Canada (TC) pour le pilotage.
Le test pratique en vol (annexe A) visait à évaluer l’exécution de tâches au sol et en vol selon les normes du test en vol de la licence de pilote privé – avion. Les critères d’exécution détaillés dans ces normes ne fournissaient, en revanche, que peu d’indications pertinentes pour le pilotage d’un hélicoptère. Ce test pouvait être effectué par tout instructeur de vol pourvu qu’il soit qualifiéNote de bas de page 14.
Dans le cas de l’élève-pilote en cause, le formulaire du test pratique en vol a été rempli par son instructeur régulier, qui s’est basé uniquement sur ses expériences de vol antérieures en double commande avec l’élève-pilote sans effectuer de vol d’évaluation, ce qui contrevenait aux exigences réglementaires. Selon les données recueillies, le fait que l’instructeur évaluant la condition monoculaire était aussi le principal responsable de la formation du stagiaire ne constituait pas une situation de conflit d’intérêts.
Ce formulaire devait être analysé et approuvé par un inspecteur de la direction régionale de l’Aviation civile du Québec, selon un processus spécifique à cette région, avant d’être analysé par la direction de la Médecine aéronautique civile à Ottawa, qui est responsable de délivrer le certificat médical avec ou sans limitation. Toutefois, le rapport a été envoyé directement à Ottawa sans passer par le bureau régional de Dorval.
TC reconnaît qu’il y a eu des lacunes dans la gestion de ce dossier et que les résultats inscrits sur le formulaire du test pratique en vol n’étaient pas assez détaillés pour pouvoir en conclure une réussite au test pratique en vol.
Cependant, un certificat médical sans limitation a été émis sans tenir compte des faits suivants :
- l’élève-pilote était monoculaire;
- l’élève-pilote portait des verres correcteurs prescrits pour corriger sa vision de près.
1.5.3 Renseignements sur l’instructeur
Licence de pilote | Licence de pilote professionnel - hélicoptère |
---|---|
Date d’expiration du certificat médical de catégorie 1 | 1er décembre 2018 |
Date d’expiration de la qualification d’instructeur de classe 2 | Juin 2021 |
Heures de vol totales | 5720,9 |
Heures de vol totales sur type (EC120B) | 112,3 |
Heures de vol totales d’instruction | 3042,4 |
L’instructeur de vol a obtenu sa licence de pilote professionnel en 1996. Il a acquis par la suite de l’expérience comme pilote professionnel et comme instructeur au solNote de bas de page 15 dans une école de pilotage. En 2006, il a obtenu sa qualification d’instructeur de vol de classe 4Note de bas de page 16 et a travaillé comme instructeur de vol sous supervision. En 2009, il a renouvelé sa qualification d’instructeur et a obtenu la classe 3. Il est devenu instructeur indépendant la même année. Il a ensuite obtenu sa qualification d’instructeur de classe 2 en 2015, qu’il a renouvelée en 2018.
Le 19 janvier 2018, il a effectué un entraînement en vol de 3 heures sur un hélicoptère de type EC120B pour obtenir la qualification de type associée et pouvoir donner de la formation en vol sur ce type d’hélicoptère. Au moment de débuter la formation en vol en août 2018 avec l’élève-pilote en cause, l’instructeur avait acquis 2,7 heures d’expérience de vol supplémentaire sur le type EC120; par conséquent, il ne possédait pas le minimum réglementaire de 10 heures de vol sur typeNote de bas de page 17 pour pouvoir donner de la formation en vol sur cet aéronef.
En 2014, TC a délivré le titre de personne autorisée à l’instructeur pour la catégorie hélicoptèreNote de bas de page 18. Ce titre lui permettait :
- de délivrer des permis d’élève-pilote;
- d’accorder des avantages supplémentaires de
- licence de pilote privé,
- licence de pilote professionnel,
- qualification de type,
- qualification de vol de nuit,
- qualification de vol selon les règles de vol à vue au-dessus de la couche;
- de certifier des photocopies conformes aux originaux.
Cette délégation de pouvoirs était limitée à la région du Québec, avait été renouvelée en juillet 2017 à la demande de l’instructeur et était valide jusqu’au 1er juillet 2019.
1.6 Renseignements sur l’aéronef
Constructeur | Eurocopter France* |
---|---|
Type, modèle, immatriculation | EC120B Colibri, C-FSII |
Année de construction | 2007 |
Numéro de série | 1473 |
Date d’émission du certificat de navigabilité | 14 mai 2007 |
Total d’heures de vol cellule | 3369 (approximativement) |
Type de moteur (nombre) | Turbomeca Arrius 2F (1) |
Type d’hélice ou de rotor (nombre) | Rotor tripale (1) |
Masse maximale autorisée au décollage | 1714,6 kg |
Type(s) de carburant recommandé(s) | Jet A, A-1, B |
Type de carburant utilisé | Jet A-1 |
* Le constructeur Eurocopter est devenu Airbus Helicopters en 2014.
Lors de l’accident, l’aéronef était immatriculé à titre d’aéronef privé au nom de l’entreprise dont l’élève-pilote était propriétaire.
Les dossiers indiquent que l’hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur. L’aéronef était muni de l’équipement requis pour satisfaire aux exigences relatives aux aéronefs d'entraînement selon l’article 425.23 du Règlement de l’aviation canadien (RAC).
La masse et le centrage de l’aéronef se situaient dans les limites prescrites au moment de l’accident.
Jusqu'à maintenant, Eurocopter a livré plus de 700 hélicoptères de type EC120B. En date du 08 janvier 2020, le registre des aéronefs civils canadiens comptait 47 hélicoptères EC120B en exploitation au pays, dont 22 en exploitation privée. De ce nombre (47), il y en a 20 au Québec, dont 14 en exploitation privéeNote de bas de page 19.
1.7 Renseignements météorologiques
Les renseignements météorologiques suivants sont tirés d’un rapport d’analyse météorologique élaboré par Environnement et Changement climatique Canada pour le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) dans le cadre de cette enquêteNote de bas de page 20.
1.7.1 Prévisions météorologiques
Lors de l’exposé avant vol, l’instructeur et l’élève-pilote se sont référés aux prévisions de zone graphique (GFA) (annexes B et C) et aux prévisions d’aérodrome (TAF) de Rouyn‑Noranda (CYUY), Val-d’Or (CYVO) (Québec) et Montréal International (Mirabel) (CYMX), accessibles à tous les pilotes sur le site internet de NAV CANADA, pour connaître les conditions météorologiques prévues.
La GFA « Nuages et temps » émise à 6 h 31 et la GFA « Givrage, turbulence et niveau de congélation » émise à 6 h 32 étaient valides de 7 h à 13 h et prévoyaient, entre CYUY et CYMX, les conditions météorologiques suivantes :
- nuages fragmentés à 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et sommets à 6000 pieds ASL;
- visibilité supérieure à 6 milles terrestresNote de bas de page 21 (SM);
- faibles averses de neige pouvant réduire la visibilité à 3 SM et couvert nuageux à 1500 pieds au-dessus du sol (AGL) localement;
- présence possible de bruine verglaçante;
- pour le secteur sud de la route, visibilité réduite à 4 SM, légère bruine verglaçante, brume et plafond à 800 pieds AGL localement;
- pour la seconde moitié de la route, du givrage mixte modéré occasionné par des précipitations locales de bruine verglaçante, entre la surface et 4000 pieds ASL, localement.
Les TAF émises pour CYUY et CYVO prévoyaient, dans un rayon de 5 NM du centre des pistes des aéroports respectifs, des conditions météorologiques similaires pour la journée et favorables au vol selon les règles de vol à vue (VFR) :
- vents faibles soufflant du nord-nord-ouest;
- visibilité supérieure à 6 SM;
- quelques nuages à 2000 pieds AGL; nuages épars à 18 000 pieds AGL.
Cependant, la TAF de CYMX prévoyait des conditions marginales VFRNote de bas de page 22 à partir de 7 h pour les 24 heures suivantes :
- vents de surface variables soufflant à 3 nœuds;
- visibilité de 6 SM dans la brume;
- quelques nuages à 600 pieds AGL; nuages fragmentés à 1500 pieds AGL;
- à partir de 11 h, vents de surface soufflant du 240° vrai (V) à 5 nœuds, visibilité de plus de 6 SM dans de faibles averses de neige, avec des nuages fragmentés à 1500 pieds AGL et un plafond à 4000 pieds AGL.
La TAF de CYMX a été amendée par la suite à 2 reprises durant la matinée (tableau 5).
Paramètre météorologique | TAF amendée à 11 h 09, valide entre 11 h et 7 h le lendemain | TAF amendée à 12 h 11, valide entre 12 h et 7 h le lendemain |
---|---|---|
Vents de surface | 240° V à 5 nœuds
|
220° V à 5 nœuds
|
Visibilité dominante | 5 SM dans la brume | Plus de 6 SM |
État du ciel | Ciel couvert à 600 pieds AGL | Nuages épars à 800 pieds AGL, fragmentés à 6000 pieds et ciel couvert à 12 000 pieds |
Indicateur d’évolution | Temporairement entre 11 h et 13 h, visibilité supérieure à 6 SM, nuages épars à 600 pieds et ciel couvert à 1500 pieds | Temporairement entre 12 h et 13 h, visibilité de 5 SM dans la brume, nuages fragmentés à 800 pieds et ciel couvert à 6000 pieds |
Selon le tableau 5, des conditions météorologiques de vol aux instruments étaient prévues temporairement à CYMX, entre 12 h et 13 h, soit l’heure d’arrivée prévue à destination de l’hélicoptère. Rien n’indique que ces informations aient été transmises au pilote.
1.7.2 Conditions météorologiques du lieu de l’écrasement
Les données météorologiques qui étaient disponibles démontrent que les conditions de vol entre Rouyn-Noranda et Mont-Laurier étaient des conditions météorologiques de vol à vue. À partir de Mont-Laurier, entre 12 h et 13 h, le ciel était couvert, avec des plafonds nuageux généralement entre 5000 et 6000 pieds AGL, et une humidité relativeNote de bas de page 23 qui était passée de 60 % à 73 %. Étant donné que la station d’observation de Mirabel a rapporté la présence d’une couche de nuages bas épars à 700 pieds AGL et que le profil de température et d’humidité de 13 h à proximité du lieu de l’accident était comparable à celui de Mirabel, il est fort probable que les plafonds étaient inférieurs à 5000 pieds AGL. Les vents à basse altitude étaient faibles et aucune turbulence n’était prévue en dessous de 4000 pieds ASL.
La présence de givrage léger à modéré était probable entre la base des nuages et leur sommet. Comme l’humidité relative du secteur de la Minerve (Québec) et Rivière-Rouge (Québec) jusqu’au secteur de Mont-Tremblant–Sainte-Agathe-des-Monts (Québec) avait augmenté et était passée à 86 %, des nuages bas étaient toujours présents et les risques de givrage persistaient.
Aucune précipitation n’a été détectée par les radars. Cependant, il est possible que de la bruine verglaçante ait été présente sous la base des nuages. Les radars détectent les précipitations en analysant la relation entre le diamètre des gouttelettes et leur vitesse de chute. Le diamètre des gouttes de bruine verglaçante est trop petit et sa vitesse de chute, quasiment nulle, ce qui rend ce type de précipitation indétectable par les radars.
De plus, le radar le plus près du lieu de l’accident ne fonctionnait pas ce jour-là. Les données sur les précipitations ont donc été recueillies à partir des radars avoisinants pour créer une image composite (annexe D). Par contre, toutes les précipitations qui se produisent en dessous des faisceaux radars ne sont pas détectées (figure 1). Il n’a donc pas été possible de déterminer avec certitude la présence ou l’absence de précipitations.
1.7.3 Particularités géographiques des Basses-Laurentides
Il est reconnu que la topographie locale a une incidence sur le climat d’une région et, par le fait même, les conditions de vol locales.
NAV CANADA a publié une série de 6 manuelsNote de bas de page 24, qui correspondent aux différentes régions délimitées par les GFA, pour y présenter les phénomènes météorologiques propres à ces différentes régions et leurs effets sur les conditions de vol. Selon l’information relative aux zones montagneuses des Basses-Laurentides (Québec) présentée dans le manuel Le temps en Ontario et au QuébecNote de bas de page 25, les pilotes ont indiqué apercevoir fréquemment des stratusNote de bas de page 26 dont la base est à 3000 pieds ASLNote de bas de page 27 qui peuvent masquer certains sommets. Par ailleurs, toujours selon ce manuel, du brouillard ou de la brume accompagnent souvent ces nuages, qui ont tendance à se fragmenter durant l’après-midi et à se dissiper seulement en fin d’après-midi.
Les installations de CYMX se trouvent au sud du secteur montagneux des Basses-Laurentides, dont la topographie est plus plate et où les informations sur les conditions météorologiques recueillies autour de l’aéroport ne sont pas toujours représentatives de celles qui prévalent plus au nord en régions montagneuses.
1.8 Aides à la navigation
L’élève-pilote disposait de 2 GPSNote de bas de page 28 pendant le vol : le GPS de l’aéronef (Garmin GNS 530) intégré au tableau de bord et 1 GPS portatif (Garmin Aera 796) fixé au tableau de bord à l’aide d’un support. Ces 2 GPS étaient en état de fonctionnement et ont été utilisés durant le vol avant l’accident.
Le GPS portatif a été retrouvé et analysé. Les données de navigation relatives aux vols récents, dont le vol en cause, ont été extraites avec succès par les spécialistes du Laboratoire d’ingénierie du BST. Les données recueillies montrent que la route était principalement en ligne droite à une altitude moyenne de 1000 pieds AGL jusqu’aux environs de Mont-Tremblant (Québec) (figure 2).
Une fois au sud-est de Mont-Tremblant, l’élève-pilote a suivi une route qui n’était plus linéaire, et son altitude moyenne a été réduite à 900 pieds AGL dans un premier temps, puis à 500 pieds AGL à partir du point A (figure 2). Les données GPS indiquent d’importantes variations de la vitesse-sol et de l’altitude AGL avant l’impact (figure 3). Le dernier virage a été effectué en descente à un taux moyen de 475 pi/min. Le GPS a enregistré la dernière donnée à 12 h 32 min 54 s près du lieu de l’écrasement.
1.9 Communications
L’élève-pilote et l’instructeur ont communiqué par téléphone cellulaire pendant le vol, l’élève-pilote disposant d’un dispositif mains libres.
1.10 Renseignements sur l’aérodrome
Sans objet.
1.11 Enregistreurs de bord
L’aéronef n’était muni d’aucun enregistreur de bord, que ce soit des données de vol ou des conversations de poste de pilotage, et la réglementation en vigueur n’en exigeait pas.
1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact
1.12.1 Généralités
L’aéronef a été retrouvé sur le côté droit (figure 4). Les portes et le toit ont été arrachés au cours de la descente à travers les arbres. Le tableau de bord a été arraché et s’est retrouvé coincé sous le nez de l’aéronef, qui a été lourdement endommagé. Le mât principal et la tête rotor étaient toujours attachés à la boîte d’engrenages principale et, comme le moteur, présentaient peu de dommages apparents. Les pales du rotor principal présentaient des dommages typiques d’un impact alors qu’elles étaient en rotation. La poutre de queue, quoiqu’endommagée, était encore attachée au fuselage. Le rotor arrière (de type fenestron) et son carénage se sont séparés de la poutre de queue à la suite d’un impact avec un arbre.
Le patin droit, qui a été retrouvé à environ 16 pieds de l’épave, et les déformations du plancher de la cabine de pilotage suggèrent un premier point d’impact, suivi d’un rebond et, enfin, l’immobilisation de l’hélicoptère sur son côté droit, dans l’axe approximatif de la route. Des signes d’impact avec la cime des arbres étaient visibles le long de la trajectoire à environ 85 pieds de l’épave. L’angle d’impact a été estimé à 16° sur un cap de 120° magnétique.
À leur arrivée sur les lieux, plus de 45 heures après l’accident, les enquêteurs du BST ont relevé de minces traces de givrage sur le bord d’attaque de l’une des pales du rotor principal. Ils n’ont cependant constaté aucune autre trace de givrage sur l’épave.
Le dispositif d’affichage multifonction moteur et véhicule (Vehicle and Engine Multifunction Display [VEMD]), qui enregistre certains paramètres moteur, a été récupéré et acheminé au fabricant pour qu’il en extraie les données. Les paramètres hors limites enregistrés correspondent à ceux d’un impact au sol et ont fort probablement été produits à ce moment-là. Aucune autre anomalie qui aurait pu affecter la performance de l’hélicoptère durant le vol n’a été constatée.
1.12.2 Examen de l’épave
Les commandes de vol montraient de multiples ruptures en surcharge. La continuité des éléments disponibles a néanmoins pu être établie, ainsi que la continuité de l’arbre reliant la boîte d’engrenages du fenestron à la boîte d’engrenages principale.
La nature des dommages subis par le rotor principal indiquait que celui-ci tournait et était entraîné par le moteur au moment de l’impact.
Tous les composants mécaniques de l’aéronef qui ont été retrouvés ont fait l’objet d’un examen. Aucun composant ne présentait de signe de défaillance mécanique ayant pu contribuer à l’accident.
Le siège du pilote était muni d’un ensemble de retenue consistant en une ceinture sous-abdominale et une ceinture-baudrier (c.-à-d. une paire de sangles passant sur les épaules). Lors de l’utilisation normale de l’ensemble de retenue, l’ouverture de la boucle de métal libère simultanément les languettes métalliques des 3 sangles.
Les secouristes ont coupé les sangles en laissant les languettes insérées dans la boucle de métal. Un examen visuel a permis de constater qu’une des sangles de la ceinture-baudrier n’était pas fixée dans la boucle de métal. Un essai pratique de la boucle en question n’a pas décelé d’anomalie ni de mauvais fonctionnement de la ceinture-baudrier. L’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi cette sangle n’était pas bouclée.
1.13 Renseignements médicaux et pathologiques
Les renseignements suivants sont tirés d’un rapport de consultation en ophtalmologie préparé par une spécialiste des performances visuelles des pilotes pour le BST dans le cadre de la présente enquêteNote de bas de page 29.
TC considère qu’« un demandeur monoculaire est un demandeur qui a perdu l’usage d’un œil ou dont la vision centrale ne peut être corrigée de manière à obtenir une vision d’au moins 20/200Note de bas de page 30 ». La vision monoculaire peut nuire à l’exécution de tâches qui demandent une perception de la profondeur, une bonne vision spatialeNote de bas de page 31 ou une perception des mouvements dans le champ de vision.
La délivrance ou le renouvellement d’un permis ou d’une licence nécessitant la catégorie médicale 3 ou inférieure est accordé lorsque les conditions décrites dans les normes de délivrance des licences et de formation du personnel sont satisfaites.
Selon les données fournies par TC, en date du 29 janvier 2019, le Canada comptait 9 pilotes à vision monoculaire dont le certificat médical était valide. Un seul possédait une licence de pilote privé – hélicoptère; les 8 autres, les licences ou permis suivants :
- permis de pilote – avion ultra-léger;
- licence de pilote privé – avion;
- licence de pilote de ligne – avion;
- licence de pilote – planeur.
L’ophtalmologue a revu le dossier médical de l’élève-pilote et a confirmé qu’il satisfaisait bien aux conditions requises par TC pour le pilotage et qu’il devait porter des verres correcteurs pour sa vision de près. Le jour de l’accident, il a été impossible de déterminer si l’élève-pilote portait ou non ses verres correcteurs durant le vol.
La principale caractéristique de la vision monoculaire est la perte de la stéréopsie, c’est-à-dire la perception binoculaire de la profondeur. La perception de la profondeur est la capacité d’estimer la distance d’un objet par rapport à l’observateur ou la distance relative de 2 objets ou plus situés au loin. La vision binoculaire aide à la perception de la profondeur jusqu’à une distance approximative de 150 pieds et perd progressivement son efficacité au fur et à mesure que la distance augmente. Selon le rapport de l’ophtalmologue, la vision binoculaire est aussi un avantage pour estimer la hauteur par rapport au sol lorsque le pilote vole à basse altitude, soit dans des conditions de vol régulières pour un pilote d’hélicoptère.
Par ailleurs, la vision monoculaire nuit fortement à la capacité d’un individu à différencier clairement des objets dans l’espace (c.-à-d. la vision spatiale) dans des conditions de faible contraste tel que le temps brumeux ou la pénombre.
Le rapport de consultation mentionne que plusieurs études et enquêtesNote de bas de page 32 ont abouti à des conclusions différentes quant à l’importance de la stéréopsie pour les pilotes. Par contre, en cas de conditions visuelles présentant peu de contraste, la vision binoculaire semble être indéniablement importante pour conserver la vision spatiale.
Piloter un hélicoptère exige par ailleurs davantage d’aides visuelles comparativement au pilotage d’un avion. Un hélicoptère est très sensible aux changements de direction et est moins stable qu’un avion (car il bouge et vibre davantage), ce qui a tendance à dégrader la vision du pilote et donc la perception de ces aides visuelles essentielles au pilotage.
Lors de l’événement à l’étude, dans les moments précédant la collision avec le relief, l’aéronef était en descente rapide. Le pilote devait, en priorité, regarder à l’extérieur et faire une évaluation rapide et précise de l’horizon, de la hauteur verticale ainsi que de la vitesse, afin de s’orienter et d’éviter une collision avec le relief.
Selon l’ophtalmologue, la vision monoculaire de l’élève-pilote aurait réduit sa performance visuelle, particulièrement si le contraste extérieur était faible, et ce, d’après les facteurs suivants :
- les conditions météorologiques estimées au moment de l’accident;
- la situation géographique du lieu de l’accident;
- la vitesse-sol, l’altitude et le taux de descente de l’hélicoptère avant la collision avec les arbres.
