Language selection

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A20C0037

Sortie de piste
Buffalo Airways Ltd.
Beechcraft King Air A100, C-FCBZ
Aéroport de Kugaaruk (Nunavut)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 28 avril 2020, l’aéronef Beechcraft King Air A100 (immatriculation C-FCBZ, numéro de série B-116) exploité par Buffalo Airways Ltd. effectuait le vol nolisé BFL666, selon les règles de vol aux instruments, de l’aéroport de Cambridge Bay (Nunavut) à l’aéroport de Kugaaruk (Nunavut), avec à son bord 2 membres d’équipage et du fret. L’aéronef a atterri à 13 h 50, heure avancée des Rocheuses, sur la piste 23 de l’aéroport de Kugaaruk pendant les heures de clarté. Immédiatement après le poser des roues, l’aéronef a viré à droite, puis il a quitté la surface de la piste. L’aéronef s’est immobilisé après être entré en collision avec un banc de neige, du côté nord-ouest de la piste. L’équipage n’a subi aucune blessure et il a évacué l’aéronef par la porte principale de la cabine. L’aéronef a été lourdement endommagé, mais aucun incendie ne s’est déclaré. La radiobalise de repérage d’urgence de 406 MHz ne s’est pas déclenchée.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

1.1.1 Contexte

Le 28 avril 2020, l’aéronef Beechcraft King Air A100 (immatriculation C-FCBZ, numéro de série B-116), exploité par Buffalo Airways Ltd. (Buffalo Airways), effectuait le vol BFL666, qui devait partir de l’aéroport de Yellowknife (CYZF) (Territoires du Nord-Ouest), pour ensuite se diriger vers l’aéroport de Cambridge Bay (CYCB) (Nunavut), où du fret devait être embarqué, pour enfin se rendre à l’aéroport de Kugaaruk (CYBB) (Nunavut).

Vers 8 h Note de bas de page 1, le commandant de bord est arrivé au hangar de Buffalo Airways à CYZF pour amorcer les préparatifs du vol. Le premier officier est arrivé au hangar à 9 h. Le commandant de bord a organisé l’avitaillement de l’aéronef, alors que le premier officier déposait un plan de vol selon les règles de vol aux instruments (IFR) de CYZF à CYCB. L’aéronef a quitté CYZF à 9 h 52 pour effectuer le vol vers CYCB. Le commandant de bord occupait le siège de gauche et le premier officier occupait le siège de droite.

L’aéronef s’est posé à CYCB à 11 h 49. L’aéronef a été ravitaillé et le fret, composé de boîtes de combustible pour camping (naphta), a été chargé dans la cabine et la nacelle ventrale. Le premier officier a vérifié les conditions météorologiques et a déposé un plan de vol IFR pour le vol de CYCB à CYBB. L’aéroport de Gjoa Haven (CYHK) (Nunavut) était l’aéroport de dégagement prévu.

1.1.2 Le vol à l’étude

À 12 h 16, l’aéronef a quitté CYCB en direction de CYBB. La durée de vol prévue était d’environ 1 heure et 30 minutes. Le premier officier était le pilote aux commandes. Alors que l’aéronef passait au-dessus de CYHK, l’équipage de conduite a constaté que d’après les conditions météorologiques signalées par le système automatisé d’observations météorologiques de l’aéroport, CYHK constituait toujours un aéroport de dégagement acceptable. À 13 h 19, lorsque le vol se trouvait à environ 80 milles marins de CYBB au niveau de vol 210 Note de bas de page 2, l’équipage de conduite a appelé la station radio d’aérodrome communautaire de CYBB. L’équipage de conduite a reçu le compte rendu de l’état de la surface de la piste et a été informé que les vents soufflaient du 200° vrai (V) à 24 nœuds, avec des rafales à 33 nœuds. À 13 h 20, l’exploitant de la station radio d’aérodrome communautaire a appelé l’équipage de conduite et a transmis les observations météorologiques de CYBB relevées à 13 h, signalant que la visibilité horizontale était de ¼ mille terrestre (SM) dans de la neige légère et de la poudrerie, et que la visibilité verticale était de 400 pieds. L’équipage de conduite a constaté que la visibilité avait diminué depuis son départ de CYCB, mais il a poursuivi l’approche. Le vent signalé allait engendrer une composante de vent de travers de 12 à 16 nœuds soufflant de la gauche sur la piste 23. Le commandant de bord a pris les commandes à 13 h 27, au début de la descente, et les vérifications de descente ont été effectuées.

Le commandant de bord a remis les commandes au premier officier au point de cheminement d’approche initiale DATLA, et il a effectué l’exposé pour une approche de navigation de surface (RNAV) surveillée par le pilote vers la piste 23 (annexe A). Du point de cheminement d’approche intermédiaire ONDEM jusqu’au point de cheminement d’approche interrompue VOBUB, en passant par le point de cheminement d’approche finale TEVID, l’approche est effectuée sur une trajectoire de 244°V, qui est décalée de 15° par rapport au cap de piste de 229°V (annexe A). Lorsqu’un contact visuel est établi avec la piste à l’altitude minimale de descente (MDA) ou avant, un virage à gauche est nécessaire pour aligner l’aéronef sur le cap de piste.

Au cours de la descente, l’équipage de conduite a activé les feux de piste et le système d’indicateur de trajectoire d’approche de précision (PAPI) au moyen du système de balisage lumineux d’aérodrome télécommandé (ARCAL). Le commandant de bord a réglé les volets pour l’approche (40 %), et le premier officier a piloté la descente. Lorsque le commandant de bord a confirmé le contact visuel avec la piste, de la neige soufflait sur celle-ci en diagonale de gauche à droite. La piste elle-même se présentait comme une forme noire dans de la poudrerie. Étant donné ces circonstances, le balisage lumineux de piste et le PAPI n’ont pas pu être observés. Le commandant de bord a réglé les volets pour l’atterrissage (100 %), puis, dans le cadre de la procédure d’approche surveillée par le pilote, il a pris les commandes de l’aéronef en qualité de pilote aux commandes. Le premier officier a levé les yeux des instruments et, à travers la poudrerie, il a observé la piste ainsi que la station radio d’aérodrome communautaire et l’aire de trafic de l’aéroport à l’avant et vers la gauche.

L’aéronef a franchi le seuil de la piste à une vitesse indiquée de 100 nœuds. Alors que le commandant de bord effectuait l’arrondi de l’aéronef, le premier officier l’a averti de la présence de bancs de neige sur le côté droit de la piste.

À 13 h 50, lorsque le train d’atterrissage principal droit s’est posé, l’aéronef a viré à droite et a quitté la surface de la piste. L’aile droite est entrée en contact avec les bancs de neige et l’aéronef a tourné d’environ 90° vers la droite avant d’entrer en collision le nez en premier avec un banc de neige élevé. Les 2 membres de l’équipage n’ont subi aucune blessure et ils sont sortis par la porte de la cabine.

L’aéronef a été lourdement endommagé, mais le fret est resté en place. La radiobalise de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz ne s’est pas activée et il n’y a pas eu d’incendie. Les premiers intervenants ont éprouvé des difficultés à se rendre du hameau jusqu’à l’aéroport en raison de la poudrerie.

1.2 Personnes blessées

Les 2 membres de l’équipage de conduite n’ont pas subi de blessures.

1.3 Dommages à l’aéronef

Le fuselage, le nez, les moteurs, les hélices, les nacelles, les volets, la section centrale de la voilure et le longeron de l’aile droite de l’aéronef ont été endommagés (figure 1). L’aile droite a été pliée vers le haut et vers l’arrière. La jambe du train d’atterrissage avant s’est affaissée vers l’arrière et vers la droite. Le pneu de la roue principale extérieure droite s’est détaché lorsque la jante de la roue s’est rompue; il a été trouvé près de l’aéronef. Les surfaces de rupture de la roue brisée indiquaient que la jante de la roue s’était rompue par surcharge pendant la sortie de piste.

Figure 1. Épave de l’aéronef de l’événement à l’étude (Source : tierce partie, avec permission)
Épave de l’aéronef de l’événement à l’étude (Source : tierce partie, avec permission)

1.4 Autres dommages

Sans objet.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 1. Renseignements sur le personnel
  Commandant de bord Premier officier
Licence de pilote Licence de pilote de ligne Licence de pilote professionnel
Date d’expiration du certificat médical 1er mai 2020 1er novembre 2020
Date d’expiration du contrôle de la compétence du pilote ou de la vérification de la compétence du pilote 1er novembre 2020 1er avril 2021
Heures de vol total Environ 13 500 Environ 1600
Heures de vol sur type Environ 800 Environ 1100
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 15,4 3,9
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 27,7 18,3
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 229,2 78,5
Heures de vol sur type au cours des 90 jours précédant l’événement 18,7 78,5
Heures de service avant l’événement 6 5
Heures ou jours hors service avant la période de travail 15 heures 12 jours

Les membres de l’équipage de conduite possédaient les certifications et les qualifications nécessaires pour ce vol, conformément aux règlements en vigueur.

Le commandant de bord, qui était le pilote commandant de bord désigné pour le vol à l’étude, avait commencé à travailler au service de Buffalo Airways en 2006 et avait piloté tous les types d’aéronefs de la flotte de l’exploitant. Le commandant de bord avait réussi un contrôle de la compétence du pilote sur le Beechcraft King Air A100 le 4 octobre 2019.

Le premier officier pilotait exclusivement le Beechcraft King Air A100 depuis qu’il avait été embauché par Buffalo Airways en 2017, et avait réussi une vérification de la compétence du pilote le 28 mars 2020.

1.6 Renseignements sur l’aéronef

L’aéronef Beechcraft King Air A100 est un biturbopropulseur pressurisé à voilure fixe, fabriqué par la Beech Aircraft Corporation. Il peut accueillir jusqu’à 9 passagers selon la configuration de sièges standard. L’envergure de l’aéronef King Air A100 est de 45 pieds et 9 pouces. L’envergure de chaque aile mesurée à partir de la roue extérieure du train d’atterrissage principal est d’environ 15 pieds. Pour les décollages et les atterrissages, la composante maximale de vent de travers démontrée pour l’aéronef est de 25 nœudsNote de bas de page 3.

L’aéronef était équipé d’un pilote automatique, d’une unité GPS (système de positionnement mondial)/navigation/communication GNS 530W Garmin, d’une unité GPS/navigation/communication 430W Garmin, d’un système de suivi par satellite S200‑021 Latitude et d’une ELT Artex de modèle ME406.

Les modifications apportées à l’aéronef de l’événement à l’étude comprenaient l’installation d’hélices améliorées conformément à un certificat de type supplémentaireNote de bas de page 4. D’autres modifications avaient augmenté la masse brute maximale au décollage à 12 008 livres, tandis que la masse maximale autorisée à l’atterrissage était demeurée 11 210 livres. L’aéronef disposait d’une nacelle ventrale pour faciliter le transport de bagages ou de fret. Selon les documents de vol, la masse et le centre de gravité de l’aéronef pendant le vol à l’étude étaient dans les limites prescrites.

D’après les dossiers, il n’y avait aucune défectuosité non réglée au moment de l’événement. En outre, rien n’indique qu’une défaillance d’un système ou d’un composant ait joué un rôle dans l’événement à l’étude.

Tableau 2. Renseignements sur l’aéronef
Constructeur Beech Aircraft Corporation
Type, modèle et immatriculation King Air A100, C-FCBZ
Année de construction 1972
Numéro de série B-116
Date d’émission du certificat de navigabilité 23 mai 2010
Total d’heures de vol cellule 13 028,8 heures
Type de moteur (nombre) Pratt & Whitney Canada PT6A-28 (2)
Type d’hélice (nombre) Hartzell Propeller Inc. HC-D4N-3C (2)
Masse maximale autorisée au décollage 12 008 lb (5446,8 kg)
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé Jet A

1.7 Renseignements météorologiques

Tôt le matin du 28 avril 2020, il y avait une tempête hivernale à CYBB et la vitesse du vent a commencé à augmenter vers 5 h. La neige légère, combinée à la poudrerie, a produit une faible visibilité qui rendait les déplacements difficiles dans le hameau et à l’aéroport. Ces conditions ont persisté jusqu’après l’événement.

Lorsque le premier officier a vérifié les conditions météorologiques pendant l’escale à CYCB, les prévisions d’aérodrome pour CYBB émises à 11 h 46 étaient les suivantes :

Le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) pour CYBB émis à 13 h et fourni à l’équipage de conduite à 13 h 20 indiquait ce qui suit :

 Environ 10 minutes après l’événement, le METAR émis à 14 h indiquait ce qui suit :

1.8 Aides à la navigation

L’équipage utilisait la carte d’approche pour l’approche RNAV (GNSS) [système mondial de navigation par satellite] vers la piste 23 à CYBB (annexe A) publié dans le volume 1 du Canada Air Pilot (CAP 1), qui couvre le Yukon, les Territoires du Nord-Ouest et le Nunavut.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

Le gouvernement du Nunavut est propriétaire de CYBB, qui est exploité par la Division des aéroports du Nunavut du ministère du Développement économique et des Transports. L’aéroport, de même que CYCB, CYHK, l’aéroport de Kugluktuk (CYCO) et l’aéroport de Taloyoak (CYYH), se trouve dans la région de Kitikmeot de la Division des aéroports du Nunavut.

CYBB ne dispose pas d’une tour de contrôle de la circulation aérienne. La station radio d’aérodrome communautaire de CYBB offre des services consultatifs météorologiques et aériens sur la fréquence obligatoire de 122,1 MHz. Cette station radio est située à environ 1/5 SM du seuil de la piste 23.

La Division des aéroports du Nunavut maintient un système de gestion de la sécurité (SGS) approuvé par Transports Canada (TC).

1.10.1 Piste 05/23

La piste à CYBB (piste 05/23) est une piste en gravier d’une longueur de 5000 pieds et d’une largeur de 100 pieds. La bande de piste est nivelée à une largeur de 151 pieds. La piste 23 est orientée à 229°V, et le seuil est à 20 pieds au-dessus du niveau de la mer. La piste 23 est certifiée avec une visibilité opérationnelle d’aérodrome de ½ SM.

Le 28 avril 2020, à 8 h 08, un compte rendu de l’état de la surface de la piste a été émis. Ce rapport indiquait que la piste était nue et sèche à 70 % et recouverte de neige sèche sur une trace de neige compactée à 30 %.

1.10.2 Balisage lumineux de piste

La piste 05/23 est munie de feux de seuil de piste verts et de feux d’extrémité de piste rouges. Les feux de bord de piste sont blancs et montés sur des poteaux à 27 pouces (70 cm) au-dessus de la surface (ce qui est supérieur à la norme de 35 cmNote de bas de page 5). Les feux de bord de piste sont situés à 55 pieds de l’axe de piste et à 5 pieds à l’extérieur du bord de la piste.

1.10.2.1 Balisage lumineux d’aérodrome télécommandé

Le balisage lumineux de l’aéroport est commandé par un système ARCAL de type K exploité sur la fréquence 122,1 MHz. Appuyer initialement 7 fois sur le bouton du microphone permet d’allumer les feux à leur intensité maximale durant 15 minutes. L’intensité des feux peut être ajustée en appuyant sur le bouton du microphone 7, 5 ou 3 fois en 5 secondes pour sélectionner respectivement le niveau élevé, moyen ou faible.

1.10.2.2 Indicateur de trajectoire d’approche de précision

La piste 05/23 comporte des PAPI de type P1, qui sont étalonnés pour les aéronefs dont la hauteur entre les yeux et les roues ne dépasse pas 10 pieds. Le PAPI a été activé automatiquement lorsque l’équipage de conduite a allumé les feux de piste à l’aide du système ARCAL.

1.10.3 Maintenance hivernale

Le plan de maintenance hivernaleNote de bas de page 6 de la Division des aéroports du Nunavut est commun à tous les aéroports exploités par la Division. Le plan de maintenance hivernale a été préparé à l’aide de la Circulaire d’information no 302-013Note de bas de page 7 de TC à titre de document d’orientation. Tous les aéroports du Nunavut, à l’exception de ceux de Grise Fiord (CYGZ) et de Kimmirut (CYLC), se sont vus attribuer les codes C et DNote de bas de page 8. Le code fait référence à l’envergure maximale ou à la largeur hors-tout du train principal des aéronefs qui peuvent être exploités à partir de l’aéroportNote de bas de page 9. Le plan de maintenance hivernale contient un diagramme de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) indiquant que la profondeur maximale de la neige peut être de 0,15 m près du bord de la piste, puis augmenter jusqu’à 1,0 m à une distance de 10,0 m du bord de la piste (figure 2).

Figure 2. Accumulation maximale de neige au bord d’une piste ou d’une voie de circulation [Rwy/Twy Edge] pour les aéroports de code C ou D (Source : Transports Canada, Circulaire d’information no 302-013 : Planification et maintenance aux aéroports en hiver, annexe A, en anglais seulement)
Accumulation maximale de neige au bord d’une piste ou d’une voie de circulation [Rwy/Twy Edge] pour les aéroports de code C ou D (Source : Transports Canada, Circulaire d’information no 302-013 : Planification et maintenance aux aéroports en hiver, annexe A, en anglais seulement)

Le déneigement des aéroports pendant les blizzards doit être réduit si le personnel de maintenance de l’aéroport détermine que le déplacement jusqu’à l’aéroport est trop dangereux, comme c’était le cas le jour de l’événement. La Circulaire d’information no 302-013 de TC recommande que l’exploitant de l’aéroport indique au moyen d’un NOTAM si des chutes de neige qui durent des heures, voire des jours, se traduiront par le dépassement des limites de pente de banc de neige dans les zones prioritairesNote de bas de page 10. Le plan de maintenance hivernale ne contient pas cette ligne directrice, et un NOTAM n’a pas été émis.

Le compte rendu de l’état de la surface pour les mouvements d’aéronefs est publié au moyen d’un NOTAM pour alerter les pilotes des changements d’état qui pourraient avoir une incidence sur les performances de freinage. Le plan de maintenance hivernale prévoit qu’un compte rendu de l’état de la surface pour les mouvements d’aéronefs soit préparé au moins tous les jours et au besoin pour cerner les changements importants dans l’état de la surface des pistesNote de bas de page 11. Il n’y a aucune mention de l’état selon lequel une piste devrait être fermée ni de la personne qui a l’autorité de la fermer.

Depuis le début de février 2020, les comptes rendus quotidiens de CYBB, qui ont été remis à l’exploitant de l’aéroport par le personnel de maintenance de l’aéroport, faisaient référence à l’accumulation de neige près de la piste et à l’incapacité de la déplacer avec la niveleuse. Un certain nombre de comptes rendus quotidiens mentionnent que l’exploitant a été informé du fait que de l’équipement était inutilisable et que des pièces étaient nécessaires pour effectuer des réparations. Le 27 mars 2020, une entrée indiquait que la souffleuse à neige était hors service depuis 2 mois et qu’il y avait également des problèmes avec la chargeuse. De plus, le même jour, un membre du personnel de maintenance de l’aéroport a produit un rapport SGS qui a été remis à l’exploitant de l’aéroport au sujet des bancs de neige qui s’accumulaient près de la piste.

Le 27 avril 2020, la veille de l’événement, une chargeuse a été louée au hameau pour une période de 4 heures. Le retrait des bancs de neige de la zone au-delà des feux de piste a commencé, mais le retrait n’a pas pu être terminé en 4 heures, ce qui a entraîné la formation de bancs encore plus hauts. Un compte rendu quotidien de CYBB, préparé le 30 avril 2020, soit 2 jours après l’événement, indiquait que les bancs de neige se trouvaient à moins de 5 pieds des feux de piste et que leur hauteur était de 8 pieds.

Le rapport SGS créé le 27 mars 2020 a été clos le 30 avril 2020, soit 2 jours après l’événement, après que de l’équipement a été loué au hameau pour faciliter le déneigement.

La maintenance de l’aéroport est assurée par une tierce partie sur une base contractuelle. L’entrepreneur emploie des travailleurs locaux pour la maintenance de l’aéroport. L’équipement de déneigement suivant appartient à la Division des aéroports du Nunavut, mais est exploité et entretenu par l’entrepreneur :

En cas de besoin, le personnel de maintenance de l’aéroport peut également louer de l’équipement additionnel appartenant au hameau. La chargeuse du hameau a été louée 4 fois en mars et en avril 2020. Le bouteur du hameau a été loué 4 fois en avril 2020.

Bien que la chargeuse et le bouteur du hameau aient été utilisés pour déneiger les zones d’exploitation de l’aéroport, la souffleuse à neige de l’aéroport n’était disponible que du 23 mars 2020 au 2 avril 2020. Pour le reste de mars et d’avril, la souffleuse à neige était hors service (figure 3). Un compte rendu quotidien le 2 avril 2020 mentionne que les restrictions de voyage liées à la COVID-19 avaient [traduction] « tout mis en attente ». L’enquête n’a pas permis de déterminer dans quelle mesure la capacité de l’entrepreneur à entretenir l’équipement de l’aéroport a été touchée.

La souffleuse à neige était nécessaire pour permettre aux membres du personnel de maintenance de dégager la neige de la piste, de la voie de circulation et de l’aire de trafic, et de l’étaler sur une zone plus vaste.

Figure 3. Dates pendant lesquelles l’équipement de déneigement était hors service à l’aéroport de Kugaaruk en mars et en avril 2020, indiquées par les zones ombragées (Source : BST, d’après les renseignements fournis par la Division des aéroports du Nunavut, ministère du Développement économique et des Transports)
Dates pendant lesquelles l’équipement de déneigement était hors service à l’aéroport de Kugaaruk en mars et en avril 2020, indiquées par les zones ombragées (Source : BST, d’après les renseignements fournis par la Division des aéroports du Nunavut, ministère du Développement économique et des Transports)

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de données de vol ni d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage; ni l’un ni l’autre n’était requis selon la réglementation. Toutefois, dans l’événement à l’étude, l’absence de données enregistrées n’a pas nui grandement à l’enquête.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

En raison des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 qui étaient en vigueur au moment de l’événement, les enquêteurs du BST ne se sont pas rendus sur les lieux de l’événement. Par conséquent, une partie importante des renseignements nécessaires à l’enquête a été recueillie auprès d’autres sources.

Au cours de la sortie de piste, l’aéronef a tourné de presque 90° vers la droite lorsque l’aile droite est entrée en contact avec un banc de neige. L’aéronef s’est immobilisé le nez en premier contre un banc de neige élevé du côté nord-ouest de la piste 23, à environ 1900 pieds au-delà du seuil.

Au moment de l’événement, la hauteur du banc de neige et sa proximité des feux de bord de piste dépassaient les directivesNote de bas de page 12 de TC dans certaines zones le long de la piste. L’aéronef s’est immobilisé dans une zone dégagée où les bancs de neige étaient plus éloignés des feux de bord comparativement au reste de la piste, mais où ils dépassaient la hauteur d’une personne. La poudrerie de la journée semblait s’être accumulée autour des feux de bord de piste et à la même hauteur que ceux-ci.

Aucun dommage n’a été constaté aux feux de piste ou à d’autres infrastructures aéroportuaires, et aucun déversement du fret ou des circuits de carburant ou d’huile de l’aéronef ne s’est produit.

Une photo de la piste a été prise le lendemain de l’événement, après le début du déneigement (figure 4). En raison de la présence de bancs de neige le long de la piste, la seule partie de l’aéronef qui est visible sur la photo est le plan fixe vertical. La photo montre également que l’accumulation de neige le long de la piste est presque aussi élevée que les feux de bord de piste, dont la hauteur est de 27 pouces.

Figure 4. Vue vers le seuil de la piste 23 (Source : tierce partie, avec permission, et avec annotations du BST)
Vue vers le seuil de la piste 23 (Source : tierce partie, avec permission, et avec annotations du BST)

Le Laboratoire d’ingénierie du BST a tenté d’analyser la photo pour déterminer la hauteur des bancs de neige le long de la piste et leur proximité des feux de piste. Les données et les repères géographiques étaient cependant insuffisants pour pouvoir effectuer des mesures précises.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Rien n’indique que le rendement de l’équipage de conduite ait été affecté par la fatigue ou d’autres facteurs médicaux, pathologiques et physiologiques.

1.14 Incendie

Sans objet.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Ceintures de sécurité

Le poste de pilotage et la cabine de l’aéronef sont demeurés intacts et ont constitué un espace de survie adéquat. Les 2 pilotes portaient une ceinture sous-abdominale et chaque siège du poste de pilotage était muni d’une ceinture-baudrier, mais seul le commandant de bord la portait. Le premier officier a choisi de ne pas utiliser la ceinture-baudrier parce qu’elle rendait difficile l’accès à certaines commandes en raison de leur disposition dans le poste de pilotage de l’aéronef de l’événement à l’étude.

L’utilisation d’un dispositif de retenue à 3 ou 4 points (composé d’une ceinture sous-abdominale et d’une ceinture-baudrier) assure une meilleure répartition des forces d’impact et peut réduire le risque de blessures graves au torse et à la tête.

Le BST a enquêté sur de nombreux accidentsNote de bas de page 13 mettant en cause des aéronefs munis de ceintures-baudriers détachables, dans lesquels le BST a déterminé que les occupants ne portaient pas de ceinture-baudrier au moment de l’accident.

À la suite d’un accident mettant en cause un hélicoptère Airbus Helicopters AS 350 B2 survenu le 14 décembre 2017 à Tweed (Ontario)Note de bas de page 14, l’enquête du BST a déterminé que les passagers n’avaient pas utilisé leur ceinture-baudrier avec leur ceinture sous-abdominale. Partant de la définition d’une « ceinture de sécurité » du Règlement de l’aviation canadien (RAC), la compagnie estimait qu’elle se conformait au règlement si les occupants portaient soit la ceinture sous-abdominale seule, soit la ceinture sous-abdominale avec la ceinture-baudrier. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports modifie le Règlement de l’aviation canadien pour éliminer toute ambiguïté relativement à la définition de « ceinture de sécurité ».
Recommandation A19-01 du BST

Depuis lors, le BST a effectué un suivi concernant les mesures prises par TC pour donner suite à cette recommandation. Au moment de la publication du présent rapport, la réponse de TC avait été reçue en décembre 2020. L’évaluation de cette réponse par le Bureau en mars 2021 est disponible sur le site Web du BSTNote de bas de page 15.

1.15.2 Radiobalise de repérage d’urgence

L’ELT Artex de modèle ME406 (numéro de pièce 453-6603) peut transmettre sur les fréquences 121,5 MHz et 406 MHz. Elle s’active automatiquement lorsque les forces de décélération longitudinale dépassent 2,3 g. Le virage initial vers la droite et l’impact subséquent avec le banc de neige n’ont pas généré une force suffisante pour activer l’ELT; l’équipage de conduite n’a pas activé l’ELT manuellement non plus.

1.16 Essais et recherche

Le BST a produit le rapport de laboratoire suivant dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Généralités

Buffalo Airways Ltd. mène ses activités depuis 1970 et est exploitée en vertu d’un certificat d’exploitation aérienne délivré par TC pour effectuer des opérations au titre des sous-parties 702 (Opérations de travail aérien), 703 (Exploitation d’un taxi aérien) et 705 (Exploitation d’une entreprise de transport aérien) de la partie VII du RAC. Le vol à l’étude effectuait un vol nolisé en vertu de la sous-partie 703 du RAC.

1.17.2 Manuel d’exploitation de la compagnie

Le manuel d’exploitation de la compagnie (COM) de Buffalo Airways est le document directeur des opérations aériennes menées par la compagnie. Le COM indique que les approches IFR dans les conditions météorologiques de vol aux instruments doivent être effectuées conformément aux procédures publiées dans le CAPNote de bas de page 16.

D’autres directives sont également fournies à la section 5.12 du COM concernant les interdictions d’approche (voir la section 1.18.2 du présent rapport intitulée « Minimums opérationnels d’approche et d’atterrissage »). Le COM indique que Buffalo Airways ne détient aucune autorisation de vol pour des exigences d’approche inférieures aux exigences générales (spécification d’exploitation 019), tel qu’il est indiqué dans le CAP, aux pages généralesNote de bas de page 17. Le COM stipule également que [traduction] « au nord du 60e parallèle, la visibilité au sol NE constitue PAS une limiteNote de bas de page 18 ». Le COM ne mentionne pas les exigences en matière de visibilité opérationnelle aux aérodromes.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Visibilité publiée dans le Canada Air Pilot

Lorsque la carte d’approche utilisée par l’équipage de conduite de l’événement à l’étude a été conçue, la visibilité recommandée publiée pour l’approche RNAV (GNSS) Note de bas de page 19 de la piste 23 (vrai) était de 1 ¾ SM. Cette mesure était fondée sur la distance d’un aéronef par rapport au seuil de piste lorsqu’il atteint la MDA alors qu’il suit une pente de descente optimale de 3°. Cette visibilité devrait, selon toute probabilité, permettre aux pilotes d’acquérir les repères visuels requis pour procéder à l’atterrissage (voir la section 1.18.3 du présent rapport intitulée « Visibilité opérationnelle aux aérodromes »). Toutefois, au Canada, ces visibilités d’atterrissage publiées ne sont fournies qu’à titre d’information et, comme l’indique les pages générales du CAP :

elles ne sont pas limitatives, et leur but est d’aider le pilote à estimer la probabilité d’un atterrissage réussi en regard des rapports de visibilité disponibles de l’aérodrome vers lequel l’approche aux instruments est effectuéeNote de bas de page 20.

1.18.2 Minimums opérationnels d’approche et d’atterrissage

Les pages générales du CAP stipulent que :

[l]a sous-partie 602 du RAC spécifie que les atterrissages sont régis par les DH [hauteur de décision]/MDA publiées. Un pilote d’aéronef en approche aux instruments n’a pas le droit de poursuivre la descente sous la DH, ou de descendre sous la MDA, selon le cas, à moins que la référence visuelle requise ne soit établie et maintenue pour effectuer un atterrissage sûr. Lorsque la référence visuelle requise n’est pas établie ou maintenue, le pilote doit effectuer une approche interrompue Note de bas de page 21.

Les normes de l’OACI stipulent qu’une approche aux instruments ne sera pas poursuivie à moins que la visibilité communiquée ne soit égale ou supérieure aux minimums spécifiés Note de bas de page 22. Ces minimums sont publiés sur les cartes d’approche en fonction du balisage lumineux et du type d’approche.

Diverses autorités de l’aviation civile dans le monde (comme la Federal Aviation Administration [FAA] aux États-Unis et l’Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne [AESA]) précisent que la visibilité minimale est celle spécifiée et publiée pour l’approche effectuée.

Toutefois, au Canada, la visibilité minimale est définie par un calcul applicable à toutes les approches, mais qui varie selon le type d’opération. Ce calcul, appelé interdiction d’approche, est appliqué à la visibilité publiée (qui n’est pas limitative, mais fournie à titre d’information seulement).

1.18.2.1 Interdiction d’approche

Les calculs de la visibilité minimale pour une interdiction d’approche sont les suivants :

Le vol à l’étude a été effectué en exploitation commerciale sans spécification d’exploitation 019. La visibilité minimale découlant du calcul des ¾ de la visibilité publiée de 1 ¾ SM pour l’approche RNAV (GNSS) vers la piste 23 (vrai) à CYBB serait de 1 ½ SM. Les pages générales du CAP établissent la hiérarchie qui dicte quel rapport de visibilité aura priorité dans le calcul de l’interdiction d’approche :

Le rapport de RVR [portée visuelle de piste] a priorité sur le rapport de visibilité de piste ou le rapport de visibilité au sol, et le rapport de visibilité de piste a priorité sur le rapport de visibilité au sol Note de bas de page 23.

Toutefois, les pages générales du CAP indiquent également ce qui suit :

La visibilité au sol n’impose une interdiction d’approche qu’aux aérodromes se trouvant au sud du 60e de latitude Nord Note de bas de page 24.

Étant donné que CYBB ne fournit ni des rapports de RVR ni des rapports de visibilité de piste et que l’aérodrome se trouve au nord du 60e parallèle de latitude nord, il n’y a aucune interdiction d’approche pour toute approche à CYBB, quelle que soit la visibilité au sol signalée.

1.18.3 Visibilité opérationnelle aux aérodromes

Au moment de décider si un vol sera effectué ou non, le pilote commandant de bord de l’aéronef doit être convaincu que les conditions à l’aérodrome de destination conviennent à l’opération prévue. Le pilote commandant de bord doit s’assurer que la visibilité prévue s’inscrit dans la visibilité opérationnelle certifiée de l’aérodrome ( annexe B ). Lorsqu’un aérodrome est certifié pour une visibilité opérationnelle inférieure à ½ SM (RVR 2600), la limite est publiée dans la section du Supplément de vol – Canada (CFS) portant sur les pistes, ainsi que sur la carte d’aérodrome publiée dans le CAP. Si la visibilité opérationnelle d’un aérodrome n’est pas publiée dans le CFS, comme c’est le cas pour CYBB, cela signifie que les opérations ne sont pas autorisées lorsque la visibilité est inférieure à ½ SM.

Aux aérodromes sans tour de contrôle de la circulation aérienne, comme CYBB, la visibilité opérationnelle pour les arrivées est déterminée selon la hiérarchie suivante :

Les pistes de CYBB ne sont pas équipées pour mesurer la RVR; par conséquent, la visibilité opérationnelle est déterminée par la visibilité au sol (tirée du METAR) ou, en l’absence de ce message, par la visibilité déterminée par le pilote.

Il existe certaines exceptions pour effectuer un atterrissage sous la visibilité opérationnelle d’aérodrome publiée. À CYBB, il n’y a pas d’installation de RVR, de sorte que ces exceptions se limitent aux cas suivants :

Au moment de l’atterrissage de l’aéronef de l’événement à l’étude, la visibilité (¼ SM) était inférieure à la visibilité opérationnelle d’aérodrome pour la piste 23 (½ SM).

1.18.4 Référence visuelle requise pour l’atterrissage

Une fois qu’il est établi qu’une approche est autorisée en fonction des critères d’interdiction d’approche et de la visibilité opérationnelle d’aérodrome, un aéronef peut descendre sous la MDA au cours de l’approche à condition que les références visuelles requises par le pilote comprennent au moins l’un des repères suivants pour la piste prévue et que le pilote puisse les voir et les distinguer clairement :

  • piste ou marques de piste;
  • seuil de piste ou marques de seuil;
  • zone de poser ou marques de la zone de poser;
  • feux d’approche;
  • indicateur de pente d’approche;
  • feux d’identification de piste;
  • feux de seuil et d’extrémité de piste;
  • balisage lumineux de zone de poser;
  • feux parallèles de bord de pistes;
  • feux d’axe de piste Note de bas de page 26.

Lorsque les pilotes ne peuvent pas établir ou maintenir la référence visuelle requise, ils doivent effectuer une approche interrompue. La décision d’amorcer une procédure d’approche interrompue est l’une des dernières défenses pour atténuer le risque d’accident lié à l’approche ou à l’atterrissage.

Entre décembre 2006 Note de bas de page 27 et mai 2020, le BST a relevé 32 événements qui sont survenus à la suite d’approches exécutées sous la MDA avec des références visuelles inadéquates. Dix-huit de ces 32 incidents sont survenus lors d’atterrissages en conditions météorologiques où la visibilité était inférieure à la visibilité publiée sur la carte d’approche Note de bas de page 28. Par ailleurs, cette situation persiste encore, car 10 de ces 18 événements se sont produits au cours des 5 dernières années.

À la suite d’un accident à l’approche et à l’atterrissage par faible visibilité mettant en cause un Beechcraft King Air A100 le 26 février 2018 à l’aéroport de Havre-St-Pierre (Québec) Note de bas de page 29, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports revoie et simplifie les minimums opérationnels pour les approches et les atterrissages aux aérodromes canadiens.
Recommandation A20-01 du BST

En outre, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports instaure un mécanisme pour stopper les approches et les atterrissages qui sont en réalité interdits.
Recommandation A20-02 du BST

En août 2020, TC a fourni une réponse à ces 2 recommandations dans laquelle il a indiqué qu’il réunirait et dirigerait un groupe de travail de l’industrie pour rédiger un avis de proposition de modification afin de mettre à jour la réglementation sur les interdictions d’approche ainsi que les documents et les lignes directrices à l’appui. TC prévoit publier la réglementation proposée dans la Partie I de la Gazette du Canada d’ici la fin de 2021. Le groupe de travail examinera également les diverses mesures possibles pour encourager et assurer le respect de la réglementation révisée sur les interdictions d’approche.

En novembre 2020, le Bureau a estimé que la réponse de TC à ces 2 recommandations dénotait une intention satisfaisante. L’évaluation de ces réponses est disponible sur le site Web du BST Note de bas de page 30,Note de bas de page 31.

1.18.5 Illusions visuelles

Pour un pilote qui effectue une approche et un atterrissage dans de la poudrerie basse, l’aéronef peut sembler dériver latéralement dans une direction opposée à la poudrerie. Pour corriger cette dérive apparente, le pilote peut solliciter les commandes d’une manière qui entraîne une correction excessive de la dérive et qui peut mener à un atterrissage hors piste Note de bas de page 32. Dans des conditions de vent de travers, l’illusion peut être décrite comme une [traduction] « piste en mouvement Note de bas de page 33 ».

Un rapport du BST sur un accident survenu le 6 décembre 1996 à Stephenville (Terre-Neuve) Note de bas de page 34 concernait un accident à l’atterrissage mettant en cause un Learjet L36A. L’analyse a permis de constater ce qui suit :

La poudrerie basse a pu nuire aux références du pilote par rapport aux feux de bord de piste et, quand l’avion s’est mis à dériver à gauche, dans la même direction que la poudrerie basse, il se peut que le pilote ait eu du mal à détecter et à contrer le déplacement de l’avion.

De plus, dans un rapport du BST sur un accident à l’atterrissage mettant en cause un Beech 1900D survenu le 20 avril 2016 à l’aéroport international de Gander (CYQX) (Terre-Neuve-et-Labrador) Note de bas de page 35, l’analyse a révélé ce qui suit :

En raison de la poudrerie, l’équipage avait de la difficulté à repérer les marques de l’axe de piste, et cette poudrerie réduisait les repères visuels s’offrant au commandant de bord. La situation était exacerbée par l’absence de feux d’axe de piste et par une possible illusion visuelle causée par la poudrerie.

Un document de l’AESA concernant la performance humaine en matière d’orientation spatiale et d’illusions sensorielles indique que [traduction] :

[l]a poudrerie soufflant sur une piste pendant un atterrissage ou un décollage donne l’illusion que l’aéronef se déplace dans la direction opposée à la poudrerie. Cela rend l’alignement de l’aéronef sur la piste plus difficile. Il est très important que le pilote aligne l’aéronef sur les feux d’axe de piste ou les feux de piste pour maintenir le bon cap Note de bas de page 36.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

Sans objet.

2.0 Analyse

Rien n’indique qu’il y ait eu une défaillance de la cellule, des moteurs ou d’un système pendant le vol à l’étude. L’aéronef était exploité dans les limites permises en matière de masse et de centre de gravité, et l’équipage de conduite possédait les certifications et les qualifications nécessaires pour le vol, conformément à la réglementation en vigueur. Rien n’indique que son rendement ait été affecté par la fatigue ou d’autres facteurs médicaux, pathologiques et physiologiques. Cette analyse portera sur les problèmes de déneigement et sur l’état de la piste, puis sur le pilotage et l’atterrissage dans un environnement de faible visibilité.

2.1 Déneigement

Pendant la majeure partie des mois de mars et d’avril 2020, la souffleuse à neige de l’aéroport de Kugaaruk (CYBB) (Nunavut) était hors service. La chargeuse de l’aéroport était également hors service à plusieurs reprises. Même si l’équipement était disponible pour déneiger l’aire de piste immédiate, la souffleuse à neige était nécessaire pour dégager la neige et l’éloigner de la piste et des voies de circulation pour l’étaler sur une zone plus vaste. En l’absence d’une souffleuse à neige fonctionnelle, la hauteur des bancs de neige qui s’étaient accumulés près de la piste dépassait les limites publiées dans le plan de maintenance hivernale de CYBB.

Les membres du personnel de maintenance de l’aéroport avaient soulevé les diverses questions auprès de l’exploitant à plusieurs reprises, notamment la veille de l’événement, au moyen de comptes rendus quotidiens remis à l’exploitant de l’aéroport. De plus, un rapport du système de gestion de la sécurité (SGS) produit par un membre du personnel de maintenance de l’aéroport a été remis à l’exploitant de l’aéroport le 27 mars 2020. Toutefois, même si l’exploitant a loué de l’équipement au hameau le 27 avril 2020, la question n’a pas été réglée parce que les travaux n’ont pas pu être terminés dans le délai de location. Après l’événement, des bancs de neige s’élevant à 8 pieds ont été signalés à moins de 5 pieds des feux de piste (ou à moins de 10 pieds du bord de la piste) à certains endroits.

Le jour de l’événement, il y avait une tempête hivernale à l’aéroport depuis environ 5 h, lorsque la vitesse du vent a commencé à augmenter. En raison de la visibilité réduite, il n’y a pas eu de déneigement actif; par conséquent, des congères s’étaient accumulées autour des feux de bord de piste et le long des bords de piste. Des bancs de neige étaient également déjà présents à proximité des feux de bord de piste.

Fait établi quant aux risques

Si le déneigement ne permet pas de maintenir l’accumulation de neige adjacente à la piste dans les limites prescrites, il y a un risque qu’un aéronef entre en collision avec cette accumulation de neige en raison de la largeur réduite de la piste disponible.

2.2 Vols dans des environnements à faible visibilité

Dans des pays autres que le Canada, il est interdit d’effectuer une approche selon les règles de vol aux instruments (IFR) si la visibilité signalée est inférieure à la visibilité publiée applicable sur la carte d’approche. Toutefois, au Canada, de nombreuses règles, conditions et exceptions liées aux interdictions d’approche sont publiées dans les pages générales du Canada Air Pilot (CAP).

Les exigences d’interdiction d’approche fondées sur la visibilité au sol signalée d’un aérodrome ne s’appliquent pas au nord du 60e parallèle de latitude nord. Par conséquent, dans l’événement à l’étude, l’approche n’était pas interdite, même si la visibilité au sol signalée était de ¼ mille terrestre (SM) au moment de l’approche, ce qui est bien en dessous du minimum de 1 ½ SM (¾ de la visibilité publiée) qui aurait été requis si la visibilité au sol de l’interdiction d’approche constituait une limite au nord du 60e parallèle de latitude nord.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Les approches aux aéroports se trouvant au nord du 60e parallèle de latitude nord ne sont pas restreintes par la visibilité au sol et, par conséquent, l’équipage de conduite a poursuivi l’approche lorsque la visibilité signalée était de ¼ SM, ce qui est inférieur à la visibilité recommandée publiée de 1 ¾ SM pour cette approche.

Par ailleurs, chaque aérodrome établit une limite de visibilité opérationnelle qui est indépendante de l’interdiction d’approche. Cette limite n’est pas publiée au même endroit que la visibilité publiée pour l’approche. Elle est publiée dans la section du Supplément de vol – Canada (CFS) portant sur les pistes. Si la visibilité opérationnelle d’un aérodrome n’est pas publiée dans le CFS, comme c’est le cas pour CYBB, cela signifie que les opérations ne sont pas autorisées lorsque la visibilité est inférieure à ½ SM.

Pour déterminer si une approche est permise, il faut consulter la carte d’approche (dans le CAP) et les critères d’interdiction d’approche (dans les pages générales du CAP). Ensuite, il faut consulter la section du CFS portant sur les pistes pour déterminer si les atterrissages sont autorisés lorsque la visibilité est inférieure à ½ SM. L’interdiction d’approche et la visibilité opérationnelle d’un aérodrome sont 2 facteurs pouvant faire qu’une approche ou un atterrissage ne sont pas autorisés à cet aérodrome.

Dans l’événement à l’étude, l’approche était autorisée étant donné l’exception à l’interdiction d’approche stipulant qu’au nord du 60e parallèle de latitude nord, l’utilisation de la visibilité au sol signalée n’était pas requise; toutefois, la visibilité opérationnelle de l’aérodrome n’autorisait pas les atterrissages puisque la visibilité dominante au moment de l’atterrissage était inférieure au minimum de ½ SM requis pour CYBB. L’application de ces 2 exigences indépendantes peut créer de la confusion et donner à certains pilotes l’impression que, si l’interdiction d’approche n’est pas en vigueur, les atterrissages sont autorisés sans qu’il soit nécessaire de tenir compte des exigences de visibilité opérationnelle d’aérodrome.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

L’équipage de conduite croyant que l’absence d’interdiction d’approche autorisait un atterrissage, il a atterri à CYBB, même si la visibilité au sol signalée était inférieure à la visibilité opérationnelle d’aérodrome minimale.

Le BST a relevé un certain nombre d’événements où les approches ont été poursuivies sous l’altitude minimale de descente avec des repères visuels inadéquats. En conséquence, le BST a recommandé que le ministère des Transports examine et simplifie les minimums opérationnels pour les approches et les atterrissages aux aérodromes canadiens, et qu’il instaure un mécanisme pour stopper les approches et les atterrissages qui sont en réalité interdits.

Fait établi quant aux risques

Tant que TC n’aura pas simplifié (recommandation A20-01) les minimums opérationnels pour les approches et les atterrissages et tant qu’il ne les fera pas appliquer (recommandation A20-02), il y aura un risque que les équipages de conduite amorcent ou poursuivent des approches dans des conditions météorologiques qui ne permettent pas un atterrissage sécuritaire.

2.3 L’atterrissage

Au cours des dernières étapes de l’approche, la surface de la piste était visible à travers la poudrerie, mais les feux de piste et l’indicateur de trajectoire d’approche de précision (PAPI) n’ont pas été observés. Une fois le contact visuel établi avec la piste, un virage à gauche était nécessaire pour aligner l’aéronef sur le cap de piste en raison du décalage de 15° de l’approche IFR. Le pilote aux commandes était d’autant plus confronté à une composante de vent de travers de 12 à 16 nœuds soufflant de la gauche, qui était toutefois inférieure à la composante maximale de vent de travers démontrée de 25 nœuds pour l’aéronef. La neige qui soufflait en diagonale de gauche à droite sur la piste a probablement créé une illusion d’une piste en mouvement; le pilote aux commandes aurait donc pu croire que l’aéronef dérivait latéralement à gauche par rapport à la piste.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

L’approche décalée, la composante de vent de travers de la gauche et l’illusion d’une piste en mouvement créée par la poudrerie sont autant de facteurs qui ont contribué à l’alignement de l’aéronef sur le côté droit de la piste.

Alors que le commandant de bord effectuait l’arrondi de l’aéronef en vue de l’atterrissage, l’observation du premier officier des bancs de neige à proximité de l’aile droite de l’aéronef et l’avertissement qu’il a donné au commandant de bord à ce sujet ont révélé que l’accumulation de neige était inhabituelle et inattendue. L’aéronef s’est ensuite posé sur le côté droit de la piste à proximité, voire au-delà, du bord de la piste. L’aéronef a ensuite viré à droite lorsque le train d’atterrissage droit est entré en contact avec les congères qui s’étaient accumulées le long du bord de piste et autour des feux de bord de piste.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

L’aéronef s’est posé près du bord droit de la piste et, lorsque le train d’atterrissage droit a heurté la neige plus profonde le long du bord de la piste, l’aéronef a viré à droite et a quitté la surface de la piste.

L’aéronef a continué à s’éloigner de la surface de la piste, et l’aile droite est entrée en contact avec les bancs de neige élevés observés par le premier officier. La flexion de l’aile droite et du longeron de l’aile droite indique que cette aile a heurté le banc de neige pendant que l’aéronef était en état de puissance élevée. Par conséquent, l’aéronef a tourné de presque 90° vers la droite sous les forces de l’impact et il est entré en collision le nez le premier avec les bancs de neige élevés.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

La profondeur de la neige adjacente à la piste dépassait les limites prescrites dans le plan de maintenance hivernale de l’exploitant d’aéroport. Par conséquent, l’aéronef a subi des dommages additionnels lorsqu’il a quitté la surface de la piste.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Les approches aux aéroports se trouvant au nord du 60e parallèle de latitude nord ne sont pas restreintes par la visibilité au sol et, par conséquent, l’équipage de conduite a poursuivi l’approche lorsque la visibilité signalée était de ¼ mille terrestre, ce qui est inférieur à la visibilité recommandée publiée de 1 ¾ mille terrestre pour cette approche.
  2. L’équipage de conduite croyant que l’absence d’interdiction d’approche autorisait un atterrissage, il a atterri à l’aéroport de Kugaaruk, même si la visibilité au sol signalée était inférieure à la visibilité opérationnelle d’aérodrome minimale.
  3. L’approche décalée, la composante de vent de travers de la gauche et l’illusion d’une piste en mouvement créée par la poudrerie sont autant de facteurs qui ont contribué à l’alignement de l’aéronef sur le côté droit de la piste.
  4. L’aéronef s’est posé près du bord droit de la piste et, lorsque le train d’atterrissage droit a heurté la neige plus profonde le long du bord de la piste, l’aéronef a viré à droite et a quitté la surface de la piste.
  5. La profondeur de la neige adjacente à la piste dépassait les limites prescrites dans le plan de maintenance hivernale de l’exploitant d’aéroport. Par conséquent, l’aéronef a subi des dommages additionnels lorsqu’il a quitté la surface de la piste.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si le déneigement ne permet pas de maintenir l’accumulation de neige adjacente à la piste dans les limites prescrites, il y a un risque qu’un aéronef entre en collision avec cette accumulation de neige en raison de la largeur réduite de la piste disponible.
  2. Tant que Transports Canada n’aura pas simplifié (recommandation A20-01) les minimums opérationnels pour les approches et les atterrissages et tant qu’il ne les fera pas appliquer (recommandation A20-02), il y aura un risque que les équipages de conduite amorcent ou poursuivent des approches dans des conditions météorologiques qui ne permettent pas un atterrissage sécuritaire.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Buffalo Airways Ltd.

Après l’événement, la direction de Buffalo Airways Ltd. a effectué un sondage auprès de ses pilotes. Ce sondage a permis de recueillir des données sur les connaissances et la compréhension en matière de restrictions de visibilité d’aérodrome et sur la façon dont elles s’appliquent aux opérations dans des conditions de visibilité inférieure à ½ mille terrestre (SM). Il a révélé certains malentendus : ce ne sont pas tous les pilotes qui avaient compris qu’en l’absence d’une procédure d’exploitation en visibilité réduite publiée dans le Supplément de vol – Canada, la visibilité minimale pour l’exploitation à un aérodrome est de ½ SM. La visibilité est celle signalée par un observateur météorologique ou, en l’absence de message d’observation météorologique, elle est déterminée par le commandant de bord au moment de l’approche.

Le chef pilote a passé en revue la Circulaire d’information no 602-002, Visibilité opérationnelle aux aérodromes, de Transports Canada avec chacun des pilotes. La Circulaire d’information no 602-002 a également été ajoutée au Flight Simulator Training Manual [manuel de formation sur simulateur de vol] de Buffalo Airways et elle est passée en revue au moment de la formation en vol initiale et périodique.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Carte d’approche RNAV (GNSS) de la piste 23 à l’aéroport de Kugaaruk (CYBB) (Nunavut) (à ne pas utiliser pour la navigation)

Appendix A – Approach chart for RNAV (GNSS) Runway 23 at Kugaaruk Airport (CYBB), Nunavut (not to be used for navigation purposes)
Approach chart for RNAV (GNSS) Runway 23 at Kugaaruk Airport (CYBB), Nunavut (not to be used for navigation purposes)

Source: Canada Air Pilot (CAP), CAP 1 : Yukon, Northwest Territoires and Nunavut (du 26 mars 2020 au 21 mai 2020).

Annexe B – Canada Air Pilot, pages générales du CAP (CAP 6 : Québec), Restrictions opérationnelles applicables aux aérodromes – visibilité

Annexe B – Canada Air Pilot, pages générales du CAP (CAP 6 : Québec), Restrictions opérationnelles applicables aux aérodromes – visibilité
<em>Canada Air Pilot</em>, pages générales du CAP (CAP 6 : Québec),  Restrictions opérationnelles applicables aux aérodromes – visibilité
Annexe B – Canada Air Pilot, pages générales du CAP (CAP 6 : Québec), Restrictions opérationnelles applicables aux aérodromes – visibilité
<em>Canada Air Pilot</em>, pages générales du CAP (CAP 6 : Québec),  Restrictions opérationnelles applicables aux aérodromes – visibilité

Source: Canada Air Pilot (CAP), CAP 6 : Québec (en vigueur du 26 mars 2020 au 21 mai 2020), p. 16 et 17.