Rapport d'enquête ferroviaire R16D0076

Collision à un passage à niveau
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Véhicule d'entretien CN461-18
Point milliaire 90,61, subdivision de Joliette
Saint-Norbert (Québec)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 18 août 2016, vers 3 h 30, heure avancée de l'Est, le véhicule d'entretien CN461-18 exploité par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) roulait à environ 16 mi/h (26 km/h) en direction nord dans la subdivision de Joliette du CN. Au passage à niveau public de la route 347, situé au point milliaire 90,61, près de la municipalité de Saint-Norbert (Québec), le véhicule d'entretien est entré en collision avec un camion semi-remorque circulant vers l'est. Deux employés du véhicule d'entretien et les 2 occupants du camion ont été légèrement blessés. Environ 600 litres de carburant diesel et d'huile hydraulique se sont échappés du véhicule d'entretien et du camion.

    Renseignements de base

    L'accident

    Le 18 août 2016, vers 3 h 05 Note de bas de page 1, un convoi formé de 15 véhicules d'entretien (VE) Note de bas de page 2 de la voie, constituant une équipe de production pour le remplacement du rail, a quitté le site des travaux au point milliaire 95,95 de la subdivision de Joliette de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), vers le nord. Le VE CN461-18, formé d'une multi-grue qui tirait un wagon à outils, occupait la 8e position du convoi.

    Vers 3 h 30, la multi-grue roulait à environ 16 mi/h (26 km/h) et s'approchait du passage à niveau public de la route 347, au point milliaire 90,61, près de la municipalité de Saint‑Norbert (Québec) (figure 1). Le dispositif d'avertissement du passage à niveau n'était pas activé. L'opérateur de la multi-grue a constaté la présence d'un signaleur du CN, posté à l'est du passage à niveau. Le signaleur, qui lui a fait signe de passer, a ensuite traversé le passage à niveau et s'est placé sur la chaussée.

    L'opérateur a remarqué que le signaleur tentait d'arrêter un véhicule routier s'approchant de l'ouest en brandissant sa lampe frontale à lumière blanche tout en continuant à indiquer à l'opérateur d'avancer. Suivant les instructions du signaleur, l'opérateur continuait sa route sans ralentir lorsqu'après avoir dépassé un bâtiment agricole situé à l'ouest de la voie, l'opérateur a aperçu les phares d'un camion semi-remorque (camion) qui s'approchait du passage à niveau. Lorsque le conducteur du camion a aperçu le signaleur lui faisant signe d'arrêter et la multi-grue qui surgissait à l'entrée du passage à niveau, il a dévié de sa route et s'est transféré dans la voie à contresens sans pouvoir s'arrêter. La multi-grue s'est engagée sur le passage à niveau, a heurté le camion et a déraillé.

    L'opérateur de la multi-grue, un mécanicien qui était à bord du wagon à outils, le conducteur du camion et son passager ont subi des blessures mineures.

    Figure 1. Lieu de la collision (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
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    Figure 1. Lieu de la collision (Source : Association des chemins de fer du Canada,  <em>Atlas des chemins de fer canadiens</em>, avec annotations du BST)

    La température était de 20 °C et le ciel était couvert. Plus tôt dans la nuit, il y avait eu de la pluie.

    Renseignements sur le lieu de l'événement

    Dans la zone de la collision, la voie ferrée a une orientation nord-sud Note de bas de page 3. La voie longe des champs et des installations agricoles. Elle est en alignement droit sur une grande distance et croise la route 347 à un angle d'environ 90°. La route 347 est une route à 2 voies. La vitesse maximale permise est de 90 km/h (55 mi/h). La densité de trafic moyenne est de 3000 véhicules par jour.

    En 2000, le CN a modifié le dispositif d'avertissement à ce passage à niveau en ajoutant des barrières et des feux clignotants sur porte-à-faux. En 2001, le ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l'Électrification des transports du Québec a installé des panneaux de signalisation avancée Note de bas de page 4. Ces panneaux sont situés à environ 700 pieds (213 m) du passage à niveau aux 2 approches routières (figure 2). Un bâtiment agricole et une meunerie étaient situés de part et d'autre de la voie ferrée. Le bâtiment agricole, d'une superficie d'environ 4000 pieds carrés (371 mètres carrés), longeait la voie ferrée sur approximativement 100 pieds (30,5 m). Il se trouvait dans le quadrant sud-ouest, à environ 70 pieds (21 m) de la route et 45 pieds (14 m) de la voie ferrée.

    Figure 2. Panneau de signalisation avancée actif
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    Figure 2. Panneau de signalisation avancée actif

    Un examen des distances de visibilité a révélé que les véhicules routiers venant de l'ouest et roulant à la vitesse permise devenaient perceptibles, à un observateur placé au quadrant sud-est du passage à niveau, 17 secondes avant de franchir le passage à niveau, soit à une distance d'environ 1400 pieds (427 m).

    Examen des lieux

    La multi-grue est restée debout et s'est immobilisée en formant un angle d'environ 45° avec le centre de la voie ferrée (figure 3). Elle a obstrué entièrement le passage à niveau pendant plusieurs heures. Les roues de guidage ont déraillé et encoché le revêtement bitumineux de la route.

    Figure 3. Lieu de l'accident
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     Figure 3. Lieu de l'accident

    La multi-grue a été lourdement endommagée. Les vitres de chaque côté de la cabine de conduite ont été fracassées. Le blocage de la flèche de la multi-grue était brisé et la flèche tournée d'environ 30°. Les appareils fixés à l'extrémité de la flèche et les composants assujettis à l'avant de la multi-grue ont été détruits (figure 4).

    Figure 4. Vue de l'avant de la multi-grue
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    Figure 4. Vue de l'avant de la multi-grue

    Le camion, constitué d'un tracteur et d'une remorque chargée de sable, était immobilisé sur la chaussée à environ 150 pieds (46 m) à l'est du passage à niveau. Le tracteur et la remorque sont demeurés attachés et étaient placés en portefeuille (figure 5). Le tracteur a été lourdement endommagé. L'avant de la cabine portait des marques d'impact au-dessus de la portière du passager. Le toit et une partie de l'arrière de la cabine ont été arrachés et projetés dans le fossé.

    La remorque a subi des dommages importants. L'avant a été bosselé, et les parois latérales de la benne et plusieurs raidisseurs ont été déchirés. L'articulation du système de toile de la benne basculante a été disloquée.

    Figure 5. Position finale du camion semi-remorque
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    Figure 5. Position finale du camion semi-remorque

    La voie ferrée et le passage à niveau ont subi des dommages mineurs. Deux feux clignotants situés au quadrant nord-est du dispositif d'avertissement ont été arrachés.

    Déversement

    Le réservoir de carburant du côté droit du camion a été perforé et a perdu la totalité de son contenu. Le carburant diesel et des huiles provenant de la multi-grue se sont répandus au passage à niveau et sur le chemin de gravier donnant accès à la meunerie. Environ 600 litres de produits pétroliers se sont déversés sur le sol et ont été contenus à l'aide de produits absorbants.

    Renseignements sur la voie

    La subdivision de Joliette consiste en une voie principale simple qui va du triage Garneau, point milliaire 40,1, à Pointe-aux-Trembles (Québec), point milliaire 127,8. Le mouvement des trains est régi par le système de régulation de l'occupation de la voie autorisé en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire posté à Montréal (Québec). Le trafic sur la subdivision est d'environ 5 trains de marchandises et 1 train de voyageurs par jour.

    Dans les environs du lieu de l'accident, la voie est classée comme voie de catégorie 4 aux termes du Règlement concernant la sécurité de la voie (RSV) approuvé par Transports Canada (TC). La vitesse maximale autorisée sur la subdivision de Joliette, entre les points milliaires 87,5 et 101,0, est de 60 mi/h (97 km/h) pour les trains de voyageurs et de 50 mi/h (81 km/h) pour les trains de marchandises.

    Dans le secteur de l'accident, les inspections ont été effectuées conformément aux dispositions du RSV et n'ont révélé aucun défaut nécessitant une correction urgente.

    Les inspections suivantes ont été effectuées :

    • La dernière inspection de routine a été effectuée le 16 août 2016 à bord d'un véhicule rail-route.
    • La plus récente auscultation des défauts internes des rails a été faite le 19 juillet 2016.
    • Une inspection de l'état géométrique de la voie a été exécutée à l'aide d'une voiture d'évaluation de la voie le 29 juillet 2016.

    Le système d'avertissement du passage à niveau a fait l'objet de vérifications régulières. La dernière inspection hebdomadaire qui consiste à vérifier les feux clignotants, la sonnerie et le mouvement des barrières a été effectuée le 11 août 2016 par le CN; aucune défectuosité n'a été remarquée.

    Trajet du convoi

    Au cours du quart de travail qui a débuté à 18 h 30 le 17 août 2016, des travaux de remplacement de rail avaient été entrepris par le service de l'Ingénierie du CN. Après que ces travaux ont été terminés, l'équipe devait déplacer tout le matériel de travaux et les équipements spécialisés vers la gare de Joffre, près de Charny (Québec), pour les travaux suivants. Le déplacement devait s'étaler sur 2 nuits, avec la première partie entre Joliette (Québec) et le triage Garneau et la seconde partie entre le triage Garneau et Charny.

    La distance à franchir entre le site des travaux et Charny était approximativement de 150 milles (244 km) par la voie ferrée. Une centaine de passages à niveau publics équipés de dispositifs d'avertissement devaient être croisés par le convoi. Lors du déplacement d'un convoi, des signaleurs doivent assurer le passage des véhicules d'entretien en toute sécurité. Les passages à niveau requérant une protection manuelle par signaleur étaient déterminés par une évaluation des conditions locales de trafic et de visibilité par le contremaître responsable.

    Signaleur

    Le signaleur, posté au passage à niveau de la route 347, est entré au service de la compagnie en mars 2015 pour occuper la fonction d'agent de la voie pour les équipes régionales de production. Son travail d'agent de la voie des équipes de production touche à toutes les activités entourant l'entretien de la voie ferrée et inclut la tâche de signaleur pour la protection des véhicules d'entretien aux passages à niveau qu'il a déjà effectuée à plusieurs reprises.

    Le signaleur satisfaisait aux normes en matière de repos et de condition physique et répondait aux exigences de son poste. Le signaleur dormait environ 8 heures le jour avant ses quarts de travail et n'avait pas de problème de sommeil. Il était en repos le 12 et le 13 août 2016. Il a repris le travail le 14 août. Son quart de travail débutait à 18 h 30 et durait 8 heures. La nuit de l'accident, son travail d'agent de la voie consistait à porter assistance à toutes les étapes entourant le remplacement de sections de rails et à exécuter des travaux connexes.

    Le signaleur était familier avec la subdivision de Joliette, mais il ne connaissait pas les particularités des passages à niveau du territoire. À la fin des travaux, il a été chargé d'assurer la protection du passage à niveau de la route 347. Il portait son équipement de protection individuelle Note de bas de page 5 conformément aux exigences de la compagnie et disposait d'une lampe frontale à lumière blanche (figure 6).

    Figure 6. Lampe frontale à lumière blanche
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    Figure 6. Lampe frontale à lumière blanche

    Les lampes frontales à lumière blanche utilisées par les travailleurs, lors des travaux de nuit, produisent une luminosité d'environ 200 lumens Note de bas de page 6. Selon le type de phares installés sur un véhicule routier, la luminosité produite peut varier entre 1200 lumens et 1600 lumens pour un phare halogène contre 3200 lumens pour un phare au xénon. Donc, la conspicuité Note de bas de page 7 visuelle de la lampe frontale à lumière blanche utilisée par le signaleur a été surclassée par les phares du camion.

    Le signaleur a été déposé au passage à niveau de la route 347 par un véhicule en tête du convoi. Il s'est posté à l'est du passage à niveau et a autorisé le passage des 7 premiers VE. Il a ensuite fait signe à la multi-grue de passer après s'être assuré qu'aucun véhicule routier n'était visible. Au moment où la multi-grue se trouvait à environ 400 pieds (122 m) du passage à niveau, le signaleur a aperçu les lumières d'un véhicule routier qui s'approchait depuis l'ouest. Il s'est déplacé vers le centre du passage à niveau et a fait des signaux (balancement de haut en bas) avec sa lampe frontale à lumière blanche pour tenter d'arrêter le véhicule tout en continuant à indiquer à l'opérateur de la multi-grue de continuer à avancer. Lorsque le signaleur a constaté que le véhicule routier ne ralentissait pas, il a sauté dans le fossé pour se protéger.

    Opérateur de la multi-grue

    L'opérateur de la multi-grue est entré au service de la compagnie en juin 1983, pour occuper la fonction d'agent de la voie. Il est devenu opérateur matériel de travaux au début des années 1990. Il satisfaisait aux normes en matière de repos et de condition physique, répondait aux exigences de son poste et était familier avec le territoire.

    L'opérateur était en repos le 12 et le 13 août 2016. Il a repris le travail le 14 août. Son quart de travail débutait à 17 h 30 et durait 9 heures. La nuit de l'accident, son travail d'opérateur consistait à soulever des charges variées, incluant les sections de rails.

    Multi-grue

    La multi-grue est un VE rail/route utilisé pour la manutention des rails et des traverses. Elle pèse environ 65 000 livres (30 000 kg). Un examen du dossier mécanique de la multi-grue n'a montré aucun défaut demandant une réparation. La multi-grue subissait une inspection quotidienne et des inspections planifiées après 50 heures, 200 heures et 1500 heures de service. Les inspections suivantes ont été effectuées :

    • La dernière inspection quotidienne a été effectuée le 16 août 2016. Tous les niveaux d'huile et les freins ont été vérifiés.
    • La plus récente inspection aux 50 heures a été faite le 8 août 2016.
    • La plus récente inspection aux 200 heures a été faite le 2 août 2016.
    • La plus récente inspection aux 1500 heures a été faite le 8 décembre 2015.

    Plusieurs tests de freinage sur rail sont inscrits au registre de la multi-grue. Ils indiquent qu'à une vitesse approximative de 15 mi/h (24 km/h), une distance d'environ 75 pieds (23 m) est nécessaire pour un arrêt complet.

    Après avoir quitté le site des travaux au point milliaire 95,95, avec tous ses phares et lumières d'appoint allumés, la multi-grue a traversé 9 passages à niveau dont 3 qui n'avaient aucun signaleur. À ces 3 passages à niveau, l'opérateur s'est arrêté complètement et a regardé des 2 côtés avant de les franchir. De plus, l'opérateur a informé à chaque arrêt le véhicule qui le suivait pour éviter les collisions entre les véhicules rail-route.

    Tel que précisé à l'article 10.5 des Instructions générales de l'Ingénierie (IGI) du CN, Note de bas de page 8 les VE dont l'isolement est endommagé ou défectueux doivent être réparés sans délai. Les VE rail/route sont isolés électriquement pour ne pas activer la signalisation ferroviaire ni les dispositifs d'avertissement des passages à niveau. L'ensemble de la flotte de machinerie spécialisée pour les travaux en voie présente les mêmes caractéristiques.

    Conducteur du camion semi‑remorque

    Le conducteur du camion semi-remorque satisfaisait aux normes en matière de repos et de condition physique et répondait aux exigences de son poste. Il avait environ 30 années d'expérience dans la conduite de véhicules lourds. Il avait commencé son quart de travail vers 2 h du matin. Il avait eu plus de 48 heures de repos depuis son dernier voyage. Il avait chargé son camion à une sablière située à environ 40 km du passage à niveau et devait le décharger à une usine à béton située à Laval (Québec). Le conducteur connaissait bien le territoire et empruntait souvent ce trajet.

    Camion semi-remorque

    Le camion semi-remorque était constitué d'un tracteur et d'une remorque à benne basculante chargée de sable. Le poids brut de l'ensemble était d'environ 58 000 kg (127 800 livres). Le tracteur était un Kenworth de l'année 2003, alors que la remorque était une Stargate de l'année 2006. Ils étaient tous les deux munis de freins antiblocage. Ils étaient immatriculés dans la province de Québec et avaient passé avec succès leur dernière inspection annuelle de sécurité. Le tracteur et la remorque ont été examinés par des contrôleurs routiers. Aucun défaut mécanique préexistant n'a été relevé.

    Selon une étude de la National Highway Traffic Safety Administration des États‑Unis Note de bas de page 9, la distance moyenne de freinage pour un camion semi-remorque similaire à celui en cause dans cet accident et roulant à une vitesse de 55 mi/h (90 km/h) est d'approximativement 300 pieds (91 m). Si l'on ajoute un temps de réaction moyen de 2,5 secondes, la distance d'arrêt pour ce véhicule est d'environ 500 pieds (152 m).

    Méthode de protection aux passages à niveau

    Les IGI ont établi des pratiques qui visent à mettre en place des méthodes et des instructions permettant au personnel du chemin de fer d'assurer sans danger la protection manuelle aux passages à niveau. Le CN privilégie 3 façons pour traverser un passage à niveau avec un VE ou un autre type d'équipement isolé :

    1. S'arrêter au passage à niveau et avant de le traverser, s'assurer qu'il n'y a pas de mouvement incompatible.
    2. Activer le dispositif d'avertissement existant du passage à niveau.
    3. Utiliser un signaleur.

    Les IGI indiquent que le conducteur d'un VE doit céder la priorité aux véhicules routiers sauf lorsque la protection est assurée soit par un dispositif d'avertissement activé, soit par un signaleur selon les consignes de protection manuelle aux passages à niveau Note de bas de page 10. Il n'est pas précisé dans les IGI que le signaleur doit céder la priorité aux véhicules routiers au détriment des VE ferroviaires.

    Équipement de signalisation

    Les IGI mentionnent que, pour permettre l'exécution de la tâche prévue lors de travaux de jour à un passage à niveau qui exigent une protection, chaque signaleur doit être muni d'un panneau mobile approuvé « ARRÊT/LENTEMENT », d'un gilet à bandes réfléchissantes approuvé haute visibilité, de l'équipement de protection individuelle prescrit et d'un moyen de communiquer efficacement avec un signaleur hors de son champ de vision. Les instructions précisent que « dans l'obscurité ou en toute autre situation où la visibilité est mauvaise, il faut […] fournir à chaque signaleur une lampe de poche qui peut être munie d'un bâton rouge de signalisation ou d'une torche à flamme rouge » Note de bas de page 11. Tout le matériel de contrôle de la circulation, y compris les panneaux indicateurs et l'équipement de protection individuelle, doit être en bon état de propreté et d'utilisation.

    Au moment de l'accident, le signaleur n'avait que son équipement de protection individuelle et sa lampe frontale à lumière blanche. D'autres signaleurs postés à d'autres passages à niveau avaient un équipement similaire. Aucun signaleur n'était en possession d'une clé permettant d'activer le dispositif d'avertissement d'un passage à niveau dont ils devaient en assurer la protection manuellement.

    Procédure de signalisation

    Pour donner un signal d'alerte ou de ralentissement de nuit aux usagers de la route, le signaleur doit leur faire face et, bras étendu, présenter de la main droite le panneau mobile « ARRÊT/LENTEMENT » et balancer, de la main gauche, depuis la hauteur de l'épaule jusqu'en bas, une lampe de poche avec bâton rouge de signalisation.

    De plus, les IGI, tout comme la circulaire 13, Pratiques recommandées pour la protection manuelle des passages à niveau, de l'Association des chemins de fer du Canada, stipulent en partie que le signaleur doit se poster en lieu sûr sur le côté de la route dont il a la charge et avoir une bonne vue de la circulation qui approche. Il doit faire tous les mouvements et donner tous les signaux nécessaires au contrôle de la circulation d'une manière précise et délibérée de façon à être bien compris. Il doit envoyer aux usagers de la route un message conforme à celui qu'ils reçoivent dans d'autres situations de protection routière par signaleur. Note de bas de page 12

    L'enquête a déterminé que les signaux manuels transmis par les signaleurs aux passages à niveau n'étaient pas conformes à la procédure décrite ci-dessus.

    Formation du personnel de l'Ingénierie

    Les nouveaux employés de l'Ingénierie reçoivent de la formation sur les règles, les instructions générales et les procédures touchant leur champ d'activité. De mars 2015 à juillet 2016, le signaleur en cause dans l'événement a suivi 44 cours dont les formations intitulées « Initiation aux Instructions générales de l'Ingénierie » et « La conduite sécuritaire des véhicules d'entretien » qui traitaient spécifiquement de la protection manuelle aux passages à niveau. Les IGI ne sont pas revues en détail; cependant, chaque employé reçoit un exemplaire des IGI pour les consulter au besoin.

    Surveillance

    Le CN a établi les instructions et la formation pour gérer les risques liés à la sécurité aux passages à niveau. Il se sert des tests d'efficacité afin d'attester que les membres du personnel (ou autres personnes) utilisent les équipements requis et appliquent correctement les procédures de protection manuelle des passages à niveau. Ces tests d'efficacité sont des mesures de surveillance des mécanismes de contrôle pour la gestion des risques liés à la traversée d'un passage à niveau. Au cours de l'année avant l'accident, 4 vérifications liées aux instructions de protection manuelle au passage à niveau ont été effectuées pour les équipes de production de l'Est. Aucun test d'efficacité portant sur la protection manuelle aux passages à niveau n'a été consigné dans la base de données de la compagnie ferroviaire pour le signaleur en cause dans cet événement.

    Vigilance durant le quart de nuit

    Le facteur qui aurait pu augmenter le risque de fatigue (annexe A) présent au moment de l'accident était la période de travail entre 0 h et 6 h. Presque toutes les fonctions du corps sont régies par les rythmes circadiens. L'effet le plus important sur l'être humain est de le programmer à être réveillé le jour et endormi la nuit avec 2 périodes de somnolence. La période de somnolence principale se produit en général entre 3 h et 5 h, et la période de somnolence secondaire en après-midi. Indépendamment de la motivation d'une personne et de la situation, il peut être difficile de rester vigilant et le rendement cognitif peut être réduit durant ces périodes.

    Statistiques du BST

    Selon la base de données des événements ferroviaires du BST, entre 2007 et 2016, il y a eu 65 événements mettant en cause un VE à un passage à niveau. Parmi ces événements, 39 se sont produits à des passages à niveau équipés de dispositifs d'avertissement et, à 28 reprises, il s'agissait de VE qui étaient isolés et ne pouvaient pas activer le dispositif d'avertissement des passages à niveau. Pendant cette période, 11 accidents sont survenus de nuit (figure 7). De plus, 2 accidents se sont produits lorsque des signaleurs assuraient une protection aux passages à niveau et que le dispositif d'avertissement n'était pas activé.

    Figure 7. Accidents aux passages à niveau mettant en cause des véhicules d'entretien, de jour et de nuit, de 2007 à 2016
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    Figure 7. Accidents aux passages à niveau mettant en cause des véhicules d'entretien, de jour et de nuit, de 2007 à 2016

    Analyse

    Comme l'état du passage à niveau et des véhicules en cause dans l'accident n'a joué aucun rôle, l'analyse se concentrera sur les procédures de signalisation pour la protection manuelle d'un convoi de véhicules d'entretien (VE) et la gestion des risques qui leur sont associés.

    L'accident

    Lorsque la multi-grue se trouvait à environ 400 pieds (122 m) du passage à niveau, le signaleur a indiqué à l'opérateur de traverser le passage à niveau. Le signaleur a par la suite aperçu les lumières d'un véhicule routier qui s'approchait depuis l'ouest. Comme les phares du camion semi-remorque (camion) seraient devenu visibles à environ 1400 pieds (427 m) du passage à niveau, il y aurait eu suffisamment de temps au signaleur pour arrêter la multi-grue.

    Cependant, le signaleur a eu comme réaction de poursuivre son plan initial de faire passer la multi-grue au lieu de laisser la priorité au véhicule routier. Le signaleur s'est placé du côté ouest du passage à niveau en brandissant sa lampe frontale à lumière blanche vers la route pour tenter d'alerter le conducteur du camion plutôt que de donner un signal d'arrêt à l'opérateur de la multi-grue. La priorité a été donnée au VE circulant sur la voie ferrée plutôt qu'au véhicule routier; conséquemment, l'opérateur de la multi-grue n'a pas réduit sa vitesse, ayant reçu l'aval du signaleur de continuer d'avancer.

    Juste après avoir dépassé le bâtiment agricole adjacent à la voie qui lui masquait la vue dans le quadrant sud-ouest, l'opérateur a aperçu les phares du camion en mouvement. La multi‑grue se trouvait alors à environ 70 pieds (21 m) du passage à niveau, soit à une distance moindre que la distance d'arrêt. Lorsque l'opérateur a constaté que le camion continuait de s'approcher, la multi-grue n'était plus en mesure de s'arrêter avant le passage à niveau, s'est engagée sur le passage à niveau et a heurté la partie avant du camion.

    Priorité de passage selon les Instructions générales de l'Ingénierie

    Les Instructions générales de l'Ingénierie (IGI) stipulent aux conducteurs de VE qu'ils doivent céder la priorité aux véhicules routiers sauf lorsque la protection est assurée soit par un dispositif d'avertissement activé, soit par un signaleur. En contrepartie, les IGI ne précisent pas qu'un signaleur posté à un passage à niveau doit également donner la priorité aux véhicules routiers lorsqu'il assure la protection pour un convoi. Si les IGI ne précisent pas qu'un signaleur doit donner la priorité aux véhicules routiers, il peut exister une ambiguïté quant aux actions à exécuter par un signaleur, ce qui augmente les risques d'accident.

    Panneau de signalisation avancée et dispositif d'avertissement de passage à niveau non activés

    Les conducteurs de véhicules routiers élaborent continuellement des modèles mentaux, soit des structures internes qui permettent de décrire, d'expliquer et de prévoir des événements et des situations qui surviennent dans leur environnement. Ces modèles mentaux sont développés en fonction de plusieurs facteurs, dont l'expérience, les connaissances, la perception et la compréhension des indices externes dans l'environnement de travail.

    Comme les conducteurs ne rencontrent généralement pas de trains aux passages à niveau, chaque contact avec un de ces passages renforce leur perception que l'arrivée d'un train est improbable. Un examen de la documentation à ce sujet par Yeh et Multer Note de bas de page 13 a permis de déterminer que les conducteurs qui connaissent bien un passage à niveau sont moins susceptibles de regarder si un train s'en vient ou de ralentir à l'approche de ce passage que les conducteurs qui ne connaissent pas bien ce passage. Dans le cas de passages à niveau protégés, l'activation des dispositifs d'avertissement fournit des stimuli visuels et auditifs pour alerter les conducteurs tout en renforçant leur perception que l'activation des dispositifs est associée à l'arrivée d'un train et, par conséquent, la non-activation de ces dispositifs indiquerait l'absence d'un train ou d'un matériel roulant sur la voie ferrée.

    Pour les véhicules routiers s'approchant de l'ouest sur la route 347, les feux clignotants du panneau de signalisation avancée, lorsqu'ils sont activés, sont visibles à une distance suffisante pour permettre d'alerter les véhicules de la présence d'un train au passage à niveau. Toutefois, la nuit de l'événement, ni le panneau de signalisation avancée ni le dispositif d'avertissement du passage à niveau n'ont été activés car la multi-grue était électriquement isolée et le signaleur n'avait pas actionné manuellement le dispositif d'avertissement. Étant donné que le panneau de signalisation avancée et le dispositif d'avertissement du passage à niveau n'étaient pas activés, le conducteur du camion s'attendait à ce que le passage à niveau soit libre et ne s'est donc pas préparé à immobiliser son camion au passage à niveau.

    Conspicuité de la lampe frontale

    Une fois qu'un modèle mental a été établi, il est difficile de le modifier. Pour que les personnes modifient leurs modèles mentaux, de nouveaux modèles doivent les remplacer, et ces nouveaux modèles doivent être corroborés par de nouveaux renseignements suffisamment convaincants qui justifient la mise à jour des modèles mentaux. Dans le cas d'un passage à niveau dont les dispositifs d'avertissement sont non activés alors qu'il est occupé par du matériel roulant, les stimuli fournis doivent être suffisamment puissants pour altérer le modèle mental existant des conducteurs de véhicules routiers et les rendre conscients des dangers imminents pour qu'ils prennent les mesures qui s'imposent.

    Comme le conducteur du camion roulait sur un tronçon de route qu'il connaissait bien et comme les feux clignotants du panneau de signalisation avancée et du dispositif d'avertissement de passage à niveau n'étaient pas activés, son attention n'était pas concentrée spécifiquement sur le passage à niveau et il n'a donc pas remarqué à temps le signaleur qui lui faisait signe d'arrêter. De plus, la conspicuité visuelle de la lampe frontale à lumière blanche utilisée par le signaleur a été surclassée par les phares du camion, rendant sa détection plus difficile. De toute manière, l'équipement de protection individuelle et la lumière frontale à lumière blanche utilisée par le signaleur ne constituaient pas des stimuli suffisamment puissants pour alerter le conducteur et le rendre conscient qu'il y avait une situation anormale au passage à niveau.

    Par ailleurs, le bâtiment adjacent à la route et la végétation environnante du quadrant sud-ouest restreignaient la ligne de visibilité vers le sud et empêchaient le conducteur de voir toutes les lumières allumées de la multi-grue qui s'approchait sur la voie ferrée. Lorsque le conducteur du camion a aperçu le signaleur qui lui faisait signe de s'arrêter, le camion était trop près pour pouvoir s'arrêter avant le passage à niveau et a été heurté par la flèche de la multi-grue au moment où il s'est engagé dans le passage à niveau.

    Procédures de signalisation manuelle

    Les entrevues menées auprès d'un échantillon d'employés de l'Ingénierie qui remplissaient le rôle de signaleur ont révélé que les signaux manuels transmis par les signaleurs aux passages à niveau n'étaient pas conformes à la procédure décrite dans les IGI et variaient d'un signaleur à l'autre. De plus, les IGI précisent que les signaleurs doivent donner tous les signaux nécessaires au contrôle de la circulation d'une manière précise et délibérée de façon à être bien compris. Par ailleurs, les signaleurs doivent envoyer aux usagers de la route un message conforme à celui qu'ils reçoivent dans d'autres situations de protection routière par signaleur. Si des employés n'appliquent pas les procédures relatives à la signalisation manuelle aux passages à niveau en conformité avec les IGI, ceci peut entraîner de fausses interprétations, augmentant ainsi les risques de collision.

    Équipements des signaleurs

    Selon les IGI, un signaleur doit être muni de plusieurs pièces d'équipement lui permettant d'assurer la protection manuelle aux passages à niveau. L'équipement prescrit dans les IGI (lampe de poche munie d'un bâton rouge de signalisation ou d'une torche à flamme rouge et panneau mobile approuvé « ARRÊT/LENTEMENT ») pour interpeller le conducteur du véhicule routier ne correspond peut-être pas aux attentes des conducteurs pour indiquer que le passage est occupé par un matériel roulant. Cependant, un signaleur doté de l'équipement prescrit dans les IGI aurait augmenté sa conspicuité et aurait permis d'augmenter les chances d'interpeller à temps le conducteur du camion et d'éviter la collision.

    Le signaleur posté au passage à niveau de la route 347 n'avait ni l'équipement prescrit dans les IGI ni de radio pour communiquer avec les opérateurs du convoi. D'ailleurs, aucun des autres signaleurs n'était en possession de tous les équipements prescrits dans les IGI. Des adaptations peuvent être faites aux règles et aux procédures au fil du temps et ces adaptations deviennent des pratiques acceptées. Si l'équipement nécessaire à la signalisation aux passages à niveau n'est pas utilisé, les procédures ne peuvent pas être exécutées tel que prescrit, ce qui augmente les risques d'accident.

    Tests d'efficacité

    Lors de leur formation, les nouveaux employés suivent une multitude de cours incluant ceux qui traitent de la protection manuelle des passages à niveau. Même si les sujets ne sont pas revus en détail, chaque employé reçoit un exemplaire des IGI et peut les consulter au besoin. Cependant, on a noté qu'il y avait quelques lacunes dans l'application des IGI. En effet, le matériel nécessaire à la protection manuelle des passages à niveau n'était pas toujours utilisé. Les signaux manuels transmis par les signaleurs aux passages à niveau divergeaient de la procédure décrite dans les IGI et variaient d'un signaleur à l'autre. Par ailleurs, il pourrait exister une ambiguïté dans les IGI quant à la priorité à donner aux véhicules routiers.

    La compagnie ferroviaire a mis en place des mesures de contrôle pour gérer les risques associés aux croisements des passages à niveau par les VE. Les tests d'efficacité sont des moyens de surveillance pour vérifier et valider les mesures de contrôle et d'atténuation des risques. Dans le cas des tâches associées à la protection manuelle aux passages à niveau, ces tests peuvent permettre de vérifier que le personnel comprend et exécute les instructions telles que prescrites. De plus, ces tests pourraient permettre d'identifier si les équipes utilisent tous les équipements prescrits pour exécuter leurs tâches en toute sécurité.

    Au cours de l'année avant l'accident, 4 vérifications liées aux instructions de protection manuelle au passage à niveau ont été effectuées pour les équipes de production de l'Est. Cependant, le signaleur en cause dans l'événement n'a jamais subi de test d'efficacité concernant la protection manuelle aux passages à niveau et, de plus, peu de tests liés à la protection manuelle aux passages à niveau ont été effectués pour l'ensemble des équipes de production. De ce fait, les lacunes associées à l'application des IGI n'ont pas été identifiées et corrigées. Si des tests d'efficacité ne sont pas effectués avec une fréquence suffisante pour vérifier et valider les mesures de contrôle aux passages à niveau protégés par des signaleurs, les manquements à la sécurité ne seront pas identifiés, ce qui augmente les risques au public.

    Baisse de vigilance durant le quart de nuit

    La protection au passage à niveau a eu lieu environ 9 heures après le début du quart de travail du signaleur, lors d'une période généralement associée à une baisse de vigilance et de réduction cognitive, soit entre 3 h et 5 h du matin. Le signaleur a détecté la présence d'un véhicule routier, ce qui indique un degré de vigilance même s'il s'attendait à peu sinon aucune circulation routière durant cette période de la nuit. De plus, le fait que le signaleur a donné la priorité au véhicule ferroviaire plutôt qu'au véhicule routier peut s'expliquer par une réaction de continuer avec le plan initial et non pas nécessairement par une réduction du rendement cognitif. Conséquemment, le fait que le signaleur travaillait de nuit durant une période généralement associée à une baisse de rendement n'a pas influé sur son rendement.

    Évaluation du type de protection

    Sur le trajet entre le site des travaux et Charny (Québec), il y a une centaine de passages à niveau publics équipés de dispositifs d'avertissement. Les passages à niveau requérant une protection manuelle par signaleur sont déterminés par une évaluation sommaire des conditions locales de trafic et de visibilité par le contremaître responsable. Même si les conditions et spécificités de chaque passage à niveau ne sont pas toutes connues et prises en considération dans cette évaluation, cette approche est suffisante dans la plupart des situations. Si les panneaux de signalisation avancés à feux clignotants ne sont pas activés lorsque le passage à niveau est occupé, le moyen de défense assuré par le panneau de signalisation avancé est annulé, ce qui peut augmenter les risques d'accident.

    Faits établis

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    1. La priorité a été donnée au véhicule d'entretien circulant sur la voie ferrée plutôt qu'au véhicule routier; conséquemment, l'opérateur de la multi-grue n'a pas réduit sa vitesse, ayant reçu l'aval du signaleur de continuer d'avancer.
    2. Lorsque l'opérateur a constaté que le camion continuait de s'approcher, la multi-grue n'était plus en mesure de s'arrêter avant le passage à niveau, elle s'est engagée sur le passage à niveau, et a heurté la partie avant du camion.
    3. Étant donné que le panneau de signalisation avancée et le dispositif d'avertissement du passage à niveau n'étaient pas activés, le conducteur du camion s'attendait à ce que le passage soit libre et ne s'est donc pas préparé à immobiliser son camion au passage à niveau.
    4. L'équipement de protection individuelle et la lumière frontale à lumière blanche utilisée par le signaleur ne constituaient pas des stimuli suffisamment puissants pour alerter le conducteur et le rendre conscient qu'il y avait une situation anormale au passage à niveau.
    5. Lorsque le conducteur a aperçu le signaleur qui lui faisait signe de s'arrêter, le camion était trop près pour pouvoir s'arrêter avant le passage à niveau et a été heurté par la flèche de la multi-grue au moment où il s'est engagé dans le passage à niveau.

    Faits établis quant aux risques

    1. Si les Instructions générales de l'Ingénierie ne précisent pas qu'un signaleur doit donner la priorité aux véhicules routiers, il peut exister une ambiguïté quant aux actions à exécuter par un signaleur, ce qui augmente les risques d'accident.
    2. Si des employés n'appliquent pas les procédures relatives à la signalisation manuelle aux passages à niveau en conformité avec les Instructions générales de l'Ingénierie, ceci peut entraîner de fausses interprétations, augmentant ainsi les risques de collision.
    3. Si l'équipement nécessaire à la signalisation aux passages à niveau n'est pas utilisé, les procédures ne peuvent pas être exécutées tel que prescrit, ce qui augmente les risques d'accident.
    4. Si des tests d'efficacité ne sont pas effectués avec une fréquence suffisante pour vérifier et valider les mesures de contrôle aux passages à niveau protégés par des signaleurs, les manquements à la sécurité ne seront pas identifiés, ce qui augmente les risques au public.
    5. Si les panneaux de signalisation avancés à feux clignotants ne sont pas activés lorsque le passage à niveau est occupé, le moyen de défense assuré par le panneau de signalisation avancé est annulé, ce qui peut augmenter les risques d'accident.

    Autres faits établis

    1. Un signaleur doté de l'équipement prescrit dans les Instructions générales de l'Ingénierie aurait augmenté sa conspicuité et aurait permis d'augmenter les chances d'interpeller à temps le conducteur du camion et d'éviter la collision.

    Mesures de sécurité

    Mesures de sécurité prises

    Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    À la suite de l'accident, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a émis un bulletin de sécurité intitulé « Méthode de protection par signaleur à utiliser pour faire passer du matériel de travaux sur les passages à niveau » Note de bas de page 14.

    Le bulletin mentionne que, lorsque la circulation est dense, que la visibilité est mauvaise ou qu'il y a d'autres conditions particulières, il faut rencontrer certaines conditions avant de protéger un passage à niveau au moyen d'un signaleur.

    Entre autres, le signaleur doit avoir en sa possession les articles suivants :

    • clé pour bornes ou outil pour accéder aux dispositifs de protection de passage à niveau;
    • panneau mobile Arrêt réflectorisé;
    • radio pour communiquer avec les conducteurs de matériel et s'assurer que les instructions sont bien comprises;
    • lampe de poche avec bâton rouge de signalisation pour la protection le soir.

    Il est également mentionné que, si ces articles ne sont pas disponibles chez les fournisseurs, il faut les acheter dans un commerce local le plus rapidement possible. De plus, si les articles ne sont pas disponibles immédiatement, il faut arrêter le matériel roulant, confirmer que le passage à niveau est libre, puis autoriser le franchissement du passage à niveau. Il se peut que certaines situations nécessitent la présence de plus d'un signaleur. Pendant la séance de briefing, il faut décrire les situations à haut risque.

    Aussi, même s'il y a un signaleur, le conducteur doit prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer que le passage est libre. Avant d'accomplir sa tâche, le signaleur doit bien comprendre les règles à respecter décrites dans la Méthode de protection par signaleur à utiliser pour faire passer du matériel de travaux sur les passages à niveau, en vue d'améliorer la sécurité au franchissement des passages à niveau.

    Le CN a également distribué le Flash sécurité 2016-20, Collision à un passage à niveau, à tout son personnel de l'Ingénierie. Ce document relate les faits qui se sont produits lors de l'accident et précise les consignes à suivre pour éviter que ce type d'accident ne se répète.

    Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Facteurs affectant le risque de fatigue

    Les facteurs suivants Note de bas de page 15 peuvent augmenter le risque de fatigue :

    • poste d'une durée totale supérieure à 14 à 16 heures;
    • plus de 19 heures continues sans dormir;
    • période de travail entre 0 h et 6 h;
    • moins de 6 heures de sommeil dans une période de 24 heures;
    • périodes de repos trop courtes (moins de 8 heures) pour permettre de récupérer;
    • plus de 64 heures de travail continu (sans période de récupération) en 7 jours;
    • moins de 2 nuits consécutives de sommeil de récupération;
    • plus de 5 heures de travail continu sans au moins une pause de 30 minutes;
    • problème médical non diagnostiqué ou non traité (p. ex., apnée du sommeil) susceptible d'engendrer de la fatigue;
    • différences dans la capacité de dormir et dans la faculté d'adaptation (p. ex., âge, résistance);
    • qualité du sommeil.