Rapport d'enquête maritime M17P0406

Collision
Drague FRPD 309
Fleuve Fraser (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    L'événement

    Le 4 décembre 2017, à 19 h 8Note de bas de page 1 , la drague FRPD 309, propriété de la Fraser River Pile and Dredge (GP) Inc., a quitté un chantier naval à Delta (Colombie-Britannique) pour effectuer des travaux de dragage dans le fleuve Fraser. Le navire est une drague suceuse-porteuse classique à élinde traînante, avec la passerelle et les quartiers de l'équipage à la proue, et la salle des machines à la poupe (figure 1). Avant de quitter le chantier, l'équipage a tenu une réunion de sécurité et a effectué les vérifications avant le départ ainsi que des exercices d'urgence.

    Figure 1. La drague FRPD 309 (Source : Fraser River Pile and Dredge, avec annotations du BST)
    Image
    La drague FRPD 309

    Une fois sur les lieux de dragage désignés, le navire a commencé à gratter le lit fluvial et à aspirer du sable et des sédiments dans son puits à déblais au moyen de 2 élindes traînantes et d'une pompe à déblais. Une fois le puits à déblais rempli, on a déchargé le sable et les sédiments sur le rivage par l'intermédiaire d'un pipeline de refoulement. Le capitaine a quitté la passerelle vers 21 h et a confié les commandes du navire à l'officier de quart. Il y avait également en poste 2 mécaniciens, 2 matelots de pont et 1 conducteur de dragueNote de bas de page 2 .

    À 3 h 47, le 5 décembre, le navire avait déchargé son puits à déblais 2 fois et draguait au moyen de 2 becs d'élinde fixés à l'extrémité des élindes traînantes tout en étalant le courant du fleuve. La visibilité était bonne, la mer était ridée et les vents étaient légers. Vers 4 h 20, le puits à déblais était de nouveau rempli, et le conducteur de drague a commencé à relever les becs d'élinde au moyen des treuils. Peu après que le conducteur de drague eut confirmé que les becs d'élinde ne touchaient plus le fond, l'officier de quart a sollicité les 2 propulseurs ainsi que les moteurs pour faire demi-tour et retourner au point de décharge par pipeline de refoulement.

    Quelques instants plus tard, à 4 h 23 min 45 s, pendant que le navire virait et que le conducteur de drague relevait les élindes traînantes sur le pont, le navire a subi une panne de courantNote de bas de page 3 . De 2 à 5 secondes se sont écoulées avant que le système de gestion d'énergie ne rétablisse l'alimentation électrique à bord du navire. Comme le système de gestion d'énergie se trouvait en mode semi-automatiqueNote de bas de page 4 , le deuxième mécanicien a pu rapidement démarrer la troisième génératrice (bâbord) et la mettre en service de manière à augmenter la charge à des niveaux opérationnels. L'alimentation électrique rétablie, l'équipe à la passerelle a pu rapidement réactiver les équipements électroniques qui s'étaient désactivés en raison de la panne de courant.

    Environ 2 minutes après la panne de courant, l'officier de quart a terminé le virage à bâbord et le navire a poursuivi sa course vers le point de décharge par pipeline de refoulement. Toutefois, au même moment, les 2 mécaniciens dans la salle des machines s'employaient à réactiver plusieurs alarmes ainsi qu'à réenclencher les disjoncteurs essentiels et non essentielsNote de bas de page 5 qui s'étaient déclenchés, dont certains se trouvaient dans la proue du navire. Toutefois, le temps leur a manqué pour rétablir l'état normal du navire avant que celui-ci reprenne son voyage. Entre-temps, l'équipe à la passerelle a communiqué avec la salle des machines pour demander que l'on réactive les génératrices d'arbre, les pompes hydrauliques et les treuils.

    Durant la panne de courant, le compresseur d'air de commande et le compresseur d'air de service se sont désactivés et ont dû être réactivés localement. Chaque compresseur alimente un réservoir d'air comprimé indépendant qui est maintenu à une pression de service constante pour alimenter en air comprimé diverses machines.

    Le réservoir d'air comprimé de commande, dont l'air comprimé maintient les embrayages des principaux moteurs embrayés, doit maintenir une pression de 7,5 bars. Ce circuit compte 2 alarmes : une alarme basse pression (qui se déclenche à 6 bars) et une alarme de défaillance (qui se déclenche à 5 bars). À un certain moment durant la panne de courant, les alarmes de basse pression et de défaillance du réservoir d'air comprimé de commande se sont déclenchées. Les mécaniciens ne les ont pas remarquées, toutefois, occupés qu'ils étaient à réenclencher les disjoncteurs qui s'étaient déclenchés et à réactiver les alarmes désactivées.

    À 4 h 30 min 45 s, le navire faisait route vers le point de décharge par pipeline de refoulement à une vitesse d'environ 7,2 nœuds quand il y a eu perte de propulsion; les embrayages des principaux moteurs avaient automatiquement débrayé lorsque la pression d'air comprimé de commande avait chuté sous 5 bars. L'alarme de perte de propulsion a retenti sur la passerelle et dans la salle des machines. De plus, sur la passerelle, les indicateurs des génératrices d'arbre et de pas d'hélice ont chuté à zéroNote de bas de page 6 . Un des propulseurs, qui était entraîné par les génératrices d'arbre, était également hors service. L'officier de quart a tenté d'embrayer la propulsion, mais sans succès. À 4 h 31 min 48 s, l'officier de quart a appelé le capitaine pour l'informer que le navire avait perdu toute propulsion.

    Entre-temps, le FRPD 309, continuant sur son erre, se trouvait désormais sur une trajectoire de collision avec le remorqueur Storm Wave, qui remorquait le chaland chargé Evco 60 dans les environs. L'officier de quart à bord du FRPD 309 a mis le gouvernail à tribord pour que la drague évite le remorqueur et le chaland. À 4 h 31 min 58 s, l'officier de quart a avisé le Storm Wave que le FRPD 309 avait perdu toute propulsion et a demandé que le remorqueur se tienne à l'écart. À 4 h 32 min 14 s, on a sonné l'alarme générale et indiqué au matelot de pont sur la passerelle de se rendre à la proue et de jeter l'ancre.

    Quelques instants plus tard, l'officier de quart a fait une annonce sur le système de sonorisation pour avertir l'équipage d'un abordage imminent. Comme les moteurs principaux tournaient encore, les mécaniciens ignoraient tout de la perte de propulsion jusqu'à ce que l'alarme générale retentisse et que l'officier de quart fasse l'annonce. Un des mécaniciens avait redémarré les 2 compresseurs d'air; trop tard cependant pour empêcher les embrayages des principaux moteurs de débrayer. À 4 h 32 min 54 s, la drague a abordé le chaland Evco 60 alors qu'il naviguait à quelque 4,5 nœuds.

    L'officier de quart a signalé l'abordage aux Services de communications et de trafic maritimes et en a informé le capitaine, qui s'est rendu à la passerelle peu de temps après. Le navire a ensuite jeté l'ancre et a communiqué avec le Storm Wave, qui a poursuivi son voyage après qu'il eut évalué les avaries occasionnées au chaland. Environ 1,5 heure plus tard, la drague a levé l'ancre après que la propulsion eut été rétablie. Elle a ensuite fait route jusqu'au point de décharge par pipeline de refoulement avant de regagner le chantier naval aux fins de réparations, à 7 h 30.

    Au moment de la panne de courant, 2 des 3 génératrices diesel (tribord et intérieure) fonctionnaient. Le système de gestion d'énergie du navire permettait une séquence de délestage hiérarchisée : dans une situation de surcharge, les charges non essentielles sont automatiquement coupées au tableau de distribution pour maintenir l'alimentation de l'équipement essentiel. L'enquête n'a pas permis de déterminer la cause de la panne de courant.

    Avaries

    Du fait de l'abordage, le FRPD 309 a subi des avaries au bordé extérieur (figure 2) et au coqueron avant, devant la cloison d'abordage (figure 3). En outre, l'ancre de bâbord a été délogée de son poste et s'est trouvée coincée dans la coque de l'Evco 60. Le chaland Evco 60 a subi des avaries structurales du fait de l'impact de l'abordage (figure 4).

    Figure 2. Avaries à la coque du FRPD 309
    Image
    Avaries à la coque du FRPD 309
    Figure 3. Avaries au coqueron avant
    Image
    Avaries au coqueron avant
    Figure 4. Ancre de bâbord du FRPD 309 (indiquée avec une cercle jaune) coincée dans la coque du chaland Evco 60
    Image
    Ancre de bâbord du FRPD 309 coincée dans la coque du chaland Evco 60

    Mesures de sécurité prises

    Suite à cet événement, la compagnie :

    • a révisé la documentation de son système de gestion de la sécurité portant sur les listes de vérification d'urgence et à la perte de propulsion.
    • a révisé la formation et la séance de familiarisation et a informé l'équipage des changements apportés.
    • a mis en place une formation pour l'ensemble de l'équipage de pont et de salle des machines sur les paramètres de sécurité des embrayages pneumatiques et du transmetteur d'ordres.
    • a effectué des exercices d'urgence portant sur les pannes et la maintenance des systèmes de commande pneumatique.
    • a muni un compresseur d'air de commande d'un dispositif de démarrage automatique.

    De plus, la compagnie s'emploie à améliorer la formation qu'elle donne et à développer un programme d'évaluation des compétences.

    Messages de sécurité

    Reprise après une panne de courant

    Dans l'événement à l'étude, une fois l'alimentation électrique rétablie à la passerelle après la panne de courant, le navire a presque aussitôt repris son voyage vers le point de décharge par pipeline de refoulement, sans laisser à l'équipage de la salle des machines le temps de réenclencher tous les disjoncteurs et réactiver toutes les alarmes et ni de vérifier l'état opérationnel des systèmes et de l'équipement du navire. L'équipe à la passerelle n'a pas confirmé auprès des mécaniciens s'ils avaient fini de rétablir les systèmes du navire, et personne dans la salle des machines n'a informé l'équipe à la passerelle qu'il fallait encore du temps pour achever ces travaux.

    Cet événement souligne l'importance de prendre le temps de s'assurer du rétablissement opérationnel complet d'un navire après une panne de courant. Des listes de vérification exhaustives après une panne de courant et la tenue d'exercices valables sont des outils qui peuvent aider un équipage à intervenir plus efficacement en cas de panne de courant.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le Il a été officiellement publié le