Naufrage avec perte de vie
Navire de pêche Arctic Fox II
77 milles marins à l’ouest-sud-ouest de Bamfield (Colombie-Britannique)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 11 août 2020, le navire de pêche Arctic Fox II, avec 3 membres d’équipage à bord, a signalé qu’il prenait l’eau. L’équipage a abandonné le navire à environ 77 milles marins à l’ouest-sud-ouest de Bamfield, sur l’île de Vancouver (Colombie-Britannique). La United States Coast Guard et la Garde côtière canadienne ont lancé des opérations de recherche et de sauvetage. Un membre d’équipage survivant a été retrouvé dans le radeau de sauvetage du navire, et les corps du capitaine et de l’autre membre d’équipage ont été repêchés. Le navire a coulé le 13 août et n’a pas été récupéré.
1.0 Renseignements de base
1.1 Fiche technique du navire
Nom du navire | Arctic Fox II |
---|---|
Numéro officiel de Transports Canada | 371702 |
Numéro d’immatriculation du navire auprès de Pêches et Océans Canada | 25125 |
Port d’immatriculation | Victoria (Colombie-Britannique) |
Pavillon | Canada |
Type | Pêche |
Jauge brute | 61,67 |
Longueur (enregistrée) | 20,12 m |
Construction | 1947, J & G Forbes & Co Boat Builders, Sandhaven (Écosse) |
Propulsion | Moteur diesel (149 kW) entraînant une hélice à pas fixe |
Membres d’équipage | 3 |
Propriétaire enregistré | Teague Fishing Corporation, Shawnigan Lake (Colombie-Britannique) |
1.2 Renseignements sur le navire
L’Arctic Fox II (figure 1) était un navire en bois bordé à franc-bord. La coque était un modèle de plein déplacement qui présentait une étrave presque droite, des cales arrondies, une poupe en pointe et des stabilisateurs de coque en acier. Le pont principal avant comportait une trappe d’accès au coqueron avant et 3 trappes vers la cale à poisson. Le pont principal arrière était partiellement couvert et abritait une table de nettoyage du poisson montée au centre, 2 treuils hydrauliques pour lignes de pêche et une échelle pour accéder au pont supérieur. La partie supérieure du rouf comportait la passerelle, la cabine du capitaine et un pont supérieur arrière où le radeau de sauvetage était entreposé. La partie inférieure du rouf comportait 2 cabines d’équipage, la cuisine et une banquette, et donnait accès à la salle des machines.
La passerelle était pourvue de 4 radiotéléphones maritimes à très haute fréquence avec appel sélectif numérique (VHF-ASN), d’un téléphone satellite, d’un pilote automatique, d’un système de positionnement mondial, d’un récepteur de système d’identification automatique, de 2 radars et d’un système d’alarme du quart à la passerelle non fonctionnel. Une radiobalise de localisation des sinistres (RLS) portative enregistrée au Canada se trouvait également sur la passerelle, et une RLS fixe enregistrée aux États-Unis, munie d’un largueur hydrostatiqueNote de bas de page 1, était fixée au sommet du rouf.
La zone située sous le pont principal était divisée en 3 compartiments : le coqueron avant, qui abritait les composants pour les cales à poisson réfrigérées et 2 pompes de cale automatiques de 20 mm; l’espace à cargaison, comportant 3 cales à poisson isolées en fibre de verre; et une salle des machines comprenant le moteur principal, 2 génératrices et les réservoirs pour les articles de consommation. La salle des machines comprenait également l’appareil à gouverner et la cambuse, 7 passe-coques, 1 alarme de cale avant, 2 pompes entraînées par le moteur ou le moteur auxiliaire (50 mm et 38 mm) capables de pomper l’eau pour tous les compartiments, et 3 pompes de cale automatiques de 20 mm. Le navire transportait une pompe électrique portable de 4 kW qui était rangée sur le pont.
1.3 Déroulement du voyage
Le 8 août 2020, vers 9 hNote de bas de page 2, l’Arctic Fox II a quitté Victoria (Colombie-Britannique), pour se rendre aux zones de pêche au thon, au large de l’île de Vancouver. Le capitaine du navire et 2 membres d’équipage (membre d’équipage 1 et membre d’équipage 2) étaient à bord.
Pendant le trajet de 20 heures vers les zones de pêche, le capitaine a montré aux membres de l’équipage l’emplacement des combinaisons d’immersion du navire et leur a fait essayer une combinaison pour s’assurer qu’elle leur allait. Les 2 membres d’équipage ont enfilé une combinaison partiellement, remontant la fermeture éclair jusqu’au cou, sans mettre le capuchon. Le capitaine a été relevé du quart par le membre d’équipage 2 une fois dans la soirée. Le membre d’équipage 1 a souffert du mal des transports pendant la majeure partie de cette période et est resté dans sa cabine.
Le matin du 9 août, le navire est arrivé aux zones de pêche, et on a commencé à pêcher le thon à la traîneNote de bas de page 3. Le capitaine est resté au quart dans la timonerie la majeure partie de la journée tandis que le membre d’équipage 2 était sur le pont en train de remonter le thon et de le placer dans la cale à poisson. Même s’il souffrait toujours du mal des transports, le membre d’équipage 1 a pu les aider périodiquement sur le pont. La prise étant petite, le membre d’équipage 1 a pu rester souvent dans sa cabine tout au long de la journée. La pêche s’est poursuivie jusqu’à la tombée de la nuit, moment où le capitaine et les membres d’équipage 1 et 2 se sont retirés dans leurs cabines et y ont passé la nuit. Pendant cette période, le navire a dérivé sans que personne ne soit de quartNote de bas de page 4.
Le 10 août, la pêche au thon à la traîne a commencé vers le lever du soleil. Le capitaine est resté au quart dans la timonerie tandis que le membre d’équipage 2 s’occupait de la prise et que le membre d’équipage 1, toujours malade, était resté dans sa cabine pendant la majeure partie de cette période. Plus tard dans la journée, le membre d’équipage 1 a demandé au capitaine de le ramener au port, car il était trop malade pour rester à bord. Le capitaine a accepté et, vers le coucher du soleil, il a mis le cap sur Ucluelet (Colombie-Britannique). Le capitaine a utilisé un téléphone satellite pour informer le propriétaire du navire, expliquant que le navire se dirigeait vers Ucluelet dans des conditions météorologiques défavorables pour déposer le membre d’équipage 1, embaucher un nouveau membre d’équipage et retourner aux zones de pêche.
Le 11 août, aux premières heures du matin, l’eau a commencé à s’accumuler dans la section arrière de la salle des machines. Le capitaine a laissé la timonerie sans surveillance et a placé la pompe portative supplémentaire dans la salle des machines, mais l’infiltration d’eau s’est poursuivie et le navire a commencé à couler. Il a alors ordonné aux membres de l’équipage de se préparer à abandonner le navire, est retourné à la timonerie et, à 1 h 58, a lancé un appel de détresse Mayday indiquant que le navire se trouvait à la position approximative de 48°04′ N et 126°49′ W, qu’il y avait un problème à bord et qu’ils pourraient avoir besoin d’aide (figure 2).
Les membres de l’équipage se sont rassemblés dans la timonerie pendant que le capitaine communiquait avec les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) de Prince Rupert, indiquant qu’il pourrait être en mesure de résoudre l’infiltration d’eau, mais qu’il pourrait également avoir besoin d’un remorquage vers Ucluelet. Vers 2 h 03, les SCTM ont communiqué avec la United States Coast Guard (USCG) de Seattle et le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) de Victoria pour les informer de la situation. À 2 h 05, les SCTM ont tenté à quelques reprises de faire un suivi auprès de l’Arctic Fox II. Le capitaine n’a pas répondu. Vers 2 h 12, les SCTM ont relayé le signal de détresse Mayday. À la suite de cette diffusion, la USCG a pris la direction des opérations de recherche et de sauvetage.
À 2 h 20, le capitaine a communiqué de nouveau avec les SCTM. Il a informé les SCTM que le moteur principal du navire avait été éteint et que lui et les membres de l’équipage abandonnaient le navire. Les SCTM ont rappelé au capitaine de demander à tous les membres de l’équipage de revêtir complètement leurs combinaisons d’immersion et d’apporter une radio portative. À 2 h 24, la USCG a dépêché un avion et un hélicoptère pour lancer les recherches pour retrouver l’équipage.
À ce moment-là, le navire dérivait et roulait dans les conditions de la mer et s’enfonçait par l’arrière; des vagues s’abattaient sur le pont, ce qui rendait difficile, pour le capitaine et les membres de l’équipage, de garder l’équilibre alors qu’ils enfilaient partiellement leurs combinaisons d’immersion. Le capitaine a remis la RLS portative et la radio satellite portative au membre d’équipage 2, puis ils ont tous amorcé le processus de déploiement du radeau de sauvetage par-dessus bord. Au cours de ce processus, la bosse du radeau de sauvetage s’est détachée du navire, et le radeau de sauvetage et sa bosse sont tombés à la mer. Le radeau de sauvetage s’est éloigné du navire et le capitaine a immédiatement sauté à l’eau.
Lorsque le capitaine a fait surface, il a appelé à l’aide. Le membre d’équipage 1 a sauté à l’eau et a tenté d’aider le capitaine, mais ce dernier lui a dit de récupérer la bosse et de la tirer pour gonfler le radeau de sauvetage. Le membre d’équipage 1 a nagé vers le radeau de sauvetage et a trouvé la bosse. Le membre d’équipage 1 a alors tiré sur la bosse, ce qui a fait gonfler le radeau de sauvetage. Le radeau de sauvetage s’est gonflé à l’envers; le membre d’équipage 1 est parvenu à redresser le radeau de sauvetage et à s’y hisser, où il a allumé la lumière de sa combinaison d’immersion. Le membre d’équipage 1 a appelé le capitaine, l’encourageant à nager jusqu’au radeau de sauvetage; cependant, le capitaine n’a pas répondu ou n’a pas utilisé le sifflet de sa combinaison d’immersion, et la lumière de sa combinaison d’immersion n’était pas visible.
Vers 2 h 30, la poupe du navire était submergée et le membre d’équipage 2 s’était rendu sur le pont supérieur arrière et avait activé la RLS portative. Avec sa combinaison d’immersion qui était partiellement enfilée et la lumière de sa combinaison allumée, le membre d’équipage 2 a sauté à l’eau du côté du navire qui était opposé à celui où se trouvaient le membre d’équipage 1 et le radeau de sauvetage. Le membre d’équipage 1 a alors actionné le sifflet de sa combinaison d’immersion et a appelé le membre d’équipage 2. Le membre d’équipage 2 a répondu au membre d’équipage 1, mais n’a pas atteint le radeau de sauvetage.
À 2 h 37, le JRCC a été informé qu’un signal avait été reçu de la RLS portative. Peu de temps après, lorsque la RLS fixe a été submergée, le largueur hydrostatique s’est activé. À 2 h 43, la USCG a reçu un signal de la RLS de l’Arctic Fox II provenant d’une position qui se trouvait à 1,7 mille marin (NM) de l’emplacement donné au moment de l’appel de détresse Mayday initial. Vers 3 h 30, le JRCC a ajouté des ressources aériennes aux recherches.
À 4 h 36, la USCG a porté secours au membre d’équipage 1 qui était dans le radeau de sauvetage. À 9 h 39, les corps du capitaine et du membre d’équipage 2 ont été repêchés. Ces derniers portaient des combinaisons d’immersion partiellement enfilées qui s’étaient remplies d’eau. On a confirmé la mort par noyade de chacun.
L’Arctic Fox II a continué à flotter avec sa proue visible jusqu’au 13 août, date à laquelle il a complètement coulé.
1.4 Conditions environnementales
Au moment de l’événement, la USCG a signalé des nuages épars et une visibilité de 10 NM. Les vents soufflaient du sud-est à 25 nœuds, et il y avait une mer du vent de 2,4 m au sud-ouest. La température de l’air était de 14 °C, et celle de la mer, de 14 °C.
1.5 Brevets, expérience et formation du personnel
Le capitaine de l’Arctic Fox II était titulaire d’un brevet échu de capitaine de pêche, quatrième classe, délivré en 2001 en vertu du Règlement sur la délivrance des brevets et certificats (marine), qui a depuis été abrogé. Il avait également obtenu un certificat restreint de radiotéléphoniste et un certificat de formation de fonctions d’urgence en mer (FUM) A1. À l’époque où il a été délivré, le brevet de capitaine de pêche, quatrième classe, du capitaine n’exigeait pas de formation sur la stabilité des navires ni d’examen médical maritime. La formation sur la stabilité des navires et les certificats médicaux sont exigés par Transports Canada (TC) depuis 2007. La formation FUM A1 n’abordait pas la façon de former les nouveaux membres d’équipage en ce qui concerne les procédures, les exercices et la familiarisation.
Le capitaine comptait environ 50 années d’expérience dans la pêche commerciale en tant que membre d’équipage, capitaine et propriétaire; durant cette période, il a vécu 2 situations d’abandon d’un navire Note de bas de page 5 avec son équipage, après que les navires eurent pris l’eau et coulé.
La plupart des thoniers canadiens maintiennent en poste les membres d’équipage chevronnés en augmentant les possibilités de revenus, par exemple en faisant la pêche au saumon à la traîne plus tôt l’été. Cela peut compliquer la recherche de membres d’équipage chevronnés pour un navire comme l’Arctic Fox II, qui ne participait qu’à un seul type de pêche, rendant ainsi les revenus plus incertains.
Les membres d’équipage 1 et 2 ont répondu à une offre d’emploi dans laquelle on indiquait être à la recherche de membres d’équipage chevronnés pour la pêche au thon. Ils ont été embauchés pour joindre l’équipage de l’Arctic Fox II sans aucune expérience maritime commerciale et sans aucune formation sur la gestion des urgences.
Les gens de mer sont tenus de suivre une formation aux fonctions d’urgence en merNote de bas de page 6. Toutefois, ils ne sont pas tenus de suivre ces cours officiels dès qu’ils sont embauchés; les cours peuvent être reportés jusqu’à ce que la personne ait cumulé 6 mois de service en mer.
1.5.1 Certificats médicaux maritimes
Les gens de mer qui détiennent un brevet de compétence sont également tenus de détenir un certificat médical maritime valide délivré par TCNote de bas de page 7. Pour obtenir un certificat médical maritime, les gens de mer doivent faire déterminer leur niveau d’aptitude par un médecin examinateur de la marine, en tenant compte des exigences du poste et du niveau de risque pour le capitaine, les membres d’équipage et les passagersNote de bas de page 8. Les médecins examinateurs de la marine calculent le niveau de risque des gens de mer, entre autres le risque d’incapacité, au moyen de certaines méthodesNote de bas de page 9. Par exemple, le système de score de risque de Framingham estime le risque de maladie cardiovasculaire sur 10 ans en tenant compte de 6 facteurs clés : l’âge, les lipides sanguins, la pression artérielle, le diabète, le tabagisme et les antécédents médicaux familiaux. Les autres facteurs pris en compte sont la consommation d’alcool, l’obésité et le genre. On sait que tous ces facteurs augmentent le risque d’un événement cardiaque et donc d’une incapacité. Une fois que les gens de mer ont passé un examen médical par un médecin examinateur de la marine, des restrictions peuvent être appliquées à leur brevet, notamment celles liées au service, aux médicaments, au temps et à la catégorie de voyage. L’enquête a permis de déterminer que le capitaine de l’Arctic Fox II avait plusieurs problèmes de santé qui étaient des facteurs de risque d’événement cardiaque et qui étaient surveillés par son médecin personnel, sans toutefois avoir été évalués par un médecin examinateur de la marine.
Fait établi : Autre
TC n’était pas au courant des problèmes de santé du capitaine, qui auraient pu mener à des restrictions ayant une incidence sur la validité de son certificat médical maritime. Par ailleurs, son brevet de compétence était expiré.
1.6 Préparation aux situations d’urgence
1.6.1 Responsabilités des représentants autorisés et des capitaines
Les représentants autorisés (RA) Note de bas de page 10 sont tenus par la réglementation de fournir aux capitaines de navire des procédures écrites qui doivent être suivies avant que les membres d’équipage ne puissent entreprendre une quelconque tâche. Les procédures doivent inclure la familiarisation avec le matériel de bord du navire, les procédures d’exploitation et les tâches assignées Note de bas de page 11. En outre, les RA doivent fournir aux capitaines des procédures sur l’exploitation sécuritaire du navire ainsi que la procédure à suivre en cas d’urgence Note de bas de page 12. Ces procédures doivent, à tout le moins, familiariser les membres d’équipage avec Note de bas de page 13
- l’emplacement et l’utilisation de l’équipement de sécurité;
- les mesures à prendre pour protéger les personnes à bord;
- les mesures à prendre pour maintenir l’étanchéité à l’eau.
Les capitaines doivent déterminer si les membres de l’équipage peuvent s’acquitter efficacement des tâches qui leur sont confiées. Ils doivent également s’assurer que les membres d’équipage sont formés sur ces procédures et tenir un dossier sur la formation et les exercices Note de bas de page 14.
En Colombie-Britannique, des exigences similaires sont en place pour la documentation, les instructions et les procédures d’après la réglementation provinciale Note de bas de page 15.
Le propriétaire et RA de l’Arctic Fox II figurant sur l’immatriculation du navire était Teague Fishing Corporation. Le propriétaire et personne-ressource de Teague Fishing Corporation est un pêcheur ayant une vaste expérience de la pêche commerciale. Il n’était pas certain de toutes ses responsabilités de propriétaire selon les exigences provinciales, ni de ses responsabilités de RA selon les exigences de TC. Le propriétaire a supposé que les responsabilités dont il était conscient étaient assumées par le capitaine. Lorsque l’Arctic Fox II n’était pas en mer, le capitaine remplissait le rôle de capitaine d’armement du navire Note de bas de page 16. Il n’y avait aucun accord entre le propriétaire et le capitaine quant à la question de savoir qui devait assumer les responsabilités de RA; le propriétaire, en tant que RA, ne supervisait pas le capitaine pour s’assurer que ces responsabilités étaient exercées.
L’enquête n’a révélé aucune indication que le capitaine aurait reçu une formation sur la façon de diriger un exercice d’urgence Note de bas de page 17. De même, il n’y avait aucun dossier indiquant que des procédures d’urgence, des exercices, une familiarisation ou une formation officiels auraient été fournis aux membres d’équipage à bord du navire pendant le voyage à l’étude, ou à tout membre de l’équipage précédent qui avait navigué à bord du navire.
1.6.2 Engins de sauvetage
Lorsqu’ils sont en mer, les membres d’équipage risquent de se retrouver à l’eau et de subir les effets de l’immersion en eau froide, tels que le choc dû à l’eau froide, la perte de motricité due au froid et l’hypothermie.
Les navires de pêche sont tenus d’avoir à bord de l’équipement de sauvetage en cas d’urgences telles que l’immersion en eau froideNote de bas de page 18. L’Arctic Fox II était muni de l’équipement de sauvetage obligatoire suivant :
- des gilets de sauvetage standards;
- des vêtements de flottaison individuels (VFI) (ni l’un ni l’autre des membres de l’équipage ne portaient de VFI pendant qu’ils travaillaient sur le pont);
- des combinaisons d’immersion;
- une bouée de sauvetage;
- un radeau de sauvetage à 6 personnes, entretenu;
- 1 RLS.
Le navire était également muni d’une RLS supplémentaire.
1.6.2.1 Acquisition de connaissances et de compétences
Pendant l’exécution physique d’une tâche comme enfiler de l’équipement de sauvetage, l’équipage reçoit une formation pour apprendre les actions motrices associées à cette tâcheNote de bas de page 19. À force de les exercer, les actions motrices créent une mémoire motrice et l’équipage acquiert des compétencesNote de bas de page 20. Lorsque l’équipage est en mesure de comprendre quand et comment coordonner ces compétences en équipe, comme pendant le déploiement d’un radeau de sauvetage, on maximise la probabilité qu’il soit en mesure d’intervenir de la manière la plus efficace et la plus efficiente.
Pendant une urgence, l’équipage est généralement soumis à des contraintes de temps et à une menace pour la vie potentielle ou imminente, deux facteurs susceptibles d’accroître la charge de travail et les conditions de stress, ce qui vient réduire la capacité mentaleNote de bas de page 21. Pour cette raison, il est important que l’équipage se soit exercé à une tâche d’urgence afin de pouvoir l’exécuter automatiquement. Lorsque la formation et l’exercice des tâches d’urgence ne sont pas offerts initialement et de manière récurrente, les membres d’équipage peuvent s’écarter des procédures ou offrir un rendement inférieur aux normes, soit en raison de compétences insuffisantes ou qui se sont estompées, soit en raison d’adaptations acquises qui ont un effet nuisible à la sécurité.
Le capitaine avait participé pour la dernière fois à une formation FUM en 2001. Les membres d’équipage n’avaient pas encore reçu de formation FUM.
1.6.2.2 Combinaisons d’immersion
Les combinaisons d’immersion sont conçues pour prévenir, ou du moins ralentir, les effets de l’immersion dans l’eau froide en gardant au sec ceux qui les portent. Les combinaisons d’immersion peuvent également prévenir la noyade en offrant une flottabilité qui maintient l’utilisateur à flot.
Lorsqu’une combinaison d’immersion n’est pas entièrement enfilée, elle n’offre pas de protection thermique, car l’eau peut pénétrer la combinaison. Si la combinaison d’immersion n’est pas enfilée correctement et que de l’air est emprisonné dans les jambes et les pieds de la combinaison, les jambes et les pieds se gonflent et flottent à la surface, ce qui peut entraîner l’immersion de la tête de la personne qui la porte. Certaines combinaisons d’immersion ont des sangles autour des chevilles qui, lorsqu’elles sont utilisées, peuvent réduire l’accumulation d’air dans les pieds. Idéalement, les combinaisons d’immersion offrent un angle de flottaison d’environ 45°Note de bas de page 22. Pour obtenir cet angle, certaines combinaisons d’immersion sont dotées d’un coussin de flottaison gonflable derrière la tête de l’utilisateur pour contrer la flottabilité naturelle de la combinaison et maintenir hors de l’eau la bouche de la personne qui la porte.
Les combinaisons d’immersion transportées à bord de l’Arctic Fox II étaient de taille universelle pour adultes pesant de 50 kg à 150 kg et mesurant de 150 cm à 190 cm; pour s’adapter à cette gamme de tailles, les combinaisons sont longues et les mains et les pieds sont grands. La dextérité manuelle est limitée par le volume des mains des combinaisons. Chaque combinaison de l’Arctic Fox II était munie d’un coussin de flottaison gonflable autour du torse (bouée), d’un sifflet, d’une lumière, de bandes réfléchissantes et de sangles aux chevilles.
Après l’événement à l’étude, les combinaisons d’immersion portées par l’équipage de l’Arctic Fox II ont été inspectées. Chaque combinaison répondait aux exigences de conception américaines et était en bon état de fonctionnementNote de bas de page 23.
Pendant qu’il se rendait aux zones de pêche, comme il en avait l’habitude, le capitaine a donné aux membres de l’équipage des instructions informelles sur la façon d’enfiler les combinaisons d’immersion et leur a montré l’emplacement du sifflet, de la lumière et du coussin de flottaison gonflable de la bouée sur chaque combinaison. Lorsque le membre d’équipage 1 est entré dans l’eau, sa combinaison était partiellement enfilée (le capuchon était sur sa tête, mais il n’avait pas remonté la fermeture éclair devant son visage), la bouée de sa combinaison n’était pas gonflée et les sangles autour des chevilles n’étaient pas serrées. Les combinaisons sur les corps du capitaine et du membre d’équipage n’étaient que partiellement enfilées elles aussi.
1.6.2.3 Radeaux de sauvetage
Les radeaux de sauvetage sont conçus pour être le moyen principal pour l’équipage de rester hors de l’eau en attendant les secours. Les instructions de déploiement y sont affichées. Pour faciliter le déploiement manuel, un radeau de sauvetage doit être arrimé à un endroit où il peut être soulevé de son berceau et largué directement dans l’eau par 2 membres d’équipageNote de bas de page 24,Note de bas de page 25.
Comme il se devait, le berceau du radeau de sauvetage de l’Arctic Fox II était accessible à partir du pont supérieur arrière (figure 3) et la bosse était fixée au navire.
Les instructions de déploiement manuel inscrites sur le radeau de sauvetage sont indiquées en ces termes [traduction] :
- Vérifier si la bosse est fixée au point d’ancrage.
- Mettre le contenant du radeau de sauvetage à l’eau.
- Tirer sur la bosse jusqu’à ce que le radeau de sauvetage se gonfle.
Le capitaine et l’équipage ne disposaient d’aucune autre instruction ou procédure de déploiement. Pendant le déploiement du radeau de sauvetage, la bosse a été détachée du navire; le capitaine et le membre d’équipage 2 ont ensuite passé le radeau de sauvetage au membre d’équipage 1, qui se trouvait sur le pont principal arrière. Le capitaine s’est rendu sur le pont principal arrière et a aidé le membre d’équipage 1 à larguer le radeau de sauvetage par-dessus bord; à ce moment-là, il n’avait plus de prise sur la bosse.
Après être entré dans l’eau, le membre d’équipage 1 est parvenu à tirer sur la bosse, et le radeau s’est gonflé à l’envers. Le membre d’équipage 1 n’avait reçu aucune instruction officielle sur la façon de redresser un radeau de sauvetage; toutefois, grâce à des connaissances informelles acquises en regardant des émissions de télévision, il est entré dans l’eau et est enfin parvenu à redresser le radeau de sauvetage.
1.7 Fatigue et horaire de travail et de repos de l’équipage
La fatigue peut entraîner une diminution des capacités cognitives en général, la résolution de problèmes, la prise de décision, la mémoire, l’attention, la vigilance et le temps de réaction. Lorsqu’une personne est fatiguée, il lui faut plus de temps pour percevoir les événements normaux et les urgences, les interpréter, les comprendre et y réagir Note de bas de page 26.
La fatigue est très répandue dans le secteur de la pêche en raison de nombreux facteurs, notamment l’augmentation de la charge de travail de l’équipage, les pratiques d’exploitation dangereuses et les conditions météorologiques défavorables. Lorsqu’un membre d’équipage moins expérimenté est à bord, la charge de travail des autres membres d’équipage s’accroît, tout comme les niveaux de fatigue Note de bas de page 27. Les risques d’une baisse de performance des personnes causée par la fatigue augmentent lorsque la connaissance de la fatigue et de ses effets est insuffisante. Les membres d’équipage des navires de pêche d’une jauge brute inférieure à 100 ne sont pas tenus de suivre une formation sur la gestion de la fatigue, qui apprend aux participants à distinguer les différents facteurs de risque de fatigue et les stratégies pour gérer la fatigue.
Certains facteurs de risque peuvent être examinés pour déterminer la probabilité qu’un membre d’équipage soit fatigué au moment de l’événement : perturbation aiguë du sommeil, perturbation chronique du sommeil, éveil continu, effets sur le rythme circadien, troubles du sommeil, troubles médicaux ou psychologiques, et maladies ou médicaments pouvant entraîner la fatigue. Un sommeil réparateur est nécessaire pour contrer ces facteurs de risque; pour que le sommeil soit réparateur, il devrait être obtenu la nuit sur une période d’au moins 7 heures à 9 heures ininterrompues Note de bas de page 28.
Outre la fatigue, une personne qui a été réveillée brusquement peut souffrir d’inertie du sommeil, qui est une période de confusion et de baisse de vigilance pouvant réduire la capacité de prise de décision durant jusqu’à 30 minutes. L’inertie du sommeil diminue les capacités cognitives essentielles de vigilance et d’éveil nécessaires à la prise de décision rationnelle Note de bas de page 29. L’inertie du sommeil est influencée par de nombreux facteurs de fatigue, en particulier la phase du sommeil avant le réveil et la privation de sommeil antérieure Note de bas de page 30.
L’enquête n’a permis d’obtenir qu’un horaire partiel de travail et de repos de l’équipage pour cet événement. En se rendant vers les zones de pêche pendant la nuit, les 2 membres d’équipage étaient dans leur cabine pendant que le capitaine était de quart, à l’exception d’une période d’environ 4 heures où le membre d’équipage 2 a relevé le capitaine du quart. Lorsque le navire est arrivé aux zones de pêche le lendemain matin, le capitaine et l’équipage ont travaillé jusqu’au coucher du soleil, se sont retirés dans leurs cabines et se sont réveillés le lendemain matin environ 1 heure avant le début des activités de pêche au lever du soleil. Ils ont continué à travailler jusqu’au coucher du soleil; l’équipage s’est ensuite retiré dans ses cabines tandis que le capitaine a pris la barre pour se rendre à Ucluelet. Le membre d’équipage 1 a eu un sommeil de mauvaise qualité pendant les 3 jours en mer en raison du mal des transports.
Au moment de l’événement à l’étude, le capitaine était probablement éveillé depuis 22 heures de manière continue. Un état de veille continu durant plus de 22 heures est considéré comme le moment où la fatigue entraîne un déclin de presque tous les aspects de la performance humaine. Les membres d’équipage 1 et 2 ont été réveillés, ce qui peut avoir amorcé une période d’inertie du sommeil. De plus, l’équipage se préparait à abandonner le navire pendant un creux circadien Note de bas de page 31, période où la performance humaine est au plus bas.
Il n’existe pas d’exigences en matière de travail et de repos pour les navires de pêche d’une jauge brute de moins de 100, comme l’Arctic Fox II. La province de la Colombie-Britannique ne fixe pas d’exigences de travail et de repos propres à l’industrie de la pêche. Les règlements provinciaux en matière de santé et de sécurité au travail exigent que tous les employés déclarent l’affaiblissement des facultés physiques ou mentales comme la fatigue et ne doivent pas être affectés à des activités si un quelconque affaiblissement des facultés est observé.
1.8 Le navire
1.8.1 Immatriculation et permis
L’Arctic Fox II est arrivé au Canada en 1977. Il a été immatriculé pour la première fois auprès de TC en 1984, lorsqu’il a commencé ses activités de pêche. L’historique d’immatriculation du navire de TC indique que le navire a été acheté par Teague Fishing Corporation en 2008 et que la société avait été désignée comme étant le RA. En 2012, le navire a été immatriculé aux États-Unis en raison d’un changement de propriétaire. En 2018, le propriétaire actuel est redevenu l’unique propriétaire de l’Arctic Fox II, et le navire a été immatriculé de nouveau auprès de TC Note de bas de page 32. Il a obtenu un permis de pêche au thon de Pêches et Océans Canada (MPO) en juin 2020.
1.8.2 Historique et modifications
Le navire était en service depuis 74 ans. Avant 2004, le navire avait participé à plusieurs types de pêche et à d’autres activités commerciales, et il avait subi un certain nombre de modifications importantes qui avaient eu une incidence sur sa stabilité, notamment :
- le remplacement du moteur principal;
- le remplacement et l’agrandissement de la superstructure;
- la conversion des cales à poisson, qui étaient des cales sèches, en cales étanches de congélation;
- l’ajout de cannes pour la pêche à la traîne;
- l’agrandissement du gouvernail;
- l’ajout d’un abri partiel sur le pont principal arrière;
- l’ajout de stabilisateurs en acier sur la coque;
- le recouvrement en acier de la quille;
- la reconstruction de la cuisine à la suite d’un incendie.
Les lignes directrices de TCNote de bas de page 33 et de WorkSafeBCNote de bas de page 34,Note de bas de page 35 rappellent aux pêcheurs que l’accumulation de poids au cours de la vie du navire augmentera le poids du navire lège, ce qui réduira son franc-bord et aura une incidence sur la stabilité du navireNote de bas de page 36. Cette augmentation du poids du navire lège peut être attribuée à plusieurs facteurs. Certains facteurs sont propres au navire, comme l’ajout d’une nouvelle superstructure, de stabilisateurs en acier sur la coque et de canne pour la pêche à la traîne; l’accumulation d’équipement et de matériel de rechange rangé dans les espaces vides; et l’absorption d’eau par le matériau isolant de la cale à poisson. D’autres facteurs sont plus généraux, comme le poids supplémentaire des matériaux utilisés pour les réparations, l’accumulation de provisions et d’effets de l’équipage, la sédimentation dans les réservoirs, la corrosion et l’accumulation de revêtements. L’augmentation du poids du navire lège et la diminution du franc-bord rendent le navire plus vulnérable aux forces supplémentaires qui s’exercent sur lui en mer.
Il n’existe aucun dossier américain ou canadien indiquant que l’Arctic Fox II aurait fait l’objet d’une évaluation complète de sa stabilité. En 1993, l’ancien propriétaire de l’Arctic Fox II a remarqué une réduction du franc-bord à l’arrière du navire alors qu’il pêchait le thon. Le propriétaire a communiqué avec une société d’ingénierie maritime du Royaume-Uni qui avait participé à la construction originale du navire pour s’enquérir de la possibilité d’ajouter un pont-abri complet au navire afin de remédier au franc-bord réduit. Un représentant de la société a effectué un essai de période de roulis, qui permet d’obtenir une évaluation sommaire de la stabilité du navire. Les résultats n’étaient pas conformes aux exigences minimales du Royaume-Uni en matière de stabilité, qui comprennent une mesure du franc-bord. Le propriétaire n’a pas ajouté le pont-abri, car il était préoccupé par les résultats de l’essai. Le propriétaire actuel n’était pas au courant des résultats des essais de période de roulis du navire.
1.8.3 Exigences de navigabilité et de stabilité
Pour de nombreux pêcheurs, l’expérience des mouvements d’un navire dans diverses conditions d’exploitation est la seule chose qui permette de savoir si un navire est en état de navigabilité et offre une stabilité adéquate. Cependant, cela ne revient pas à déterminer la capacité du navire à se redresser, ce qui ne peut être fait qu’en effectuant une évaluation de la stabilité.
L’un des facteurs utilisés dans une évaluation de la stabilité est la flottabilité, qui est influencée par l’étanchéité de la coque et le franc-bord du navire. Avec ou sans évaluation officielle de la stabilité, les pêcheurs doivent appliquer les pratiques de travail sécuritaires nécessaires pour veiller au maintien de l’état de navigabilitéNote de bas de page 37,Note de bas de page 38 et de la stabilité adéquate du navireNote de bas de page 39. Ces pratiques de travail sécuritaires comprennent l’entretien du navireNote de bas de page 40,Note de bas de page 41, le verrouillage des ouvertures du pont et le maintien du franc-bord. Parmi d’autres pratiques de travail sécuritaires, mentionnons la consignation des modifications apportées au navire et la prise en compte des effets de l’ajout, du retrait ou de la réorganisation de l’équipement pour accommoder plusieurs types de pêche. Un dossier d’entretien doit être conservé et des procédures de sécurité écrites doivent être établies pour familiariser les personnes à bord avec les caractéristiques du navire, y compris sa stabilité, et avec les mesures qui doivent être prises pour maintenir l’étanchéité et empêcher l’envahissement des espaces intérieurs de la coqueNote de bas de page 42,Note de bas de page 43.
Le propriétaire de l’Arctic Fox II s’en remettait au capitaine pour exécuter ces responsabilités. Le capitaine était rémunéré pour les rôles de capitaine d’armement et de capitaine du navire, avec une part des prises débarquées, tandis que le propriétaire payait pour les services et les matériaux utilisés pour l’entretien préventif et périodique du navire et de l’équipement.
Les factures du chantier naval depuis 2016 indiquent que le capitaine prenait périodiquement des dispositions pour faire entretenir la coque du navire en la faisant peindre, en faisant recalfater des sections au besoin et en faisant remplacer les anodesNote de bas de page 44. Le chantier naval n’avait aucun dossier relatif aux inspections effectuées sur les passe-coques, la tuyauterie ou les pompes de la salle des machines, ou encore sur l’intégrité structurelle de la coque du navire. Le propriétaire avait déterminé que l’état de navigabilité du navire était adéquat en se fondant sur le fait que le capitaine, qui avait la responsabilité de maintenir le navire en état de navigabilité, n’avait jamais indiqué le contraire. Même s’il était en possession de documents exposant l’historique et les modifications du navire, le capitaine n’était au courant que de certaines des modifications apportées au navire et des changements apportés dans le passé aux opérations du navire. Il n’existe aucun dossier indiquant que les effets des modifications sur la stabilité du navire auraient été évalués ou que la stabilité se situait dans des limites acceptables pour l’utilisation prévue, comme l’exigeait la réglementationNote de bas de page 45.
1.8.4 Évaluations externes
1.8.4.1 Examens
Pendant que l’Arctic Fox II était exploité en tant que navire immatriculé aux États-Unis (de 2012 à 2018), il a subi 3 examens de sécurité à quai obligatoires. Ces examens de la USCG visaient à s’assurer que le navire transportait les documents et l’équipement de sauvetage requis. Lors des 3 examens, il a été noté que le navire transportait le radeau de sauvetage, la RLS et les combinaisons d’immersion requis, en indiquant toutefois que l’équipage ne portait pas de VFI sur le pont.
1.8.4.2 Inspections par Transports Canada
En tant que navire de pêche d’une jauge brute supérieure à 15, l’Arctic Fox II était tenu d’avoir à bord un certificat d’inspection de TC indiquant qu’il avait été inspecté pour vérifier sa conformité avec les règlements applicables pendant qu’il était immatriculé au Canada (de 1984 à 2012, et de 2018 à 2020). Ce certificat doit être renouvelé tous les 4 ans.
Un examen des dossiers de TC indique que l’Arctic Fox II a été inspecté pour la première fois en juin 2004. Le navire a été inspecté de nouveau en juin 2008 et on lui a délivré un certificat de sécurité pour les voyages à proximité du littoral, classe 1. Il n’y a pas d’autre dossier indiquant que des certificats de sécurité auraient été délivrés pour le navire après 2008. TC n’avait pas constaté qu’aucune inspection n’avait eu lieu en 2018 et n’avait pas fait de suivi auprès du RA concernant le fait que le navire devait être soumis à une inspection.
Fait établi : Autre
TC n’avait pas évalué la nécessité d’imposer des limites en matière de voyage, étant donné que le navire n’avait pas été inspecté aux fins de certification.
Le propriétaire était conscient de l’exigence de soumettre le navire à une inspection par TC et supposait que le capitaine, en tant que capitaine d’armement, prenait les dispositions nécessaires pour les inspections requises du navire. Le propriétaire n’a pas reçu de facture d’un chantier naval ou de TC pour un service d’inspection, et il n’a jamais interrogé le capitaine ni effectué de vérification pour s’assurer que l’Arctic Fox II avait les documents maritimes canadiens requis, comme un certificat de sécurité du navire ou un document spécifiant l’effectif minimal de sécurité.
Teague Fishing Corporation, le RA, avait un autre navire semblable à l’Arctic Fox II, dont le propriétaire de Teague Fishing Corporation a été le capitaine de 1977 à 2020. Cet autre navire avait une jauge brute supérieure à 15 et était tenu d’avoir à son bord des documents maritimes canadiens, comme l’Arctic Fox II. TC n’a aucun dossier indiquant que des documents maritimes canadiens ont été délivrés pour ce navire.
Même si le bureau national d’immatriculation des navires de TC envoie des rappels d’immatriculation, les bureaux régionaux de la sécurité maritime de TC n’envoient pas de rappels pour les inspections des navires. Même si certains bureaux régionaux de TC le faisaient régulièrement dans le passé pour les propriétaires de navires, la pratique consistant à envoyer des rappels a pris fin lorsque la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada (LMMC 2001) est entrée en vigueur en 2007; la LMMC 2001 confie au RA la responsabilité de soumettre les navires aux inspections en vue d’obtenir les documents maritimes canadiensNote de bas de page 46.
1.8.4.3 Inspections aux fins d’assurance
La plupart des propriétaires de navires décident de souscrire une assurance pour se prémunir contre les pertes. Dans la plupart des cas, les souscripteurs d’assurance exigent que les navires soient inspectés avant de les assurer. La principale fonction de cette inspection est de déterminer l’état d’un navire, son adéquation à l’utilisation prévue, ainsi que sa valeur actuelle et de remplacement. Une inspection de navire indique souvent qu’elle vise uniquement à contribuer à déterminer la qualification d’un navire pour les besoins d’une couverture d’assurance, et qu’elle ne devrait pas être utilisée à d’autres fins.
Le propriétaire avait pris des dispositions pour faire effectuer une inspection d’assurance de l’Arctic Fox II en 2018 et une autre en 2020. Les inspections ont été effectuées lorsque l’Arctic Fox II était à flot, et aucune opinion n’a été émise quant à l’état de la carène. Les inspections ont également permis de déterminer que ni l’équipement ni les machines du navire n’avaient fait l’objet d’essais, et qu’aucune détermination des caractéristiques de stabilité ou de l’intégrité structurelle inhérente n’avait été faite.
L’inspection de 2018 a donné lieu à la recommandation du remplacement de l’extincteur et des raccords de câblage dans la salle des machines. On demandait que le RA prenne les mesures indiquées par ces recommandations dans un délai de 30 jours. L’inspection de 2020 comportait les recommandations de 2018 ainsi que la recommandation de remplacer les colliers de serrage de la génératrice s’étant détériorés. Les 2 inspections indiquaient que le navire était dans un état satisfaisant pour son exploitation prévue, à condition que les recommandations soient appliquées. Le propriétaire considérait ces inspections comme une manière d’évaluer l’état de navigabilité du navire.
1.8.5 Armement en équipage
Un document spécifiant l’effectif minimal de sécurité précise le nombre minimal de membres d’équipage requis et les exigences minimales en matière de brevet pour chaque membre d’équipage afin de naviguer en toute sécurité et de pouvoir intervenir en cas d’urgence durant le voyage prévuNote de bas de page 47. Le document spécifiant l’effectif minimal de sécurité peut également préciser les zones de voyage autorisées, les dispositions relatives aux quarts et les exigences relatives au temps de travail et de repos. Il est délivré à un navire par TC conformément aux exigences du Règlement sur le personnel maritimeNote de bas de page 48, à la suite d’une évaluation par TC du navire, de son exploitation prévue et du lieu du voyage. Le RA d’un navire doit s’assurer que les exigences précisées dans le document sont respectées.
L’évaluation ne tient pas compte des qualifications de l’équipage ou du nombre de membres d’équipage requis pour mener en toute sécurité d’autres activités relatives au navire, comme la pêche. En outre, l’évaluation ne remplace pas l’utilisation du jugement professionnel et le respect des pratiques générales d’usage maritime appropriées pour s’assurer qu’il y a un nombre suffisant de membres d’équipage compétents à bord d’un navire.
Bien que la réglementation exige qu’il y ait un document spécifiant l’effectif minimal de sécurité, il n’existe aucun dossier indiquant que l’Arctic Fox II aurait fait l’objet d’une évaluation ou aurait reçu un tel document. Sans ce document, il est possible que le capitaine n’ait pas été au courant des exigences réglementaires liées à la sécurité de la navigation et à l’exploitation du navire. Les exigences relatives au quart à la passerelleNote de bas de page 49 sont telles que, pendant les heures d’obscurité, au moins 2 personnes doivent être de quart et 1 doit détenir le brevet approprié.
Dans l’industrie de la pêche, tous ceux qui travaillent à bord sont généralement rémunérés par le partage de la valeur des prises débarquées, ce qui signifie que les profits des prises débarquées doivent être divisés par le nombre de membres d’équipage à bord. Ainsi, le fait d’avoir moins de membres d’équipage augmente le revenu de chaque personne à bordNote de bas de page 50.
Fait établi : Autre
L’effectif de l’Arctic Fox II ainsi que l’expérience et la certification de l’équipage lors du voyage à l’étude étaient tels que les exigences relatives au quart à la passerelle ne pouvaient pas être respectées.
1.9 Contexte de la pêche et sécurité
L’industrie de la pêche commerciale au Canada est complexe et diversifiée, et ses activités ont lieu dans des environnements dangereux. Les conditions économiques et du marché, les problèmes de disponibilité de l’équipage et les systèmes de réglementation qui portent à confusion et se chevauchent influencent les priorités, les choix et les décisions auxquels les RA et les capitaines sont confrontés lorsqu’ils tentent de gagner leur vie et d’exercer leurs activités en toute sécurité.
Les dangers auxquels sont confrontés les pêcheurs lorsque leur navire est en mer sont bien connus, systémiques et persistants. Pour évaluer les risques associés aux dangers, une personne doit évaluer la probabilité que ce danger se produise et la gravité des conséquences éventuelles. La capacité à voir et à détecter les risques dépend en particulier de la propre compréhension du risque par la personne et de sa tolérance au risqueNote de bas de page 51. De nombreux facteurs influencent la perception du risque et la tolérance au risque d’une personne, notamment : la pression exercée pour accepter le risque, les expériences personnelles, l’approbation d’autrui et la confiance dans sa propre atténuation du risque (par exemple, la disponibilité d’équipement de sauvetage et d’alerte de détresse, les certificats et les inspections, la formation et les exercices).
Pour réduire le risque de perte, il faut cerner consciemment et régulièrement les dangers que présentent les activités de pêche, et il faut atténuer les risques connexes autant que possible. Dans les limites de sécurité définies par les exigences réglementaires minimales, ce point est déterminé par le RA et le capitaine.
L’Enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada du BST (enquête sur une question de sécurité [SII] ayant trait à l’industrie de la pêche)Note de bas de page 52, un examen national complet des questions de sécurité dans l’industrie de la pêche, a révélé une relation et une interdépendance complexes entre ces questions. Cette enquête a déterminé que la sécurité des pêcheurs continuerait d’être compromise jusqu’à ce que la relation et l’interdépendance complexes entre les questions de sécurité soient reconnues et abordées dans le milieu de la pêche.
La SII ayant trait à l’industrie de la pêche énonce 10 questions de sécurité importantes qui sont interreliées et qui nécessitent une attention particulière, y compris les questions ci-après, soulevées dans l’événement mettant en cause l’Arctic Fox II :
- la stabilité (état de navigabilité du navire);
- les pratiques de travail qui ne comprennent pas la familiarisation avec le navire;
- la formation qui n’est pas régulièrement renforcée par des exercices d’urgence;
- la fatigue due à un armement en équipage insuffisant.
D’autres questions de sécurité relevées dans cette SII ayant trait à l’industrie de la pêche étaient également manifestes lors de l’événement à l’étude, mais n’ont pas été analysées (voir l’annexe A).
La réduction réussie de l’exposition aux dangers repose sur le partenariat entre l’industrie de la pêche et les organismes gouvernementaux, où les capitaines, les RA et les organismes de réglementation travaillent ensemble pour déterminer continuellement les dangers systémiques et s’assurer que les risques qui y sont associés sont atténués de manière proactive (figure 4).
1.9.1 Représentant autorisé, capitaine et équipage
Indépendamment de la réglementation, avant le début d’une saison de pêche, les RA (en règle générale, les propriétaires) préparent habituellement leurs navires pour les activités prévues. En mer, les capitaines s’assurent que le navire, ses machines et son équipement sont fonctionnels et maintenus en état de marche; en outre, ils sont en fin de compte responsables de leur propre sécurité, de la sécurité de l’équipage et de la sécurité du navire. Les membres de l’équipage aident souvent le capitaine en lui faisant signe lorsqu’ils prennent connaissance d’une condition ou d’une situation dangereuse pendant les activités de pêche.
Souvent, les RA, les capitaines et les équipages déterminent les dangers et atténuent les risques uniquement pour les dangers qui sont directement liés à l’activité de pêche et ceux qui, d’après leur perception, ont une incidence sur la sécurité de la pêche. Par exemple, ils peuvent songer aux risques de blessures liées à l’équipement, en omettant toutefois ceux associés aux dangers de la navigation ou à l’exploitation en dehors des limites de stabilité. Les RA, les capitaines et les équipages ont également l’obligation de respecter les exigences minimales de sécurité décrites dans la réglementation, mais les RA ne sont pas tenus d’avoir un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme pour leurs navires.
1.9.2 Militants pour la sécurité
Chaque région du pays compte des militants pour la sécurité, comme les associations de sécurité, les associations de pêcheurs, les comités d’accréditation professionnelle, les conseils sectoriels et les partenariats de participants de l’industrie. Certains de ces organismes collaborent avec les pêcheurs pour promouvoir la sécurité, offrir des formations aux pêcheurs, fournir des renseignements de sécurité et offrir une tribune aux représentants de l’industrie et des organismes de réglementation pour discuter de la sécurité. Ces organismes travaillent indépendamment des organismes de réglementation; leur principal intérêt est d’améliorer la sécurité des activités de pêche. Pour d’autres organismes, l’objectif principal est de défendre les intérêts des pêcheurs en faisant la promotion de leurs intérêts économiques. Les groupes de militants pour la sécurité en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse, au Québec et à Terre-Neuve-et-Labrador représentent la majorité des pêcheurs et ont une connaissance approfondie des dangers et des questions de sécurité importantes. L’enquête a permis de déterminer que les renseignements de sécurité provenant de ces militants pour la sécurité parviennent jusqu’à environ le tiers des pêcheurs.
1.9.3 Organismes de réglementation
Les organismes de réglementation jouent un rôle important pour cerner les dangers et atténuer les risques connexes en vue d’améliorer la sécurité des activités de pêche; leur rôle est d’aider directement ou indirectement à protéger les vies et les biens.
1.9.3.1 Transports Canada
En vertu de la LMMC 2001, TC est le ministère fédéral responsable du programme de réglementation consistant à veiller à la sécurité de tous les navires et du personnel maritime; cette responsabilité comprend l’élaboration de règlements et de normes pour les navires et les équipages. TC est également responsable de l’application de ces règlements et normes. TC définit la surveillance comme les
[a]ctivités qui soutiennent la promotion, la surveillance ou l’application systématique des exigences de Transports Canada concernant la sécurité et la sûreté et qui contribuent à obtenir des résultats stratégiques Note de bas de page 53.
1.9.3.2 Pêches et Océans Canada
En vertu de la Loi sur les pêchesNote de bas de page 54, le MPO est principalement responsable de la protection des ressources halieutiques canadiennes. Au fil des années, le MPO a reconnu que les mesures prises par les pêcheurs pour satisfaire aux exigences de la Loi sur les pêches en ce qui concerne la gestion des ressources halieutiques nuisent à la sécurité des pêches. Par exemple, les limites de voyages et de quotas ainsi que les restrictions relatives au temps et aux zones de pêche ont une incidence sur les décisions opérationnelles, et les navires sont construits de manière à respecter les restrictions de longueur précisées dans les permis de navires de pêcheNote de bas de page 55,Note de bas de page 56. Même si le MPO ne dispose pas de politique sur la sécurité des pêches, il reconnaît qu’il a un rôle à jouer en vue d’intégrer la sécurité à l’élaboration des plans et des politiques de gestion des pêches.
En 2011, une initiative a été lancée dans la région du Pacifique du MPO selon laquelle le ministère demande à voir un certificat d’immatriculation de bâtiment de pêche valide de TC avant de délivrer un permis; aucune autre validation de la conformité aux règlements de sécurité n’est requise. En 2018, une nouvelle initiative régionale a été lancée dans la région de l’Arctique du MPO selon laquelle le ministère demande la confirmation de l’immatriculation des navires auprès de TC comme condition de la délivrance de permis.
L’application de la loi par le MPO ne s’étend pas aux infractions à la sécurité aux termes de la LMMC 2001Note de bas de page 57 ou du Règlement sur la sécurité des bâtiments de pêche (RSBP).
1.9.3.3 WorkSafeBC
WorkSafeBC établit, met en œuvre et applique les règlements provinciaux sur la santé et la sécurité au travail, qui englobent les activités maritimes, dont la pêcheNote de bas de page 58. En ce qui concerne les activités de pêche, WorkSafeBC s’occupe spécifiquement de la pêche commerciale.
1.10 Surveillance réglementaire de la sécurité de la pêche
Les risques peuvent être gérés par divers moyens. Un moyen important consiste notamment à promouvoir les comportements qui permettraient de gérer efficacement les dangers, et à surveiller ces comportements pour déterminer s’ils améliorent la sécurité. La capacité de cerner les dangers est inhérente à ces comportements. Les exigences minimales légales et réglementaires, la surveillance et les mécanismes d’application sont parmi les mécanismes de promotion et de surveillance des comportements permettant de cerner les dangers et d’atténuer les risques connexes.
1.10.1 Exigences légales et réglementaires
Les lois et les règlements maritimes canadiens précisent les exigences auxquelles les RA et les capitaines doivent se conformer pour établir un niveau minimal de sécurité et font office de mécanismes de défense pour gérer les dangers. Les règlements applicables aux navires de pêche sont élaborés pour optimiser la fiabilité de l’équipement et des exploitants, ainsi que pour prévenir les accidents ou réduire au minimum les pertes et les blessures résultant d’accidentsNote de bas de page 59.
La LMMC 2001, qui s’applique à tous les navires, y compris les navires de pêche, confie aux RA la responsabilité de la sécurité des navires. De plus, la SII ayant trait à l’industrie de la pêche a révélé qu’un objectif plus large du RSBP était d’encourager les pêcheurs (RA et capitaines) à assumer davantage de responsabilités pour assurer la sécurité de leurs activités. TC a également modifié son système d’inspection des navires pour en faire un système qui dépend des RA pour s’assurer que la réglementation est comprise et respectée grâce à l’autosurveillance. Ces modifications au programme d’inspection faisaient partie d’une transition d’un régime axé sur l’inspection obligatoire aux fins de certification vers un régime qui tient compte du risque et comprend une approche d’autosurveillance, pendant que TC assure la surveillance de la conformité réglementaire. La SII ayant trait à l’industrie de la pêche a également permis de déterminer que cette transition prendrait du temps et nécessiterait une surveillance étroite de la part de TC. Tous les navires commerciaux, y compris les navires de pêche, qui sont propulsés par un moteur de 7,5 kW (10 hp) ou plus et qui appartiennent à des personnes qualifiéesNote de bas de page 60 doivent être immatriculés auprès de TC. De plus, tous les renseignements d’immatriculation doivent être fournis, sans exceptionNote de bas de page 61. Les RA de ces navires doivent connaître leurs responsabilités en vertu de la LMMC 2001Note de bas de page 62 et des règlements applicables, comme ceux qui concernent l’immatriculation des navires, les pratiques de travail sécuritaires, l’effectif minimal nécessaire à la sécurité et l’état de navigabilité des navires. Ils doivent également veiller à ce que ces règlements soient respectés.
Le maintien de l’état de navigabilité d’un navire est une condition requise de la police d’assurance d’un navire lorsque la Loi sur l’assurance maritimeNote de bas de page 63 est applicable. La Loi exige que l’assuré conclue le contrat d’assurance du navire de bonne foi, et qu’il garantisse la navigabilité du navire et la conformité avec les lois et les règlements applicables.
Les capitaines de navire sont en fin de compte responsables de leur propre sécurité, de la sécurité de l’équipage et de la sécurité du navireNote de bas de page 64. En plus de cerner les dangers, s’acquitter de cette responsabilité nécessite de prendre des mesures raisonnables pour protéger le navire et les personnes à bord contre ces dangersNote de bas de page 65,Note de bas de page 66, et de s’assurer que les règlements de sécurité sont respectésNote de bas de page 67. Les capitaines doivent s’assurer que le navire, ses machines et son équipement sont correctement entretenus et fonctionnent en toute sécurité; que des procédures de sécurité sont établies et que les responsabilités sont attribuées; et que les membres d’équipage sont formés au travail sécuritaire et comprennent ce dont il s’agit. Les capitaines doivent également effectuer régulièrement des exercices d’urgence, y compris les exercices d’abandon du navire, en plus de tenir des dossiers sur ces exercicesNote de bas de page 68,Note de bas de page 69.
Les membres d’équipage sont tenus d’aider le capitaine en lui signalant toute condition ou situation dangereuse ou nuisible (dangers) dont ils prennent connaissanceNote de bas de page 70.
Même s’il est requis dans d’autres secteurs maritimes de cerner les dangers et d’évaluer les risques dans le cadre d’un processus formel compris dans un système de gestion de la sécurité, les navires de pêche n’en sont pas tenus.
1.10.2 Mécanismes de surveillance et d’application
Dans le cadre de son Programme de sécurité et sûreté maritimesNote de bas de page 71, TC dispose d’un certain nombre de moyens pour surveiller et appliquer les règlements de sécurité relatifs aux navires de pêche. TC se fie principalement au RA et au capitaine d’un navire pour veiller à la conformité réglementaire. Le principal mécanisme de surveillance réglementaire de TC est le régime de certification des navires, qui prévoit des inspections, dont, notamment :
- l’inspection annuelle des navires d’une longueur de 24 m ou plus, une fonction qui a été déléguée aux sociétés de classification approuvées par TC;
- l’inspection quadriennale des navires d’une jauge brute de 15 à 100, menées par des inspecteurs de la sécurité maritime de TC;
- l’inspection fondée sur les risques des navires de toute taille;
- les inspections effectuées dans le cadre d’une campagne d’inspection concentrée (CIC).
Il incombe aux RA, aux capitaines et aux équipages de connaître tous les règlements et toutes les normes applicables pour satisfaire aux exigences du régime. Ces inspections aident à déterminer si les RA sont conformes à la réglementation, par exemple s’ils maintiennent leurs navires en état de navigabilité.
À la fin de l’année 2020, TC a signalé qu’environ 4000 navires de pêche devaient faire l’objet d’une inspection aux fins de certification tous les 4 ans. Entre 2016 et 2019, pour diverses raisons, les RA d’environ le tiers de ce groupe de navires (1200 navires) n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour effectuer les inspections requises par la réglementation. Ainsi, environ 650 navires de pêche par année ont été inspectés, ce qui représente un faible pourcentage de la flotte canadienne de navires de pêche Note de bas de page 72.
L’inspection d’un navire par TC consiste en un examen de la coque et de l’intégrité de l’étanchéité à l’eau du navire. Elle comprend le retrait et l’inspection des passe-coques, du palier d’arbre, de la tuyauterie interne et des prises d’eau brutes; l’analyse des machines et des pompes; et la vérification générale de l’état de navigabilité du navire. Une telle inspection permet également de s’assurer qu’un navire transporte l’équipement de sauvetage en nombre suffisant, des bons types et en état de marche, et que les procédures de sécurité écrites requises sont en place. TC consigne l’état de chaque navire inspecté. L’inspection des navires permet aux inspecteurs de TC d’atténuer les risques en discutant avec le RA des mesures correctives à prendre aux fins de conformité, au besoin, et le RA du navire est chargé de remédier à ces lacunes et d’en aviser TC. Même lorsque les navires sont inspectés, ce ne sont pas tous les facteurs qui influencent la navigabilité qui sont relevés dans tous les casNote de bas de page 73. Par exemple, avant l’événement à l’étude, l’Arctic Fox II avait été inspecté 2 fois par TC, mais les modifications et les changements relatifs à l’exploitation du navire n’avaient pas été notés, et les effets sur la stabilité du navire étaient inconnus.
Ces inspections donnent également aux inspecteurs la possibilité de renseigner les RA et les capitaines sur les exigences réglementaires et leurs responsabilités en matière de sécurité, et d’accroître leur sensibilisation aux dangers. Par exemple, les inspecteurs peuvent expliquer l’effet que les modifications sont susceptibles d’avoir sur la stabilité du navire.
Une CIC est une activité de surveillance planifiée et axée sur les risques qui porte sur des aspects préoccupants précis liés à la sécurité qui ont été observés par des inspecteurs, décrits dans les rapports d’accident ou communiqués en guise de rétroaction de la part des intervenants de l’industrie maritime. Des inspections peuvent également être menées dans le cadre de cette campagne lorsque de nouveaux règlements entrent en vigueur. La première CIC nationale, qui s’appliquait à tous les navires immatriculés auprès de TC, a été réalisée en 2012; depuis, les CIC sont réalisées tous les 2 ans. Selon le rapport de la campagne de 2018Note de bas de page 74, 83 navires avaient été inspectés à l’échelle nationale dans le cadre de cette CIC, dont 21 étaient des navires de pêche d’une jauge brute de plus de 15. Ces 21 navires devaient déjà être soumis à des inspections régulières de TC. À l’été 2021, TC a lancé sa 4e CIC nationale, qui ciblait les petits navires de pêche, de la même taille que l’Arctic Fox II. Cette CIC mettait l’accent sur les éléments tels que l’équipement de sauvetage et de lutte contre l’incendie; elle veillait également à ce que des procédures adéquates pour la sécurité de l’équipage étaient en place et à ce que le navire soit suffisamment stable. Parmi les 101 navires inspectés dans le cadre de la campagne, 83 % étaient des navires certifiés qui devaient être soumis à une inspection et 62 % présentaient des lacunes de sécuritéNote de bas de page 75. On a également constaté les faits suivants durant la campagne :
- les plus grandes catégories de lacunes étaient l’absence de procédures, de documentation, d’exercices et de maintenance de l’équipement de sauvetage;
- 28 % des équipages de navires de pêche n’ont pas pu démontrer leur connaissance des procédures;
- 41 % des équipages de navires de pêche n’effectuaient pas d’exercices sur les procédures de sécurité;
- 79 % des navires n’avaient pas de documents maritimes canadiens à jour;
- 80 % des navires avaient des avis de défauts d’inspections précédentes qui n’avaient pas été mis à exécution.
Lorsqu’une violation des règlements sur la sécurité est relevée en Colombie-Britannique, généralement par l’intermédiaire de rapports d’accident, d’enquêtes réglementaires ou d’inspections de navires, TC et WorkSafeBC peuvent prendre l’une ou plusieurs des mesures suivantes aux RA ou aux capitaines, selon une approche progressive : émettre des avertissements écrits ou verbaux, des avis de violation et des avis de mesures correctives; imposer des sanctions pécuniaires; et émettre des ordonnances de détention ou des ordres de suspendre les travaux.
Selon son site WebNote de bas de page 76, TC émet en moyenne 10 sanctions administratives pécuniaires par année à l’échelle du pays, tous types de navires confondus, y compris les navires de pêcheNote de bas de page 77. TC et WorkSafeBC ont imposé des sanctions pour des non-conformités, par exemple le fait de ne pas s’assurer que
- les VFI sont portés;
- des procédures de travail sécuritaires sont disponibles;
- une évaluation des dangers est réalisée;
- les modifications importantes apportées au navire ne nuisent pas à sa stabilité;
- le navire est maintenu en état de navigabilité;
- le navire est inspecté par l’organisme de réglementation;
- les membres d’équipage inexpérimentés reçoivent une formation en santé et sécurité avant de commencer à travailler;
- les membres d’équipage reçoivent les renseignements, les instructions, la formation et la supervision nécessaires pour assurer leur santé et leur sécurité;
- le capitaine et les membres d’équipage sont titulaires d’un brevet, comme il se doit.
À la suite de l’événement mettant en cause l’Arctic Fox II, TC a mené une enquête réglementaire et a émis à l’endroit des propriétaires des sanctions administratives pécuniaires pour un total de 20 000 $. Les sanctions ont été imposées pour le fait de ne pas s’être assuré que l’Arctic Fox II ainsi que ses machines et son équipement avaient été inspectés en vue d’obtenir le certificat d’inspection du navire et pour le fait de ne pas avoir fourni au capitaine des instructions écrites sur les procédures appropriées à suivre afin de familiariser l’équipage avec l’équipement de bord et les instructions relatives au quart et aux urgences.
De plus, il a été déterminé que l’autre navire du RA n’avait jamais été inspecté comme il se doit. TC a détenu le navire jusqu’à la fin de l’enquête réglementaire.
Dans le cadre d’une initiative appelée Marine InitiativeNote de bas de page 78, WorkSafeBC dispose d’une équipe maritime comprenant environ 4 postes équivalents temps plein. Les membres de l’équipe maritime de WorkSafeBC ont de l’expérience au sein de l’industrie de la pêche et effectuent des inspections en mer et à quai pour évaluer la conformité avec les exigences en matière de santé et de sécurité au travail. Environ la moitié du temps de l’équipe maritime est passée en mer à effectuer des inspections de navires de pêche côtière. D’après les statistiques de WorkSafeBC, la pêche commerciale continue de présenter l’un des taux de mortalité par travailleur les plus élevés de toutes les industries de la Colombie-Britannique; l’objectif de la Marine Initiative est de réduire le nombre de pertes de vie liées au travail dans l’industrie de la pêche de la Colombie-Britannique.
1.10.3 Enjeux connus
TC est confronté à un certain nombre d’enjeux importants connus en ce qui concerne la mise en œuvre et la réalisation des activités de surveillance dans le secteur de la pêche, menées avec des ressources limitées.
En 2019, TC a publié un rapport sur les activités de surveillance dans le cadre de son Programme de sécurité et de sûreté maritimes. Dans ce rapport, TC indiquait que 90 % du budget du programme était consacré aux activités de certification prévues, telles que la mise à jour des certificats d’immatriculation et de sécurité des navires. Cette partie du budget englobait également la surveillance et le suivi des accidents et des incidents pour toutes les infractions potentielles à la LMMC 2001 et à tous les règlements applicables, ne laissant qu’une petite partie pour les activités de surveillance fondées sur les risques comme les CICNote de bas de page 79.
TC n’a pas toujours connaissance des navires qui sont exploités comme des navires de pêche si les navires sont immatriculés uniquement auprès du MPO et non auprès de TC. En vertu de la LMMC 2001, il incombe au RA d’obtenir les documents maritimes canadiens du navire, qui comprennent le certificat d’immatriculation du navire. Des enquêtes antérieures du BST ont permis de déterminer qu’il arrive souvent que les RA ne sont pas au courant de cette responsabilité ou la négligentNote de bas de page 80.
Au terme de l’enquête du BST sur la perte du navire de pêche Sarah Anne, durant laquelle on a déterminé qu’environ 4000 navires étaient immatriculés auprès du MPO, mais pas auprès de TC, le Bureau a recommandé que
le ministère des Pêches et des Océans exige que tout navire canadien utilisé pour la pêche commerciale des ressources marines ait une immatriculation à jour et exacte auprès de Transports Canada.
Recommandation M22-01 du BST
1.11 Éducation et sensibilisation
L’éducation sur les dangers et les risques, et la sensibilisation aux règlements et à leur but, constituent l’une des étapes d’une exploitation sécuritaire. Cependant, les règlements sont souvent difficiles à comprendre, et les pêcheurs sont parfois frustrés par l’absence d’uniformité dans leur application; ainsi, ils se conforment parfois à la réglementation dans le seul but d’obtenir une certification Note de bas de page 81.
Dans le cadre de son Programme de sécurité et de sûreté maritimes, TC a mis en place des mécanismes préconisant des activités d’éducation et de sensibilisation ciblées. Par exemple, de 2016 à 2018, TC a mené des campagnes de sensibilisation auprès d’intervenants dans l’industrie de la pêche concernant le nouveau RSBP avant son entrée en vigueur. De plus, TC réalise des essais, établit des normes pour la formation et approuve les fournisseurs de services de formation. TC gère un portail Web qui fournit aux pêcheurs des renseignements de sécurité sous la forme de publications techniques Note de bas de page 82 et de bulletins de la sécurité des navires. TC encourage également la conformité par l’intermédiaire du Programme de conformité des petits bâtiments Note de bas de page 83, un programme volontaire s’adressant aux petits navires ne dépassant pas 15 de jauge brute; un volet du programme est consacré aux navires de pêche. À l’échelle nationale, TC a délivré aux navires de pêche 1130 avis de participation au Programme de conformité des petits bâtiments entre 2017, année de lancement du programme, et avril 2021. Enfin, TC soutient et encourage les campagnes d’éducation et de sensibilisation menées par les militants provinciaux pour la sécurité.
WorkSafeBC produit des documents d’orientation tels que des bulletins de sécurité, un manuel et des lignes directrices sur la réglementation. Ces documents sont accessibles en version imprimée et en ligne sur le portail Web de WorkSafeBC. Le manuel s’intitule Gearing Up for Safety: Safe Work Practices for Commercial Fishing in British Columbia et aborde plusieurs dangers courants pour la sécurité et la santé dans l’industrie de la pêche commerciale. Il met l’accent sur la préparation aux situations d’urgence, les procédures d’exploitation sécuritaires, l’équipement de sécurité et les dangers propres à l’équipement. Pour encourager l’industrie à adopter des comportements et des attitudes sécuritaires, WorkSafeBC s’appuie sur des initiatives d’éducation et de sensibilisation offertes par des groupes qui militent pour la sécurité comme Fish Safe Note de bas de page 84. Le capitaine et le propriétaire de l’Arctic Fox II ont appris l’existence de Fish Safe juste avant l’événement à l’étude.
Les représentants des groupes militant pour la sécurité ont une connaissance de l’industrie de la pêche, de son contexte, ainsi que des dangers et questions de sécurité qui sont présents. Dans certaines régions, ces représentants sont également des pêcheurs. Les militants pour la sécurité fournissent aux pêcheurs des outils leur permettant d’assumer leurs responsabilités en matière de sécurité, comme des renseignements sur l’utilisation de l’équipement de sauvetage, les exercices d’urgence et la conformité avec les exigences minimales de sécurité. Ces documents sont généralement accessibles en version imprimée et en ligne. Dans certaines régions, les militants pour la sécurité gèrent des programmes qui permettent une interaction individuelle avec les pêcheurs, donnant ainsi aux représentants la possibilité d’aider les pêcheurs à exercer leurs responsabilités en matière de sécurité. Ces programmes prennent la forme de visites à quai Note de bas de page 85, de visites à bord du navire Note de bas de page 86, d’exercices de sauvetage d’une personne tombée par-dessus bord et d’aide aux pêcheurs pour cerner les dangers et élaborer des procédures de sécurité propres à leur navire.
1.12 Recommandations actives
À la suite d’un événement survenu le 5 septembre 2015 au cours duquel le grand navire de pêche Caledonian a soudainement chaviré à 20 NM à l’ouest du détroit Nootka (Colombie-Britannique) et 3 membres d’équipage ont perdu la vieNote de bas de page 87, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports exige que tous les petits navires de pêche fassent l’objet d’une évaluation de stabilité et établissent des normes pour faire en sorte que les renseignements sur la stabilité soient pertinents et que l’équipage y ait facilement accès.
Recommandation M16-03 du BST
Dans le cas de l’Arctic Fox II, on n’avait pas évalué l’effet des modifications apportées au navire sur sa stabilité.Les facteurs relatifs à la stabilité jouent un rôle important dans de nombreux accidents de navires de pêche depuis 1990.
Depuis qu’il a émis la recommandation M16-03, le BST fait chaque année un suivi auprès de TC sur les mesures prises pour y donner suite. La dernière réponse de TC a été reçue en mars 2022. Dans cette réponse, TC propose de prendre des mesures comme promouvoir l’utilisation volontaire de modèles d’avis de stabilité et examiner les renseignements sur la stabilité lors des inspections. Toutefois, ces mesures ne peuvent être mises en place que si la stabilité des navires a été évaluée, ce qui n’est pas le cas pour la majorité des petits navires de pêche. Bien que le fardeau de la conformité incombe au RA du navire, les enquêtes du BST ont démontré que les RA ne sont pas tous au courant de cette responsabilité ou ne l’assument pas efficacement.
En date de mars 2022, le Bureau estimait que cette réponse dénotait une attention insatisfaisanteNote de bas de page 88.
1.13 Événements antérieurs
Le BST a fait enquête sur plusieurs événements mettant en cause de petits navires de pêche où l’on avait découvert des problèmes liés à l’état de navigabilité du navire, au port du VFI, à l’exploitation du navire au fait d’exercer ses responsabilités en matière de sécuritéNote de bas de page 89.
1.14 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.
La sécurité de la pêche commerciale est un enjeu sur la Liste de surveillance 2022. À la suite du lancement de la SII ayant trait à l’industrie de la pêche par le BST en 2009, le Bureau a inscrit la sécurité de la pêche commerciale sur la Liste de surveillance en 2010. Depuis, le nombre d’accidents mortels survenus dans l’industrie de la pêche continue d’être disproportionnéNote de bas de page 90. De 2018 à 2020, 45 pêcheurs ont perdu la vie, ce qui constitue le nombre le plus élevé de morts pour une période de 3 ans en plus de 20 ans. L’événement à l’étude mettant en cause l’Arctic Fox II démontre qu’il faut assurer une surveillance réglementaire coordonnée des pêches commerciales pour aider les RA et les capitaines à assumer leurs responsabilités quant à leur sécurité.
MESURES À PRENDRE
La sécurité de la pêche commerciale demeurera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce qu’il y ait suffisamment d’indices qu’une saine culture de sécurité s’est établie à l’échelle de l’industrie et dans les communautés de pêcheurs partout au pays, notamment :
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La gestion de la fatigue dans le transport ferroviaire, maritime et aérien est un enjeu sur la Liste de surveillance 2022.
Dans l’industrie de la pêche, environ 95 % des navires ne sont pas touchés par les dispositions sur les périodes de travail et de repos du Règlement sur le personnel maritime. Étant donné que les activités de pêche ne sont pas propices à l’obtention d’un sommeil réparateur adéquat, les pêcheurs doivent être plus sensibilisés aux risques associés à la fatigue et aux stratégies efficaces pour atténuer ces risques. Cet événement démontre la nécessité continue de fournir de l’information et une formation de sensibilisation à la fatigue; ainsi, pour les RA, de mettre en œuvre des plans de gestion de la fatigue à bord de leurs navires.
MESURES À PRENDRE
La gestion de la fatigue dans le transport maritime demeurera sur la Liste de surveillance du BST jusqu’à ce que les mesures suivantes soient prises :
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La surveillance réglementaire est un enjeu sur la Liste de surveillance 2022.
L’enquête a permis de déterminer qu’en décembre 2019, en Colombie-Britannique, 614 navires de pêche devaient faire l’objet d’une inspection aux fins de certification. Parmi ces navires de pêche, 291 n’avaient pas le certificat de sécurité requis et environ 25 % d’entre eux (78 navires), dont l’Arctic Fox II, pratiquaient activement la pêche. Le niveau de l’état de navigabilité et de conformité aux règlements de sécurité applicables de ces navires n’avait donc pas été évalué. Par conséquent, TC manque également des occasions d’assurer une surveillance et un soutien et d’influencer le comportement des RA, des capitaines et des équipages de ces navires. Cela démontre le besoin persistant d’une surveillance et d’un contrôle efficaces du processus d’inspection des navires commerciaux.
MESURES À PRENDRE
La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport maritime jusqu’à ce que TC assure une plus grande surveillance des processus d’inspection des navires commerciaux en démontrant que sa supervision et sa surveillance sont efficaces pour veiller à ce que les RA et les organismes reconnus s’assurent que les navires respectent les exigences réglementaires, et que TC démontre une augmentation de la surveillance proactive. |
La gestion de la sécurité est un enjeu sur la Liste de surveillance 2022.
Les navires de pêche sont exemptés des règlements concernant les systèmes de gestion de la sécurité; toutefois, l’article 106 de la LMMC 2001 et l’article 3.16 du RSBP exigent que les navires de pêche aient des procédures de sécurité écrites. L’enquête a permis de déterminer que le RA de l’Arctic Fox II n’avait pas fourni au capitaine des procédures sur la façon d’exploiter le navire de façon sécuritaire et de faire face aux urgences.
MESURES À PRENDRE
La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur du transport maritime jusqu’à ce que :
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2.0 Analyse
L’enquête n’a pas permis de déterminer la cause exacte de l’infiltration d’eau à bord de l’Arctic Fox II. L’analyse portera sur les causes sous-jacentes et les facteurs contributifs de cet événement, notamment la perception des risques par les pêcheurs, l’armement en équipage du navire, la formation de l’équipage, la fatigue et l’état de navigabilité du navire. L’analyse portera également sur l’efficacité de la surveillance exercée par TC et sur le fait que l’on se fie aux représentants autorisés (RA) et aux capitaines pour assurer la surveillance de leurs activités et ainsi veiller à leur conformité réglementaire dans l’industrie de la pêche commerciale.
2.1 Perception des risques par les pêcheurs
Le BST a déterminé que certains pêcheurs considéraient la pêche comme un métier dangereux où les accidents sont inévitables, et ce, quelles que soient les précautions qu’ils prennentNote de bas de page 91. De nombreux propriétaires et capitaines ne comprennent pas pleinement le niveau de risque auquel ils sont confrontés et estiment donc qu’il est peu avantageux de cerner les dangers et d’atténuer les risques connexes. Par conséquent, ils prennent ou acceptent souvent des risques à un degré plus élevé que ce qui est acceptable pour les organismes de réglementation, les militants pour la sécurité et les membres d’équipage. La perception globale des risques par les pêcheurs est également influencée par les facteurs suivants :
- Les activités de pêche suscitent des pressions économiques. Ces pressions l’emportent souvent sur toute mesure d’atténuation des risques qui pourrait limiter les possibilités de maximiser les prises, comme le fait d’attendre des conditions météorologiques plus favorables avant de procéder à une activité de pêche.
- Les pêcheurs font davantage confiance à leurs propres compétences, actions et expériences qu’aux mécanismes de défense réglementaires, à la formation aux fonctions d’urgence en mer et aux livrets de stabilité.
- Le fait pour les pêcheurs de ne pas être témoins d’un accident au cours des années précédentes renforce leur perception de la sécurité et du succès de leurs activités; ainsi, les pêcheurs continuent de sous-estimer les risques réels et se comportent en conséquence.
- Les pêcheurs peuvent surestimer le niveau d’atténuation des risques que l’équipement de sauvetage procure réellement, surtout si l’équipement n’est pas toujours bien entretenu et que l’on ne s’exerce pas toujours à son utilisation.
- Les certificats, les brevets, les permis et les inspections des navires par les gouvernements, les associations et les assureurs peuvent être perçus plus largement comme une approbation générale de la capacité des pêcheurs à exercer leurs activités de façon sécuritaire.
Lors de l’événement à l’étude, la perception des risques par le capitaine et le propriétaire a été influencée par les facteurs suivants :
- Le navire était immatriculé auprès de TC et détenait un permis auprès du MPO, avait à son bord l’équipement de sauvetage et d’alerte de détresse approuvé, avait fait l’objet d’une inspection à des fins d’assurance et était assuré.
- Le capitaine avait beaucoup d’expérience, avait suivi une formation dans le cadre du processus d’obtention du brevet auprès de TC et avait suivi une formation FUM approuvée par TC.
- Le capitaine, en tant que capitaine d’armement du navire, effectuait périodiquement des travaux d’entretien préventif du navire pour qu’il soit prêt à l’exploitation au cours d’une seule pêche à durée limitée, qui était également la seule occasion de gagner un revenu.
- Le capitaine et le propriétaire avaient déjà effectué par le passé des voyages réussis avec des membres d’équipage inexpérimentés. De plus, les pressions économiques ont également contribué à la décision de ne pas retarder le voyage jusqu’à ce que des membres d’équipage suffisamment expérimentés soient disponibles.
- Enfin, le capitaine avait déjà survécu à 2 abandons de navire.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Lorsque le capitaine a entamé le voyage à l’étude vers les zones de pêche, le propriétaire et lui ont estimé que les risques associés à l’activité de pêche prévue avaient été suffisamment pris en compte. Leur perception des risques a probablement été influencée par les incitatifs économiques, les approbations et la certification, ainsi que par les nombreux voyages réussis.
2.2 Armement en équipage du navire
Le capitaine et le propriétaire ont tenté d’embaucher des membres d’équipage expérimentés; cependant, compte tenu de la courte saison de pêche (le navire n’est exploité que pour une seule pêche) et de l’incertitude des revenus, seules des personnes inexpérimentées ont postulé. Comme les revenus du capitaine et du propriétaire étaient liés aux prises, le capitaine a accepté de partir avec un équipage inexpérimenté plutôt que de manquer la saison.
Les membres d’équipage inexpérimentés avaient une connaissance et une compréhension limitées des activités de pêche et de la façon de se conformer aux règlements de sécurité; par conséquent, ils avaient une capacité limitée de cerner les dangers et les situations dangereuses liés à l’exploitation du navire.
Pendant la situation d’urgence d’infiltration d’eau, le capitaine a tenté à lui seul de maintenir un quart à la passerelle, de localiser et d’arrêter l’infiltration d’eau, de pomper l’eau hors du navire et de communiquer avec les autorités de recherche et de sauvetage, en plus de préparer le radeau de sauvetage et de préparer les membres d’équipage à abandonner le navire. Comme le capitaine avait choisi de gérer lui-même toutes ces tâches, les membres d’équipage inexpérimentés dépendaient entièrement de lui pour gérer la situation d’urgence. À un moment donné, le capitaine n’a pas communiqué avec les autorités de recherche et de sauvetage pendant plus de 20 minutes alors qu’il tentait de gérer plusieurs tâches. Ce retard de communication a retardé la décision d’envoyer les ressources de recherche et de sauvetage.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le capitaine a géré l’infiltration d’eau et les tâches connexes essentielles à la sécurité sans aide. Par conséquent, les mesures d’urgence essentielles ont été retardées, ce qui a contribué à la détérioration de l’état de navigabilité du navire et a eu une incidence sur les chances de survie de l’équipage.
2.3 Formation de l’équipage
Au moment du départ, le navire était exploité par un capitaine expérimenté et 2 membres d’équipage inexpérimentés. Les conditions économiques et commerciales, ainsi que la non-disponibilité de membres d’équipage expérimentés, ont contribué à la nécessité d’embaucher des membres d’équipage inexpérimentés.
Le capitaine avait pris part à une formation aux fonctions d’urgence en mer (FUM) pour la dernière fois en 2001. La formation FUM récurrente n’est pas requise, et il n’y a pas non plus de formation obligatoire pour les capitaines sur la façon de former les nouveaux membres d’équipage quant aux procédures, aux exercices et à la familiarisation. En l’absence de formation récurrente, les instructions informelles que le capitaine avait données aux nouveaux membres d’équipage à bord de l’Arctic Fox II ont été les seules séances d’exercices d’urgence auxquelles le capitaine a participé. Dans l’événement à l’étude, les renseignements nécessaires n’ont pas été transmis aux membres de l’équipage, comme ces derniers n’ont reçu que des instructions informelles. Par conséquent, les membres d’équipage ont mal enfilé leur combinaison d’immersion avant d’entrer dans l’eau et n’ont pas déployé le radeau de sauvetage comme il se doit. Le capitaine ne s’était exercé récemment à aucune procédure d’urgence officielle, comme le fait de passer en revue la marche à suivre pour déployer le radeau de sauvetage, ou encore s’exercer à enfiler une combinaison d’immersion au complet. La nature limitée des instructions informelles a eu une incidence sur la qualité et la quantité des connaissances et des compétences qui ont été transférées aux nouveaux membres d’équipage.
Avant le début des activités de pêche, les membres d’équipage inexpérimentés ont été brièvement familiarisés avec les procédures d’urgence propres à l’Arctic Fox II. Toutefois, ils n’ont reçu aucune formation relative aux urgences et aucun renseignement sur les procédures d’abandon du navire ou d’intervention dans l’éventualité où un membre d’équipage tombait par-dessus bord. Cette brève familiarisation n’a pas fourni suffisamment de renseignements aux membres d’équipage. Par conséquent, les membres d’équipage ne savaient pas comment enfiler correctement une combinaison d’immersion, notamment l’importance de remonter complètement la fermeture éclair, de serrer les sangles aux chevilles pour empêcher l’air de pénétrer dans les bottes et de remplir le coussin de flottaison gonflable. Ils ne s’étaient pas non plus familiarisés avec la procédure de déploiement d’un radeau de sauvetage, notamment l’importance que la bosse soit fixée au navire et de placer le radeau de sauvetage directement dans l’eau à partir de son lieu de rangement sur le pont supérieur arrière.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le capitaine et l’équipage ne connaissaient pas bien les instructions à suivre pour déployer le radeau de sauvetage. De plus, tandis qu’ils s’efforçaient de déployer le radeau, sa bosse s’est détachée du navire et est passée par-dessus bord, ce qui incité le capitaine à entrer dans l’eau alors que la fermeture éclair de sa combinaison d’immersion n’était que partiellement remontée et que les sangles autour des chevilles n’étaient pas serrées. Par conséquent, le capitaine a été exposé aux éléments et a fini par se noyer.
L’action exécutée par le capitaine pour récupérer la bosse a effectivement créé une situation où une personne était par-dessus bord pendant une procédure d’abandon d’urgence.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La familiarisation que les membres de l’équipage avaient reçue était insuffisante pour acquérir les connaissances ou les compétences nécessaires afin de réussir à abandonner le navire ou à récupérer une personne par-dessus bord, et l’intervention de l’équipage dans ces situations d’urgence n’était guidée que par leur expérience limitée.
Sans directive ni procédure pour gérer une situation d’abandon du navire ou de personne par-dessus bord, le membre d’équipage 1 a sauté à l’eau sans discussion ni plan, et avec une combinaison d’immersion mal enfilée. De plus, plus tard pendant la situation d’urgence, le membre d’équipage 2 a sauté par-dessus bord du côté du navire opposé à celui où se trouvait le radeau de sauvetage, plutôt que du même côté.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le membre d’équipage 2 a sauté à l’eau alors que la fermeture éclair de sa combinaison d’immersion n’était que partiellement remontée et les sangles à ses chevilles n’étaient pas serrées. Par conséquent, il a été exposé aux éléments et a fini par se noyer.
2.4 Fatigue
Pour gérer efficacement la fatigue, il faut tenir compte des exigences relatives au quart à la passerelle et des niveaux d’effectifs pour les activités de pêche. Les exigences relatives au quart à la passerelle applicables aux navires commerciaux indiquent qu’une personne titulaire d’un brevet doit être de quart en tout temps. Elles précisent aussi que, durant les heures d’obscurité, il doit y avoir 2 personnes de quart. Les activités de pêche au thon ont lieu pendant la journée. Pour mener à bien les activités de pêche au thon en toute sécurité et gérer la fatigue tout en se conformant à la réglementation applicable, l’Arctic Fox II était tenu d’avoir un équipage d’au moins 4 personnes, dont 2 titulaires d’un brevet.
Dans l’événement à l’étude, l’armement en équipage du navire était tel qu’il n’était pas possible de respecter les exigences relatives au quart à la passerelle, car seul le capitaine était titulaire d’un brevet. Les tentatives entreprises par le capitaine pour gérer la fatigue ont conduit à des non-conformités réglementaires : un membre d’équipage inexpérimenté a été autorisé à tenir seul la veille et le navire a pu dériver la nuit sans que personne soit de garde.
Ces efforts pour gérer la fatigue ont donné lieu à des pratiques de travail dangereuses : par exemple, le fait que le capitaine est resté éveillé durant environ 57 des 67 heures qu’il a passées en mer et le fait qu’il est resté éveillé sans interruption pendant environ 22 heures juste avant son appel de détresse Mayday.
Le capitaine et les membres d’équipage ont également connu de fortes perturbations de leur sommeil et de leurs habitudes de sommeil pendant les activités de pêche. Au moment de l’urgence, les membres d’équipage avaient été tirés du sommeil et l’effet de l’inertie du sommeil a probablement affecté leur performance. Enfin, ils se sont préparés à abandonner le navire pendant un creux circadien.
Fait établi : Autre
L’enquête a permis de déterminer que 4 facteurs de risque de fatigue (perturbation aiguë du sommeil, éveil continu, effets sur le rythme circadien et problèmes de santé multiples) et l’inertie de sommeil étaient présents à un degré suffisant pour que le capitaine et l’équipage subissent vraisemblablement les effets de la fatigue liée au sommeil au moment de l’événement.
Dans des rapports précédents du BST, la fatigue a été désignée comme un facteur contributif d’accidents. De plus, les pêcheurs ont confirmé que les facteurs de risque de fatigue sont répandus dans l’industrie de la pêche commerciale. La présence de facteurs de risque de fatigue démontre que la fatigue est un problème persistant dans l’industrie de la pêche commerciale.
2.5 État de navigabilité des navires et surveillance de la conformité réglementaire
Le maintien de l’état de navigabilité d’un navire représente une responsabilité essentielle pour assurer la sécurité d’un navire, son équipage et l’environnement. Le maintien de l’état de navigabilité d’un navire nécessite des connaissances et des compétences précises. Il s’agit par ailleurs de s’assurer que les modifications apportées au navire sont évaluées en fonction de leurs effets sur la stabilité, que le changement dans le poids du navire est surveillé, et que l’étanchéité à l’eau et qu’un franc-bord adéquat sont maintenus. Les effets de ces facteurs de stabilité changent au cours de la durée de vie d’un navire : il est donc particulièrement important de surveiller l’état de navigabilité des navires plus âgés.
Les règlements de sécurité constituent des mécanismes de défense qui ont été mis en place pour s’assurer que les dangers connus au sein de l’industrie sont évités; ces règlements précisent les exigences minimales de sécurité à respecter. TC et, dans la province de la Colombie-Britannique, WorkSafeBC, sont responsables d’assurer la surveillance et l’application des règlements de sécurité pour les navires de pêche. Cependant, les règlements concernant l’état de navigabilité des navires sont sujets à interprétation, laissant aux RA et aux capitaines le soin de déterminer si l’état de navigabilité d’un navire est adéquat pour le voyage prévu. TC et WorkSafeBC fournissent des renseignements sur le maintien de l’état de navigabilité des navires, mais ces renseignements et les exigences réglementaires ne sont pas toujours connus ou nécessairement compris par les RA et les capitaines.
Le capitaine de l’Arctic Fox II s’occupait périodiquement de l’entretien de base du navire à titre préventif. Cependant, il n’y avait aucun dossier sur l’entretien préventif ou les inspections effectuées sur les passe-coques, la tuyauterie ou les pompes de la salle des machines, ou encore pour assurer l’intégrité de la coque du navire. Le propriétaire, en tant que le RA de l’Arctic Fox II, a supposé sans vérification que le capitaine maintenait le navire dans un état de navigabilité tel que requis. De plus, les résultats positifs de l’inspection d’assurance du navire et l’entretien périodique et préventif du navire ont amené le propriétaire et le capitaine à croire que le navire était bien entretenu et étanche, que son franc-bord était adéquat et qu’il était généralement en état de navigabilité. Ces facteurs ont probablement contribué à ce que le propriétaire et le capitaine négligent l’importance de se pencher sur les effets cumulatifs du vieillissement du navire et de ses multiples modifications : par exemple, l’augmentation du poids du navire lège et la réduction du franc-bord, qu’on a découvert lors d’un essai de période de roulis que le propriétaire précédent avait demandé. Par conséquent, le propriétaire et le capitaine avaient perçu un niveau de risque acceptable pour l’activité de pêche prévue, et le capitaine a pris la direction des zones de pêche.
En vertu de la LMMC 2001, qui a remplacé la Loi sur la marine marchande du Canada originale, TC s’en remet uniquement aux RA et aux capitaines de navires de pêche comme l’Arctic Fox II pour veiller à la conformité réglementaire, y compris la certification, et pour s’assurer que des mesures sont prises pour éviter les dangers. L’Arctic Fox II n’avait pas fait l’objet d’une inspection par TC depuis 2008 et n’a pas été soumis à une inspection au moment d’être immatriculé de nouveau au Canada en 2018. TC n’avait pas relevé le fait qu’il n’y a pas eu d’inspection en 2018 et n’avait pas fait de suivi auprès du RA relativement au fait que le navire aurait dû être soumis à une inspection.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Des lacunes dans l’entretien périodique du navire à titre préventif et l’absence de surveillance réglementaire pour s’assurer que le navire était en état de navigabilité ont contribué à ce qu’il prenne l’eau et finisse par couler.
Le fait que TC se fie aux RA ne donne pas les résultats escomptés; les exigences réglementaires minimales ne sont pas respectées.
D’abord, TC se fie principalement aux RA pour se charger des questions relatives au navire, y compris pour veiller à la conformité réglementaire. Cependant, le BST a déterminé qu’il y avait un nombre élevé de navires immatriculés auprès du MPO qui n’étaient pas immatriculés auprès de TC, et qui n’avaient donc pas de RA attitré. Pour les navires qui ont un RA attitré, la capacité de respecter les exigences réglementaires minimales dépend des connaissances du RA, de son expérience, de sa formation, ainsi que de sa sensibilisation et sa compréhension relative à ses responsabilités. Par exemple, les dangers liés au fait de ne pas être préparé à une urgence sont bien connus, et les organismes de réglementation exigent que des exercices soient effectués, que des procédures d’urgence soient élaborées et accessibles, et que les membres d’équipage soient familiarisés avec la sécurité et formés à ce sujet. Cependant, les RA et les capitaines n’ont pas toujours la formation ou l’expérience nécessaire pour effectuer des exercices, élaborer et partager les procédures, ou encore former les membres d’équipage.
L’absence de conséquences négatives en cas de non-conformité avec les exigences réglementaires minimales nuit également à la compréhension du niveau de risque. L’absence de conséquences négatives en cas de non-conformité est en partie attribuable aux contraintes auxquelles TC est soumis relativement à la disponibilité des ressources (temps, argent ou personnel) pour les activités d’application des règlements axées sur les risques.
Enfin, les RA et les capitaines ne reconnaissent pas toujours que les règlements constituent un minimum à respecter et qu’ils procurent des importants mécanismes de défense contre les conditions et les pratiques dangereuses, en partie parce que leur perception des risques diffère de celle des organismes de réglementation. En raison de l’absence de conséquences négatives en cas de non-conformité, les RA et les capitaines ne sont pas motivés à comprendre les règlements ou à s’y conformer. La SII du BST ayant trait à l’industrie de la pêche a permis de déterminer que les pratiques dangereuses enracinées dans les valeurs et les attitudes traditionnelles, auxquelles s’ajoutent la concurrence pour les ressources marines et les perceptions d’efficacité, rendent difficile la modification des comportements dangereux. Le niveau de confiance à l’égard de l’organisme de réglementation et le respect des règlements sont nécessaires pour que le rôle du RA soit exécuté efficacement, ce qui n’est peut-être pas le cas actuellement dans l’industrie de la pêche.
La situation de l’Arctic Fox II n’est pas unique; les données nationales de TC indiquent que pour la période quadriennale de 2016 à 2019, près de 4000 navires de pêches devaient être soumis à une inspection aux fins de certification, mais les RA d’environ un tiers de ce groupe (plus de 1200 navires) n’ont pas pris les dispositions nécessaires pour soumettre leur navire aux inspections obligatoires avant de commencer les activités commerciales. Dans la région du Pacifique, à la fin de cette même période, 614 navires de pêche devaient être soumis à une inspection aux fins de certification avant de pouvoir commencer leurs activités. Parmi ces navires de pêches, près de la moitié (291 navires) n’avaient pas le certificat de sécurité requis pour commencer leurs activités. D’après cette enquête, la surveillance par TC au cours d’une année donnée au moyen d’inspections axées sur les risques, aux fins de certification et effectuées dans le cadre de campagnes d’inspections concentrées s’appliquait à environ 3 % seulement de tous les navires de pêche.
TC veille à la conformité de manière réactive, généralement après qu’un accident se soit produit ou qu’une plainte ait été déposée. Parce que TC n’est pas proactif et ne recherche pas activement les navires de pêche qui ne sont pas conformes, il est impossible de savoir exactement combien de navires de pêche ne respectent pas les normes de sécurité minimales, ce qui augmente le risque de lacunes de sécurité systémiques qui font en sorte que la sécurité de la pêche commerciale figure sur la Liste de surveillance du BST depuis 2010.
Dans une industrie complexe qui comprend les grands navires à équipages multiples ainsi que les embarcations non pontées à un seul membre d’équipage, de nombreux facteurs influent sur la mesure dans laquelle les RA et les capitaines peuvent gérer efficacement la sécurité, se tenir au courant des changements réglementaires et techniques et se conformer aux exigences réglementaires minimales.
Fait établi quant aux risques
Si la surveillance réglementaire par TC continue d’être réactive et de nécessiter que les RA comprennent les règlements et en assurent le respect, les navires et les équipages risquent de continuer à être exploités sans les mécanismes de défense minimaux qu’offre le respect des exigences réglementaires, ce qui entraînerait des conditions dangereuses et des accidents potentiellement mortels.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Lorsque le capitaine a entamé le voyage à l’étude vers les zones de pêche, le propriétaire et lui ont estimé que les risques associés à l’activité de pêche prévue avaient été suffisamment pris en compte. Leur perception des risques a probablement été influencée par les incitatifs économiques, les approbations et la certification, ainsi que par les nombreux voyages réussis.
- Le capitaine a géré l’infiltration d’eau et les tâches connexes essentielles à la sécurité sans aide. Par conséquent, les mesures d’urgence essentielles ont été retardées, ce qui a contribué à la détérioration de l’état de navigabilité du navire et a eu une incidence sur les chances de survie de l’équipage.
- Le capitaine et l’équipage ne connaissaient pas bien les instructions à suivre pour déployer le radeau de sauvetage. De plus, tandis qu’ils s’efforçaient de déployer le radeau, sa bosse s’est détachée du navire et est passée par-dessus bord, ce qui incité le capitaine à entrer dans l’eau alors que la fermeture éclair de sa combinaison d’immersion n’était que partiellement remontée et que les sangles autour des chevilles n’étaient pas serrées. Par conséquent, le capitaine a été exposé aux éléments et a fini par se noyer.
- La familiarisation que les membres de l’équipage avaient reçue était insuffisante pour acquérir les connaissances ou les compétences nécessaires afin de réussir à abandonner le navire ou à récupérer une personne par-dessus bord, et l’intervention de l’équipage dans ces situations d’urgence n’était guidée que par leur expérience limitée.
- Le membre d’équipage 2 a sauté à l’eau alors que la fermeture éclair de sa combinaison d’immersion n’était que partiellement remontée et les sangles à ses chevilles n’étaient pas serrées. Par conséquent, il a été exposé aux éléments et a fini par se noyer.
- Des lacunes dans l’entretien périodique du navire à titre préventif et l’absence de surveillance réglementaire pour s’assurer que le navire était en état de navigabilité ont contribué à ce qu’il prenne l’eau et finisse par couler.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si la surveillance réglementaire par TC continue d’être réactive et de nécessiter que les RA comprennent les règlements et en assurent le respect, les navires et les équipages risquent de continuer à être exploités sans les mécanismes de défense minimaux qu’offre le respect des exigences réglementaires, ce qui entraînerait des conditions dangereuses et des accidents potentiellement mortels.
3.3 Autres faits établis
Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.
- Transports Canada n’était pas au courant des problèmes de santé du capitaine, qui auraient pu mener à des restrictions ayant une incidence sur la validité de son certificat médical maritime. Par ailleurs, son brevet de compétence était expiré.
- Transports Canada n’avait pas évalué la nécessité d’imposer des limites en matière de voyage, étant donné que le navire n’avait pas été inspecté aux fins de certification.
- L’effectif de l’Arctic Fox II ainsi que l’expérience et la certification de l’équipage lors du voyage à l’étude étaient tels que les exigences relatives au quart à la passerelle ne pouvaient pas être respectées.
- L’enquête a permis de déterminer que 4 facteurs de risque de fatigue (perturbation aiguë du sommeil, éveil continu, effets sur le rythme circadien et problèmes de santé multiples) et l’inertie de sommeil étaient présents à un degré suffisant pour que le capitaine et l’équipage subissent vraisemblablement les effets de la fatigue liée au sommeil au moment de l’événement.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
Le Bureau n’est pas au courant de mesures de sécurité prises à la suite de l’événement à l’étude.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .
Annexes
Annexe A – Circonstances de l’événement à l’étude liées aux questions de sécurité importantes relevées dans l’Enquête sur les questions de sécurité relatives à l’industrie de la pêche au Canada (M09Z0001)
Question de sécurité importante | Faits établis de l’enquête sur une question de sécurité ayant trait à la question de sécurité importante | Lien avec l’événement à l’étude |
---|---|---|
Stabilité | WorkSafeBC exige qu’on documente les procédures, fondées sur des données techniques, qui sont utilisées pour préserver la stabilité de tous les bateaux de pêche. | Il n’y avait aucune procédure écrite sur le maintien de la stabilité. |
Engins de sauvetage | Les pêcheurs ne font pas toujours la mise à jour des coordonnées de leur radiobalise de localisation des sinistres. | Aucune radiobalise de localisation des sinistres n’était homologuée avec les coordonnées du propriétaire actuel. |
Les pêcheurs ne portent pas tous un vêtement de flottaison individuel lorsqu’ils travaillent sur le pont. | Il n’était pas d’usage à bord de porter un vêtement de flottaison individuel en travaillant sur le pont. | |
La formation n’inculque pas l’importance à des exercices de sécurité pour ce qui est d’abréger le délai de réaction et d’accroître l’efficacité des équipes pendant une situation d’urgence. | Même si le capitaine avait suivi une formation aux fonctions d’urgence en mer, on ne procédait pas régulièrement à des exercices d’urgence, et des mesures essentielles n’ont pas été prises pendant la situation d’urgence. | |
Formation | Les programmes de formation en sécurité de Transports Canada n’intègrent pas entièrement tous les facteurs de risque pour les pêcheurs. | Le propriétaire n’avait pas suivi de formation officielle, et la formation du capitaine avait été suivie en 2001. |
Information de sécurité | La diffusion de l’information de sécurité est inefficace. | Transports Canada, WorkSafeBC et les autres militants pour la sécurité ont de la difficulté à consulter les pêcheurs et à leur fournir des renseignements sur la sécurité. |
Pratiques de travail sécuritaires | Les pêcheurs modifient ou éliminent certaines pratiques de travail sécuritaires en réponse à des pressions économiques. | Les pressions économiques ont influencé les décisions à bord et ont créé des conditions dangereuses. |