En raison de tous ces facteurs, l’ophtalmologue a conclu dans son rapport que la vision binoculaire est importante pour tous les pilotes, mais elle l’est encore plus pour les pilotes d’hélicoptères. L’ophtalmologue a également conclu que la vision monoculaire de l’élève-pilote a possiblement contribué de façon significative à cet événement.
1.14 Incendie
Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact.
1.15 Questions relatives à la survie des occupants
Les recherches ont commencé environ 1 heure après l’heure estimée de l’accident, après que l’instructeur ait appelé le Centre conjoint de coordination de sauvetage de Trenton pour rapporter l’hélicoptère manquant. Aucun signal d’ELT n’a été capté. L’hélicoptère a été localisé le lendemain, plus de 25 heures après l’accident. L’élève-pilote a subi des blessures sous les forces de l’impact qui n’offraient aucune chance de survie même si l’hélicoptère avait été repéré plus tôt.
1.15.1 Radiobalise de repérage d’urgence
L’aéronef était muni d’une ELT (modèle Kannad 406 AF-compact) qui transmettait sur les fréquences 121,5 MHz et 406 MHz. L’ELT était montée sur la paroi intérieure droite de la structure intermédiaire de l’aéronef (entre le compartiment cargo et la poutre de queue) et était accessible par le compartiment cargo.
L’ELT était munie d’un interrupteur à 3 positions : OFF (au centre), position à laquelle l’ELT est complètement éteinte; ARM (à gauche), position à laquelle l’ELT est en état de fonctionnement, prête à se déclencher en cas d’impact grâce à ses interrupteurs inertiels; et ON (à droite), position qui permet de déclencher l’ELT manuellement et de transmettre directement le signal de détresse. Cet interrupteur était muni d’un dispositif de sécurité pour empêcher un changement de position intempestif sous l’effet des forces d’impact.
L’ELT n’était pas accessible de l’intérieur de la cabine, mais elle pouvait être activée par un interrupteur à distance situé sur le tableau de bord. L’interrupteur du tableau de bord n’a toutefois aucune influence sur le fonctionnement de l’ELT si l’interrupteur de l’ELT est à la position OFF.
L’examen initial de l’épave sur le site de l’accident a permis de déterminer que l’ELT ne semblait pas être endommagée et était toujours fixée sur son support. L’interrupteur monté sur l’ELT était à la position OFF (figure 5).
L’ELT a été acheminée au Laboratoire d’ingénierie du BST, à Ottawa (Ontario), où des essais ont révélé que celle-ci était en état de fonctionnement, qu’elle était conforme aux paramètres techniques spécifiés par le fabricant et que le dispositif de sécurité de l’interrupteur fonctionnait. Le câble coaxial reliant l’ELT à son antenne ainsi que l’antenne elle-même étaient aussi en état de fonctionnement.
Selon le dossier technique de l’hélicoptère, le dernier essai de fonctionnement obligatoire dans le cadre de la maintenance de l’ELT datait du 14 septembre 2018.
L’enquête n’a pas permis de déterminer pourquoi l’interrupteur était à la position OFF.
1.15.2 Enregistrement des radiobalises de repérage d’urgence
Aux termes du paragraphe 605.38(4) du RAC, une ELT capable d’émettre sur une fréquence de 406 MHz doit être inscrite au Registre canadien des balises, qui est tenu à jour par le Secrétariat national Recherche et sauvetage. Au moment de l’événement en cause, le propriétaire de l’aéronef n’avait pas mis à jour l’information dans le Registre canadien des balises après l’acquisition de l’aéronef.
1.16 Essais et recherche
1.16.1 Rapports de laboratoire du BST
Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :
- LP0258/2018 – Complete ELT Analysis [Analyse complète de l’ELT]
- LP259/2018 – Instrument Analysis [Analyse des instruments]
- LP251/2018 – Data Recovery – VEMD [Extraction des données VEMD]
- LP066/2019 – Image Analysis [Analyse photos]
1.17 Renseignements sur les organismes
1.17.1 Azimut Heli-Services Inc.
Selon le Registraire des entreprises du Québec, la compagnie Azimut a été constituée en janvier 2016. Elle offre des services de formation sur le pilotage des hélicoptères à différentes fins : obtenir une licence de pilote privé ou professionnel, convertir une licenceNote de bas de page 33, obtenir une qualification de vol de nuit ou une qualification de type et, enfin, mettre à jour des connaissances théoriques ou des compétences de vol. Elle offre également les services d’une personne autorisée par TC pour la délivrance du permis d’élève-pilote et des licences de pilote privé ou de pilote professionnel d’hélicoptère, des qualifications sur type, de la qualification nuit et de la qualification VFR OTT (VFR au-dessus de la couche). Elle propose enfin les services d’une personne autorisée par Innovation, Sciences et Développement économique Canada pour la délivrance d’un certificat d’opérateur radio. Selon le site web de la compagnieNote de bas de page 34, les clients peuvent choisir le moment et le lieu de la formation et peuvent même suivre la formation théorique à distance, selon le cas.
Au moment de l’accident, Azimut ne détenait pas de certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage et n’était donc pas soumis à la réglementation s’appliquant à ces organismes ni au programme de surveillance de TC.
1.17.1.1 Programme d’entraînement en vol
En vertu de l’article 405.11 du RAC, il est interdit de dispenser de l’entraînement en vol dans le but, entre autres, d’obtenir une première licence, à moins d’avoir un programme d’entraînement en vol conforme aux différentes exigences pertinentesNote de bas de page 35. Par ailleurs, la personne qui dispense l’entraînement doit fournir un aperçu de ce programme à chaque stagiaire au début du programme d’entraînement en vol (annexe E), en vertu de l’article 405.13 du RACNote de bas de page 36. Dans l’événement à l’étude, l’instructeur avait présenté le programme verbalement à l’élève‑pilote au mois de juin 2018 et ne lui avait pas remis une copie imprimée ou électronique.
La copie du programme qu’Azimut a remise au BST satisfaisait aux critères établis dans l’article 425.13 du RAC, à l’exception de la description et l’utilisation des zones réservées aux exercices pratiques, qui n’étaient pas précisées. La compagnie a par la suite indiqué que la zone d’entraînement couvrait le secteur nord de CYUY, et qu’un couloir entre CYUY et Val-Paradis (Québec) servait à la pratique des vols de navigation.
Les conditions météorologiques minimales pour tout vol d’entraînement en solo de jour indiquées dans le programme étaient telles que décrites au tableau 6.
Type de vol en solo | Visibilité | Plafond | Vent | Réserve de carburant | Température minimale |
---|---|---|---|---|---|
Circuit | 3 SM | 1500 pieds AGL | 15 kt | 45 min | −20 °C |
Entraînement | 3 SM | 2000 pieds AGL | 20 kt | 45 min | −20 °C |
Navigation | 5 SM | 2000 pieds AGL | 20 kt | 45 min | −20 °C |
1.17.1.2 Dossier d’entraînement du pilote
L’article 405.33 du RAC stipule que :
« [l]a personne qui dispense de l’entraînement en vol en vue de la délivrance d’une licence de pilote privé […] doit tenir à jour, pour chaque stagiaire, un dossier d’entraînement — pilote conforme aux normes de délivrance des licences du personnelNote de bas de page 37 ».
Le dossier d’entraînement du pilote doit être utilisé pour consigner les cours au sol, l’instruction préparatoire au sol et tous les vols de formation en double commande et en solo. Le dossier d’entraînement du pilote appartient au stagiaire pour la durée du cours et doit rester sur les lieux de l’unité de formation au pilotage.
Une fois le dossier rempli, les renseignements sur chaque page doivent être certifiés exacts par le chef-instructeur ou son représentant, dans le cas d’une unité de formation au pilotage, ou par l’instructeur indépendant, ainsi que par le stagiaire. Lorsque l’entraînement au sol et l’entraînement en vol sont terminés, le dossier est transmis à TC en même temps que la demande de licence.
Dans l’événement à l’étude, le dossier d’entraînement du pilote était conforme aux normes et était conservé dans la région de Montréal, sous la responsabilité de l’instructeur qui avait attesté l’exactitude des renseignements. Cependant, l’enquête a révélé les lacunes d’inscription suivantes :
- les renseignements n’étaient pas tenus à jourNote de bas de page 38;
- l’attestation d’exactitude des renseignements de la page « Registre de la formation théorique » avait été signée par l’instructeur avant que la page ne soit remplie, et toutes les pages remplies et signées par l’instructeur n’avaient pas été signées par l’élève-pilote comme exigé;
- des exercices inscrits dans le dossier d’entraînement effectués lors de vols en solo ne correspondaient pas aux exercices réellement faits en vol;
- les 3 vols d’entraînement effectués au mois de septembre 2018 avec un autre instructeur de vol n’y étaient pas consignés;
- des vols d’entraînement en double commande inscrits dans les carnets de vol personnels de l’instructeur et de l’élève-pilote n’étaient pas inscrits dans le dossier d’entraînement du piloteNote de bas de page 39.
1.17.2 Surveillance de Transports Canada
Dans le passé, TC disposait d’inspecteurs spécialistes de la formation au sein de ses divisions régionales pour les écoles de pilotage. Ces inspecteurs s’occupaient uniquement de la surveillance des écoles et des instructeurs indépendants. Leurs connaissances du milieu et les relations qu’ils avaient tissées avec les différents intervenants de ce domaine facilitaient leurs interventions auprès des instructeurs indépendants, lorsque cela était nécessaire, même si les instructeurs indépendants n’avaient pas toujours l’obligation d’aviser TC qu’ils offraient un service d’entraînement en vol.
Vers la fin des années 2000, TC a fait l’objet d’une restructuration interne. Les divisions consacrées aux écoles de pilotage ont été démantelées, et la surveillance des écoles a été intégrée à la division de surveillance des exploitants aériens commerciaux, qui fait aujourd’hui partie des directions régionales des opérations. Les tâches associées à la surveillance des unités de formation au pilotage ont alors été réparties entre tous les inspecteurs des directions régionales des opérations, qu’ils soient experts ou non dans le domaine de la formation.
Avec les années, la surveillance des exploitants aériens commerciaux est devenue prioritaire, et les inspecteurs se sont vu assigner des tâches variées, indépendamment de leur domaine de spécialité. Ainsi, les activités de surveillance des unités de formation au pilotage ont dû évoluer. La qualité de l’enseignement, par exemple, n’est plus vérifiée régulièrement, mais seulement lorsque des anomalies sont détectées lors d’inspections. Les inspecteurs n’ont plus la possibilité de maintenir la communication avec les instructeurs indépendants, d’interagir avec eux et d’intervenir en cas de besoin. Le seul moment où un inspecteur peut effectuer une surveillance de l’activité d’un instructeur indépendant est quand une plainte officielle concernant une mauvaise pratique est déposée ou quand il prend connaissance d’un accident ou incident important survenu lors d’un entraînement en vol.
En 2018, 162 pilotes d’hélicoptère au Canada, dont 31 au Québec, étaient titulaires d’une qualification d’instructeur de vol valide. À titre de comparaison, 2 018 pilotes d’avion au Canada, dont 428 au Québec, étaient titulaires d’une qualification d’instructeur de vol valide. Au cours de la même année, TC a traité 3221 demandes de licence de pilote privé (catégories avion et hélicoptère confondues), dont 368 pour la catégorie avion et 36 pour la catégorie hélicoptère provenaient du Québec. Toutefois, TC n’a aucune donnée lui permettant d’établir le nombre d’instructeurs de vol indépendants.
1.18 Renseignements supplémentaires
1.18.1 Formation dans le but d’obtenir une licence de pilote privé
L’article 406.03 du RAC stipule qu’« il est interdit d’exploiter au Canada un service d’entraînement en vol qui utilise soit un avion ou un hélicoptère à moins d’être titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage » délivré par TC. Cependant, une personne qui n’est pas titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage peut exploiter un service d’entraînement en vol dans certains cas, dont celui où le stagiaire est « propriétaire de l’aéronef utilisé pour l’entraînement ou un membre de la famille de celui-ci Note de bas de page 40 ».
Cela signifie qu’une personne a le choix, dans certains cas, de recourir soit aux services d’une unité de formation au pilotage, soit d’un instructeur de vol qualifié indépendant pour effectuer sa formation. Bien que le RAC s’applique aux 2 situations, les exigences réglementaires et la surveillance effectuée par TC diffèrent.
Par exemple, en vertu des articles 406.11, 406.52 et 406.55 du RAC, une unité de formation au pilotage doit franchir toutes les étapes du processus de certification établies par TC en démontrant que sa structure organisationnelle est adéquate pour exercer une surveillance et un contrôle opérationnel sur ses opérations de formation. Elle doit notamment :
- nommer un chef-instructeur de vol approuvé par TC;
- nommer des instructeurs au sol;
- mettre en place un système de contrôle de la maintenance lorsque l’entraînement en vol est effectué à bord d’un avion ou d’un hélicoptère;
- avoir accès à des installations adéquates pour donner la formation au sol et l’instruction préparatoire au sol;
- aviser le ministre par écrit de la route du vol-voyage en solo, comme exigé dans la norme 421 du RAC.
Une fois l’unité de formation certifiée, les inspecteurs de TC effectuent une surveillance périodique planifiée et établie selon un plan de surveillance, ou une surveillance non planifiée lorsqu’un problème est détecté ou qu’un événement imprévu survient.
En revanche, un instructeur indépendant qui offre un service d’entraînement en vol n’est pas obligé de mettre en place une structure organisationnelle précise, de satisfaire aux mêmes critères que les unités de formation au pilotage, ni d’obtenir d’approbation, quelle qu’elle soit de TC pour offrir de la formation, dans la mesure où il possède toutes les qualifications requises et respecte la réglementation en vigueur. TC ne dispose pas de plan de surveillance pour les instructeurs indépendants. De plus, lorsque le stagiaire est propriétaire de l’aéronef utilisé aux fins d’entraînement, comme dans l’événement en cause, l’instructeur indépendant n’a pas l’obligation d’aviser TC de ses activités d’entraînement en vol Note de bas de page 41, ce qui rend toute possibilité de surveillance réglementaire par les inspecteurs très difficile. Dans l’événement à l’étude, l’instructeur avait avisé TC volontairement et par écrit de son engagement à superviser tous les vols de formation effectués en solo par l’élève-pilote.
1.18.2 Vols d’entraînement
Selon l’article 400.01 du RAC un vol d’entraînement est un « vol d’instruction en double commande ou un vol d’exercice en solo effectué sous la direction et la surveillance d’un instructeur de vol Note de bas de page 42 ». Ces vols ont pour but de pratiquer des exercices qui permettront au stagiaire de satisfaire aux exigences de son test en vol Note de bas de page 43. Des vols exécutés à d’autres fins, comme le transport de passagers, ne peuvent pas être reconnus comme des vols d’entraînement Note de bas de page 44.
En vertu du paragraphe 421.27(4) du RAC, la formation en vol pour l’obtention d’une licence de pilote privé – hélicoptère doit compter :
- Le demandeur doit avoir suivi un cours d’au moins 45 heures de formation en vol de pilote privé d’hélicoptère sous la direction et la surveillance du titulaire d’une qualification d’instructeur de vol - hélicoptère dont au plus 5 heures des 45 heures de formation peuvent être effectuées sur un simulateur d’hélicoptère ou un dispositif d’entraînement au vol approuvé.
- Les heures de formation en vol doivent comprendre au moins :
- 17 heures de vol en double commande, dont au moins trois heures de vol voyage et cinq heures de vol aux instruments comprenant au plus trois heures de vol aux instruments au sol; et
- 12 heures de vol en solo, dont cinq heures de vol-voyage comprenant un parcours d’au moins 100 milles marins qui comporte deux atterrissages avec arrêt complet effectués à d’autres points qu’au point de départ Note de bas de page 45.
Lorsqu’il s’agit du vol solo d’un titulaire d’un permis d’élève-pilote, les conditions suivantes doivent être réunies, d’après le paragraphe 401.19(1) du RAC :
- le vol est effectué pour l’entraînement en vol du titulaire;
- il est effectué au Canada;
- il est effectué en vol VFR de jour;
- il est effectué sous la direction et la surveillance d’une personne qualifiée pour dispenser la formation en vue du permis, de la licence ou de la qualification pour lesquels l’expérience de commandant de bord est exigée;
- aucun passager ne se trouve à bord Note de bas de page 46.
Par ailleurs, l’article 405.32 du RAC énonce les faits suivants :
Avant le début de tout vol d’entraînement, l’instructeur qui dispense ou surveille la formation doit :
- autoriser le vol d’entraînement;
- avoir reçu du stagiaire un accusé de réception de cette autorisation Note de bas de page 47.
Ainsi, une fois que tous les éléments pertinents au vol d’entraînement prévu ont été pris en compte, qu’un exposé avant vol Note de bas de page 48 a été effectué et que l’instructeur a autorisé le vol, le stagiaire signifie à l’instructeur son accord d’effectuer le vol d’entraînement tel que discuté, de façon verbale ou écrite dans le cas d’un instructeur indépendant. En revanche, dans le cas d’une unité de formation au pilotage, l’autorisation de vol et l’accusé de réception requièrent les signatures de l’instructeur et du stagiaire dans le dossier des vols quotidiens Note de bas de page 49.
L’article 405.14 du RAC précise que si le vol d’entraînement est effectué à bord d’un hélicoptère ou d’un avion, l’entraînement doit être donné « conformément au guide de l’instructeur de vol et au manuel de pilotage applicables ou à un document équivalent et au manuel de formation applicable sur les facteurs humains Note de bas de page 50 ». Ces documents étant des documents incorporés par renvoi, ils ont la même valeur légale que le règlement dans lequel ils sont incorporés. L’information contenue dans ces documents permet également de savoir en quoi consiste un enseignement de qualité selon TC.
1.18.3 Direction et surveillance des vols d’entraînement en solo
Le RAC définit la surveillance de vol comme « [l]a tenue des renseignements à jour sur la progression d’un vol et la surveillance des facteurs et des conditions qui peuvent avoir une incidence sur le vol Note de bas de page 51 ».
Bien que le terme « direction » ne soit pas défini dans le RAC, TC considère qu’il s’agit des instructions et directives données au stagiaire par l’instructeur sur ses attentes concernant le vol d’entraînement. Le stagiaire ne peut donc pas décider du déroulement du vol ou faire ce qu’il veut.
TC accepte que la direction et la surveillance se fassent à distance, c’est-à-dire sans que l’instructeur et le stagiaire soient physiquement au même endroit. Cependant, TC considère qu’une surveillance à distance ne devrait être qu’occasionnelle et qu’effectuer une surveillance à distance de tous les vols en solo n’est pas une bonne pratique. Dans l’événement à l’étude, la direction et la surveillance des vols en solo se sont faites à distance pour tous les vols, sauf pour le lâcher solo Note de bas de page 52, où l’instructeur était présent sur le lieu du décollage et de l’atterrissage. Le moyen de communication privilégié par l’instructeur et le stagiaire était un téléphone cellulaire muni d’un dispositif mains libres.
Le manque de précision de la définition du terme « surveillance de vol » et l’absence d’informations plus précises sur le sujet dans les documents disponibles aux instructeurs font que l’interprétation d’une surveillance dite adéquate est laissée à la discrétion des instructeurs. La responsabilité associée à la surveillance d’un vol effectué par un stagiaire qui n’a pas encore sa licence est différente de celle associée au suivi de vol conventionnel d’un pilote qui a déjà sa licence. Dans ce second cas en effet, la principale responsabilité de la personne chargée du suivi de vol est d’aviser les services de recherche et de sauvetage à l’heure indiquée au plan de vol ou de l’itinéraire de vol au cas où l’aéronef n’arriverait pas à destination et serait manquant.
En revanche, dans le cas de la surveillance d’un vol en solo d’un stagiaire, l’instructeur intervient à toutes les étapes de la planification du vol, définit les limites à respecter pour la sécurité du vol et s’assure que le stagiaire possède les connaissances et les compétences pour effectuer le type d’exercice demandé. Il doit aussi considérer s’il est apte physiquement et mentalement à faire le vol.
Selon les données recueillies par le BST, de 2008 à 2018, 92 événements aéronautiques mettant en cause des stagiaires durant un vol d’entraînement en solo sont survenus au Canada. De ces événements, 73 ont été classés comme étant des accidents, dont 5 ont causé la mort du stagiaire Note de bas de page 53 et 2 ont causé des blessures graves Note de bas de page 54.
1.18.4 Exercice de navigation
L’apprentissage du pilotage d’un hélicoptère s’effectue par la pratique de 31 exercices différents, dont un exercice de navigation Note de bas de page 55 qui a pour objet l’acquisition des compétences suivantes :
- Planifier et préparer efficacement un vol-voyage sécuritaire selon les techniques de vol VFR Note de bas de page 56.
- Effectuer un départ efficace et en toute sécurité conformément à une autorisation, une instruction ou une procédure locale.
- Naviguer efficacement et en toute sécurité vers une destination déterminée.
- Effectuer la planification nécessaire en cours de vol vers une autre destination choisie par l’instructeur en cas de déroutement du vol et se diriger en toute sécurité vers cette destination.
- Pour la licence de pilote professionnel seulement, faire la démonstration de la connaissance pratique de l’une des aides à la navigation suivantes : le GPS, le radiophare omnidirectionnel à très haute fréquence (VOR) ou le radiogoniomètre automatique (ADF).
Selon le Guide de l’instructeur au pilotage – Hélicoptère Note de bas de page 57 et le Manuel de pilotage des hélicoptères Note de bas de page 58 de TC, cet exercice s’effectue en utilisant des cartes aéronautiques de navigation VFR (VNC) lors de la planification avant vol et durant le vol. Le stagiaire doit être capable de s’orienter et de connaître sa position en tout temps à l’aide des VNC. L’instructeur peut enseigner l’utilisation du GPS, et se servir d’un GPS comme aide pédagogique complémentaire, mais ne peut autoriser l’utilisation du GPS comme outil principal pour l’atteinte des objectifs de cet exercice. Dans l’événement en cause, l’instructeur a approuvé l’utilisation du GPS comme unique outil de navigation, ce qui contrevient à la réglementation en vigueur.
1.18.5 Déroulement de la formation
La formation au sol s’est déroulée dans les bureaux de la compagnie de l’élève-pilote. Selon les renseignements consignés au dossier d’entraînement du pilote, la formation au sol a débuté le 11 juin 2018, a consisté en 13 séances au total, dont la dernière datant du 7 novembre 2018, pour un total de 40,5 heures de formation théorique.
Selon les informations recueillies par le BST, les responsabilités professionnelles de l’élève-pilote interféraient avec ses cours théoriques, et il avait peu de temps pour la révision et l’étude des matières nécessaires pour réussir l’examen théorique de TC. L’instructeur et l’élève-pilote avaient discuté de cette situation, qui ne s’était pas améliorée de façon significative par la suite. Même si l’élève-pilote avait suivi les 40 heures minimales de formation théorique requises pour l’obtention de la licence Note de bas de page 59, celui-ci n’avait pas acquis le niveau de connaissances nécessaires pour tenter l’examen écrit et n’envisageait pas de le faire prochainement. L’élève-pilote possédait les connaissances de base en météorologie, mais il avait de la difficulté à analyser correctement les prévisions météorologiques indiquées sur les cartes GFA.
Les entraînements en vol avaient été effectués depuis CYUY et, selon le dossier d’entraînement du pilote, ils avaient débuté le 6 août 2018. Cependant, les renseignements inscrits dans les carnets de vol personnels de l’instructeur et de l’élève-pilote ainsi que les factures indiquaient que la formation avait débuté le 1er août. Un vol-voyage aller-retour entre CYUY et l’aéroport de Boundary Bay (CZBB) (Colombie-Britannique) avait en fait été effectué entre le 1er et le 8 août 2018, mais ce vol n’avait pas été inscrit au dossier d’entraînement du pilote. Cette omission explique la différence entre les dates de formation, mais aussi le nombre d’heures de vol totales accumulées par l’élève-pilote, indiquées dans son carnet de vol personnel et dans son dossier d’entraînement (tableau 2) Note de bas de page 60.
De plus, l’enquête a permis de déterminer que plusieurs vols d’entraînement en double commande inscrits dans le dossier d’entraînement du pilote avaient servi à transporter des passagers à différents endroits ou à offrir des vols d’excursion dans les environs de CYUY, ce qui contrevient à la réglementation en vigueur Note de bas de page 61.
L’élève-pilote a effectué son lâcher solo le 12 octobre 2018, après avoir accumulé 53,7 heures de vol selon son dossier d’entraînement. Ce vol comprenait des manœuvres en vol stationnaire, des déplacements près du sol ainsi que des atterrissages et des décollages pendant environ 15 minutes, sous la surveillance directe de l’instructeur.
Le vol en solo suivant a été effectué le 18 octobre 2018. Selon le dossier d’entraînement de l’élève-pilote, ce dernier a effectué des exercices près du sol Note de bas de page 62 et des circuits à CYUY. Cependant, les informations recueillies pendant l’enquête ont permis d’établir que le vol avait servi à emmener l’instructeur à La Sarre (Québec), où il donnait de la formation à une autre personne. L’élève-pilote est retourné seul ensuite à CYUY Note de bas de page 63. L'élève-pilote a effectué 4 autres vols en solo par la suite, et tous avaient servi à d’autres fins que la pratique des exercices inscrits dans son dossier d’entraînement.
1.18.5.1 Vol-voyage de Rouyn-Noranda à destination de l’héliport Montréal/Mirabel Hélico
La discussion du vol-voyage à destination de CMH4 avait eu lieu la semaine précédant l’accident. On avait convenu que ce vol serait un vol d’entraînement en solo, mais qu’il permettrait en plus de faire vérifier le dispositif de préchauffage de la batterie de l’hélicoptère par un organisme de maintenance agréé de Mirabel et d’emmener l’instructeur à Rouyn-Noranda pour qu’il continue de donner la formation prévue toutes les 2 semaines.
Ce vol de navigation d’une distance d’environ 250 NM nécessitait l’utilisation de 3 VNC Note de bas de page 64, Note de bas de page 65 et de la carte de région terminale VFR (VTA) Note de bas de page 66 de Montréal. Étant donné la complexité de naviguer à l’aide de 4 cartes de navigation comparativement au niveau d’avancement de l’élève-pilote dans sa formation, l’instructeur avait autorisé l’utilisation du GPS comme unique outil de navigation. Il y avait 2 GPS à bord de l’hélicoptère, un GPS intégré au tableau de bord et un GPS portatif maintenu par un support sur le tableau de bord.
Aucun arrêt pour le ravitaillement n’avait été prévu sur la route de l’aéronef. Le temps de vol total prévu était d’environ 2 heures et demie. La quantité de carburant à bord de l’hélicoptère avant le décollage était de 383 L, ce qui correspond à une autonomie maximale de vol théorique Note de bas de page 67 d’environ 3 heures et 15 minutes. Le temps de vol réel jusqu’au site de l’écrasement enregistré dans le VEMD était de 2 heures 26 minutes et 34 secondes.
Les éléments suivants avaient fait l’objet d’un exposé avant vol au téléphone :
- les conditions météorologiques sur la route prévue de l’aéronef;
- les espaces aériens réglementés;
- les NOTAM pertinents;
- si la couverture nuageuse se détériorait, la possibilité d’effectuer un demi-tour ou de se poser soit à l’aérodrome de La Macaza/Mont-Tremblant International Inc. (CYFJ) (Québec) soit à l’aérodrome de Mont-Laurier (CSD4) ou de suivre la route 117 (plan B).
Selon les informations recueillies pendant l’enquête, aucune VNC ni feuille de navigation n’était à la disposition de l’élève-pilote au moment du décollage. Seule une feuille sur laquelle étaient indiquées les différentes fréquences radio à utiliser le long de sa route était en sa possession.
Après le décollage, l’instructeur n’a pas suivi l’évolution des conditions météorologiques et l’élève-pilote n’a pas appelé le centre d’information de vol de Québec non plus pour obtenir une mise à jour des prévisions dans la zone de CMH4. L’instructeur se fiait à l’élève-pilote non seulement pour l’informer par téléphone de la progression du vol et des conditions météorologiques rencontrées, mais aussi pour opter de sa propre initiative pour un déroutement au cas où le plafond nuageux deviendrait trop bas.
1.18.6 Prise de décision
Durant toute la formation des stagiaires, les instructeurs jouent un rôle essentiel dans l’apprentissage de la prise de décision. Les stagiaires n’ont pas l’expérience nécessaire pour clairement reconnaître les dangers potentiels et les options à leur disposition. Ils s’en remettent souvent au jugement de leur instructeur pour les guider et leur enseigner à évaluer les différentes situations. Il est donc important que l’instructeur mette l’accent sur cet aspect de l’apprentissage et montre au stagiaire comment évaluer les risques et quelles sont les limites acceptables. Le stagiaire peut tirer un grand nombre de leçons à ce sujet en observant les faits et gestes de l’instructeur et les décisions qu’il prend.
1.18.6.1 Le choix du vol
Le vol de navigation exige d’un stagiaire la mise en pratique de plusieurs sujets théoriques étudiés au préalable, tels que la météorologie, les facteurs humains, la réglementation et l’apprentissage de la gestion de plusieurs nouvelles tâches durant le vol. Il est donc important que cet exercice s’effectue progressivement; par exemple, en divisant l’exercice en plusieurs étapes et en s’assurant que le parcours suivi pour un vol de navigation solo ait déjà été effectué lors d’un vol en double commande.
Avant de décider d’effectuer le vol-voyage entre Rouyn-Noranda et CMH4, les éléments suivants, au minimum, devaient être pris en compte :
- vol au-dessus d’un terrain inhospitalier et peu connu de l’élève-pilote;
- vol prévu non effectué au préalable en double commande;
- vol longue distance (250 NM);
- vol exigeant des compétences avancées Note de bas de page 68.
Même si l’élève-pilote s’était préalablement exercé aux atterrissages en zones restreintes et sur des terrains en pente, ce vol-voyage comportait des risques supplémentaires principalement en raison du couvert forestier et de la topographie rendant les atterrissages imprévus difficiles, voire impossibles. Ces difficultés et risques supplémentaires n’étaient pas bénéfiques à l’apprentissage de l’élève-pilote. De plus, ses compétences pour naviguer à l’aide des différentes cartes requises avaient été jugées insuffisantes par l’instructeur, qui lui avait permis d’utiliser le GPS comme unique outil de navigation pour lui simplifier la tâche. Cette permission empêchait l’élève-pilote de pratiquer l’exercice de navigation tel qu’exigé pour la réussite de son test en vol.
1.18.6.1.1 La décision d’effectuer le vol et de poursuivre le vol
La perception qu’une personne a d’une situation donnée est intimement liée à sa compréhension de la situation au moment présent et de sa perception de l’évolution de cette situation. Cette perception peut évoluer en fonction des changements de circonstances. C’est ce qu’on appelle la conscience situationnelle.
L’instructeur n’était pas à l’aise avec les prévisions météorologiques annoncées pour le secteur de Mirabel. Néanmoins, les facteurs suivants ont pu l’influencer au moment d’approuver le vol en solo :
- vol perçu comme moins complexe qu’en réalité (utilisation du GPS);
- discussion d’un plan B en cas de baisse des plafonds nuageux;
- autres motivations d’effectuer le vol que celle (unique) du vol d’entraînement;
- sous-estimation des risques associés à un tel vol;
- tendance à s’en tenir au plan.
L’instructeur ne s’est pas référé au programme d’entraînement en vol de la compagnie, qui indiquait les conditions météorologiques minimales à respecter pour tout vol en solo, pour prendre sa décision. Il avait l’habitude d’évaluer les conditions météorologiques et de voir si elles étaient favorables aux exercices en vol prévus, sans s’arrêter à des données précises.
Une étude a été effectuée sur 390 accidents survenus aux États-Unis entre 2001 et 2005 Note de bas de page 69 mettant en cause des titulaires de permis d’élève-pilote - avion lors de vols en solo. Les causes attribuables à ces accidents répertoriés par le National Transportation Safety Board ont été classées en 3 catégories, soit :
- erreur de compétence (p. ex., mauvaise technique de pilotage) : 86 % des cas;
- erreur de planification et de décision : 10 % des cas;
- défaillance d’un système (p. ex., problème mécanique) : 4 % des cas.
L’étude suggère que les erreurs attribuables à une mauvaise planification ou prise de décision peuvent être corrigées par l’instructeur de vol, surtout lorsque celles-ci surviennent avant le vol en solo. Les accidents mortels sont plus courants lorsque les vols ont pour destination un aéroport inconnu, qui demandent une planification et une prise de décision plus élaborées. La supervision des instructeurs lors de la préparation des vols de ce genre est donc cruciale pour la sécurité des stagiaires en vol solo.
Par ailleurs, selon une trousse éducative Note de bas de page 70 de TC, la prise de décisions des pilotes est différente selon le temps dont ils disposent pour agir :
- avant le vol, la prise de décision est dite « sans souci du temps »;
- durant le vol, la prise de décision est dite « quand le temps presse », car une réaction rapide est nécessaire et souvent prise en fonction d’une expérience antérieure similaire ou simulée pendant l’entraînement.
Une fois que le vol en solo a débuté, l’instructeur ne peut pas corriger les décisions dites « quand le temps presse » prises par un stagiaire. De plus, les stagiaires, tout comme les pilotes peu expérimentés, « sont moins à même de reconnaître et d’interpréter correctement une situation et sont plus souvent forcés à adopter un comportement fondé sur la connaissance Note de bas de page 71 » plutôt que sur l’expérience. Leurs connaissances étant généralement limitées, « ils sont également plus susceptibles de commettre des erreurs à cause de ce manque de connaissances Note de bas de page 72 ». Dans l’événement en cause, l’élève-pilote n’était pas familier avec le secteur des Laurentides ni les risques associés aux régions montagneuses.
Enfin, par le passé, l’utilisation du GPS comme unique outil de navigation, ainsi qu’une trop grande confiance accordée à ce dernier, ont déjà influencé la décision de pilotes effectuant des vols VFR, les incitant à poursuivre leur vol malgré une détérioration des conditions météorologiques. De plus, pour qu’un stagiaire soit capable de se repérer efficacement à l’aide d’une carte, il doit pouvoir conserver une altitude suffisamment élevée pour reconnaître plus facilement les éléments détaillés sur la carte et s’en servir pour s’orienter alors que l’utilisation du GPS ne nécessite pas une reconnaissance des lieux environnants pour s’orienter. Les pilotes qui font trop confiance au GPS ont l’impression qu’ils ne peuvent pas se perdre, ce qui peut les inciter à poursuivre leur route même quand les conditions sont défavorables. Au contraire, les pilotes qui utilisent les cartes de navigation doivent, lorsque les conditions météorologiques se dégradent, modifier leur route et aller chercher des repères visuels pour les aider à déterminer leur position, ce qui les incite à réfléchir beaucoup plus tôt à la possibilité de rebrousser chemin.
1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces
Sans objet.
2.0 Analyse
2.1 Généralités
L’examen de l’épave et des dossiers techniques de l’aéronef n’a révélé aucun problème mécanique (ni avant l’accident ni au moment de l’accident) susceptible d’avoir joué un rôle dans l’événement à l’étude. Les dommages constatés sur l’aéronef indiquaient que le moteur fonctionnait et que les rotors étaient entraînés par celui-ci au moment de l’impact.
Les essais effectués par le Laboratoire d’ingénierie du BST ont démontré que la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) était en état de fonctionnement. Cependant, l’interrupteur a été retrouvé à la position OFF, et il n’a pas été possible d’en déterminer la raison. Les blessures reçues par l’élève-pilote au moment de l’impact ne laissaient aucune chance de survie. Par ailleurs, l’absence de signal de détresse, qui a retardé la localisation de l’hélicoptère par les équipes de recherche et de sauvetage, n’a rien changé à ses chances de survie.
L’élève-pilote était titulaire d’un permis d’élève-pilote et d’un certificat médical de catégorie 3, tous les 2 valides. Cependant, le certificat médical était erroné en raison d’erreurs administratives par Transports Canada (TC) survenues au cours du processus d’évaluation du dossier médical de l’élève-pilote. Aucune restriction ni limitation n’avait été ajoutée à son certificat médical, malgré le diagnostic de vision monoculaire et de vision limitée de près nécessitant le port de verres correcteurs. Si TC délivre un certificat médical sans évaluer correctement le dossier médical du candidat, il y a un risque qu’un pilote présentant une déficience susceptible de l’empêcher de s’acquitter de ses tâches en toute sécurité soit autorisé à piloter.
Si des conditions de faible contraste étaient présentes au moment de l’événement, selon l’opinion de l’ophtalmologue, la performance visuelle de l’élève-pilote aurait été réduite en raison de sa vision monoculaire, et ce facteur a possiblement contribué de façon significative à l’événement. Cependant, l’enquête n’a pu établir avec certitude les conditions de contraste visuel rencontrées par l’élève-pilote et si sa vision monoculaire a effectivement contribué ou non à l’événement.
L’instructeur de vol a approuvé le vol en solo au départ de Rouyn-Noranda malgré des conditions météorologiques marginales dans le secteur de CYMX. En effet, les conditions étaient inférieures aux minimums établis pour un vol en solo par le programme d’entraînement en vol de la compagnie, et il y avait des probabilités de bruine verglaçante entre Mont-Laurier et Mirabel. Les données météorologiques enregistrées par les radars n’ont pas permis d’en savoir plus sur les conditions météorologiques au moment de l’accident ni de déterminer si de la bruine verglaçante était présente. Il est toutefois possible que la couverture nuageuse ait été plus basse que prévu en raison de la topographie des Laurentides et de l’humidité relativement élevée dans le secteur de l’événement. La découverte d’une mince couche de glace sur l’une des pales du rotor principal de l’épave sur le lieu de l’écrasement suggère la présence probable de précipitations verglaçantes au moment du vol.
Quand les conditions météorologiques se dégradent, il est difficile de piloter, particulièrement à basse altitude, et encore plus pour un élève-pilote. Les risques connexes doivent être gérés correctement avant et pendant le vol. Par ailleurs, les pilotes doivent pouvoir reconnaître que les conditions ne sont pas propices à la poursuite d'un vol et prendre des mesures décisives, ce qui peut être difficile pour un pilote inexpérimenté tel un élève-pilote.
L’enquête a fait ressortir plusieurs lacunes dans le déroulement de la formation de l’élève-pilote et l’absence d’un plan de surveillance de TC pour les instructeurs de vol indépendants qui offrent des services d’entraînement en vol.
Par conséquent, l’analyse portera sur les faits suivants :
- la planification et la surveillance du vol-voyage entre Rouyn-Noranda et CMH4;
- la collision avec le relief;
- la formation donnée par l’instructeur;
- la délivrance d’un certificat médical pour demandeur monoculaire;
- la surveillance réglementaire de TC.
2.2 Planification et surveillance du vol-voyage entre Rouyn-Noranda et l’héliport Montréal/Mirabel Hélico
2.2.1 Planification
La discussion à propos du vol-voyage à destination de CMH4 a eu lieu la semaine précédant l’accident. L’utilisation requise de 3 cartes aéronautiques VNC (cartes de navigation pour les règles de vol à vue [VFR]) et de la carte de région terminale VFR (VTA) de Montréal pour effectuer le vol-voyage de 250 milles marins (NM) ayant été jugée trop complexe pour le niveau d’avancement de l’élève-pilote à ce moment-là, l’instructeur a autorisé le vol avec seul le système de positionnement mondial (GPS) comme outil principal de navigation. Cependant, le fait qu’une tierce personne, et non l’élève-pilote, ait programmé les 2 GPS disponibles pour le vol avant le départ suggère que l’élève-pilote possédait une connaissance limitée du fonctionnement et de la programmation des GPS. Si des stagiaires entreprennent un vol sans savoir bien utiliser les différents outils utiles à la navigation, ils risquent de ne pas pouvoir s’orienter correctement et de ne pas naviguer de façon sécuritaire.
Selon les documents pertinents de TCNote de bas de page 73, la pratique de l’exercice de vol de navigation s’effectue à l’aide de cartes VNC, outil principal d’orientation du pilote. L’instructeur peut enseigner l’utilisation du GPS, et se servir d’un GPS comme aide pédagogique complémentaire, mais ne peut en faire l’outil principal de navigation. Tout vol en solo d’un titulaire de permis d’élève-pilote doit être effectué dans un but d’entraînement dans des conditions conformes aux exigences du test en vol. Or, l’autorisation du vol sans l’utilisation des VNC contrevenait à cette condition. De plus, les conditions météorologiques lors de l’événement étaient inférieures aux minimums météorologiques inscrits au programme d’entraînement de la compagnie pour tout vol d’entraînement en solo.
Il est fort probable que plusieurs facteurs aient motivé la décision d’entreprendre ce vol, notamment :
- le transport de l’instructeur à Rouyn-Noranda pour la poursuite de la formation prévue toutes les 2 semaines;
- la vérification du dispositif de préchauffage de la batterie par un organisme de maintenance agréé;
- le fait que le vol était perçu comme moins complexe qu’en réalité (utilisation du GPS);
- la discussion d’un plan B en cas de baisse des plafonds nuageux;
- la sous-estimation des risques associés à un tel vol.
Par ailleurs, le vol semble avoir été planifié sans tenir compte du niveau de compétence réel de l’élève-pilote, du niveau de difficulté de ce vol-voyage ni des risques associés. En effet, l’élève-pilote n’avait accumulé que 7,5 heures de vol en solo, toutes effectuées dans les environs de Rouyn-Noranda, et il ne connaissait pas la région des Laurentides. De plus, la route prévue était 2 fois et demie plus longue que la distance de 100 NM requise par la réglementation pour l’obtention de la licence de pilote privé et qui est en règle générale la plus longue route que les stagiaires ont à effectuer en vol solo durant leur formation. Enfin, le vol entre Rouyn-Noranda et CHM4 se fait principalement au-dessus d’un terrain inhospitalier et peu connu de l’élève-pilote, ce qui rend les atterrissages imprévus difficiles. Il apparaît donc que les risques associés au vol prévu ont été sous-estimés et que les compétences de l’élève-pilote ont été, elles, surestimées. Le choix de ce vol dans le cadre de cette formation n’était pas approprié étant donné le niveau d’expérience de l’élève-pilote.
Le matin de l’accident, l’instructeur et l’élève-pilote avaient tenu un exposé avant vol par téléphone et avaient revu les conditions météorologiques prévues le long de la route. Ils avaient également tenu 2 autres brèves discussions téléphoniques avant le décollage à propos des conditions météorologiques, ce qui laisse croire que des doutes existaient quant à la faisabilité du vol dans ces conditions.
Le programme d’entraînement en vol d’Azimut Heli-Services Inc. stipulait que les minimums relatifs aux plafonds nuageux et à la visibilité pour un vol-voyage effectué en solo devaient être respectivement de 2000 pieds au-dessus du sol (AGL) et de 5 milles terrestres (SM). Cependant, les informations recueillies ce matin-là indiquaient que les minimums possibles pour les plafonds nuageux et la visibilité le long de la route étaient respectivement de 800 pieds AGL et de 3 SM. Du givrage modéré mixte était également annoncé par endroit entre la surface et 4000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) en raison de bruine verglaçante possible.
Le vol en solo a été autorisé malgré les conditions météorologiques inférieures aux minimums stipulés dans le programme d’entraînement en vol et la possibilité de bruine verglaçante.
Si des exercices en vol solo sont autorisés sans tenir compte des conditions indiquées dans le programme d’entraînement en vol, du niveau de compétence du stagiaire par rapport aux conditions météorologiques prévues et des difficultés de la route à parcourir, celui-ci risque de se retrouver rapidement dans une situation qui excède ses compétences et qui compromet la sécurité du vol.
L’instructeur avait discuté des conditions météorologiques et d’un plan B en cas de détérioration de la couverture nuageuse avec l’élève-pilote, qui lui avait confirmé qu’il appliquerait le plan B si nécessaire. L’instructeur pensait alors que l’élève-pilote avait toutes les informations nécessaires à sa disposition pour pouvoir réagir adéquatement en cas de besoin même si :
- Lui-même (l’instructeur) n’était pas à l’aise avec les conditions météorologiques annoncées dans le secteur de CYMX.
- L’hélicoptère n’était pas certifié pour le vol dans des conditions givrantes.
La planification de vols en dépit du fait que des conditions givrantes sont prévues sur la route et que l’aéronef n’est pas certifié pour voler dans ces conditions risque de compromettre la sécurité du vol.
2.2.2 Surveillance du vol-voyage entre Rouyn-Noranda et Mirabel
Une fois le décollage autorisé, l’instructeur a appelé le centre d’information de vol de Québec pour obtenir d’autres informations concernant le givrage prévu, ce qui suggère qu’il avait des doutes quant à la faisabilité du vol dans ces conditions. Bien que le spécialiste d’information de vol ait confirmé la possibilité de givrage en vol et la présence de conditions météorologiques défavorables au vol VFR dans le secteur de CYMX pour la journée, l’instructeur s’en est tenu au plan initial sans effectuer de modifications ou de suivi. Quant à la faisabilité ou non du vol, l’instructeur se percevait davantage comme conseiller pour l’élève-pilote plutôt que personne responsable du vol détentrice du pouvoir décisionnel. Il comptait sur l’élève-pilote pour le tenir informé de tout changement des conditions météorologiques et du sens de l’initiative de celui-ci pour qu’il se déroute au besoin, comme ils en avaient discuté lors de l’exposé avant vol. Il n’a donc pas ressenti la nécessité de s’impliquer davantage et a laissé l’élève-pilote prendre les décisions subséquentes.
Par la suite, ni l’instructeur ni l’élève-pilote n’ont vérifié l’évolution des conditions météorologiques. La décision était de poursuivre le vol et de laisser l’élève-pilote déterminer si le vol pouvait ou non se poursuivre en fonction des conditions météorologiques qu’il rencontrerait.
Les prévisions d’aérodrome pour l’aéroport de Montréal International (Mirabel) (CYMX) ont été révisées à 11 h 09 et à 12 h 11 (heures locales), et aucune amélioration de la couverture nuageuse n’était prévue dans le secteur de CYMX entre 11 h et 13 h (heure locale). L’information récente aurait pu remettre en question le plan initial, qui reposait, semble-t-il, sur une amélioration potentielle (pendant le vol) des conditions météorologiques à Mirabel. Si l’instructeur avait pris connaissance des prévisions mises à jour, il aurait pu en aviser l’élève‑pilote par téléphone et lui demander de retourner à son point de départ ou de se poser à Mont-Laurier (CSD4). N’ayant pas cette information à sa disposition, il avait une conscience de la situation erronée et a laissé le vol se poursuivre. La surveillance du vol en solo était inadéquate, car elle ne prévoyait pas l’obtention des mises à jour des conditions météorologiques.
L’élève-pilote a effectué le dernier appel (50 secondes) vers 12 h 08, alors qu’il était aux environs de Mont-Laurier, et a discuté principalement du déroulement du vol et de l’heure d’arrivée prévue à CMH4. Aucune mention de mise à jour des conditions météorologiques pour CYMX n’a été faite, ce qui laisse penser que l’instructeur a jugé que cela n’était pas nécessaire; il surestimait probablement les capacités de l’élève-pilote à faire face adéquatement à une possible dégradation des conditions météorologiques ou sous-estimait l’effet topographique du secteur montagneux sur les conditions de vol et les risques associés.
De plus, les informations recueillies au cours de l’enquête suggèrent qu’au départ, l’élève‑pilote ne semblait pas comprendre clairement les risques associés aux conditions météorologiques prévues. Son peu d’expérience de pilote aux commandes et sa méconnaissance des particularités de la région des Laurentides l’ont probablement empêché de projeter le déroulement de son vol-voyage dans le temps de façon réaliste en l’absence d’informations cruciales. Étant donné que son instructeur pouvait le joindre par téléphone et que celui-ci était responsable de la surveillance du vol, il est possible que l’élève-pilote se fiait en partie sur son instructeur pour l’aviser de toute dégradation des conditions météorologiques et pour lui indiquer ce qu’il devait faire par la suite.
Le vol non linéaire au sud-est de Mont-Tremblant et les altitudes de vol enregistrées par le GPS indiquent que l’élève-pilote a probablement vu que l’espace était limité entre la couverture nuageuse et le sol, ce qui rendait difficile ou impossible le vol en ligne droite dans cette région montagneuse. À ce moment-là, il avait la possibilité de rebrousser chemin ou d’effectuer un atterrissage inopiné.
L’utilisation du GPS comme unique outil de navigation lui a permis de poursuivre sa route à une altitude beaucoup plus basse que s’il avait utilisé les cartes de navigation. Pour qu’un stagiaire soit capable de se repérer efficacement à l’aide d’une carte, il doit pouvoir conserver une altitude suffisamment élevée pour reconnaître plus facilement les éléments détaillés sur la carte et s’en servir pour s’orienter. Si la couverture nuageuse baisse, la réduction de l’altitude de vol nécessaire dans ce cas-là rend la reconnaissance du terrain et l’orientation plus difficiles, ce qui peut forcer le stagiaire à rebrousser chemin plus tôt pour éviter de se perdre ou voler à plus basse altitude en suivant des repères précis au sol, comme une route à proximité. N’ayant pas besoin de rester à une altitude minimale afin de suivre un ou des repères au sol pour s’orienter, l’élève-pilote a pu poursuivre sa route avec l’aide du GPS comme unique outil de navigation en réduisant constamment son altitude pour garder un contact visuel avec le sol, tout en contournant les obstacles qu’il ne pouvait pas survoler.
Il est possible que d’autres facteurs aient influencé la décision de l’élève-pilote de poursuivre son vol une fois que les conditions météorologiques ont commencé à se détériorer, notamment :
- la méconnaissance de la région des Laurentides et des risques associés;
- le fait que l’instructeur n’avait pas mentionné que les conditions météorologiques ne s’étaient pas améliorées lors de la dernière conversation téléphonique;
- son niveau de connaissances insuffisant;
- la faible distance restante à parcourir;
- le fait que son instructeur l’attendait à CMH4 et qu’il avait rendez-vous chez un organisme de maintenance agréé.
Il est fort probable que l’élève-pilote ait rencontré des conditions météorologiques défavorables l’obligeant à voler à très basse altitude pour conserver ses références visuelles.
2.3 Collision avec le relief
L’analyse des données GPS, du dispositif d’affichage multifonction moteur et véhicule (Vehicle and Engine Multifunction Display [VEMD]) et l’examen du lieu de l’écrasement suggèrent que l’élève-pilote a conservé une certaine maîtrise de l’hélicoptère jusqu’à la collision avec les arbres. En effet, aucune donnée caractéristique d’une désorientation spatiale à la suite d’une perte de référence visuelle avec le sol n’a été relevée. Il est raisonnable de croire qu’au cours des instants précédant la collision, l’élève-pilote portait son attention visuelle vers l’avant et vers l’extérieur (non pas dans la cabine de pilotage). Il est probable qu’à ce moment-là, il a éprouvé des difficultés à évaluer avec justesse sa vitesse et le taux de descente qui étaient élevés, possiblement en raison du relief qui était en pente. De plus, la présence possible de nuages bas a pu contribuer aux difficultés rencontrées en rendant moins visible l’horizon, cette ligne visuelle entre le sol et le ciel qui permet aux pilotes de déterminer leur position et leur déplacement dans l’espace. La faible altitude ainsi que la vitesse et le taux de descente élevés ne donnaient pas beaucoup de temps pour réagir et éviter une collision. La collision de l’hélicoptère avec les arbres à la suite de la descente rapide a entraîné un impact violent avec le relief. Il n’a toutefois pas été possible de déterminer pourquoi l’élève-pilote avait effectué un virage et une descente rapide.
Même s’il n’est pas certain que des conditions de bruine verglaçante étaient présentes peu avant l’accident, il est possible que l’hélicoptère ait traversé une zone de précipitations givrantes et qu’une mince couche de givre ou de glace se soit formée sur le pare-brise, réduisant la visibilité pour l’élève-pilote et ainsi sa capacité à évaluer sa position verticale par rapport au relief lors de la descente.
2.4 Formation donnée par l’instructeur
En raison de l’absence d’une unité de formation au pilotage dans la région de Rouyn‑Noranda et de ses obligations professionnelles, l’élève-pilote a opté pour la flexibilité qu’offraient les services d’un instructeur indépendant pour suivre sa formation dans le but d’obtenir une licence de pilote privé – hélicoptère. L’instructeur de vol, qui habitait la région de Montréal, se déplaçait à Rouyn-Noranda approximativement toutes les 2 semaines pour une période de 3 à 4 jours afin de donner la formation au sol et en vol à l’élève-pilote.
La formation au sol était donnée dans les bureaux de la compagnie de l’élève-pilote, ce qui n’était pas propice à l’apprentissage. Les séances de formation étaient régulièrement interrompues par les responsabilités professionnelles de l’élève-pilote, qui ne pouvait donner la priorité à sa formation et consacrer le temps nécessaire à son étude personnelle pour consolider ce qu’il avait appris lors des séances. L’instructeur et l’élève-pilote avaient abordé la question, mais la situation ne s’était pas améliorée de façon significative après leur discussion. Dans ces conditions, le niveau de connaissances de l’élève-pilote était plus faible que prévu, ce dont était conscient l’instructeur, même s’il était indiqué dans le dossier d’entraînement du pilote qu’il avait suivi 40,5 heures de formation théorique.
Les vols d’entraînement s’étaient principalement déroulés dans la région au nord de Rouyn-Noranda. L’enquête a permis d’établir que plusieurs vols d’entraînement en double commande avaient servi au transport de passagers d’un point A à un point B ou pour offrir des vols d’excursion. De plus, des exercices de vols en solo consignés dans le dossier d’entraînement du pilote ne correspondaient pas aux exercices effectués en réalité, ce qui contrevient à la réglementation en vigueur. L’instructeur était au courant de la situation, car il a inscrit lui-même dans le dossier que l’élève-pilote s’était exercé à faire des circuits à l’aéroport et avait fait des exercices près du sol et des transitionsNote de bas de page 74 lors de son deuxième vol en solo alors qu’en réalité, ce vol avait servi à transporter l’instructeur à La Sarre, où il donnait de la formation à un autre stagiaire. Si les heures inscrites au dossier d’entraînement de l’élève-pilote ne lui ont pas toutes servi à s’exercer et à améliorer ses compétences en vol, celui-ci possédait probablement un niveau de compétence insuffisant pour faire face aux conditions qu’il pouvait rencontrer au cours d’un vol-voyage (tel que celles qui étaient prévues).
Si la formation des stagiaires ne répond pas aux normes applicables stipulées dans les différents guides, les stagiaires risquent de ne pas acquérir toutes les compétences requises pour faire face aux différentes situations qu’ils peuvent rencontrer au cours de vols en solo.
2.5 Délivrance d’un certificat médical pour demandeur monoculaire
Les renseignements recueillis au cours de l’enquête ont permis d’établir que la performance visuelle de l’élève-pilote était réduite en raison de sa vision monoculaire, mais il a été impossible de déterminer si ce facteur a contribué à l’accident. Toutefois, une mauvaise évaluation d’un demandeur monoculaire pourrait avoir des répercussions sur sa capacité à assurer la sécurité du vol pour lui-même et ses passagers s’il se voit délivrer un certificat médical.
De façon générale, la vision monoculaire rend l’évaluation de la hauteur par rapport à un terrain en pente plus difficile surtout lorsque l’aéronef vole à très basse altitude et est en descente rapide comme dans l’événement à l’étude. On sait que le test pratique en vol pour demandeur monoculaire n’avait pas été effectué conformément aux exigences de TC. Également, le formulaire lié au test n’a pas été révisé par un inspecteur qualifié selon le processus spécifique de la région du Québec. Cependant, même en respectant ces conditions, ce test pratique ne permettait pas d’évaluer une situation semblable, car le test est fait pour le pilotage d’un avion et ne prévoit pas d’exercices propres au pilotage d’un hélicoptère.
Si TC exige des tests pratiques en vol dont les tâches à exécuter ne sont pas adaptées au type d’aéronef utilisé, ces tests risquent de ne pas permettre une évaluation adéquate des candidats.
2.6 Surveillance réglementaire de Transports Canada
La réglementation canadienne actuelle permet à une personne (instructeur indépendant) non titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage d’offrir un service d’entraînement en vol dans certains cas, dont celui où le stagiaire est « propriétaire de l’aéronef utilisé pour l’entraînement ou un membre de la famille de celui-ciNote de bas de page 75 ». Dans les cas précisés, la personne non titulaire du certificat n’a pas à satisfaire aux mêmes exigences réglementaires qui régissent l’exploitation d’une unité de formation au pilotage, même si elle offre les mêmes services et a les mêmes responsabilités vis-à-vis de ses clients. TC s’attend à ce qu’une personne non titulaire d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage agisse conformément à la réglementation en vigueur et offre une qualité d’enseignement équivalente à celle offerte dans une unité de formation au pilotage. Cependant, TC n’inclut pas les instructeurs indépendants dans un plan de surveillance, contrairement aux unités de formation au pilotage, et peut difficilement veiller à ce que ces attentes soient respectées.
Dans le passé, les inspecteurs qui travaillaient au sein des divisions régionales de TC responsables des écoles de pilotage étaient affectés uniquement à des tâches de surveillance des unités de formation au pilotage. Ils possédaient une expertise dans le domaine de la formation et avaient des contacts réguliers avec les instructeurs indépendants, ce qui leur permettait d’exercer une certaine surveillance et d’intervenir au besoin. Cependant, la restructuration interne de TC vers la fin des années 2000 a entraîné :
- l’abolition des divisions régionales s’occupant des écoles de pilotage, qui ont été intégrées aux nouvelles directions des opérations;
- la redistribution des tâches aux inspecteurs, indépendamment de leur champ d’expertise;
- la répartition combinée des tâches de surveillance des unités de formation au pilotage et des exploitants aériens commerciaux entre tous les inspecteurs des directions régionales des opérations.
En raison de ces changements, les inspecteurs ont moins de contact direct avec les instructeurs indépendants qu’avant la restructuration interne de TC. Par ailleurs, ils ont très peu de moyens de connaître les effectifs de cette catégorie d’instructeurs et si l’enseignement qu’ils dispensent répond aux attentes de TC. Depuis la restructuration, les inspecteurs peuvent donc difficilement effectuer une surveillance équivalente à celle qu’ils effectuaient antérieurement.
La réception d’une plainte formelle contre un instructeur indépendant est l’unique moyen à la disposition des inspecteurs de TC d’effectuer une certaine surveillance. Cependant, cette surveillance se limite à un seul individu et ne permet pas aux inspecteurs d’agir en amont auprès de tous les instructeurs indépendants en vue d’assurer le maintien des bonnes pratiques ou d’empêcher les infractions à la réglementation.
Si le Règlement de l’aviation canadien (RAC) n’oblige pas les personnes non titulaires d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage qui exploitent un service d’entraînement en vol à aviser le ministre de leurs activités, TC ne peut pas assurer une surveillance adéquate de ces personnes ni de leurs activités, augmentant le risque d’écarts dans la formation des pilotes.
Les instructeurs indépendants ne bénéficient pas de la structure organisationnelle d’une unité de formation au pilotage. Cette structure fournit un cadre professionnel aux instructeurs par la présence d’un chef instructeur qui s’assure de leurs compétences, par l’accès à de la formation continue, par le partage de connaissances entre collègues et par un soutien en cas de difficultés. Le simple fait de ne pas faire partie d’une unité de formation au pilotage n’est pas forcément synonyme de moins bonnes pratiques et compétences. Cependant, l’absence de soutien et d’encadrement, en plus de l’absence de surveillance de la part de TC, supprime un moyen de défense important contre tout écart, volontaire ou involontaire, par rapport aux bonnes pratiques et contre tout enseignement de mauvaise qualité. Si les inspecteurs de TC n’incluent pas les instructeurs indépendants dans leur plan de surveillance, les mauvaises pratiques et les infractions à la réglementation risquent de ne pas être détectées ni donc corrigées.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Le vol en solo a été autorisé malgré les conditions météorologiques inférieures aux minimums stipulés dans le programme d’entraînement en vol et la possibilité de bruine verglaçante.
- La surveillance du vol en solo était inadéquate, car elle ne prévoyait pas l’obtention des mises à jour des conditions météorologiques.
- Il est fort probable que l’élève-pilote ait rencontré des conditions météorologiques défavorables l’obligeant à voler à très basse altitude pour conserver ses références visuelles.
- La collision de l’hélicoptère avec les arbres à la suite de la descente rapide a entraîné un impact violent avec le relief.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si Transports Canada délivre un certificat médical sans évaluer correctement le dossier médical du candidat, il y a un risque qu’un pilote présentant une déficience susceptible de l’empêcher de s’acquitter de ses tâches en toute sécurité soit autorisé à piloter.
- Si des stagiaires entreprennent un vol sans savoir bien utiliser les différents outils utiles à la navigation, ils risquent de ne pas pouvoir s’orienter correctement et de ne pas naviguer de façon sécuritaire.
- Si des exercices en vol solo sont autorisés sans tenir compte des conditions indiquées dans le programme d’entraînement en vol, du niveau de compétence du stagiaire par rapport aux conditions météorologiques prévues et des difficultés de la route à parcourir, celui-ci risque de se retrouver rapidement dans une situation qui dépasse ses compétences et qui compromet la sécurité du vol.
- La planification de vols en dépit du fait que des conditions givrantes sont prévues sur la route et que l’aéronef n’est pas certifié pour voler dans ces conditions risque de compromettre la sécurité du vol.
- Si Transports Canada exige des tests pratiques en vol dont les tâches à exécuter ne sont pas adaptées au type d’aéronef utilisé, ces tests risquent de ne pas permettre une évaluation adéquate des candidats.
- Si la formation des stagiaires ne répond pas aux normes applicables stipulées dans les différents guides, les stagiaires risquent de ne pas acquérir toutes les compétences requises pour faire face aux différentes situations qu’ils peuvent rencontrer au cours de vols en solo.
- Si le Règlement de l’aviation canadien n’oblige pas les personnes non titulaires d’un certificat d’exploitation d’unité de formation au pilotage qui exploitent un service d’entraînement en vol à aviser le ministre de leurs activités, Transports Canada ne peut pas assurer une surveillance adéquate de ces personnes ni de leurs activités, augmentant le risque d’écarts dans la formation des pilotes.
- Si les inspecteurs de Transports Canada n’incluent pas les instructeurs indépendants dans leur plan de surveillance, les mauvaises pratiques et les infractions à la réglementation risquent de ne pas être détectées ni donc corrigées.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- L’interrupteur monté sur la radiobalise de repérage d’urgence était à la position OFF.
- Dans l’événement en cause, le propriétaire de l’hélicoptère n’avait pas mis à jour l’information dans le Registre canadien des balises après l’acquisition de l’aéronef.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
Le Bureau n’est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l’événement à l’étude.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 26 novembre 2019. Le rapport a été officiellement publié le 20 janvier 2020.
Annexes
Annexe A — Rapport de test pratique en vol pour demandeur monoculaire
Source : Transports Canada, Direction de la médecine aéronautique civile.
Annexe B — Prévision de zone graphique « Nuages et temps » pour la région Ontario-Québec émise à 0631 le 19 novembre 2018
Source : NAV CANADA.
Annexe C — Prévision de zone graphique « Givrage, turbulence et niveau de congélation » pour la région Ontario-Québec, émise à 0632 le 19 novembre 2018
Source : NAV CANADA.
Annexe D — Image radar composite pour le site de l’accident le 19 novembre 2018 à 1730 UTC
Source : Environnement et Changement climatique Canada, Analyse météorologique – 19 novembre 2018 – Saint-Agathe-des-Monts, Québec (8 janvier 2019).
Annexe E — Norme 425 du Règlement de l'aviation canadien : L’entrainement en vol, article 425.13 : Aperçu du programme d’entraînement en vol
L'aperçu du programme d'entraînement en vol que reçoit tout stagiaire au début du programme d'entraînement en vol doit comprendre les renseignements suivants :
- le nom du programme auquel est inscrit le stagiaire;
- des renseignements concernant l'âge minimal, l'aptitude physique et mentale, les connaissances, l'expérience et les habiletés préalables à la formation; et
- un exemplaire à jour des Normes de test en vol et des Guides des sujets d'étude et des ouvrages à consulter pertinents; et
- les conditions météorologiques minimales nécessaires pendant les vols en double commande et en solo, de nuit comme de jour, en VFR et en IFR, à savoir :
- le plafond et la visibilité minimaux applicables aux vols locaux et aux vols-voyages à des fins d'entraînement,
- le vent de travers maximal au décollage et à l'atterrissage,
- la température minimale à laquelle peut être dispensé l'entraînement en vol;
- les réserves de carburant nécessaires pour les vols d'entraînement en double commande et en solo, qu'il s'agisse de vols locaux ou de vols-voyages;
- la description et l'utilisation des zones réservées aux exercices pratiques;
- la façon de signaler les défauts d'un aéronef et les cas où il n'est pas en service;
- la façon d'immobiliser un aéronef qui n'est pas utilisé;
- les procédures à suivre en cas d'atterrissage imprévu ou forcé;
- toute autre mesure de sécurité propre à la région géographique d'exploitation que la personne qui dispense l'entraînement en vol juge nécessaire pour assurer la sécurité aérienne.Note de bas de page 76