Échouement et mort subséquente
Bateau de pêche Fisherman’s Provider II
Canso (Nouvelle-Écosse)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Description du bateau
Le Fisherman's Provider II était un palangrier de 13,2 m immatriculé au Canada (immatriculation no 805139) qui appartenait à Fisherman's Market International Inc. Sa coque était en plastique moulé renforcé et il était propulsé par un moteur diesel entraînant une seule hélice. La timonerie était équipée d'un traceur de cartes électronique, d'un système d'identification automatique (AIS), d'un radarNote de bas de page 1 et d'un radiotéléphone à très haute fréquence (VHF). Un radeau de sauvetage gonflable et 4 combinaisons d'immersion se trouvaient également à bord.
Déroulement du voyage
Vers 9 h 45Note de bas de page 2 le 6 février 2018, le capitaine et 3 membres d'équipage sont arrivés au quai de la compagnie à Canso, en Nouvelle-Écosse. L'équipage a procédé aux préparatifs pour le voyage de pêche dont le départ était prévu vers 18 h le même soir (figure 1).
Vers 10 h 45, l'équipage était à bord et appâtait les engins de pêche. Environ 2 heures plus tard, le capitaine a quitté le quai pour aller chercher des fournitures.
À 17 h 15, les membres d'équipage ont terminé d'appâter les engins et ont préparé un repas. À 17 h 30, le capitaine est remonté à bord du bateau.
À 18 h 10, le bateau a quitté le quai. Le capitaine s'est posté dans la timonerie pour piloter le bateau. Les membres d'équipage ont pris leur repas et sont allés se coucher.
À 18 h 23, le bateau a commencé à émettre un signal AIS. Les données du signal AIS indiquent qu'à 18 h 24, le bateau a commencé à se déplacer de façon erratique (en cercle, dans des hauts-fonds et d'un côté à l'autre du port) et pas dans la trajectoire privilégiée pour sortir du port.
À 18 h 28, la vitesse du bateau a diminué, passant de 7 à 2 nœuds. Le bateau a continué à se déplacer singulièrement jusqu'à son échouement, à 19 h 45, sur le haut-fond Frying Pan Shoal, en Nouvelle-Écosse.
Recherche et sauvetage
Le choc causé par l'échouement a réveillé les membres d'équipage. Lorsqu'ils ont constaté que le bateau gîtait et qu'il y avait de l'eau sur le pont, ils ont revêtu leur combinaison d'immersion et ont mis le radeau de sauvetage à l'eau. Le capitaine n'a pas revêtu sa combinaison d'immersion; il est demeuré dans la timonerie et a transmis un appel de détresse par radio VHF. Les Services de communication et de trafic maritime (SCTM) de Sydney (Nouvelle-Écosse) ont reçu la radiodiffusion. Ils ont tenté de communiquer avec le bateau, mais n'ont pas obtenu de réponse.
Comme l'équipage n'a pas entendu la radiodiffusion des SCTM, l'un des membres a composé le 911 sur son téléphone cellulaire personnel et a informé la Station de transmissions opérationnelles de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de Truro (Nouvelle-Écosse) de la situation. a Station a communiqué avec le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) qui a affecté des ressources de recherche et sauvetage (SAR) afin de venir en aide à l’équipage, dont : un hélicoptère CH149 des Forces armées canadiennes/Aviation royale canadienne (FAC/ARC), à qui on a confié la tâche initialement, mais qui a été rappelé par la suiteNote de bas de page 3; le bateau de pêche Miss Lexi; le navire auxiliaire de la Garde côtière canadienne (GCC) Melissa and Papa II; et le garde-côte Bickerton de la GCC.
Les membres de l'équipage ont demandé au capitaine de monter à bord du radeau de sauvetage avec eux. Le capitaine a refusé, même si le Fisherman's Provider II gîtait fortement et qu'il avait les deux pieds dans l'eau sur le pont partiellement submergé. De plus, le capitaine n'a répondu à aucune des tentatives de communication du personnel de recherche et sauvetage. Les 3 membres d'équipage sont montés à bord du radeau de sauvetage et sont demeurés le long du Fisherman's Provider II, tout en continuant d'essayer de convaincre le capitaine d'abandonner le bateau avec eux. Le capitaine est demeuré à bord.
Le Miss Lexi est arrivé sur les lieux environ 40 minutes plus tard. Les 3 membres d'équipage ont déplacé le radeau à la rame jusqu'au Miss Lexi et sont montés à bord. Ils ont ensuite été transportés à Canso. À leur arrivée, les services d'urgence santé de la province ont évalué leur état de santé et les ont laissé partir. Plus tard, les membres d'équipage ont quitté le quai et le Miss Lexi a été relevé de la mission.
Des citoyens préoccupés qui étaient à bord d'un bateau à moteur appartenant à quelqu'un de la région ont fixé une amarre à la poupe du Fisherman's Provider II et ont passé l'amarre au Melissa and Papa II. Le JRCC leur a alors indiqué que personne ne pouvait remorquer le bateau sans l'autorisation du capitaine.
Les opérations de SAR se sont poursuivies au cours des 2 jours suivants. Pendant ce temps, différentes ressources de SAR ont tenté à plusieurs reprises de communiquer avec le capitaine et de s'approcher du Fisherman's Provider II. Elles n'ont pas réussi en raison des risques présents, provoqués notamment par les conditions environnementales, l'état de la mer et l'intégrité structurale du bateau. Au cours de cette période, les équipages des navires à proximité ne pouvaient pas voir le capitaine et celui-ci ne répondait pas aux appels.
Au cours de cette période, les équipages des navires à proximité ne pouvaient pas voir le capitaine et celui-ci ne répondait pas aux appels. En plus du Miss Lexi, du Melissa and Papa II et du Bickerton, les ressources de SAR comprenaient 3 navires de la CGC, une embarcation rapide de sauvetage du ministère des Pêches et des Océans, un hélicoptère de SAR CH149 des FAC/de l'ARC, un aéronef de SAR-CC130 des FAC/de l'ARC, un aéronef de surveillance de Provincial Airlines Ltd et un aéronef de surveillance de Transports Canada / Pêches et Océans Canada. Une équipe de plongeurs de la GRC a aussi répondu à l'appel, mais parce qu’on a jugé que le bateau n’était pas assez stable ni sécuritaire pour y monter à bord et effectuer une fouille à ce moment, on a dû mettre fin aux activités de l’équipe avant qu’elle n’atteigne le bateau.
Le personnel de SAR n'est pas légalement autorisé à retirer un membre d'équipage d'un bateau sans son consentement. Même si le chef de district de la GRC était légalement en droit de retirer le capitaine du bateau de pêcheNote de bas de page 4, il n’avait d’équipe de plongeurs ni de personnel formé et expérimenté pour monter à bord du bateau dans ces conditions.
Le 8 février, on a réduit les activités de SAR et la GRC locale a commencé à traiter la situation comme un cas de personne disparue.
Le 9 février, les membres d'équipage du bateau de pêche local Old Sock se sont approchés du Fisherman's Provider II avec un skiff. Deux membres sont montés à bord du bateau échoué. Ils ont déclaré avoir vu le corps du capitaine dans le rouf avant, mais ils n'ont pas pu le récupérer à cause de l'état de la mer. Une seconde tentative a été réalisée peu de temps après, et le corps du capitaine a été ramené à Canso.
Conditions environnementales
Le 6 février à 19 h, les vents soufflaient à 3,8 nœuds du sud-ouest.
Le 7 février à 1 h, il a commencé à neiger. À 7 h, les vents soufflaient à 12 nœuds du nord-nord-ouest. À 21 h, les vents soufflaient à 19 nœuds de l'est-sud-est. Selon les prévisions, on prévoyait des vagues de 2 à 3 m sur la mer aux environs de minuit. À 11 h 30 il ne neigeait plus.
Le 8 février à 5 h, le ciel était couvert et il pleuvait. À 8 h, les vents soufflaient à 30 à 40 nœuds du sud-ouest. Les vagues atteignaient 2 à 3 m de hauteur. À 12 h il ne pleuvait plus.
Le 9 février à 4 h, les vents soufflaient à 10 nœuds du nord-ouest, et les vagues atteignaient 1 m de hauteurNote de bas de page 5.
Cause du décès et rapport de toxicologie
L'autopsie n'a révélé aucune maladie physique et a établi la noyade et l'hypothermie comme causes du décès. L'hémogramme a révélé un taux d'alcoolémie élevé (0,193 %)Note de bas de page 6, mais l'alcoolémie exacte dans le sangNote de bas de page 7 du capitaine avant ou après l'échouement n'a pas pu être établie.
Pilotage d'un navire
Le pilote d'un navire doit analyser les données qu'il a en main pour prendre des décisions et des mesures éclairées. Les cartes des ports indiquent les chenaux privilégiés pour le passage sécuritaire des navires en fonction de leur tirant d'eau, et les zones dangereuses (p. ex., profondeur insuffisante de l'eau). Les chenaux privilégiés sont indiqués par des bouées et des marqueurs de distance à signaux lumineux et sont affichés sur l'équipement de navigation du navire. Pour manœuvrer un navire en toute sécurité dans un chenal, il faut utiliser des repères visuels, des instruments et des cartes afin de cerner et d'éviter les dangers pour la navigation. Le pilote doit en tout temps connaître la position de son navire par rapport aux zones dangereuses.
Au moment de l'événement, les chenaux du port de Canso étaient indiqués sur la carte utilisée par le capitaine du Fisherman's Provider II par des aides à la navigation (bouées et marqueurs de distance à signaux lumineux)Note de bas de page 8. L'équipement de navigation du bateau (traceur de cartes électronique et radar) fonctionnait.
Au cours de l'événement à l'étude, le bateau a dévié de l'itinéraire privilégié à sa sortie du port. Il a traversé le port de façon erratique avant de s'échouer.
Affaiblissement des facultés
L'affaiblissement des facultés par l'alcool peut nuire aux actions et aux comportements d'une personne. Le gravité de l'affaiblissement des facultés correspond au taux d'alcoolémie présent dans le système sanguinNote de bas de page 9. Un taux d'alcoolémie élevé dans le sang peut compromettre l'humeur, le jugement et les réponses comportementales aux situations émotivesNote de bas de page 10.
Messages de sécurité
- Manœuvrer à l’extérieur des chenaux privilégiés peut mener à des accidents ou à des blessures.
- L’affaiblissement des facultés par l’alcool peut nuire aux actions et aux comportements d’une personne.
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .