Rapport d’enquête sur la sécurité du transport maritime M22A0355

Contact avec le fond
Navire à passagers Kawartha Spirit
Halifax (Nouvelle-Écosse)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Description du navire

    Le Kawartha Spirit (figure 1)Note de bas de page 1 est un navire à passagers en acier, construit en 1964, d’une capacité maximale de 200 passagers. Il appartient à Murphy Sailing Tours Limited et est exploité par Ambassatours Gray LineNote de bas de page 2. Le dispositif de propulsion est formé de 2 moteurs diesel, 2 hélices et 2 gouvernails suspendus. Le navire a une jauge brute de 85, une longueur de 20,18 m et une largeur de 7,15 m. Au moment de l’événement, le tirant d’eau du navire était de 1,37 m.

    Figure 1. Le Kawartha Spirit, amarré au quai Cable dans le port de Halifax (Source : BST)
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    Le Kawartha Spirit, amarré au quai Cable dans le port de Halifax (Source : BST)

    Le navire a 2 ponts : un pont inférieur fermé et un pont supérieur qui a des côtés ouverts et un toit rétractable. La timonerie est située sur le pont supérieur et compte 1 siège devant la barre. Le navire est muni d’un compas magnétique, d’un écran combiné pour un radar et un traceur de cartes, d’un système d’identification automatique (AIS), de 2 radiotéléphones à très haute fréquence (VHF) avec appel sélectif numérique et d’un échosondeur. Toutefois, au moment de l’événement, seuls l’AIS, le traceur de cartes et les radiotéléphones étaient allumés.

    Déroulement du voyage

    Le 26 octobre 2022, pour sa première excursion de la journée, le Kawartha Spirit devait embarquer des passagers d’un navire de croisière international qui faisait escale dans le port de Halifax. De telles excursions sont une activité régulière du Kawartha Spirit; le navire navigue vers Eastern Passage jusqu’à Fisherman’s Cove, puis se rend sur le côté ouest de l’île McNabs. Lorsque le navire atteint le phare de la plage Maugher, il peut naviguer dans le bras Northwest ou retourner à son point de départ. En tout, l’excursion dure environ 2,5 heures. La figure 2 montre la route du navire lors du voyage à l’étude.

    Figure 2. Lieu de l’événement et route du navire (Source : Service hydrographique du Canada, cartes 4202 et 4203, avec annotations du BST)
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    Lieu de l’événement et route du navire (Source : Service hydrographique du Canada, cartes 4202 et 4203, avec annotations du BST)

    Avant l’excursion, le capitaine du Kawartha Spirit et le capitaine en chefNote de bas de page 3 ont discuté des conditions météorologiques et de la visibilité réduite; l’excursion s’est ensuite déroulée comme prévu.

    À 11 hNote de bas de page 4, le navire et son équipage ont quitté la station d’amarrage régulière du navire au quai Cable pour un trajet de 10 minutes vers le quai Tall Ships, où les passagers devaient monter à bord du navire. La visibilité était de 2 km avec de la bruine légère, le vent soufflait à 5 nœuds et la marée était descendante. À 11 h 30, le Kawartha Spirit a quitté le quai Tall Ships avec 54 passagers, 1 guide touristique et 4 membres d’équipage à bord. Le guide touristique a donné un exposé de sécurité à l’intention des passagers.

    Vers 12 h 30, alors que le navire traversait le côté ouest de l’île McNabs, l’officier de pont était seul dans la timonerie pendant que le capitaine rencontrait les passagers dans tout le navire, comme il le faisait couramment.

    Vers 12 h 40, alors que le navire se déplaçait dans les environs du phare de la plage Maugher, le capitaine est retourné à la timonerie et a dit à l’officier de pont de se diriger vers la redoute York. Deux minutes plus tard, l’officier de pont a changé de cap de 80 degrés à tribord, comme le capitaine le lui avait demandé. Quelques instants après le changement de cap, un matelot de pont a amené un passager qui voulait être aux commandes. Le capitaine a accueilli le passager dans la timonerie et le passager a pris la barreNote de bas de page 5. Pour faire de la place, l’officier de pont est sorti juste à l’extérieur de la timonerie pour reprendre ses tâches de veille. À ce moment-là, le brouillard était plus dense et la visibilité était d’environ 0,4 km; parce que la vue sur le rivage était obscurcie par le brouillard, le navire s’est approché de la rive.

    À 12 h 45, alors que le navire se trouvait à environ 160 m de la rive, sous le commandement du capitaine, le cap a été modifié de 110 degrés à tribord. Le navire s’est dirigé vers le bras Northwest, en suivant la rive le long de la redoute York et de l’anse Ferguson, en maintenant une distance moyenne de 100 m de la rive.

    À 12 h 58, juste avant l’anse Purcells, le capitaine a aperçu une bouée de bâbord (verte) du côté tribord du Kawartha Spirit. Le capitaine a regardé le traceur de cartes pour déterminer la position du navire, mais n’a pas pu localiser la bouée verte sur l’écran. À 12 h 59, le capitaine a changé le cap du navire vers tribord pour tenter de positionner le navire de manière à ce que la bouée verte soit du côté bâbord. Cependant, moins de 30 secondes plus tard, le Kawartha Spirit a touché le fond à une vitesse de 7 nœuds en position 44°36.44′ N 063°34.07′ W (figure 2) et a perdu sa capacité de propulsion. À ce moment-là, la hauteur de la marée était de 0,8 m.

    Le passager qui se trouvait dans la timonerie est sorti rejoindre les autres passagers et l’officier de pont est retourné à l’intérieur. À 13 h 01, le capitaine a redémarré les moteurs et réglé la propulsion vers l’arrière. Les 2 matelots de pont et le guide touristique se sont rendus à la timonerie pour obtenir des renseignements sur la situation. Après avoir donné un breffage, le capitaine a ordonné aux matelots de pont de vérifier chaque compartiment pour en assurer l’étanchéité, et le guide touristique est allé fournir une mise à jour aux passagers.

    À 13 h 03, le capitaine a réglé le cap du navire, au moyen d’un compas magnétique, pour retourner au quai Tall Ships afin de débarquer les passagers. Les matelots de pont surveillaient régulièrement les compartiments du navire pour détecter les infiltrations d’eau tout au long du voyage de retour. À 13 h 17, le capitaine a informé le capitaine en chef par téléphone cellulaire de l’événement.

    À 13 h 50, le Kawartha Spirit est arrivé au quai Tall Ships, et les passagers et le guide touristique sont débarqués.

    À 14 h 04, avec le capitaine et l’équipage à bord, le navire est parti en direction du quai Cable; 10 minutes plus tard, le navire a amarré à sa destination.

    À 15 h, le capitaine en chef a signalé l’événement aux Services de communication et de trafic maritimes de Halifax environ 2 heures après l’événementNote de bas de page 6. Un officier en devoir de la Sécurité maritime de Transports Canada a ensuite imposé une restriction au navire jusqu’à ce que les réparations et une inspection soient effectuées et qu’une autorisation de naviguer soit donnée.

    Vers 15 h 10, une inspection sous-marine a eu lieu et a permis de confirmer que les 2 hélices étaient pliées, que l’arbre porte-hélices bâbord avait été déplacé vers la poupe et que le gouvernail bâbord manquait. Il y avait aussi quelques égratignures sur la quille et déformations du bordé de carène inférieur bâbord.

    Planification du voyage

    La planification du voyage donne aux conducteurs de navires l’occasion d’évaluer l’itinéraire et les vitesses de passage d’un navire en fonction des conditions existantes. Elle tient compte des conditions météorologiques, des marées, des limites du navire, des dangers pour la navigation et d’un plan d’urgence en cas de nécessité. En vertu du Règlement de 2020 sur la sécurité de la navigation, les conducteurs de navires sont tenus de s’assurer que leur voyage prévu a fait l’objet d’une planificationNote de bas de page 7.

    La planification du voyage comprend 4 étapes distinctes : la collecte de tous les renseignements pertinents sur le voyage envisagé, l’élaboration d’un plan détaillé du voyage entier du point de départ à la destination, la mise en œuvre du plan ainsi que la surveillance de la progression du navire pendant l’exécution du plan.

    Au cours de leur formation initiale, les capitaines des navires exploités par Ambassatours Gray Line sont informés des zones générales d’exploitation et des limites d’exploitation des navires, telles qu’elles sont déterminées par Transports Canada et inscrites sur le certificat d’inspection de chaque navire.

    Le jour de l’événement à l’étude, le capitaine du Kawartha Spirit a suivi un itinéraire qui n’avait pas été planifié dans la zone d’exploitation générale, qui est limitée au port de Halifax au nord du phare de la plage Maugher, en s’approchant de la rive plus que la normale.

    Navigation par visibilité réduite et systèmes de gestion de la sécurité

    Pour naviguer par visibilité réduite, les conducteurs de navires doivent adapter leurs pratiques de navigation habituelles pour assurer le passage sécuritaire du navire. Par exemple, le Règlement sur les abordages exige que les conducteurs assurent une veille et maintiennent une vitesse de sécuritéNote de bas de page 8. L’Organisation maritime internationale recommande que les membres de l’équipe à la passerelle évitent les perturbations et les distractions dans l’exercice de leurs fonctions lorsqu’une vigilance accrue est nécessaireNote de bas de page 9.

    Pour naviguer en toute sécurité, les conducteurs doivent utiliser et gérer efficacement toutes les ressources à leur disposition et surveiller continuellement la position du navire. Il est important de configurer l’équipement de navigation afin d’optimiser les renseignements disponibles pour faciliter la navigation sécuritaire et prévoir la route que suivra le navire. La contre-vérification de la position à l’aide d’une 2e pièce d’équipement de navigation peut également aider les conducteurs à demeurer conscients de la position de leur navire et à déceler les erreurs de navigation.

    Un système de gestion de la sécurité (SGS) peut aider à s’assurer que les membres à tous les niveaux d’une organisation ont les connaissances et les outils leur permettant de gérer efficacement les risques, ainsi que l’information nécessaire pour prendre des décisions éclairées dans toutes les conditions d’exploitation, tant de routine que d’urgence.

    Ambassatours Gray Line a un SGS volontaire en place qui couvre certaines procédures d’urgence et certaines procédures d’exploitation normalisées. Au moment de l’événement, le SGS (révisé en 2017) ne prévoyait pas d’exigences relatives à la planification du voyage, aux déviations par rapport à la route prévue, aux procédures que l’équipe à la passerelle doit suivre par visibilité réduite ou aux procédures de visite de la timonerie.

    Transports Canada a proposé un nouveau règlement visant à étendre les exigences officielles en matière de SGS à la majorité des navires canadiens et étrangers exploités dans les eaux canadiennesNote de bas de page 10. Le projet de Règlement sur le système de gestion de la sécurité maritime s’appliquera aux navires comme le Kawartha Spirit.

    Événements antérieurs

    Le BST a déjà enquêté sur d’autres événements dans lesquels des problèmes liés à la planification du voyage, à la navigation par visibilité réduite et au SGS ont été relevésNote de bas de page 11. Les événements suivants sont particulièrement pertinents :

    M22P0029 (bateau-taxi C12997BC [Rocky Pass]) – Le 25 janvier 2022, le bateau-taxi connu sous le nom de Rocky Pass s’est échoué sur le banc Coomes (Colombie-Britannique), avec 5 personnes à bord. Les services d’urgence ont évacué les personnes à bord, y compris 4 passagers blessés, et ont remorqué le navire jusqu’à Tofino (Colombie-Britannique). L’enquête a mis en évidence l’importance d’avoir un plan de voyage officiel afin d’aider à cerner les dangers pour la navigation et les mesures d’adaptation requises par les conducteurs dans des conditions de visibilité réduite.

    En outre, le BST a déjà enquêté sur d’autres événements dans lesquels le signalement de l'événement par le conducteur à la Garde côtière canadienne a été retardé.

    M17C0179 (Island Queen III) – Le 8 août 2017, vers 12 h 46, heure avancée de l’Est, le navire à passagers Island Queen III, avec 279 passagers, 10 membres d’équipage et un artiste à bord, effectuait une croisière de 3 heures dans le secteur des Mille-Îles du fleuve Saint-Laurent, lorsqu’il a touché le fond au large de Kingston (Ontario). L’enquête a souligné l’importance d’aviser rapidement les ressources de recherche et sauvetage après un événement afin d’assurer la rapidité, l’efficacité et la coordination de l’intervention.

    Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2022. Comme l’événement à l’étude l’a démontré, même lorsqu’une entreprise a mis en place des processus de gestion de la sécurité, elle n’est pas toujours en mesure de démontrer que les dangers ont été cernés ou que des mesures efficaces d’atténuation des risques sont appliquées.

    Mesures de sécurité prises

    Après l’événement, Ambassatours Gray Line a élaboré une procédure d’utilisation normalisée pour ses navires exploités par visibilité réduite et a intégré la procédure dans son SGS. L’entreprise a également modifié la formation qu’elle offre aux nouveaux conducteurs pour mettre l’accent sur les procédures de SGS liées aux opérations à bord.

    Messages de sécurité

    Il est important que les conducteurs de navires, quelle que soit la taille de leur navire, évaluent minutieusement leur itinéraire prévu et toute déviation en tenant compte des dangers potentiels pour la navigation, ainsi que des conditions météorologiques existantes, de la visibilité et d’autres facteurs pertinents.

    Le recours à une seule aide électronique à la navigation, en particulier par visibilité réduite, peut se solder par des accidents. Pour naviguer en toute sécurité, la contre-vérification de la position du navire par tous les moyen disponibles, y compris les aides visuelles, l’échosondeur, le radar et le traceur de cartes, peut aider les conducteurs à maintenir la conscience de la position de leur navire et à cerner les erreurs de navigation.

    L’établissement de procédures de SGS pour la navigation par visibilité réduite (y compris la composition de l’équipe de quart à la passerelle, les pratiques de veille et de navigation ainsi que l’accès à la passerelle) aidera l’équipage à suivre les règlements et les pratiques exemplaires.

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .