Intrusion
Canadien Pacifique
Subdivision de North Toronto, près de Mississauga (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 18 mars 2018, vers 1 h 10, heure avancée de l'Est, le train de marchandises 651-796 (train 651) du Chemin de fer Canadien Pacifique roulait lentement vers l'ouest, quand 2 adolescentes sont montées sur le train au saut-de-mouton de l'avenue Howland à Toronto (Ontario). Lorsque le train a commencé à accélérer, elles ont été incapables de descendre à un passage à niveau non loin comme prévu. Quelque 20 milles plus loin, à Mississauga (Ontario), le train a ralenti, et les deux adolescentes ont sauté du train au passage à niveau public du chemin Wolfedale. Elles ont subi des blessures. Peu de temps après, vers 1 h 50, le train de marchandises 141-17 (train 141) du Chemin de fer Canadien Pacifique, qui roulait vers l'ouest à 23 mi/h, a heurté l'une des adolescentes qui était restée sur l'emprise, lui causant d'autres blessures graves. Les 2 adolescentes ont été transportées à l'hôpital pour recevoir des soins.
1.0 Renseignements de base
Le 17 mars 2018, 2 équipes de train du CP ont été appelées en service vers 23 hNote de bas de page 1. La première équipe devait conduire le train 651 vers l'ouest du triage de Toronto (point milliaire 197,0 de la subdivision de Belleville) jusqu'à London (Ontario) (point milliaire 114,6 de la subdivision de Galt). Le train 651 a quitté le triage de Toronto sur la voie principale 2 vers 0 h 40 le 18 mars 2018. Le train était constitué de 1 locomotive de tête, 2 wagons-tampons chargés et 92 wagons-citernes vides (contenant des résidus). Le train pesait environ 3600 tonnes et avait une longueur de quelque 5840 pieds. L'équipe de train était formée d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train; les deux étaient qualifiés pour leur poste respectif, répondaient aux exigences relatives au repos et à la condition physique, et connaissaient bien le territoire.
L'équipe du second train devait conduire le train 141 vers l'ouest, qui se rendait aussi à London. Le train 141 a quitté le triage de Toronto sur la voie principale 2 vers 0 h 50 le 18 mars 2018. Il était formé de 2 locomotives, 57 wagons chargés et 87 wagons vides; il pesait environ 10 700 tonnes et avait une longueur de quelque 8450 pieds. L'équipe de train était formée d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train; les deux étaient qualifiés pour leur poste respectif, répondaient aux exigences relatives au repos et à la condition physique, et connaissaient bien le territoire.
1.1 L'accident
Vers 1 h 05 le 18 mars 2018, la tête du train 651 s'est arrêtée au chemin Dovercourt, à Toronto (Ontario), où l'on peut apercevoir le signal d'approche 45-2 qui indique « De vitesse normale à arrêtNote de bas de page 2 », pour un croisement avec un train de marchandises vers l'estNote de bas de page 3. Le train 651 occupait la voie 2 et franchissait 4 sauts-de-moutonNote de bas de page 4, dont celui de l'avenue Howland (point milliaire 3,48 de la subdivision de North Toronto), à quelque 4700 pieds de la tête du train. Le train vers l'est est arrivé vers 1 h 10. Vers 1 h 15, le train 651 a reçu un signal d'arrêt permissif et s'est remis en route.
Peu après 1 h 15, les 2 adolescentes, qui habitaient dans les environs, marchaient du côté sud sur l'avenue Howland et ont aperçu le train 651 qui roulait lentement vers l'ouest. Elles sont montées sur le remblai immédiatement au nord-ouest du passage supérieur de l'avenue Howland et sont entrées sur l'emprise ferroviaire sans y être autorisées, par une ouverture entre la clôture et la barrière du passage supérieur (figure 1). Les adolescentes, qui étaient intoxiquées, sont montées sur le train. Elles avaient l'intention d'en descendre au saut-de-mouton de la rue Christie, situé à quelque 2600 pieds à l'ouest du saut-de-mouton de l'avenue Howland, et de là, se rendre au parc Christie Pits.
S'approchant du train, les 2 adolescentes sont montées sur un wagon-citerne près de la queue du train en gravissant l'échelle latérale et en se hissant sur la plateforme au-dessus du wagon, où le trou d'homme est situé (figure 2).
Les membres de l'équipe du train 651 n'ont pas remarqué les adolescentes et ont continué leur route vers l'ouest. Lorsque le train est arrivé au saut-de-mouton de la rue Christie, il avait atteint une vitesse à laquelle les adolescentes croyaient qu'elles seraient incapables d'en descendre en toute sécurité. Elles sont restées sur le dessus du wagon-citerne. Le train a continué d'accélérer, atteignant une vitesse d'environ 50 mi/h (vitesse limite de la voie).
À ce stade, les adolescentes commençaient à avoir très froid et à craindre pour leur sécurité, surtout lorsque le train traversait le pont ferroviaire surélevé enjambant le ruisseau Etobicoke, au point milliaire 11,7 de la subdivision de Galt. Elles ont appelé le 911 dans une tentative de faire immobiliser le train. Les Services de police de Toronto ont reçu un appel d'une femme indiquant qu'elle se trouvait sur le dessus d'un train en mouvement. Cependant, une coupure de la connexion téléphonique a empêché la communication de tous les détails. Les appels au 911 ont donc été infructueux. Un suivi du numéro a permis de situer le téléphone dans les environs du chemin Wolfedale.
Le train 651 s'est engagé sur une longue rampe au point milliaire 13 de la subdivision de Galt. Lorsque le train a commencé à perdre de la vitesse, les adolescentes ont descendu l'échelle latérale nord du wagon-citerne. Vers 1 h 40, à l'approche du passage à niveau du chemin Wolfedale (point milliaire 16,82, à 20 milles environ du point d'embarquement des adolescentes), le train roulait à une vitesse approximative de 20 mi/h. Croyant que le train avait suffisamment ralenti, les adolescentes ont sauté du wagon au passage à niveau du chemin Wolfedale. La première est tombée sur la chaussée et le matériau caoutchouté du passage à niveau. La seconde a sauté à l'extrémité ouest du passage et a roulé sur le ballast entre les voies 1 et 2 (figure 3).
Légende
- Zone où la première adolescente s'est retrouvée après avoir sauté du train 651
- Zone où la seconde adolescente s'est retrouvée après avoir sauté du train 651
- Zone où la seconde adolescente s'est retrouvée après avoir été heurtée par le train 141
Les 2 adolescentes se sont blessées en touchant le sol. L'une des deux pouvait se déplacer et est allée chercher de l'aide. Toutefois, l'autre avait subi des blessures plus graves et s'est trouvée temporairement immobilisée sur l'emprise ferroviaire.
Peu après, vers 1 h 50, le train suivant (train 141) s'approchait du passage à niveau du chemin Wolfedale à une vitesse de 23 mi/h, le sifflet actionnéNote de bas de page 5. Les membres de l'équipe ont aperçu ce qui leur semblait être un objet près du rail nord de la voie 2, juste au-delà du passage à niveau. Comme le train s'engageait sur le passage à niveau du chemin Wolfedale, la seconde adolescente (qui était désorientée) s'est levée et a commencé à marcher vers le sud en position accroupie, traversant la voie 2 dans le chemin du train en approche. C'est à ce moment que les membres de l'équipe ont réalisé que ce qu'ils avaient vu à côté du rail nord était une personne. Le mécanicien de locomotive a immédiatement déclenché un serrage d'urgence des freins et actionné le sifflet. Le train 141 n'a pu être immobilisé à temps et a heurté l'adolescente qui se trouvait maintenant près du rail sud de la voie 2. Elle s'est retrouvée contre le rail nord de la voie 3 et a subi d'autres blessures graves. Après l'arrêt du train 141, l'équipe a alerté le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF), qui a communiqué avec les premiers intervenants. Les 2 adolescentes ont été transportées à l'hôpital pour recevoir des soins.
Au moment de l'événement à l'étude, il faisait sombre, la température était de −5 °C et le vent soufflait du nord à 8 km/h.
1.2 Renseignements sur la subdivision et la voie
Les trains du CP en service de Toronto à London franchissent 3 subdivisions (Belleville, North Toronto et Galt) et traversent l'une des zones le plus peuplées du Canada. Ces trains quittent d'abord le triage de Toronto (point milliaire 197,0 de la subdivision de Belleville) et roulent vers l'ouest sur une distance de 9 milles, où ils entrent dans la subdivision de North Toronto. Se déplaçant sur cette subdivision du point milliaire 0,0 au point milliaire 5,9, les trains s'engagent ensuite dans la subdivision de Galt au point milliaire 4,9. La subdivision de Galt s'étend jusqu'au point milliaire 114,6 (London). L'exploitation des trains sur les subdivisions de Belleville et North Toronto, ainsi que dans les environs de l'événement dans la subdivision de Galt, est régie par le système de commande centralisée de la circulation, autorisée par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et supervisée par un CCF du CP en poste à Calgary (Alberta).
À l'avenue Howland à Toronto, la subdivision de North Toronto est formée d'une voie principale double (voies 1 et 2), ainsi que d'une voie d'embranchement parallèle et au nord de la voie 2. La vitesse maximale des trains dans cette zone est de 50 mi/h.
Au chemin Wolfedale à Mississauga, la subdivision de Galt comprend 3 voies principales parallèles orientées est-ouest. Les voies y sont numérotées 1, 2 et 3, la voie 1 étant la plus au nord.
Dans les environs du passage à niveau du chemin Wolfedale, la vitesse autorisée pour les trains de marchandises était de 60 mi/h. Cependant, en raison de la présence d'une rampe vers l'ouest entre les points milliaires 13 et 16,82, les trains de marchandises vers l'ouest roulent dans cette zone à des vitesses beaucoup plus lentes, en fonction de leur poids et de leur longueur.
1.3 Intrusion sur le domaine ferroviaire
D'après l'article 26.1 de la Loi sur la sécurité ferroviaire,« [i]l est interdit de pénétrer, sans excuse légitime, sur l'emprise d'une ligne de chemin de ferNote de bas de page 6 ». Dans cette loi, une ligne de chemin de fer est définie comme suit :
[s]ont compris dans une ligne de chemin de fer, à l'exclusion toutefois des ouvrages de franchissement, la signalisation, le système d'aiguillage et les dispositifs, ainsi que les ouvrages situés aux abords de la ligne, qui en facilitent l'exploitation, notamment pour le drainage.Note de bas de page 7
La Loi sur les contraventionsNote de bas de page 8 permet au gouvernement fédéral de désigner les infractions à une loi comme des contraventions de façon à ce qu'elles puissent être traitées par un système de contraventions plutôt que par des déclarations de culpabilité sommaire prévues dans le Code criminel. L'article 26.1 de la Loi sur la sécurité ferroviaire constitue une contravention en vertu de l'annexe X du Règlement sur les contraventions : « [p]our l'application de la Loi sur les contraventions, sont qualifiées de contraventions les infractions aux dispositions de textes énumérées à la colonne I des annexesNote de bas de page 9 ». Cela signifie qu'il est permis à des agents de police des chemins de fer et à tout autre agent de la paix de faire appliquer les dispositions sur les intrusions et d'imposer des amendes.
1.3.1 Application de la loi par les agents de police d'un chemin de fer relativement aux intrusions
Les 3 chemins de fer canadiens de catégorie I (le CP, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et VIA Rail Canada Inc.) disposent de leurs propres agents de police. Ces agents sont nommés par un juge de la cour supérieure du CanadaNote de bas de page 10 pour appliquer les lois du Canada ou d'une province, pourvu que leurs interventions aient pour but de protéger les biens qu'un chemin de fer possède, ou administre, ou dont elle est propriétaire, ainsi que les personnes et les biens sur leur propriété. Comme il est stipulé à la partie IV.1, paragraphe 44(3), de la Loi sur la sécurité ferroviaire, les agents de police des chemins de fer exercent leur compétence en tout lieu dans un rayon de 500 mètres des biens que la compagnie de chemin de fer possède ou administre, ou dont elle est propriétaire.
Les agents de police des chemins de fer ont les mêmes pouvoirs que tous les autres policiers désignés au Canada. Bien qu'étant des employés d'un chemin de fer, ils sont considérés comme des mandataires de la Couronne et, par conséquent, peuvent recourir à la force et garder en détention, arrêter, fouiller et contraindre des personnes à comparaître devant le tribunal.
Quand on signale une intrusion sur le domaine du CP, comme le long d'une emprise ferroviaire, un agent des Services de police du CP est généralement dépêché sur les lieux pour enquêter. Dans la plupart des cas, la personne aura quitté le domaine du chemin de fer à l'arrivée du policier. Si elle est appréhendée, on peut leur délivrer une assignation, y compris une sanction pécuniaire à la discrétion de l'agent qui est intervenu. Les Services de police du CP ciblent les zones d'intervention contre les intrusions en se basant sur les connaissances personnelles de ses agents et les plaintes reçues des cheminots et du public. Les mesures d'application de la loi comprennent des patrouilles dirigées et des campagnes d'information dans les zones à risque plus élevé.
Dans le sud de l'Ontario (London, Windsor, Hamilton et Toronto), les Services de police du CP possèdent un effectif total de 16 agents et de 2 sergents, dont 6 agents et 1 sergent en poste dans la région du Grand Toronto. Entre le 1er janvier 2018 et le 1er octobre 2018, le détachement de Toronto des Services de police du CP a délivré 154 contraventions ou assignations et 109 avertissements relativement à des intrusions. À titre de comparaison, en 2017, le même détachement a émis 83 contraventions ou assignations et 91 avertissementsNote de bas de page 11.
1.3.2 Application de la loi par les services de police locaux relativement aux intrusions
Sauf en cas d'entente avec le propriétaire de la voie (le chemin de fer), les services de police locaux ne veillent pas normalement à l'application des lois concernant les intrusions sur un chemin de fer. Les Services de police du CP ont conclu des ententes avec des services de police locaux partout sur le réseau du CP pour accroître le nombre d'agents d'application de la loi qui sont sensibilisés à la sécurité ferroviaire et qui visent à l'améliorer. En Ontario, les Services de police du CP peuvent compter sur 14 services de police locaux qui agissent en son nom pour appliquer la Loi sur l'entrée sans autorisation de l'Ontario. Dans le cadre de ces ententes, des agents des Services de police du CP visitent les services de police locaux pour éduquer les agents sur la question des intrusions sur le domaine ferroviaire et les encourager à collaborer dans l'application des lois sur l'intrusion.
Si des agents de police d'un chemin de fer ne sont pas disponibles pour répondre à un appel concernant une intrusion, les services de police locaux peuvent être appelés en renfort. Dans bien des cas, quand un policier local se présente, la personne a déjà quitté les lieux. Toutefois, si la personne se trouve toujours sur le domaine ferroviaire, généralement, la police locale lui demande de quitter les lieux. Sauf si la personne refuse d'obtempérer, il n'y a normalement pas de répercussions juridiques.
1.3.3 Application de la loi par les inspecteurs de Transports Canada relativement aux intrusions
L'Annexe 1 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires relatives à la sécurité ferroviaire dresse la liste des dispositions spécifiques de la Loi sur la sécurité ferroviaire que peut invoquer Transports Canada (TC) pour imposer des sanctions pécuniaires. Les inspecteurs de TC ne sont pas considérés comme des agents de la paix, et l'article 26.1 de la Loi sur la sécurité ferroviaire n'est pas inclus à l'Annexe 1 du Règlement. Par conséquent, les inspecteurs de TC ne peuvent pas imposer des amendes ou sanctions pécuniaires à des personnes qui font intrusion sur le domaine ferroviaire.
Dans le cadre de son programme de surveillance basé sur les risques, quand on informe TC d'une intrusion, il fait la promotion du Programme d'amélioration de la sécurité ferroviaire (PASF) auprès des compagnies de chemin de fer et des autorités routières. Le PASF offre du financement pour améliorer la sécurité ferroviaire ainsi que pour réduire les blessures et les pertes de vie liées au transport ferroviaire.
1.4 Intrusions à l'avenue Howland
Dans les environs du saut-de-mouton de l'avenue Howland, les intrusions sur le domaine ferroviaire étaient courantes. Le passage inférieur assure aux résidants vivant au nord des voies ferrées un accès routier et piétonnier au secteur commercial de la rue Dupont. C'était chose courante que des personnes franchissent les voies ou marchent le long de l'emprise ferroviaire en utilisant l'ancienne plateforme de voie adjacente aux voies du côté sud (figure 1, section 1.1). Les équipes de train s'étaient habituées à voir régulièrement des intrusions à cet endroit. Cependant, les équipes de train, en général, ne signalaient pas les intrusions au CCF que lorsque les intrusions faisaient obstacle ou nuisaient à l'exploitation ferroviaire. Lorsqu'une intrusion était signalée, le CCF relayait l'information aux Services de police du CP, qui assuraient le suivi en se rendant sur les lieux ou en communiquant avec les services de police locaux.
Le CP surveille constamment les panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » et les remplace au fur et à mesure qu'ils sont enlevés et qu'on découvre de nouvelles zones d'intrusion. Conscient des intrusions à cet endroit, en 2014, le CP a ajouté environ 4500 pieds de nouvelles clôtures et n'a pas cessé de réparer les ouvertures qui y étaient constatées. Le CP a installé plusieurs panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » à des points d'accès désignés. Au départ, ces panneaux avaient été installés sur les clôtures; mais ils étaient souvent enlevés ou vandalisés. Pour empêcher d'autres sabotages, on a décidé d'installer les panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » sur la guérite de signalisation placée le long de l'emprise ferroviaire, près des voies, à quelque 45 pieds du point d'accès (l'ouverture entre la clôture et la barrière du passage supérieur). Le lettrage des panneaux d'avertissement sur la guérite de signalisation n'était pas facile à lire à partir des zones où les gens avaient normalement accès aux voies ferrées. Plusieurs sentiers très fréquentés étaient visibles à proximité; pourtant, aucune autre barrière n'avait été mise en place pour décourager les intrusions.
Au cours d'observations des lieux après l'événement, on a remarqué la présence d'un sentier fréquenté qui s'étendait du terrain de stationnement au nord-ouest de l'avenue Howland jusqu'en haut du remblai en passant par une ouverture entre la clôture et la barrière du passage supérieur par où les adolescentes avaient eu accès à l'emprise ferroviaire (figure 4). Il y avait plusieurs points d'accès du côté sud de l'emprise en raison de sections de clôture brisées et jusqu'en haut du remblai.
L'ouverture entre la clôture et la barrière du passage supérieur du côté nord était suffisamment large pour qu'une personne puisse s'y introduire sans trop d'effort. Rien n'indiquait la présence de barrières préexistantes pour empêcher les intrusions par cette ouverture, et plusieurs personnes étaient présentes sur le domaine ferroviaire pendant la visite des lieux.
Des panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » étaient apposés sur la guérite de signalisation située immédiatement au sud de la voie 1. Il y avait des graffitis sur la guérite, mais ils ne masquaient pas les panneaux.
Une ancienne plateforme de voie parallèle et au sud de la voie 1 s'étendait de la rue Yonge à l'avenue Bartlett, sur une distance de quelque 2,5 milles. La plateforme était devenue un sentier utilisé régulièrement pour accéder à l'emprise ferroviaire sans autorisation.
1.5 Perception du risque par les personnes en situation d'intrusion
Il est possible que les personnes effectuant une activité dangereuse ou se retrouvant dans un environnement dangereux (de façon répétée, directement ou indirectement en observant les autres) sans subir de répercussions négatives évaluent difficilement le niveau de risque connexe. Sans mesures d'atténuation en place pour informer et évaluer la perception du risque, l'évaluation subjective d'un faible risque personnel peut amener des personnes à se livrer à des activités plus risquéesNote de bas de page 12. La perception du risque peut diminuer encore davantage quand des décisions à risque plus élevé deviennent normales et acceptées au sein d'un groupe particulier.
Toutes les intrusions sur le domaine ferroviaire comportent un risque. Les adolescentes concernées par le présent événement avaient observé régulièrement des personnes promenant leur chien sur l'ancienne plateforme de voie de l'emprise ferroviaire le long du chemin de fer dans les environs du saut-de-mouton de l'avenue Howland. Dans le présent événement, cependant, le fait de traverser des voies et de monter sur du matériel ferroviaire en mouvement constituait des activités à risque beaucoup plus élevé. Les adolescents n'avaient jamais vu des personnes monter sur du matériel ferroviaire en mouvement.
La perceptibilité d'un panneau d'avertissement désigne la manière dont il peut capter l'attention d'un observateur qui ne s'attend pas nécessairement à la présence d'un tel panneauNote de bas de page 13. Dans le présent événement, les seuls panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » étaient ceux apposés sur la guérite de signalisation immédiatement au sud de la voie 1. Ces panneaux d'avertissement étaient de couleur rouge et blanc, les mêmes couleurs que certains graffitis sur la guérite de signalisation (figure 5).
Le contraste visuel limité entre les panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » et les graffitis réduisait la perceptibilité de ces panneaux, ce qui les rendait plus difficiles à voir et à lire par les passants. Le niveau de perceptibilité, déjà faible, aurait été encore plus limité dans l'obscurité. Les adolescentes concernées par cet événement ignoraient l'existence des panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » affichés.
1.6 Prise de décisions
1.6.1 Prise de décisions à l'adolescence
Généralement, les adolescents sont différents des adultes dans leur façon de se comporter et de prendre des décisions, en raison de facteurs neurobiologiques, sociaux et émotionnels qui changent au cours de la vie d'une personne. Par exemple, les mesures d'impulsivitéNote de bas de page 14 et la quête de sensationsNote de bas de page 15 sont plus élevées chez les adolescents que chez les adultes, avec un pic au cours de l'adolescenceNote de bas de page 16, Note de bas de page 17. Les adolescents sont également plus sensibles que les adultes aux conséquences potentiellement plus gratifiantes du comportement, et leur jugement est plus fortement influencé par des facteurs comme la présence ou l'absence de pairsNote de bas de page 18.
Les processus décisionnels chez les adolescents peuvent, de façon similaire, influencer leur jugement et leur prise de décisions au sujet du comportement à avoir en matière de sécurité ferroviaire, ce qui les rend plus susceptibles que les adultes de prendre des risques sur le domaine ferroviaire en y faisant intrusionNote de bas de page 19.
1.6.2 Effets des substances psychoactives sur la prise de décisions
L'état psychophysiologique d'une personne influera aussi sur sa prise de décisions et sa propension à prendre des risques. Des substances psychoactives comme les médicaments et l'alcool sont des facteurs importants pour un tel étatNote de bas de page 20. Dans les heures qui ont précédé le présent événement, les adolescentes avaient consommé de l'alprazolam et de la psilocybine sans ordonnance. Les effets de ces substances étaient encore présents lorsqu'elles ont décidé de monter sur le train.
L'alprazolam, aussi connu sous le nom de Xanax, est un médicament d'ordonnance de la classe des benzodiazépines utilisé dans le traitement des attaques d'anxiété et de panique. Les benzodiazépines sont des dépresseurs qui ralentissent l'activité cérébrale et qui ont un effet calmant ou sédatif. L'utilisation problématique de benzodiazépines peut causer un trouble de consommation, une surdose et la mort. Les effets courants à court terme des benzodiazépines sont, entre autres, l'étourdissement, la confusion, la somnolence, la diminution de la force musculaire et la perte de coordination et d'équilibreNote de bas de page 21. L'alprazolam est une drogue qui peut être obtenue de manière illicite au Canada, et son usage chez les adolescents a été démontréNote de bas de page 22.
La psilocybine est un hallucinogène trouvé dans certaines espèces de champignons. L'ingestion de tels champignons a des effets secondaires comme le fait de voir, d'entendre ou de ressentir des choses qui ne sont pas réellement là. Les consommateurs peuvent également éprouver de l'anxiété, de la nausée et des contractions musculaires. Parmi les autres effets mentaux négatifs figurent les étourdissements, la perte de coordination, la confusion et la désorientationNote de bas de page 23.
L'intoxication découlant de l'ingestion de substances psychoactives est fortement liée à la désinhibition et à un comportement impulsifNote de bas de page 24. Dans des études de recherche expérimentale, l'alprazolam chez les humains accroît la prise de décisions risquées, selon la dose consomméeNote de bas de page 25.
1.7 Programmes de sensibilisation aux intrusions sur le domaine ferroviaire
Les programmes de sensibilisation ou d'éducation visent à influencer la connaissance et les attitudes d'une personne à l'égard de la sécurité et à encourager une prise de décisions plus responsableNote de bas de page 26. De récents examens de tels programmes ont permis de constater qu'ils peuvent être efficaces pour améliorer la sécurité autour des voies ferrées, en particulier quand ils visent un groupe spécifique à risque élevé (comme les jeunes)Note de bas de page 27 et qu'ils sont combinés à d'autres mesures préventives (comme des démarches d'application de la loi et d'ingénierie)Note de bas de page 28, Note de bas de page 29.
1.7.1 Opération Gareautrain
Opération Gareautrain est un organisme à but non lucratif qui vise à prévenir les pertes de vie et les blessures graves causées par des incidents aux passages à niveau et liés à des intrusions en sensibilisant les gens aux dangers associés aux voies ferrées et aux trains.
Financé par TC et l'Association des chemins de fer du Canada (ACFC), l'organisme Opération Gareautrain fait de la sensibilisation sur la sécurité ferroviaire en collaboration avec le secteur ferroviaire, les gouvernements, les organismes d'application de la loi, les syndicats, les médias et les collectivités.
Le personnel, les partenaires et les ambassadeurs de la sécurité ferroviaire d'Opération Gareautrain (qui sont des bénévoles) éduquent les Canadiens de tous âges partout au pays en faisant des présentations dans des écoles, des clubs de jeunes, des associations de conducteurs, des clubs de motoneiges et de véhicules tout terrain et auprès d'autres groupes communautaires. De plus, Opération Gareautrain produit et distribue de la publicité extérieure (p. ex., des affiches dans des autobus et des panneaux d'affichage). Depuis avril 2017, Opération Gareautrain a lancé plusieurs campagnes sur les médias sociaux, dont sa campagne de réalité virtuelle « Regarder. Écouter. Vivre. », sa campagne #FINILesVoiesTragiques (qui raconte les histoires de personnes touchées par des incidents survenus à des passages à niveau et liés à des intrusions), et sa campagne « En train de conduire ».
Depuis sa création, la campagne de réalité virtuelle d'Opération Gareautrain, en particulier la vidéo visant à décourager les gens à faire intrusion, a suscité l'intérêt du public. En outre, les ambassadeurs de la sécurité ferroviaire d'Opération Gareautrain organisent des événements de sensibilisation, des activités, des présentations et des entrevues en personne avec les médias locaux partout au pays. Entre janvier 2016 et la date du présent événement, Opération Gareautrain et ses partenaires avaient fait plusieurs présentations dans la Ville de Toronto. Cependant, aucune des adolescentes concernées par l'événement n'avait assisté à une présentation et n'était au courant du programme d'Opération Gareautrain.
1.7.2 Direction 2006
Direction 2006 était une initiative financée par TC et soutenue par le secteur ferroviaire, les gouvernements provinciaux et municipaux, les organismes d'application de la loi et les syndicats ferroviaires par suite de l'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire de 1996. Les secteurs de résultats clés portaient sur les perspectives dans les domaines suivants : ingénierie, éducation, application de la loi, cadre législatif, ressources, recherche et communications. L'objectif était de réduire de 50 % le nombre d'accidents liés à un passage à niveau ou à une intrusion avant 2006, comparativement à 1996Note de bas de page 30.
Par l'entremise de Direction 2006, chaque secteur de résultats clés avait reçu un financement gouvernemental pour mettre en œuvre de nouvelles initiatives de sécurité ferroviaire, au-delà de ce qui se faisait déjà. Par exemple, Direction 2006 a collaboré avec des entreprises multimédias pour élaborer des messages d'intérêt public qui ont été vus partout au Canada par le biais de panneaux d'affichage, d'affiches et de publicités radiophoniques et télévisées.
1.7.3 Programme de sécurité du Chemin de fer Canadien Pacifique
Le CP dispose d'un programme complet de sécurité et de sûreté communautaires basé sur l'éducation, l'application de la loi et l'ingénierie.
Le volet éducation du programme consiste à collaborer avec d'autres intervenants (tels que TC, Opération Gareautrain, l'industrie et les municipalités) à des activités de sensibilisation du public présentées dans des écoles et à d'autres associations, ainsi que dans le cadre d'initiatives comme la Semaine de la sécurité ferroviaire.
Les volets application de la loi et ingénierie du programme consistent à contrôler l'accès non autorisé au domaine ferroviaire et les intrusions sur ce domaine par divers moyens : les panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing », la formation des cheminots à la sensibilisation sur la sécurité, une ligne téléphonique sans frais accessible en tout temps servant à signaler une intrusion sur des voies ferrées ou à proximité de voies ferrées, et des mesures d'application de la voie assurées par les Services de police du CP.
De plus, dans le cadre de son approche axée sur le risque, le CP a mis en place son propre programme de marque en matière de sécurité, RailSense, et continue de participer à Opération Gareautrain à titre de partenaire. Le programme RailSense, basé sur le matériel d'Opération Gareautrain, comprend des campagnes sur les médias sociaux pour renforcer auprès du public des messages sur la sécurité ferroviaire, notamment en fonction de profils démographiques particuliers ciblés.
1.7.4 Campagne de sensibilisation à la sécurité ferroviaire de Metro Trains (Melbourne, en Australie)
En 2012, pour promouvoir et accroître la sensibilisation à la sécurité ferroviaire, Metro Trains à Melbourne (Australie) a créé une campagne d'annonces de service public intitulée « Dumb Ways to Die » (Des façons bêtes de mourir). La campagne avait pour objet de cibler un jeune auditoire grâce à la comédie et de le convaincre d'adopter un comportement sécuritaire près des trains. La campagne vidéo a été téléversée sur YouTube en novembre 2012. En moins d'une semaine, elle avait été visionnée 20 millions de fois partout dans le monde et avait fait l'objet d'une couverture médiatique nationale. En février 2019, la vidéo comptait plus de 175 millions de visionnements.
On a agrandi la portée de la campagne pour y inclure des panneaux d'affichage dans les gares ferroviaires et les espaces publics, un livre pour enfants et un site web où les personnes pouvaient s'engager à se comporter de manière sécuritaire près des gares ferroviaires.
1.8 Événements liés à une intrusion signalés au Bureau de la sécurité des transports du Canada
En vertu de l'alinéa 5(1)a) du Règlement sur le Bureau de la sécurité des transports, les chemins de fer doivent signaler au Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) tous les événements ferroviaires où « une personne subit une blessure grave ou décède du fait d'être […] en contact direct avec un élément du matériel roulant ou de son contenuNote de bas de page 31 ». Lorsque les chemins de fer font un rapport sur des cas d'intrusion, l'information fournie doit comprendre les éléments suivants :
- l'heure et la date de l'événement;
- le lieu de l'événement;
- des renseignements sur le train;
- les conditions météorologiques;
- une description de l'événement.
Les chemins de fer ne recueillent pas systématiquement les renseignements personnels comme l'âge, le sexe, et les renseignements médicaux. De plus, les chemins de fer ne cherchent pas à déterminer la cause de l'événement (suicide ou mésaventure), et ils ne sont pas tenus de les fournir au BST, sauf à sa demande expresse pour des événements choisis. Ainsi, les renseignements consignés dans la base de données sur les événements ferroviaires du BST (RODS) ne sont pas assez détaillés pour aider à cerner le profil démographique des personnes qui font intrusion.
La figure 6 présente un résumé des données de la RODS sur les accidents liés à une intrusion au cours des 25 dernières années (1994 à 2018), ainsi que le nombre de pertes de vie et de blessures graves causées par ces intrusionsNote de bas de page 32.
Malgré une diminution importante des accidents liés à une intrusion de 1994 à 2008, les données pour la plus récente période de 10 ans (2009 à 2018) n'ont pas beaucoup changé.
Un examen des données sur les accidents liés à une intrusion survenus au Canada dans les 10 dernières années a révélé qu'entre 2009 et 2018 :
- il y a eu 668 accidents liés à une intrusion, qui se sont soldés par 432 pertes de vie et 197 blessures graves;
- on a dénombré chaque année une moyenne de 67 accidents liés à une intrusion, qui ont causé en moyenne 43 pertes de vie et 20 blessures graves; le nombre d'accidents variait de 50 (2015) à 80 (2010 et 2017);
- il y a eu peu de changements dans les données pour cette période.
En 2018, on a dénombré 69 accidents liés à une intrusion, ce qui est légèrement supérieur à la moyenne annuelle de 67 des 10 dernières années. Les 69 accidents liés à une intrusion en 2018 ont causé la mort de 34 personnes et des blessures graves à 30 autres.
1.8.1 Autres événements récents liés à une intrusion dans le sud de l'Ontario
Peu de temps après le présent événement, 2 autres accidents liés à une intrusion sont survenus par mésaventure dans le sud de l'Ontario.
1.8.1.1 Événement de transport ferroviaire R18T0070 du BST
Le 5 avril 2018, vers 18 h, un train de manœuvre du CP avançait à une vitesse d'environ 5 mi/h à Hamilton (Ontario) avec une rame de wagons destinée au triage de Hamilton du CP. Près du point milliaire 0,5 de l'embranchement de la Belt Line de Hamilton, de jeunes enfants jouaient, sans supervision, non loin de l'emprise du chemin de fer. Dans les environs, un sentier très fréquenté menait aux voies ferrées (figure 7). Au moment où le train passait à cet endroit, l'une des enfants a emprunté le sentier et s'est approchée du train. Elle est tombée et a été écrasée par le train, subissant ainsi de graves blessures. Dans ce secteur, la voie se trouve derrière des immeubles à appartements et des maisons. À certains endroits, l'accès aux voies est partiellement bloqué par des clôtures. Cependant, à d'autres endroits, comme celui où les enfants s'amusaient, le public a facilement accès aux voies ferrées.
1.8.1.2 Événement de transport ferroviaire R18T0075 du BST
Le 12 avril 2018, vers 14 h 55, un train du Goderich-Exeter Railway avançait vers l'ouest à quelque 35 mi/h quand il a heurté et blessé mortellement un piéton au point milliaire 47,9 de la subdivision de Guelph de GO Transit à Guelph (Ontario). Le piéton marchait vers l'ouest sur les voies ferrées, avec des écouteurs aux oreilles, et tournait le dos au train. Bien qu'on ne sache pas exactement par où il avait eu accès aux voies, il y avait plusieurs sentiers très fréquentés du côté est du chemin Victoria Nord jusqu'à l'emprise (figure 8).
1.9 Comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire
Le 26 avril 2017, le ministre des Transports a annoncé la nomination d'un comité pour procéder à un examen indépendant de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Cet examen poursuivrait le travail effectué par le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire de 2007. Il avait pour mandat de se concentrer sur l'efficacité du cadre fédéral législatif et réglementaire en matière de sécurité ferroviaire de façon à déterminer dans quelle mesure la Loi atteint son objectif de base d'assurer la sécurité ferroviaire et d'agir dans l'intérêt des CanadiensNote de bas de page 33.
Le comité d'examen a étudié l'état du régime de sécurité ferroviaire et les défis à venir. Le rapport final a été publié en mai 2018 et abordait, notamment, des événements liés à une intrusion, la proximité de voies ferrées dans certaines collectivités, ainsi que sur les interactions entre le public et les trains.
1.9.1 Événements liés à une intrusion
En septembre 2017, Opération Gareautrain a soumis un mémoire à la considération du comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire. Le mémoire faisait référence à une étude antérieure parrainée par l'Université du Québec à Montréal, dans le cadre de laquelle on a analysé des accidents liés à une intrusion et mettant en cause des piétons, survenus au Canada entre 1999 et 2008; on a déterminé qu'environ 38 % de ces accidents étaient des suicides, ce qui signifie qu'environ 62 % de ces accidents constituaient des mésaventuresNote de bas de page 34.
Dans son mémoire, Opération Gareautrain indiquait une augmentation des accidents liés à une intrusion et mettant cause des piétonsNote de bas de page 35, et se disait préoccupée que ces données continuent d'augmenter avec la croissance du trafic par rail et l'agrandissement du réseau ferroviaire. En 2016, Opération Gareautrain a fait l'analyse de 5 années (de 2012 à 2016) de données recueillies auprès des chemins de fer participants, sur lesquels s'étaient produits la plupart des événements liés à une intrusion et survenus près d'un passage à niveau signalés au BST, et en a tiré les conclusions suivantes :
- Une grande proportion des personnes concernées par ces événements étaient des hommes âgés de 18 à 35 ans.
- Les hommes sont 3 fois plus susceptibles que les femmes d'être en cause dans un accident lié à une intrusion ou près d'un passage à niveau.
- Un sondage sur la sensibilisation et les attitudes à l'égard de la sécurité ferroviaire au Canada, lancé en mars 2017, a montré que la plupart des répondants (près des deux tiers) avaient eu ou avaient vu des comportements discutables près de voies ferrées.
Dans le mémoire, on a abordé 4 thèmes qu'Opération Gareautrain a recommandé de prendre en considération :
- plus de vigilance et d'engagement de la part de tous les paliers de gouvernement;
- plus d'investissement et de transparence dans la collecte des données;
- exploitation des technologies existantes pour améliorer la sécurité;
- prévention du suicide.
En ce qui concerne la collecte de données, Opération Gareautrain a fait remarquer que les données démographiques spécifiques n'étaient pas suffisamment complètes pour être entièrement exactes. De plus, les stratégies nécessaires à la prévention du suicide sont probablement différentes de celles utilisées pour sensibiliser les gens aux accidents découlant d'une mésaventure. Comme il n'existait pas de données récentes relatives aux suicides, Opération Gareautrain a déterminé que [traduction] :
des données exactes sur les suicides liés aux chemins de fer et des groupes potentiels de suicides fourniraient aussi des renseignements précieux pour l'élaboration de plans d'intervention. L'accès à ces sources de données permettrait à Opération Gareautrain d'adopter une approche beaucoup plus stratégique et percutante dans ses activités de sensibilisation et ses campagnes en matière de sécurité ferroviaireNote de bas de page 36.
1.9.2 Proximité des voies ferrées et interactions entre le public et les trains
Avec l'expansion urbaine, de nouveaux aménagements à proximité des voies ferrées ont entraîné une augmentation de la fréquence des interactions entre le public et les trains. Cette question a été soulignée dans le rapport publié par le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2007, qui contenait les recommandations suivantes :
Il faudrait modifier la Loi sur la sécurité ferroviaire pour exiger des promoteurs et des municipalités qu'ils amorcent un processus de consultation avec les compagnies de chemin de fer avant de prendre une décision quant à des aménagements qui peuvent compromettre la sécurité ferroviaireNote de bas de page 37.
[…]
Il faudrait que les compagnies de chemin de fer élargissent leurs programmes de sensibilisation pour stimuler de meilleures communications avec toute la communautéNote de bas de page 38.
Une initiative officielle sur les questions de voisinage a été lancée en 2003, avec la signature d'un protocole d'entente entre la Fédération canadienne des municipalités (FCM) et l'ACFC, auteurs de l'initiative. Le protocole d'entente a été renouvelé plusieurs fois. La version 2007 du protocole reconnaissait la responsabilité partagée des parties prenantes et le besoin de meilleures communications entre eux, dont les chemins de fer, les municipalités et les promoteurs. Par conséquent, les parties devaient élaborer des lignes directrices sur le voisinage comprises de tous et visant, entre autres, à réduire le potentiel d'intrusion.
En mai 2013, une collaboration entre l'ACFC et la FCM a permis de publier une version mise à jour des Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires. Ces lignes directrices visaient à fournir une approche uniforme de la conception des bâtiments dans le contexte de leur proximité avec des voies ferrées, et à déterminer le type de mesures d'atténuation à mettre en place. Les lignes directrices comprenaient, entre autres, des marges de recul recommandées pour les nouveaux bâtiments à proximité de voies ferrées et des clôtures de sécurité pour décourager les intrusions.
En ce qui concerne les clôtures de sécurité, on a émis les recommandations stratégiques suivantes dans les lignes directrices :
Il est possible d'éviter les problèmes d'intrusion grâce à une planification rigoureuse de l'utilisation des terrains. Ainsi, il conviendrait d'évaluer l'utilisation des terrains de chaque côté d'un corridor ou triage ferroviaire en ayant comme objectif de réduire au minimum les problèmes éventuels d'intrusion. Par exemple, on ne devrait pas aménager des écoles, des espaces commerciaux, des parcs ou des places à proximité d'installations ferroviaires sans avoir prévu des passages piétonniers appropriésNote de bas de page 39.
Malgré les progrès récents, peu de gouvernements provinciaux, territoriaux ou municipaux ont intégré formellement ces lignes directrices dans des cadres législatifs ou des règlements destinés à régir l'aménagement du territoire (y compris à proximité de l'infrastructure ferroviaire). Certaines provinces ont été plus proactives que d'autres, comme l'Ontario, qui a adopté des lois et élaboré des lignes directrices incorporant de nombreux aspects des lignes directrices sur le voisinage. Cependant, les lignes directrices n'ont pas été adoptées à la grandeur du pays. À part encourager les provinces, les territoires et les municipalités à adopter les lignes directrices, TC s'est engagé à soulever les questions de sécurité ferroviaire au niveau ministériel par le biais de forums comme le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière. Aucune autre initiative fédérale particulière n'a été mise en place pour coordonner l'application des lignes directrices.
Dans le cadre de l'Initiative FCM-ACFC sur les questions de voisinage, on a également présenté un mémoire au comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire, document dans lequel on préconisait que le comité inclue les recommandations ci-après dans son rapport final [traduction] :
Une recommandation pour inciter le gouvernement fédéral à travailler en étroite collaboration avec ses homologues provinciaux pour promouvoir les meilleures pratiques en aménagement de territoire à proximité des activités ferroviaires, qui incluraient l'adoption des marges de recul obligatoires et/ou des murs de protection ou d'autres mesures propres aux sites conformément aux Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité d'activités ferroviaires et prises par les municipalités et les gouvernements provinciaux, et à soutenir les efforts des provinces dans l'élaboration d'un processus de notification des chemins de fer en harmonie avec la réglementation provinciale sur l'utilisation du territoire.
Une recommandation pour modifier la Loi sur la sécurité ferroviaire pour qu'elle exige des autorités routières de prendre d'abord en considération, avant d'aménager un nouveau passage à niveau, des solutions de rechange, dont la modernisation et l'amélioration de la sécurité relativement aux passages à niveau et aux sauts-de-mouton existants.
Une recommandation pour que le gouvernement fédéral veille à ce que les nouveaux passages à niveau ou les passages à niveau publics ou privés existants soient modernisés pour répondre aux besoins de sécurité actuels et futurs de la collectivité locale, et mette en place un financement fédéral pour les améliorations à apporter aux passages à niveau, dont de possibles sauts-de-mouton et des fermeturesNote de bas de page 40.
Dans le mémoire de l'ACFC présenté au comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2017, on estimait que, sur le plan municipal, quelque 60 municipalités, dont Montréal (Québec), avaient adopté la totalité ou une partie des lignes directrices sur le voisinageNote de bas de page 41. Environ 10 autres grandes villes, dont Toronto, sont à examiner ces lignes directrices. En outre, plus de 175 municipalités ont adopté ou utilisent cet outil pour prendre des décisions sur la planification de l'aménagement du territoire. Par conséquent, l'ACFC a émis les recommandations ci-après dans son mémoire [traduction] :
Comme moyen de réduire les incidents de sécurité publique dans les municipalités et de s'assurer qu'il existe des normes nationales uniformes pour les nouveaux aménagements à proximité du réseau ferroviaire, l'ACFC recommande que le ministre des Transports demande à ses homologues provinciaux d'adopter les Lignes directrices sur le voisinage de l'ACFC/FCM de façon intégrale. Cette exigence devrait comprendre l'installation obligatoire d'une marge de recul de 30 mètres pour les nouveaux aménagements à proximité d'activités ferroviaires, avec une disposition de protection fédéraleNote de bas de page 42.
Dans son mémoire de 2017 présenté au comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire, Opération Gareautrain écrivait ce qui suit au sujet des questions de voisinage [traduction] :
[…] les municipalités devraient être encouragées à adopter les Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires, élaborées par la Fédération canadienne des municipalités et l'Association des chemins de fer du Canada, exiger que les nouveaux aménagements comportent des barrières pour empêcher les intrusions et planifier soigneusement les passages à niveau rail-routeNote de bas de page 43.
1.9.3 Recommandations du comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire au sujet des intrusions et de la proximité des collectivités aux chemins de fer
Dans son rapport final, publié en 2018, le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2017 traitait de plusieurs questions concernant les intrusions et la proximité des collectivités aux chemins de fer.
Pour ce qui est des intrusions, le rapport stipulait que « [s]elon certains participants aux séances de table ronde, l'éducation et la sensibilisation à la sécurité ferroviaire sont les meilleurs moyens de réduire les intrusions lorsqu'elles font partie de programmes et d'activités scolaires à l'intention des enfantsNote de bas de page 44 ». Le rapport indiquait que la communication et l'application de la loi ou l'installation de clôtures et de panneaux d'affichage sont essentielles à une stratégie de prévention axée sur l'éducation.
Les chemins de fer ont fait valoir au comité d'examen que tous les paliers de gouvernement, les compagnies de chemin de fer et le public doivent collaborer aux initiatives pour réduire le nombre d'intrusions en raison de l'expansion des collectivités et de l'accroissement de leur proximité aux chemins de fer.
Les clôtures sont normalement considérées comme une mesure efficace pour empêcher les accidents causés par une intrusion. Cependant, compte tenu de la dispersion de la population canadienne et de l'étendue du réseau ferroviaire, l'installation de clôtures le long des voies ferrées ne constituerait pas une stratégie appropriée pour la prévention des intrusions partout au Canada. Néanmoins, dans les zones urbaines où il existe une concentration élevée de la population près de voies ferrées, des barrières adéquates pourraient constituer une solution efficace sur le plan de l'ingénierie.
Le comité d'examen a fait savoir aussi que les statistiques actuelles au Canada ne permettent pas de déterminer combien d'accidents liés à une intrusion sont des suicides. Par conséquent, le comité a suggéré qu'un plus grand nombre de données démographiques soient recueillies sur les accidents survenus à un passage à niveau et liés à une intrusion, notamment en déterminant les accidents que l'on soupçonne être des suicides. Ces renseignements sont essentiels pour définir les groupes cibles dans le cadre de campagnes de sensibilisation et prendre en compte les caractéristiques de ces groupes dans l'élaboration de stratégies sur la prévention des intrusions et des suicides.
En raison de l'accroissement de la population, de l'urbanisation et des travaux de construction près de voies ferrées prévus dans les prochaines décennies, le comité d'examen a fait les recommandations suivantes :
Recommandation 7 – Étant donné que le comportement humain demeure un facteur causal persistant dans les décès et les blessures graves liés aux accidents d'intrusion et aux passages à niveau, il est recommandé que le gouvernement fédéral, en partenariat avec tous les autres ordres de gouvernement, l'industrie ferroviaire, le milieu universitaire et les collectivités, élabore une stratégie nationale qui vise à réduire le nombre de décès et de blessures découlant de l'intrusion sur les propriétés ferroviaires. Cette stratégie devrait comprendre les volets suivants :
un programme de prévention de l'intrusion ayant pour objectif de créer des collectivités plus sécuritaires en favorisant l'élaboration de mesures de prévention de l'intrusion à long terme grâce à des partenariats communautaires. Cela comprend un soutien suffisant et durable pour les programmes d'éducation et de sensibilisation, comme Opération Gareautrain Canada, pour les aider à continuer leur travail dans la promotion de la sécurité ferroviaire auprès des groupes cibles;
des fonds pour des projets de recherche dans les universités et les centres de recherche afin de traiter les problèmes liés à l'intrusion et au suicide;
établissement de liens avec d'autres initiatives, notamment le Cadre fédéral de prévention du suicide pour travailler avec d'autres intervenants afin d'élaborer des stratégies de prévention et d'intervention fondées sur des données probantes et étayées par la recherche, pour lutter contre le suicide sur les emprises ferroviairesNote de bas de page 45.
Le rapport du comité d'examen a abordé aussi les questions de voisinage et fait les recommandations suivantes :
Recommandation 8 – Il est recommandé que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file pour résoudre le problème de l'utilisation incompatible des terres à proximité de l'exploitation ferroviaire, en amorçant un réel dialogue entre tous les ordres de gouvernement et les intervenants, en vue de trouver une solution à l'aménagement du territoire à proximité de l'exploitation ferroviaire à l'échelle nationale. Les mesures à cet effet devraient comprendre :
le lancement d'un dialogue de haut niveau avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour promouvoir l'adoption formelle de mesures équivalentes aux « Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires », élaborées par la Fédération canadienne des municipalités et l'Association des chemins de fer du Canada, dans les politiques d'aménagement du territoire qui s'appliquent aux municipalités;
des modifications à la partie III (Activités autres que ferroviaires pouvant compromettre la sécurité ferroviaire) de la Loi sur la sécurité ferroviaire afin de fournir le pouvoir au gouverneur en conseil d'adopter des règlements exigeant que les autorités responsables de l'aménagement du territoire fournissent un préavis aux compagnies de chemin de fer touchées avant d'autoriser des changements dans l'aménagement du territoire ou de zonage, ainsi que la construction, et ce, à une distance prescrite (p. ex., 300 mètres) d'un corridor ferroviaire;
des modifications à la partie III (Activités autres que ferroviaires pouvant compromettre la sécurité ferroviaire) de la Loi sur la sécurité ferroviaire afin de fournir le pouvoir au gouverneur en conseil d'adopter des règlements qui définissent des critères de sécurité pour la construction et l'activité à une distance prescrite (p. ex., 30 mètres) d'une exploitation ferroviaire. Les règlements devraient être élaborés en consultation avec les provinces, les territoires, les groupes autochtones, les municipalités, les compagnies de chemin de fer, les associations et les groupes de citoyens concernésNote de bas de page 46.
1.9.4 Réponse du ministre des Transports concernant le rapport du comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2017
En avril 2019, le ministre des Transports a répondu aux recommandations du rapport publié par le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2017.
En ce qui concerne la recommandation 7 sur les intrusions, TC y a donné son accord dans les termes suivants :
Nous travaillons avec les universités, l'industrie et les gouvernements par l'entremise du Conseil consultatif de recherche en transport ferroviaire (CCRT) pour faire progresser la recherche sur les comportements et la technologie, l'innovation des passages à niveau et les stratégies de gestion des véhicules et des piétons aux passages à niveau. Notre but est d'améliorer la sécurité aux passages à niveau et près des voies ferrées, en :
- ciblant les comportements dangereux;
- améliorant ou en développant de nouveaux systèmes d'alerte et de communication et des technologies d'intérêt pour tous les piétons.
Le Programme d'amélioration de la sécurité ferroviaire comprend un appui aux organisations pour qu'elles sensibilisent le public aux pratiques sécuritaires à proximité des voies ferrées, ce qui contribue à réduire le nombre d'accidents liés aux passages à niveau et aux intrusions dans toutes les collectivités du Canada. Un exemple est la campagne d'éducation du public menée par Opération Gareautrain qui s'intitule « Regarder, écouter et vivre » Note de bas de page 47.
Les prochaines étapes de TC consisteront à travailler sur la prévention des intrusions, y compris la recherche sur les suicides et la prévention des suicides, en collaboration avec l'industrie et d'autres ministères et administrations fédérales. TC mènera aussi à terme les travaux effectués pour déterminer et évaluer les options sur le plan de l'ingénierie pour assurer la sécurité des piétons, y compris les personnes utilisant un appareil fonctionnel. Pour réaliser ces prochaines étapes, TC a achevé et diffusé un document de consultation en juin 2019. Du nouveau contenu sur la sécurité ferroviaire, y compris un volet éducatif pour le public sur la sécurité ferroviaire, sera publié sur le site web de TC à une date ultérieure.
Quant à la recommandation 8, TC y a donné son accord de principe dans les termes suivants :
Nous devons travailler davantage en collaboration avec nos partenaires pour déterminer la meilleure façon de répondre à cette recommandation. Transports Canada continuera d'appuyer l'amélioration et la fermeture de passages à niveau, ainsi que les innovations technologiques et l'éducation du public à cet égard dans le cadre du Programme d'amélioration de la sécurité ferroviaire (PASF). Pour cela il faut encourager les compagnies de chemin de fer et les autorités responsables du service de voirie à présenter des demandes de financement pour les endroits à haut risque, et promouvoir le Programme auprès des petites autorités responsables du service de voirie et des compagnies de chemin de fer d'intérêt local en vue d'accroître leur sensibilisation à l'égard du Programme et du processus de demandeNote de bas de page 48.
TC a fait part de son intention de mener à terme ses travaux actuels concernant des lignes directrices sur les sauts-de-mouton, en consultation avec l'industrie et des intervenants dans les collectivités. De plus, TC continuera d'encourager les provinces, les territoires et les municipalités à adopter les Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires.
1.10 Études sur les accidents liés à une intrusion et mettant en cause des piétons et outils pour la visualisation des données sur les accidents
1.10.1 Outils mis au point par des organismes canadiens
Il existe 2 outils pour visualiser les renseignements sur les accidents liés à une intrusion et mettant en cause des piétons sur le réseau ferroviaire canadien de quelque 45 000 km.
L'ACFC offre l'Atlas du rail canadien, une carte en ligne interactive du réseau ferroviaire qui a été mise à jour en 2016. Ressources naturelles Canada a créé l'outil d'extraction de données géospatiales, que l'on peut utiliser pour l'extraction dynamique de données vectorielles.
Cependant, parce que ces 2 outils utilisent des données provenant de la base de données sur les événements ferroviaires du BST, les renseignements personnels comme l'âge, le sexe, les renseignements médicaux et la cause déterminée (suicide ou mésaventure) ne sont pas inclus.
1.10.2 Études démographiques sur les intrusions aux États-Unis
La Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis et le département des Transports des États-Unis (DOT) ont parrainé des études démographiques en 2008Note de bas de page 49 et en 2013Note de bas de page 50 pour fournir des données aux décideurs politiques et à d'autres groupes permettant de cibler les personnes les plus à risque d'être happées par des trains à la suite d'une intrusion sur le domaine ferroviaire. Les données ont été obtenues à partir de l'examen de rapports sur des accidents présentés par les chemins de fer en conformité avec les exigences de la FRA en matière de signalement.
L'étude de 2013 a été menée à la suite de l'examen de 2750 accidents liés à une intrusion, survenus entre 2005 et 2010, et ayant causé la mort des personnes en cause. On a contacté des coroners et des médecins légistes en chef pour obtenir des renseignements démographiques supplémentaires qui n'avaient pas été fournis dans le rapport d'accident initial. La recherche a donné à des organisations comme Operation Lifesaver Inc. des États-Unis une meilleure compréhension du profil démographique des intrusions, ce qui leur permettra de mieux cibler leurs efforts. Le tableau 1 résume quelques-uns des détails démographiques tirés des 2 études.
Tableau 1. Données sélectionnées provenant d'études démographiques sur les intrusions menées aux États-Unis en 2008 et en 2013 : âge et sexe des personnes ayant perdu la vie dans un accident à la suite d'une intrusion, consommation de drogues ou d'alcool, et suicides confirmés
Donnée | Résultats de l'étude de 2008 | Résultats de l'étude de 2013 |
---|---|---|
Âge moyen de la personne concernée par l'intrusion | 37,5 | 37,9 |
Pourcentage des personnes de sexe masculin concernées par l'intrusion | 87 | 82 |
Pourcentage des personnes de sexe féminin concernées par l'intrusion | 13 | 18 |
Pourcentage d'incidents liés à la consommation de drogues et/ou d'alcool | 57 | 52 |
Pourcentage d'incidents qui étaient des suicides confirmés* | S.O. | 28 |
* Le pourcentage de suicides confirmés en 2013 ne tient pas compte des pertes de vie liées à une intrusion que l'on soupçonnait être un suicide, mais qu'on n'a pas pu confirmer, ce qui constitue 12 % des accidents.
1.10.3 Systèmes d'information géographiques du Volpe Center
La division de recherche du DOT des États-Unis, le Volpe Center, a mis au point une carte de systèmes d'information géographique pour examiner les lieux où surviennent les incidents liés à des intrusions et des suicides le long des emprises ferroviaires. Les accidents liés à une intrusion sont indiqués sur la carte, accompagnés de renseignements particuliers liés à chaque événement comme la date, l'heure, le lieu, l'activité d'intrusion et une brève description des événements. La cartographie des systèmes d'information géographique permet aux chercheurs de trouver des renseignements, à savoir :
- quand se produisent les intrusions (moment de la journée, temps de l'année);
- les zones dont le taux d'incidents est élevé (points chauds);
- les facteurs environnementaux ou sociétaux;
- les zones où se trouvent des sentiers fréquentés ou les collectivités ayant besoin de franchir des voies ferrées.
1.10.4 Projet collaboratif européen sur la réduction du nombre de suicides sur le domaine ferroviaire
En octobre 2011, l'Union européenne a lancé un projet de recherche de 3 ans intitulé REduction of Suicides and Trespassers on RAILway property (RESTRAIL). Le projet de recherche a généré la boîte à outils RESTRAIL, un guide en ligne de résolution de problèmes par étape pour éduquer les chemins de fer sur des mesures d'application réalisables visant à prévenir les accidents liés à des suicides et des intrusions. La boîte à outils résume les renseignements pratiques recueillis et produits au cours du projet. Pour chaque mesure proposée, la boîte à outils inclut également des liens vers des publications scientifiques et une longue liste de références concernant des leçons apprises.
RESTRAIL s'est traduit par des mesures pour prévenir et atténuer les risques d'intrusion et de suicide liés aux chemins de fer et a fourni à des chercheurs du monde entier une occasion d'évaluer l'efficacité de certaines de ces mesures.
1.11 Caméras orientées vers l'avant à bord des locomotives de tête
Les caméras orientées vers l'avant sont conçues pour enregistrer en continu durant la marche de la locomotive. De nombreux chemins de fer ont pris l'initiative d'installer de telles caméras à bord des locomotives de tête, même si la réglementation ne les y oblige pas.
Faisant suite au présent événement, le BST a été informé que la locomotive du train 141 était équipée d'une caméra orientée vers l'avant. Le BST a fait une demande pour obtenir l'enregistrement vidéo de la caméra, mais on lui a fait savoir que l'appareil n'enregistrait pas lors de la collision avec l'adolescente. Le chemin de fer n'a pu fournir d'autres détails sur la raison pour laquelle la caméra n'enregistrait pas à ce moment-là.
1.12 Programme d'intervention pour le personnel en cas d'incident critique
Après un événement ferroviaire traumatisant, les employés concernés sont susceptibles de développer un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Les symptômes d'un TSPT sont, notamment, la dépression, la nervosité, l'irritabilité et l'agitation. Le TSPT n'est pas susceptible de disparaître par lui-même et, s'il n'est pas traité, peut s'aggraver avec le temps. La réaction à un événement traumatisant varie considérablement d'une personne à l'autre.
En 2016, le CP a lancé la plus récente version de son programme d'intervention en cas d'incident critique destiné aux équipes de train. Le programme permet d'offrir les services suivants [traduction] :
Une intervention précoce au moyen d'un désamorçage et d'une séance d'information est bénéfique pour l'employé, en offrant rapidement de la consultation ainsi qu'un soutien de la part des pairs, et réduit au minimum les effets physiques et émotionnels à long terme d'un incident, tout en aidant l'employé à retourner au travail plus rapidement et de manière sécuritaireNote de bas de page 51.
Dans le présent événement, conformément au programme d'intervention en cas d'incident critique du CP, les membres de l'équipe des deux trains se sont vus offrir une période de repos et ont assisté à une séance d'information offerte par un gestionnaire de la compagnie. On a également offert aux membres de l'équipe d'assister à une séance d'information plus officielle auprès d'un conseiller en traumatismes.
L'un des membres de l'équipe du train 141 a pris un congé et a assisté à une séance d'information officielle avant de retourner au travail 2 semaines après l'événement. L'autre membre de l'équipe du train a pris un congé de 24 heures après l'événement avant de retourner au travail. Aucun des 2 membres de l'équipe du train 651 n'a pris du temps de repos ni accepté d'assister à une séance d'information officielle.
Tous les membres de l'équipe ont été satisfaits de l'intervention en cas d'incident critique fournie par la compagnie après l'événement et ont estimé que cette assistance avait été bénéfique pour leur bien-être. Aucune pression n'a été exercée sur les membres de l'équipe pour qu'ils retournent au travail avant qu'ils ne soient à l'aise de le faire.
2.0 Analyse
Les actions des équipes de train ainsi que l'état du matériel roulant et de la voie n'ont pas contribué à l'accident. L'analyse portera surtout sur les facteurs qui ont influé sur les décisions prises par les personnes concernées par l'intrusion, l'atténuation des dangers associés aux intrusions et les questions de voisinage qui ont des incidences sur les intrusions le long des corridors ferroviaires.
2.1 L'accident
La séquence de l'accident a commencé lorsque 2 adolescentes sont entrées sur l'emprise ferroviaire près du saut-de-mouton de l'avenue Howland sans y être autorisées. Elles étaient intoxiquées à ce moment, car elles avaient consommé des substances psychoactives. Lorsqu'elles ont vu le train qui roulait lentement vers l'ouest (train 651), elles sont montées sur l'un des wagons-citernes avec l'intention de se rendre au saut-de-mouton de la rue Christie, situé non loin de là. Une fois à bord, le train a accéléré, atteignant une vitesse à laquelle les adolescentes ne pouvaient descendre facilement à la destination prévue. Elles ont commencé à s'inquiéter pour leur sécurité et à avoir froid; elles ont donc composé le 911 dans une tentative pour faire immobiliser le train. Cependant, la connexion téléphonique a été perdue et les appels ont été infructueux.
Après que le train eut parcouru environ 20 milles, et alors qu'il ralentissait à quelque 20 mi/h pendant la montée d'une longue rampe, les adolescentes ont descendu l'échelle latérale pour se préparer à sauter. Croyant que le train avait suffisamment ralenti pour leur permettre de descendre, elles ont sauté du wagon-citerne au passage à niveau du chemin Wolfedale, et se sont blessées en touchant le sol. L'une des deux, qui était blessée, mais qui était toujours en mesure de se déplacer, est sortie du passage à niveau pour chercher de l'aide. L'autre a subi des blessures plus graves; elle a été immobilisée temporairement et est restée sur l'emprise.
Environ 10 minutes plus tard, alors que le train 141 vers l'ouest approchait du passage à niveau public du chemin Wolfedale à une vitesse de 23 mi/h, l'adolescente qui se trouvait encore sur les voies et qui était désorientée s'est relevée. Elle a commencé à marcher vers le sud sur la voie 2, puis devant le train. L'équipe a déclenché un serrage d'urgence des freins et a actionné le sifflet. Le train n'a pas pu être immobilisé à temps et a heurté l'adolescente, qui a été projetée vers le sud. Elle a atterri contre le rail nord de la voie 3, subissant ainsi d'autres blessures graves. Les 2 adolescentes ont été transportées à l'hôpital pour recevoir des soins.
2.2 Facteurs influant sur la décision de faire intrusion
La décision d'une personne de faire intrusion sur le domaine ferroviaire est influencée par de nombreux facteurs, dont les suivants :
- la perception et la compréhension du niveau de risque associé à l'activité;
- les facteurs de personnalité (qui peuvent être liés à l'âge), comme l'impulsivité et la quête de sensations;
- la présence ou l'absence de pairs;
- l'état psychophysiologique de la personne.
Dans le présent événement, les adolescentes n'étaient pas particulièrement sensibilisées aux risques auxquels elles s'exposaient en accédant aux voies ferrées.
Comparativement aux adultes, les processus décisionnels et les perceptions du risque des adolescents les rendent plus susceptibles de prendre des décisions risquées concernant la sécurité, dont leur propre sécurité autour du domaine ferroviaireNote de bas de page 52. La présence de pairs du même âgeNote de bas de page 53 et la consommation de substances psychoactives altèrent également le jugement et augmentent la prise de décisions risquéesNote de bas de page 54,Note de bas de page 55.
Dans le présent événement, les adolescentes avaient consommé de l'alprazolam et de la psilocybine sans ordonnance. Les effets de ces substances étaient encore présents lorsqu'elles ont décidé de monter sur le train. L'état psychophysiologique et l'âge des adolescentes ont contribué à leur décision d'accéder au domaine ferroviaire et de monter sur le train qui roulait lentement.
2.3 Intrusion au saut-de-mouton de l'avenue Howland
Dans les environs du saut-de-mouton de l'avenue Howland, un certain nombre d'indicateurs physiques laissaient croire que les intrusions y étaient courantes. Parmi ces indicateurs figuraient un sentier très fréquenté accessible par une ouverture entre la clôture et la barrière du passage supérieur, une ancienne plateforme de voie parallèle à la voie et des graffitis sur le côté de la guérite de signalisation. Les adolescentes concernées dans l'événement vivaient dans le secteur et avaient régulièrement observé d'autres personnes qui faisaient intrusion sur le domaine ferroviaire sans conséquences négatives du point de vue de la sécurité.
Dans les environs du saut-de-mouton de l'avenue Howland, des panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » étaient apposés sur le côté de la guérite de signalisation. Ces panneaux d'avertissement étaient de couleur rouge et blanc, les mêmes couleurs que certains graffitis sur la guérite de signalisation. Étant donné le contraste visuel limité entre les panneaux d'avertissement et les graffitis en arrière-plan, les panneaux indicateurs étaient moins perceptibles, donc moins susceptibles d'être vus et lus par les passants. Les panneaux auraient été encore moins perceptibles dans l'obscurité.
Si les panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » ne sont pas suffisamment perceptibles et qu'on ne prévient pas l'accès aux voies près du saut-de-mouton de l'avenue Howland, des gens continueront de faire intrusion sur l'emprise ferroviaire à cet endroit, augmentant ainsi le risque de blessures et de morts.
2.4 Atténuation des dangers associés aux intrusions
Les données du BST sur les événements liés à une intrusion montrent que le nombre d'intrusions n'a pas diminué de façon importante au cours des 10 dernières années (2009 à 2018). La compréhension et l'atténuation des dangers associés aux intrusions exigent une approche polyvalente où les chemins de fer, les municipalités et les autres paliers de gouvernement se partagent la responsabilité. C'est seulement par des stratégies efficaces d'ingénierie, d'application de la loi et d'éducation qu'on peut réussir à réduire le plus possible ce comportement à risque. L'absence de l'un ou l'autre de ces éléments peut se traduire par une sous-estimation des risques liés aux intrusions sur le domaine ferroviaire, ce qui augmente la probabilité que cette activité dangereuse soit pratiquée. Si les gens continuent de faire intrusion sur le domaine ferroviaire, le risque de blessures et de morts continue d'être présent.
2.4.1 Stratégies d'ingénierie et questions de voisinage
Des stratégies d'ingénierie efficaces sont parmi les meilleures mesures pour prévenir les intrusions au moyen de barrières physiques efficaces empêchant l'accès aux emprises ferroviaires là où c'est possible. Au saut-de-mouton de l'avenue Howland, il était facile d'avoir accès aux voies de l'un ou l'autre côté. Du côté nord, il y avait une ouverture entre la clôture et la barrière du passage supérieur. Cette ouverture était suffisamment grande pour qu'une personne s'y introduise sans trop d'effort, et rien n'indiquait la présence de barrières préexistantes. Du côté sud, il avait plusieurs points d'accès par des sections de clôture brisées.
Bien qu'il puisse être impossible de clôturer l'ensemble du corridor ferroviaire au Canada, il faut reconnaître les endroits où les intrusions sont courantes et envisager d'autres stratégies sur le plan de l'ingénierie. Par comparaison, en Europe, le projet RESTRAIL (REduction of Suicides and Trespassers on RAILway property) fournit aux chemins de fer une boîte à outils en ligne où partager les meilleures pratiques sur les mesures efficaces pour empêcher les intrusions et les suicides. De plus, les panneaux d'affichage devraient être placés là où ils sont bien visibles, mais difficiles à saboter ou à vandaliser. Si des stratégies d'ingénierie collaboratives pour empêcher l'accès aux emprises ferroviaires ne sont pas élaborées et mises en œuvre efficacement par toutes les parties prenantes, les intrusions se poursuivront et le risque de blessures aux personnes faisant intrusion augmentera.
Avec l'expansion urbaine, les nouveaux aménagements à proximité des voies ferrées ont entraîné un accroissement des interactions entre le public et les trains. Souvent, les nouveaux aménagements à proximité du domaine ferroviaire créent des risques additionnels pour le public, surtout si des stratégies de sécurité efficaces ne sont pas mises en œuvre.
La présence de nouveaux aménagements à proximité des chemins de fer est reconnue depuis longtemps comme une préoccupation importante pour la sécurité publique. Cette question a été abordée dans le rapport du comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2007, et réaffirmée dans le rapport publié par le comité d'examen de suivi en 2017. Par suite des recommandations dans le rapport du comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2007, on a mis à jour les lignes directrices sur le voisinage pour aider les collectivités à gérer les aménagements près du domaine ferroviaire en ayant à l'esprit la sécurité des résidents locaux.
Bien que de nombreuses municipalités aient adopté les lignes directrices sur le voisinage, d'autres ne l'ont pas fait. Ces lignes directrices proposent des marges de recul pour les nouveaux bâtiments et des stratégies d'ingénierie pour aider à empêcher les intrusions. Cependant, les lignes directrices, qui ne sont pas obligatoires, n'ont pas été appliquées uniformément dans toutes les municipalités.
À l'exception d'encourager les provinces, les territoires et les municipalités à adopter les Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires, Transports Canada s'est engagé à soulever les questions de sécurité ferroviaire au niveau ministériel par le biais de forums comme le Conseil des ministres responsables des transports et de la sécurité routière. Aucune autre initiative fédérale spécifique n'a été mise en place pour coordonner l'application des présentes lignes directrices, qui aideraient à assurer l'uniformité pour les nouveaux aménagements à proximité du domaine ferroviaire.
Si les lignes directrices sur le voisinage ne sont pas adoptées et appliquées par les municipalités quand de nouveaux aménagements sont construits à proximité du domaine ferroviaire, les interactions du public avec le chemin de fer s'accroîtront à ces endroits, augmentant ainsi le risque d'accident.
2.4.3 Stratégies d'application de la loi
Une personne faisant intrusion sur le domaine ferroviaire contrevient à la Loi sur la sécurité ferroviaire et est passible d'une amende sous l'autorité du Règlement sur les contraventions. Actuellement, les Services de police du Chemin de fer Canadien Pacifique effectuent des patrouilles régulières sur le domaine ferroviaire, en plus de garder l'œil ouvert pour les intrusions, mais les ressources sont limitées. Quand ses agents ne sont pas disponibles pour intervenir en cas de signalement d'une intrusion, les services de police locaux peuvent être appelés en renfort. Cependant, il n'incombe pas normalement aux services de police locaux de faire appliquer les lois liées aux intrusions sur le chemin de fer, sauf s'il y a une entente en place avec le chemin de fer. Dans les cas où la personne se trouve encore sur le domaine ferroviaire à l'arrivée des services de police locaux, en général, la police lui demande de quitter les lieux. De plus, pour que l'application de la loi soit efficace, les délais d'intervention ont besoin d'être les plus courts possible.
Les Services de police du CP ont conclu des ententes avec des services de police locaux partout sur le réseau du CP pour accroître le nombre d'agents d'application de la loi qui sont sensibilisés à la sécurité ferroviaire et travaillent à l'améliorer. En Ontario, les Services de police du CP comptent sur 14 services de police locaux qui agissent en son nom pour faire respecter la Loi sur l'entrée sans autorisation de l'Ontario. Pour aider à assurer que les délais d'intervention soient courts et qu'il y ait davantage de patrouilles dans les zones d'intrusion connues, les service de police des chemins de fer et locaux peuvent conclure d'autres ententes dans les municipalités canadiennes où il y a une présence importante de voies ferrées.
Comme l'article 26.1 de la Loi sur la sécurité ferroviaire constitue une disposition aux termes de la Loi sur contraventions, seuls les agents des services de police des chemins de fer et d'autres agents de la paix peuvent faire appliquer la disposition sur les intrusions et délivrer des amendes. Par conséquent, l'article 26.1 de la Loi sur la sécurité ferroviaire n'est pas inclus à l'Annexe 1 du Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires relatives à la sécurité ferroviaire, et les inspecteurs de Transports Canada ne peuvent pas imposer des amendes à des personnes qui font intrusion sur le domaine ferroviaire.
Si les stratégies d'ingénierie collaboratives pour empêcher l'accès aux emprises ferroviaires ne sont pas adoptées ni mises en œuvre de manière efficace par les autorités routières et les chemins de fer, les intrusions se poursuivront et le risque de blessures aux personnes concernées augmentera.
2.4.3 Stratégies d'éducation
Les stratégies d'éducation consistent à sensibiliser les gens aux dangers des intrusions sur le domaine ferroviaire. Au Canada, Opération Gareautrain a mis en œuvre un certain nombre de campagnes actives de sensibilisation publique qui font appel à une combinaison de médias sociaux, de présentations en personne et de publicités extérieures (comme des affiches dans des autobus et des panneaux d'affichage). Cependant, aucune des adolescentes concernées par l'événement n'avait assisté à une présentation et n'était au courant du programme d'Opération Gareautrain. Plusieurs stratégies d'éducation au Canada et à l'étranger ont ciblé les dangers associés aux intrusions sur le domaine ferroviaire.
Le comportement à risque est plus élevé chez les adolescents. Les méthodes classiques d'éducation du public sont devenues moins efficaces. Les médias sociaux sont devenus une façon plus efficace d'atteindre les auditoires plus jeunes. On peut capter l'imagination du public d'une manière relativement économique par l'entremise des médias sociaux, mais il peut être plus difficile de bien cibler cet auditoire plus jeune.
Si des stratégies d'éducation ciblées ne sont pas élaborées ni mises en œuvre efficacement, les intrusions sur le domaine ferroviaire se poursuivront et le risque de blessures aux personnes concernées augmentera.
Données démographiques et géographiques
Le comité d'examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire 2017 a émis une recommandation quant au besoin de recueillir plus de données démographiques et géographiques sur les accidents liés à une intrusion, pour identifier les groupes de population sur lesquels se concentrer et localiser les points chauds relativement aux intrusions. En cernant et comprenant le profil démographique d'une personne typique qui fait intrusion, on peut élaborer des stratégies particulières pour faire face au problème. Par exemple, les stratégies nécessaires à la prévention du suicide sont probablement différentes de celles utilisées pour prévenir les accidents dus à une mésaventure. Cependant, pour les événements liés à une intrusion, les chemins de fer ne recueillent pas systématiquement des renseignements personnels comme l'âge, le sexe et les renseignements médicaux. De plus, ils ne cherchent pas à déterminer la cause (suicide ou mésaventure) et ne sont pas tenus de fournir ces renseignements au BST, sauf à sa demande expresse pour des événements choisis. Par conséquent, les renseignements sur les personnes ayant fait intrusion qui sont entrés dans la base de données sur les événements ferroviaires du BST ne sont pas suffisamment détaillés pour aider à définir le profil démographique de la personne typique qui fait intrusion. Sans un ensemble complet de données démographiques et géographiques sur les événements liés à une intrusion, il pourrait être impossible de maximiser l'efficacité des stratégies d'ingénierie, d'application de la loi et d'éducation pour contrer les dangers associés à cette activité très risquée.
2.5 Disponibilité des enregistrements des caméras orientées vers l'avant
Bien que la réglementation n'exige pas d'installer des caméras orientées vers l'avant, leurs enregistrements sont souvent utiles pour comprendre les circonstances qui ont mené à un accident.
Après le présent événement, le BST a été informé que la caméra orientée vers l'avant, dont la locomotive du train 141 était équipée, n'enregistrait pas. Le chemin de fer n'a pu fournir d'autres détails sur la raison pour laquelle la caméra n'enregistrait pas à ce moment-là. Les caméras orientées vers l'avant peuvent être utiles dans les enquêtes sur un accident, mais, dans le présent événement, il n'y avait pas données disponibles fournies par la caméra du train.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
- La séquence de l'accident a commencé lorsque 2 adolescentes sont entrées sur l'emprise ferroviaire près du saut-de-mouton de l'avenue Howland sans y être autorisées.
- Les 2 adolescentes, qui étaient intoxiquées au moment de l'événement parce qu'elles avaient consommé des substances psychoactives, sont montées sur l'un des wagons-citernes du train qui roulait lentement vers l'ouest (train 651), avec l'intention de se rendre au saut-de-mouton de la rue Christie, situé non loin de là.
- Les adolescentes ont sauté du wagon-citerne au passage à niveau public du chemin Wolfedale et se sont blessées en touchant le sol.
- L'une des adolescentes a subi des blessures plus graves, a été immobilisée temporairement et est restée sur l'emprise. Peu de temps après, le train 141 a heurté l'adolescente, qui a été projetée vers le sud et a atterri contre le rail nord de la voie 3, subissant ainsi d'autres blessures graves.
- Les adolescentes n'étaient pas particulièrement sensibilisées aux risques auxquels elles s'exposaient en accédant aux voies ferrées. L'état psychophysiologique et l'âge des adolescentes au moment de l'événement ont contribué à leur décision d'accéder au domaine ferroviaire et de monter sur le train qui roulait lentement.
3.2 Faits établis quant aux risques
- Si les panneaux indicateurs d'entrée interdite « No Trespassing » ne sont pas suffisamment perceptibles et qu'on ne prévient pas l'accès aux voies près du saut-de-mouton de l'avenue Howland, des gens continueront de faire intrusion sur l'emprise ferroviaire à cet endroit, augmentant ainsi le risque de blessures et de morts.
- Si les gens continuent de faire intrusion sur le domaine ferroviaire, le risque de blessures et de morts continue d'être présent.
- Si des stratégies d'ingénierie collaboratives pour empêcher l'accès aux emprises ferroviaires ne sont pas élaborées et mises en œuvre efficacement par toutes les parties prenantes, les intrusions se poursuivront et le risque de blessures faisant intrusion augmentera.
- Si les lignes directrices sur le voisinage ne sont pas adoptées et appliquées par les municipalités quand de nouveaux aménagements sont construits à proximité du domaine ferroviaire, les interactions du public avec le chemin de fer s'accroîtront à ces endroits, augmentant ainsi le risque d'accident.
- Si les stratégies d'ingénierie collaboratives pour empêcher l'accès aux emprises ferroviaires ne sont pas adoptées ni mises en œuvre de manière efficace par les autorités routières et les chemins de fer, les intrusions se poursuivront et le risque de blessures aux personnes concernées augmentera.
- Si des stratégies d'éducation ciblées ne sont pas élaborées ni mises en œuvre efficacement, les intrusions sur le domaine ferroviaire se poursuivront et le risque de blessures aux personnes concernées augmentera.
- Sans un ensemble complet de données démographiques et géographiques sur les événements liés à une intrusion, il pourrait être impossible de maximiser l'efficacité des stratégies d'ingénierie, d'application de la loi et d'éducation pour contrer les dangers associés à cette activité très risquée.
3.3 Autres faits établis
- Les caméras orientées vers l'avant peuvent être utiles dans les enquêtes sur un accident, mais, dans le présent événement, il n'y avait pas données disponibles fournies par la caméra du train.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 17 nbsp;mai 2018, le BST a émis l'avis de sécurité ferroviaire (ASF) 02/18 à l'intention de Transports Canada (TC) et d'Opération Gareautrain au sujet de la dissuasion des intrusions sur le domaine ferroviaire. L'ASF constatait la présence de sentiers non autorisés menant à l'emprise ferroviaire. Ces sentiers fréquentés laissaient croire que les intrusions étaient sans doute nombreuses à ces endroits. L'ASF ajoutait que, compte tenu des risques inhérents aux intrusions sur le domaine ferroviaire, il serait souhaitable que TC, Opération Gareautrain, les compagnies de chemin de fer et les municipalités locales revoient et modifient leurs stratégies (selon les besoins) pour contrôler l'accès au domaine ferroviaire, appliquer les lois liées aux intrusions de manière efficace et éduquer les gens aux risques connexes.
En réponse à l'ASF 02/18, Opération Gareautrain a indiqué qu'elle continuerait de cibler ses efforts sur la diffusion de messages anti-intrusion aux Canadiens dans les années à venir afin de réduire le nombre d'incidents liés à une intrusion.
Le 25 juin 2018, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) répondait à l'ASF 02/18 en fournissant de l'information sur son programme complet de sécurité et sûreté communautaires.
4.1.2 Chemin de fer Canadien Pacifique
En mai 2019, le CP a installé des clôtures près de l'avenue Howland entre la barrière du passage supérieur et le bord de la clôture existante, et posé un autre panneau indicateur d'entrée interdite « No Trespassing ».
Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .