Rapport d'enquête aéronautique A18W0025

Collision avec le relief
Sahtu Helicopters Ltd.
Airbus Helicopters AS 350 B2 (C-FWCR)
Tulita (Territoires du Nord-Ouest), 3 nm WNW

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Déroulement du vol

    À 9 h 39Note de bas de page 1 le 15 février 2018, un hélicoptère Airbus Helicopters AS 350 B2 de Sahtu Helicopters Ltd.Note de bas de page 2 (immatriculé C-FWCR, numéro de série 2204) a quitté l'aéroport de Norman Wells (CYVQ; Territoires du Nord-Ouest) avec 1 pilote et 1 passager à bord. Le but de ce vol était d'amener le passager jusqu'à une tour de télécommunications sur la montagne Bear Rock (Territoires du Nord-Ouest) située à 35 milles marins (nm) au sud-est de Norman Wells et à 3 nm à l'ouest-nord-ouest de Tulita (Territoires du Nord-Ouest).

    À 9 h 58, le pilote a posé l'hélicoptère sur une hélisurface à proximité de la tour de télécommunication, puis a coupé le moteur. L'hélisurface en bois traité mesurant 16 pieds par 16 pieds se trouve à 165 pieds du bâtiment de service de la tour de télécommunications. Au moment de l'événement à l'étude, la surface en bois de l'hélisurface était dégagée dans l'ensemble, mis à part plusieurs plaques de glace (figure 1).

    Figure 1. Hélisurface sur la montagne Bear Rock (Source : Great Slave Helicopters Ltd.)
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    Hélisurface sur la montagne Bear Rock (Source : Great Slave Helicopters Ltd.)

    Environ 30 minutes après s'être posé, le pilote a effectué un premier point fixe en raison de la température, conformément au supplément du manuel de vol de l'hélicoptère AS 350 B2 sur l'exploitation par temps froid, car un réchauffeurNote de bas de page 3 n'était pas disponible. Au démarrage du moteur, le pilote a ressenti des vibrations correspondant à celles éprouvées au cours des 3 jours précédents, autant au sol qu'en vol.

    À 11 h 8, le pilote a entamé la séquence de démarrage du moteur pour effectuer un second point fixe. Le moteur a démarré et a accéléré normalement à 70 % du régime du générateur de gaz (Ng). Le pilote a réglé la commande de débit carburant à la position de vol. Lorsque le pilote a poussé la manette des gaz, l'hélicoptère a commencé à bercer sur ses patins d'atterrissage.

    Le pilote a diminué le débit carburant, ce qui a amplifié le mouvement de va-et-vient. Le pilote a ensuite décidé de décoller pour interrompre ce qu'il croyait être de la résonance au sol. Le pilote a rapidement augmenté le débit carburant et le pas collectif. Toutefois, il n'a pas placé et verrouillé la commande de débit carburant à la position de vol. Le régime du rotor principal et le régime du moteur n'ont pas atteint la plage de calage de vol avant que l'hélicoptère ne quitte le sol.

    L'hélicoptère s'est élevé à plusieurs pieds au-dessus de l'hélisurface, a tournoyé vers la gauche, puis a dérivé sur environ 30 m vers le sud-est. Comme le régime moteur n'avait pas atteint la plage de calage de vol, le régime du rotor a chutéNote de bas de page 4, et le pilote a perdu la maîtrise de l'hélicoptère.

    Figure 2. Devant de l'hélicoptère en cause (vue vers l'est; source : Great Slave Helicopters Ltd.)
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    Devant de l'hélicoptère en cause (vue vers l'est; source : Great Slave Helicopters Ltd.)

    Vers 11 h 10, l'hélicoptère a perdu de l'altitude, est entré en collision avec le relief, et s'est immobilisé sur la pente descendante à 50 m de l'hélisurface (figure 2). La radiobalise de repérage d'urgence ne s'est pas déclenchée. Le moteur a continué de tourner pendant quelques instants, puis s'est éteint de lui-même.

    Le pilote portait un harnais à 4 points d'ancrage avec sangle sous-abdominale et bretelles de sécurité, mais ne portait pas de casque. Il a subi des blessures graves, mais a été capable de sortir de l'hélicoptère, de se rendre au bâtiment de service de la tour de télécommunications et de signaler l'accident à la compagnie. Le passager qui avait été amené à la tour de télécommunications a prodigué les premiers soins au pilote. Un hélicoptère de l'entreprise a été dépêché depuis Fort Simpson (Territoires du Nord-Ouest) et est arrivé sur place vers 15 h pour amener le pilote à un établissement de soins de santé de Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest).

    Conditions météorologiques

    L'observation météorologique horaire de 11 h (10 minutes avant l'accident) pour Tulita faisait état de vents calmes (soufflant à 3 nœuds), d'une visibilité supérieure à 25 milles terrestres dans de la neige légère, et d'une température de −27 °C.

    Pilote

    Les dossiers indiquent que le pilote avait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Le pilote détenait une licence de pilote professionnel – hélicoptère et était titulaire d'un certificat médical valide de catégorie 1. Il avait participé à une formation annuelle sur l'hélicoptère AS 350 en janvier 2018 et cumulait 5277 heures de vol, dont 2017 heures aux commandes d'un AS 350. Au moment de l'accident, il avait piloté des AS 350 pendant 6,5 et 11,7 heures au cours des 7 et 30 derniers jours, respectivement.

    Aéronef

    L'hélicoptère AS 350 B2 compte un seul moteur pour une masse maximale au décollage de 2250 kg (4960 livres). L'hélicoptère en cause a été construit en 1989 et possédait l'équipement nécessaire pour effectuer des vols de jour selon les règles de vol à vue et pour le pilotage monopilote.

    Au moment de l'événement, l'hélicoptère avait cumulé environ 11 005 heures de temps de vol effectif et réalisé 46 214 cycles. L'hélicoptère était exploité dans les limites de masse et de centrage et de centre de gravité.

    Sahtu Helicopters Ltd. exploitait un second hélicoptère à CYVQ, lequel était en état de service et disponible au moment de l'événement à l'étude.

    Résonance au sol

    La résonance au sol (oscillation instable) est une vibration auto-induite que subissent les hélicoptères dotés de rotors articulésNote de bas de page 5. Elle se produit généralement au sol pendant l'atterrissage ou le démarrage du rotor. Comme on l'explique dans le document Helicopter Flying Handbook de la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis [traduction] :

    La résonance au sol est un problème de conception mécanique que l'on retrouve dans les hélicoptères dont la cellule possède une fréquence naturelle qui peut être intensifiée par la présence d'un balourd du rotorNote de bas de page 6. Le rotor déséquilibré vibre à la même fréquence de résonance que la structure de l'hélicoptère ou à un multiple de cette fréquence; il s'ensuit une augmentation de l'oscillation harmonique, parce que le moteur offre de la puissance au système, ce qui augmente la magnitude (ou l'amplitude) des vibrations [...]Note de bas de page 7.

    Si ce problème n'est pas corrigé, il peut s'aggraver et endommager la structure de l'hélicoptère.

    Selon le document Helicopter Flying Handbook de la FAA, lorsque la résonance au sol se produit pendant que le moteur tourne à bas régime [traduction] :

    La seule mesure corrective [...] consiste à couper les gaz immédiatement et à réduire le pas collectif au minimum pour régler les pales à un petit pas. Si le régime moteur se trouve dans la plage d'exploitation normale, quitter le sol et laisser les pales se rétablir d'elles-mêmes à la phase adéquateNote de bas de page 8.

    Le manuel de vol de l'hélicoptère AS 350 B2 ne contient pas de procédures à suivre en cas de résonance au sol.

    Tête de rotor principal

    Les rotors fixesNote de bas de page 9 ou semi-articulésNote de bas de page 10 ne sont habituellement pas sujets à la résonance au sol, car ils ne comportent pas d'articulation de traînéeNote de bas de page 11. Les hélicoptères de série AS 350 sont munis d'une tête de rotor Starflex qui comporte de nombreux composants en matériau composite et pièces en élastomère (paliers de butée). La tête de rotor Starflex est articulée.

    Le rotor Starflex ne comprend pas d'amortisseur de mouvement de traînée. L'articulation du rotor permet plutôt aux pales de se déplacer dans l'axe de mouvement de traînée. Pour accroître l'amortissement dans cet axe de mouvement, l'architecture Starflex comporte des adaptateurs de fréquence en élastomère qui dissipent l'énergie de traînée.

    La tête de rotor principal a subi des dommages considérables pendant l'événement à l'étude. On a récupéré 2 des 3 adaptateurs de fréquence sur les lieux de l'accident. Un examen des composants de la tête de rotor n'a pas permis de constater de signes de défaillances préalables à l'impact.

    Patins d'atterrissage

    Les patins d'atterrissage des hélicoptères de série AS 350 comportent les 2 systèmes d'amortissement des vibrations suivants :

    • Des bandes d'acier souples : Ces bandes sont repliées vers le bas et courent depuis l'arrière des patins d'atterrissage. Ces bandes d'acier accroissent la souplesse des patins d'atterrissage et ajustent leur fréquence naturelle de manière à réduire la résonance au sol.
    • Amortisseurs : Ces dispositifs sont fixés à la traverse tubulaire des patins d'atterrissage, entre la traverse souple avant des patins et le fuselage de l'hélicoptère. Ces amortisseurs absorbent les vibrations et réduisent les oscillations instables.

    L'aéronef en cause était doté de ces 2 systèmes. On ne sait pas si les bandes d'acier souples à l'avant des patins d'atterrissage se trouvaient sur le bois nu ou les plaques de glace de l'hélisurface.

    Les amortisseurs des patins d'atterrissage (numéro de pièce 350A75-2050-06) de gauche et de droit avaient cumulé 3001,1 et 1395,3 heures respectivement depuis leur installation. Après l'accident, le 24 février 2018, l'exploitant a déposé les amortisseurs des patins d'atterrissage pour les inspecter et les mettre à l'essai dans l'atelier maison des composants de l'organisme de maintenance.

    On a testé le fonctionnement des amortisseurs. L'amortisseur de gauche a réussi les essais, mais pas celui de droite. On a démonté et nettoyé l'amortisseur de droite, puis on l'a remonté avec de nouvelles garnitures et rondelles de soupape et de nouveaux joints d'étanchéité. Après le remontage, l'amortisseur de droite a subi de nouveaux essais, et on a constaté qu'il était en état de service.

    Dépose et installation des pales du rotor principal

    Le 11 février 2018, soit 4 jours avant l'événement à l'étude, l'hélicoptère a passé la nuit dans le hangar de Great Slave Helicopters LtdNote de bas de page 12. Un technicien d'entretien d'aéronefs a déposé les pales du rotor principal avec l'aide du pilote en cause. Il les a déposées sur un support d'entreposage à roulettes qu'il a placé sous la poutre de queue de l'hélicoptère après avoir garé ce dernier dans le hangar.

    Le matin du 12 février 2018, après avoir réinstallé les pales du rotor principal, le pilote en cause a effectué un point fixe et a ressenti des vibrations. Les niveaux de vibrations n'ont pas été vérifiés à l'aide de l'équipement d'analyse des vibrations qui était disponible dans le hangar d'entretien. L'alignement du bout des pales et l'équilibrage dynamique n'ont pas été vérifiés, même si le manuel d'entretien de l'aéronefNote de bas de page 13,Note de bas de page 14 l'exigeait.

    En vertu du Règlement de l'aviation canadien et des politiques de l'entreprise, les travaux de ce type doivent être consignés dans le carnet de route d'aéronef. Toutefois, la dépose et l'installation des pales du rotor ne l'ont pas été. L'enquête a permis de constater que l'organisme de maintenance effectuait couramment des travaux de ce type sans les consigner dans le carnet de route des aéronefs.

    Avant l'événement à l'étude, le pilote avait piloté l'hélicoptère pendant 6 heures malgré les vibrations persistantes. Pendant cette période, aucune mesure n'a été prise pour vérifier ou corriger les vibrations, et aucune inscription n'a été ajoutée au carnet de route de l'aéronef.

    Après l'accident, il n'a pas été possible de récupérer de l'information sur l'alignement et l'équilibrage du rotor avant l'accident, car le personnel d'entretien n'a pas consigné cette information.

    Principaux messages de sécurité

    Au terme de l'enquête, on a mis en relief les messages de sécurité suivants :

    • Lorsque l'on fait face à une résonance au sol potentielle, le succès du rétablissement dépend des mesures prises en fonction du régime du rotor principal.
    • Il est important de consigner les activités d'entretien dans le carnet de bord des aéronefs et de respecter les procédures d'entretien, notamment lorsque l'on dépose et installe les pales d'un rotor principal.
    • Le port d'un harnais avec sangle sous-abdominale et bretelles de sécurité et d'un casque joue un rôle essentiel pour prévenir les blessures pendant les accidents comportant un retournement, lesquels posent des risques accrus de blessures à la tête.

    Mesures de sécurité prises

    Après l'événement à l'étude, les mesures de sécurité suivantes ont été prises :

    • Le 26 juin 2018, la direction de Great Slave Helicopters Ltd. a envoyé un courriel à tous ses pilotes et techniciens d'entretien d'aéronefs pour leur rappeler qu'ils doivent consigner la dépose et l'installation des pales dans le carnet de route des aéronefs.
    • Un cycle de vérification a été ajouté pour surveiller les occurrences de dépose et d'installation de pales.
    • Dans le cadre de formations récentes, on a rappelé aux pilotes de la compagnie qu'ils doivent consigner les changements soudains de niveaux de vibrations dans le carnet de route des aéronefs.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .