Collision sur une voie autre que la voie principale
Entre les manœuvres de triage
du 0600 Plank Road et du 0800 Bunkhouse
exploitées par le Chemin de fer Canadien National
au point milliaire 57,2 de la subdivision Strathroy
à la gare de triage Sarnia, à Sarnia (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 22 mai 2011, aux environs de 12 h 25, heure avancée de l'Est, la manœuvre de triage 0600 Plank Road du chemin de fer Canadien National effectuait un mouvement de tire vers l'ouest hors de la voie A-6 avec un groupe de 72 wagons lorsque la locomotive de tête a percuté le 28e wagon de la manœuvre de triage 0800 Bunkhouse qui effectuait aussi un mouvement de tire vers l'ouest sur une voie d'accès convergente. La collision a entraîné le déraillement de 2 wagons porte-automobiles à double plancher chargés et de la locomotive de la manœuvre 0600 ainsi que de 6 wagons-citernes chargés de matières dangereuses de la manœuvre 0800. Il n'y a eu aucun déversement de produit et personne n'a été blessé.
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Autres renseignements de base
Le matin du 22 mai 2011, la manœuvre de triage 0600 Plank Road du chemin de fer Canadien National (CN) dans le triage A (la manœuvre 0600), était aiguillée sur la voie d'accès ouest de la gare de triage Sarnia, à Sarnia (Ontario) (voir la figure 1). La manœuvre 0600 était commandée par un chef de train de cour de triage et un chef de train adjoint avec un système de commande Beltpack. La manœuvre était entraînée par une locomotive télécommandée et une locomotive asservie. Les 2 membres de l'équipe satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos, étaient qualifiés pour leur poste respectif et connaissaient le territoire.
Entretemps, la manœuvre 0800 Bunkhouse du CN (manoeuvre 0800) procédait à un aiguillage dans le triage C de la gare de triage Sarnia. La manœuvre 0800, commandée par un chef de train de cour de triage et un chef de train adjoint, était également entraînée par une locomotive télécommandée et une locomotive asservie. Les 2 membres de l'équipe satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos, étaient qualifiés pour leur poste respectif et connaissaient le territoire.
La manœuvre 0800 était partie du triage C en passant par la zone de protection des mouvements non accompagnés (PPZ) Note de bas de page 1 et roulait sur la voie d'accès ouest dans le triage A pour atteler des wagons sur la voie A-30 et les ramener au triage C. Aux environs de 12 h 25 Note de bas de page 2, après avoir été aiguillée sur la voie A-30, la manœuvre 0800 a quitté le triage A en direction ouest pour retourner au triage C.
Au même moment, la manœuvre 0600 commençait à effectuer un long mouvement de tire avec un groupe de 72 wagons qui mesurait 5 187 pieds et pesait 5 214 tonnes. Elle roulait sur la voie d'accès ouest en direction du signal de la PPZ, d'où elle provenait tout juste avant de commencer le remorquage de la longue rame. Le chef de train adjoint, qui commandait le système de commande Beltpack, a regardé dans la direction du mouvement à partir de son poste au sol. Il a supposé que la voie était toujours libre.
Roulant à une vitesse de 8 mi/h sur la voie d'accès ouest dans la PPZ, le 28e wagon de la manœuvre 0800 a été heurté par la locomotive de tête de la manœuvre 0600 qui circulait à une vitesse approximative de 9 mi/h, également en direction ouest. La collision est survenue au point de convergence des 2 voies sur la voie d'accès ouest. La collision a provoqué le déraillement de 6 wagons-citernes chargés de marchandises dangereuses de la manœuvre 0800 sur le côté sud de la voie d'accès ouest et du déraillement, sur le côté nord de ladite voie, des 2 wagons porte-automobiles à double plancher chargés et de la locomotive qui composaient la manœuvre 0600 (voir la photo 1). Il n'y a eu aucun déversement de produit et personne n'a été blessé. Environ 400 pieds de voie ont été endommagés.
Le jour de l'événement, le ciel était dégagé, les vents étaient légers et la température était de 15 °C.
Renseignements sur la gare de triage Sarnia
La gare de triage Sarnia est l'un des principaux centres de triage du CN dans le sud-ouest de l'Ontario. Elle est située au point milliaire 57,2 de la subdivision Strathroy, immédiatement à l'est du tunnel du CN reliant Sarnia et Port Huron aux États-Unis. Sa fonction principale consiste à soutenir l'importante industrie pétrochimique dans la région de Sarnia. On retrouve, dans ce centre de triage, les marchandises suivantes qui transitent : les produits pétrochimiques, les engrais, la roche phosphatée, les gaz de pétrole liquéfiés, les condensats, l'acide sulfurique, le dioxyde de soufre et d'autres matières dangereuses.
Le triage est essentiellement divisé en 2 zones. La première zone est le triage A qui comprend environ 47 voies orientées de l'est à l'ouest qui sont utilisées principalement pour la formation et la séparation des trains ainsi que pour organiser l'ordre de la circulation. Tous les mouvements dans le triage A, y compris sur la voie principale et à l'entrée et à la sortie du triage, sont contrôlés par le coordonnateur du poste de commande du triage qui est situé dans la tour principale au centre de l'extrémité est du triage A.
La deuxième zone est le triage C, qui est une zone de manœuvre séparée située à l'ouest du triage A. Le triage C comprend environ 30 voies qui sont aussi orientées de l'est vers l'ouest ainsi qu'un grand nombre de voies dédiées à des fins industrielles. Il sert de plaque tournante pour desservir les industries locales et aider au classement des marchandises (voir la figure 2). Lorsqu'un coordonnateur de la surveillance du triage (surveillant) est de service, il contrôle tous les mouvements dans le triage C ainsi que sur toutes les lignes secondaires des industries.
Les voies de la gare de triage Sarnia sont principalement construites avec des rails de 115 livres. Les branchements sont soit de type numéro 09 ou numéro 10 avec des appareils de manœuvre d'aiguillage de type 17B. Tous les disques d'aiguillage étaient en bon état. Le branchement numéro 09 près du point de collision est construit avec du rail de 115 livres et doté d'un aiguillage à gauche. Le branchement est muni d'une contre-aiguille Samson et les pointes avec des protecteurs. La voie à cet endroit était complètement clouée avec des traverses en bon état. En 2007, environ 80 % des traverses avaient été remplacées près du lieu de l'accident. La surface et l'écartement des rails étaient appropriés.
Opérations de la gare de triage Sarnia et composition des équipes
Au moment de l'accident, il y avait 2 coordonnateurs du triage de service, soit le coordonnateur du poste de commande du triage et le surveillant. Tous les mouvements de train et de triage dans le triage A sont effectués sous la direction du coordonnateur du poste de commande du triage. Selon les directives énoncées dans le Manuel d'exploitation du terminal Sarnia, il faut communiquer avec le coordonnateur du poste de commande du triage A afin d'obtenir l'autorisation d'y entrer et de s'engager sur une des voies. Ainsi, une seule personne est chargée de coordonner tous les mouvements dans le triage A. Le coordonnateur du poste de commande du triage avise toutes les équipes des trains et du triage des mouvements à proximité et il établit un ordre de priorité pour les mouvements. Du poste de commande du triage, il a une vue de 360 ° afin de surveiller toute la cour de triage. La collision est survenue à l'extrémité ouest du triage A, soit à quelque 5000 pieds du poste de commande.
Lorsqu'un surveillant est de service, les 2 coordonnateurs du triage communiquent régulièrement entre eux par radio et téléphone cellulaire. Chaque responsable d'une manœuvre de triage utilise la fréquence radio qui lui a été attribuée pour faciliter les opérations d'aiguillage sur les voies de triage. Le surveillant a une radio qui lui permet d'utiliser toutes les fréquences dans la cour de triage afin de communiquer avec les différentes équipes des trains si nécessaire.
La manœuvre 0600, qui est partie du triage A, relevait du coordonnateur du poste de commande du triage A. La manœuvre 0800, qui est partie de l'extrémité ouest du triage C, relevait du surveillant alors qu'elle était dans le triage C.
Le 21 mai 2011, soit le jour précédant l'accident, les 2 mêmes équipes ont effectué des manœuvres dans la gare de triage Sarnia qui étaient très semblables à celles effectuées le jour de l'accident. L'équipe de la manœuvre 0600 avait travaillé dans le triage A et celle de la manœuvre 0800 dans le triage C. Juste avant 12 h, l'équipe de la manœuvre 0800 a reçu l'ordre d'atteler un groupe de wagons dans le triage A. Lorsque l'équipe de la manœuvre 0800 a communiqué avec le coordonnateur du poste de commande du triage en entrant dans le triage A, on l'a informée que l'équipe de la manœuvre 0600 était partie dîner et qu'il n'y avait aucun train dans le triage. L'équipe est alors allée de l'avant avec la manœuvre demandée sans avoir besoin de coordonner son travail avec les responsables d'autres mouvements.
Le jour de l'accident, les 2 mêmes équipes étaient encore de service dans les triages A et C.
La manœuvre 0600 Plank Road
L'équipe de la manœuvre 0600 travaillait dans le triage A et n'avait pas été informée de la présence d'autres équipes qui travaillaient à proximité. Elle procédait à l'enlèvement de tous les wagons de la voie A-10. Le chef de train adjoint était posté à la voie de manœuvre afin d'effectuer l'aiguillage sur la voie A-6 après le passage du train.
De cet endroit, il ne pouvait voir clairement quelle était l'indication du signal de la PPZ à l'avant de sa locomotive et il n'avait pas une vue dégagée du triage au sud de son train parce qu'elle était obstruée par un groupe de wagons-citernes immobilisés sur la voie A-24. Cependant, comme la manœuvre 0600 s'était engagée dans la PPZ et sur la voie d'accès ouest quelques minutes plus tôt, il a cru que la voie était encore libre. Le chef de train de triage, qui était posté à l'extrémité est du triage A afin de protéger le point d'entrée de l'éventuel mouvement vers l'est, avait été amené à cet endroit par le surveillant. Le surveillant n'a pas avisé l'équipe de la manœuvre 0600 que l'équipe de la manœuvre 0800 était dans le triage A en train d'enlever les wagons de la voie A-30, et il n'était pas tenu de le faire.
La manœuvre 0800 Bunkhouse
Aux environs de 12 h, le surveillant a demandé à l'équipe de la manœuvre 0800 d'amener le groupe de locomotives au triage A, de l'atteler à un groupe de wagons sur la voie A-30, et de revenir au triage C. Le surveillant n'a pas avisé le coordonnateur du poste de commande du triage A que l'équipe de la manœuvre 0800 entrait dans le triage A pour effectuer ce travail, et il n'était pas tenu de le faire. Lorsque l'équipe de la manœuvre 0800 s'est approchée du triage A, l'équipe de la manœuvre 0600 n'était pas en vue.
Croyant que l'équipe de la manœuvre 0600 était de nouveau partie dîner et qu'il n'y avait aucun autre train circulant à proximité, l'équipe de la manœuvre 0800 s'est engagée dans le triage A en empruntant la PPZ et la voie d'accès ouest. Elle n'a pas communiqué avec le coordonnateur du poste de commande du triage A, tel qu'on l'exige dans les procédures d'exploitation écrites. L'équipe de la manœuvre 0800 a procédé à l'enlèvement des wagons de la voie A-30 et la collision s'est produite au moment où elle quittait le triage A.
Règle 115 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
La règle 115 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) intitulée « Pousse du matériel roulant »
précise (en partie) ce qui suit :
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Lorsqu'un matériel roulant est poussé par une locomotive ou qu'il est précédé d'une locomotive télécommandée sans personnel en cabine, un membre de l'équipe doit être posté sur le véhicule de tête ou au sol, de façon à pouvoir observer la voie à utiliser et donner les signaux ou les instructions nécessaires pour diriger le mouvement.
EXCEPTION : Un membre de l'équipe n'a pas besoin de se poster de la sorte lorsqu'il est confirmé que la portion de voie à utiliser est libre.
-
L'expression
« lorsqu'il est confirmé que la voie est libre »
désigne le fait d'observer la portion de voie à utiliser et de s'assurer qu'elle est, et restera, libre de matériel roulant et qu'elle offre assez de place pour accueillir le matériel roulant qu'on s'apprête à y pousser. Cette constatation doit être faite par un employé qualifié observant la voie et disposant d'un contact radio avec la personne chargée de diriger le mouvement. S'il a été constaté que la voie est libre et qu'aucun autre mouvement ne peut accéder à la voie en question, il est alors« confirmé »
que la portion de voie à utiliser est libre.Nota : Quand il peut être déterminé qu'aucun autre mouvement n'est en service ou que des travaux ne seront pas effectués sur la voie à utiliser, alors les prescriptions de la règle sont respectées, et il est donc
« confirmé »
que la voie est libre continuellement.
Règle 105 du REF
La règle 105 du REF intitulée « Vitesse sur une voie non principale »
précise (en partie) ce qui suit :
Sous réserve de l'indication des signaux, un mouvement qui utilise une voie non principale doit circuler à vitesse RÉDUITE et être prêt à s'arrêter avant la fin de la voie ou du signal rouge prescrit à la règle 40.1.
- (b) Sous réserve de l'indication des signaux ou d'instructions spéciales, les mouvements se déplaçant sur une voie non principale ne doivent pas dépasser quinze (15) mi/h.
On entend par vitesse réduite une vitesse qui permet de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité d'un matériel roulant. Matériel roulant signifie toute locomotive, tout wagon ou toute voiture pouvant se déplacer sur ses propres roues dans un mouvement.
Manuel d'exploitation du terminal de Sarnia
Les opérations ferroviaires à la gare de triage Sarnia sont effectuées conformément au Manuel d'exploitation du terminal de Sarnia qui précise, selon les articles cités ici, les consignes suivantes (traduction) :
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3.2 Coordonnateurs du triage
Tous les mouvements dans les triages secondaires doivent avoir été autorisés par le coordonnateur du triage.
EXCEPTION : Lorsque le SURVEILLANT DU TRIAGE est de service, il dirigera tous les mouvements dans le triage C et sur les voies reliées aux industries.
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6.3 Procédures d'exploitation visant la PPZ de Sarnia
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Les mouvements effectués dans l'une des 3 zones de protection (PPZ) à des fins de remorquage doivent se conformer au signal indiqué dans la PPZ pour l'itinéraire à suivre.
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Si le signal d'une PPZ est jaune, les opérateurs d'un système Beltpack doivent demeurer au sol de façon à pouvoir observer le signal de la PPZ et laisser le mouvement continuer sans personnel en cabine dans la PPZ. La protection des mouvements au-delà du signal de la PPZ n'est pas nécessaire.
- Lorsqu'un mouvement occupe une zone, le signal correspondant de la PPZ CLIGNOTE EN ROUGE.
«L'opérateur doit continuer à observer le signal de la PPZ pendant le mouvement de tire et, si le signal passe au ROUGE, le mouvement doit être arrêté.»
- Si le signal de la PPZ n'est pas jaune, il faut par conséquent prendre les dispositions pour protéger le mouvement.
- Aucun aiguillage ne peut être ouvert ou aucun mouvement ne peut obstruer une PPZ ou y entrer moins d'en avoir obtenu l'autorisation par le coordonnateur du triage.
-
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6.4 Protection des mouvements
À moins que la protection des mouvements ne soit levée, si on ne peut voir que la voie à utiliser n'est pas libre ou qu'il n'a pas été confirmé que la voie est libre, un membre de l'équipe doit se poster sur le véhicule de tête et le mouvement doit être effectué à une vitesse qui permettra de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité.
Adaptation des règles et des procédures
Les règles et les procédures d'exploitation applicables au milieu de travail établissent l'ensemble des pratiques de travail sécuritaires pour toutes les situations, y compris dans les pires scénarios et les conditions défavorables. Ainsi, les règles ont une marge de sécurité intégrée dans des conditions de travail normales. À l'heure actuelle dans les milieux de travail, la direction doit se préoccuper de la sécurité et de la responsabilité. Dans certaines situations, la tendance peut consister à prévoir une marge de sécurité accrue en ajoutant plus de règles et de restrictions, ce qui peut ralentir l'exécution du travail et en augmenter les coûts.
Pour différentes raisons, des adaptations d'usage peuvent être faites aux règles et aux procédures au fil du temps dans des milieux visés par des règlements. Ces adaptations peuvent parfois survenir lorsque des employés expérimentés font preuve de jugement en se conformant à des règlements qu'ils considèrent comme étant appropriés sur le plan de la sécurité, tout en accomplissant le travail avec une efficacité accrue. Dans d'autres cas, les employés le font en raison des pressions exercées pour que le travail soit effectué, malgré le fait qu'ils n'ont pas suffisamment de temps ou les ressources nécessaires. Dans de telles situations, ils peuvent prendre de faibles risques afin d'accomplir le travail. Il peut y avoir aussi des circonstances où les règles ne peuvent être appliquées parce qu'elles sont désuètes ou mal adaptées (c.-à-d. qu'elles ne tiennent pas compte du contexte de travail réel).
L'adaptation aux règles et aux procédures peut se traduire par des gains de productivité pour l'entreprise et peut faciliter le travail de l'employé. Comme des marges de sécurité sont intégrées dans les règles, il n'y a habituellement pas de conséquences négatives à ce type d'adaptation. La direction peut ne pas être informée de cette adaptation ou l'accepter en toute connaissance de cause, ne prenant en perspective que le résultat final. Il arrive parfois que l'adaptation devienne une pratique reconnue de façon informelle, de sorte que les quotas de production et les attentes sont modifiés en conséquence. Une telle situation pourrait par la suite rendre difficile l'atteinte des quotas révisés sans tenir compte de l'adaptation. Les pratiques informelles peuvent s'étendre dans l'ensemble de l'entreprise. De plus, ces pratiques peuvent être renforcées indirectement par la direction si les programmes de récompense s'appuient sur la productivité sans tenir compte du respect intégral des règles.
Accidents sur les voies secondaires à la gare de triage Sarnia
Depuis 2007, le nombre total d'accidents à la gare de triage Sarnia a diminué considérablement. On n'a signalé qu'une collision au cours des 3 dernières années, ce qui est une diminution par rapport à une moyenne de plus de 5 collisions par année pour le reste de la décennie (voir la figure 3). La gare de triage Sarnia a été reconnue pour son faible taux d'accidents et avait déjà été récipiendaire d'un prix de reconnaissance de l'entreprise à l'égard de cette réalisation.
Analyse
On considère qu'au moment des faits, le matériel et la voie n'avaient aucune défectuosité qui aurait pu être un facteur contributif de l'accident. L'analyse portera sur l'application des règles du REF, des procédures d'exploitation du terminal, et sur les facteurs humains connexes.
L'accident
L'itinéraire de la manœuvre 0600 par la voie d'accès ouest avait été « confirmé libre » conformément aux dispositions de la règle 115 du REF, car l'équipe de la manœuvre avait déjà établi son itinéraire et elle n'avait pas été informée de l'existence d'une autre manœuvre de triage à proximité. Par conséquent, l'équipe de la manœuvre 0600 n'a pas protégé le véhicule de tête de leur mouvement avant d'entrer dans la PPZ. La collision et le déraillement subséquent se sont produits lorsque la manœuvre 0600 est revenue sur la voie d'accès ouest et que la locomotive de tête a percuté le côté de la manœuvre 0800 qui utilisait la même voie d'accès ouest pour quitter le triage A.
Manœuvre 0800
Avant d'entrer dans le triage A, l'équipe de la manœuvre 0800 n'a pas avisé le coordonnateur du poste de commande du triage. Cependant, les membres de l'équipe de la manœuvre 0800 croyaient qu'ils pouvaient commencer leur travail en toute sécurité dans le triage A car le travail assigné était semblable au mouvement qu'ils avaient effectué la veille lorsque l'équipe de la manœuvre 0600 était partie dîner. En outre, le mouvement demandé était de courte durée et serait effectué à basse vitesse dans de bonnes conditions de visibilité. De plus, le surveillant qui avait assigné le travail était dans le triage A et les avait informés d'enlever les wagons de la voie A-30. L'équipe de la manœuvre 0800 étaient aussi au courant que le coordonnateur du poste de commande du triage et le surveillant communiquaient souvent entre eux.
Compte tenu des bonnes conditions météorologiques de la journée, l'équipe de la manœuvre 0800 était vraisemblablement convaincue que la manœuvre était visible pour les équipes des autres trains et pour le coordonnateur du poste de commande du triage. De plus, l'équipe de la manœuvre 0800 croyait que si une autre équipe effectuait une manœuvre dans le triage, elle se conformerait aux dispositions de la règle 105 du REF et serait en mesure de les apercevoir et de s'arrêter en deçà de la moitié de la distance de visibilité. L'expérience de la veille vécue par l'équipe de la manœuvre 0800 et la manœuvre demandée par le surveillant du triage juste avant l'entrée de la manœuvre 0800 dans le triage A ont contribué à accroître la confiance des membres qu'ils pouvaient s'acquitter de leur tâche en toute sécurité dans le triage A sans avoir à communiquer avec le coordonnateur du poste de commande du triage.
Manœuvre 0600
L'opération de triage demandée aux membres de l'équipe de manœuvre 0600 exigeait de ceux-ci qu'ils soient postés à des endroits différents dans le triage pendant une courte période. Pour effectuer ce triage, un membre de l'équipe devait s'acquitter de ce qui suit :
- s'assurer que le groupe de wagons à enlever de la voie A-10 étaient attelés correctement;
- aligner l'aiguillage à la voie A-10 pour le véhicule de tête après le passage complet du véhicule de queue du mouvement;
- aligner l'aiguillage dans la voie A-6 avant le début de la manœuvre inverse dans la voie A-6 pour placer les bons wagons;
- atteler les wagons sur la voie A-6.
Pendant l'exécution de ces tâches, l'équipe était censée protéger la zone pendant que le mouvement de triage circulait dans l'une ou l'autre des directions. Cependant, selon les dispositions de la règle 115 du REF, le chef de train adjoint de la manœuvre 0600 croyait que la voie d'accès ouest avait été « confirmée libre » et qu'il n'était pas nécessaire d'assurer la protection visuelle du véhicule de tête du mouvement avant d'entrer dans la PPZ.
L'équipe de la manœuvre 0600 était formée d'employés expérimentés qui, selon leur expérience, croyaient qu'ils seraient informés par radio de la présence d'autres équipes de train effectuant des manœuvres à proximité. Comme aucune information de cette nature ne leur avait été transmise, l'équipe de la manœuvre 0600 a cru que la voie sur l'itinéraire prévu dans la PPZ était encore libre, en dépit du fait qu'ils ne pouvaient distinguer clairement le signal de la PPZ et que le côté sud de leur train n'était pas entièrement dégagé pour le chef de train adjoint qui était posté au sol près de l'aiguillage de la voie A-6. La manœuvre de triage amenait l'avant du train à presque 6000 pieds de la position du chef de train adjoint. Le chef de train de cour de triage de la manœuvre 0600 et le surveillant étaient informés du mouvement, et n'ont pas remis en question l'endroit choisi par le chef de train adjoint pendant que le mouvement s'effectuait. Le chef de train adjoint a vraisemblablement interprété leur silence comme un signe d'approbation implicite. Il est possible aussi que la confiance de l'équipe envers le caractère sécuritaire de leur approche ait été renforcée par la réputation de la gare de triage Sarnia sur le plan de la sécurité Note de bas de page 3.
Si le chef adjoint avait assuré la protection visuelle du mouvement, il aurait été obligé de monter à bord de la locomotive, pour ensuite demander au chef de train de cour de triage d'actionner l'aiguillage. Ou alors, il aurait été obligé de retourner à l'aiguillage pour l'actionner lui-même. Ces 2 options pour assurer la protection visuelle du mouvement auraient exigé plus de temps pour effectuer toute la tâche de manœuvre. Cependant, en demeurant en poste à la hauteur de l'aiguillage de la voie A-6, le chef adjoint s'assurait que la manœuvre de triage pouvait être complétée en moins de temps et en déployant moins d'efforts. Cette décision de ne pas assurer la protection visuelle du mouvement reflète la tendance naturelle d'accepter des risques ayant une faible probabilité de répercussions potentiellement graves afin d'éviter des incidences négatives minimes (p. ex, une perte de temps et une productivité moindre) Note de bas de page 4. Lorsqu'il y a une adaptation des procédures de triage, les marges de sécurité intégrées aux règles sont souvent réduites, ce qui augmente la probabilité d'opérations de triage non sûres et d'accidents de triage.
Les coordonnateurs du triage
Le surveillant a une radio qui lui permet d'utiliser les fréquences des 2 équipes de manœuvre. Le surveillant était informé du mouvement prévu dans le cadre de la manœuvre 0800 qui était sous sa direction. Alors qu'il venait de reconduire le chef de train de la manœuvre 0600 à son véhicule, il était aussi informé des activités de l'équipe de la manœuvre 0600. Cependant, il ignorait que l'équipe de la manœuvre 0800 était entrée dans le triage A sans l'autorisation du coordonnateur du poste de commande du triage. Le surveillant n'a pas avisé le coordonnateur du poste de commande du triage ni l'équipe de la manœuvre 0600 de la présence de l'équipe de la manœuvre 0800 dans le triage A.
Selon les procédures d'exploitation du terminal Sarnia, le surveillant n'était pas tenu de communiquer les détails des 2 mouvements de train. Toutefois, il a eu maintes fois la possibilité dans l'exercice de ses fonctions de communiquer ces renseignements à l'équipe de la manœuvre 0600 ou au coordonnateur du poste de commande du triage. Lorsque les renseignements sur les mouvements ne sont pas transmis correctement entre les coordonnateurs du triage et les équipes d'exploitation, il y a un risque accru que des décisions opérationnelles compromettant la sécurité seront prises.
Faits établis
Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La collision et le déraillement subséquent sont survenus lorsque l'équipe de la manœuvre 0600 effectuait un mouvement de tire sur la voie d'accès ouest et que la locomotive de tête a percuté le côté du train de la manœuvre 0800 qui circulait sur la même voie d'accès ouest pour quitter le triage A.
- L'expérience de l'équipe de la manœuvre 0800 de la veille, et le travail demandé par le surveillant du triage juste avant l'entrée de l'équipe de la manœuvre 0800 dans le triage A ont conforté l'équipe dans sa décision d'effectuer la manœuvre dans le triage A sans qu'elle se sente tenue de communiquer avec le coordonnateur du poste de commande du triage.
- Selon les dispositions de la règle 115 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, le chef adjoint de la manœuvre 0600 croyait qu'il avait été confirmé que la voie était « libre » et qu'il n'était pas nécessaire d'assurer la protection visuelle de son mouvement.
- Le surveillant du triage, qui était informé de l'itinéraire des 2 manœuvres de triage, n'a pas communiqué ces renseignements au coordonnateur du poste de commande du triage ni aux équipes à bord des trains.
Fait établi quant aux risques
- Lorsqu'il y a une adaptation aux procédures de triage, les marges de sécurité intégrées aux règles sont souvent réduites, ce qui augmente la probabilité d'opérations de triage non sûres et d'accidents de triage.
- Lorsque les renseignements sur les mouvements ne sont pas transmis correctement entre les coordonnateurs du triage et les équipes d'exploitation, il y a un risque accru que des décisions opérationnelles compromettant la sécurité seront prises.
Mesures de sécurité
Mesures de sécurité prises
Transports Canada
Le 29 novembre 2011, Transports Canada (TC) a fait parvenir un avis au CN dans lequel il décrivait des incidents et des accidents qui se produisaient à la gare de triage Sarnia, et qui impliquaient des manœuvres de triage et la manutention de marchandises dangereuses. TC a indiqué que ces événements pouvaient mener aux situations suivantes : causer des blessures ou des maladies, ou causer des dommages à l'environnement ou à la propriété. TC a demandé au CN de répondre par écrit et d'expliquer les mesures que la société prévoyait prendre afin d'éliminer ces dangers ou conditions..
Chemins de fer nationaux du Canada
La direction de la gare de triage Sarnia du CN a accru la fréquence de ses contrôles d'efficacité en insistant sur la protection des mouvements et les communications entre les équipes, l'équipe et le coordonnateur et le surveillant avec le coordonnateur.
Des briefings quotidiens avec les équipes de triage ont été tenus et portaient sur la protection des mouvements et les communications. Une évaluation des risques a été effectuée relativement aux éléments mentionnés dans le rapport et a donné lieu à ce qui suit :
- CN a installé des affiches sur les aiguillages de la PPZ actuelle afin de rappeler aux employés qu'ils doivent appeler le chef de triage avant d'entrer dans une autre PPZ avec du matériel.
Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .