Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R19C0015

Mouvement non contrôlé de matériel roulant et déraillement de train en voie principale
Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique
Train de marchandises 301-349
Point milliaire 130,6, subdivision de Laggan
Yoho (Colombie-Britannique)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 4 février 2019, le train de marchandises numéro 301-349 de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP), exploité par une équipe de relève, a déraillé sur Field Hill, près de Field (Colombie-Britannique), sur une section de voie de 13,5 milles présentant une pente descendante abrupte (pente moyenne de 2,2 %) et plusieurs courbes prononcées. Les 3 membres de l’équipe—un mécanicien de locomotive, un chef de train et un chef de train stagiaire—ont été mortellement blessés.

    L’accident

    Avant l’arrêt d’urgence

    Le train-blocNote de bas de page 1 céréalier, qui comprenait 112 wagons-trémies chargés, pesait 15 042 tonnesNote de bas de page 2 et mesurait 6676 pieds, avait quitté Calgary (Alberta) vers 14 h 30Note de bas de page 3 la veille de l’événement, exploité par une équipe descendanteNote de bas de page 4 composée d’un mécanicien de locomotive et d’une chef de train. Le train cheminait vers l’ouest sur la subdivision de Laggan, qui s’étend de Calgary à Field. Alors que le train circulait dans les montagnes, la température était devenue extrêmement froide (moins de −25 °C).

    Le train a commencé à descendre Field Hill vers 21 h 36. Lorsque le train entier s’est trouvé sur la partie la plus abrupte de la pente, il n’a pas pu rester en deçà de la limite de vitesse de 15 mi/h. Quand la vitesse a atteint 21 mi/h, l’équipe descendante a serré les freins d’urgence, comme l’exigeaient les procédures d’exploitation de la compagnie de chemin de fer. Vers 21 h 49, le train s’est immobilisé à Partridge, en Colombie-Britannique (point milliaire 127,46). À partir de là, il restait au train environ 9 milles de pente de 2,2 % à descendre.

    Pendant l’arrêt d’urgence

    Après avoir immobilisé le train d’urgence, l’équipe descendante a tenu une séance de briefing avec le coordonnateur de trains. Il a été décidé de remettre le train en route en desserrant les freins d’urgence et en permettant aux freins à air de se recharger pendant que le train poursuivait sa descente (une opération appelée desserrage et resserrage des freins en descente, ou release and catch). Afin de limiter l’accélération du train après le desserrage des freins, il fallait régler à la position haute pression les robinets de retenue de pressionNote de bas de page 5 de 84 des wagons. La chef de train s’est acquittée de cette tâche vers 23 h 30.

    Puisque l’équipe descendante approchait la fin de son quart de travail, une équipe de relève a été appelée pour terminer le voyage vers Field. L’équipe de relève a commencé son quart de travail à 22 h 30 et est arrivée au train—après qu’une série de circonstances l’eut retardée—vers 0 h 20 le 4 février 2019, soit quelque 2,5 heures après que le train eut été arrêté d’urgence. Pendant ce temps, la température ambiante avait chuté à −28 °C, et le système de freins à air du train avait perdu de l’air comprimé, ce qui avait réduit la capacité des freins à maintenir le train sur la pente abrupte.

    Le mouvement non contrôlé

    L’équipe de relève a pris la garde et les commandes du train et s’est préparée à se remettre en route, mais a attendu dans la cabine de la locomotive que le véhicule d’entretien sur rail transportant l’équipe descendante ait libéré la voie principale avant d’entamer la manœuvre de desserrage et resserrage des freins en descente.

    À 0 h 42, avant que l’équipe de relève ne puisse entamer cette manœuvre, le train a commencé à avancer très lentement, puis à accélérer graduellement de façon non contrôlée vers le bas de la pente abrupte. Le train a réussi à franchir les contre-courbes successives alors que sa vitesse atteignait 53 mi/h, mais n’a pas pu franchir la courbe prononcée de 9,8° juste avant le pont de la rivière Kicking Horse. Deux locomotives et 99 wagons ont déraillé à partir du point milliaire 130,6.

    Lacunes de sécurité ayant contribué à l’accident

    L’enquête a révélé un certain nombre de lacunes de sécurité qui ont contribué à l’accident :

    • La dégradation des systèmes de freins à air par température extrêmement froide
    • Les limites des méthodologies actuelles d’essai des freins de train pour ce qui est d’évaluer avec exactitude le rendement des freins à air à ces températures
    • Une formation qui n’était pas propre aux conditions d’exploitation uniques de la subdivision de Laggan, et l’expérience inadéquate des employés supervisant les opérations sur pentes en terrain montagneux Note de bas de page 6 dans cette subdivision
    • La nécessité de mieux cerner les dangers au moyen de signalements, de l’analyse des tendances des données et d’évaluations des risques dans le cadre du système de gestion de la sécurité (SGS) du CP afin d’appuyer les mesures d’atténuation des risques
    • La nécessité de moyens de défense physiques supplémentaires pour prévenir les mouvements non contrôlés de matériel roulant

    Dégradation du système de freins à air par température extrêmement froide

    La fuite d’air comprimé du système de freins à air du train a dégradé le rendement des freins par cette température extrêmement froide. En conséquence, même si le mécanicien de locomotive de l’équipe descendante avait augmenté le serrage des freins plusieurs fois pendant la descente de Field Hill vers Partridge, la vitesse du train a continué d’augmenter. Lorsque la vitesse a atteint 21 mi/h, l’équipe du train a serré les freins d’urgence.

    Après l’arrêt du train, les freins à air ont continué de fuir pendant les 3 heures suivantes, jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus tenir le train.

    L’enquête a fait appel à plusieurs méthodes différentes pour déterminer l’efficacité des freins au moment de l’événement, notamment des essais exhaustifs sur 13 wagons récupérés sur le site de l’accident, un examen des données sur la température des roues des wagons du train, des calculs de la force retardatrice des freins de même que des simulations informatisées de la dynamique du train.

    Les résultats indiquaient tous que, pendant la descente de Field Hill avant l’arrêt d’urgence, l’efficacité des freins du train était de l’ordre de 60 % à 62 %. Après que le train fut resté stationnaire sur Field Hill pendant environ 3 heures, l’effort de freinage s’était dégradé au point où le wagon moyen fournissait moins de 40 % de son effort de freinage maximal théorique.

    Plusieurs facteurs ont contribué à la dégradation du rendement au freinage du train à l’étude, en particulier les fuites d’air comprimé aux cylindres de frein des wagons, qui étaient aggravées par la température extrêmement froide. Si les fuites sont excessives ou nuisent au fonctionnement normal de l’équipement de freins à air, les freins peuvent ne pas se serrer du tout, peuvent produire une force retardatrice moins importante que prévu, ou peuvent se desserrer après un certain temps.

    Limites des méthodologies actuelles d’essai des freins de train

    La plupart des problèmes de freins à air peuvent être détectés lorsque les wagons de marchandises et les locomotives sont mis à l’essai et inspectés. L’essai sur wagon individuel est particulièrement pertinent dans l’événement à l’étude : il permet de vérifier le fonctionnement prévu des freins du wagon et de garantir, entre autres, que les freins restent serrés et ne présentent pas de taux de fuite supérieurs aux taux permissibles. Les wagons en service doivent subir cet essai au moins une fois tous les 5 ans. Les wagons du train à l’étude respectaient cette exigence.

    Parce que cet essai est habituellement réalisé dans l’environnement plus chaud d’un atelier d’entretien, il est très difficile de diagnostiquer les problèmes qui n’apparaissent que par température extrêmement froide. En outre, il ne peut pas servir à évaluer le fonctionnement des freins sur un train entier.

    Un des essais de frein effectué sur un train entier est l’essai de frein no 1, qui est réalisé par des inspecteurs accrédités de matériel remorqué lorsqu’un train est assemblé avant son départ. Cet essai permet de vérifier l’intégrité et la continuité de la conduite générale, l’état de la timonerie de frein, le serrage et le desserrage des freins à air ainsi que la course du piston sur chaque wagon du train. Le train ne peut partir que si au moins 95 % de ses freins sont fonctionnels. Le train à l’étude avait réussi un essai de frein no 1 au triage Alyth avant de quitter Calgary, à une température ambiante d’environ −26 °C.

    En confirmant que les freins se serrent et se desserrent, l’essai de frein no 1 peut vérifier la capacité de réagir d’un système de freins à air, mais ne permet pas de vérifier son efficacité. En outre, puisque cet essai est réalisé sur un train stationnaire, il ne met pas nécessairement en évidence les défectuosités du système de freins qui ne se manifestent que lorsque le train est en mouvement.

    Tant que les méthodologies d’essai des freins de train ne permettront pas d’évaluer avec exactitude l’efficacité des freins à air, les trains exploités par températures extrêmement froides pourront continuer d’avoir un freinage inefficace, ce qui augmente le risque de perte de maîtrise et de déraillement.

    Caractère suffisant de la formation

    L’itinéraire qui traverse les montagnes Rocheuses dans la subdivision de Laggan franchit certains des reliefs d’exploitation ferroviaire les plus difficiles d’Amérique du Nord. Les températures hivernales, la glace et la neige accroissent le niveau de difficulté—et présentent leurs propres défis.

    Mécaniciens de locomotive

    Les mécaniciens de locomotive doivent être certifiés pour la subdivision dans laquelle ils exploitent des trains. Dans la subdivision de Laggan, la certification exige environ 3 mois supplémentaires de formation relative aux opérations sur Field Hill. Cette formation comprend des voyages ayant pour but de s’exercer à descendre la pente en terrain montagneux et à reprendre en toute sécurité la descente d’un train arrêté sur la pente, ainsi que d’obtenir une qualification pour ces tâches.

    Au moment de l’événement, le programme de certification pour Field Hill du CP ne comprenait pas de module sur les défis particuliers posés par l’exploitation d’un train sur une pente en terrain montagneux par température extrêmement froide. Ce type de formation pourrait rendre les mécaniciens de locomotive plus conscients des enjeux liés au fonctionnement du système de freins à air par température extrêmement froide et accroître leur vigilance lorsqu’ils se trouvent dans des situations semblables à celle qui est survenue dans l’événement à l’étude.

    Chefs de train

    Au moment de l’événement, le CP exigeait que les chefs de train revoient en classe les procédures d’exploitation pertinentes au moyen d’aide-mémoire et de schémas de la voie afin de travailler sur Field Hill. Les nouveaux employés participaient également à un exercice en classe de 2 semaines dans un environnement simulé, où ils exerçaient les fonctions de chef de train en appliquant toutes les règles et les instructions d’exploitation. Toutefois, il n’y avait aucun voyage simulé expressément pour Field Hill, et les chefs de train n’étaient pas tenus d’être certifiés pour Field Hill. Si la formation donnée en classe n’aborde pas les besoins uniques du territoire où les employés seront appelés à travailler, et si les employés ne reçoivent pas la formation pertinente en cours d’emploi sur ce territoire, ils ne seront pas bien préparés pour exercer leurs fonctions en toute sécurité.

    Coordonnateurs de trains

    Après l’arrêt d’urgence sur Field Hill, les procédures et les instructions d’exploitation du CP exigeaient que l’équipe descendante tienne une séance de briefing avec le coordonnateur de trains afin de déterminer la meilleure marche à suivre, et qu’elle suive les instructions du coordonnateur de trains.

    Les coordonnateurs de trains qui surveillent les opérations ferroviaires, doivent posséder l’expertise technique, les connaissances et l’expérience nécessaires pour discuter des options et fournir des solutions dans des situations opérationnelles complexes, comme le rétablissement après le serrage d’urgence des freins sur une pente en terrain montagneux.

    Dans l’événement à l’étude, le coordonnateur de trains s’était qualifié comme mécanicien de locomotive dans le cadre du programme de formation des gestionnaires, mais il ne s’était pas qualifié dans la subdivision de Laggan et n’avait donc jamais reçu la formation sur Field Hill. L’efficacité du coordonnateur de trains à titre de chef technique a probablement été amoindrie par l’incompatibilité entre son expérience et les exigences liées à la supervision des opérations en terrain montagneux dans la subdivision de Laggan.

    Beaucoup de compagnies de chemin de fer en Amérique du Nord font appel à des contremaîtres de locomotive. Il s’agit également d’un rôle de surveillant, mais il porte sur les aspects techniques de l’exploitation ferroviaire (conduite des trains, fonctionnement des freins à air, dynamique du train, etc.). Les contremaîtres de locomotive sont des mécaniciens de locomotive d’expérience ayant une vaste expertise technique et opérationnelle propre au territoire qu’ils supervisent. Au moment de l’événement, il y avait un contremaître de locomotive au terminal de Calgary (le poste avait été vacant de 2016 à 2018), mais son expertise et son expérience techniques étaient semblables à celles d’un coordonnateur de trains.

    Nécessité de mieux identifier les dangers, analyser les données et évaluer les risques

    Un SGS est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux compagnies de gérer les risques efficacement et de rendre les opérations plus sûres. Les évaluations des risques sont la pierre angulaire d’un SGS pleinement fonctionnel et efficace, et sont essentielles pour permettre à une compagnie de fonctionner en toute sécurité.

    Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire oblige les compagnies de chemin de fer à réaliser des évaluations des risques, notamment lorsqu’une préoccupation en matière de sécurité est mise en évidence. Pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les compagnies de chemin de fer doivent analyser continuellement leurs activités, les tendances actuelles ou naissantes, et les situations récurrentes. Ces analyses sont fondées sur des renseignements comme les signalements par les employés de dangers pour la sécurité et les données des technologies de surveillance de la sécurité.

    Rapports sur les dangers pour la sécurité

    Des rapports sur les dangers pour la sécurité portant sur des trains-blocs céréaliers ayant eu des problèmes de freinage pendant la descente de Field Hill par températures froides en hiver avaient été présentés par des équipes de train en janvier et en février depuis nombre d’années. À mesure que les signalements individuels de ce danger étaient clos, de nouveaux rapports semblables continuaient d’être consignés dans le système de signalement. Bien que la procédure du CP relative au signalement des dangers pour la sécurité ait été suivie activement au terminal de Calgary, l’analyse des tendances qu’elle exigeait n’était pas effectuée. Par conséquent, d’année en année, les rapports relatifs au freinage médiocre des trains-blocs céréaliers sur Field Hill étaient clos, aucune évaluation des risques n’était effectuée et les mesures correctives prises étaient insuffisantes.

    Données des détecteurs de température des roues

    Le CP recueille les données des détecteurs de température des roues sur son réseau. Les travaux réalisés par le CP pour utiliser des détecteurs afin de savoir quels wagons éprouvaient des problèmes de système de freins étaient inédits lorsqu’ils ont commencé en 2008. Ces détecteurs permettent d’identifier les wagons ayant des roues froides—les roues froides étant un indicateur de mauvais rendement au freinage. Les données recueillies en hiver permettent au CP de surveiller la sensibilité à la température et le rendement des freins à air des wagons lorsqu’ils sont le plus susceptibles aux fuites.

    Les détecteurs de température de roues sont une technologie de surveillance de la sécurité et, à ce titre, les données qu’ils fournissent doivent être analysées pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les tendances actuelles ou naissantes, ou les situations récurrentes. Toutefois, au moment de l’événement, le CP n’analysait pas les données disponibles sur les wagons céréaliers et a raté l’occasion de cerner le danger et d’atténuer tout risque lié au rendement au freinage des trains céréaliers par température extrêmement froide.

    Évaluations des risques avant de mettre en œuvre des changements opérationnels

    Des évaluations des risques doivent être réalisées avant de mettre en œuvre des changements opérationnels susceptibles de créer de nouveaux dangers ou d’accroître la gravité des dangers existants. Au cours des années précédant l’événement, le CP a apporté des changements progressifs aux procédures d’exploitation de Field Hill, notamment au seuil de vitesse auquel les trains sont autorisés à descendre Field Hill de même qu’aux exigences en matière de robinets de retenue et de freins à main après un serrage d’urgence des freins. Le CP n’a toutefois réalisé aucune analyse des risques pour évaluer l’incidence de ces changements sur la sécurité.

    Nécessité de moyens de défense physiques supplémentaires contre les mouvements non contrôlés

    L’événement à l’étude est l’un des 589 événements relatifs à des mouvements imprévus et non contrôlés sur l’ensemble des chemins de fer au Canada qui ont été signalés au BST de 2010 à 2019. La perte de maîtrise, comme dans l’événement à l’étude, était la cause de 22 (4 %) d’entre eux. Même si les mouvements non contrôlés résultant d’une perte de maîtrise sont peu fréquents, 59 % d’entre eux (13 sur 22) touchaient la voie principale.

    Les mouvements non contrôlés présentent un risque important pour les employés ferroviaires. Lorsque ces mouvements touchent la voie principale, le public—notamment les passagers et les personnes se trouvant aux abords de la voie ferrée—peut également être exposé à des risques. Les risques augmentent considérablement lorsqu’un train transporte des marchandises dangereuses. Par conséquent, ces événements sont considérés comme des événements peu fréquents mais à risque élevé.

    Le BST demeure préoccupé par le fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité. Les mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire figurent sur la Liste de surveillance 2020 du BST, une liste des principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    De nouvelles technologies sont disponibles

    De nombreuses avancées technologiques sont disponibles pour le réseau ferroviaire nord-américain afin d’améliorer le rendement au freinage des trains, notamment les freins d’immobilisation en stationnement, les semelles de frein haute capacité résistant à l’évanouissement, les distributeurs de wagon avec fonction de maintien de la pression au cylindre de frein, et le maintien de la force de freinage dynamique sur les locomotives télécommandées. Ces améliorations technologiques sont des exemples de moyens de défense physiques susceptibles de réduire la fréquence des mouvements imprévus et non contrôlés du matériel roulant ferroviaire. Les principales compagnies de transport ferroviaire de marchandises se sont montrées réceptives à l’évaluation de ces avancées, mais ne les ont pas entièrement mises en œuvre. Au moment de l’événement, il n’existait aucune exigence réglementaire pour leur mise en œuvre.

    Mesures de sécurité prises à la suite de l’accident

    Bureau de la sécurité des transports du Canada

    Peu après l’accident, le BST a communiqué des renseignements essentiels pour la sécuritéNote de bas de page 7 à propos de :

    • la prévention de mouvements incontrôlés des trains immobilisés d’urgence dans des déclivités  de moins de 1,8 % (Avis de sécurité ferroviaire 04/19 du BST, émis le 11 avril 2019);
    • l’inspection et la maintenance du circuit de freins à air sur les wagons-trémies céréaliers des trains-blocs du CP (Avis de sécurité ferroviaire 05/19 du BST, émis le 11 avril 2019);
    • l’efficacité des essais de frein no 1 (Avis de sécurité ferroviaire 04/20 du BST, émis le 17 avril 2020).

    Transports Canada

    Pour sa part, Transports Canada a lancé de nombreuses initiatives, entre autres l’émission d’un arrêté ministériel exigeant que les équipes de trains immobilisés par serrage d’urgence des freins sur une pente de 1,8 % ou plus serrent immédiatement un nombre suffisant de freins à main avant de recharger le système de freins à air. L’arrêté ministériel a plus tard été révoqué lorsqu’il a été remplacé par la règle 66 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada.

    Transports Canada a également approuvé l’utilisation de la technologie d’essai automatisé de l’efficacité des freins de train afin de remplacer les essais de frein no 1 pour les trains-blocs céréaliers du CP exploités entre certains endroits de l’Ouest canadien et le port de Vancouver.

    Canadien Pacifique

    Quant à lui, le CP :

    • a révisé les procédures de conduite des trains pour la subdivision de Laggan en ce qui concerne l’utilisation des robinets de retenue et des freins à main avant de rétablir les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins sur les pentes en terrain montagneux;
    • a émis le bulletin d’exploitation OPER-AB-015-19 qui, à la fois, établissait de nouvelles limites de vitesse par temps froid sur Field Hill pour les trains dont le poids par frein fonctionnel est égal ou supérieur à 100 tonnes et exigeait que les desserrages intempestifs des freins sur Field Hill soient immédiatement signalés au contrôleur de la circulation ferroviaire;
    • a surveillé la température des roues de tous les trains céréaliers circulant vers l’ouest et passant devant les détecteurs installés sur les subdivisions de Laggan et de Mountain, ce qui a entraîné la mise hors service et l’envoi en réparation de plus de 5000 wagons céréaliers;
    • a élaboré un programme de formation avancé des mécaniciens de locomotive visant à étoffer leurs compétences et à leur offrir une préparation supplémentaire leur permettant de composer avec les conditions adverses sur le terrain. Les conditions adverses couvertes par le programme de formation comprennent la réaction à des changements mineurs et majeurs dans le débit d’air et aux fluctuations dans la conduite générale, la réaction à un desserrage intempestif des freins à air, et les procédures de rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins à air.

    Recommandations du BST

    Afin de corriger les problèmes de sécurité systémiques qui ont posé un risque important dans l’événement à l’étude, le Bureau a formulé 3 recommandations, soit :

    • que le ministère des Transports établisse des normes d’essai plus rigoureuses et des exigences de maintenance en fonction du temps pour les cylindres de frein des wagons de marchandises exploités sur des pentes descendantes abruptes par température ambiante froide (Recommandation R22-01 du BST);
    • que le ministère des Transports exige que les chemins de fer de marchandises canadiens dressent et mettent en œuvre un échéancier d’installation de freins d’immobilisation en stationnement sur les wagons de marchandises, en priorisant l’installation en rattrapage sur les wagons utilisés dans les trains-blocs de marchandises en vrac exploités en terrain montagneux (Recommandation R22-02 du BST);
    • que le ministère des Transports exige que la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique démontre que son système de gestion de la sécurité permet de cerner efficacement les dangers résultant des opérations, en utilisant toute l’information disponible, y compris les signalements de dangers par les employés et les tendances des données; qu’il évalue les risques connexes; et qu’il mette en œuvre des mesures d’atténuation et en valide l’efficacité (Recommandation R22-03 du BST).

    1.0 Renseignements de base

    1.1 Le territoire

    Le 3 février 2019, le train de marchandises 301-349 de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (Canadien Pacifique, ou CP) circulait vers l’ouest dans la subdivision de Laggan, qui s’étend du point milliaire 0,0 à Calgary (Alberta) au point milliaire 136,6 à Field (Colombie-Britannique).

    La subdivision de Laggan fait partie du corridor principal du CP menant à la côte Ouest. Il s’agit de l’une de plusieurs subdivisions caractérisées par des pentes abruptes et des courbes prononcées qui traversent les montagnes Rocheuses et la chaîne des Cascades. Cet itinéraire traverse certains des reliefs d’exploitation ferroviaire les plus difficiles en Amérique du Nord et est soumis à des conditions environnementales qui comprennent une chaleur et un froid extrêmes, des avalanches, des éboulements et des déstabilisations de talus pendant le ruissellement du printemps.

    L’itinéraire entre Calgary et Stephen (Colombie-Britannique), au point milliaire 123,1, est constitué d’une longue montée graduelle, suivie d’une descente abrupte à Field Hill.

    Le tronçon de la subdivision de Laggan connu sous le nom de Field Hill s’étend sur 13,5 milles depuis Stephen jusqu’à Field. Il est désigné comme une pente en terrain montagneuxNote de bas de page 8 et passe d’une altitude de 5290 pieds à Stephen à une altitude de 4045 pieds à Field. La pente descendante varie entre 1,7 % et 2,2 %.

    Sur le tronçon Field Hill, la voie emprunte plusieurs tunnels et enjambe la rivière Kicking Horse au point milliaire 130,6 entre 2 tunnels en spirale. Le tunnel Upper Spiral, d’une longueur de 3255 pieds, s’étend du point milliaire 128,8 au point milliaire 129,5. Le tunnel Lower Spiral, d’une longueur de 2922 pieds, s’étend du point milliaire 131,0 au point milliaire 131,5.

    La voie comporte plusieurs courbes prononcées qui varient de 8° à 10°, notamment des contre-courbes consécutives. Au point milliaire 130,2, la voie fait une courbe vers la gauche de 8,4° suivie d’une courbe vers la droite de 7,9°; puis, à l’approche du pont de la rivière Kicking Horse, la voie fait une nouvelle courbe vers la gauche de 9,8°.

    Dans l’événement à l’étude, le train s’est arrêté d’urgence au point milliaire 127,46 à Partridge (Colombie-Britannique). Quelques heures plus tard, il a commencé à se déplacer de lui-même, de façon non contrôlée. La tête du train a déraillé au point milliaire 130,6 (figures 1 et 2).

    Figure 1. Carte montrant le lieu de l’événement, et carte en médaillon montrant les lieux de l’événement et de l’arrêt d’urgence (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)
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    Carte montrant le lieu de l’événement, et carte en médaillon montrant les lieux de l’événement et de l’arrêt d’urgence (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas du rail canadien, avec annotations du BST)
    Figure 2. Déclivités de la voie sur le tronçon Field Hill et lieu où le train s’est arrêté d’urgence (Source : BST)
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    Déclivités de la voie sur le tronçon Field Hill et lieu où le train s’est arrêté d’urgence (Source : BST)

    1.2 L’accident

    Un résumé des événements pertinents de l’événement à l’étude est présenté au tableau 1. Une chronologie détaillée des événements qui se sont produits entre le moment où le train s’est arrêté d’urgence et le moment où il a commencé à rouler de manière non contrôlée est présentée au tableau 2. Ces 2 tableaux se trouvent à la section 1.2.4.

    Une description des freins des locomotives et des wagons est fournie à l’annexe A. Des renseignements sur l’inspection et l’essai des systèmes de freins à air sont présentés à l’annexe B.

    1.2.1 Avant le serrage d’urgence des freins

    Le matin précédant l’événement, à 10 h 30Note de bas de page 9, on a demandé à une équipe de train du CP (équipe descendanteNote de bas de page 10) de se présenter au triage Alyth de Calgary pour 12 h 30. L’équipe devait conduire le train de marchandises 301-349 vers l’ouest dans la subdivision de Laggan.

    Le train était un train-blocNote de bas de page 11 comprenant 112 wagons-trémies chargés de céréales. Il pesait 15 042 tonnesNote de bas de page 12 et mesurait 6676 pieds. Il était propulsé par 3 locomotives à traction répartie — 1 en tête, 1 en milieu et 1 en queue de train. Les locomotives en milieu et en queue de train étaient télécommandéesNote de bas de page 13.

    Plus tôt dans la journée, vers 12 h 10, le train était arrivé au triage Alyth avec 1 wagon isolé (position 101, CP 603181) Note de bas de page 14. Avant le départ du triage Alyth, le train a été soumis à un essai de frein no 1 Note de bas de page 15. L’essai a révélé une défectuosité des freins de 1 autre wagon (position 27, CP 607409), qui a aussi été isolé. Le train, avec ses 2 wagons isolés, a reçu l’autorisation de quitter le triage, environ 60 minutes plus tard que prévu. Les systèmes de freinage de 2 des 112 wagons étant isolés, 98 % des freins du train étaient fonctionnels, ce qui donnait un poids de 131,1 tonnes par frein fonctionnel.

    Le train a quitté le triage Alyth vers 14 h 30. Il circulait par température extrêmement froide; lorsqu’il a franchi le point milliaire 65,6, un détecteur de boîtes chaudesNote de bas de page 16 en bordure de la voie a indiqué à l’équipe que la température ambiante était de −27 °C.

    En route, les membres de l’équipe ont été retardés plusieurs fois dans leur progression vers l’ouest, le temps de déplacement ayant été accru par la vitesse réduite en raison de basses températures ambiantes, le mauvais fonctionnement d’aiguillages et les croisements de trains. Le mécanicien de locomotive (ML) a remarqué des augmentations du débit d’air chaque fois qu’il serrait les freins à air le long de l’itinéraireNote de bas de page 17, mais le système de freins à air fonctionnait comme prévu.

    Vers 21 h 36, le train a commencé à descendre la pente abrupte débutant au point milliaire 125,6. Le train n’a pas pu rester en deçà de la limite maximale autorisée de 15 mi/h; lorsque la vitesse a atteint 21 mi/h, l’équipe a serré d’urgence les freins, et le train s’est arrêté à Partridge vers 21 h 49. À partir de l’endroit où le train s’est arrêté, il restait environ 9 milles de pente de 2,2 % à descendre avant que la pente ne diminue à entre 0,5 % et 0,4 % sur environ 9000 pieds à partir de Field.

    1.2.2 Pendant l’arrêt d’urgence

    À 22 h 15, environ 25 minutes après l’arrêt du train à la suite d’un serrage d’urgence des freins, l’équipe descendante et le coordonnateur de trains ont tenu la séance de briefing requise afin d’évaluer la situation et de déterminer le meilleur plan d’action pour rétablir les systèmes de freinageNote de bas de page 18 après le serrage d’urgence des freins. Il a été décidé que la chef de train réglerait les robinets de retenueNote de bas de page 19 à la position haute pression (HP) sur 75 % des wagons (soit 84 wagons), comme l’exigeait les procédures d’exploitation de Field Hill (Field Hill operating procedures [FHOP]), pour faciliter le desserrage et resserrage des freins en descente (release and catch)Note de bas de page 20. Étant donné que les membres de l’équipe descendante avaient atteint la limite d’heures de service fixée à 10 heures dans leur convention collective, le directeur du contrôle de la circulation ferroviaire (CCF) a commandé une équipe de relève, qui prendrait les commandes du train et terminerait le voyage jusqu’à Field.

    Les membres de l’équipe de relève — 1 ML, 1 chef de train et 1 stagiaire — n’étaient pas disponibles immédiatement; ils devaient se présenter au travail à 22 h 30. Ils avaient à l’origine été appelés à Field pour prendre la relève d’un autre train et, à ce moment-là, le ML de relève avait choisi, comme sa convention collective le lui permettait, de commencer son quart de travail 2 heures plus tard Note de bas de page 21. Une fois en route, les membres de l’équipe se sont rendus à Yoho en véhicule routier et ont dû par la suite poursuivre le voyage jusqu’à Partridge en chasse-neige sur rail.

    À Yoho, le ML de relève a eu une séance de briefing en personne avec le coordonnateur de trains, qui l’a informé de la décision de régler les robinets de retenue sur 84 des wagons du train pour aider à rétablir de façon sûre les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins. En quittant Yoho, l’équipe de relève a de nouveau été retardée, car il a fallu déneiger un aiguillage menant à la voie principale.

    En attendant l’arrivée de l’équipe de relève, la chef de train de l’équipe descendante a réglé les robinets de retenue requis sur 84 (75 %) des wagons, comme il en avait été décidé. La tâche, que le terrain montagneux, le froid extrême et l’obscurité rendaient plus ardue, a pris environ 1 heure. La chef de train est retournée à la locomotive vers 23 h 30.

    L’équipe de relève est arrivée à Partridge à 0 h 05 le 4 février 2019, puis au train à 0 h 20, environ 2,5 heures après l’arrêt d’urgence.

    1.2.3 Le mouvement non contrôlé

    Au moment de prendre les commandes du train, les membres de l’équipe de relève ont eu une séance de briefing avec l’équipe descendante dans la locomotive de tête, et aucune préoccupation n’a été soulevée. L’équipe de relève a ensuite attendu, car le train ne pouvait pas entamer la descente avant qu’un permis d’occuper la voie ne soit annuléNote de bas de page 22, ce qui exigeait que le chasse-neige sur rail transportant les membres de l’équipe descendante ait dégagé l’aiguillage est de Yoho. Le ML a indiqué dans une conversation avec le CCF qu’il ne rétablirait pas les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins avant d’avoir reçu la confirmation que la voie était libre.

    À 0 h 42, alors que l’équipe de relève attendait toujours, le train a commencé à rouler de lui-même et le ML a transmis un message radio d’urgence. Le personnel technique sur la voie principale a entendu la transmission et a répondu qu’il indiquerait quand il aurait dégagé la voie à Yoho. Le CCF a répété plusieurs fois l’appel d’urgence pour avertir le personnel technique de dégager la voie principale le plus rapidement possible. Le ML a également demandé au CCF de dégager les trains de la voie principale à Field, ce qui a été fait, et d’évacuer le pavillon-dortoir de Field.

    Lorsque le train a commencé à rouler de manière non contrôlée, le chef de train et le stagiaire ont quitté la cabine de locomotive dans le but de serrer les freins à main pour arrêter ou ralentir le train; toutefois, le train a continué d’accélérer et le ML a ordonné aux 2 membres de l’équipe de retourner dans la cabine pour des raisons de sécurité. Ils n’ont réussi à serrer aucun des freins à main. Une fois le train en mouvement, il a accéléré rapidement et il n’était donc pas possible de rétablir les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freinsNote de bas de page 23.

    Quand le train a franchi les courbes prononcées pendant la descente, le ML a transmis qu’il s’attendait à ce que la résistance produite par ces courbes ralentisse l’accélération du mouvement non contrôlé et à ce que le train perde tout son élan dans les tunnels. Le train a pu franchir les contre-courbes successives alors que sa vitesse augmentait graduellement jusqu’à environ 53 mi/h, bien au-delà de la vitesse maximale autorisée; il n’a toutefois pas pu franchir la courbe prononcée de 9,8° juste avant le pont de la rivière Kicking Horse. La tête du train a déraillé au point milliaire 130,6, à 0 h 51. Les 3 membres de l’équipe ont été mortellement blessés.

    1.2.4 Chronologie de l’événement

    La chronologie de l’événement a été établie après un examen des renseignements disponibles, notamment les enregistrements de communication radio, les données des consignateurs d’événements de locomotive (CEL), et les entrevues (tableau 1).

    Tableau 1. Chronologie de l’événement à l’étude

    Remarque : Les heures pour lesquelles les secondes ont une valeur de 00 sont approximatives; les autres heures sont exactes, sauf indication contraire.

    Date Heure Description
    2019-02-03 12:30:00 L’équipe descendante reçoit l’ordre de se rendre au triage Alyth pour le train 301-349.
    2019-02-03 14:15:00 Le train réalise un essai de frein no 1 et d’une inspection au triage Alyth.
    2019-02-03 14:30:00 Le train quitte le triage Alyth avec 2 wagons isolés : CP 603181 (position 101) et CP 607409 (position 27).
    2019-02-03 14:36:00 Les membres de l’équipe rappellent au CCF qu’ils doivent arrêter de travailler à la fin de leur 10e heure de service, soit à 22 h 30, selon leur convention collective.
    2019-02-03 15:06:00 Le ML remarque une augmentation du débit d’air lors du serrage des freins alors qu’il arrête le train à Keith (Alberta) pour un croisement.
    2019-02-03 15:10:00 Le train fait l’objet d’une inspection au défilé et rien n’est relevé alors qu’il s’arrête à Keith pour croiser 3 trains.
    2019-02-03 15:19:00 Le CCF informe l’équipe d’un problème avec l’aiguillage ouest de Keith.
    2019-02-03 16:39:00 Le CCF communique avec l’équipe et lui demande de serrer les freins à 10 lb/po2 et de les desserrer pour donner suite à la détection d’une roue chaude sur le wagon à la position no 107 (DME 51034).
    2019-02-03 17:20:00 Le ML informe le CCF que la vitesse maximale du train est maintenant limitée à 25 mi/h jusqu’à Canmore (Alberta) et Banff (Alberta) après que le détecteur en bordure de la voie au point milliaire 65,6 a transmis une alerte de température froide de −27 °C sur le canal d’attente.
    2019-02-03 18:05:00 Le ML remarque une augmentation du débit d’air lors du serrage des freins alors qu’il arrête le train à Banff pour croiser un train.
    2019-02-03 18:38:00 Le CCF informe l’équipe de retards imminents à Eldon (Alberta) pour croiser d’autres trains, et en raison de problèmes liés aux conditions météorologiques et à l’aiguillage.
    2019-02-03 19:09:00 Le ML remarque une augmentation du débit d’air lors du serrage des freins alors qu’il arrête le train à Eldon pour croiser 2 trains.
    2019-02-03 19:10:00 Le train fait l’objet d’une inspection au défilé et rien n’est relevé alors qu’il s’arrête à Eldon pour des croisements.
    2019-02-03 20:14:00 Le train quitte la voie d’évitement d’Eldon. Le CCF libère les membres de l’équipe de leurs fonctions d’inspection du train à la fin de leur quart de travail à Field.
    2019-02-03 21:25:00 Le ML commence à déplacer le manipulateur du cran 1 au cran 2-3 à une vitesse de 2 mi/h pour garder le train en mouvement à l’approche de Stephen.
    2019-02-03 21:28:13 Le ML commande un serrage initial des freins à air au point milliaire 123,12 alors qu’il commence la descente de la pente à Stephen.
    2019-02-03 21:28:37 Le ML remarque une augmentation du débit d’air lors du serrage des freins.
    2019-02-03 21:36:45 Pendant la descente de Field Hill, le ML fait la première de plusieurs réductions progressives de la pression de la conduite générale alors que la vitesse du train continue d’augmenter.
    2019-02-03 21:37:15 Le ML remarque une augmentation du débit d’air lors du serrage des freins après avoir fait la première réduction progressive de la pression de la conduite générale.
    2019-02-03 21:48:08 Le ML et la chef de train serrent d’urgence les freins du train lorsque la vitesse atteint 21 mi/h.
    2019-02-03 21:48:25 Le ML diffuse un message d’urgence à la radio.
    2019-02-03 21:49:33 Le train s’arrête; la tête se trouve au point milliaire 127,46.
    2019-02-03 21:53:00 Le CCF demande à l’équipe si la pression d’air revient après le serrage des freins d’urgence. L’équipe répond qu’elle doit tenir une séance de briefing avec le coordonnateur de trains pour déterminer les prochaines étapes.
    2019-02-03 22:15:00 Le coordonnateur de trains et l’équipe tiennent une séance de briefing par radio. Pendant la discussion, le ML mentionne les augmentations du débit d’air lors du serrage des freins qu’il a remarquées en cours de route. Il est décidé de régler les robinets de retenue sur 75 % des wagons (84) conformément aux procédures d’exploitation de Field Hill.
    2019-02-03 22:30:00 Le coordonnateur de trains arrive à Yoho en véhicule routier. Le directeur du CCF informe le coordonnateur de trains du fait que l’équipe de relève partira bientôt pour Yoho en véhicule routier. Le contremaître d’entretien de la voie commence à préparer un chasse-neige sur rail pour transporter par rail l’équipe de relève de Yoho au train. La chef de train quitte la cabine de la locomotive et commence à régler les robinets de retenue.
    2019-02-03 22:45:00* L’équipe de relève arrive à Yoho en véhicule routier.
    2019-02-03 23:15:00 Pour préparer la voie au chasse-neige sur rail, le contremaître d’entretien de la voie tente d’orienter l’aiguillage de la voie de garage vers la voie principale, mais l’aiguillage est entravé par de la neige gelée.
    2019-02-03 23:30:00 La chef de train revient à la cabine de locomotive après avoir réglé les 84 robinets de retenue.
    2019-02-03 23:35:00 Pendant l’attente à Yoho, le ML de relève tient une séance de briefing en personne avec le coordonnateur de trains. La décision de régler les robinets de retenue sur 75 % des wagons est abordée, et le ML de relève ne s’y oppose pas. Pendant qu’ils sont ensemble, le ML et le coordonnateur de trains ont également une séance de briefing par radio avec le ML descendant.
    2019-02-04 00:15:00 Le chasse-neige sur rail quitte Yoho et emprunte la voie principale pour transporter l’équipe de relève jusqu’au train.
    2019-02-04 00:31:00 L’équipe de relève indique au CCF qu’elle est maintenant à bord du train.
    2019-02-04 00:42:02 Le train commence à rouler de lui-même alors que les freins d’urgence sont toujours serrés.
    2019-02-04 00:42:36 Le chef de train et le stagiaire descendent du train pour serrer les freins à main.
    2019-02-04 00:42:38* Le ML diffuse un message par radio indiquant que le train, en position de freinage d’urgence, se déplace à 1 mi/h.
    2019-02-04 00:42:40* Le ML ordonne au chef de train et au stagiaire de revenir dans la cabine.
    2019-02-04 00:48:30 Se déplaçant maintenant à 22 mi/h, le train franchit le signal ouest à Partridge, qui affiche une indication d’arrêt pour protéger le canton suivant en vertu d’un permis d’occuper la voie toujours en vigueur entre Partridge et Yoho.
    2019-02-04 00:48:30 L’équipe descendante à bord du chasse-neige sur rail dégage l’aiguillage est de Yoho.
    2019-02-04 00:48:32 L’aiguillage est de Yoho est manuellement orienté à la position normale, et le contremaître d’entretien de la voie transmet l’information au CCF.
    2019-02-04 00:49:00 Le train franchit l’aiguillage est de Yoho.
    2019-02-04 00:49:10 Le ML diffuse un message indiquant que le train entre dans le tunnel Upper Spiral à une vitesse de 40 mi/h.
    2019-02-04 00:50:05 Le ML diffuse un message que la vitesse du train est de 48 mi/h.
    2019-02-04 00:50:20 Le ML diffuse un message que la vitesse du train est de 51 mi/h.
    2019-02-04 00:50:27 La queue du train se sépare entre les positions 85 et 86.
    2019-02-04 00:50:31 La section centrale du train se sépare entre les positions 36 et 37.
    2019-02-04 00:50:34 La locomotive télécommandée en queue s’immobilise juste à l’intérieur du portail ouest du tunnel Upper Spiral.
    2019-02-04 00:50:54* La tête du train déraille et termine sa course dans la rivière Kicking Horse.
    2019-02-04 00:51:20 Le détecteur en bordure de voie transmet une alerte lorsque le train passe le point milliaire 130,2 indiquant que l’alimentation est coupée et ne fonctionne pas, et fournit également un décompte de wagons qui comprend un nombre de wagons inférieur au nombre réel wagons du train.

    * Les heures sont estimées en fonction des données des CEL survivants provenant des locomotives à traction répartie en milieu et en queue de train.

    Après l’arrêt d’urgence du train sur la pente en terrain montagneux au point milliaire 127,46, environ 2,5 heures se sont écoulées avant que l’équipe de relève ne monte à bord du train et se prépare à rétablir les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins. Le tableau 2 décrit les activités qui ont eu lieu et les retards subis pendant les 3 heures où le train est resté immobilisé sur le tronçon Field Hill.

    Tableau 2. Chronologie des activités et des retards pendant que le train était immobilisé sur le tronçon Field Hill
    Date Heure Temps écoulé Activités et retards
    2019-02-03 21:50 00:00:00
    • L’équipe descendante serre d’urgence les freins du train au point milliaire 126,98.
    • Le train s’arrête au point milliaire 127,46.
    • L’équipe descendante diffuse un message d’urgence sur le canal d’attente et communique avec le CCF.
    • Le coordonnateur de trains entend le message d’urgence alors qu’il se trouve dans son véhicule à Field.
    2019-02-03 21:53 00:03:00
    • Le CCF communique avec l’équipe descendante et demande des informations à jour sur la situation.
    • Le ML indique qu’il doit parler au coordonnateur de trains pour tenir une séance de briefing avant de faire quoi que ce soit.
    • Le coordonnateur de trains n’est pas en mesure de communiquer avec l’équipe descendante à partir de Field.
    • Le directeur du CCF est conscient des répercussions en lien avec le temps nécessaire pour régler les robinets de retenue, rétablir les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins, et faire descendre le train jusqu’à Field.
    • Le directeur réaffecte au train 301 l’équipe de train qui devait à l’origine prendre la relève de l’équipe du train 101.
    2019-02-03 22:15 00:25:00
    • Le coordonnateur de trains, en route vers Yoho, communique avec l’équipe descendante pour tenir une séance de briefing.
    • La séance de briefing a lieu et il est décidé de régler les robinets de retenue sur 75 % des wagons (84), conformément à la politique.
    • Le coordonnateur de trains évalue que l’équipe descendante peut rétablir les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins et faire descendre le train jusqu’à Field.
    • Le coordonnateur de trains dit à l’équipe qu’il se rendra à Yoho pour pouvoir offrir de l’aide sur place au besoin.
    2019-02-03 22:30 00:40:00
    • Le coordonnateur de trains arrive à Yoho en véhicule routier.
    • Le contremaître d’entretien de la voie commence à préparer un chasse-neige sur rail pour transporter l’équipe de relève par rail de Yoho au train.
    • Le directeur du CCF informe le coordonnateur de trains que l’équipe de relève se mettra bientôt en route vers Yoho par véhicule routier.
    • La chef de train quitte la cabine de la locomotive et commence à régler les robinets de retenue.
    2019-02-03 22 :45 00:55:00
    • L’équipe de relève arrive à Yoho en véhicule routier.
    2019-02-03 22:53 01:03:00
    • Le CCF communique avec l’équipe descendante pour obtenir des informations à jour sur la situation.
    • Le ML indique qu’il reste à la chef de train 60 robinets de retenue à régler.
    2019-02-03 23:15 1:15:00
    • L’équipe de relève est retardée à Yoho pendant qu’on prépare le chasse-neige sur rail et qu’on enlève la neige gelée d’un aiguillage de voie.
    2019-02-03 23:27 01:37:00
    • Le CCF communique avec l’équipe descendante pour obtenir des informations à jour sur la situation.
    • Le ML indique qu’il reste à la chef de train 5 robinets de retenue à régler.
    • Le ML informe le CCF que l’équipe de relève n’est pas encore arrivée au train.
    2019-02-04 00:15 02:25:00
    • Le chasse-neige sur rail quitte Yoho et emprunte les rails pour transporter l’équipe de relève jusqu’au train.
    2019-02-04 00:20 02:30:00
    • L’équipe de relève arrive au train et tient une séance de briefing avec l’équipe descendante.
    2019-02-04 00:31 02:41:00
    • Le ML de relève communique avec le CCF pour l’informer que les membres de l’équipe et lui sont à bord du train.
    • Le ML de relève indique au CCF qu’ils attendent la confirmation du contremaître d’entretien de la voie que le chasse-neige sur rail et tout le personnel à bord ont dégagé la voie principale.
    • Le ML mentionne que, après avoir reçu la confirmation du contremaître que la voie est dégagée, le rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins devra être effectué avant que le train ne puisse se rendre à Field.
    2019-02-04 00:42 02:52:00
    • Le train commence à rouler de lui-même.
    • L’équipe de relève diffuse un message d’urgence sur le canal d’attente.
    • Le CCF communique avec l’équipe de relève en réponse à son message d’urgence.
    • Le ML informe le CCF que le train a commencé à rouler de lui-même même si les systèmes de freinage n’ont pas été rétablis après le serrage d’urgence des freins.

    1.3 Examen des lieux

    Le lieu du déraillement couvrait 1,2 mille, du point milliaire 129,4 au point milliaire 130,6. Il était situé à environ 6,8 milles de voie au nord-est de la ville de Field.

    Le train s’était séparé en 3 sections lors du déraillement (figure 3).

    Figure 3. Schéma présentant une vue d’ensemble du lieu du déraillement et des gros plans des 3 sections du déraillement (Source : BST)
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    Schéma présentant une vue d’ensemble du lieu du déraillement et des gros plans des 3 sections du déraillement (Source : BST)

    La partie avant du train, qui comprenait la locomotive de tête (CP 9538) et les 35 premiers wagons, avait déraillé dans une courbe tout juste avant le pont de la rivière Kicking Horse au point milliaire 130,6 (figure 4).

    Figure 4. Wagons en tête de train qui ont déraillé, vus de l’avant du train (Source : Canadien Pacifique)
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    Wagons en tête de train qui ont déraillé, vus de l’avant du train (Source : Canadien Pacifique)

    La locomotive de tête, CP 9538, reposait sur son flanc gauche dans le lit de la rivière, quelque 35 pieds en contrebas de la voie. La rivière était très peu profonde, et la surface était gelée et couverte de neige. Une étendue d’eau libre d’un diamètre d’environ 20 pieds était visible en dessous et à proximité de la locomotive, à l’endroit où la glace avait été brisée lors de la chute de la locomotive dans le lit de rivière. Une inspection du dessous de la locomotive a révélé peu de signes d’un contact avec le sol, mais le reste de la locomotive avait été lourdement endommagé.

    Figure 5. Wagons sous un saut-de-mouton de la route 1 (Source : BST)
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    Wagons sous un saut-de-mouton de la route 1 (Source : BST)

    Plusieurs wagons qui avaient déraillé reposaient sur la berge de la rivière, et le reste des wagons de cette section du lieu de l’événement avaient déraillé le long de l’emprise. Les wagons en tête de train avaient été dispersés sur la berge ou s’étaient immobilisés dans la zone boisée à une certaine distance de la voie.

    Plus loin vers l’arrière du train, aux environs du point milliaire 130,2, 40 wagons en milieu de train avaient déraillé et reposaient sur le flanc dans un empilement. Plusieurs de ces wagons se trouvaient sous une structure de saut-de-mouton à plusieurs voies à l’endroit où la route 1 passe au-dessus de la voie. Certains wagons étaient appuyés sur les piles du pont, qui ont subi des dommages superficiels (figure 5).

    La locomotive télécommandée en milieu de train (UP 5359) avait déraillé, mais était restée sur ses roues parmi d’autres wagons empilés côte à côte (figure 6).

    Figure 6. Locomotive télécommandée à traction répartie en milieu de train (UP 5359) (Source : BST)
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    Locomotive télécommandée à traction répartie en milieu de train (UP 5359) (Source : BST)

    Huit wagons à l’extrémité arrière de la partie centrale n’avaient ni déraillé ni été endommagés.

    Le matériel roulant en queue de train se trouvait à l’intérieur et à l’extérieur du tunnel Upper Spiral. À l’extérieur du tunnel, 7 wagons avaient déraillé et reposaient sur le flanc et 15 wagons avaient déraillé et s’étaient empilés à flanc de montagne. À l’intérieur du tunnel, 4 wagons étaient restés sur les rails, 1 wagon avait déraillé du bogie arrière, et 2 wagons avaient déraillé de tous les bogies tout en restant sur leurs roues. La locomotive télécommandée en queue de train (CEFX 1040) était restée sur la voie à environ 475 pieds à l’intérieur du tunnel (figure 7).

    Figure 7. Wagons en queue de train qui ont déraillé à l’extérieur du tunnel Upper Spiral (Source : Canadien Pacifique)
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    Wagons en queue de train qui ont déraillé à l’extérieur du tunnel Upper Spiral (Source : Canadien Pacifique)

    L’examen de la voie n’a révélé aucune rupture ou aucun sectionnement de rail ni aucun déplacement latéral. Les rails étaient encore bien ancrés dans les traverses de bois dur. La structure de la voie était solidement gelée dans le sol. Il n’y avait aucune indication que le rail haut (partie extérieure de la courbe) s’était incliné vers l’extérieur ou s’était renversé.

    1.3.1 Inspection du matériel roulant

    L’accès au matériel roulant était limité à plusieurs endroits en raison des wagons déraillés, de leur contenu qui s’était renversé et de l’espace de travail restreint. Dans de nombreux cas, les principaux composants présentant un intérêt étaient endommagés au point où aucun renseignement utile ne pouvait en être tiré. L’inspection s’est concentrée sur les parties visibles du matériel roulant, en particulier le système de freinage, les essieux montés et la position de la poignée des divers robinets sur les wagons. Tous ces éléments pouvaient donner un aperçu de la conduite du train au moment de l’événement.

    Le système de freinage des wagons semblait être bien configuré. Les poignées des robinets de retenue qui étaient visibles semblaient être à la position HP. L’examen des freins à main n’a donné aucune indication que ces derniers avaient été serrés. La timonerie de frein et les surfaces des tables de roulement des roues étaient relativement propres et ne montraient aucun signe d’accumulation de neige ou de glace.

    La locomotive de tête était lourdement endommagée; une section du pupitre de conduite avec divers leviers de commande a été enlevée pour une inspection visuelle hors du lieu de l’événement. Cette inspection a révélé que les commandes étaient fonctionnelles et n’avaient présenté aucune défaillance avant le déraillement de la locomotive. Le câblage électrique était intact, tout comme la timonerie mécanique du régulateur.

    Les composants suivants ont été mis de côté aux fins d’examen approfondi et d’essais :

    • les 12 wagons à céréales qui n’avaient pas déraillé et le wagon à céréales qui avait déraillé de 1 bogie et était resté sur ses roues;
    • la locomotive de queue;
    • les semelles de frein des 3 locomotives (figure 8);
    • les essieux montés qui ont pu être récupérés, soit environ 78 % du nombre total de roues (figure 9).
    Figure 8. Douze des semelles de frein récupérées des locomotives (Source : BST)
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    Douze des semelles de frein récupérées des locomotives (Source : BST)
    Figure 9. Essieux montés récupérés des wagons (Source : BST)
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    Essieux montés récupérés des wagons (Source : BST)

    1.4 Conditions météorologiques

    Au moment de l’événement, le ciel était dégagé et il y avait des vents légers avec rafales. Il avait récemment neigé dans le secteur, mais la neige ne couvrait pas le sommet du champignon de rail. Il a été établi que la température ambiante était d’environ −25 °C lorsque le train s’est arrêté d’urgence. Au moment où le train a commencé à rouler de lui-même vers 0 h 42, la température était tombée à −28 °C.

    1.5 Renseignements sur la subdivision

    La subdivision de Laggan fait partie du corridor principal du CP menant à la côte Ouest. La subdivision s’étend de Calgary (point milliaire 0,0) à Field (point milliaire 136,6), et est principalement formée d’une voie principale simple et d’un tronçon à double voie situé entre Lake Louise en Alberta (point milliaire 116,2) et Stephen (point milliaire 123,1). À Field, la voie se raccorde au point milliaire 0,0 de la subdivision de Mountain.

    Les mouvements de train sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) conformément au Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), et supervisés par un CCF en poste à Calgary. Cette ville est également la gare d’attache des équipes de train, des coordonnateurs de trains et des contremaîtres de locomotive qui travaillent dans la subdivision de Laggan.

    Le tableau 3 présente les volumes de trafic marchandises dans la subdivision de Laggan pour 2015 à 2019.

    Tableau 3. Volume de trafic marchandises dans la subdivision de Laggan de 2015 à 2019 (Source : Canadien Pacifique)
    Année Volume (millions de tonnes-milles brutes par mille)
    2015 62,8
    2016 65,3
    2017 65,9
    2018 70,6
    2019 70,1

    1.6 Renseignements sur la voie

    À proximité du déraillement, la voie principale consistait de longs rails soudés de 136 livres fabriqués en 2000. Sur la voie à ciel ouvert, le rail était posé sur des selles de rail à double épaulement de 14 pouces et était fixé à des traverses en bois dur avec 3 crampons par selle. À l’intérieur des tunnels en spirale, le rail était fixé à des traverses d’acier à l’aide de lames-ressorts. Le ballast était constitué de roche concassée propre. La largeur des épaulements était d’environ 12 pouces, les cases étaient remplies et le drainage était efficace.

    La voie est normalement inspectée au moins 2 fois par semaine comme l’exige le Livre rouge des exigences relatives à la voie et aux ouvrages du CP. La dernière inspection réglementaire de la voie avait été effectuée, conformément au Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par Transports Canada (TC), le 31 janvier 2019. Aucune lacune n’avait été relevée pendant l’inspection près du lieu du déraillement.

    Du point milliaire 122,9 au point milliaire 136,6, la vitesse maximale autorisée sur la voie est de 20 mi/h. Les trains de marchandises d’un poids par frein fonctionnel de 100 tonnes ou plus sont assujettis à une vitesse maximale autorisée de 15 mi/h.

    1.7 Renseignements sur le personnel

    1.7.1 Équipe descendante

    L’équipe descendante était formée d’un ML et d’une chef de train. Les 2 membres de l’équipe satisfaisaient aux exigences établies de repos et d’aptitude au travail et étaient qualifiés pour leur poste respectif.

    Le ML a été embauché en tant que chef de train stagiaire en novembre 2005. Il a été qualifié comme chef de train en mai 2006. Il a travaillé 5 ans sur des manœuvres de triage, puis est passé au service de ligne. Il s’est inscrit au programme de formation de ML en janvier 2012 et a été qualifié en août 2012. Après s’être qualifié, il est retourné à son ancien poste de chef de train et a travaillé comme ML de relève dans diverses subdivisions lorsqu’une affectation se présentait. Il est passé en permanence sur la liste de réserve de la subdivision de Laggan en 2018. Le ML avait suivi le programme spécialisé conçu pour les opérations sur Field Hill et avait obtenu la certification pour Field HillNote de bas de page 24.

    La chef de train a commencé le programme de formation de chef de train en avril 2018 et a été qualifiée à la fin d’août 2018. Après qualification, elle a travaillé sur des manœuvres de triage au triage Alyth et dans l’installation Cargill de Carseland de même que sur des manœuvres de ligne. Le voyage à l’étude était son 4e voyage en tant que chef de train dans la subdivision de Laggan.

    1.7.2 Équipe de relève

    L’équipe de relève était composée de 1 ML, de 1 chef de train et de 1 chef de train en formation (chef de train stagiaire). Le ML de relève a été qualifié en 1996, a démissionné en 2002 et a été réengagé comme chef de train/ML en 2003. Il s’agissait de son 1268e voyage dans la subdivision de Laggan. Le chef de train de relève a été qualifié en 2007 et en était à son 171e voyage dans la subdivision de Laggan. Le stagiaire a été engagé en 2018 et en était à son 13e voyage de formation dans la subdivision de Laggan.

    Les membres de l’équipe de relève étaient arrivés à Field à bord d’un train circulant en direction ouest le matin du 3 février 2019. Ils ont terminé leur quart de travail à 11 h 20 et ont eu une période de repos continu de plus de 8 heures, conformément aux exigences établies de repos et d’aptitude au travail. Toutefois, dès les premières heures du matin et jusqu’à 22 h 00 le 3 février 2019, une panne de courant a entraîné des problèmes de chauffage et d’électricité au pavillon-dortoir du CP à Field, là où l’équipe de relève se reposait. Cette panne a aussi entraîné une interruption des communications; les équipes devaient donc être avisées en personne par des superviseurs lorsqu’elles étaient appelées au travail. De plus, la génératrice à Field a manqué de carburant, et les occupants du pavillon-dortoir ont dû utiliser la cuisinière au propane comme source de chaleur. La température à l’intérieur du pavillon-dortoir serait tombée à aussi peu que 8 °C avant que le courant ne soit rétabli.

    1.7.3 Coordonnateur de trains

    Le coordonnateur de trains s’est joint au CP en 2008 en tant que CCF, poste qui lui a permis d’acquérir pendant sa première année une expérience préliminaire en supervisant la subdivision de Laggan. Il a été qualifié comme chef de train en 2013 et comme ML en 2015 dans le cadre de programmes de formation pour les cadresNote de bas de page 25, puis est devenu coordonnateur de trains en janvier 2016. Au moment de l’événement, il avait effectué plus de 100 voyages à titre de ML, la plupart d’entre eux en terrain montagneux dans les subdivisions de Cranbrook et de Windermere, et avait travaillé dans la subdivision de Laggan comme chef de train. Le coordonnateur de trains n’était pas un ML certifié pour Field Hill, et le CP ne l’exigeait pas des superviseurs de ce territoire.

    1.8 Parc de wagons à céréales du Canadien Pacifique

    Les 112 wagons à céréales du train provenaient de 3 parcs distincts de wagons-trémies : 1 parc appartenant au gouvernement du Canada, 1 parc appartenant au CP et 1 parc de wagons loués.

    1.8.1 Parc appartenant au gouvernement du Canada

    De 1972 à 1994, le gouvernement du Canada a acheté quelque 13 500 wagons-trémies couverts pour transporter des céréales de l’Ouest canadien destinés à l’exportation (figure 10). Bon nombre de ces wagons avaient été mis hors service en raison de l’usure, mais plus de la moitié d’entre eux demeuraient en service et représentaient environ le tiers des wagons en service actif de transport des céréales au Canada. À la fin de décembre 2018, le parc de wagons-trémies à céréales appartenant au gouvernement du Canada comprenait 7749 wagons, presque également répartis entre le CP et la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN). En 2007, le gouvernement du Canada a signé une entente avec le CN et le CP pour l’exploitation, l’entretien et la remise à neuf du parc fédéral de wagons-trémiesNote de bas de page 26.

    L’entente exige que le CP garde la capacité nécessaire de transporte des céréales en remettant en état le parc de wagons-trémies du gouvernement du Canada, en mettant les wagons à niveau afin de transporter des charges plus élevées et en remplaçant certains wagons mis hors service par de nouveaux wagons-trémies à plus grande capacité. Comme tout autre wagon de marchandise, les wagons-trémies à céréales nécessitent des réparations. TC surveille le nombre de wagons défectueux pour veiller à ce qu’un entretien efficace et en temps opportun soit effectué, conformément au Field Manual of the AAR Interchange Rules de l’Association of American Railroads (AAR).

    Figure 10. Wagons-trémies couverts appartenant au gouvernement du Canada (Source : Transports Canada, TP 14995F, Rapport annuel de 2018 – Parc de wagons-trémies du gouvernement du Canada, p. 3)
    Image
    Wagons-trémies couverts appartenant au gouvernement du Canada (Source : Transports Canada, TP 14995F, Rapport annuel de 2018 – Parc de wagons-trémies du gouvernement du Canada, p. 3)

    Dans le parc du CP, les wagons qui appartiennent au gouvernement du Canada sont désignés comme les séries CP 600000 – 608591. Ils ont principalement été construits entre 1972 et 1985, et sont munis de freins Wabcopac ou Nycopac montés sur bogies; ils ne sont pas munis de régleurs de timonerieNote de bas de page 27 pour pallier l’usure des roues et des semelles de frein et maintenir uniforme la course du piston.

    1.8.2 Wagons-trémies appartenant au Canadien Pacifique

    Certains wagons-trémies du train provenaient du propre parc du CP : les wagons de la série CP 384000 et de la série SOO. Les wagons de la série CP 384000 ont été construits en 1981 et sont munis de freins Wabcopac montés sur bogies, mais ne sont pas munis de régleurs de timonerie. Les wagons de la série SOO ont été construits entre 1994 et 2006 et sont munis d’une technologie plus récente, notamment de freins montés sur bogies ou montés sur caisse qui ont des régleurs automatiques de timonerie.

    1.8.3 Wagons loués

    Dans le parc de wagons à céréales du CP, les wagons loués provenaient de divers propriétaires aux États-Unis et étaient principalement munis de systèmes de timonerie de frein monté sur caisse avec régleurs automatiques de timonerie.

    1.8.4 Composition du parc de wagons du train à l’étude

    La composition du parc de wagons du train à l’étude était la suivante :

    • 40 wagons : 2 wagons de la série CP 384000–384999 et 38 wagons du gouvernement du Canada de la série CP 600000–608591;
    • 51 wagons désignés comme série SOO, provenant du propre parc du CP;
    • 21 wagons du parc de wagons loués.

    La configuration des freins à air pour les wagons du train ainsi que l’historique de remplacement des composants de frein sont fournis à l’annexe C. L’historique d’entretien indiquait que les wagons du train à l’étude étaient entretenus conformément aux normes réglementaires.

    1.8.5 Renouvellement du parc de wagons à céréales du Canadien Pacifique

    Des changements apportés à la Loi sur les transports au Canada en mai 2018 ont permis de faire des ajustements visant à refléter les coûts encourus par les compagnies de chemin de fer pour faire l’acquisition et assurer l’entretien de wagons-trémies destinés au transport des céréales. En réponse à ces ajustements, le CP a entrepris un examen de son parc existant de wagons à céréales et a élaboré un plan pluriannuel visant à remplacer une partie des wagons du parc par des wagons neufs de plus grande capacité. Le CP a commencé à prendre livraison des nouveaux wagons à céréales en septembre 2018. Depuis, le CP reçoit de nouveaux wagons à céréales tous les mois. Le programme devrait se terminer d’ici décembre 2022. En date d’octobre 2021, le CP a mis en service un total de 5355 nouveaux wagons à céréales (4500 wagons achetés et 855 wagons loués).

    1.9 Exploitation ferroviaire en hiver

    Les conditions hivernales des climats nordiques, comme les températures froides, la glace et la neige, présentent des défis particuliers pour l’exploitation ferroviaire.

    Compte tenu de ces défis saisonniers, la plupart des compagnies de chemin de fer menant des activités dans le nord des États-Unis et au Canada établissent un plan annuel d’exploitation hivernale qui présente des stratégies pour rester viable et sécuritaire sur le plan opérationnel en hiver. Les plans types d’exploitation hivernale peuvent comprendre des mesures proactives, par exemple :

    • effectuer l’entretien d’avant-saison des réchauffeurs d’aiguilles et de l’équipement de déneigement;
    • effectuer l’entretien des systèmes de refroidissement de locomotive et des systèmes de démarrage à chaud de locomotive;
    • veiller à avoir une réserve de rails de remplacement appropriés en prévision des ruptures liées au froid;
    • limiter la longueur des trains pour pallier les difficultés associées à l’alimentation en air dans de longs trains,
    • examiner tous les joints des conduites à l’extrémité des wagons intermodaux et céréaliers;
    • qualifier les systèmes de freins à air des trains en fonction d’un taux de fuite de moitié inférieur au taux de fuite permis par la réglementation;
    • réduire la vitesse;
    • effectuer l’essai d’étanchéité des freins à air de 30 minutes à l’arrêt;
    • restreindre l’exploitation de trains-blocs chargés pendant la nuit lorsque des températures extrêmes sont prévues;
    • souligner l’importance pour les employés qui travaillent à l’extérieur de porter des vêtements et de l’équipement de protection individuelle appropriés.

    1.9.1 Défis supplémentaires à des températures extrêmement froides

    En plus des défis habituels à relever en hiver, les températures extrêmement froides (environ −25 °C) Note de bas de page 28 compliquent davantage l’exploitation ferroviaire. Par exemple, les rails peuvent se fragiliser et se rompre sous la charge, et des ruptures d’éclissage peuvent se produire lorsque les anticheminants ne peuvent contrer les forces de compression intenses créées par les rails qui se contractent au froid.

    Il est bien connu dans l’industrie ferroviaire nord-américaine que les températures froides peuvent entraîner des fuites d’air dans les systèmes de freins à air des wagons Note de bas de page 29. Les joints de caoutchouc et les joints statiques se durcissent et le métal se contracte, donnant lieu à des fuites d’air comprimé. À des températures extrêmement froides, l’efficacité des systèmes de freins à air peut être réduite davantage. Le fait que les symptômes associés à la détérioration de l’efficacité du freinage sur un train puissent ne pas être assez évidents ou explicites pour qu’un ML dresse un diagnostic approprié est tout aussi préoccupant.

    Pour compenser les fuites d’air, les systèmes de freins à air offrent une fonction de maintien de la pression de la conduite générale Note de bas de page 30 pour remplacer l’air comprimé perdu. Toutefois, la pression au cylindre de frein est seulement maintenue à environ 8 à 12 lb/po2, peu importe l’intensité de serrage des freins à air.

    Les fuites du système de freinage à des températures extrêmement froides peuvent être particulièrement problématiques en terrain montagneux, où la régulation sécuritaire de la vitesse des trains pendant de longues descentes exige une pression plus élevée au cylindre de frein pendant une période prolongée.

    1.9.2 Restrictions hivernales antérieures pour les trains circulant en direction de l’ouest sur le tronçon Field Hill

    En 2014 et 2015, le CP a mis en œuvre un certain nombre de modifications de procédure visant à atténuer certains défis liés à l’exploitation ferroviaire sur le tronçon Field Hill par températures extrêmement froides.

    En 2014, après une période prolongée de températures extrêmement froides, le CP a décidé de limiter temporairement la vitesse des trains de céréales à 10 mi/h lorsque la température atteignait −20 °C, et de mettre en attente les trains de céréales la nuit lorsque la température tombait en dessous de −25 °C. La mise en attente des trains leur permettait de descendre le tronçon Field Hill pendant les heures de clarté, plus chaudes, ce qui assurait un meilleur freinage.

    Cette décision avait été prise après que plusieurs trains de céréales eurent eu de la difficulté à contrôler leur vitesse sur le tronçon Field Hill par températures extrêmement froides. Des inspections subséquentes de 2 de ces trains (composés de wagons de série CP 600000 - 608501) à Golden (Colombie-Britannique) et à Eldon (Alberta) avaient révélé la présence de fuites dans des cylindres de frein. Des inspecteurs de wagons autorisés avaient souligné que, à Golden, l’air s’était échappé des cylindres de frein d’un certain nombre de wagons en 15 minutes et que, à Eldon, l’air s’était échappé des cylindres de frein en 20 minutes. Ces trains ne présentaient aucune fuite anormalement élevée d’air lorsqu’ils avaient fait l’objet de l’inspection avant départ et de l’essai de frein no 1 au triage Alyth. Toutefois, les fuites d’air s’étaient intensifiées avec les températures plus froides dans les montagnes Note de bas de page 31.

    Le 12 novembre 2015, avant l’hiver, le CP a transmis le bulletin de marche (BM) M599 aux trains circulant en direction ouest dans la subdivision de Laggan. Le bulletin limitait la vitesse maximale des trains à 10 mi/h à partir de l’aiguillage est de la voie d’évitement de Partridge jusqu’à Field lorsque la température enregistrée au point milliaire 111,0 chutait à moins de −25 °C, jusqu’à ce qu’on se soit assuré que le freinage était suffisant. Le BM a été annulé le 14 mars 2016, en même temps que la fin de la saison d’exploitation hivernale.

    Au moment de l’événement, le CP avait un plan d’urgence hivernale pour l’ensemble du réseau. Toutefois, ce plan ne comprenait aucune restriction saisonnière supplémentaire propre à l’exploitation ferroviaire sur pente en terrain montagneux.

    1.10 Procédures d’exploitation de Field Hill

    On peut trouver des instructions d’exploitation dans les indicateurs, les instructions générales d’exploitation (IGE), les BM, les instructions spéciales (IS), les bulletins d’exploitation et les procédures de conduite des trains du CP. Dans le présent rapport, les instructions applicables à Field Hill sont appelées les procédures d’exploitation de Field Hill (FHOP).

    L’enquête a examiné les FHOP de plusieurs années, en remontant jusqu’à 1985.

    En 1990, l’indicateur de la subdivision de Laggan comprenait des IS pour les trains laissés à l’arrêt dans une pente [traduction] :

    INSTRUCTIONS SPÉCIALES
    (SYSTÈMES DE TRANSPORT LOURD)

    1. TRAINS LAISSÉS À L’ARRÊT DANS UNE PENTE

    Lorsque l’unité commandant un train est munie de la fonction de maintien de la pression, les freins du train peuvent demeurer serrés pour retenir le train lorsqu’il est à l’arrêt dans une pente jusqu’à ce qu’il soit prêt à poursuivre sa route, pourvu qu’il ne soit pas laissé sans surveillance. Si le temps d’arrêt dépasse deux heures et qu’il est jugé nécessaire de recharger le système de freinage avant de repartir, un nombre suffisant de freins à main doivent être serrés pour retenir le train pendant la recharge. Des freins à main doivent être serrés à l’arrière du train lorsqu’il se trouve dans une pente ascendante et à l’avant du train lorsqu’il se trouve dans une pente descendante. Avant de desserrer les freins à main, une réduction de pression suffisante dans la conduite générale doit être faite pour retenir le train pendant que les freins à main sont desserrés Note de bas de page 32.

    Selon ces instructions, si un train lourd était à l’arrêt sur le tronçon Field Hill pendant plus de 2 heures et on jugeait nécessaire de recharger le système de freinage, un nombre suffisant de freins à main devaient être serrés pour garder le train immobilisé pendant la recharge.

    Les IS ont été transférées de l’indicateur de la subdivision de Laggan aux bulletins d’exploitation publiés conjointement avec l’indicateur. Le premier bulletin d’exploitation qui comprenait les IS était le bulletin d’exploitation no 93-A Heavy Haul – Canada publié le 18 avril 1993. Les IS ont paru pour la dernière fois dans le bulletin d’exploitation no 93-C publié le 1er novembre 1993.

    En 1997, après un accident sur le tronçon Field Hill qui a entraîné le déraillement de 66 wagons pendant une descente non contrôlée à grande vitesse Note de bas de page 33, le CP a désigné des agents d’exploitation pour accompagner les équipes à bord de chaque train roulant vers l’ouest sur le tronçon Field Hill pendant une période de 11 jours, afin de contrôler les procédures d’exploitation et assurer la conformité avec les instructions d’exploitation. Le CP a également publié le bulletin d’exploitation no 188 le 5 décembre 1997, qui portait sur la procédure de rétablissement après un freinage d’urgence sur le tronçon Field Hill.

    À la suite d’un incident survenu le 2 janvier 1998, au cours duquel un train de marchandises comptant 112 wagons a roulé de manière non contrôlée entre le tunnel Upper Spiral et Field Note de bas de page 34, le CP a chargé 7 agents d’exploitation et 8 ML d’expérience de rouler à bord de tous les trains pendant 3 mois entre Lake Louise et Field. Ils avaient pour tâches de contrôler le rendement des équipes de train, de réviser les limites de vitesse sur le tronçon Field Hill et de concevoir la bonne méthode pour se servir des systèmes de freinage de train dans la pente abrupte. Le CP a ensuite publié 2 bulletins : un qui portait sur l’exploitation ferroviaire dans des conditions météorologiques difficiles et en cas d’accumulation de neige au-dessus de la tête du rail, et un autre qui rendait obligatoire un freinage d’urgence si la vitesse du train atteignait 24 mi/h en descendant Field Hill. Les bulletins étaient inclus dans les notes de bas de page de l’indicateur de la subdivision de Laggan, en vigueur le 26 juin 1998 Note de bas de page 35.

    En 1998, après que TC eut émis un avis assorti d’un ordre exigeant d’insérer les cartes dans les indicateurs des subdivisions où des pentes sont supérieures à 1,5 % et de fournir aux équipes de train des lignes directrices concernant la conduite des trains, le CP a élaboré de nouvelles procédures de conduite des trains sur le tronçon Field Hill. Les nouvelles lignes directrices ont été incluses dans les notes de bas de page de l’indicateur de la subdivision de Laggan, en vigueur le 1er juillet 1998. Elles exigeaient une réduction de vitesse importante, la recharge complète du système de freinage de train avant de descendre Field Hill, et le réglage de robinets de retenue et/ou le serrage de freins à main après un freinage d’urgence; elles donnaient aussi des instructions spéciales à suivre lorsqu’il faut commander un « desserrage et resserrage des freins en descente » (release and catch).

    Depuis, les FHOP ont changé plusieurs fois. Le tableau 4 présente les principaux changements apportés entre 1998 et 2019, en mettant l’accent sur les changements apportés aux instructions relatives au nombre de robinets de retenue à régler ou de freins à main à serrer, et aux instructions relatives à la vitesse du train après que la locomotive de tête dépasse l’aiguillage de voie d’évitement est de Partridge.

    Au moment de l’événement, les instructions de 2015 étaient en vigueur.

    Tableau 4. Sommaire de procédures d’exploitation choisies de Field Hill de 1998 à 2019

    Remarques :

    1. Pourcentage ou nombre de wagons dont le frein à main doit être serré si les conditions d’exploitation le dictent (p. ex. conditions de freinage anormales comme des conditions météorologiques et un train qui freine mal).
    2. Les instructions s’appliquent aux trains circulant en direction ouest qui transportent plus de 5000 tonnes remorquées, à l’exception des trains de plus de 5000 tonnes dont le poids moyen par wagon est de moins de 100 tonnes.
    3. Les instructions s’appliquent aux trains circulant en direction ouest dont le tonnage remorqué est supérieur à 6000 tonnes ou dont le poids par frein fonctionnel est supérieur à 100 tonnes.
    4. Les instructions s’appliquent aux trains circulant en direction ouest dont le poids par frein fonctionnel est égal ou supérieur à 100 tonnes.
    Indicateur ou autres instructions ferroviaires Instructions sur les procédures d’urgence entre Partridge et Field
    • Vitesse à laquelle déclencher un freinage d’urgence
    • Nombre de wagons dont les robinets de retenue doivent être réglés à la position de haute pression
    • Nombre de wagons dont les freins à main doivent être serrési
    Vitesse permissible après que la locomotive de tête dépasse l’aiguillage de voie d’évitement est de Partridge
    • 1998-06-26 : Indicateur no 83ii
    • 2001-02-18 : Indicateur no 40ii
    • Déclencher un freinage d’urgence lorsque la vitesse du train atteint 24 mi/h.
    • Régler les robinets de retenue sur au moins 65 % des wagons.
    • Serrer les freins à main sur 100 % des wagonsi.
      • Remarque : En cas de doute ou d’incertitude concernant la poursuite du mouvement du train, communiquer avec le CCF et demander de parler directement avec un gestionnaire de service de ligne.
    10 mi/h; permettre à la vitesse d’augmenter graduellement jusqu’à ce qu’il soit établi qu’une combinaison de freins à air et de freinage dynamique moyen est suffisante pour limiter la vitesse du train à 15 mi/h.
    • 2004-01-21 : Indicateur no 41ii
    • Déclencher un freinage d’urgence lorsque la vitesse du train atteint 5 mi/h au-dessus de la vitesse autorisée.
    • Régler les robinets de retenue sur au moins 65 % des wagons.
    • Serrer les freins à main sur 100 % des wagonsi.
      • Remarque : En cas de doute ou d’incertitude concernant la poursuite du mouvement du train, communiquer avec le CCF et demander de parler directement avec un gestionnaire de service de ligne.
    10 mi/h; permettre à la vitesse d’augmenter graduellement jusqu’à ce qu’il soit établi qu’une combinaison de freins à air et de freinage dynamique moyen est suffisante pour limiter la vitesse du train à 15 mi/h.
    • 2005-03-16 : Aide-mémoire sur Field Hilliii
    • Déclencher un freinage d’urgence lorsque la vitesse du train atteint 5 mi/h au-dessus de la vitesse autorisée.
    • Séance de briefing : Avant le rétablissement de l’interrupteur pneumatique de traction (pneumatic control switch [PCS]) d’urgence, le mécanicien de locomotive doit entamer une discussion avec le chef de train au sujet de la nécessité de serrer des freins à main et/ou de régler des robinets de retenue. Le ML et le chef de train doivent tenir compte de l’emplacement du train, de la portion du train qui se trouve sur la pente, de la proximité d’une pente plus douce, des conditions météorologiques, de l’état du rail ou de toute autre condition susceptible d’avoir une incidence sur le freinage du train. S’il leur est impossible de se mettre d’accord, les membres de l’équipe doivent communiquer avec un gestionnaire du service de ligne et respecter ses instructions.
    • Premier et deuxième freinage d’urgence : Régler les robinets de retenue sur au moins 65 % des wagons.
    • Premier et deuxième freinage d’urgence : Serrer les freins à main sur 100 % des wagonsi.
      • Remarque : En cas de doute ou d’incertitude concernant la poursuite du mouvement du train, communiquer avec le CCF et demander de parler directement avec un gestionnaire de service de ligne.
    15 mi/h
    • 2006-11-22 : Indicateur no 42iii
    • Déclencher un freinage d’urgence lorsque la vitesse du train atteint 5 mi/h au-dessus de la vitesse autorisée.
    • Régler les robinets de retenue sur au moins 65 % des wagons.
    • Serrer les freins à main sur 100 % des wagonsi.
      • Remarque : En cas de doute ou d’incertitude concernant la poursuite du mouvement du train, communiquer avec le CCF et demander de parler directement avec un gestionnaire de service de ligne.
    [au plus] 10 mi/h, permettre à la vitesse d’augmenter graduellement jusqu’à ce qu’il soit établi qu’une combinaison de freins à air et de freinage dynamique moyen est suffisante pour limiter la vitesse du train à 15 mi/h.
    • 2008-05-28 : Indicateur no 60iii
    • Déclencher un freinage d’urgence lorsque la vitesse du train atteint 5 mi/h au-dessus de la vitesse autorisée.
      • Remarque : Tous les trains circulant vers l’ouest qui doivent effectuer un deuxième freinage d’urgence après le point milliaire 123,0 doivent communiquer avec un gestionnaire du service de ligne et respecter ses instructions.
    • Régler les robinets de retenue sur au moins 65 % des wagons.
    • Serrer les freins à main sur 100 % des wagonsi.
      • Remarque : En cas de doute ou d’incertitude concernant la poursuite du mouvement du train, communiquer avec le CCF et demander de parler directement avec un gestionnaire de service de ligne.
    [au plus] 10 mi/h, permettre à la vitesse d’augmenter graduellement jusqu’à ce qu’il soit établi qu’une combinaison de freins à air et de freinage dynamique moyen est suffisante pour limiter la vitesse du train à 15 mi/h.
    • 2012-11-28 : Indicateur no 31 Module 15iv
    • 2015-02-18 : Indicateur no 31 Module 15iv
    • 2015-10-14 : Procédure d’exploitation des trains pour la subdivision de Lagganiv
    • Déclencher un freinage d’urgence lorsque la vitesse du train atteint 5 mi/h au-dessus de la vitesse autorisée.
      • Remarque : Tous les trains circulant vers l’ouest qui doivent effectuer un deuxième freinage d’urgence après le point milliaire 123,5 doivent communiquer avec le coordonnateurs de trains de service par l’entremise du CCF et respecter ses instructions.
    • Séance de briefing : Avant le rétablissement de l’interrupteur pneumatique de traction (pneumatic control switch [PCS]) d’urgence, tous les membres de l’équipe (c.-à-d. le mécanicien de locomotive, le chef de train et le coordonnateur de trains) doivent tenir une séance de briefing pour discuter entre eux du réglage des robinets de retenue.
    • Premier freinage d’urgencei :
      • régler les robinets de retenue sur au moins 75 % des wagons chargés;
      • serrer les freins à mains sur 75 % des wagons.
    • Deuxième freinage d’urgence :
      • régler les robinets de retenue sur 100 % des wagons qui sont chargés;
      • serrer les freins à main sur 40 wagons à la tête du traini.
      • Remarque : En cas de doute ou d’incertitude concernant la poursuite du mouvement du train, communiquer avec le CCF et demander de parler directement avec un gestionnaire de service de ligne.
    [au plus] 15 mi/h, veiller à ce qu’il soit établi qu’une combinaison de freins à air et de freinage dynamique moyen est suffisante pour limiter la vitesse du train à 15 mi/h.

    1.11 Rendement des freins avant l’arrêt d’urgence

    Les résultats des essais de frein effectués pendant le voyage, de même que l’examen des événements de conduite du train provenant des données du CEL, donnent un aperçu du rendement des freins du train avant l’arrêt d’urgence.

    1.11.1 Consignateur d’événements de locomotive

    Le train fonctionnait en mode synchronisé de traction répartie pendant le voyage et en descendant Field Hill. Dans ce mode, les commandes de conduite du train utilisées sur les locomotives de tête sont transmises à chacune des locomotives télécommandées par l’entremise d’une radio de traction répartie. Les locomotives télécommandées réagissent en exécutant les commandes de conduite du train qu’elles ont reçu par message radio. Les signaux envoyés par la locomotive de tête permettent d’assurer le fonctionnement synchronisé de toutes les locomotives télécommandées réparties dans le train.

    Les données de CEL de la locomotive menante de tête d’un train sont normalement la principale source d’information utilisée pour l’analyse des événements de conduite du train; les données provenant des autres locomotives fonctionnant en mode synchronisé sur ce même train peuvent toutefois être utilisées de façon similaire pour appuyer l’analyse de données.

    Le CEL installé sur la locomotive de tête CP 9538 a été gravement endommagé lors du déraillement et les données qui y étaient stockées ont été perdues. Toutefois, les données de CEL ont pu être récupérées sur les 2 locomotives télécommandées. L’examen des données de CEL n’a révélé aucun problème de communication radio de traction répartie, et les 2 CEL présentaient des événements de conduite du train identiques, ce qui confirme que les données sont cohérentes et qu’elles donnent un compte-rendu exact des événements du train.

    Une liste des événements de conduite du train basée sur les données de CEL est fournie à l’annexe D (y compris de l’information sur le freinage dynamique).

    1.11.2 Augmentations du débit d’air lors du serrage des freins

    Après avoir quitté le triage Alyth, le ML a remarqué à plusieurs reprises des augmentations du débit d'air lors du serrage des freins. La première augmentation a été remarquée environ 30 minutes après le départ de la gare de triage Alyth, alors que le train s’arrêtait à Keith à 15 h 06 pour permettre à d’autres trains de quitter la zone. À ce moment, le ML a remarqué une augmentation du débit d’air dans la conduite générale immédiatement après le serrage initial des freins.

    Plus tard, d’autres augmentations du débit d'air lors du serrage des freins ont été remarquées par le ML alors que le train s’immobilisait pour des croisements de trains, un à Banff vers 18 h 05 et l’autre à Eldon vers 19 h 10.

    Le ML ne s’est pas inquiété des augmentations du débit d'air lors du serrage des freins. Le train fonctionnait comme prévu et aucune anomalie n’avait été soulignée, y compris les 2 fois où le train s’était immobilisé à Eldon. Le ML n’a pas signalé les augmentations du débit d'air lors du serrage des freins au CCF à ce moment-là, puisqu’il n’y avait pas obligation de le faire.

    1.11.3 Essai de frein en marche

    Un essai de frein en marche consiste à serrer les freins automatiques lorsque le train est en mouvement, afin de s’assurer que les freins sont en mesure de le faire ralentir.

    Les instructions d’exploitation du chemin de fer exigent que les ML effectuent des essais de frein en marche de façon périodique lorsque les conditions météorologiques pourraient causer une accumulation de neige ou de glace entre les semelles de frein et les roues. De plus, les FHOP exigent que les trains circulant vers l’ouest fassent l’objet d’un essai de frein en marche avant le point milliaire 113,0, pour conditionner les freinsNote de bas de page 36 et vérifier leur fonctionnement avant d’arriver à la pente descendante abrupte de Field Hill. Cette exigence permet de s’assurer que l’essai est effectué pendant que le train roule encore sur diverses pentes ascendantes avec un changement de niveau modéré.

    Les IGE du CP en vigueur au moment de l’événementNote de bas de page 37 fournissent de l’information supplémentaire sur le moment où l’essai de frein en marche doit être effectué et la manière dont il doit être réalisé :

    12.0 Essai en marche des freins d’un train

    12.1 En cas de panne totale de frein rhéostatique (DB) en cours de route ou lorsque des conditions météorologiques défavorables rendent nécessaire le conditionnement des freins, un essai de frein en marche doit être effectué sur tous les trains avant la descente d’une pente de 2 % ou plus, et aux endroits indiqués dans des instructions spéciales.

    Par conditions météorologiques défavorables, on entend notamment :

    - Accumulations de neige au-dessus du sommet du rail

    - Température ambiante extérieure de −15 °C ou moins

    - Pluie verglaçante

    Dans le cas des trains voyageurs, l’essai en marche sera effectué après le départ d’un lieu où on a effectué un essai de frein à air sur un train à l’arrêt.

    12.2 Déroulement de l’essai en marche

    Étape Description
    1 Quand la vitesse du train le permet, serrer ses freins du train avec suffisamment de force pour s’assurer qu’ils fonctionnent normalement.
    2 De préférence, ne pas serrer les freins de la locomotive à ce stade.
    3 Si les freins fonctionnent mal, arrêter le train immédiatement, établir la cause du problème et prendre les mesures correctives, puis répéter l’essai en marche.

    Selon les données du CEL, le frein à air automatique a été serré à 2 reprises avant le point milliaire 113,0 :

    • Vers 19 h 02, le train est entré sur la voie d’évitement d’Eldon au point milliaire 105,7. Après une diminution progressive du régime moteur du train, une réduction initiale de 7 lb/po2 de la conduite générale a été effectuée vers 19 h 07, suivie d’une réduction de 3 lb/po2 supplémentaire, pour une réduction totale de 10 lb/po2, afin d’immobiliser le train à l’extrémité ouest de la voie d’évitement vers 19 h 09. Le train est demeuré immobile pendant environ 28 minutes, a avancé vers l’ouest sur 84 pieds et s’est arrêté de nouveau à 19 h 43. Le train est ensuite demeuré immobile sur la pente ascendante de 0,55 % pendant environ 35 minutes avec les freins automatiques serrés par une réduction de pression de 11 lb/po2 et les freins indépendants de la locomotive serrés à fond (c.-à-d. 72 lb/po2 de pression au cylindre de frein).
    • Vers 20 h 19, un mouvement de recul a été effectué en direction est pour faire sortir le train de la voie d’évitement d’Eldon. Lorsque la vitesse du train a atteint 21 mi/h, le freinage dynamique a été enclenchéNote de bas de page 38, puis une réduction initiale de la pression de la conduite générale de 9 lb/po2 a été effectuée. Lorsque le train était sur le point de quitter l’aiguillage est d’Eldon, le freinage dynamique étant toujours enclenché, les freins automatiques ont été serrés à fond (c.-à-d. réduction de 26 lb/po2 de la pression de la conduite générale) à partir d’une vitesse de 14 mi/h. Pendant les 21 secondes suivantes, la pression de la conduite principale a été réduite de 79 lb/po2 à 62 lb/po2 et le train s’est immobilisé quelques secondes plus tard.

    Les données du CEL indiquent qu’au cours des arrêts susmentionnés du train, les freins à air ont réagi correctement et n’ont montré aucun problème de rendement. Même s’il avait récemment neigé dans la région, il n’y avait pas d’accumulation de neige au-dessus de la tête du rail ou de poudrerie lorsque les freins ont été serrés pour immobiliser le train à Eldon.

    Le ML a estimé que les serrages des freins à Eldon étaient suffisants pour satisfaire aux exigences du FHOP et de l’article 12.0 de la section 3 des IGE.

    Entre le moment où le train a quitté la voie d’évitement à Eldon et son arrivée à Stephen, plus de 1 heure plus tard, les freins pneumatiques automatiques étaient desserrés et se rechargeaient.

    1.11.4 Conduite du train sur Field Hill avant le serrage des freins d’urgence

    Le rendement au freinage du train avait été satisfaisant jusqu’à Stephen. Ce n’est qu’une fois le train entier engagé sur la pente descendante que le ML a remarqué que le train ne freinait pas comme prévu.

    Selon les données du CEL, le ML a effectué 5 réductions de service distinctes de la pression dans la conduite générale pendant la descente, mais le train a continué à prendre de la vitesse. Le tableau 5 présente les réductions de pression de la conduite générale exprimées en lb/po2, la pression résultante dans la conduite générale en lb/po2 et la lecture du débit d’air correspondant en pi3/min.

    Tableau 5. Enchaînement des réductions de pression de la conduite générale et valeurs du débit d’air* lors de la descente de Field Hill
    Heure Point milliaire à la tête Vitesse (mi/h) Événements de conduite du train
    21:28:13 123,12 8 Réduction de 7 lb/po2 de la pression dans la conduite générale commandée (pression de départ dans la conduite générale = 88 lb/po2)
    21:28:27 123,15 9 Pression dans la conduite générale réduite à 81 lb/po2
    21:28:37 à 21:36:45 de 123,18 à 124,72 de 9 à 19 Fluctuation du débit d’air entre 21 et 35 pi3/min
    21:37:01 124,80 19 Réduction supplémentaire de 3 lb/po2 de la pression dans la conduite générale (pression résultante dans la conduite générale = 78 lb/po2); débit d’air interrompu
    21:37:15 à 21:45:46 de 124,88 à 126,41 de 19 à 12 Lecture du débit d’air d’entre 20 et 31 pi3/min; demeure dans cette plage jusqu’à la réduction de pression suivante
    21:46:01 126,46 14 Réduction supplémentaire de 2 lb/po2 de la pression dans la conduite générale (pression résultante dans la conduite générale = 76 lb/po2)
    21:46:29 à 21:46:33 de 126,58 à 126,60 de 15 à 16 Fluctuation du débit d’air entre 20 et 24 pi3/min
    21:46:46 126,66 16 Réduction supplémentaire de 2 lb/po2 de la pression dans la conduite générale (pression résultante dans la conduite générale = 74 lb/po2); lecture du débit d’air inférieure à 20 pi3/min
    21:47:19 126,82 19 Réduction supplémentaire de 2 lb/po2 de la pression dans la conduite générale (pression dans la conduite générale = 72 lb/po2); lecture du débit d’air inférieure à 20 pi3/min
    21:47:53 127,01 21 Réduction de 3 lb/po2 de la pression dans la conduite générale (pression dans la conduite générale = 69 lb/po2)
    21:48:08 127,12 21 Serrage d’urgence des freins
    21:48:10 127,12 23 Début de la diminution de la pression dans la conduite générale de 69 à 0 lb/po2

    * Les valeurs de débit d’air présentées dans le tableau ne représentent pas la valeur du débit total de la conduite générale; elles représentent uniquement le débit du système de freins à air de la locomotive télécommandée en milieu de train (UP 5359), qui était l’une des 3 sources d’air comprimé en fonction sur le train. Les lectures de débit d’air supplémentaires provenant de la locomotive de tête n’étaient pas disponibles en raison de la perte des données du CEL. Le CEL de la locomotive télécommandée en queue de train était un ancien dispositif qui n’enregistrait pas l’information relative au débit d’air.

    1.11.5 Arrêt d’urgence

    Malgré les réductions graduelles de la pression dans la conduite générale, le train a continué d’accélérer en descendant Field Hill.

    À 21 h 47, alors que la tête du train approchait du point milliaire 127, la vitesse du train a atteint 20 mi/h (5 mi/h au-dessus de la limite de vitesse permise). Dans la minute suivante, le ML et la chef de train, chacun de leur côté, ont simultanément serré d’urgence les freins du train, ce qui a permis d’immobiliser le train complètement au point milliaire 127,46 environ 1 minute 25 secondes plus tard, soit à 21 h 49 min 33 s. La chef de train avait ouvert la valve du frein d’urgence située au poste de travail du chef de train comme précaution en réponse aux actions du ML pour immobiliser le train d’urgence.

    Dans cette situation, en raison de la vitesse du train, les freins ont été serrés d’urgence avant que les freins automatiques soient serrés à fond, c’est-à-dire une réduction de la conduite générale d’environ 26 lb/po2. La réduction de pression dans la conduite générale pour serrer les freins automatiques avait atteint 16 lb/po2 lorsque les freins ont été serrés d’urgence.

    Lorsque le train s’est immobilisé, sa queue bloquait l’aiguillage de la voie d’évitement est à Partridge, empêchant la circulation ferroviaire dans les 2 directions à cet endroit. Par conséquent, quatre trains ont dû être arrêtés ou ralentis dans la subdivision de Mountain et sept trains ont dû être arrêtés ou ralentis dans la subdivision de Laggan.

    1.12 Rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins sur Field Hill

    1.12.1 Procédure de rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins

    Après l’arrêt d’urgence sur Field Hill, les instructions et les procédures d’exploitation exigeaient la tenue d’une séance de briefing entre l’équipe et le coordonnateur de trains pour déterminer la meilleure façon de procéder et décider s’il y a lieu de rétablir les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins.

    Les IGE en vigueur à ce moment indiquaient notamment :

    32.9 Mouvements hors de contrôle – Arrêt obligatoire :

    Tout train qui, en descendant une pente forte ou montagneuse qui atteint une vitesse dépassant de 5 mi/h la vitesse permise, est considéré comme étant hors de contrôle et doit être arrêté sur-le-champ par n’importe la façon, incluant, si nécessaire, en effectuant un freinage d’URGENCE.

    Le mouvement ne peut reprendre sa marche jusqu’à ce qu’il ait été déterminé qu’il y a suffisamment de freinage disponible pour maîtriser le mouvement. Ceci peut nécessiter sécuriser le train pour réalimenter le système de freinage et/ou l’utilisation de robinets de retenue.Note de bas de page 39

    Les procédures d’exploitation du train en vigueur à ce moment-là pour la subdivision de Laggan faisaient une distinction entre les mesures à prendre lors d’un premier arrêt d’urgence et celles à prendre lors d’un deuxième arrêt d’urgence, et indiquaient notamment [traduction] :

    1.0 Procédure de conduite des trains

    La procédure de conduite des trains à la page 4, et les instructions suivantes aux paragraphes A, B, C et D s’appliquent aux trains de marchandises circulant en direction ouest dont le poids par frein fonctionnel est égal ou supérieur à 100 tonnes.

    Remarque : Tous les trains circulant en direction ouest qui serrent les freins d’urgence au-delà du point milliaire 123,5 doivent communiquer avec le coordonnateur de trains en service par l’entremise du CCF et se conformer à ses instructions.

    A.   Procédure de desserrage des freins d’urgence – […] Les trains qui sont immobilisés d’urgence entre le point milliaire 125,7 et Signal 1363 Field à l’aide des freins pneumatiques du train doivent être conduits de la façon suivante :

    Premier serrage des freins d’urgence :

    Avant de replacer le commutateur de commande pneumatique d’urgence en position, tous les membres de l’équipe (c’est-à-dire le mécanicien de locomotive, le coordonnateur de train et le chef de train) doivent tenir une réunion d’information et discuter entre eux de l’utilisation des robinets de retenue. Conformément aux points 14.2 et 40.3 de la section 1 des instructions générales d’exploitation, placer les robinets de retenue à la position haute pression (HP) sur au moins 75 % des wagons chargés. Lors de la discussion sur l’utilisation de robinets de retenue et/ou de freins à main, l’emplacement du train, la proportion du train se trouvant sur la pente de la montagne, les conditions météorologiques, l’état des rails et toutes les autres conditions présentent qui risquent d’avoir un impact sur le freinage du train doivent être prises en compte. Si des conditions anormales comme des conditions météorologiques défavorables ou un mauvais freinage indiquent que le serrage des freins à main est nécessaire pour immobiliser le train pendant le rechargement, serrer les freins à main sur au moins 75 % des wagons et serrer les robinets de retenue à la position HP sur au moins 75 % des wagons chargés.

    Deuxième serrage des freins d’urgence :

    Serrer les robinets de retenue à 100 % sur les wagons chargés et 40 freins à main à la tête du train.Note de bas de page 40

    1.12.2 Méthodes de rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins

    Il est possible d’utiliser des robinets de retenues, des freins à main ou une combinaison des deux pour rétablir les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins. Une fois la décision prise de régler les robinets de retenue ou de serrer les freins à main, la tâche est accomplie par le chef de train.

    1.12.2.1 Réglage des robinets de retenue

    Les wagons de marchandises sont équipés d’un robinet de retenue de pression connecté à l’orifice d’échappement du cylindre de frein (figures 11 et 12).

    Figure 11. Robinet de retenue (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
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    Robinet de retenue (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, avec annotations du BST)
    Figure 12. Robinet de retenue sur un wagon (Source : BST)
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    Robinet de retenue sur un wagon (Source : BST)

    Les robinets servent à conserver la pression d’airNote de bas de page 41 dans les cylindres de frein du wagon, au besoin, lorsque les freins du train sont desserrés et pendant que les réservoirs d’air comprimé des wagons sont rechargés.

    Le réglage d’un robinet de retenue sur un wagon est un processus simple qui exige que la poignée à 3 positions du robinet soit déplacée manuellement à la position HP. Le réglage des robinets sur un train entier peut être effectué par le chef de train seul, puisqu’ils sont visibles et accessibles à partir du sol et que le chef de train n’a pas à monter sur chaque wagon.

    Régler les robinets de retenue sur un train immobile ne fournit pas de force retardatrice supplémentaire lorsque les freins du train demeurent serrés. Les robinets de retenue servent plutôt à fournir une force de freinage résiduelle lorsque les freins du train sont desserrés. Cela peut aider le train à demeurer immobile ou contrôler la vitesse pendant que le système de freins à air est rechargé.Note de bas de page 42

    1.12.2.2 Serrage des freins à main

    Tout le matériel roulant est muni d’un frein à main, un dispositif mécanique de freinage qui immobilise le wagon de façon indépendante du système de freins à air. Les freins à main sont serrés manuellement en tournant le volant de frein à main (figure 13). Une pression des semelles de frein est alors exercée sur la table de roulement des roues pour empêcher les roues de tourner ou retarder leur mouvement. L’efficacité d’un frein à main est directement proportionnelle à la force exercée par la personne qui serre le frein, force qui peut varier grandement d’une personne à l’autre.

    Figure 13. Chef de train qui serre un frein à main (Source : BST)
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    Chef de train qui serre un frein à main (Source : BST)

    Lors du serrage des freins à main, il faut faire preuve de prudence pour circuler de façon sécuritaire sur l’emprise, monter sur le wagon au moyen de l’échelle et des mains courantes et se poster à côté du frein à main. Les chefs de train doivent s’assurer d’avoir 3 points d’appui avant de tourner le volant de frein à main dans le sens horaire pour reprendre le mou de la chaîne avant d’exercer une force maximale sur le levier. Des variations dans la conception des wagons (c.-à-d. échelles d’accès, mains courantes et plateformes) nécessitent d’adapter la façon d’accéder à chaque levier de frein à main et de descendre du wagonNote de bas de page 43. Dans l’ensemble, l’efficacité du freinage du wagon dépend de la condition physique, de la taille et de la technique de chaque opérateur.

    Par comparaison avec le réglage des robinets de retenue, il faut beaucoup plus de temps et d’énergie pour serrer les freins à main correctement. Le serrage de freins à main sur 75 % des wagons d’un train de céréales chargé typique s’avère une tâche exigeante pour un chef de train seul. La réussite de cette tâche dépend de multiples facteurs comme l’expérience, la force physique, l’endurance et la technique. Dans des conditions hivernales en terrain montagneux, la tâche est compliquée par le port d’équipement de protection individuelle et de vêtements d’hiver amples, combiné à la présence potentielle d’une épaisse couche de neige le long de l’emprise; exécuter cette tâche exige un effort soutenu pendant plusieurs heures.

    Serrer les freins à main sur des trains situés en voie principale peut interrompre le trafic ferroviaire et avoir des répercussions connexes sur les activités de l’ensemble du réseau. Toutefois, contrairement aux robinets de retenue, l’efficacité des freins à main ne dépend pas de la pression résiduelle au cylindre de frein.

    Même si aucun frein à main n’a été serré sur le train à l’étude, dans le cadre de la présente enquête, le BST a effectué des essais mécaniques et une évaluation des facteurs humains axés sur les questions liées à l’immobilisation de trains de marchandises à l’aide des freins à main sur des pentes en terrain montagneux. L’annexe E présente un résumé des résultats de cette étude.

    1.12.3 Séance de briefing après l’arrêt d’urgence

    Après l’arrêt d’urgence, l’équipe descendante et le coordonnateur de trains ont tenu une séance de briefing, comme l’exigent les FHOP. Cette séance portait sur l’interprétation commune des instructions, qui décrivent les mesures à prendre et les facteurs dont il faut tenir compte après l’arrêt d’urgence.

    Compte tenu du manque d’expérience relatif de la chef de train, la séance de briefing s’est déroulée sous forme de conversation entre le coordonnateur de trains et le ML. Le coordonnateur de trains avait géré des arrêts d’urgence en terrain montagneux une douzaine de fois en tant que superviseur et 1 fois en tant que chef de train. Selon lui, la procédure habituelle avait toujours été de ne régler que les robinets de retenue après un premier arrêt d’urgence, et d’inclure les freins à main après un deuxième arrêt d’urgence, le cas échéant. Les freins à main seraient également nécessaires pour immobiliser les trains en cas de problèmes mécaniques exigeant des réparations avant la reprise de la descente.

    Le ML, dans le cadre de son expérience passée en tant que chef de train, avait 1 fois géré un arrêt d’urgence sur le tronçon Field Hill. À ce moment-là, il avait d’abord réglé les robinets de retenue, mais la vitesse du train n’avait pu être contrôlée et le train avait dû faire un 2e arrêt d’urgence, après quoi les freins à main avaient été serrés pour immobiliser le train avant le rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins.

    Pendant la discussion, le ML a mentionné les augmentations du débit d’air lors du serrage des freins qu’il avait remarquées en cours de route; toutefois, le coordonnateur de trains n’estimait pas que cette information était liée à la difficulté à maîtriser le train et a indiqué qu’il se pencherait sur la question à une date ultérieure, pendant un examen de suivi des données téléchargées du CEL.

    Le coordonnateur de trains a jugé que l’équipe descendante pouvait rétablir le système de freinage après le serrage d’urgence des freins et faire descendre le train jusqu’à Field. La question du temps restant au quart de travail de l’équipe descendante n’a pas été abordée. Le coordonnateur de trains a opté pour le réglage des robinets de retenue à la position HP sur 75 % des wagons (84). Il n’a pas non plus été question des facteurs comme l’état de la surface du rail, la température extrêmement froide et la période pendant laquelle le train pourrait demeurer immobile.

    La décision du coordonnateur de trains de ne régler que des robinets de retenue n’a pas été remise en question. La séance de briefing était axée sur l’utilisation des FHOP pour aider à élaborer un plan qui permettrait au train de descendre Field Hill de façon sécuritaire. Ainsi, les directives sur le réglage des robinets de retenue figurant dans les FHOP ont été choisies plutôt que celles sur le serrage des freins à main, car l’objectif était de commander le desserrage puis le resserrage des freins en descente (release and catch) et de reprendre la route. La décision de régler les robinets de retenue tout en rétablissant les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins a été communiquée au directeur du CCF.

    Après la séance de briefing, vers 22 h 30, la chef de train a commencé à régler les robinets de retenue de 84 (75 %) des wagons, comme le coordonnateur de trains l’avait décidé et conformément aux FHOP. La tâche, que le terrain montagneux, le froid extrême et l’obscurité rendaient plus ardue, a pris environ 1 heure. La chef de train est retournée à la locomotive vers 23 h 30.

    1.13 Transfert d’équipe et retards

    Lorsque le train a été arrêté d’urgence à 21 h 50, l’équipe descendante était à sa dernière heure d’un quart de travail de 10 heures, qui devait se terminer à 22 h 30.

    En apprenant la situation, le directeur du CCF a reconnu que le réglage des robinets de retenue et le rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins feraient en sorte que l’équipe descendante dépasserait la fin de son quart de travail. Il a donc décidé d’appeler une équipe de relève.

    Une équipe se trouvait déjà à Field. Les membres de cette équipe—1 ML, 1 chef de train et 1 stagiaire—devaient se présenter au travail à 22 h 30 pour prendre la relève d’un autre train. Le directeur les a réaffectés au train à l’étude. L’équipe de relève a quitté Field au début de son quart de travail comme prévu, à 22 h 30, et s’est rendue à Yoho en véhicule routier, trajet qui lui a pris environ 15 minutes.

    Un ensemble de circonstances a contribué à retarder l’arrivée de l’équipe de relève. Compte tenu de l’emplacement du train, l’équipe de relève a dû se déplacer quelque 2 milles sur les rails à bord d’un chasse-neige sur rail de Yoho à la locomotive de tête. Il a fallu du temps pour effectuer des vérifications préalables du chasse-neige sur rail et le préparer, et les retards ont été aggravés, car un aiguillage obstrué par de la neige glacée a dû être déneigé avant que le chasse-neige sur rail ne puisse se mettre en route. Au total, l’équipe de relève a été retenue à Yoho environ 1,5 heure.

    L’équipe de relève est arrivée au train vers 0 h 20 et a tenu une séance de briefing avec l’équipe descendante. Les membres de l’équipe descendante sont ensuite montés à bord du chasse-neige sur rail pour se rendre à Yoho.

    À 0 h 31, en vue de reprendre le voyage, le ML de relève a indiqué au CCF qu’il attendait pour s’assurer que le chasse-neige sur rail et tout le personnel avait libéré la voie principale avant d’annuler son autorisation d’occupation conjointe auprès du contremaître d’entretien de la voie; il a indiqué qu’il rétablirait les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins, chargerait le système de freinage et descendrait jusqu’à Field après avoir reçu la confirmation que la voie est libre. À ce moment-là, le train était resté immobile en terrain montagneux à des températures extrêmement froides, variant entre −25 °C et −28 °C, pendant près de 3 heures.

    Environ 10 minutes plus tard, à 0 h 42, peu avant que le chasse-neige sur rail et tout le personnel à bord eurent libéré la voie principale, le train a commencé à rouler de manière non contrôlée.

    1.14 Simulation des forces dynamiques du train

    Le laboratoire du BST a effectué une série de simulations dynamiques du train au moyen du logiciel Train Energy and Dynamics Simulator (TEDS). Les simulations ont permis d’examiner les facteurs comme la vitesse, l’accélération, les forces en-train, l’efficacité du freinage et la distance d’arrêt. Elles ont démontré que :

    • L’efficacité moyenne du système de freins à air sur le train à l’étude était d’environ 60 % à 62 % des valeurs nominales attendues.
    • La cause principale du déraillement du train était la combinaison des forces centrifuges à haute vitesse et de la force latérale générée par la force de compression modérée exercée dans le train.

    1.15 Calculs de la force retardatrice des freins

    Des calculs de force retardatrice des freins ont été effectués afin de déterminer la pression requise dans le cylindre de frein pour descendre de façon sécuritaire la pente moyenne de 2,2 % de Field Hill, pour arrêter le train en serrant les freins d’urgence et pour maintenir le train immobile sur la colline.

    Les freins de 2 des 112 wagons étaient isolés lorsque le train a quitté la gare de triage d’Alyth, puisqu’ils étaient défectueux. Tous les calculs de la force de freinage en ont tenu compte et ont présumé que 110 wagons avaient des freins fonctionnels. Les valeurs calculées de la force retardatrice des freins ont été arrondies au nombre entier le plus proche pour simplifier la présentation. Voir le rapport de laboratoire LP014/2022 du BST pour plus d’information sur les calculs utilisés pour obtenir ces valeurs.

    Les résultats de l’analyse de la simulation des forces dynamiques du train avec le TEDS en ce qui concerne l’efficacité du freinage et la distance d’arrêt permettent de vérifier et de valider l’exactitude des valeurs calculées.

    1.15.1 Force retardatrice des freins requise pour maintenir une vitesse constante

    Compte tenu du tonnage total du train à l’étude (environ 15 000 tonnes) et de la pente moyenne de 2,2 %, une force retardatrice totale de 630 050 livres aurait été nécessaire pour maintenir la vitesse du train en deçà de 15 mi/h en descendant Field Hill. Les freins dynamiques des locomotives réglés à un niveau moyen élevé (75 % du niveau maximal) auraient fourni 220 500 livres. Le reste de la force retardatrice des freins requise, soit 409 550 livres, aurait dû être généré par 110 des 112 wagons à céréales pour maintenir une vitesse constante. Chaque wagon aurait dû fournir une force retardatrice nette d’environ 3720 livres, correspondant à une force des semelles de frein de 12 400 livres. Note de bas de page 44

    Les calculs de l’effort de freinage montrent que le train-bloc de 112 wagons chargés de céréales, dont 110 wagons étaient dotés de freins à air fonctionnels, aurait eu besoin d’une pression moyenne au cylindre de frein de 25 lb/po2 sur chaque wagon opérationnel pour maintenir une vitesse de 15 mi/h sur une pente descendante de 2,2 %. Théoriquement, en l’absence de fuites, une telle pression au cylindre de frein peut être obtenue par une réduction de 10 lb/po2 de la pression de la conduite générale.

    Selon les données du CEL, la pression de la conduite générale avait été réduite de 19 lb/po2 pendant la descente, avant le serrage des freins d’urgence qui a immobilisé le train. Une réduction de 19 lb/po2 correspond en théorie à une pression au cylindre de frein de 40 lb/po2.

    1.15.2 Force retardatrice des freins générée par le serrage des freins d’urgence

    À 21 h 48 min 08 s, les freins du train ont été serrés d’urgence alors que la vitesse du train approchait 21 mi/h sur une pente descendante de 2,2 %. La vitesse du train a diminué pendant les 85 secondes suivantes et la tête du train s’est immobilisée sur la voie principale près du point milliaire 127,46, environ à mi-chemin entre les aiguillages de la voie d’évitement de Partridge. Le train s’est immobilisé après avoir parcouru une distance de 1815 pieds avec les freins serrés d’urgence et les freins dynamiques de la locomotive de tête serrés à fond.

    Si l’on se base sur une distance d’arrêt de 1815 pieds, une force retardatrice d’environ 923 520 livres serait requise pour immobiliser le train sur la pente descendante d’une moyenne de 2,2 %. En serrant les freins indépendants des locomotives télécommandées et en maintenant le serrage à fond du frein dynamique de la locomotive de tête, les 3 locomotives généreraient environ 145 850 livres de force retardatrice Note de bas de page 45. Les 777 670 livres restantes devraient être fournies par les 110 wagons dotés de freins fonctionnels.

    Pendant le serrage des freins d’urgence, la force retardatrice de chaque wagon serait d’environ 7070 livres sur les roues, ou une force correspondante de 22 090 livres sur les semelles de frein. Pour générer cette force, la pression moyenne requise dans le cylindre de frein de chaque wagon devrait être de 47 lb/po2.

    Avec la conduite générale du train et le réservoir combiné pleinement chargé, le serrage des freins d’urgence aurait en théorie produit une pression d’urgence moyenne au cylindre de frein de 77 lb/po2.

    1.15.3 Force retardatrice des freins nécessaire pour garder le train immobile après l’arrêt d’urgence

    On a estimé à environ 593 360 livres la force retardatrice totale des freins requise pour maintenir le train en place pendant qu’il était immobilisé, avec les freins serrés d’urgence, sur la pente de 2,2 % à Partridge. Cette force devait être fournie par les 3 locomotives et les 110 wagons dotés de freins fonctionnels. Les freins indépendants des 3 locomotives étaient serrés à fond (72 lb/po2 sur la locomotive à traction répartie de tête, 45 lb/po2 sur les locomotives à traction répartie télécommandées), générant une force retardatrice d’environ 85 060 livres. Le reste de la force retardatrice requise (508 300 livres) devait être fourni par les wagons (4620 livres par wagon).

    Afin de produire la force retardatrice nette de 4620 livres requise, la force des semelles de frein correspondante devait être de 14 440 livres. Pour générer une telle force, la pression moyenne dans le cylindre de frein sur chaque wagon devait être d’au moins 31 lb/po2, représentant une force de freinage moyenne par wagon de 40 % de la valeur maximale théorique. Si la pression au cylindre de frein devait tomber sous cette moyenne, le train ne pourrait pas demeurer immobile et commencerait à descendre la pente et à accélérer.

    1.16 Fuite du système de freins à air

    Le système de freins à air du train doit être suffisamment chargé d’air comprimé pour fonctionner comme prévu et pour fournir la quantité de force retardatrice attendue lorsque nécessaire.

    Le système de freins à air d’un wagon comprend de nombreux composants (conduite générale, distributeur, réservoir d’urgence/réservoir auxiliaire, cylindre de frein), comportant chacun plusieurs raccords, joints et garnitures qui sont sujets aux fuites d’air.

    Une fuite des freins à air est l’ensemble des fuites présentes dans n’importe quel élément du système de freins du wagon, du joint du raccord de la conduite d’air à une extrémité du wagon à celui de la conduite d’air à l’autre extrémité du wagon. Ces fuites sont souvent catégorisées comme des fuites du système de freinage et des fuites de la conduite générale. Les fuites du système de freinage désignent les fuites dans le distributeur du wagon et dans les réservoirs de stockage d’air; elles comprennent les fuites de la conduite générale. Les fuites de la conduite générale comprennent les fuites dans : la conduite générale; l’assemblage de la conduite; le robinet d’arrêt; le robinet d’isolement de conduite dérivée avec filtre centrifuge; les raccords; la conduite dérivée; le té et les raccords à bride. Outre les fuites du système, des fuites supplémentaires peuvent être causées par une perte d’air dans les cylindres de frein lorsque les freins à air sont serrés.

    La fuite d’air comprimé des composants du système de freins à air est un problème fondamental à basse température ambiante. Les fuites des freins à air augmentent habituellement lorsque la température chute et peuvent devenir assez importantes par froid extrême. De nombreux joints d’étanchéité et garnitures dans le système de freins à air sont faits de caoutchouc ou d’un matériau composite. Les effets des températures froides sur le caoutchouc peuvent varier en fonction de sa composition, de son âge et de son usure Note de bas de page 46. Cependant, on sait de façon générale que les températures froides réduisent la résilience de rebondissement, rendant le caoutchouc plus rigide et moins efficace pour prévenir les fuites. C’est particulièrement vrai pour les composants des freins à air en service depuis longtemps, comme les joints d’étanchéité du distributeur, les joints d’étanchéité des joints en coupelle du cylindre de frein et les anciens joints à bride de la conduite générale.

    Si la fuite d’air comprimé devient excessive ou nuit au fonctionnement normal de l’équipement des freins à air, les freins pourraient ne pas se serrer du tout, générer une force retardatrice moins importante que celle attendue ou se desserrer involontairement après un certain temps. Un wagon qui ne fournit pas la force retardatrice attendue ne contribue pas pleinement à la force retardatrice du train.

    1.16.1 Détection des fuites d’air lors d’un essai de frein

    La fuite d’air comprimé et les effets d’une fuite d’air peuvent être détectés lorsque les wagons de marchandises et les locomotives subissent différents essais et inspections, comme les essais de frein no 1, les essais sur wagons individuels (SCT) et les essais d’étanchéité du cylindre de frein (qui sont seulement effectués lors des SCT).

    L’inspection des freins et diverses procédures d’essai sont abordées dans la norme S-486 de l’Association of American Railroads (AAR) approuvée par l’industrieNote de bas de page 47, dans le Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des freins sur les trains de marchandises et de voyageursNote de bas de page 48 approuvé par Transports Canada et dans les IGE du Canadien Pacifique (CP). Ces procédures permettent d’évaluer la réponse fonctionnelle des distributeurs aux commandes de serrage des freins de service et des freins d’urgence, de même qu’au desserrage approprié des freins.

    Pour plus d’information, voir l’annexe B – Inspection et mise à l’essai des systèmes de freins à air.

    1.16.2 Compenser les fuites du système de freins à air

    Le système de freins à air comprend 2 fonctions importantes conçues pour compenser les fuites d’air :

    • Maintien de la pression dans le cylindre de frein grâce à la soupape de régulation rapide de service : pendant le serrage des freins de service, le distributeur du wagon maintient la pression du cylindre de frein entre 8 et 12 lb/po2 environ, peu importe le degré de serrage des freins à air. La soupape de régulation rapide de service est inutilisable lors du serrage des freins d’urgence, car la pression de la conduite générale est réduite à 0 lb/po2.
    • Maintien de la pression dans la conduite générale : les valves de frein à air automatique de la locomotive assurent le maintien de la pression de la conduite générale pour compenser la perte d’air comprimé attribuable à des fuites.
    1.16.2.1 Maintien de la pression au cylindre de frein grâce à la soupape de régulation rapide de service 

    Les distributeurs de wagon sont dotés d’une soupape de régulation rapide de service qui permet de maintenir la pression au cylindre de frein à une valeur se situant entre 8 lb/po2 et 12 lb/po2 en réponse à un serrage des freins par réduction minimale (réduction de la pression de la conduite générale de 7 lb/po2).

    La soupape de régulation rapide de service comprend également une fonctionnalité de maintien de la pression, qui aide à garantir que la pression au cylindre de frein ne tombe pas sous 10 lb/po2 lors des réductions subséquentes de pression de la conduite générale lorsqu’il y a une fuite dans le cylindre de frein, pourvu que la fuite ne soit pas excessive. La figure 14 illustre le fonctionnement de cette caractéristique.

    En réponse à un serrage des freins correspondant à une réduction de la pression de la conduite générale de 15 lb/po2, la pression au cylindre de frein augmentera rapidement de 0 lb/po2 à 37,5 lb/po2. En l’absence de fuites, la pression au cylindre de frein demeurera à ce niveau et ne déclenchera pas la soupape de régulation rapide de service.

    En cas de fuite au cylindre de frein, cependant, la pression au cylindre de frein commencera à diminuer au fil de temps, proportionnellement au débit de la fuite. Dans l’exemple montré à la figure 14, pour un débit de fuite initial de 1 lb/po2 par minute, la pression atteint 35 lb/po2, puis descend à 10 lb/po2 après environ 20 minutes. Lorsque la pression au cylindre de frein descend sous 10 lb/po2, la soupape de régulation rapide de service se déclenche. Dès lors, la pression au cylindre de frein est maintenue entre 8 et 12 lb/po2, à peu près l’équivalent d’un serrage de frein minimal, empêchant ainsi les freins du wagon de devenir complètement inefficaces.

    Figure 14. Soupape de régulation rapide de service – courbe de dégradation du freinage à la suite d’un serrage des freins (réduction de pression de la conduite générale de 15 lb/po2) (Source : A. Aronian et L. Vaughn, « NYAB Brake Cylinder Maintaining Trials Update », présenté à la conférence de l’Air Brake Association, Minneapolis, Minnesota [États-Unis] [octobre 2015]; modifié par le BST pour plus de clarté)
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    Soupape de régulation rapide de service – courbe de dégradation du freinage à la suite d’un serrage des freins (réduction de pression de la conduite générale de 15 lb/po<sup>2</sup>) (Source : A. Aronian et L. Vaughn, « NYAB Brake Cylinder Maintaining Trials Update », présenté à la conférence de l’Air Brake Association, Minneapolis, Minnesota [États-Unis] [octobre 2015]; modifié par le BST pour plus de clarté)

    Depuis 2014, les distributeurs de wagon de nouvelle génération peuvent également inclure une fonction de maintien de la pression au cylindre de frein en plus de la fonction de maintien de la pression de la soupape de régulation rapide de service. La fonction du maintien de la pression au cylindre de frein est offerte non seulement pour le serrage minimal des freins, mais aussi jusqu’à un serrage à fond des freins. Plus d’information au sujet de cette fonction est offerte à la section 1.23.2.

    1.16.2.2 Maintien de la pression de la conduite générale

    Lorsqu’il y a une fuite dans le système de freins à air, qu’elle provienne des composants des freins à air des wagons ou des raccords des conduites de wagon à wagon, l’air requis pour remplacer l’air qui fuit provient de la conduite générale. Pour compenser la perte d’air dans la conduite générale, les valves de frein automatique de la locomotive ont une fonction de maintien de la pression de la conduite générale qui permet à l’air comprimé provenant du système de freins à air des locomotives d’alimenter la conduite générale avec un débit directement proportionnel à la fuite dans la conduite générale. L’air est fourni à un débit contrôlé pour éviter de causer un serrage ou un desserrage involontaire des freins du train.

    Pendant le serrage de service des freins, le maintien de la pression de la conduite générale permet de maintenir pendant de longues périodes la réduction de la pression de la conduite générale sélectionnée. Cette fonction permet aux trains de descendre de longues pentes en terrain montagneux en gardant les freins continuellement serrés aussi longtemps que nécessaire. Sans elle, il serait difficile de contrôler la vitesse d’un train dans une longue pente descendante.

    Sans maintien de la pression de la conduite générale, la fuite d’air ferait descendre constamment la pression de la conduite générale après le serrage des freins. Cela pourrait causer une réduction de pression involontaire dans la conduite générale, ce qui augmenterait l’effort de freinage sur les wagons et risquerait de faire perdre au train de la vitesse sur la pente descendante. La pression de la conduite générale tomberait tôt ou tard à 0 lb/po2.

    1.16.3 Effets des fuites d’air sur la transmission de la commande de serrage des freins

    1.16.3.1 Fuites dans le distributeur de wagon

    Lorsqu’on réduit la pression de la conduite générale à partir d’une locomotive pour serrer les freins d’un train, la réduction de la pression au niveau de la locomotive se transmet vers l’extérieur sous forme d’onde de pression dans la conduite générale. Au même moment, la fonction de la valve de frein automatique de la locomotive passe du mode de maintien de la pression (fournir de l’air à la conduite générale) au mode de réduction de la pression (réduction de la pression dans la conduite générale).

    Lorsque la vague de réduction de la pression parvient à chaque wagon, la différence de pression entre la conduite générale et le réservoir auxiliaire permet normalement à la valve d’équilibrage du distributeur du wagon de laisser passer l’air comprimé du réservoir auxiliaire au cylindre de frein pour serrer les freins du wagon. Cependant, la présence d’une fuite d’air excessive dans le dispositif de serrage du distributeur du wagon peut engendrer une réduction localisée de la pression dans la conduite générale et interférer avec la façon dont le distributeur réagit. Par conséquent, une légère réduction de la pression dans la conduite générale, par exemple de 1 à 2 lb/po2, peut être diminuée et atténuée au point tel qu’elle devient insuffisante pour réduire pression au-delà de la baisse causée par la fuite. Si cela se produit, le distributeur peut ne pas réagir à la réduction de la pression dans la conduite générale et ne pas commander le serrage des freins souhaité.

    1.16.3.2 Fuites dans le réservoir auxiliaire

    Une fuite d’air comprimé du réservoir auxiliaire du wagon est un autre facteur qui peut avoir des répercussions négatives sur la force retardatrice totale du train.

    Le réservoir auxiliaire est relié à la conduite générale par le distributeur du wagon. Si une fuite dans le réservoir auxiliaire devient excessive, au point où la pression du réservoir descend de 1,5 à 2,0 lb/po2 sous celle de la conduite générale, le distributeur actionne le desserrage localisé et involontaire des freins de service du wagon.

    Une fuite dans le réservoir auxiliaire est difficile à détecter. Puisqu’une fuite n’est généralement pas audible, elle peut facilement passer inaperçue lors des inspections à pied, des inspections en voiture et des inspections au défilé, comme celles effectuées dans le cadre de l’essai de frein no 1. De plus, dans les conditions d’inspection de l’essai de frein no 1, la fuite entraîne rarement le desserrage des freins. C’est pourquoi un essai pour détecter les fuites dans le réservoir auxiliaire est requis lors de l’essai automatisé sur wagon individuel (ASCT).Note de bas de page 49

    Les SCT ne sont toutefois pas effectués fréquemment. De plus, à moins que le wagon ne soit équipé d’un raccord avec un adaptateur à 4 ports permettant au dispositif de l’essai sur wagon individuel d’être relié directement aux différentes pièces du système de freins à air, il n’y a pas de façon quantitative de vérifier directement la présence de fuites dans le réservoir auxiliaire pendant un SCTNote de bas de page 50. Sur les wagons où le dispositif de SCT doit être relié à la conduite d’air à l’extrémité du wagon, la présence de fuites dans le réservoir auxiliaire ne peut être détectée qu’indirectement à l’aide de 2 essais distincts : l’essai de fuite du système à plusieurs étapes et l’essai de fuite du cylindre de frein.

    L’essai de fuite du système à plusieurs étapes (décrit à la section 3.5 de la norme S-486 de l’AAR) est utilisé pour détecter les fuites dans l’ensemble du système et non les fuites du réservoir auxiliaire en particulier. L’essai permet de mesurer la perte totale d’air comprimé dans la conduite générale, le réservoir auxiliaire et le réservoir d’urgence, robinet d’isolement de conduite dérivée avec filtre centrifuge, et dans tous les raccords de la conduite générale du wagon. Une fuite détectée peut provenir de n’importe lequel de ces composants. Le débit de fuite du système maximal toléré pendant cet essai est de 225 po3/min.

    Comme son nom l’indique, l’essai de fuite du cylindre de frein (décrit à la section 3.14 de la norme S-486 de l’AAR) est conçu pour détecter la présence de fuites dans le cylindre de frein et mesurer le débit de la fuite. Pour effectuer cet essai, les freins du wagon doivent demeurer serrés pendant 4 minutes et le changement de pression du cylindre de frein mesuré attribuable à une fuite doit être inférieur à 1 lb/po2 pendant la dernière minute, c’est-à-dire 1 lb/po2 par minute. Si les freins se desserrent pendant cet essai, cela peut indiquer que le réservoir auxiliaire présente une fuite et que le débit de la fuite est supérieur à 145 po3/min.

    La figure 15 montre les effets d’une fuite du réservoir auxiliaire sur le serrage des freins. Dans cet exemple, une fuite d’air de 145 po3/min (le débit de fuite du réservoir auxiliaire maximal permis) a été induite dans le réservoir auxiliaire. Une réduction de 10 lb/po2 de la pression de la conduite générale a été effectuée et les freins ont été serrés pendant 5 minutes, soit 1 minute de plus que la durée stipulée dans l’essai de fuite du cylindre de frein de la norme S-486. À la fin de cet essai d’une durée prolongée, un desserrage involontaire des freins s’est produit.

    Figure 15. Serrage des freins par réduction de 10 lb/po2 de la pression de la conduite générale et desserrage en raison d’une fuite du réservoir auxiliaire (Source : K. Carriere et B. Gallagher, « Brake System Forensics », dans les Proceedings of the 99th Annual and Technical Conference of the Air Brake Association, Inc., Chicago, Illinois, 13–14 septembre 2007, avec mise en page et annotations du BST)
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    Serrage des freins par réduction de 10 lb/po<sup>2</sup> de la pression de la conduite générale et desserrage en raison d’une fuite du réservoir auxiliaire (Source : K. Carriere et B. Gallagher, « Brake System Forensics », dans les Proceedings of the 99th Annual and Technical Conference of the Air Brake Association, Inc., Chicago, Illinois, 13–14 septembre 2007, avec mise en page et annotations du BST)

    Le train à l’étude comprenait différents types de wagons, certains équipés d’un adaptateur à 4 ports et d’autres non. Il est possible qu’une fuite d’un débit supérieur à 145 po3/min se soit développée dans le réservoir auxiliaire de certains de ces wagons après leur dernier essai sur wagon individuel, que cette fuite n’ait pas été détectée lors des divers essais de freins sur le terrain, et qu’elle ait causé le desserrage involontaire des freins pendant un serrage des freins de service sur ces wagons.

    1.16.3.3 Fuite du cylindre de frein

    On s’attend à ce que les wagons présentent des fuites d’air comprimé, surtout dans les conditions plus froides d’exploitation hivernales. Le débit de fuite peut varier considérablement d’un wagon à l’autre en raison de plusieurs facteurs. La plupart des fuites qui peuvent se produire ne nuisent pas au bon fonctionnement du système de freins à air du wagon ou à l’efficacité des freins du wagon. Le cylindre de frein est cependant l’un des composants des freins à air qui peuvent être gravement touchés par une fuite. L’efficacité des freins à air d’un wagon dépend de la quantité de pression initiale qui s’accumule dans le cylindre de frein en réponse directe à une commande de serrage des freins de la locomotive menante et de la durée pendant laquelle cette pression est maintenue. Une baisse de la pression au cylindre de frein d’un wagon en raison d’une fuite diminue la force de freinage fournie par le wagon. Un cylindre de frein avec une fuite importante pourrait se vider complètement pendant un serrage d’urgence, au point où les semelles de frein ne sont plus en contact avec la surface de la table de roulement de roue, ce qui rend les freins complètement inefficaces. Un wagon qui ne fournit pas la force de freinage attendue ne contribue pas pleinement à produire la force retardatrice du train.

    Le système de freins à air automatiques de la locomotive maintiendra la pression de la conduite générale pour remplacer la perte d’air comprimé attribuable aux fuites combinées réparties dans tout le train. Bien que ce soit très utile, la pression aux cylindres de frein d’un wagon n’est maintenue qu’à un maximum approximatif de 8 à 12 lb/po2, quel que soit le degré de serrage des freins. Dans la grande majorité des scénarios de conduite de train (dans lesquels des trains sont conduits sur des pentes de moins de 1 % et à d’autres endroits où les freins doivent uniquement être serrés pendant quelques minutes), cette quantité de pression dans le cylindre de frein est plus que suffisante pour contrôler la vitesse du train de façon sécuritaire et l’immobiliser lorsque nécessaire. Cependant, une fuite au cylindre de frein peut être particulièrement problématique pour les trains lourds qui descendent une longue pente où les freins à air demeureront serrés plus longtemps. Par exemple, descendre la pente de 13,5 milles de Field Hill à 15 mi/h exige que les freins à air restent serrés et fournissent une force retardatrice de freinage constante pendant plus de 52 minutes.

    Le taux de fuite maximal permissible au cylindre de frein est de 1 lb/po2 par minute pendant un intervalle d’essai de 1 minute, conformément à la norme S-486, « Code of Air Brake System Tests for Freight Equipment - Single Car Test », de l’AAR. En cas de fuite d’air au cylindre de frein, même dans les limites acceptables, la force exercée par le piston est réduite, ce qui diminue l’efficacité du freinage du wagon.

    À un taux de fuite moyen de 1 lb/po2 par minute sur chaque wagon, le train à l’étude aurait perdu 52 lb/po2 de pression au cylindre de frein pendant la descente de Field Hill, ce qui représente une perte de 81,3 % de la capacité de freinage. Près du bas de la pente, la pression au cylindre de frein restante du train aurait été équivalente à un serrage des freins par réduction minimale de la pression (7 lb/po2), ce qui aurait été insuffisant pour permettre au train de rester en deçà de la vitesse maximale permise de 15 mi/h.

    Les fuites au cylindre de frein sont aggravées par la détérioration des joints d’étanchéité des joints en coupelle en raison de l’âge et de l’usure, de même que par la détérioration de la graisse lubrifiant le système de joints en coupelle. Ces fuites sont encore aggravées par températures froides, lorsque les joints en coupelle de caoutchouc, les joints d’étanchéité et la graisse se durcissent et se contractent. Au moment de l’événement, rien n’exigeait un entretien périodique des cylindres de frein des wagons. Par conséquent, les cylindres de frein pouvaient demeurer en service pendant de longues périodes.

    Les fuites au cylindre de frein demeurent au deuxième rang des causes d’échec au SCT, derrière les défaillances du distributeur de wagon (figure 16).

    Figure 16. Pourcentage d’échec au SCT par cause de l’échec (Source : E. Gaughan et K. Carriere, « Troubleshooting a freight car brake system », présenté lors de la conférence annuelle de l’Air Brake Association à Indianapolis, en Indiana, en septembre 2013; modifié par le BST pour plus de clarté; reproduction en français du BST)
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    Pourcentage d’échec au SCT par cause de l’échec (Source : E. Gaughan et K. Carriere, « Troubleshooting a freight car brake system », présenté lors de la conférence annuelle de l’Air Brake Association à Indianapolis, en Indiana, en septembre 2013; modifié par le BST pour plus de clarté; reproduction en français du BST)
    1.16.3.3.1 Fuite au cylindre de frein après le serrage des freins d’urgence

    La Wabtec Corporation (Wabtec) a effectué des essais sur son banc d’essai de 150 wagons approuvé par l’AAR pour mesurer les changements de pression au cylindre de frein à la suite du serrage des freins d’urgence avec différents débits de fuite induitsNote de bas de page 51. L’équipement de freinage sur le banc d’essai reproduit les systèmes de freinage sur des wagons de 50 pieds. La figure 16, issue de ces essais, représente la dégradation de la pression au cylindre de frein avec différents débits de fuite. Elle décrit l’évolution de la pression au cylindre de frein après le serrage des freins d’urgence, puisque toutes les pressions initiales sont d’environ 77 lb/po2 au temps zéro pour un système de freinage complètement chargé. Le graphique montre que, pour un débit de fuite initial de 0,5 lb/po2 par minute, la chute de pression de 47 lb/po2 à 31 lb/po2 (la pression à laquelle la force de freinage devient insuffisante pour maintenir le train à l’étude immobile sur la pente) prendra environ 6600 secondes (1 heure et 50 minutes).

    Figure 17. Dégradation de la pression du cylindre de frein après un serrage des freins d’urgence (Source : Wabtec, avec annotations du BST)
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    Dégradation de la pression du cylindre de frein après un serrage des freins d’urgence (Source : Wabtec, avec annotations du BST)
    1.16.3.4 Autres facteurs ayant un impact sur la transmission de la commande de serrage des freins à air

    Une fuite excessive dans la conduite générale peut également dégrader le rendement de l’effort de freinage après une réduction graduéeNote de bas de page 52, lorsque de longs intervalles de temps s’écoulent entre les réductions successives de pression de la conduite générale. Lorsque la fonction de maintien de la pression est activée, l’air qui circule dans la conduite s’oppose à l’air de l’échappement de la conduite générale, ce qui rend le débit insuffisant pour que certains distributeurs de wagon détectent convenablement toute réduction subséquente de la pression de la conduite générale pouvant être effectuée après la réduction minimale initiale de pression de la conduite générale, et y réagissent convenablement.

    1.17 Surveillance du débit d’air dans la conduite générale

    Divers types de débits d’air sont associés au fonctionnement du système de freins à air, notamment le débit de charge, le débit de desserrage des freins et le débit de serrage des freins. Un indicateur de débit dans la cabine de la locomotive fournit des renseignements utiles au sujet de ces différents débits, qu’ils soient changeants ou constants.

    Le débit de charge désigne le débit présent lorsque la conduite générale et les réservoirs de stockage d’air des wagons sont remplis d’air comprimé. Le débit maximal est atteint dès que le ML desserre les freins à air du train. Le débit diminue ensuite graduellement puis atteint éventuellement une valeur pallier relativement constante quand la conduite générale et les réservoirs de stockage d’air sont complètement chargés.

    Une fois que le système de freinage est complètement chargé, tout débit constant existant indique que la pression de la conduite générale est maintenue pour compenser une fuite du système de freins à air. Le débit est proportionnel à la fuite et il pourrait être difficile à remarquer si la fuite est minime.

    Dans des conditions normales, lorsque la pression de la conduite générale est réduite pour serrer les freins d’un train, la valeur du débit d’air diminue, puis se stabilise de nouveau à une valeur constante.

    Une augmentation du débit d’air lorsque les freins sont serrés est appelée « débit de serrage des freins » et indique que l’une ou l’autre des situations indésirables suivantes pourrait être en train de se produire :

    • les freins du train se desserrent (involontairement);
    • il existe d’autres fuites d’air, notamment une fuite par l’orifice d’échappement du couvercle inférieur du dispositif de serrage DB-10 de New York Air Brake (NYAB) du distributeur du wagon, ou une fuite par le joint en coupelle du cylindre de frein.

    En cas de fuite au dispositif de freinage de service des distributeurs ou au cylindre de frein, le débit d’air dans la conduite générale augmentera plutôt que de diminuer lorsque les freins sont serrés, ce qui entraînera un débit supplémentaire d’air comprimé de la conduite générale vers ces sources de fuites. Cette circulation d’air réactivera en retour la fonction de maintien de la pression de la conduite générale de la locomotive pour :

    • remplacer l’air qui fuit par ces composants des freins à air;
    • maintenir la pression d’air dans la conduite générale.

    La figure 17 montre les 3 différents débits en lien avec le fonctionnement des freins à air.

    Figure 18. Débit d’air dans la conduite générale (Source : BST)
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    Débit d’air dans la conduite générale (Source : BST)

    Dans un train à traction répartie, l’air est fourni non seulement par la locomotive menante de tête, mais aussi par les locomotives télécommandées fonctionnelles, qui servent de points supplémentaires de contrôle de la pression de la conduite générale et qui fournissent d’autres sources d’air comprimé pour le chargement et le maintien de la pression de la conduite générale. La contribution en débit d’air de chacune des locomotives connectées en traction répartie est affichée individuellement sur l’écran d’exploitation de traction répartie que surveille le ML. Le débit d’air total fourni au système de freins à air du train est le total combiné de toutes les sources d’air des locomotives de traction répartie.

    1.17.1 Mesure du débit d’air et fuite du système de freinage

    Wabtec a enquêté sur les changements de débit dans la conduite générale en lien avec un rendement réduit du système de freinageNote de bas de page 53. L’enquête comprenait l’analyse des fichiers de données sélectionnés de CEL, de même que la réalisation d’essais de laboratoire sur un banc d’essai de 150 wagons pour étudier la réponse du système de freins à air à différentes conditions de fuite. Certains de ces essais ont été conçus pour recréer les effets de fuites supplémentaires dont on a constaté l’apparition sur l’équipement de freinage qui a dépassé sa durée de vie utile, surtout par temps froid. Cet effort de recherche et d’analyse, fondé sur les évaluations des fuites et du débit d’air, a offert une nouvelle perspective qui peut être utilisée par l’industrie, et particulièrement par les ML, pour mieux diagnostiquer la dégradation de l’efficacité du freinage et en évaluer les principaux indicateurs.

    Les données du banc d’essai ont confirmé que, lorsque le débit de fuite est constant, le débit d’air de la conduite générale diminue lorsque la pression de la conduite est réduite pour serrer les freins d’un train. Les données permettent également de confirmer que d’importantes réductions de la pression de la conduite générale entraîneront une diminution proportionnellement plus importante du débit d’air. Comme le rapport d’essai de Wabtec l’indique en partie [traduction] :

    L’analogie correspondante dans le système de freinage est que le débit d’air lorsque les freins sont serrés, le « débit de serrage », sera inférieur au débit d’air lorsque les freins sont desserrés, le « débit de desserrage », dans n’importe quelle conditionNote de bas de page 54.

    Des essais supplémentaires ont été effectués sur banc d’essai pour mesurer l’impact d’une augmentation du débit de fuite sur le débit d’air, afin de recréer l’effet produit par des sources de fuites supplémentaires sur certains des wagons lorsque les freins à air sont serrés. Dans le cadre des essais, différents niveaux de fuite au cylindre de frein ont été générés sur 75 des 150 wagons du banc d’essai. Le tableau 6 présente les changements dans le débit de serrage des freins associés aux différents niveaux de fuite au cylindre de frein lorsque la pression de 90 lb/po2 dans la conduite générale est réduite de 10 lb/po2. Ces essais mettaient l’accent sur les fuites au cylindre de frein et les distributeurs de wagon n’ont donc pas été inclus comme source de fuite, même si des distributeurs défectueux peuvent également présenter des joints qui fuient, ce qui peut évacuer la pression dans la conduite générale, le réservoir et le cylindre de frein.

    Tableau 6. Relation entre le débit d’air de serrage et le taux de fuite sur 75 wagons après une réduction de la pression de la conduite générale de 10 lb/po2 (Source : E. W. Gaughan, « Applied Flow Diagnostics - Hidden in Plain Sight », envoyé à la conférence de l’Air Brake Association à Minneapolis, au Minnesota [septembre 2019])
    Taux de fuite au cylindre de frein (lb/po2/min) Débit d’air dans la conduite générale avec un serrage des freins de 10 lb/po2 (pi3/min) Changement total dans le débit d’air de la conduite générale par rapport au débit d’air sans fuites (pi3/min)
    0* 8.6** n/a
    1 10.7 2.1
    2 12.2 3.6
    5 16.1 7.5

     * Aucune fuite au cylindre de frein.
    ** En l’absence de fuites au cylindre, le débit diminue lorsque la pression dans la conduite générale est réduite.

    Une fuite de 1 lb/po2 par minute au cylindre de frein (la limite maximale permise par la norme S-486 de l’AAR pendant un SCT) sur 75 des 150 wagons entraînera une augmentation du débit d’air de serrage d’environ 2,1 pi3/min après une réduction de 10 lb/po2 de la pression dans la conduite générale. Des augmentations à 2 chiffres du débit d’air de serrage indiqueraient la présence d’une fuite excessive au cylindre de frein, de même qu’aux joints du distributeur de wagon.

    La figure 18 montre comment la demande de débit dans la conduite générale augmente pour compenser les différents débits de fuite au cylindre de frein. Le graphique présente les résultats des essais effectués sur le banc d’essai à 150 wagons de Wabtec avec une réduction minimale de la pression de la conduite générale (7 lb/po2). Si les 150 wagons au banc d’essai avaient des cylindres de frein fuyant à un débit de 3 lb/po2 par minute, l’augmentation totale du débit d’air de serrage serait seulement d’environ 10 p3/min. Il serait possible de remarquer une telle augmentation du débit d’air seulement s’il y avait déjà un débit d’air d’au moins 20 pi3/min circulant dans la conduite générale (un débit en-deçà de 20 pi3/min apparaît comme 0 sur le débitmètre de la locomotive).

    Figure 19. Augmentation du débit de serrage sur 150 wagons, chacun d’une longueur de 50 pi (Source : Wabtec, avec annotation du BST)
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    Augmentation du débit de serrage sur 150 wagons, chacun d’une longueur de 50 pi (Source : Wabtec, avec annotation du BST)
    1.17.1.1 Lectures du débit de serrage avant l’arrêt d’urgence

    Peu de temps après avoir quitté la gare de triage d’Alyth, le ML descendant a remarqué une augmentation du débit d’air dans la conduite générale chaque fois que les freins à air étaient serrés. Ces augmentations du débit d’air de serrage se sont produites lors de l’immobilisation du train pour des croisements à Keith, à Banff et à Eldon. De plus, une augmentation soudaine et involontaire du débit d’air s’est produite peu après avoir effectué une réduction minimale de 7 lb/po2 de la pression dans la conduite générale alors que la tête du train amorçait la descente de Field Hill. Environ 8 minutes plus tard, lorsque la pression de la conduite générale a été réduite de 3 lb/po2 supplémentaires, une autre augmentation du débit de serrage a été remarquée.

    Les données du consignateur d’événement de la locomotive télécommandée UP 5359 en milieu de train montrent une augmentation soudaine et inattendue du débit d’air à 35 pi3/min quelques secondes après une réduction de la pression de la conduite générale pendant la descente initiale vers Partridge, comme illustré à la figure 19.

    Figure 20. Graphique montrant l’augmentation imprévue du débit d’air alors que le train descendait Field Hill (Source : BST, d’après les données du consignateur d’événement de la locomotive UP 5359)
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    Graphique montrant l’augmentation imprévue du débit d’air alors que le train descendait Field Hill (Source : BST, d’après les données du consignateur d’événement de la locomotive UP 5359)

    Juste avant le serrage d’urgence, 3 réductions progressives de la pression de la conduite générale, de 2 lb/po2 chacune, ont été effectuées. Il n’y a cependant pas eu de lecture du débit d’air à la suite de ces réductions, car la fuite dans la conduite générale avait été réduite en raison des facteurs suivants : la pression dans la conduite générale avait été réduite; il n’y avait pas suffisamment de temps pour placer le robinet de freinage en position neutreNote de bas de page 55 lors de la réduction de la pression dans la conduite générale et pour actionner la fonction de maintien de la pression afin d’augmenter le débit d’air; et le débit d’air total était inférieur à 20 pi3/min.

    Les sources d’une augmentation du débit d’air peuvent être attribuables à des fuites du système de freins à air, dans la situation suivante [traduction] :

    […] l’équipement de freinage qui a dépassé sa durée de vie utile peut causer des fuites uniquement lorsque les freins sont serrés. Des distributeurs défectueux peuvent évacuer la pression de la conduite générale, du réservoir ou du cylindre au serrage. Les fuites des cylindres de frein causeront une baisse de la pression jusqu’au seuil [de déclenchement] de la soupape de régulation rapide de service ou de la fonction de maintien de la pression du cylindre de frein, ce qui entraîne une augmentation de la demande imposée à la conduite généraleNote de bas de page 56.

    1.17.2 Débitmètre d’air

    Les locomotives sont équipées d’un indicateur de débit pour la conduite générale, communément appelé débitmètre d’air. Le débitmètre affiche le débit d’air mesuré entre le réservoir d’air de la locomotive et la conduite générale du train, en pied cube par minute (pi3/min). Le débitmètre est le principal moyen employé par le ML pour surveiller les déplacements d’air dans la conduite générale causés par les différences de pression, par exemple lors du serrage ou du desserrage des freins, pendant que la conduite générale est chargée ou lorsque la fonction de maintien de la pression est activée.

    Le débitmètre est également utilisé lors des essais de qualification obligatoires des freins à air, comme les essais de frein no 1 ou les essais de frein no 1A. Les lectures du débitmètre sont utilisées lors de ces essais pour s’assurer que le débit d’air total dans la conduite générale ne dépasse pas la limite maximale permise par la réglementationNote de bas de page 57 lorsque les freins à air sont desserrés.

    Sur les locomotives équipées d’écrans d’affichage pour le conducteur, le débit d’air est affiché dans un encadré intitulé « Flow » (débit) (annexe A, figure A5). La valeur affichée à l’écran indique le débit d’air qui circule du réservoir principal de la locomotive à la conduite générale.

    Lorsque le système de freins à air est rempli, l’indicateur de débitmètre affiche une valeur élevée, normalement supérieure à 60 pi3/min. À mesure que le système est chargé, la valeur affichée diminue, ce qui indique une diminution du débit. Le débitmètre et les données téléchargées du consignateur d’événements de locomotive indiqueront une valeur de 0 pour tout débit d’air inférieur à 20 pi3/min. Les valeurs de débit d’air (valeurs de 20 pi3/min et plus) ne s’affichent normalement que lorsque les freins à air sont desserrés et lorsque la conduite générale et les réservoirs de stockage d’air des wagons sont remplis.

    Un ML surveille au moyen du débitmètre d’air tous les changements de débit attendus qui indiquent que le système de freins à air réagit aux commandes de serrage et de desserrage des freins. Des changements de débit inattendus peuvent indiquer la présence d’importants changements dans le système de freins, qu’ils soient causés par des effets de fuite sensibles à la température ou par une situation émergente, comme un desserrage involontaire des freins.

    Habituellement, une fuite au cylindre de frein passe inaperçue, à moins que le ML ne remarque une augmentation soudaine du débit d’air pendant le serrage des freins de service et qu’il comprenne ce qu’elle implique. Le ML ne dispose d’aucun autre moyen de détecter une fuite systémique au cylindre de frein, à part de constater que la commande de serrage des freins ne produit pas l’effet ralentisseur requis et attendu sur le train.

    1.17.3 Attention et écrans d’information

    Lorsqu’il est aux commandes d’une locomotive, le ML doit surveiller différentes jauges de fonctionnement de façon périodique, y compris le débitmètre. Les renseignements affichés par le débitmètre peuvent fournir une importante rétroaction sur l’efficacité du freinage. À dessein, les augmentations du débit d’air menant à des dépassements ne produisent pas d’avertissement sonore ou visuel particulier sur l’écran d’affichage du conducteur.

    La « perceptibilité sensorielle » est la capacité d’un objet d’attirer l’attention d’un observateur qui ne s’attend pas nécessairement à le voir ou qui regarde ailleursNote de bas de page 58. Les caractéristiques des avertissements, des objets ou des conditions qui ont une bonne probabilité d’attirer l’attention du conducteur comprennent les zones ou les objets qui diffèrent grandement de leur arrière-plan en termes de luminosité, de couleur et de texture; les stimuli qui scintillent ou clignotent; les objets de grande taille; et les objets qui bougentNote de bas de page 59. Des feux rouges clignotants et des alarmes sonores sont des caractéristiques typiques d’avertissements conçus pour attirer l’attention.

    Le Manual of Standards and Recommended Practices de l’AAR stipule que, en termes de philosophie de conception, l’urgence de l’information ferroviaire transmise par une alarme doit être indiquée par la couleur d’arrière-plan (c’est-à-dire que les alarmes les plus urgentes ont un arrière-plan rouge, les alarmes moins urgentes ont un arrière-plan jaune, et les alarmes les moins urgentes ont un arrière-plan blanc).Note de bas de page 60

    La « perceptibilité cognitive » fait référence à l’importance et à la pertinence de l’information dans le contexte du conducteur,Note de bas de page 61 comme les renseignements du débit d’air lors du freinage. Afin de s’assurer que les indices visuels les plus importants pour un scénario particulier sont détectés par le conducteur, les indices doivent être facilement distingués comme les plus pertinents et ne pas être masqués ou affaiblis par d’autres indices plus faciles à remarquer.

    Les débitmètres d’air plus vieux et plus traditionnels avaient une philosophie de conception qui correspondait à ces pratiques recommandées. Ils étaient associés à des indicateurs lumineux d’avertissement jaunes et un signal auditif du robinet de mécanicien 26L, lequel indiquait au ML à quel moment le débit d’air augmentait au-delà des paramètres normaux. Avec des locomotives plus modernes, les renseignements sont présentés sur l’affichage intelligent, où l’indicateur de débit d’air n’est associé à aucune alarme, alerte ou code de couleur.

    Le débitmètre de la locomotive à l’étude indiquait un petit chiffre blanc qui ne clignotait pas, qui ne changeait pas de couleur ou qui ne devenait pas plus évident, peu importe la situation ou le débit qui était affiché. La façon dont l’information est affichée exige une certaine interprétation par le ML afin d’éclairer les mesures à prendre le cas échéant.

    1.18 Mise à l’essai des wagons récupérés

    Après l’événement, les 13 wagons qui ne s’étaient pas renversés et la locomotive télécommandée arrière (CEFX 1040) ont été mis à l’essai pour identifier les facteurs sous-jacents qui ont contribué à la perte de la commande de freinage sur le train à l’étude.

    Les essais ont été effectués à l’extérieur à des températures ambiantes froides comparables aux conditions existantes au moment de l’événement. Des essais supplémentaires ont été effectués plus tard à des températures plus élevées, en atelier.

    Les 13 wagons (tableau 7) représentent environ 11 % du total de 112Note de bas de page 62 wagons du train à l’étude.

    Tableau 7. Caractéristiques du système de freinage sur les 13 wagons récupérés
    Position du wagon Désignation du wagon Année de construction Âge* du wagon (années) Distributeur de service/d’urgence Fixation du cylindre de frein Régleur de timonerie
    1 SOO 119682 1998 21 NYAB DB-10 / 20 Châssis Oui
    2 COER 354009 2016 3 Wabco ABDX / ABDX Châssis Oui
    3 SOO 115417 1994 25 Wabco ABDX / ABDX Bogie (TMX) Oui
    4 CP 602554 1976 43 Wabco ABD / ABD Bogie (Wabcopac) Non
    5 CP 608497 1985 34 Wabco ABD / ABDW Bogie (Wabcopac) Non
    6 CP 602255 1976 43 Wabco ABD / ABD Bogie (Wabcopac) Non
    7 CP 607911 1984 35 Wabco ABD / ABDW Bogie (Wabcopac) Non
    8 SOO 118863 1997 22 Wabco ABDX / ABDX Bogie (TMX) Oui
    9 SOO 113918 1995 24 Wabco ABDX / ABDX Bogie (TMX) Oui
    10 SOO 119626 1998 21 NYAB DB-10 / 20 Châssis Oui
    11 CP 604013 1977 42 Wabco ABD / ABDW Bogie (Wabcopac) Non
    12 DME 51387 2005 14 NYAB DB-10 / Wabco ABDW Châssis Oui
    13 COER 354979 2007 12 NYAB DB-10 / 20 Châssis Oui

    * Âge du wagon au moment de l’événement.

    1.18.1 Essais à l’extérieur

    Les essais à l’extérieur ont été effectués à Banff, en Alberta. La locomotive et les 13 wagons ont été placés à l’extrémité ouest de la voie d’évitement de Banff, située au point milliaire 82,1 de la subdivision de Laggan.

    Un plan d’essai a été élaboré avec comme principal objectif la vérification du rendement du système de freins à air de la locomotive et des wagons et l’identification des facteurs sous-jacents qui ont contribué à la perte de la commande de freinage sur le train à l’étude. Différentes équipes d’essai ont été formées et comprenaient des représentants du CP et de TC.

    Les essais ont été effectués à l’extérieur à Banff pendant 3 jours, du 8 février au 10 février 2019. Ces dates ont été choisies parce qu’on prévoyait des températures ambiantes sous −20 °C, ce qui permettait de reproduire le plus fidèlement possible les conditions au moment de l’événement.

    Une série d’essais a été effectuée sur la locomotive et les wagons assemblés en train. Ces essais comprenaient une inspection visuelle, un essai des freins no 1ANote de bas de page 63, un essai de fuite du système de freinage et des essais de fuite du cylindre de frein (avec et sans réglage des robinets de retenue). Un essai sur wagon individuel par température froide a été effectué sur chaque wagon.

    1.18.1.1 Inspection visuelle

    Une inspection visuelle a été effectuée sur la locomotive et sur les 13 wagons à céréales chargés. L’inspection a confirmé que les conduites d’air étaient raccordées, que les robinets d’arrêt entre tous les éléments de matériel roulant étaient en position complètement ouverte et qu’aucun dommage n’était visible sur l’équipement du système de freinage. Il a été confirmé que les bras de détecteur de charge du dispositif vide/chargé des 13 wagons chargés étaient en position chargée. Les surfaces de la table de roulement de roue et les semelles de frein ont été examinées de façon plus approfondie pour déceler tout signe de dommages causés par des contraintes thermiques. Seul un bleuissement moyen des surfaces de la table de roulement de roue apparaissait sur moins de la moitié des essieux montésNote de bas de page 64.

    1.18.1.2 Essai de frein no 1A

    Un essai de frein no 1A utilisant la méthode de débit d’air a été effectué sur la locomotive et les wagons assemblés en train. L’essai a été effectué avec succès et a permis de vérifier que 11 des 13 wagons répondaient aux exigences de l’essai. Les 2 exceptions étaient CP 602554 (les freins ne se sont pas serrés) et COER 354979 (le piston s’est rétracté pendant l’essai).

    1.18.1.3 Essai de fuite du système de freinage

    Un essai de frein à l’arrêt Note de bas de page 65 a été effectué pour mesurer la fuite d’air du système de freinage. L’essai de frein à l’arrêt n’exige que 2 mesures, prises à des intervalles fixes. Si les 2 mesures sont identiques, il n’y a pas de fuite. Si les 2 mesures sont différentes, le débit de fuite est calculé.

    Une procédure simplifiée de l’essai de chute de pression dans la conduite générale a été utilisée en raison du nombre relativement peu élevé de wagons impliqués, de la petite quantité d’air comprimé totale dans le système de freinage et de la basse température ambiante. La procédure simplifiée comprenait les étapes suivantes :

    • charger le système de freinage à 90 lb/po2;
    • serrer les freins à air sur chaque wagon en effectuant une réduction de 15 lb/po2 de la pression de la conduite générale;
    • attendre que la pression de la conduite générale se stabilise à 75 lb/po2 et reflète la pression dans le réservoir d’équilibre de la locomotive;
    • fermer (isoler) la conduite générale en coupant le frein automatique de la locomotive, afin de désactiver la fonction de maintien de la pression de la conduite générale;
    • surveiller les fuites de la conduite générale pendant environ 60 secondes.

    La source d’air comprimé coupée, la pression mesurée dans la conduite générale est passée de 75 lb/po2 à 72 lb/po2 après 60 secondes, ce qui correspond à un débit de fuite de 3 lb/po2 par minuteNote de bas de page 66.

    1.18.1.4 Essai de fuite du cylindre de frein par température froide

    Deux indicateurs clés du rendement des freins à air et de l’efficacité du freinage sur un wagon sont la pression initiale qui s’accumule dans le cylindre de frein en réponse directe à la commande de serrage des freins de la locomotive menante et la durée pendant laquelle cette pression est conservée.

    Pour mieux comprendre les possibles facteurs sous-jacents qui ont contribué ou menés à une perte de la commande de freinage du train, un essai prolongé de fuite du cylindre de frein a été effectué sur chacun des 13 wagons récupérés. L’essai utilisait un script basé sur les données disponibles du consignateur d’événements de locomotive (tableau 8), pour recréer les actions de conduite posées par le ML pendant que le train descendait Field Hill, y compris l’arrêt d’urgence à Partridge. Les résultats ont permis de caractériser le rendement des freins pneumatiques de chacun des wagons récupérés juste avant l’arrêt d’urgence.

    Tableau 8. Script d’essai utilisé pour évaluer le rendement des freins à air des wagons lors des essais prolongés de fuites de frein par température froide
    Étape Temps écoulé Réduction de la pression dans la conduite générale (lb/po2) Pression dans la conduite générale (lb/po2)
    1 00:00:00 Réduction minimale 84
    2 00:07:44 8 82
    3 00:08:29 10 80
    4 00:17:30 12 78
    5 00:18:14 14 76
    6 00:18:48 15 75
    7 00:19:18 17 73
    8 00:19:29 19 71
    9 00:19:44 21 69
    10 00:19:50 Arrêt d’urgence 0

    * Les essais ont débuté avec les freins à air desserrés et le système complètement chargé à 90 lb/po2.

    1.18.1.4.1 Serrage des freins de service

    À l’étape 6 du script d’essai, une série de réductions de la pression dans la conduite générale d’un total de 15 lb/po2 effectuée à partir d’une conduite générale pleinement chargée, c.-à-d. 90 lb/po2, avait réduit la pression de la conduite générale à 75 lb/po2. La pression au cylindre de frein moyenne mesurée sur les 13 wagons était de 21 lb/po2, soit 57 % de la valeur théorique maximale de 38 lb/po2 (en l’absence de fuite de cylindre de frein).

    La pression au cylindre de frein sur 5 des wagons (38 % du nombre total de wagons) se situait entre 0 lb/po2 et 10 lb/po2. Les freins à air de ces wagons étaient pratiquement inefficaces lors du serrage des freins de service.

    Six de ces wagons (46 % du nombre total de wagons) n’ont pas réagi comme prévu à la série de petites réductions successives de la pression de la conduite générale et ont montré une augmentation de la pression au cylindre de frein moins importante que celle attendue.

    La surface des roues ne devrait pas être bleuie sur les wagons avec une pression de frein réduite.

    La figure 20 montre comment l’ensemble des pressions au cylindre de frein de l’essai effectué le 8 février 2019, à des températures de −19 °C à −21 °C, a changé avec le temps. La pression au cylindre de frein moyenne des 13 wagons récupérés a été calculée et tracée à partir des mesures de l’essai sur une période de 20 minutes (ligne pleine dans la figure 20). La pression maximale théorique de base au cylindre de frein sans fuites apparaît en pointillé, à titre de référence.

    Figure 21. Ensemble des pressions au cylindre de frein des 13 wagons lors de l’essai de serrage des freins de service du 8 février 2019 (Source : BST)
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    Ensemble des pressions au cylindre de frein des 13 wagons lors de l’essai de serrage des freins de service du 8 février 2019 (Source : BST)
    1.18.1.4.2 Serrage des freins d’urgence

    Les 13 wagons ont réagi au serrage des freins d’urgence avec une augmentation de la pression au cylindre de frein. L’essai a duré 180 minutes. La pression au cylindre de frein moyenne a commencé à 67 lb/po2 (87 % de la pression maximale théorique), puis est descendue à 47 lb/po2 à la fin de l’essai. Après 90 minutes, la pression au cylindre de frein moyenne était à 69 % de la pression maximale théorique au freinage d’urgence. Après 180 minutes, la pression au cylindre de frein moyenne était à 61 % de la pression maximale théorique au freinage d’urgence, et 9 wagons (69 % du nombre total de wagons) avaient une pression au cylindre de frein d’au moins 50 lb/po2.

    La figure 21 montre comment l’ensemble des pressions au cylindre de frein lors de l’essai du 8 février 2019 a changé au fil du temps pendant le serrage des freins d’urgence. La figure prolonge également la durée exprimée à la figure 20 de 20 minutes à 180 minutes (3 heures). La pression au cylindre de frein moyenne des 13 wagons récupérés a été calculée et tracée à partir des mesures de l’essai.

    Figure 22. Ensemble des pressions au cylindre de frein des 13 wagons lors de l’essai de serrage des freins d’urgence du 8 février 2019 (Source : BST)
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    Ensemble des pressions au cylindre de frein des 13 wagons lors de l’essai de serrage des freins d’urgence du 8 février 2019 (Source : BST)
    1.18.1.5 Essai de fuite du cylindre de frein avec robinet de retenue

    Les procédures d’exploitation de Field Hill (Field Hill operating procedures [FHOP]) exigent que les robinets de retenue d’au moins 75 % des wagons chargés des trains de marchandises se dirigeant vers l’ouest et immobilisés d’urgence passé le point miliaire 123,5 dans la subdivision de Laggan soient réglés à la position haute pression.

    Le fait de régler les robinets de retenue sur un train immobile ne fournit pas de force de freinage retardatrice supplémentaire pendant que les freins du train demeurent serrés. Les robinets servent plutôt à fournir une force de freinage résiduelle une fois que les freins du train sont desserrés. Cela peut aider à maintenir le train immobile ou à en contrôler la vitesse pendant que le système de freinage se recharge.

    Le réglage haute pression est conçu pour retenir en théorie jusqu’à 20 lb/po2 d’air comprimé dans le cylindre de frein une fois que les freins à air du wagon sont desserrés. Dans une situation où la pression au cylindre de frein est inférieure à 20 lb/po2 lorsque les freins à air sont desserrés, le robinet retiendra au départ la pression existante à ce moment-là.

    Pendant les essais effectués à l’extérieur à Banff, la fuite d’air comprimé des cylindres de frein à air des wagons a été mesurée avec les robinets de retenue réglés pour fonctionner en position haute pression. La fuite au cylindre de frein a été mesurée après avoir desserré les freins serrés à fond/d’urgence.

    À la fin de l’essai (1 heure et 45 minutes), il a été constaté et noté que :

    • 3 wagons (23 % du nombre total de wagons) avaient une pression au cylindre de frein de 18 à 20 lb/po2;
    • 3 wagons (23 % du nombre total de wagons) avaient une pression au cylindre de frein de 7 à 15 lb/po2;
    • 7 wagons (54 % du nombre total de wagons) avaient fui jusqu’à 0 lb/po2;
    • La pression résiduelle moyenne au cylindre de frein pour les 13 wagons était réduite à 50 % de la pression maximale théorique ou moins (c.-à-d. qu'elle avait fui jusqu’à 10 lb/po2 ou moins).
    1.18.1.6 Essai automatisé sur wagon individuel par température froide

    Un essai automatisé sur wagon individuel (Automated Single Car Test ou ASCT) par température froide a été effectué le 25 février 2019 entre 2 h 30 et 9 h 30. La température ambiante est passée de −22 °C à −28 °C pendant ce temps. L’essai a été effectué sur chacun des 13 wagons à l’aide d’un dispositif pour ASCT. Les 13 wagons-trémies ont échoué l’essai; 12 wagons ont échoué en raison de fuites excessives (au cylindre de frein ou au distributeur) et 1 wagon n’a pas réussi l’essai de « séparation » (essai de fuite du clapet de non-retour du robinet de retenue).

    En atelier, les étapes d’un ASCT complet selon la spécification S-4027 de l’AAR seraient suivies en ordre jusqu’à ce que toutes les étapes de l’essai soient réussies. Cette approche n’était toutefois pas pratique pendant l’essai à l’extérieur à Banff en raison des températures extrêmement froides et de la longue période requise pour effectuer les réparations et effectuer les essais de nouveau. Un wagon qui ne terminait pas complètement une étape donnée de l’essai était jugé avoir échoué l’essai. Une étape échouée indique un problème touchant le système de freins à air, mais pas nécessairement une réduction de l’efficacité de freinage. Il pourrait y avoir, par exemple, une fuite importante qui augmenterait la durée de chargement sans avoir d’effet négatif sur le rendement au freinage.

    1.18.1.7 Essai du frein dynamique des locomotives télécommandées

    Des essais ont été effectués sur la locomotive de queue récupérée (CEFX 1040) pour vérifier les caractéristiques opérationnelles du système de traction répartie et confirmer la manière dont le système régulait la force retardatrice de freinage générée par le frein dynamique de la locomotive et le frein indépendant en réaction à un serrage d’urgence des freins.

    Les essais ont confirmé que puisque la locomotive du train à l’étude était configurée pour fonctionner à distance en mode de traction répartie, elle a perdu le contrôle du freinage dynamique après le serrage d’urgence des freins et son frein indépendant a été régulé à un maximum de 45 lb/po2.

    Voici le comportement attendu :

    • Dans les systèmes de traction répartie plus anciens, le maintien du frein dynamique n’est pas une fonctionnalité offerte sur les locomotives télécommandées qui sont reliées à la locomotive de traction répartie de tête par communication radio de traction répartie.
    • La régulation du frein indépendant à un maximum de 45 lb/po2 sur les locomotives de traction répartie télécommandées en réaction au serrage des freins d’urgence est une caractéristique de conception héritée du système de traction répartie, servant à éviter de causer des dommages thermomécaniques aux roues de la locomotive.

    Ces résultats d’essai, bien qu’attendus, ont confirmé un détail de sécurité important : lorsque le train s’est immobilisé d’urgence à Partridge, il a perdu la force retardatrice de frein dynamique qui était offerte par les 2 locomotives de traction répartie télécommandées, UP 5359 et CEFX 1040. Cela s’est traduit par une perte d’environ 98 000 lb de force retardatrice des freins dynamiques par locomotive, soit 196 000 lb au total.

    1.18.2 Essais en atelier

    1.18.2.1 Essai automatisé sur wagon individuel

    Des essais supplémentaires sur les 13 wagons récupérés ont été effectués à l’atelier d’entretien du CP à Port Coquitlam les 7 et 8 mai 2019. Chaque wagon a subi un essai automatisé sur wagon individuel (ASCT) complet à température ambiante dans l’atelier.

    Les résultats des essais indiquent que 6 wagons (45 % du nombre total de wagons) ont échoué l’ASCT; 3 wagons ont échoué les sections de l’essai qui causeraient une réduction du rendement au freinage, tandis que les 3 autres wagons ont échoué les sections de l’essai qui n’aurait pas d’impact sur le rendement au freinage.

    En comparant ces résultats d’ASCT avec les données sur la température des roues recueillies avant l’événement, l’enquête a permis de déterminer que 2 des wagons qui ont échoué l’ASCT avaient également des roues froides, ce qui indique que la réponse du système de freinage sur ces wagons était inefficace. Aucune roue froide n’avait été relevée sur les autres wagons qui ont échoué l’ASCT.

    Un wagon avait des roues légèrement froides au détecteur situé au point milliaire 111,7 de la subdivision de Mountain, mais il a réussi l’ASCTNote de bas de page 67. Ce résultat indique que le wagon avait une fuite au cylindre de frein inférieure au seuil d’échec de 1 lb/po2 par minute. Toutefois, un taux de fuite au cylindre de frein de moins de 1,0 lb/po2 par minute entraînerait tout de même une diminution de l’efficacité de freinage si les freins étaient serrés pendant une longue période.

    1.18.2.2 Essais de fuite du cylindre de frein

    En plus de l’ASCT, les 13 wagons récupérés ont également subi des essais de fuite du cylindre de freins sur de longues périodes. Ces essais ont été effectués afin de déterminer si les wagons avaient un niveau de fuite au cylindre de frein inférieur à un niveau critique, mais pouvant tout me même mener à une perte de l’efficacité des freins lorsque les freins du train à l’étude étaient serrés pendant une longue période.

    Les essais prolongés de fuite du cylindre de frein ont été effectués de manière à reproduire le serrage des freins en service des wagons du train à l’étude et à surveiller le débit de fuite de pression sur une longue période, dans une plage de température normale pour un environnement d’atelier.

    Pendant les essais prolongés de fuite du cylindre de frein, les freins de l’un des wagons ne se sont pas serrés et l’essai des freins n’a pu se poursuivre. Le même wagon a également présenté des roues froides pendant la descente de Field Hill après l’événement, en route de Banff vers Port Coquitlam.

    Quatre autres wagons présentaient différents niveaux de fuite pendant les essais des robinets de retenue et avaient perdu 40 % de la pression au cylindre de frein en 6 minutes. Ces 4 wagons ne présentaient pas de roues froides en route vers Port Coquitlam. Cependant, leurs fuites au niveau de la tuyauterie du robinet de retenue ou du cylindre de frein auraient eu un impact négatif sur la rétention de la pression au cylindre de frein et ainsi rendu inefficaces les robinets de retenue.

    1.19 Efficacité des freins calculée à partir des données sur les roues

    L’examen des roues du train et des données relatives à la température des roues donne un aperçu de l’efficacité des freins du train avant le déraillement.

    1.19.1 Examen des roues

    Les roues récupérées sur le lieu de l’événement ont été examinées afin de vérifier le bleuissage de la table de roulement.

    Le bleuissage de la table de roulement des roues de matériel ferroviaire, qui est causé par la chaleur de frottement produite lors d’un freinage intensif ou prolongé, peut servir de mesure qualitative pour indiquer la force de freinage relative exercée sur chaque roue. L’absence de bleuissage indique des freins non fonctionnels ou inefficacesNote de bas de page 68.

    Au total, 724 des 932 roues (78 % du total) du train ont été examinées afin de vérifier la présence de bleuissage. Une évaluation du niveau de bleuissage et du pourcentage de la table de roulement de roue bleui a été effectuée à l’aide de l’échelle suivante :

    • 0 (aucun) (figure 22)
    • 1 (très faible)
    • 2 (faible)
    • 3 (moyen)
    • 4 (important)
    • 5 (très important) (figure 23)
    Figure 23. Table de roulement de roue sans bleuissage (Source : BST)
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    Table de roulement de roue sans bleuissage (Source : BST)
    Figure 24. Table de roulement de roue qui présente un bleuissage important (Source : BST)
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    Table de roulement de roue qui présente un bleuissage important (Source : BST)

    La figure 24 compare la répartition du bleuissage des roues des wagons à celle du bleuissage des roues des locomotives. Alors que la répartition du bleuissage des roues des wagons est décalée vers la gauche (freins de wagon moins efficaces), la répartition du bleuissage des roues des locomotives présente une forme de cloche légèrement décalée vers la droite, ce qui laisse croire que la plupart des freins étaient fonctionnels.

    Environ 41 % des roues de wagons examinées ne présentaient aucun signe de bleuissage, tandis que 11 % présentaient un bleuissage très léger. Environ 9 % des roues de wagons présentaient un bleuissage important ou très important.

    Contrairement aux roues des wagons, la majorité des roues des locomotives, soit presque 64 %, présentaient un bleuissage moyen, important ou très important. Moins de 6 % ne présentaient aucun signe de bleuissage. Les niveaux élevés de bleuissage sur les locomotives peuvent être attribués à la pression au cylindre de frein de la locomotive, qui est maintenue directement à partir du réservoir principal de la locomotive chaque fois que les freins de locomotive sont serrés. Comparativement à celles de la locomotive de tête à traction répartie, les roues des 2 locomotives télécommandées présentaient moins de bleuissage, comme on s’y attendait. Cela est attribuable au fait que sur les locomotives télécommandées, la pression au cylindre de frein était limitée à un maximum de 45 lb/po2 après le serrage des freins d’urgence (comparativement à 72 lb/po2 pour la locomotive de tête).

    Figure 25. Niveau de bleuissage sur les roues inspectées, avec comparaison entre les locomotives et les wagons (Source : BST)
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    Niveau de bleuissage sur les roues inspectées, avec comparaison entre les locomotives et les wagons (Source : BST)

    Les numéros de série ont été relevés sur le moyeu intérieur de chaque ensemble de roues et ont été comparés aux numéros de série des wagons et à la position de l’essieu de chaque ensemble de roue examiné. La figure 25 montre le niveau de bleuissage des roues de chaque wagon et locomotive du train. La nuance de bleu représente le niveau de bleuissage constaté. Aucune donnée n’était disponible pour les wagons en jaune. Les données n’étaient pas disponibles pour toutes les roues des wagons. Par conséquent, une valeur moyenne (par wagon) a été utilisée dans tous les cas. Les niveaux de bleuissage semblaient être répartis de manière aléatoire dans le train. Les roues de 35 wagons à céréales ne présentaient pas de bleuissage ou présentaient un bleuissage de niveau 1 (bleuissage très léger).

    Figure 26. Illustration du bleuissage sur le train à l’étude* (Source : BST)
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    Illustration du bleuissage sur le train à l’étude* (Source : BST)

    * L’échelle de bleuissage sur cette image est de 0 à 3,9 plutôt que de 0 à 5, car le nombre pour chaque wagon représente la moyenne de toutes les roues examinées sur ce wagon.

    1.19.2 Données sur la température des roues

    La température des roues d’un wagon est directement liée à l’effort retardateur de la semelle de frein. Par conséquent, elle peut être utilisée pour évaluer l’état des freins. Elle sert également de mesure relative de l’efficacité du freinage par rapport aux autres wagons du même train.

    En cas de serrage prolongé des freins à air du train, comme dans une longue pente descendante, la température des roues augmentera considérablement au-dessus de la température ambiante. Théoriquement, les roues de wagons semblables dans des conditions semblables présenteraient des températures semblables. Toutefois, les roues des wagons exerçant une force de freinage efficace présenteront une température élevée, alors que les roues des wagons exerçant une force de freinage inefficace présenteront une température considérablement plus basse que les autres roues du train.

    Les données sur la température des roues sont enregistrées par des détecteurs de température des roues (WTD), aussi appelés des « détecteurs de roues froides ». Les WTD utilisent une technologie à capteurs infrarouges pour évaluer la température des roues de trains qui passent et qui ont subi des conditions de freinage très récemment. Ces détecteurs signalent les roues relativement froides comparativement à la température moyenne des roues du train.

    Les sites munis de WTD sont connectés à un réseau de communication, afin de permettre aux données d’inspection d’un train qui passe d’être transmises automatiquement et stockées électroniquement à un emplacement centralisé où elles pourront être analysées plus tard à l’aide d’algorithmes d’analyse automatisés.

    1.19.2.1 Détecteurs de température des roues du Canadien Pacifique entre Calgary et Vancouver

    Au départ, les données sur la température des roues étaient recueillies par le CP pour s’assurer que les freins à air étaient convenablement desserrés, afin d’empêcher les roues d’atteindre une température excessivement élevée, ce qui pourrait provoquer un bris. Toutefois, depuis octobre 2008, le CP utilise des WTD à certains sites de détection en voie, afin de détecter les roues froides et de fournir une évaluation basée sur le rendement du freinage des wagons de trains-blocs de charbon dans le circuit de transport de charbon de la Colombie-Britannique.

    Même si, au départ, l’utilisation de la technologie de WTD visait à connaître la température des roues des wagons de trains de transport de charbon, les données sur la température des roues pour tous les trains qui passent devant un WTD sont recueillies. Les températures des roues scannées sont associées à des numéros de wagon spécifiques. Le CP a 5 sites de WTD en terrain montagneux entre Calgary et Vancouver : 1 dans la subdivision de Laggan au point milliaire 130,2 et 4 dans la subdivision de Mountain aux points milliaires 14,2, 30,2, 95,1 et 111,7.

    1.19.2.2 Mesures de la température des roues enregistrées antérieurement pour les wagons à l’étude

    Habituellement, la température des roues des 112 wagons du train aurait été mesurée au moment où le train passait devant le détecteur de la subdivision de Laggan au point milliaire 130,2. Cependant, ce WTD n’a recueilli aucune donnée sur les wagons le jour de l’événement car une panne de courant l’avait rendu non fonctionnel.

    Comme autre source de données, on a obtenu le registre de températures pour chacun des 112 wagons du train à l’étude pour leur précédent voyage à l’état chargé vers l’Ouest à destination de Vancouver. La température des roues des wagons avait été relevée pour la dernière fois pendant qu’ils étaient déplacés dans 1 de 3 trains-blocs céréaliers différents circulant vers l’ouest qui étaient passés devant les détecteurs aux points milliaires 95,1 et 111,7 de la subdivision de Mountain au cours des 2 dernières semaines de janvier 2019 (tableau 9). Lorsque les WTD ont enregistré la température des roues, la température ambiante locale variait de −0,5 °C à −3,9 °C—une température très différente de celle, plus froide, à laquelle a été exposé le train à l’étude.

    Tableau 9. Ventilation des données des détecteurs de température des roues obtenue à partir des 3 trains-blocs céréaliers circulant vers l’ouest au cours des 2 dernières semaines de janvier 2019
    Date du relevé Heure du relevé (heure normale du Pacifique) Température ambiante (°C) Nombre de wagons à l’étude
    Point milliaire 95,1 Point milliaire 111,7 Différence
    2019-01-18 13 h 04 13 h 50 46 minutes De −0,8 à −1,2 28
    2019-01-19 23 h 13 23 h 55 41 minutes De −0,5 à −0,6 12
    2019-01-21 10 h 32 11 h 13 41 minutes De −3,2 à −3,9 72

    Les données contenaient des mesures individuelles de température pour les 8 roues de chacun des 112 wagons (896 roues au total)Note de bas de page 69.

    Lorsqu’un train roule avec ses freins à air desserrés, les roues des wagons ont habituellement une température de 35 °F à 50 °F supérieure à la température ambiante, en raison de la chaleur de friction causée par les effets du contact de la roue avec le rail et de la résistance au roulement. Lorsque les freins du train sont serrés, on s’attend à ce que la température des roues du wagon augmente considérablement. Les roues qui ne contribuent pas à l’effort de freinage du wagon restent froides lorsque les freins sont serrés; les roues froides sont donc un indicateur d’une efficacité de freinage réduite. Une seule roue froide sur un wagon ne signifie pas nécessairement que le rendement de freinage global sur ce wagon a été fortement affecté. En revanche, plus le nombre de roues froides est élevé dans un ensemble de données, plus la probabilité qu’un wagon donné comporte plusieurs roues froides est élevée, ce qui signifie une température moyenne des roues plus basse et une détérioration de l’efficacité de freinage.

    Le nombre et le pourcentage de roues froides des wagons du train ont été calculés à partir des données recueillies au site du point milliaire 111,7 au cours des 2 dernières semaines de janvier 2019. À cette fin, une roue était considérée froide si sa température était inférieure ou égale à 70 °F. Bien qu’un seuil de température différent eût pu être choisi, une température de 70 °F constitue une caractérisation raisonnable d’une roue incontestablement froide. En outre, au moment de l’événement, le CP utilisait lui aussi la température de 70 °F pour identifier les roues froides des trains de charbon. D’après ces calculs, 123 des roues (soit 14 % des 896 roues) étaient froides.

    La température mesurée des roues peut servir à effectuer une analyse plus poussée des données des WTD sur la température, afin d’évaluer l’efficacité globale des freins des wagons du train. Afin de représenter l’ensemble du rendement au freinage du train, une caractérisation complète des données de température utilisant un classement avec plusieurs seuils de température est nécessaire. Un système de classement comme celui indiqué au tableau 10 permet l’intégration de critères supplémentaires et fournit une représentation plus complète du comportement de freinage des 112 wagonsNote de bas de page 70.

    Tableau 10. Critères de classement de la température moyenne des wagons
    Classement Seuil de température (°F)
    Adéquate Plus de 150
    Marginale De 100 à 150
    Froide Moins de 100

    Les wagons fournissant une force de freinage efficace présenteront des températures de roues élevées, tandis que ceux dont la force de freinage est inefficace auront des températures de roues sensiblement plus froides par rapport à la majorité des autres roues du train.

    En utilisant les données du WTD au point milliaire 111,7, la figure 27 montre la température moyenne de chacun des 112 wagons du train, de la tête (à gauche) à la queue (à droite). Les wagons sont représentés par différentes couleurs, en fonction de leur température moyenne, afin de refléter leur classement respectif en ce qui concerne l’efficacité du freinage. Comme la figure l’illustre, on a relevé des différences de température importantes d’un wagon à l’autre, et plusieurs wagons présentaient une température moyenne bien inférieure à 100 °F, ce qui indique clairement que leurs freins étaient soit inefficaces, soit carrément non fonctionnels.

    Figure 27. Température moyenne de chacun des 112 wagons du train, calculée d’après les données du détecteur de température des roues au point milliaire 111,7 (Source : BST)
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    Température moyenne de chacun des 112 wagons du train, calculée d’après les données du détecteur de température des roues au point milliaire 111,7 (Source : BST)

    * Les freins des wagons occupant les positions 27 et 101 étaient isolés le jour de l’événement et n’ont donc pas contribué à la capacité de freinage du train.
    ** Les températures moyennes des wagons représentées dans la figure sont fondées sur des températures ambiantes plus chaudes que celle qui prévalait le jour de l’événement.

    Le tableau 11 montre le nombre et le pourcentage de wagons et la température moyenneNote de bas de page 71 dans les 3 différents groupes de classement. Au détecteur du point milliaire 111,7, 60 % des wagons présentaient un freinage adéquat, 22 % présentaient un rendement au freinage marginal et 18 % avaient des systèmes de freinage non fonctionnels.

    Tableau 11. Classement de la température moyenne des wagons d’après les données des détecteurs de température de roues aux points milliaires 95,1 et 111,7
    Classement Détecteur au point milliaire 95,1 Détecteur au point milliaire 111,7
    Nombre et pourcentage de wagons Température moyenne (°F) Nombre et pourcentage de wagons Température moyenne (°F)
    Adéquate 58 (52 %) 201 67 (60 %) 201
    Marginale 31 (28 %) 128 25 (22 %) 131
    Froide 23 (21 %) 49 20 (18 %) 55

    Les marques d’identification des wagons ont été utilisées pour classer les 112 wagons dans leur parc d’origine. Le tableau 12 présente la répartition de la température moyenne pour les 112 wagons classés par parc de wagons. Le parc SOO, équipé en majeure partie d’un système de frein monté sur le châssis, présente généralement la température moyenne par wagon la plus élevée et le plus grand pourcentage de wagons dont la température est classée comme adéquate.

    Tableau 12. Répartition de la température moyenne de chacun des 112 wagons, par parc de wagon, d’après les données du détecteur de température des roues au point millaire 111,7
    Parc de wagons Nombre de wagons Température moyenne (°F) Écart-type Nombre et pourcentage de wagons par classement de la température moyenne des wagons
    Adéquate Marginale Froide
    SOO 51 175,1 67,2 37 73 % 6 12 % 8 16 %
    Loués 21 153,6 61,8 11 52 % 6 29 % 4 19 %
    CP* 40 141,7 52,3 19 48 % 13 33 % 8 20 %
    Totaux 112 159,2 62,7 67 60 % 25 22 % 20 18 %

    * Deux wagons de la série CP 384000-384999 et 38 wagons du gouvernement du Canada de la série CP 600000-608591

    Le tableau 13 compare l’efficacité de freinage des 13 wagons récupérés sur le site de l’accident avec celle des 99 wagons déraillés. Il illustre le nombre et le pourcentage de wagons dans chacun des 3 groupes de classement en fonction des données du WTD au point milliaire 111,7. En proportion, 69 % des 13 wagons récupérés ont été classés comme ayant un freinage adéquat, contre 59 % des 99 wagons déraillés.

    Tableau 13. Nombre et pourcentage de wagons dans chacun des groupes de classement de la température moyenne des wagons pour les 13 wagons récupérés et les 99 wagons déraillés, d’après les données du détecteur de température des roues au point milliaire 111,7
    Classement de la température des wagons 99 wagons déraillés (%) 13 wagons récupérés (%) Nombre total de wagons (%)
    Adéquate 58 (59 %) 9 (69 %) 67 (60 %)
    Marginale 23 (23 %) 2 (15 %) 25 (22 %)
    Froide 18 (18 %) 2 (15 %) 20 (18 %)
    1.19.2.3 Wagons froids dans les trains-blocs céréaliers précédents

    Entre le 1er et le 3 février 2019, 5 trains-blocs chargés de céréales circulant vers l’Ouest sont passés devant le détecteur de température des roues au point milliaire 130,2 de la subdivision de Laggan. Le ML de relève avait conduit l’un de ces trains la veille de l’accident et avait rempli un rapport de situation dangereuse indiquant la nécessité d’utiliser un serrage des freins plus fort que la normale pour contrôler la vitesse du train.

    Les données de température des roues pour ces trains figurent dans le tableau 14. Un pourcentage important de wagons froids a été détecté sur les trains. Le pourcentage de wagons froids est passé de 22 % à 56 % lorsque la température extérieure a chuté de −2,8 °C à −25,6 °C.

    Tableau 14. Données des détecteurs de température des roues pour 5 trains de céréales circulant vers l’ouest avant l’événement à l’étude, du 1er février au 3 février 2019
    Date Heure Temp. ambiante (°C) Train Vitesse (mi/h) Nombre de locomotives Wagons Temp. moyenne des roues (°F) Nombre de wagons froids (%)
    2019-02-01 21 h 06 −2,8 301-296 8 3 114 209,9 25 (22 %)
    2019-02-02 13 h 39 −2,2 303-578 13 3 112 238,5 28 (25 %)
    2019-02-02 19 h 31 −17,8 301-436 10 3 108 160,8 49 (45 %)
    2019-02-03 10 h 37 −25,6 303-676 14 3 110 133,7 62 (56 %)
    2019-02-03 11 h 03 −25,6 303-698 11 3 111 157,0 61 (55 %)

    1.19.3 Étude sur l’essai automatisé de l’efficacité des freins de train

    En 2008, le CP a entrepris une étude sur l’essai automatisé de l’efficacité des freins de train (ATBE) afin d’explorer des manières d’utiliser la technologie de détecteur de température de roues pour identifier les wagons dont les freins sont inefficaces sur des trains assurant son service de charbon en circuit fermé. Les travaux réalisés par le CP pour utiliser des détecteurs afin de savoir quels wagons éprouvaient des problèmes de freins étaient inédits à l’époque. Le système analyse toutes les roues du train dans des conditions de freinage, identifie la plage de température normale pour les wagons, puis signale les wagons dont la température ne se situe pas dans la plage normale, avec des roues trop chaudes ou trop froides. Ces wagons sont alors inspectés afin de vérifier la présence de freins coincés ou inefficaces.

    Les trains de charbon du CP partent du sud-est de la Colombie-Britannique et se déplacent vers le nord jusqu’à Golden (Colombie-Britannique), situé près du point milliaire 35 de la subdivision de Mountain. De Golden, les trains circulent vers l’ouest et le CP a utilisé les WTD situés aux points milliaires 95,1 et 111,7 de la subdivision de Mountain pour réaliser cette étude (figure 28).

    Figure 28. Sites des détecteurs de température des roues de la subdivision de Mountain utilisés dans le cadre de l’étude sur l’essai automatisé de l’efficacité des freins de train menée sur les trains de charbon(Source : A. Aronian, M. Jamieson et K. Wachs, « Automated Train Brake Effectiveness Test Process at Canadian Pacific », compte-rendu de la conférence ferroviaire conjointe ASME/ASCE/IEEE 2012 à Philadelphie, en Pennsylvanie [17 au 19 avril 2012], traduction par le BST)
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    Sites des détecteurs de température des roues de la subdivision de Mountain utilisés dans le cadre de l’étude sur l’essai automatisé de l’efficacité des freins de train menée sur les trains de charbon(Source : A. Aronian, M. Jamieson et K. Wachs, « Automated Train Brake Effectiveness Test Process at Canadian Pacific », compte-rendu de la conférence ferroviaire conjointe ASME/ASCE/IEEE 2012 à Philadelphie, en Pennsylvanie [17 au 19 avril 2012], traduction par le BST)

    Remarque : Les sites de détecteurs des points millaires 95,1 et 111,7 (indiqués par un « H ») peuvent détecter aussi bien les boîtes chaudes (DBC) que les roues chaudes (DRC).

    Sur la subdivision de Mountain, le premier serrage des freins à air d’un train afin de contrôler la vitesse du train aura lieu près du point milliaire 89 et la température des roues des wagons commencera à augmenter. Au moment où un train passe devant le détecteur au point milliaire 95,1, ses freins seront restés serrés pendant environ 20 minutes et la température des roues se sera stabilisée. Le site de détecteur au point milliaire 111,7 se trouve environ 16,6 milles plus loin. À cet endroit, les freins à air seront restés serrés pendant environ 40 à 45 minutes supplémentaires. Dans l’ensemble, les freins à air d’un train seront habituellement serrés pendant bien plus de 1 heure lorsqu’il descend les 20 milles de pente soutenue en terrain montagneux.

    En 2011, le CP a reçu une exemption de TC pour mettre à l’essai sa technologie ATBE dans le cadre de ses opérations d’exploitation de charbon en circuit fermé au CanadaNote de bas de page 72. La technologie a permis des pratiques de maintenance plus opportunes et plus ciblées, qui ont contribué à une amélioration globale du rendement des freins à air des trains de charbon.

    En 2015, TC, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) et le CP ont entamé un projet de recherche conjoint afin d’évaluer l’ATBE en tant que remplacement ou complément de l’essai de frein n⁰ 1. Dans le cadre de la recherche sur l’ATBE, on a examiné les données sur la température des roues issues d’une série de détecteurs de température des roues situés dans la partie inférieure de longues pentes descendantes, où un serrage prolongé des freins à air est nécessaire pour contrôler la vitesse du train.

    Une étude préliminaire d’établissement de la portéeNote de bas de page 73 a été réalisée afin de vérifier si le CNRC pouvait reproduire les résultats du parc de wagons de transport de charbon du CP à l’aide des mêmes ensembles de données, et afin de mettre à l’essai la méthodologie sur d’autres types de trains de transport de marchandises en vrac : trains-blocs de potasse et de céréales. Les valeurs de température moyennes par wagon (température moyenne des 8 roues du wagon) pour les trains de charbon et de potasse indiquaient un regroupement semblable de données sur la température. Les données sur le train-bloc céréalier indiquaient une température moyenne plus basse et une plus grande variation de température (figure 29), principalement en raison des disparités entre les wagons (type de système de freinage, âge, etc.).

    Figure 29. Distribution de la température pour différents trains-blocs (Source : Conseil national de recherches du Canada, avec annotations du BST)
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    Distribution de la température pour différents trains-blocs (Source : Conseil national de recherches du Canada, avec annotations du BST)

    En 2016, les résultats de recherches préliminairesNote de bas de page 74 ont montré que, comparativement aux autres types de wagons, les wagons à céréales présentaient un nombre plus élevé de roues froides pendant le freinage. Par la suite, les chercheurs ont effectué une comparaison entre les données de l’ATBE et les résultats de l’essai de frein no 1 pour un échantillon de 44 trains de céréales, avec chacun une moyenne de 112 wagons par train. L’ATBE a permis d’identifier 695 wagons comportant des freins non fonctionnels (taux de défectuosité de 14 %), alors que l’essai de frein n⁰ 1 a permis d’en identifier 5 (taux de défectuosité de 0,1 %).

    Un échantillon aléatoire de 14 des wagons identifiés grâce à l’ATBE a été envoyé aux fins d’essai automatisé sur wagon individuel (ASCT) et d’inspection. Tous les wagons de l’échantillon ayant été identifiés comme comportant des freins non fonctionnels par la méthode d’ATBE ont échoué à l’ASCT.

    Le rapport final sur l’ATBE a été publié par le CNRC le 4 octobre 2018Note de bas de page 75.

    1.19.3.1 Application de la méthodologie d’essai automatisé de l’efficacité des freins de train aux trains céréaliers

    Au moment de l’événement, le CP disposait d’une exemption de TC autorisant l’utilisation de l’ATBE pour évaluer l’efficacité des freins, qui s’appliquait exclusivement au parc de trains de charbon. Par conséquent, il n’existait pas de critères officiels fixant des seuils précis permettant d’identifier les wagons céréaliers dont les roues s’écartaient de la plage de température normale. Une approche légèrement différente était donc nécessaire pour évaluer et catégoriser les données sur la température des roues pour les wagons du train à l’étude.

    Les trains de charbon et de céréales sont semblables pour ce qui est du poids sous charge et des caractéristiques de freinage. Par exemple, dans le train à l’étude, chaque wagon céréalier chargé pesait en moyenne 129 tonnes, alors qu’un wagon de charbon chargé pèse en moyenne environ 143 tonnes, soit une différence de seulement 10 %. Les caractéristiques de tonnes par frein fonctionnel du train à l’étude étaient elles aussi très semblables à celles d’un train de charbon chargé type.

    Ces similitudes justifiaient l’adaptation de la méthodologie d’ATBE des trains de charbon aux wagons céréaliers.

    La méthodologie d’ATBE utilise la température moyenne du train et l’écart-type (SD)Note de bas de page 76 comme critères pour identifier les wagons froids. Par conséquent, ces valeurs ont été calculées pour les 112 wagons du train en fonction des données recueillies par les WTD aux points milliaires 95,1 et 111,7 au cours des 2 dernières semaines de janvier 2019 (tableau 15).

    Tableau 15. Température la plus élevée, température la plus basse et température moyenne, ainsi que l’écart-type, des 112 wagons du train à l’étude aux points milliaires 95,1 et 111,7 au cours des 2 dernières semaines de janvier 2019
    Site de détecteur de température des roues Température des wagons (°F)
    La plus élevée La plus basse Moyenne Écart-type
    Point milliaire 95,1 295,3 26,3 149,7 65,7
    Point milliaire 111,7 283,8 23,0 159,2 62,7

    En ce qui concerne le rendement global des freins à air d’un train, les mesures les plus représentatives dans le tableau 15 sont la température moyenne globale et l’écart-type. Les valeurs de température moyenne et d’écart-type doivent être mises en corrélation avec des valeurs que l’on juge représenter un rendement de freinage acceptable pour les conditions dans lesquelles les données ont été obtenues. De manière générale, les résultats propres au train seraient comparés et classés par rapport à un large échantillon de base représentatif de trains similaires. Toutefois, il n’existait aucune donnée d’ATBE pour les wagons céréaliers, et les données des trains de charbon ont donc été utilisées.

    Comme le montre le tableau 15, une température moyenne de 159 °F et un écart-type de 62,7 °F ont été obtenus au site de détecteur au point milliaire 111,7 de la subdivision de Mountain. En comparaison, les données du WTD présentées dans l’étude ATBENote de bas de page 77 indiquaient une température moyenne des roues de 242 °F et un écart-type de 50 °F pour les trains de charbon chargés qui passaient devant le même détecteur.

    Les règles d’ATBE au CP estimaient que les freins d’un wagon de charbon étaient inefficaces si une roue présentait une température :

    • inférieure ou égale à 70 °F; et
    • à 3 écarts-types de différence ou plus de la moyenne générale de température des roues du train.

    Toutefois, le critère d’une différence de 3 écarts-types ou plus donnerait une valeur seuil négative dans le cas des wagons composant le train à l’étude, en raison de la basse température moyenne des wagons et de la grande variation des températures d’un wagon à un autre, en comparaison avec les données des WTD pour les trains de charbon. Par conséquent, aux fins de la présente enquête, un seuil de température moyenne du wagon se trouvant à 1,5 écart-type de la moyenne générale est plus éloquent et offre une représentation raisonnable du rendement au freinage. L’utilisation de 1,5 écart-type est l’une des méthodes recommandées par le CNRC dans son étude ATBE préliminaire d’établissement de la portée. Pour le train à l’étude, un écart de 1,5 écart-type par rapport à la moyenne générale de température des roues correspond à 65,2 °F.

    En utilisant les critères modifiés (70 °F et 1,5 écart-type), l’analyse du jeu complet de données sur la température recueillies au site du point milliaire 111,7 a permis de déterminer que 111 roues (soit 12 % du total de 896 roues) étaient froides.

    La figure 30 présente un histogramme de la répartition des 896 roues par plage de température, en se fondant sur les données obtenues du WTD au point milliaire 111,7 de la subdivision de Mountain. La grosse flèche à 2 têtes montre les plages de température qui sont à moins de 1,5 écart-type (c.-à-d. 94,1 °F) à gauche ou à droite de la température moyenne des roues (c.-à-d. 159,2 °F).

    Dans cette figure, les roues dont la température était inférieure à 80 °F (soit 145 roues) sont indiquées dans l’encadré pointillé de gauche. De ce nombre, 111 respectaient les critères de roues froides (moins de 70 °F et 1,5 écart-type, soit 65,2 °F).

    Figure 30. Répartition des roues par plage de température pour les wagons du train à l’étude, d’après les données obtenues du détecteur au point milliaire 111,7 (Source : BST)
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    Répartition des roues par plage de température pour les wagons du train à l’étude, d’après les données obtenues du détecteur au point milliaire 111,7 (Source : BST)

    1.20 Évanouissement des semelles de frein dû au frottement

    Dans le cadre de l’enquête, la possibilité que l’évanouissement des semelles de frein dû au frottement ait joué un rôle dans l’accident a été envisagée.

    Le frottement entre la semelle de frein et la table de roulement de roue est essentiel pour maintenir l’effort retardateur des freins. Le coefficient de frottement de la semelle de frein dépend de plusieurs facteurs, comme l’état de la surface de la semelle, la vitesse de rotation de la roue, la force de freinage appliquée et la durée de serrage des freins. Les contaminants comme la neige et la glace peuvent réduire le coefficient de frottement. L’évanouissement de la semelle de frein dû au frottement, aussi appelé évanouissement par frottement, peut également modifier ce coefficient de frottement et causer la détérioration de la force retardatrice.

    Lorsque le frein automatique est serré, de la chaleur est produite au niveau de l’interface entre la semelle de frein et la table de roulement de roue. La quantité de chaleur produite est proportionnelle à la puissance au frein (BHP)Note de bas de page 78, elle-même proportionnelle à la vitesse et à la force retardatrice des freins. Les wagons plus lourds ont besoin d’une plus grande force retardatrice pour le contrôle de la vitesse dans des pentes descendantes, et produisent donc des températures plus élevées et sont exposés à une plus grande puissance au frein (BHP).

    Lorsque la capacité thermique d’une semelle de frein est dépassée pendant une période suffisamment longue, le coefficient de frottement peut être diminué et il peut y avoir un évanouissement par frottement. En cas d’accumulation excessive de chaleur, le coefficient de frottement entre la semelle de frein et la table de roulement de roue diminue, ce qui entraîne une perte importante de la force retardatrice des freins. Des études ont démontré que l’évanouissement par frottement ne se produit pas sur les roues de 36 po de diamètre, comme les roues du train à l’étude, lorsque la puissance au frein est égale ou inférieure à 30Note de bas de page 79.

    1.20.1 Évanouissement par frottement des freins du train

    Entre Stephen (endroit où la réduction initiale de la conduite générale s’est produite) et le moment du serrage d’urgence des freins, la vitesse du train a varié entre 8 mi/h et 21 mi/h. En utilisant la force retardatrice des freins de 409 550 lb calculée à la section 1.15, et en tenant compte d’une vitesse qui varie entre 8 mi/h et 21 mi/h, la puissance au frein (BHP) obtenue aurait été d’entre 10 et 26. Par conséquent, l’évanouissement de la semelle de frein dû au frottement n’a probablement pas été un facteur lors de l’arrêt du train.

    Cependant, pendant le déplacement non contrôlé, le train a accéléré jusqu’à 53 mi/h. Sur les wagons comportant des freins efficaces, les conditions nécessaires pour causer un évanouissement des freins dû au frottement auraient été présentes : à cette vitesse, la puissance au frein aurait dépassé 30 et pourrait avoir atteint une valeur aussi élevée que 67.

    1.20.1.1 Profils de vitesse pour les locomotives en milieu et en queue de train

    Pour évaluer plus précisément l’impact de l’évanouissement par frottement et sa contribution à la vitesse élevée atteinte par le mouvement non contrôlé, les données du CEL sur la vitesse ont été analysées. Les données représentent la performance réelle du train à l’étude en réponse à l’ensemble des conditions d’exploitation spécifiques et des variables dynamiques agissant sur le train.

    Entre le moment où le train a commencé à rouler par lui-même alors que les freins avaient été serrés d’urgence, et le moment où il a déraillé à une vitesse d’environ 53 mi/h, quelque 8,5 minutes se sont écoulées. La figure 30 montre le tracé du profil de vitesse du CEL pendant cette période pour la locomotive à traction répartie en milieu de train (UP 5359) et pour la locomotive à traction répartie en queue de train (CEFX 1040). Les données de la locomotive CEFX 1040 indiquent que la vitesse de la locomotive en queue de train a chuté rapidement d’environ 48 mi/h à 0 mi/h lorsque la partie arrière du train a déraillé. Les données de la locomotive UP 5359 indiquent qu’environ 23 secondes plus tard, la vitesse de la locomotive en milieu de train a chuté rapidement de 53 mi/h à 0 mi/h lorsque la partie du milieu du train a déraillé. Les données de la locomotive UP 5359 sont représentées par une ligne en escalier, car le CEL a enregistré la vitesse en tant que valeur entière, alors que le CEL de la locomotive CEFX 1040 a enregistré la vitesse à 1 décimale près.

    Figure 31. Profils de vitesse du consignateur d’événements de locomotive pour les locomotives en milieu (UP 5359) et en queue (CEFX 1040) de train pendant le mouvement non contrôlé (Source : BST)
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    Profils de vitesse du consignateur d’événements de locomotive pour les locomotives en milieu (UP 5359) et en queue (CEFX 1040) de train pendant le mouvement non contrôlé (Source : BST)
    1.20.1.2 Évanouissement par frottement pour diverses accélérations

    Il y 3 variables fondamentales clés qui ont une importante influence sur la vitesse du train lors d’un mouvement non contrôlé : la force nette exercée par la pente, la pression nette dans le cylindre de frein et le coefficient de frottement de la semelle de frein. Si le coefficient de frottement se détériore en raison de l’évanouissement par frottement, l’accélération du train augmentera proportionnellement à la variation du frottement.

    Un examen attentif des données sur la vitesse fournies dans le graphique qui précède indique que le taux de variation de la vitesse n’est pas demeuré constant tout au long du mouvement non contrôlé. Pour quantifier ces fluctuations, on a défini 3 plages de vitesse présentant chacune une caractéristique similaire liée au taux de variation de la vitesse. Pour chaque plage de vitesse, une accélération moyenne en mi/h/min a été calculée pour déterminer la manière dont l’accélération a changé lors du mouvement non contrôlé. Les résultats indiquent que 3 changements distincts sont survenus dans l’accélération, chacun étant propre à une plage de vitesse. Le tableau 16 montre les 3 plages de vitesse et l’accélération moyenne calculée pour chaque plage de vitesse.

    Tableau 16. Accélérations calculées pour les 3 plages de vitesse qui sont survenues lors du mouvement non contrôlé (Source : BST)
    Plage de vitesse (mi/h) Durée Accélération (mi/h/min)
    0,0 à 6,1 2 min 1 s 3,3
    6,1 à 19,1 2 min 23 s 5,5
    19,1 à 53,0 4 min 2 s 8,0

    Les 3 accélérations sont illustrées à la figure 32 sous forme de 3 lignes de tendance superposées aux tracés de vitesse de la figure 31.

    Figure 32. Lignes de tendance pour les 3 accélérations distinctes lors du mouvement non contrôlé (Source : BST)
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    Lignes de tendance pour les 3 accélérations distinctes lors du mouvement non contrôlé (Source : BST)

    Les lignes de tendance sont numérotées de 1 à 3 et plus le numéro de la ligne de tendance est grand, plus l’accélération est grande :

    • La ligne de tendance 1 illustre le fait que le train a présenté une accélération constante de 3,3 mi/h/min durant les 2 minutes et 1 seconde initiales, alors que la vitesse augmentait de 0,0 mi/h à 6,1 mi/h. Dans toute cette plage de vitesse, on s’attend naturellement à un frottement plus élevé de la semelle de frein. Ainsi, la ligne de tendance de l’accélération n’est pas aussi abrupte que la ligne de tendance 2.
    • La ligne de tendance 2 illustre le fait que l’accélération est demeurée constante à 5,5 mi/h/min pendant les 2 minutes et 23 secondes suivantes, alors que la vitesse passait de 6,1 mi/h à 19,1 mi/h. Dans cette plage de vitesse, le frottement initial de la semelle de frein diminuera et, en l’absence d’évanouissement par frottement, devrait normalement commencer à se stabiliser et devenir graduellement presque constant.
    • La ligne de tendance 3 illustre le fait que l’accélération est demeurée constante à 8,0 mi/h/min pendant les 4 minutes et 2 secondes finales, alors que la vitesse augmentait considérablement de 19,1 mi/h à 53 mi/h, moment auquel la locomotive de tête a déraillé. Pendant ce temps, la température de la surface de la table de roulement de roue et la température de la semelle de frein auraient augmenté rapidement, et auraient continué d’augmenter (sur les wagons qui fournissaient une force élevée à la semelle de frein, c.-à-d. les wagons présentant une pression au cylindre de frein égale ou supérieure à 50 lb/po2), créant ainsi les conditions menant à un évanouissement par frottement.

    En résumé, les résultats de l’analyse démontrent que l’évanouissement par frottement n’aurait pas été pas un facteur important durant les 4,5 premières minutes, pendant lesquelles la vitesse du mouvement non contrôlé est passée de 0 mi/h à 20 mi/h. Cependant, une fois que la vitesse du mouvement non contrôlé a atteint environ 20 mi/h, une augmentation importante (45 %) de l’accélération est évidente. Elle est représentée par la différence entre les lignes de tendance 2 et 3. Le taux de variation de la vitesse plus rapide au-dessus de 20 mi/h, illustré par la ligne de tendance 3, est attribuable à l’évanouissement par frottement.

    1.20.1.3 Vitesses calculées pour le train avec et sans évanouissement par frottement

    Une analyse supplémentaire a été effectuée afin d’estimer comment la vitesse du mouvement non contrôlé aurait changé s’il n’y avait pas eu d’évanouissement par frottement.

    L’enquête a permis de déterminer que la partie de tête du train à l’étude a déraillé quelques secondes après le déraillement de la partie du milieu. Ainsi, la vitesse maximale atteinte par la locomotive de tête aurait été semblable à la vitesse maximale de la locomotive en milieu de train. Par conséquent, les données de vitesse et de distance du CEL de la locomotive en milieu de train ont été utilisées comme données de substitution afin de déterminer la vitesse de la locomotive de tête entre le moment où le train a commencé à rouler par lui-même et le moment où il a déraillé à une vitesse d’environ 53 mi/h. De plus, la vitesse théorique du train sans évanouissement par frottement, de 19,1 à 53 mi/h, a été extrapolée en utilisant l’accélération moyenne de 5,5 mi/h/min calculée pour la plage de vitesse avant l’évanouissement par frottement de 6,1 mi/h à 19,1 mi/h, et en l’appliquant à la plage de vitesse soumise à l’évanouissement par frottement.

    La figure 33 montre les courbes de vitesse en fonction de la distance pour la locomotive de tête, avec et sans évanouissement par frottement. Les valeurs pour la vitesse réelle et la distance parcourue ont été captées par le CEL de la locomotive UP 5359, mais la distance a été décalée de 3349 pieds afin de représenter l’emplacement réel de la locomotive de tête du train (plutôt que la locomotive en milieu de train). Comme l’illustre la figure :

    • Dans l’événement à l’étude, la locomotive de tête a atteint la vitesse maximale de 53 mi/h juste avant d’arriver au pont de la rivière Kicking Horse. Il y avait évanouissement par frottement et le train accélérait au rythme de 8,0 mi/h/min.
    • S’il n’y avait eu aucun évanouissement par frottement, l’augmentation de la vitesse se serait produite au taux plus lent de 5,5 mi/h/min, et la vitesse du train au pont de la rivière Kicking Horse aurait été de 44,4 mi/h, ce qui représente une réduction de 8,6 mi/h.
    Figure 33. Vitesses calculées pour la locomotive de tête avec et sans évanouissement par frottement (Source : BST)
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    Vitesses calculées pour la locomotive de tête avec et sans évanouissement par frottement (Source : BST)

    Les calculs du BST ont permis de déterminer que le seuil théorique de vitesse de basculement dans une courbe de 10° pour une locomotive serait d’environ 53,9 mi/h.

    Lors de l’événement du 2 décembre 1997, au cours duquel le train de céréales du CP no 353-946 a dévalé Field Hill à haute vitesse de manière non contrôlée, les 2 locomotives de tête et le premier wagon ont réussi à franchir la courbe de 9° au point milliaire 134,4 à une vitesse d’environ 47 mi/hNote de bas de page 80.

    1.21 Défaillance des distributeurs de wagon à des températures extrêmement froides

    Les distributeurs de wagon réagissent à des réductions et à des augmentations de la pression dans la conduite générale en serrant et en desserrant et rechargeant les freins des wagons qu’ils contrôlent. Ils sont constitués de 2 dispositifs de serrage : un dispositif de serrage de service et un dispositif de serrage d’urgence, ainsi que le support de conduites où les dispositifs de serrage sont connectés.

    Dans des environnements extrêmement froids, les joints internes en caoutchouc et les joints toriques du distributeur de wagon peuvent rétrécir, ce qui entraîne une fuite d’air. Les composants en caoutchouc des distributeurs de wagon plus anciens sont particulièrement susceptibles de fuir à des températures extrêmement froides.

    1.21.1 Joints en caoutchouc usés

    Le démontage et les essais des dispositifs de serrage de service (NYAB DB-10) et d’urgence (NYAB DB-20 et Wabtec) liés à l’événement de perte de maîtrise sur l’embranchement industriel de LuscarNote de bas de page 81 du CN en janvier 2018 ont montré que des joints en caoutchouc usés et endommagés avaient causé une fuite excessive au niveau des distributeurs de wagon à des températures extrêmement froides. La fuite avait entraîné une défaillance des distributeurs de wagon en réaction au serrage des freins de service et d’urgence. Ces situations ne sont susceptibles de se produire qu’à des températures d’exploitation extrêmement basses. Les ASCT effectués avant l’événement dans le cadre d’activités d’essai et d’entretien périodiques, à des températures supérieures à 4,4 °C (40 °F), n’avaient pas permis d’identifier les distributeurs qui devaient être mis hors service en raison de cette condition.

    1.21.2 Distributeurs de wagon DB-10 – lettre circulaire de l’Association of American Railroads

    En 2013, NYAB a enquêté sur des préoccupations en ce qui concerne la défaillance du dispositif de serrage de service DB-10 durant le serrage des freins à des températures ambiantes extrêmement froides. Les résultats de l’enquête ont été publiés dans la lettre générale GL-490 de NYAB, Cold Temperature DB-10 Auxiliary Reservoir Leakage, datée du 9 septembre 2013Note de bas de page 82. Le 25 octobre 2013, l’AAR a distribué la lettre à l’industrie ferroviaire par le biais  de l’avis de maintenance MA-143 (lettre circulaire C-12027). La lettre circulaire figure à l’annexe G.

    La lettre générale de NYAB décrivait une condition caractérisée par un débit d’air accru dans la conduite générale et une fuite du réservoir auxiliaire après le serrage des freins. Le débit d’air accru était causé par une fuite dans l’orifice d’échappement du couvercle inférieur du dispositif de serrage de service DB-10 en raison d’un joint de caoutchouc usé (figure 34).

    Figure 34. Vue de dessous du dispositif de serrage de service DB-10 qui montre l’orifice d’échappement du couvercle inférieur (Source : New York Air Brake, traduction par le BST)
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    Vue de dessous du dispositif de serrage de service DB-10 qui montre l’orifice d’échappement du couvercle inférieur (Source : New York Air Brake, traduction par le BST)

    La lettre mettait en évidence les éléments suivants :

    • Des wagons individuels présentant une fuite excessive au distributeur de wagon pourraient ne pas pouvoir maintenir le serrage des freins de service (ce qui pourrait entraîner le desserrage imprévu des freins).
    • Le débit d’air excessif peut entraîner un serrage accru des freins sur la partie arrière du train et se traduire par des freins qui collent.
    • Les essais sur wagons individuels effectués à des températures supérieures à 40 °F (4,4 °C) ne permettront pas d’identifier les distributeurs qui doivent être mis hors service en raison de cette condition.
    • Les dispositifs de serrage DB-10 des distributeurs qui sont soumis à de fortes vibrations sur des wagons ayant accumulé beaucoup de kilométrage peuvent éventuellement développer une fuite à basse température après 13 ans.
    • Les trains qui présentent un débit d’air élevé lorsque les freins sont serrés devraient être inspectés afin de détecter tout dispositif de serrage de service DB-10 suspect.

    Le 1er novembre 2018, la New York Air Brake (NYAB) a diffusé la lettre générale (GL) 49003 pour réémettre la GL-490 et inclure les dispositifs de serrage d’urgence de type DB-20. Les mesures correctives révisées suivantes y étaient recommandées :Note de bas de page 83

    • Tout dispositif de serrage de type DB-10 présentant un ou plusieurs des symptômes décrits doit être mis hors service dès que possible et remis à neuf conformément à la spécification de maintenance NYR-332 de NYAB.
    • De plus, tout dispositif de serrage d’urgence de type DB-20 associé au dispositif de serrage de type DB-10 retiré susmentionné et dont le code de date du fabricant d’équipement d’origine (FEO) ou de nettoyage, graissage, essai et marquage (COT&S) indique qu’il est du même âge ou plus ancien, ou qui n’a pas de code de date lisible, doit être retiré.
    1.21.2.1 Bulletin CPSB048-13 du Canadien Pacifique

    Après la distribution de la lettre générale GL-490 de NYAB par l’AAR au moyen de l’avis de maintenance MA-143 (lettre circulaire C-12027), le CP a diffusé le bulletin CPSB048-13 en novembre 2013 en tant qu’avis de maintenance destiné au personnel d’exploitation des trains (annexe G). Le bulletin de 1 page décrivait le comportement fonctionnel lié à des types spécifiques de distributeurs par temps froid, avec une discussion sur les symptômes et les effets, et mentionnait ce qui suit [traduction] :

    en cours de route, si le mécanicien de locomotive remarque une augmentation du débit pendant un freinage, l’équipe doit en informer le contrôleur de la circulation ferroviaire. Ce contrôleur avisera le service de la mécanique au centre des opérations, lequel prendra les dispositions nécessaires pour que le train fasse l’objet d’une inspection à un endroit désigné pour l’entretien mécaniqueNote de bas de page 84.

    Le bulletin CPSB048-13 a été annulé en 2014, car il avait été diffusé aux équipes à titre d’information, et il n’a pas été jugé nécessaire de le rediffuser ou d’inclure son contenu dans le bulletin d’exploitation mensuel indéfiniment. Le CP s’attendait tout de même à ce que les ML surveillent régulièrement le débit d’air dans la conduite générale, mais ces derniers n’avaient plus l’obligation de signaler au contrôleur de la circulation ferroviaire les augmentations du débit d’air au serrage des freins.

    1.21.3 Problèmes liés à l’orifice d’échappement sur les dispositifs de serrage de service DB-10

    Une fuite dans la conduite générale a une incidence importante sur le rendement global de la propagation du signal de serrage des freins du train. Pour que les freins soient serrés, il faut que la pression dans la conduite générale soit réduite de 1,5 à 2 lb/po2 en deçà de la pression du réservoir auxiliaire. La chute de pression dans la conduite générale doit être d’une rapidité et d’une ampleur suffisantes pour contrer l’effet stabilisateur de l’orifice d’échappement. L’orifice d’échappement est un très petit passage dans le dispositif de serrage de service qui raccorde la conduite générale au réservoir auxiliaire. Il assure la stabilité afin d’empêcher les fluctuations normales et les changements progressifs de la pression dans la conduite générale de causer un desserrage imprévu des freins. De plus, la réduction de pression dans la conduite générale doit produire un différentiel de pression stable et important pour que le distributeur puisse le détecter.

    Les systèmes de freins à air électroniques modernes des locomotives de marchandises ont rendu possible la mise en œuvre et le contrôle des réductions de pression de la conduite générale avec une précision de l’ordre de 1 à 2 lb/po2. En revanche, la même réponse n’est pas nécessairement disponible sur les distributeurs des wagons de marchandises plus anciens, qui sont toujours très courants en Amérique du Nord.

    Entre 2002 et 2004, divers essais sur le terrain et en laboratoire ont été réalisés par les fabricants de distributeurs de wagon et l’AAR afin d’évaluer la réponse de certains distributeurs de wagon à de faibles réductions progressives de la pression dans la conduite généraleNote de bas de page 85. Les essais ont indiqué que des réductions progressives de la pression dans la conduite générale de 1 lb/po2 suivant une réduction minimale des freins entraînaient une augmentation supplémentaire presque nulle de la pression au cylindre de frein sur certains wagons de marchandises. De plus, les essais comprenaient quelques minutes d’attente entre chaque réduction progressive, afin de laisser suffisamment de temps aux distributeurs de wagon pour qu’ils répondent aux réductions de la pression dans la conduite générale. La plupart des wagons ne répondaient pas aux réductions progressives de 1 lb/po2 de la pression dans la conduite générale, et le temps d’attente entre les réductions faisait en sorte que la pression dans le réservoir auxiliaire s’échappait dans la conduite générale par le biais de l’orifice d’échappement. Par conséquent, aucune pression au cylindre de frein supplémentaire ne s’était développée au cours des réductions progressives et lors de la réduction progressive de la pression dans le réservoir auxiliaire.

    Ces essais ont démontré qu’un train exploité avec une série de distributeurs de wagon de ce type ne pourrait obtenir ni le rendement attendu au freinage, ni une augmentation de la force retardatrice en réponse à de faibles réductions progressives de la pression dans la conduite générale. Les distributeurs de wagon les plus susceptibles de présenter ce problème étaient ceux comportant un dispositif de serrage de service DB-10 fabriqué par NYAB avant 2005. En 2005, la Spécification S-464 de l’AAR a été modifiée pour régler ce problème sur les dispositifs de serrage neufs et remis en étatNote de bas de page 86. Par conséquent, le problème ne serait présent que sur les dispositifs de serrage de service DB-10 n’ayant pas été remis à neuf depuis. Dans le train à l’étude, 47 wagons à céréales étaient munis de dispositifs de serrage de service DB-10 de NYAB, dont 27 (24 % du train) comprenaient de vieux dispositifs n’ayant jamais été remis à neuf.

    1.21.4 Examen des distributeurs de wagon du train

    Dans l’ensemble, 86,6 % des dispositifs de serrage ont été récupérés et examinés. En raison des dommages considérables subis par les wagons déraillés et de leur position renversée sur le site du déraillement, seuls 25 % (49 sur 194) des dispositifs de serrage examinés ont été associés au wagon sur lequel ils étaient installés au moment de l’événement.

    1.21.4.1 Marque et modèle des dispositifs de serrage des distributeurs de wagon

    Les dispositifs de serrage récupérés provenaient de 2 principaux fabricants : Wabtec et NYAB (tableau 17). Il y avait 3 modèles de Wabtec : ABDX, ABDW et ABD. Le dispositif de serrage de service ABDX est le modèle de distributeur le plus récent et a été mis sur le marché en 1989 Note de bas de page 87, alors que le dispositif de serrage d’urgence ABDW a été mis sur le marché en 1976 Note de bas de page 88. Le 3e modèle de distributeurs Wabtec était le modèle ABD, mis sur le marché en 1962 Note de bas de page 89. Les dispositifs de serrage de NYAB était le dispositif de serrage de service DB-10 et le dispositif de serrage d’urgence DB-20 qui ont été approuvés par l’AAR au début des années 1990.

    Tableau 17. Dispositifs de serrage de distributeurs de wagon examinés par marque et par modèle de distributeur
    Marque Modèle Nombre de dispositifs de serrage examinés Pourcentage de tous les dispositifs de serrage examinés
    Wabtec ABDX 42 21,7
    ABDW 13 6,7
    ABD 51 26,3
    Total Wabtec 106 54,6
    NYAB DB-10 47 24,2
    DB-20 41 21,1
    Total NYAB 88 45,4
    1.21.4.2 Date de fabrication

    Aucun dispositif de serrage des distributeurs n’avait d’inscription directe fournissant de l’information sur son âge ou sa date de fabrication. Un peu plus de 60 % (119 sur 194) des dispositifs de serrage des distributeurs récupérés avaient des numéros de série lisibles. Moins de 25 % des dispositifs de serrage Wabtec récupérés avaient des étiquettes d’identification du FEO.

    Des données de l’AAR montrent que seulement 30 % des distributeurs dans l’industrie ferroviaire ont actuellement des codes à barres et sont inscrits dans la base de données de l’AAR. L’AAR a publié de nouvelles exigences en 2016 visant l’apposition sur chaque dispositif de serrage des distributeurs d’un code à barres indiquant la date de fabrication et la date de la dernière remise en état.

    Selon les intervalles d’âge indiqués par le fabricant, 78 dispositifs de serrage du train à l’étude dont la date de fabrication était connue avaient plus de 15 ans (figure 35). Wabtec n’a commencé à utiliser les étiquettes d’identification du FEO et les numéros de série qu’après 1996, ce qui porte à croire que les dispositifs de serrage Wabtec qui n’avaient pas d’étiquette d’identification du FEO ont probablement été fabriqués avant cette année. Si les dispositifs de serrage Wabtec qui n’ont pas d’étiquette d’identification du FEO sont ajoutés aux 78 dispositifs susmentionnés, le nombre de dispositifs âgés de plus de 15 ans totalise 142 (63 % du nombre total).

    Figure 35. Répartition des dispositifs de serrage des distributeurs par âge et par fabricant (Source : BST)
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    Répartition des dispositifs de serrage des distributeurs par âge et par fabricant (Source : BST)
    1.21.4.3 Date de la dernière remise en état

    Environ 46 % des dispositifs de serrage récupérés (89 dispositifs) ne comportaient aucun renseignement concernant la date de leur dernière remise en état COT&S. Parmi les distributeurs fabriqués par Wabtec, 40 dispositifs de serrage (38 %) n’avaient pas été remis en état au cours des 15 dernières années.

    Le train comprenait 47 wagons à céréales munis de dispositifs de serrage de service DB-10 de NYAB, parmi lesquels 36 avaient été fabriqués avant 2005, y compris 27 (24 % du train) qui n’avaient jamais été remis en état.

    Les exigences de maintenance pour les distributeurs au moment de l’événement étaient en fonction de l’état. Les wagons devaient subir un essai sur wagon individuel au moins tous les 60 moisNote de bas de page 90 à l’aide d’un dispositif de SCT automatisé ou manuel. Pour les wagons qui échouaient à ce SCT, les distributeurs de wagon devaient être remplacés en fonction du type et de la nature des défaillances. Auparavant, les distributeurs de wagon devaient être remis en état ou remplacés en fonction d’un intervalle de temps. Dans les années 1930, cet intervalle était tous les 3 ans, mais entre les années 1960 et la fin des années 1980, il a graduellement augmenté jusqu’à 16 ans. Il a éventuellement été éliminé dans les années 1990Note de bas de page 91 et a été remplacé par la politique de remplacement selon l’état de l’AARNote de bas de page 92.

    1.21.5 Mesures prises par l’Association of American Railroads

    À la suite d’un événement survenu le 10 janvier 2018 à l’embranchement industriel de Luscar à Leyland (Alberta), au cours duquel un train de marchandises est parti à la dérive en descendant une pente en terrain montagneuxNote de bas de page 93, et en réaction à de nombreux autres événements survenus au Canada et aux États-Unis, l’AAR s’est penchée sur le problème des fuites des distributeurs de wagon plus vieux par températures extrêmement froides.

    L’AAR a déterminé qu’il n’était pas possible de compter sur les vieilles pièces en caoutchouc à l’intérieur des distributeurs de wagon pour empêcher les fuites par températures extrêmement froides. Par conséquent, l’AAR a défini les conditions dans lesquelles les distributeurs de wagon devraient être remplacés en raison de leur âge et de l’exposition à des conditions de service par températures froides. La lettre circulaire C-13556 a été publiée à ce sujet le 30 avril 2020, afin d’obtenir des commentaires de l’industrie, avec une date de mise en œuvre visée du 1er juillet 2020. Cette nouvelle exigence s’applique aux wagons de marchandises qui seront exploités en hiver au nord du 37e parallèle et qui sont équipés de distributeurs dont la dernière date de COT&S remonte à plus de 13 ans. L’AAR a également désigné un nouveau code de réparation unique (WMC 1K) afin d’identifier le remplacement de tels distributeurs trop vieux.

    Le texte intégral de la révision de juillet 2021 est le suivant [traduction] :

    […]

    2.            lorsque le wagon est en atelier ou sur une voie de réparation, pour toute raison

    a. Libre

    3.            Tel qu’indiqué ci-dessous :

    a.             Les distributeurs du dispositif de serrage ou du dispositif de serrage d’urgence dont la date de fabrication ou de remise à neuf (la dernière date prévalant) remonte à 13 ans peuvent être renouvelés, et ceux dont la date de fabrication ou de remise à neuf remonte à plus de 14 ans doivent être renouvelés en raison de l’âge sur un wagon si :

    (1)         Le wagon fera partie d’un service de train-bloc chargé de charbon, de céréales, de marchandises inflammables à risque élevé de catégorie 3 ou d’un service de transport de produits potentiellement toxiques à l’inhalation;

    (2)         Toute partie de son itinéraire se trouvera dans un territoire au-delà du 37e parallèle, peu importe la durée, entre le 1er novembre et le 1er avril.

    (a) Le wagon n’a pas à être exploité au nord du 37e parallèle au moment du renouvellement

    (b) Le renouvellement peut avoir lieu à n’importe quel moment de l’annéeNote de bas de page 94

    La question du renouvellement des distributeurs plus anciens DB-60 de NYAB a été présentée sous forme de projet de loi par la commission des transports et de l’infrastructure (T&I) de la Chambre des représentants des États-Unis en 2020, et a été intégrée à la Moving Forward Act. Le projet de loi prévoyait le renouvellement de tout distributeur DB-60 fabriqué avant le 1er janvier 2006 dans un train exploité au Nord du 37e parallèle. L’exigence serait entrée en vigueur pour les trains-blocs à compter du 1er août 2022, et pour tous les autres trains de marchandises à compter du 1er août 2024. Le projet de loi demandait au gouvernement américain de suivre les progrès de l’élimination progressive de ces distributeurs de wagon et le nombre de trains toujours exploités avec ce type de distributeurNote de bas de page 95. Après le changement d’administration aux États-Unis en janvier 2021, ce projet de loi n’était plus d’actualité, mais il était devenu très important pour l’AAR de mettre en œuvre les changements à la règle 4 du Field Manual en vue d’exiger le renouvellement en fonction du temps des vieux distributeurs dans l’exploitation des trains-blocs.

    1.22 Comparaison entre les wagons récupérés et les wagons déraillés

    Certaines des statistiques fondamentales (âge, distributeurs, historique de maintenance, données des WTD) ont été comparées entre les 13 wagons récupérés et les 99 wagons déraillésNote de bas de page 96 afin de déterminer dans quelle mesure les résultats d’essais des 13 wagons récupérés pourraient représenter le rendement au freinage du train 301-349 alors qu’il traversait Partridge au moment de l’événement.

    Comme le montre la figure 36, l’âge des wagons récupérés était semblable à celui des wagons déraillés.  Cela a été confirmé par un test de Student sur échantillons indépendants, qui a montré qu’il n’existait aucune différence importante entre l’âge des wagons récupérés (moyenne (M)=26,1 années, écart-type (SD)= 12,8 années) et celui des wagons déraillés (M=27,9 années, SD=10,1 années); t (107)=0,602, probabilité (p)= 0,549Note de bas de page 97.

    Figure 36. Âge des wagons déraillés et des wagons récupérés du train à l’étude (Source : BST, à l’aide des données de la base de données de l’Universal Machine Language Equipment Register [UMLER], tenue à jour par l’Association of American Railroads)
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    Âge des wagons déraillés et des wagons récupérés du train à l’étude (Source : BST, à l’aide des données de la base de données de l’Universal Machine Language Equipment Register [UMLER], tenue à jour par l’Association of American Railroads)

    1.22.1 Distributeurs de wagon

    Parmi les 13 wagons récupérés, 4 étaient munis de dispositifs de serrage de service DB-10 de NYAB. Sur l’un de ces 4 wagons, le dispositif de serrage de service DB-10 avait été remplacé en 2010. Les 3 autres wagons (23 % du total de wagons récupérés) étaient susceptibles de présenter des fuites : 1 comportait un distributeur de 12 ans et les 2 autres comportaient des dispositifs de serrage de service DB-10 qui n’avaient pas été remis en état au cours des 13 dernières années Note de bas de page 98.

    De même, 47 wagons à céréales du train étaient munis de dispositifs de serrage de service DB-10 de NYAB, parmi lesquels 27 (24 %) comportaient de vieux dispositifs qui n’avaient jamais été remis à neuf.

    Parmi les 13 wagons récupérés, 5 (38 %) étaient munis de la plus vieille version de dispositifs de serrage de service Wabtec ABD. De même, 51 wagons parmi les 112 wagons (45 %) du train étaient munis de dispositifs de serrage de service ABD.

    1.22.2 Données sur la température des roues

    Les données du WTD au point milliaire 111,7 pour les 13 wagons récupérés et pour les 99 wagons qui ont déraillé et ont été détruits ont fait l’objet d’une comparaison. Le tableau 18 présente un résumé des statistiques, et les figures 37 et 38 montrent un histogramme de la répartition des roues par fourchette de température pour les 2 groupes de wagons.

    Des tests de Student sur échantillons indépendants ont été réalisés pour comparer la température de chaque roue des 13 wagons récupérés et des 99 wagons déraillés à 2 endroits (points milliaires 95,1 et 111,7). Les températures des roues au point milliaire 95,1 n’étaient pas très différentes pour les wagons récupérés (M=160,7, SD=67,7) par comparaison avec les wagons déraillés (M=148,2, SD=73,7); (894)=1,634, p=0,103, non plus que les températures des roues au point milliaire 111,7 n’étaient très différentes pour les wagons récupérés (M=160,1, SD=62,7) par comparaison avec les wagons déraillés (M=159,1, SD=71,4); (894)=1,634, p=0,103. Ces résultats démontrent que la température de chaque roue des wagons récupérés n’étaient pas très différentes de celles des wagons déraillés.

    Tableau 18. Résumé des statistiques sur la température des roues des 13 wagons récupérés et des 99 wagons déraillés
    Wagons Température moyenne des roues (°F) Écart-type (°F) Nombre total de roues Roues froides
    13 wagons récupérés 160,1 57,9 104 13 (13 %)
    99 wagons déraillés 159,1 63,6 792 99 (13 %)
    Figure 37. Répartition des roues par fourchette de température pour les 13 wagons récupérés (Source : BST)
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    Répartition des roues par fourchette de température pour les 13 wagons récupérés (Source : BST)
    Figure 38. Répartition des roues par fourchette de température pour les 99 wagons qui ont déraillé (Source : BST)
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    Répartition des roues par fourchette de température pour les 99 wagons qui ont déraillé (Source : BST)

    Pris ensemble, ces tests et observations sur les caractéristiques fondamentales des wagons (âge, historique de maintenance, distributeurs, données des WTD) démontrent que les 13 wagons récupérés sont représentatifs des wagons du train entier.

    En raison de la forte corrélation entre les pertes de pression d’air et la température, le taux de fuite au cylindre de frein au moment d’obtenir les données des WTD (alors que la température ambiante était d’entre −0,5 °C et −3,9 °C) est inférieur au taux probable du train à l’étude lorsque la température ambiante était d’entre −20 °C et −28 °C. Par conséquent, le rendement de freinage du train alors qu’il traversait Partridge était probablement plus dégradé que le suggèrent les résultats des WTD.

    Les résultats d’essai de Banff des 13 wagons ont été obtenus à des températures semblables à celles de l’accident. De plus, les résultats de l’ASCT auquel ont été soumis les 13 wagons offre une représentation exacte puisque les essais ont été effectués à l’extérieur, de nuit, par températures extrêmement froides (température ambiante dans la même plage que la nuit de l’événement). Tous les wagons ont échoué au SCT en raison de diverses causes liées à des fuites et à des défaillances par température froide.

    Puisque l’équipement et la température étaient les mêmes que lors de l’événement, les résultats des essais ont été statistiquement extrapolés afin de déterminer le rendement au freinage le plus probable (avec intervalles de confiance) du train à l’étude.

    Les résultats des essais de serrage des freins de service réalisés à Banff sur les 13 wagons récupérés ont révélé que la probabilité qu’un wagon ait un freinage déficient en raison d’une pression aux cylindres de frein inadéquate était p=0,46 [intervalle de confiance de 0,19 à 0,73 à 95 %]. D’après cet intervalle de confiance, il y avait 95 % de probabilité qu’entre 19 et 73 des 99 wagons déraillés aient eu un freinage déficient. Si l’on ajoute à cette fourchette les 6 wagons récupérés au freinage déficient, on obtient 95 % de probabilité qu’entre 25 et 79 des 112 wagons du train aient eu un freinage déficient en raison d’une pression aux cylindres de frein inadéquate après 19 minutes passées dans les conditions d’essai de Banff, le nombre le plus probable de wagons au freinage déficient étant 52. Ce nombre de wagons au freinage déficient explique pourquoi il a été impossible de rester en deçà de la vitesse maximale autorisée de 15 mi/h lors de la descente de Field Hill.

    1.23 Progrès dans la technologie des freins des trains de marchandises

    De nombreuses avancées technologiques ont été réalisées et sont disponibles pour le réseau ferroviaire nord-américain afin d’améliorer le rendement au freinage des trains. Les chemins de fer de catégorie I ont été réceptifs à l’évaluation de ces avancées, mais ne les ont pas entièrement mises en œuvre. Au moment de l’événement, il n’existait pas d’exigences réglementaires pour leur mise en œuvre. Les principales technologies émergentes sont présentées ci-dessous.

    1.23.1 Freins d’immobilisation en stationnement

    Les freins d’immobilisation en stationnement sont une solution de rechange pour les freins à main. L’un de leurs plus grands avantages est qu’ils ne nécessitent aucune intervention humaine. Deux grandes marques de freins d’immobilisation en stationnement sont aujourd’hui disponibles sur le marché : le cylindre de frein ParkLoc de NYAB et l’Automatic Park Brake (APB) de Wabtec.

    Les freins d’immobilisation en stationnement sont des cylindres de frein munis d’un verrou automatique, actionné mécaniquement, qui verrouille ou rentre le piston du cylindre de frein au besoin selon la pression dans la conduite générale.

    Lorsque la pression de la conduite générale est épuisée (par ex. : après une compensation ou un serrage des freins d’urgence), le système verrouille automatiquement le piston du cylindre de frein en position sortie, ce qui conserve la force de freinage. Les seuils de pression de la conduite générale qui déclenchent cette fonction varient d’un modèle à l’autre, mais habituellement, les freins d’immobilisation en stationnement sont serrés lorsque la pression se situe entre 10 et 20 lb/po2.

    Lorsque la pression dans la conduite générale remonte (entre 40 et 45 lb/po2 selon le modèle), le système dégage automatiquement le verrou et fait rentrer le piston du cylindre de frein, ce qui relâche la force de freinage. Il est également possible de dégager le verrou manuellement, peu importe la pression dans la conduite générale, afin de purger la pression d’air du wagon aux fins de maintenance ou de réparation.

    La figure 39 illustre la fonctionnalité de base du modèle APB de Wabtec. L’image de gauche montre l’APB à l’état desserré, alors que le verrou n’est pas engagé. L’image de droite montre l’APB à l’état verrouillé et retenu mécaniquement.

    Figure 39. Diagramme d’un cylindre TMX montrant le frein de stationnement automatique APB en position desserrée (gauche) et en position serrée (droite) (Source : Wabtec, avec annotations du BST)
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    Diagramme d’un cylindre TMX montrant le frein de stationnement automatique APB en position desserrée (gauche) et en position serrée (droite) (Source : Wabtec, avec annotations du BST)

    Les freins d’immobilisation en stationnement peuvent être configurés aux fins d’utilisation sur des systèmes de freinage montés sur bogies et montés sur caisse, et ils peuvent être installés en rattrapage sur des wagons de marchandises existants sans qu’il soit nécessaire de modifier le système de freins à air.

    La figure 40 montre le cylindre de frein ParkLoc de NYAB configuré pour une utilisation sur un système de freinage monté sur bogie sur des wagons de marchandises Wabash National. La figure 41 montre le cylindre de frein ParkLoc configuré pour une utilisation sur un système de freinage standard monté sur caisse en tant que solution de rattrapage.

    Figure 40. Cylindre de frein ParkLoc configuré pour une utilisation sur un système de freinage monté sur bogie pour des wagons de marchandises Wabash National (Source : New York Air Brake)
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    Cylindre de frein ParkLoc configuré pour une utilisation sur un système de freinage monté sur bogie pour des wagons de marchandises Wabash National (Source : New York Air Brake)
    Figure 41. Cylindre de frein ParkLoc configuré pour installation en rattrapage sur un système de freinage monté sur caisse (Source : New York Air Brake)
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    Cylindre de frein ParkLoc configuré pour installation en rattrapage sur un système de freinage monté sur caisse (Source : New York Air Brake)

    L’APB de Wabtec est un ajout intégré à la tête sans pression des cylindres de frein montés sur bogie et montés sur caisse (figure 42). La fonction de verrouillage est actionnée par un mécanisme secondaire qui nécessite seulement 2 ¼ pouces cubes d’air pour l’activation. L’APB peut aussi être intégré à un cylindre de frein monté sur caisse (figure 43).

    Figure 42. Frein de stationnement automatique APB de Wabtec (Source : Wabtec)
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    Frein de stationnement automatique APB de Wabtec (Source : Wabtec)
    Figure 43. Frein de stationnement automatique APB de Wabtec intégré à un frein monté sur caisse (Source : Wabtec)
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    Frein de stationnement automatique APB de Wabtec intégré à un frein monté sur caisse (Source : Wabtec)

    Wabtec fabrique aussi un module de commande pneumatique pour l’APB (figure 44). La commande pneumatique est un collecteur raccordé à l’APB, à la conduite générale et au réservoir auxiliaire de chaque wagon aux fins de contrôle manuel du frein à air automatique.

    Figure 44. Module de commande pour frein de stationnement automatique (APB) de Wabtec (Source : Wabtec)
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    Module de commande pour frein de stationnement automatique (APB) de Wabtec (Source : Wabtec)

    Dans ce modèle, un robinet à bille peut être fermé manuellement sur chaque wagon afin d’isoler l’APB de la conduite générale, ce qui maintient le frein d’immobilisation en stationnement à l’état serré pendant la recharge de la conduite générale. Il a la même fonction que les robinets de retenue des freins à main traditionnels, à quelques exceptions notables :

    • Le module de commande pneumatique conserve la pleine force de freinage, contrairement aux robinets de retenue traditionnels qui conservent seulement 20 lb/po2 de pression dans la conduite générale lorsqu’ils sont réglés à la position HP.
    • De plus, ces modules ne relâchent pas la force de freinage même lorsque la pression au cylindre de frein est épuisée par des fuites.

    1.23.2 Fonction de maintien de la pression au cylindre de frein

    La soupape de régulation rapide de service de tous les distributeurs de wagon approuvées par l’AAR est munie d’une fonction de maintien de la pression. Cette fonction permet de maintenir la pression dans le cylindre de frein entre 8 et 12 lb/po2, même quand ce dernier présente une fuite. La soupape de régulation rapide de service remplace l’air qui fuit du cylindre de frein en détournant l’air de la conduite générale vers le cylindre de frein. En revanche, cette fonction est efficace uniquement s’il y a de la pression d’air dans la conduite générale. Elle n’est pas disponible lors du serrage des freins d’urgence, car ce type de serrage épuise complètement la pression dans la conduite générale.

    Depuis 2014, les distributeurs de wagon comprennent une fonction de maintien de la pression au cylindre de frein (BCM) en plus de la fonction de maintien de la pression de la soupape de régulation rapide de service. La fonction de BCM est offerte non seulement pour le serrage minimal des freins, mais aussi jusqu’à un serrage à fond des freins de serviceNote de bas de page 99. La plage de fonctionnement accrue de la fonction de BCM compense les fuites d’air du cylindre de frein en détournant l’air de la conduite générale vers le cylindre de frein afin de le maintenir aux niveaux de pression visés en réponse aux serrages de freins automatiques.

    D’après la norme S-486 de l’AAR, la limite maximale acceptable de fuite au cylindre de frein lors d’un SCT est de 1 lb/po2 par minuteNote de bas de page 100. La figure 45 illustre l’activation de la fonction de BCM à ce taux de fuite lors d’un serrage des freins automatiques par une réduction de 15 lb/po2 de la pression dans la conduite générale. Cette figure montre que, sans BCM, la pression initiale au cylindre de frein de 37 lb/po2 aura fui jusqu’à la pression d’entre 8 et 12 lb/po2 maintenue par la soupape de régulation rapide de service après 20 minutes (1200 secondes) d’un serrage de frein prolongé dans une longue pente descendante. La fonction de BCM rétablira la pression perdue au cylindre de frein à son niveau visé de 37 lb/po2 en utilisant l’air de la conduite générale pour compenser la fuite.

    Figure 45. Activation de la fonction de maintien du cylindre de frein pour un taux de fuite de 1 lb/po2 par minute de la pression au cylindre de frein (Source : A. Aronian & L. Vaughn, « NYAB Brake Cylinder Maintaining and Field Trials Update », présenté à l’Air Brake Association Conference, à Minneapolis, Minnesota [octobre 2015])
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    Activation de la fonction de maintien du cylindre de frein pour un taux de fuite de 1 lb/po<sup>2</sup> par minute de la pression au cylindre de frein (Source : A. Aronian & L. Vaughn, « NYAB Brake Cylinder Maintaining and Field Trials Update », présenté à l’Air Brake Association Conference, à Minneapolis, Minnesota [octobre 2015])

    En maintenant la pression au cylindre de frein visée afin de compenser la perte de pression d’air au cylindre de frein attribuable à une fuite, la fonction de BCM améliore l’efficacité globale des freins automatiques du train par températures extrêmement froides. L’efficacité accrue des freins améliore à son tour la conduite du train et permet de maintenir un serrage uniforme des freins afin d’équilibrer la vitesse du train dans des pentes descendantes, même lorsque des wagons présentent une fuite au cylindre de frein. Les essais sur le terrain ont démontré que la fonction de BCM peut compenser une fuite au cylindre de frein pouvant aller jusqu’à 2 lb/po2 par minute (le double de la limite maximale acceptable indiquée dans la norme S-486 de l’AAR).

    1.23.3 Maintien du frein dynamique sur les locomotives télécommandées à traction répartie

    Le maintien du frein dynamique est une fonction qui permet au frein dynamique d’une locomotive de continuer de fonctionner en cas de serrage d’urgence des freins.

    Sur les territoires où des locomotives à freins dynamiques sont exigées, ces locomotives doivent comprendre la fonction de maintien du frein dynamique. Le Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des locomotives de chemin de fer, partie III : Exigences relatives à l’inspection des locomotives de TC énonce les exigences en matière de fonctionnalité du frein dynamique des locomotives. L’article 21 (Système de freinage) stipule, en partie, ce qui suit :

    21.2         Dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant l’adoption du présent règlement, les compagnies de chemin de fer doivent déposer auprès du Ministère, avec les instructions correspondantes, la liste de tous les territoires où les locomotives doivent être munies d’un frein rhéostatique [un type de frein dynamique].

    […]

    21.4         Toutes les locomotives marchandises existantes appelées à circuler dans les territoires désignés au paragraphe 21.2 doivent être modifiées avant le 31 décembre 2010 de façon à recevoir un dispositif de maintien du frein rhéostatique, si elles n’en sont pas déjà équipées.

    21.5(a)   Le frein rhéostatique est considéré comme un système de freinage complémentaire. Cependant, les instructions et les méthodes des compagnies de chemin de fer doivent faire en sorte que les freins à friction suffisent par eux-mêmes, sans l’aide du frein rhéostatique, à arrêter le train de façon sécuritaire dans toutes les conditions d’exploitationNote de bas de page 101.

    De plus, la norme S-5018 « Dynamic Brake Control » de l’AAR contient les exigences suivantes relativement au maintien du frein dynamique dans le contexte des applications de freinage d’urgence [traduction] :

    3.4          Les locomotives à frein dynamique doivent être munies d’une fonction de maintien du frein dynamique qui fonctionne de la manière suivante :

    3.4.1      Maintient le frein dynamique lors d’une compensation ou d’un serrage d’urgence des freins à airNote de bas de page 102.

    Les exigences susmentionnées sont considérées respectées lorsque les locomotives du groupe de traction de tête, non soumis à des restrictions concernant le nombre d’essieux de freinage, offrent le maintien du frein dynamique. Il n’y a aucune exigence relative au maintien du frein dynamique pour les locomotives télécommandées en milieu et en queue de train.

    Sur les systèmes de traction répartie plus anciens, le maintien du frein dynamique n’est pas disponible sur les locomotives télécommandées qui sont raccordées à la locomotive de tête par le biais d’un protocole de traction répartie par communication radio. Cependant, GE-Wabtec, le fabricant des systèmes de traction répartie, a mis au point une fonction de rétention du frein dynamique, semblable à la fonction de maintien du frein dynamique des locomotives de tête, qui conserve la pleine capacité de frein dynamique lorsque les locomotives télécommandées passent en mode d’urgence. Cette fonction offre une sécurité supplémentaire pour les trains à tonnage élevé à la suite de serrages d’urgence des freins effectués pendant la descente de pentes raides et de pentes en terrain montagneux.

    La fonction de rétention du frein dynamique n’était pas disponible sur les 2 locomotives télécommandées à traction répartie du train à l’étude, soit UP 5359 et CEFX 1040. Par conséquent, après l’arrêt d’urgence du train à Partridge, le système de frein dynamique de ces locomotives avait été désactivé. Au lieu du maintien du frein dynamique, le système à traction répartie a appliqué jusqu’à 45 lb/po2 de pression indépendante au cylindre de frein lorsque les freins d’urgence ont été serrés sur les locomotives télécommandées. Il s’agit d’une caractéristique de conception des systèmes de traction répartie, destinée à éviter les dommages thermomécaniques sur les roues de la locomotive lors de l’arrêt des locomotives en cas d’urgence. La pression indépendante maximale au cylindre de frein (72 lb/po2) est utilisée seulement lorsque la locomotive est immobilisée.

    1.23.4 Système de freinage pneumatique à commande électronique

    Depuis la création du système de freins à air dans les années 1870, la technologie de freinage des trains de marchandises s’est améliorée en termes de rendement et de conception, mais le principe de base est demeuré le même : le serrage et le desserrage des freins à air d’un train se fait au moyen de réductions et d’augmentations de la pression dans la conduite générale.

    Au début des années 1990, l’AAR a commencé à s’intéresser à des technologies de freinage plus récentes et plus avancées, y compris le système de freinage pneumatique à commande électronique (ECP).

    Sur un train muni d’un système de freinage ECP, un contrôleur de freinage est installé sur la locomotive, et un dispositif de commande de wagon (CCD) est installé sur chaque wagon. Le contrôleur de freinage interprète les commandes de serrage et de desserrage de frein qu’il reçoit de la poignée de frein automatique de la locomotive, puis envoie un signal électronique filaire au CCD de chaque wagon par le biais d’un câble intra-wagon faisant toute la longueur du train.

    Sur les wagons, le CCD interprète le signal et active le distributeur de wagon, qui laisse l’air du réservoir entrer dans les cylindres de frein et fournit ainsi la force de freinage. Sur un système de freinage ECP, la conduite générale a pour seule fonction de fournir de l’air aux réservoirs des wagons. Elle est dans un état de charge continu. Ce rôle est différent du rôle de la conduite générale dans des systèmes de freinage pneumatiques standard, où on utilise des réductions de la pression dans la conduite générale pour serrer les freins en activant le distributeur de chaque wagonNote de bas de page 103.

    Les systèmes de freinage ECP offrent plusieurs avantages par rapport à la technologie de freinage pneumatique standard, y compris ce qui suit :

    • Transmission quasi instantanée des commandes de serrage et de desserrage des freins par l’utilisation de signaux électroniques filaires.
    • Surveillance à distance des freins de chaque wagon à partir de la cabine de la locomotive. À tout moment, le conducteur de la locomotive peut voir l’état et le rendement au freinage de chaque wagon sur l’écran du conducteur.
    • Isolement automatique des wagons : Le système détecte automatiquement les wagons qui ne répondent pas comme prévu aux commandes de freinage et les isole.
    • Serrage des freins de compensation automatique : Lorsque le système de freinage ECP détecte que 15 % ou plus des freins des wagons du train sont inefficaces, il effectue automatiquement un serrage des freins de compensation, ce qui entraîne l’arrêt complet du train. Lorsque cela se produit, les systèmes de freinage ne peuvent être rétablis qu’en garant les wagons en mauvais étatNote de bas de page 104.
    • Desserrage graduel des freins. Cette fonction permet au ML de réduire l’effort retardateur des freins sans les desserrer complètement, puis de les resserrer (desserrage et resserrage des freins en descente [release and catch]). Cela facilite la tâche consistant à équilibrer correctement la vitesse du train pendant un freinage de service continu ou lors de la récupération après un freinage d’urgence.
    • Remplissage constant de la conduite générale et des réservoirs des wagons.
    • Contrôle continu de la pression au cylindre de frein, ce qui est la même chose que la fonction BCM sur les wagons qui ne sont pas munis d’un système de freinage ECP.

    En 2015, la Federal Railroad Administration des États-Unis a presque rendu obligatoires les systèmes de freinage ECP. Ces systèmes auraient été exigés sur tous les trains-blocs transportant des matières dangereuses. Cependant, cette initiative a été abandonnée en 2018 en raison des coûts élevés de mise en œuvre initiale et des problèmes logistiques liés à l’interopérabilité des trains munis de systèmes de freinage ECP et des trains munis de freins pneumatiques classiques.

    Cependant, il arrive encore que des trains partent à la dérive, avec parfois des conséquences fatales. En plus du présent événement, 5 autres événements importants de trains partis à la dérive sont survenus en Amérique du Nord entre 2017 et 2019. Ces événements auraient pu être évités grâce à un système de freinage ECP.

    Au Canada :

    • Le 10 janvier 2018, le train de marchandises L76951-10 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, qui circulait vers le sud sur l’embranchement industriel de Luscar, a subi une fuite d’air comprimé dans le système de freins à air par températures extrêmement froides et a commencé à rouler de manière non contrôlée en descendant la pente en terrain montagneux vers Leyland (Alberta). Le train a atteint une vitesse maximale de 53 mi/h avant de s’immobiliser au point milliaire 0,5Note de bas de page 105.

    Aux États-Unis :

    • En 2019, les trains de la BNSF Railway Company dans le Dakota du Nord sont partis à la dérive à 2 occasions distinctes (Dengate et Hettinger). Dans ces événements, les wagons n’ont pas été en mesure de transmettre une commande de freinage d’urgence après une rupture d’éclissage, ce qui a entraîné un déplacement non contrôlé.
    • Le 4 octobre 2018, un train d’Union Pacific ayant un tuyau d’air pincé est parti à la dérive à Granite Canyon (Wyoming). Il a descendu une pente raide de manière non contrôlée à 50 mi/h avant de percuter l’arrière d’un train à l’arrêt, ce qui a provoqué 2 morts.
    • Le 2 août 2017, un train CSX de 178 wagons est parti à la dérive de manière non contrôlée près de Hyndman (Pennsylvanie) en raison d’un desserrage imprévu des freins. Après l’immobilisation du train et le rétablissement des systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins, le train est reparti, mais a déraillé par la suite et a causé le déversement de matières dangereuses qui se sont enflammées.

    1.23.5 Semelles de frein haute capacité résistant à l’évanouissement

    Le serrage du frein automatique génère de la chaleur à l’interface entre les semelles de frein et la table de roulement des roues. La quantité de chaleur ainsi générée est proportionnelle à la puissance au frein (BHP). Plus les wagons sont lourds, plus l'effort retardateur doit être grand pour limiter leur vitesse pendant les descentes et, par conséquent, plus les températures générées sont élevées et plus les wagons sont exposés à une BHP élevée.

    Quand on excède la capacité de résistance thermique des semelles de frein pendant suffisamment longtemps, ou quand la vitesse du train augmente rapidement, il peut se produire un évanouissement des freins par frottement qui peut réduire le coefficient de frottement. Pour qu'un train puisse descendre une longue pente en terrain montagneux à une vitesse constante, toute réduction de la force retardatrice du frein d’une roue sujet à un évanouissement par frottement de la semelle de frein doit être compensée par un effort de freinage accru. L'accroissement de la force exercée sur les semelles de frein peut faire en sorte que ces roues subissent un évanouissement des freins par frottement encore plus grand du fait de l'effort de freinage additionnel qui leur est imposé. Ce cycle d’évanouissement par frottement et d’augmentation de la force de freinage causera une spirale de détérioration globale de la force retardatrice disponible pour contrôler la vitesse du train.

    La spécification M-926 de l'Association of American Railroads (AAR), publiée en 1964, est la norme qui régit la fabrication des semelles de frein en matière composite à haut coefficient de frottement pour les wagons de chemin de fer. L'essai en pente de la spécification M-926 de l'AAR exige que les semelles de frein soient exposées à une force nette de 1450 livres (équivalant à une pression au cylindre de frein de 22 lb/po2), à une vitesse de 20 mi/h  pendant 45 minutes, et qu'elles produisent une force retardatrice minimale de 400 livres. Bien que cette spécification ne précise pas de valeur de puissance au frein (BHP), la force retardatrice est équivalente à un coefficient de frottement d’au moins 0,28 et à une puissance au frein de 21, à une température de 600 °F (316 °C).

    Par suite de 2 déraillements catastrophiques consécutifs à des dérives de matériel roulant qui sont survenus aux États-Unis en 1997 et 2000, on a établi un groupe de travail sur l'évanouissement des semelles de frein (Brake Shoe Fade Task Force)Note de bas de page 106 chargé de mettre au point un essai en pente approprié qui tient compte des forces accrues que supportent les semelles de frein des wagons plus lourds d'aujourd'hui. Le groupe de travail a proposé un essai en pente raide pour lequel la force nette exercée sur les semelles de frein étaient accrue bien au-delà du niveau indiqué à la spécification M-926 de l’AAR. À partir de la spécification proposée, on a conçu des semelles résistant mieux à l'évanouissement. Cela a donné lieu, en 2008, à la nouvelle spécification M-997 de l’AAR intitulée Brake Shoe - High Friction Tread Conditioning, High Capacity. Elle spécifie une nouvelle exigence d’essai en pente raide, qui nécessite que les semelles de frein des wagons conservent une force retardatrice d’au moins 600 lb lorsqu’elles sont exposées à une force de 2250 lb (équivalant à une pression au cylindre de frein de 34 lb/po2) pendant 45 minutes à une vitesse de 20 mi/h. La force retardatrice est aussi équivalente à un coefficient de frottement d’au moins 0,27, mais pour une force de freinage beaucoup plus élevée.

    Depuis 2008, 2 fabricants de semelles de frein en Amérique du Nord offrent ce type de semelle de frein haute capacité résistant à l’évanouissement : Railway Friction Products (une filiale de Wabtec) et Anchor Brake Shoe Company LLC (une filiale de NYAB). Ces semelles de frein sont aujourd’hui appelées « Cobra TreadGuard » (RFP-Wabtec) et « WheelSaver » (Anchor-NYAB).

    L’AAR n’a pas exigé l’utilisation de semelles de frein haute capacité résistant à l’évanouissement sur tous les wagons de marchandises à forte charge par essieu de 110 tonnes, mais exige qu’elles soient remplacées par un modèle équivalent lorsqu’un wagon de marchandises en est muniNote de bas de page 107. Les compagnies ferroviaires nord-américaines ont été lentesNote de bas de page 108 à adopter ces semelles de frein haute capacité, en partie parce qu’elles coûtent plus cher que la semelle de frein standard M-926. D’autres facteurs doivent également être pris en compte, notamment la marchandise transportée, le territoire d’exploitation et l’utilisation de l’équipement. Néanmoins, les propriétaires de wagons et les compagnies ferroviaires qui exploitent des trains en terrain montagneux peuvent tirer parti de ces semelles de frein résistant à l’évanouissement pour leur exploitation de trains-blocs, car elles ajoutent un autre niveau de sécurité.

    Le BST a déjà discuté de l’utilisation et des avantages des semelles de frein résistant à l’évanouissement dans son rapport d’enquête à la suite d’un événement survenu le 29 juin 2006, lors duquel une locomotive de train de marchandises et un wagon rempli de bois d’œuvre du CN ont déraillé après une perte de maîtrise dans la pente descendante près de Lillooet (Colombie-Britannique)Note de bas de page 109. Dans le cadre de cette enquête, on a fait remarquer qu’une norme de l’AAR pour les semelles de frein résistant à l’évanouissement avait été établie et que des semelles de frein résistant à l’évanouissement avaient été mises au point, mais que leur usage n’avait pas été rendu obligatoire. Par conséquent, le Bureau s’inquiétait du fait que les wagons les plus lourds continueraient d’être exploités avec des semelles de frein répondant aux anciennes spécifications. L’AAR n’a pas encore adopté de cadre prévoyant l’utilisation obligatoire des semelles de frein haute capacité pour les équipements en service d’échange.

    1.24 Formation

    1.24.1 Exigences et règlements

    1.24.1.1 Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires

    Au Canada, les compagnies ferroviaires de compétence fédérale doivent se conformer au Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires. Ce règlement, qui est entré en vigueur en 1987, établit les qualifications minimales pour les ML, mécaniciens de manœuvre, chefs de train et contremaîtres de triage. Le Règlement s’applique à tous les employés ferroviaires qui exercent les fonctions de la catégorie d’emploi indiquée.

    Le comité d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire de 2017 s’est penché sur la question de la formation et de la qualification dans le cadre de l’examen. Son rapport, intitulé Améliorer la sécurité ferroviaire au Canada : bâtir ensemble des collectivités plus sécuritaires, comprend les observations et conclusions suivantes :

    Bien que Transports Canada certifie les membres d’équipage du transport aérien et maritime, aucune disposition n’est prévue ni pour la certification des employés des compagnies de chemin de fer ni pour l’approbation des programmes de formation ferroviaire. Par conséquent, chaque compagnie dispose d’une certaine marge de manœuvre pour préparer et offrir la formation et la certification répondant aux besoins particuliers de ses employés.

    Le Comité a entendu les témoignages d’inspecteurs de Transports Canada, dans lesquels ils mentionnaient avoir parfois décelé des lacunes dans l’uniformité de la formation (p. ex., connaissances) du personnel ferroviaire. Même si le CN et le CP ont pris des mesures pour combler ces lacunes grâce à des centres de formation à Winnipeg et Calgary, des efforts restent à faire pour renforcer les exigences de formation du personnel ferroviaire. […]Note de bas de page 110

    Le Règlement exige que les compagnies de chemin de fer déposent auprès de TC une description de tous leurs programmes de formation et de tous les changements connexes pour chaque catégorie d’emploi. Chaque année, les compagnies de chemin de fer doivent également déposer auprès de TC un rapport mis à jour sur les programmes de formation qu’elles offrent à leurs employés.

    Le plan de formation des chefs de train et des ML comprend les éléments suivants :

    • Règlement no 0-8, Règlement unifié d’exploitation et matières connexes
    • Règlement sur les radiocommunications ferroviaires
    • Marchandises dangereuses
    • Formation des trains
    • Systèmes de freins à air et essais
    • Inspections des trains et des wagons
    • Procédures d’évacuation des voyageurs

    Pour ce qui est des ML, la formation supplémentaire obligatoire comprend le fonctionnement des locomotives, les freins à air et la conduite des trains.

    Le Règlement exige que les compagnies de chemin de fer déposent auprès de TC de l’information sur leurs programmes de formation des employés et tout changement qui leur est apporté, mais les dépôts peuvent se faire sous forme de résumé et ne comprennent pas nécessairement tout le contenu des cours. Même si TC peut à l’occasion effectuer un examen superficiel des renseignements présentés par les compagnies de chemin de fer, le Règlement n’exige pas que le Ministère examine le contenu des cours en détail ou qu’il l’approuve.

    1.24.1.2 Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire et Règlement concernant les postes essentiels à la sécurité ferroviaire

    Des exigences réglementaires relatives à la formation et à la certification des employés de chemin de fer sont précisées dans le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (le Règlement sur le SGS). Les articles 25 à 27 du Règlement sur le SGS exigent que la compagnie de chemin de fer ait en place un processus pour gérer les connaissances :

    La compagnie de chemin de fer établit une liste prévoyant :

    1. les fonctions essentielles à la sécurité ferroviaire;
    2. les postes dans la compagnie de chemin de fer dont relève la responsabilité de l’exercice de chacune de ces fonctions;
    3. les compétences et les qualifications requises pour exercer chacune de ces fonctions en toute sécurité.Note de bas de page 111

    Le Règlement sur le SGS exige également que le SGS de la compagnie de chemin de fer comprenne :

    • un plan pour veiller à ce que tout employé exerçant l'une ou l'autre des fonctions qui figurent sur la liste possède les compétences, les connaissances et les qualifications requises pour exercer ses fonctions en toute sécurité.
    • une méthode pour vérifier que tout employé exerçant l'une ou l'autre des fonctions qui figurent sur la liste possède les compétences, les connaissances et les qualifications requises pour exercer ses fonctions en toute sécurité.
    • une méthode pour vérifier que tout superviseur exerçant l'une ou l'autre des fonctions qui figurent sur la liste possède les compétences, les connaissances et les qualifications requises pour exercer ses fonctions en toute sécurité.

    Le Règlement concernant les postes essentiels à la sécurité ferroviaire approuvé par TC a été rédigé conformément à l’article 20 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. L’article 3 de ce règlement prévoit ce qui suit :

    Dans ce document, un « poste essentiel à la sécurité » est défini comme étant:

    a.         un poste directement relié à la marche des trains sur une voie principale ou dans le service de manœuvre; et

    b.        un poste relié au contrôle de la circulation ferroviaire.

    Toute personne qui exécute une tâche quelconque normalement exécutée par une personne occupant un poste essentiel à la sécurité, tel qu'énoncé au paragraphe 3 ci-dessus, est considérée comme occupant un poste essentiel à la sécurité lorsqu'elle exécute ces tâchesNote de bas de page 112.

    1.24.2 Programme de formation du Canadien Pacifique

    1.24.2.1 Formation de chef de train

    Le programme de formation du CP pour les nouveaux chefs de train combine une formation en classe et une formation en cours d’emploi. La formation en classe comprend :

    • 2 semaines de formation théorique initiale (orientation générale et instructions de sécurité de base);
    • une autorisation pour l’exécution de tâches critiques avant la formation sur le terrain (une évaluation confirmant que l’employé possède les aptitudes physiques pour accomplir les tâches exigées des chefs de train);
    • 4 semaines de formation en cours d’emploi comportant des voyages en triage et en ligne avec un accompagnateur;
    • 2 semaines supplémentaires de formation en classe, durant lesquelles les stagiaires suivent une formation complète sur les instructions et les règles relatives à divers sujets, notamment les procédures de travail sécuritaires, le REF, les IGE de la compagnie et les instructions spéciales;
    • 2 semaines dans un environnement simulé où les stagiaires s’exercent à appliquer les règles et les IGE, ainsi que les principes de gestion des ressources en équipe (CRM).

    Après la formation en salle de classe, les chefs de train stagiaires entament le volet pratique du programme de formation. Durant la formation en cours d’emploi, des chefs de train qualifiés assurent l’encadrement et le mentorat des stagiaires en ce qui a trait aux règles et aux instructions qui régissent le travail et aux caractéristiques de la gare de triage ou du territoire. Les stagiaires mettent ensuite en pratique ce qu’ils ont appris en classe. Pour maîtriser la matière, les stagiaires doivent suivre la formation en cours d’emploi sur une période de 5 mois en moyenne, et ils deviennent qualifiés lorsqu’un gestionnaire de la compagnie, qui les observe sur le terrain, juge qu’ils sont prêts.

    1.24.2.2 Formation de mécanicien de locomotive

    Après une période de 2 ans, les chefs de train syndiqués qualifiés peuvent présenter une demande pour devenir ML en suivant la formation supplémentaire suivante :

    • 4 semaines de formation en classe comprenant une semaine d’examen détaillé du REF, des règles de sécurité, des règles générales;
    • une formation en cours d’emploi durant laquelle les stagiaires effectuent un certain nombre de voyages de formation dans diverses subdivisions accompagnés d’un ML surveillant, jusqu’à ce qu’ils maîtrisent la conduite des trains. Ces voyages aident aussi les stagiaires à se familiariser avec les subdivisions sur le territoire qui leur est assigné;
    • 2 semaines de formation mécanique en classe, portant notamment sur le dépannage, les systèmes de freins à air, les instructions de conduite des trains, l’économie de carburant, la dynamique voie-train et la traction répartie.

    Après 3 mois de formation combinée en classe et en cours d’emploi, les employés sont rappelés pour passer un examen final. Ils reprennent ensuite leur formation en cours d’emploi jusqu’à ce qu’ils soient qualifiés.

    1.24.2.3 Qualification et formation de superviseur

    Les coordonnateurs de trains, en tant que superviseurs de premier niveau, assurent la supervision générale des ML et des chefs de train et surveillent les activités quotidiennes des trains sur le territoire qui leur est assigné. Les coordonnateurs de trains viennent généralement d’un poste qualifié de chemin de fer (souvent lié à l’exploitation ferroviaire), mais l’embauche de candidats à l’extérieur de l’industrie ferroviaire est de plus en plus courante. Ils suivent une formation poussée sur l’exploitation ferroviaire, et obtiennent les certifications de chef de train et de ML.

    Beaucoup de compagnies de chemin de fer en Amérique du Nord, dont le CP, font aussi appel à des contremaîtres de locomotive. Il s’agit également d’un rôle de surveillant, mais il porte sur les aspects techniques de l’exploitation ferroviaire (conduite des trains, fonctionnement des freins à air, dynamique du train). Les contremaîtres de locomotive sont des ML d’expérience ayant une vaste expertise technique et opérationnelle. Ils sont responsables de la formation, de l’encadrement et de l’évaluation du rendement des ML et des chefs de train. Ils interviennent dans des situations opérationnelles complexes, comme le rétablissement des systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins sur une pente en terrain montagneux, pour transmettre leur expérience et leurs connaissances et proposer des solutions.

    Le poste de contremaître de locomotive au terminal de Calgary était vacant de 2016 à 2018. Les fonctions de ce poste ont été transférées aux coordonnateurs de trains; toutefois, aucune formation spéciale n’a été donnée pour combler les lacunes sur le plan technique et la différence d’expérience entre les 2 postes.

    Au moment de l’événement, 1 personne portait le titre de contremaître de locomotive au terminal de Calgary, mais l’expertise et l’expérience techniques du titulaire étaient semblables à celles d’un coordonnateur de trains.

    1.24.2.4 Formation et certification pour Field Hill

    À la suite de 2 événements survenus sur le tronçon Field Hill—l’une en 1997 qui a entraîné une descente non contrôlée à grande vitesse et le déraillement de 66 wagonsNote de bas de page 113 et l’autre en janvier 1998 lorsqu’un train de marchandises comptant 112 wagons est parti à la dérive entre le tunnel Upper Spiral et FieldNote de bas de page 114—le CP a apporté des modifications aux FHOP. Plus tard, le CP a apporté des changements à son programme de formation pour les chefs de train et les ML travaillant dans la subdivision de Laggan.

    1.24.2.4.1 Certification pour Field Hill des chefs de train

    La conduite en terrain montagneux peut modifier de manière importante la complexité des tâches du chef de train, ajoutant des exigences cognitivesNote de bas de page 115.

    Après l’accident de 1997, le CP a élaboré un programme de formation pour les chefs de train circulant sur le tronçon Field Hill intitulé « Canadian Pacific Railway Calgary Terminal Field Hill Simulator Training ». Le programme mettait l’accent sur l’exploitation en terrain montagneux et en pente raide et comprenait les activités suivantes :

    • l’examen des FHOP, notamment les exigences du REF, les IGE de même que le réglage des robinets de retenue et le serrage des freins à main;
    • l’examen des scénarios d’urgence, de rétablissement et de desserrage intempestif;
    • 5 descentes du tronçon Field Hill en compagnie d’un chef de train qualifié;
    • la participation à 5 voyages sur simulateur en compagnie d’un coordonnateur du service des stages, avec des évaluations signées par le stagiaire et le coordonnateur après chaque voyage;
    • un examen pour s’assurer que les chefs de train comprennent les procédures obligatoires;
    • une dernière descente sur le tronçon Field Hill en compagnie d’un coordonnateur du service des stages, qui évalue si la qualification a été respectée.

    La formation durait environ 2 mois de plus que la formation de chef de train standard, et les chefs de train qui la réussissaient recevaient une « certification pour Field Hill ».

    Le programme de formation a été considérablement modifié en 2017–2018; il a été raccourci, en raison de la demande accrue de chefs de train attribuable à l’augmentation du trafic. Les nouvelles exigences à satisfaire pour qu’un chef de train puisse travailler sur le tronçon Field Hill, jusqu’au moment de l’événement, se limitaient à l’examen en classe des FHOP au moyen d’aide-mémoire et de schémas de la voie. Les voyages simulés sur Field Hill ont été supprimés du programme. Les chefs de train n’étaient plus tenus d’être certifiés pour Field Hill.

    1.24.2.4.2 Certification pour Field Hill des mécaniciens de locomotive

    Les ML doivent être certifiés pour la subdivision dans laquelle ils travaillent. Dans la subdivision de Laggan, la certification des ML exige une formation d’environ 3 mois supplémentaires expressément consacrée à l’exploitation sur le tronçon Field Hill. La formation comprend aussi de 3 à 4 jours avec un coordonnateur de trains pour mettre en pratique les compétences suivantes et s’y qualifier :

    • la montée et la descente de la pente en terrain montagneux de Field Hill;
    • l’exécution de scénarios d’arrêts et départs multiples à Partridge et le desserrage et le resserrage des freins en descente (release and catch) après un serrage à fond des freins de service à Cathedral, tout en conservant la maîtrise du train.

    En 1998, une liste de contrôle propre à Field Hill a été dressée et devait être utilisée en conjonction avec le formulaire d’évaluation des mécaniciens de locomotive pour refléter les exigences spéciales liées à l’évaluation du rendement des ML sur le tronçon Field Hill. Ces documents facilitent l’évaluation de la maîtrise par les ML de l’utilisation des freins à air et du frein dynamique, et doivent être remplis par un superviseur. Une fois les voyages obligatoires réussis, le coordonnateur de trains qualifie le ML, et le dossier de formation du ML comprend la désignation « certifié pour Field Hill ». Cette formation et cette certification étaient toujours en vigueur au moment de l’événement.

    1.24.2.5 Formation et expérience de l’équipe descendante et du coordonnateur de trains
    1.24.2.5.1 Chef de train

    La chef de train de l’équipe descendante a été qualifiée après 5 mois de formation. Pendant la période de formation en cours d’emploi, elle a principalement fait des quarts de travail au service de triage en compagnie d’un chef de train qualifié. En outre, elle a effectué 3 voyages sur le tronçon Field Hill et a pratiqué environ 8 voyages sur simulateur, mais aucun sur le tronçon Field Hill. Pendant la formation en classe, les FHOP et l’utilisation des robinets de retenue ont été abordés, mais ni la nécessité d’observer la position du piston, ni le réglage des robinets de retenue n’ont été renforcés pendant les exercices pratiques.

    Le jour de l’événement, la chef de train et le ML ont discuté des robinets de retenue et se sont exercés à les régler pendant qu’ils étaient en attente sur une voie d’évitement à Keith. La formation et l’expérience de la chef de train ne l’ont pas amené à reconnaître le besoin d’observer la position du piston lors du réglage des robinets de retenue, ce qui aurait indiqué quels pistons de cylindre de frein étaient complètement rentrés et n’offriraient pas la force de freinage désiréeNote de bas de page 116.

    1.24.2.5.2 Mécanicien de locomotive

    Le ML de l’équipe descendante a été embauché en novembre 2005 et a d’abord été qualifié comme chef de train en mai 2006. Il a commencé sa formation de ML en janvier 2012 et a été qualifié en août 2012. Pendant sa formation en cours d’emploi, il effectuait de 2 à 3 voyages par semaine, encadré par des ML chevronnés. Il avait suivi le programme expressément conçu pour l’exploitation sur Field Hill et avait obtenu la certification pour Field Hill.

    1.24.2.5.3 Coordonnateur de trains

    Le coordonnateur de trains s’est joint au CP en 2008 en tant que CCF, poste qui lui a permis d’acquérir pendant sa première année une expérience préliminaire en supervisant la subdivision de Laggan. Il a été qualifié comme chef de train en 2013 et comme ML en 2015. Il est devenu coordonnateur de trains en janvier 2016, après avoir suivi les programmes de formation pour gestionnaires. Il n’avait pas obtenu la certification pour Field Hill. Au moment de l’événement, il avait effectué plus de 100 voyages comme ML, la plupart en territoire montagneux dans les subdivisions de Cranbrook et de Windermere, et avait travaillé dans la subdivision de Laggan comme chef de train.

    1.25 Évaluations d’encadrement et examens des compétences

    Le CP fait régulièrement passer des évaluations d’encadrement (évaluations de pré-qualification et voyages de stage pratique) à ses stagiaires et des examens des compétences (examens d’efficacité et voyages accompagnés) aux membres qualifiés de ses équipes pour évaluer leurs compétences en conduite de train et leur respect des règles et des procédures.

    Les résultats des évaluations et des examens effectués auprès des membres de l’équipe descendante ont été examinés dans le cadre de l’enquête.

    1.25.1 Évaluations d’encadrement

    Des évaluations d’encadrement sont effectuées dans le cadre du programme de formation pour évaluer le rendement des stagiaires avant leur qualification à leur poste respectif.

    1.25.1.1 Mécanicien de locomotive de l’équipe descendante

    Douze évaluations d’encadrement du ML de l’équipe descendante ont été effectuées pendant sa formation en 2012. De ces évaluations, 9 étaient des évaluations de pré-qualification et 3 étaient des voyages de stage pratique. Tous ont eu lieu dans la subdivision de Laggan.

    Après chaque évaluation de pré-qualification, l’agent d’évaluation accompagnateur (coordonnateur de trains ou contremaître de locomotive) remplissait un rapport qui mentionnait son nom et celui du stagiaire, la date et le lieu du voyage. Le rapport fournissait également une liste de contrôle des tâches d’exploitation évaluées, comme la préparation au terminal, les manœuvres d’aiguillage en route, la descente en pente raide ou en terrain montagneux et la CRM.

    Le mécanicien-instructeur remplissait aussi un rapport après chaque voyage de stage pratique. Dans ces rapports, le rendement du ML lié à chaque tâche d’exploitation évaluée était noté de 1 à 4. Une note de 1 signifiait « amélioration nécessaire », une note de 2, « en perfectionnement », une note de 3, « norme atteinte » et une note de 4, que la tâche n’avait pas été effectuée. Pour ces tâches, le ML avait obtenu un nombre équivalent de notes de 2 et de 3.

    Tous les rapports d’évaluation de pré-qualification et de voyage de stage pratique comprenaient également des commentaires constructifs et indiquaient que le rendement du ML lié aux tâches évaluées était satisfaisant.

    1.25.1.2 Chef de train de l’équipe descendante

    Vingt-six évaluations de pré-qualification de la chef de train de l’équipe descendante ont été effectuées pendant sa formation en 2018. Des 26 évaluations, 3 ont eu lieu alors que les trains circulaient en direction ouest dans la subdivision de Laggan; les autres ont eu lieu dans des triages ou dans la subdivision de Red Deer. Les évaluations de pré-qualification n’ont pas à être effectuées dans une subdivision en particulier.

    Après chaque évaluation de pré-qualification, le formateur remplissait un rapport qui mentionnait son nom et celui de la stagiaire, la date et le numéro du train. Le rapport fournissait également une liste de contrôle des tâches d’exploitation évaluées. Pour chaque tâche d’exploitation, le rendement de la stagiaire était noté de 1 à 4. Quatre-vingts pour cent du temps, la stagiaire avait reçu la note de 2. Le formulaire d’évaluation comprenait également une section de commentaires, qui était remplie 42 % du temps. Aucune des tâches notées ni aucun des commentaires fournis n’était lié aux conditions associées à l’événement à l’étude.

    1.25.2 Examens des compétences

    Il existe 2 méthodes principales pour faire passer des examens des compétences aux membres d’équipe qualifiés :

    • des examens d’efficacité au cours desquels les membres de l’équipe sont observés, habituellement du sol, pour évaluer leur rendement en cours d’emploi et leur respect des règlements et des pratiques de travail sécuritaires;
    • des voyages accompagnés au cours desquels un superviseur observe les membres de l’équipe à partir de la cabine de locomotive.

    Dans le cadre des examens des compétences, les superviseurs peuvent également examiner les données téléchargées des consignateurs d’événements, surveiller les communications radio, et prendre des mesures de la vitesse par radar.

    Les superviseurs effectuent des examens des compétences de façon aléatoire, sauf dans des situations où on sait qu’un employé exige une attention particulière. C’est pour cette raison que le nombre d’examens que l’on fait passer à un employé peut varier d’une année à l’autre, et que certains employés pourraient être évalués beaucoup plus souvent que d’autres, s’ils travaillent pendant que le coordonnateur de trains effectue des examens.

    1.25.2.1 Examens d’efficacité

    Dans son document T&E Manager Safety Accountabilities de 2019, le CP précise que chaque coordonnateur de trains doit effectuer 10 examens d’efficacité par semaine, ou 40 par moisNote de bas de page 117. Le document ne précise pas le nombre d’examens d’efficacité que chaque employé supervisé doit passer.

    Les résultats des examens d’efficacité de l’équipe descendante sont présentés dans les tableaux 19 et 20. L’enquête a permis de déterminer que les examens dont le résultat était un échec n’évaluaient pas de tâches d’exploitation associées à l’événement à l’étude.

    Tableau 19. Résultats des examens d’efficacité du mécanicien de locomotive de l’équipe descendante, de 2012 à 2018
    Année Nombre d’examens passés Nombre d’examens réussis Nombre d’échecs
    2012 3 3 0
    2013 40 31 9
    2014 45 45 0
    2015 34 31 3
    2016 36 35 1
    2017 29 27 2
    2018 15 15 0
    Tableau 20. Résultats des examens d’efficacité de la chef de train, de 2018 à 2019
    Année Nombre d’examens passés Nombre d’examens réussis Nombre d’échecs
    2018 30 28 2
    2019 2 2 0
    1.25.2.2 Voyages accompagnés

    Au CP, les agents de train et de locomotive actifs dans le territoire devraient tous être accompagnés d’un superviseur au cours d’au moins un voyage tous les 12 mois.

    Dans son document T&E Manager Safety Accountabilities de 2019, qui était en vigueur au moment de l’événement, le CP précise que les coordonnateurs de trains sont tenus d’accompagner les ML et les chefs de train 2 fois par semaine ou 8 fois par mois pour assurer la compétence et la conformité de l’équipeNote de bas de page 118.

    Les résultats des voyages accompagnés sont consignés dans des rapports d’évaluation qui comprennent la date, l’heure, le nom de l’employé et celui de l’agent, et le code d’examen. Le rendement de l’employé est évalué selon une simple méthode de réussite ou d’échec, fondée sur une évaluation subjective du coordonnateur de trains; il n’y a aucun commentaire supplémentaire qui pourrait indiquer les secteurs dans lesquels le rendement de l’employé était particulièrement louable ou qui pourrait cerner les faiblesses et faire la promotion de mesures correctives.

    Entre le moment où il a été qualifié en 2012 et le jour de l’événement, le ML de l’équipe descendante avait été accompagné par un superviseur au cours de 39 voyages (tableau 21).

    Tableau 21. Nombre de voyages accompagnés effectués par le mécanicien de locomotive de l’équipe descendante de 2013 au jour de l’événement
    Année Nombre de voyages
    2013 8
    2014 11
    2015 4
    2016 5
    2017 5
    2018 6

    Entre le moment où elle a été qualifiée en 2018 et le jour de l’événement, la chef de train de l’équipe descendante avait été accompagnée par un superviseur au cours de 9 voyages.

    Le BST a demandé les résultats de ces voyages, mais le CP n’était pas en mesure de les lui fournir; selon la documentation, les résultats étaient « inconnus ».

    1.26 Pratiques exemplaires de développement des compétences

    Le Rail Safety and Standards Board du Royaume-Uni a publié un document d'orientation intitulé Good Practice Guide on Competence DevelopmentNote de bas de page 119. Le guide, élaboré de concert avec l'industrie ferroviaire, avait pour but de présenter des pratiques exemplaires pour l'élaboration de systèmes exhaustifs visant à gérer les compétences plutôt que de simplement s'assurer de la conformité aux règlements.

    La compétence signifie la capacité globale de fonctionner de façon efficace dans un poste et est le résultat d'un ensemble de compétences fonctionnelles, techniques et non techniques. Selon le guide, les compétences non techniques comprennent la conscience situationnelle, la prise de décisions et la gestion de la charge de travail, capacités qui ont été reconnues comme ayant joué un rôle clé dans des incidents et des accidents.

    L'organisme Office of Rail Regulation du Royaume-Uni a publié un guide intitulé Developing and Maintaining Staff Competence. Dans ce guide, on indique que les programmes de formation devraient suffisamment préparer les personnes à accomplir les activités prévues et que l'expérience obtenue sous la surveillance d'une personne compétente permet aux employés d'effectuer des tâches de plus en plus complexes.

    [traduction] L'objectif de la formation et du développement est de permettre à une personne ou à une équipe d'atteindre un niveau de compétences suffisant pour lui permettre d'accomplir des tâches fondamentales. Ces tâches doivent d'abord être effectuées avec une supervision directe, qui doit devenir de moins en moins directe avec le tempsNote de bas de page 120.

    Ce guide reconnaît que le développement des compétences contribue grandement à la gestion des risques, et indique que la première étape de l'élaboration d'un système de gestion des compétences consiste à définir les activités qui ont des répercussions sur la sécurité de l'exploitation et qui sont essentielles au contrôle des risques. Cela permet de déterminer des mesures d'atténuation des risques et de prendre des mesures de développement des compétences pour gérer les risques, au besoin.

    1.27 Recommandation antérieure concernant la compétence des employés

    L’événement survenu le 17 juin 2016 au triage MacMillan de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, à Vaughan (Ontario), soit un mouvement non contrôlé pendant des manœuvres à l’aide d’un système de télécommande de locomotives, a mis en évidence des lacunes dans le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviairesNote de bas de page 121. À la suite de l’enquête du BST sur cet événement, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports mette à jour le Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires pour éliminer les lacunes concernant les normes de formation, de qualification, de renouvellement de la qualification et de surveillance réglementaire des employés de chemin de fer occupant des postes essentiels à la sécurité.
    Recommandation R18-02 du BST

    Dans sa réponse de janvier 2021 à cette recommandation, TC a indiqué qu’il était en train de mettre sur point des modifications au Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires, et que les consultations auprès des intervenants sur les modifications proposées au Règlement seraient lancées d’ici mars 2021. À cette date, le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation R18-02 dénote une intention satisfaisanteNote de bas de page 122.

    1.28 Gestion des ressources en équipe

    La CRM est une méthode qui permet l’utilisation efficace de toutes les ressources disponibles (humaines, matérielles et informationnelles) pour gérer les menaces émergentes, comme le fonctionnement anormal d’équipement ou des erreurs liées au rendement humain, en mettant en pratique les compétences techniques, le travail d’équipe, la conscience situationnelle, la communication et l’affirmation de soi.

    La CRM vise à fournir aux équipes les compétences interpersonnelles nécessaires pour exécuter leurs tâches en toute sécurité [traduction] : « La formation sur la CRM consiste habituellement en un processus continu de formation et de surveillance qui mène le personnel à aborder ses activités selon une perspective d’équipe plutôt qu’individuelleNote de bas de page 123 ».

    Depuis 1998, le BST a enquêté sur 5 collisions de train en voie principale où l’efficacité des pratiques de CRM a été étudiée (annexe I).

    1.28.1 Formation sur la gestion des ressources en équipe dans le secteur ferroviaire

    Les secteurs du transport aérien et maritime ont constaté d’importants avantages pour la sécurité à la suite de l’adoption de la CRM. Étant donné la fréquence des facteurs humains dans les statistiques sur les accidents ferroviaires, ce type de formation pourrait offrir d’importants avantages pour la sécurité dans le secteur ferroviaireNote de bas de page 124.

    La formation sur la CRM vise à réduire les accidents liés à des facteurs humains. Par exemple, elle peut offrir aux équipes des stratégies pour améliorer leurs communications et interactions en vue d’aligner leurs modèles mentauxNote de bas de page 125, d’accroître leur conscience situationnelle et de contrer les effets des ressources limitées disponibles pour les personnes les mieux placées pour corriger la situation.

    À la suite d’une collision entre 2 trains de marchandises en 1998, le National Transportation Safety Board des États-Unis a recommandé que de nombreux intervenants du secteur ferroviaire, notamment l’organisme de réglementation, les exploitants, les associations sectorielles et les syndicats ouvriers, collaborent à l’élaboration d’une formation sur la CRM et qu’ils en exigent l’application au secteur ferroviaire. Cette formation couvrirait au minimum la compétence des membres d’équipe de train, la conscience situationnelle, la communication efficace et le travail d’équipe, et les stratégies de remise en question de l’autorité au moment et de la façon qui s’imposentNote de bas de page 126.

    Comme suite à cette recommandation, en collaboration avec ses partenaires universitaires et sectoriels, la Federal Railroad Administration des États-Unis a élaboré et mis à l’essai une formation sur la CRM dans le secteur ferroviaireNote de bas de page 127. L’évaluation initiale de ce projet pilote de formation a révélé des améliorations au chapitre des connaissances et des attitudes plus positives envers les principes de la CRMNote de bas de page 128.

    Cependant, ce type de formation n’est obligatoire ni au Canada ni aux États-Unis. En 2010, un examen de l’adaptation des principes de la CRM à l’extérieur du secteur de l’aviation a révélé que dans le secteur ferroviaire nord-américain, [traduction] « l’intérêt envers les principes de la formation CRM demeure sporadiqueNote de bas de page 129 ». Cet examen a aussi décrit des initiatives volontaires de certaines compagnies de chemin de fer pour mettre en œuvre la formation sur la CRM, de même que des initiatives du secteur visant à créer des documents de formation à l’intention des exploitants. Par exemple, l’examen indiquait qu’en 1999, le CP a mis en œuvre un programme de formation sur la CRM s’adressant aux chefs de train et agents de train nouvellement embauchés.

    1.28.1.1 Formation sur la gestion des ressources en équipe du Canadien Pacifique

    Le CP a été l’une des premières compagnies de l’industrie ferroviaire à adopter la formation sur la CRM. Depuis 1999, tous les employés d’exploitation assistent à la formation obligatoire sur la CRM, soit en ligne ou en salle de classe. Il s’agit d’une présentation de 1 heure qui a lieu durant la 1re semaine en salle de classe du programme de formation des chefs de train, et de l’un de 11 modules présentés en une seule journée. Le programme de formation des nouveaux employés du CP, d’une durée de 6 semaines, accorde une importance particulière à la CRM, et ses techniques et principes sont mis en pratique dans le cadre de simulations sur une période de 2 semaines. Le CP n’offre aucune formation périodique sur la CRM à ses employés d’exploitation lorsqu’ils doivent se qualifier à nouveau. Du point de vue du CP, puisque les principes de CRM sont intégrés aux activités quotidiennes, ce sujet n’exige pas de formation périodique.

    Comme le mentionne la dernière version du module de formation sur la CRM du CP, le document de formation a été conçu pour [traduction] « rassembler toutes les ressources disponibles en vue de créer un processus appuyant des changements appropriés à l’application des règles, à la formation et aux pratiques d’exploitationNote de bas de page 130 ». La formation sur la CRM est composée des principes fondamentaux suivants :

    • facteurs humains;
    • conscience situationnelle;
    • compétence technique;
    • communication;
    • travail d’équipe.

    1.28.2 Gestion des ressources en équipe appliquée

    Sur le plan de l’exploitation au sein du CP, les principaux sujets liés à la CRM devraient être mis en pratique pendant les séances d’information sur les travaux, au cours desquelles les personnes discutent de questions opérationnelles et de plans de travail.

    1.28.2.1 Gestion des ressources en équipe et communications

    L’un des principes fondamentaux de la CRM est l’efficacité de la communication entre les membres de l’équipe. Les listes de contrôle normalisent les communications de l’équipe en donnant à ses membres un cadre objectif qui fournit :

    • une base normalisée pour vérifier la configuration du véhicule, qui tentera de contrer toute détérioration de l’état psychologique ou physique des membres de l’équipe;
    • un cadre séquentiel pour respecter les exigences d’exploitation internes et externes;
    • une supervision mutuelle (contre-vérification) entre les membres de l’équipe;
    • la capacité de dicter les fonctions de chaque membre de l’équipe afin de faciliter la coordination optimale de l’équipe ainsi que la répartition logique de la charge de travail;
    • un concept de travail d’équipe amélioré qui permet de garder tous les membres de l’équipe informés;
    • un outil de contrôle de la qualité des équipes par la direction et les organismes de réglementation.

    Les listes de contrôle des opérateurs sont généralisées dans tous les secteurs de transport, notamment les modes aérien et maritimeNote de bas de page 131. Toutefois, elles ne sont généralement pas utilisées dans l’exploitation ferroviaire.

    1.28.2.2 Gestion des ressources en équipe et conscience situationnelle

    Les personnes qui travaillent dans un environnement opérationnel prennent des décisions en créant un modèle mental de cet environnement. Ce modèle mental est appuyé par la conscience situationnelle de la personne, qui désigne [traduction] « la perception des éléments dans l’environnement à l’intérieur d’un volume de temps et d’espace, la compréhension de leur signification, et la projection de leur état dans un proche avenirNote de bas de page 132 ». La conscience situationnelle est une composante essentielle de la prise de décisions et comprend des étapes de traitement de l’information où des lacunes peuvent apparaître. Ces lacunes peuvent donner lieu à une perception incomplète ou inadéquate de la situation.

    Une conscience situationnelle exacte constitue un moyen de défense contre les dangers opérationnels dans les organisations complexes comme les compagnies de chemin de fer. Une conscience situationnelle appropriée est fondée sur l’accès aux meilleures données disponibles qui peuvent être résumées en information utile dont les opérateurs de première ligne pourront se servir pour prendre des décisions.

    En plus des politiques et des règlements (p. ex. signalement obligatoire des événements), un programme de CRM solide constitue un autre moyen de défense potentiel contre les dangers systémiques dans des organisations complexes.

    1.28.2.3 Gestion des ressources en équipe et prise de décisions

    Parce qu’elles facilitent l’échange d’information entre les membres de l’équipe, les stratégies de CRM peuvent aider à garantir que les interactions des membres de l’équipe (c.-à-d. communication et coordination) sont efficaces dans des situations où la hiérarchie du pouvoir de commandement et de prise de décisions est nébuleuse ou mal répartie au sein de l’équipe.

    Le rapport d’autoritéNote de bas de page 133 est défini comme une répartition établie ou apparente du pouvoir entre les membres d’une équipe. Un rapport d’autorité fort se traduit par une prise de décisions centralisée et confiée à une seule personne, dont le statut, l’expérience ou le style décisionnel empêche la prise de décisions fondée sur un consensus dans le groupe.

    Dans la hiérarchie du transport ferroviaire, une équipe de train perçoit normalement le coordonnateur de trains comme détenant l’autorité. La conformité est souvent la réponse à une autorité perçue ou la réaction à un dirigeant autoritaire (rapport d’autorité fort).

    Une communication de bonne qualité dans le processus décisionnel est particulièrement importante étant donné que le coordonnateur de trains se trouve presque toujours à distance. Par conséquent, le rôle du coordonnateur de trains est « à peine intégré » à l’équipe, situation dans laquelle, selon la recherche sur les facteurs humains, le coordonnateur de trains dépend fortement [traduction]« [d’]autres personnes pour obtenir une base pour la prise de décisions et pourrait avoir peu de contrôle sur l’authenticité ou l’exactitude des renseignements fournisNote de bas de page 134 ».

    1.28.2.4 Gestion des ressources en équipe comme mesure d’atténuation pour les ressources limitées

    Dans le contexte de la relation entre le comportement cognitif et le rendement humain, la documentation sur les facteurs humains définit le concept de rationalité limitée et sa relation avec l’erreurNote de bas de page 135.

    Les personnes qui travaillent dans des industries comme l’industrie ferroviaire se servent de leurs connaissances et des ressources disponibles pour atteindre leurs buts selon leur perception de la situation. De plus, la sécurité est assurée lorsque les gens réussissent à [traduction] « atteindre leurs buts et faire correspondre les procédures aux situations […] résoudre des conflits, anticiper les dangers, s’adapter à la variabilité et au changement, composer avec l’effet de surprise, surmonter les obstacles, combler les écarts entre les plans et la réalité, détecter et rectifier les problèmes de communication et les mauvaises évaluationsNote de bas de page 136 ».

    Le phénomène de rationalité limitée décrit en partie le décalage entre un bon rendement humain et les ressources limitées disponibles pour les personnes à l’avant-plan des opérations (équipes de train), qui pourrait donner lieu à des omissions ou à des erreurs. Le comportement des personnes peut être jugé « rationnel » bien que peut-être erroné, lorsqu’il est envisagé en fonction de leurs connaissances, de leur état d’esprit et des multiples buts qu’elles tentent d’équilibrerNote de bas de page 137.

    1.29 Systèmes de gestion de la sécurité

    Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre structuré de gestion des risques qui aide les compagnies à assurer la sécurité de leur exploitation en exigeant :

    • qu’elles cernent les dangers, évaluent leur niveau de risque et prennent des mesures pour réduire les risques, le cas échéant;
    • qu’elles instaurent une culture de sécurité dans les activités quotidiennes à tous les niveaux de la compagnie;
    • qu’elles mettent à contribution les employés de la compagnie :
      • en collaborant avec eux ou en les consultant;
      • en les informant des risques et de la façon dont la compagnie a géré ces risques;
      • en élaborant une procédure qui permet aux employés de signaler à la compagnie toute infraction et tout danger pour la sécurité ainsi qu’une politique visant à protéger les employés qui les signalent.

    La conception du SGS est axée sur les concepts évolutifs touchant la sécurité que l’on croit offrir un plus grand potentiel de gestion efficace des risques. L’approche traditionnelle de la supervision réglementaire était fondée sur des inspections visant à assurer la conformité et des activités d’application de la loi. Le SGS, quant à lui, vise à s’assurer que les organisations ont mis en place des processus pour gérer systématiquement les risques. Le SGS a été introduit progressivement dans l’industrie canadienne des transports parce que, lorsque jumelé à des inspections et à des mesures d’application de la loi, il réduit les taux d’accidents plus efficacement. Le SGS peut améliorer l’efficacité et l’efficience de la sécurité, car il :

    • favorise la responsabilisation et la prise de mesures correctives en temps opportun dans le cadre de la gestion de la sécurité sans que TC doive imposer des exigences uniformes;
    • permet aux compagnies d’agir de façon plus proactive en tirant parti de leur expertise opérationnelle pour cerner les dangers et pour évaluer et réduire les risques;
    • permet la prise de mesures visant à réduire les risques susceptibles de dépasser les normes réglementaires.

    Le SGS peut améliorer la sécurité, car les compagnies gèrent les risques en matière de sécurité avant que TC ne doive intervenir, et avant que des problèmes majeurs liés à la sécurité ne surviennent. Le SGS complète, mais ne remplace pas, le cadre existant de réglementation et de surveillance de la sécurité ferroviaire. Les compagnies doivent continuer à satisfaire aux exigences de la Loi sur la sécurité ferroviaire ainsi que de tous les règlements, toutes les règles et toutes les normes techniques connexes.

    1.29.1 Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire

    En mai 2013, la Loi sur la sécurité ferroviaire a été modifiée pour permettre d’apporter des améliorations au Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire et de mettre en œuvre un règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et les certificats d’exploitation de chemin de fer. Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) est entré en vigueur le 1er avril 2015.

    En vertu de ce règlement, les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent élaborer et mettre en œuvre un système de gestion de la sécurité, établir un répertoire de tous les processus requis, tenir des registres, aviser le ministre des Transports de tout changement proposé à leurs activités, et déposer auprès du ministre, à sa demande, la documentation sur le SGS.

    Le nouveau règlement comprend des exigences normatives accrues qui décrivent la façon d’atteindre un résultat, et des exigences axées sur la gestion qui obligent les compagnies de chemin de fer à élaborer et à mettre en œuvre des systèmes ou des processus, mais offre une certaine marge de manœuvre pour déterminer la façon la plus appropriée de les mettre en œuvre en fonction des facteurs propres à chaque compagnie.

    La gestion des risques est un élément important du Règlement sur le SGS. L’un des aspects de la gestion des risques consiste à effectuer des analyses de l’exploitation ferroviaire pour cerner les dangers et les problèmes de sécurité, les nouvelles tendances ou les situations récurrentes. Dans le cadre de l’analyse, si une tendance ou une situation récurrente mettait en évidence une préoccupation en matière de sécurité, une évaluation des risques devait être effectuée pour déterminer les mesures d’atténuation ou de contrôle à prendre. L’article 5 du Règlement sur le SGS prévoit notamment ceci :

    La compagnie de chemin de fer élabore et met en œuvre un système de gestion de la sécurité qui comprend :

    […]

    e) un processus pour cerner les préoccupations en matière de sécurité;

    f) un processus visant les évaluations des risques;

    […]

    i) un processus pour signaler les infractions et les dangers pour la sécurité;

    j) un processus pour gérer la connaissance; […]Note de bas de page 138

    Toutefois, TC ne définit pas expressément ce qu’est une préoccupation en matière de sécurité dans le Règlement sur le SGS.

    L’article 13 du Règlement sur le SGS prévoit notamment ceci :

    La compagnie de chemin de fer effectue, de façon continue, des analyses de son exploitation ferroviaire pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, y compris toute tendance actuelle, nouvelle tendance ou situation répétitive [sic]. Les analyses reposent, à tout le moins, sur les éléments suivants :

    […]

    e)  tout signalement, fait par les employés de la compagnie de chemin de fer et reçu par elle, des infractions ou des dangers pour la sécurité;

    f)  toute plainte relative à la sécurité qui est reçue par la compagnie de chemin de fer;

    g)  toute donnée provenant de technologies de surveillance de la sécurité; […]Note de bas de page 139

    L’article 15 du Règlement sur le SGS énumère les circonstances dans lesquelles les compagnies de chemin de fer doivent effectuer une évaluation des risques.

    La compagnie de chemin de fer effectue une évaluation des risques dans les circonstances suivantes :

    a)  lorsqu’elle cerne une préoccupation en matière de sécurité dans son exploitation ferroviaire à la suite des analyses effectuées en vertu de l’article 13;

    […]

    c) lorsqu’un changement proposé à son exploitation ferroviaire — y compris les changements ci-après — peut avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens et de l’environnement :

    […]

    (v)   une modification touchant le personnel, y compris une augmentation ou une réduction du nombre d’employés ou une modification apportée à leurs responsabilités ou à leurs fonctionsNote de bas de page 140.

    1.29.2 Système de gestion de la sécurité du Canadien Pacifique

    Conformément au Règlement sur le SGS, le CP a élaboré et mis en œuvre un SGS détaillé. Le SGS du CP comprend un programme de prévention des risques et une politique assortie d’une procédure visant les évaluations des risques, qui sont toutes deux régulièrement mises à jour et peaufinées afin d’appuyer une amélioration continue. Grâce à ces 2 instruments, les risques peuvent être signalés, évalués et atténués.

    1.29.2.1 Signalement des dangers pour la sécurité

    Dans le cadre du SGS du CP, et conformément aux exigences en matière de santé et de sécurité au travail énoncées dans le Code canadien du travail et qui s’appliquent au CP, les équipes de train sont tenues de déposer des rapports sur les dangers pour la sécurité lorsqu’elles vivent des événements ou sont témoins d’événements qui, selon leur expérience, représentent une situation non sécuritaire qui pourrait entraîner un accident.

    La procédure de signalement des infractions aux règles de sécurité, des risques pour la sécurité et des préoccupations liées à la sécurité du CP en vigueur au moment de l’événement énonce les situations dans lesquelles il faudrait déposer un rapport sur les dangers pour la sécurité et effectuer une analyse pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les nouvelles tendances ou les situations récurrentes :

    a)  rapports sur les événements ferroviaires et documents justificatifs pertinents;

    b) rapports sur les infractions aux règles de sécurité et les risques pour la sécurité qui ont été relevés par les employés;

    c)  résultats des vérifications et des inspections menées par le CP lui-même, ou par un inspecteur de la sécurité ferroviaire, afin de cibler les préoccupations liées à la sécurité au CP;

    d) plaintes liées à la sécurité que la Compagnie a reçues;

    e)  données fournies par les appareils de surveillance de la sécurité;

    f)  conclusions tirées du Rapport annuel préparées conformément à la procédure SS 5551 sur la surveillance continue du système de gestion de la sécurité (Safety Management System [SMS] Continual Monitoring)Note de bas de page 141.

    Les rapports sur les dangers sont soumis par des employés sur papier ou par voie électronique au moyen de l’application de signalement des dangers pour la sécurité.

    Une fois qu’un danger a été signalé, la procédure décrit les étapes à suivre pour l’atténuer :

    • Le rapport est envoyé au superviseur, qui doit ensuite évaluer la gravité du problème, le résoudre et envoyer une réponse à l’employé dans un délai de 14 jours.
    • Si le problème n’est pas résolu, le rapport sur les dangers pour la sécurité est transmis au comité de santé et de sécurité au travail, qui a ensuite 30 jours pour le résoudre et présenter les résultats par écrit à l’employé.
    • Si le problème n’est toujours pas résolu, un processus de renvoi à plusieurs niveaux doit être suivi par écrit, qui commence au niveau du mécanicien en chef adjoint/directeur/surintendant et se termine au comité des politiques. Chaque niveau dispose de 30 jours pour répondre.
    • La politique du CP exige que tous les registres écrits du processus de signalement des dangers pour la sécurité soient gardés pendant 6 ans.
    1.29.2.1.1 Comité de santé et de sécurité interfonctionnel de Calgary

    Au terminal de Calgary, beaucoup de dangers pour la sécurité sont traités de façon informelle entre le personnel et les superviseurs. Dans ces cas, les incidents ne sont pas consignés dans l’application de signalement des dangers pour la sécurité. Lorsque les rapports sur les dangers soumis à un superviseur ne sont pas résolus dans un délai de 14 jours, ils sont transmis au comité de santé et de sécurité interfonctionnel de Calgary (Calgary Cross-Functional Health and Safety Committee, ou CCFHSC).

    Ce comité a le pouvoir d’évaluer les problèmes liés à la partie II du Code canadien du travail et à tous les règlements en matière de santé et de sécurité connexes visant les compagnies de chemin de fer, au SGS du CP et à toute disposition relative à la santé et à la sécurité des diverses conventions collectives. Le comité est composé des membres suivants :

    • 6 représentants des groupes d’employés syndiqués (Unifor – atelier diesel, Unifor – services wagons, Conférence ferroviaire de Teamsters Canada (CFTC) – agents de triage, CFTC – serre-freins/chefs de train, CFTC – mécaniciens, et Syndicat des Métallos – chauffeurs de véhicule des équipes/commis);
    • 3 représentants de l’employeur (surintendant général, directeur de l’atelier diesel, directeur des services wagons)Note de bas de page 142.
    1.29.2.1.2 Rapports sur les dangers pour la sécurité liés aux problèmes de conduite des trains sur le tronçon Field Hill

    L’équipe d’enquête s’est penchée sur 3 années de procès-verbaux des réunions du CCFHSC, remontant jusqu’en décembre 2016, en portant un intérêt particulier aux rapports sur les dangers pour la sécurité et aux problèmes présentés au comité en lien avec des difficultés de conduite des trains sur le tronçon Field Hill.

    Les procès-verbaux des réunions ont révélé que les rapports sur les dangers n’étaient pas toujours évalués par un superviseur. En outre, les dossiers pour certains de ces rapports ont été clos sans indiquer clairement quelles mesures correctives avaient été prises, et sans indiquer si on avait vérifié que la mesure avait été prise ou qu’elle était efficace.

    Le tableau 22 résume les dangers signalés qui se trouvent dans les procès-verbaux des réunions.

    Tableau 22. Résumé des procès-verbaux des réunions du comité de santé et de sécurité interfonctionnel de Calgary (de décembre 2016 à janvier 2019)
    Mois et année de la réunion Résumé des procès-verbaux portant sur Field Hill
    Décembre 2016 Dans le procès-verbal du 14 décembre 2016, un nouveau point à l’ordre du jour indiquait que les équipes de train signalaient qu’elles devaient serrer les freins à fond ou presque pour contrôler la vitesse de façon à respecter les restrictions de vitesse. Dans le procès-verbal, on a soulevé la question : de savoir si les wagons étaient entretenus adéquatement et/ou si les essais de frein avant départ appropriés étaient effectués de façon uniforme entre les triages Alyth et Port Coquitlam?
    Janvier 2017 Le procès-verbal du 7 janvier 2017 mentionne un rapport sur les dangers dans lequel une équipe de train de céréales signalait avoir de la difficulté à contrôler la vitesse du train sur le tronçon Field Hill.
    Mars 2017 Le procès-verbal de mars 2017 faisait remarquer que l’entretien et/ou les essais de frein avant départ n’étaient pas effectués de façon uniforme entre les triages Alyth et Port Coquitlam. La mesure recommandée pour corriger les problèmes signalés liés aux freins à air de train était « un meilleur entretien du matériel ».
    Avril 2017 Le problème signalé en décembre 2016 selon lequel il fallait serrer les freins à fond ou presque pour contrôler la vitesse sur le tronçon Field Hill, et le rapport sur les dangers de janvier 2017 indiquant qu’une équipe de train de céréales avait de la difficulté à contrôler la vitesse, ont été marqués comme résolus. Aucune documentation n’était jointe pour indiquer ce qui avait été fait pour marquer les problèmes comme réglés.
    Janvier 2018 De nouveaux points à l’ordre du jour dans le procès-verbal de la réunion indiquaient que les trains descendaient le tronçon Field Hill avec les freins serrés à fond par des températures extrêmement froides. Le procès-verbal indiquait aussi que les équipes avaient été avisées qu’il était acceptable de faire descendre les trains par Field Hill avec un débit supérieur à la limite autoriséeNote de bas de page 143.
    Mars 2018 Le problème signalé dans le procès-verbal de janvier 2018 lié au freinage sur le tronçon Field Hill par des températures extrêmement froides a été marqué comme résolu. La documentation indiquait qu’un bulletin serait publié avant septembre 2018 pour maintenir la vitesse des trains en dessous de 10 mi/h lorsque la température est inférieure à −25 °C.
    Mars 2018 Le procès-verbal de mars 2018 faisait état d’un nouveau problème concernant plusieurs trains circulant sur le tronçon Field Hill sans avoir fait l’objet d’un essai de frein no 1 sur l’ensemble du train. Cinq des 10 trains mentionnés dans le procès-verbal étaient des trains de céréales circulant en direction ouest. Les registres de ces 5 trains ont montré qu’un essai de frein no 1A avait été effectué plutôt qu’un essai de frein no 1Note de bas de page 144.
    Avril 2018 On a signalé que 4 autres trains-blocs chargés de céréales circulant en direction ouest avaient fait l’objet d’un essai de frein no 1A plutôt qu’un essai de frein no 1. Cette information a été ajoutée à la liste des problèmes signalés en mars 2018.
    Mai 2018 Le problème signalé en mars 2018 a été mis à jour pour inclure l’information supplémentaire concernant le train 301-294 pour lequel on avait signalé que seul un essai de frein no 1A avait été effectué. Le ML avait dû serrer d’urgence les freins du train en quittant Cathedral. Le serrage des freins d’urgence avait été nécessaire, car toute la capacité fonctionnelle de frein de service avait été épuisée et le train continuait d’accélérer après avoir atteint une vitesse de 19 mi/h.
    Juin 2018 Le problème signalé en mars 2018 concernant l’essai de frein no 1 a été marqué comme résolu. Dans le procès-verbal, la mesure recommandée était qu’aucun train ne quitte le triage Alyth sans avoir fait l’objet d’un essai de frein no 1, et que le CCF doit être informé de l’arrivée de tout train ayant seulement fait l’objet d’un essai de train no 1A. Le procès-verbal mentionnait que la mesure avait été prise et qu’un bulletin serait publié; toutefois, aucune date d’échéance n’avait été fixée pour cette mesure de suivi.
    Août 2018 Un rapport sur les dangers pour la sécurité indiquait que le train 199-09 était passé en freinage d’urgence sur le tronçon Field Hill. La mesure recommandée était de créer un document de dépannage que les coordonnateurs de trains pourraient utiliser pour aider les équipes qui en avaient besoin à suivre les procédures de Field Hill.
    Août 2018 Des équipes de train ont demandé que le détecteur au point milliaire 130,2 de la subdivision de Laggan soit utilisé pour observer les wagons dont les freins à air ne fonctionnent pas.
    Septembre 2018 La mesure d’août 2018 qui consistait à fournir un document de dépannage que les coordonnateurs de trains pourraient utiliser pour aider les équipes qui en avaient besoin à suivre les procédures de Field Hill est demeurée ouverte.
    Septembre 2018 Le problème signalé en août 2018 concernant l’utilisation du détecteur au point milliaire 130,2 pour observer les wagons dont les freins à air ne fonctionnent pas a été marqué comme résolu; toutefois, le procès-verbal ne mentionnait l’adoption d’aucune mesure.
    Novembre 2018 La création d’un document de dépannage pour Field Hill à l’intention des coordonnateurs de trains, désignée comme une mesure recommandée en août 2018, a été marqué comme terminée. Le procès-verbal de la réunion ne mentionnait l’adoption d’aucune mesure. Toutefois, le CP a déterminé que l’élaboration d’un arbre de dépannage pour les coordonnateurs de trains n’était pas requise; aucun arbre n’a donc été élaboré.
    1.29.2.1.3 Rapport sur les dangers pour la sécurité la veille de l’événement

    En plus des dangers énumérés dans le tableau 22, la veille de l’événement, le ML de l’équipe de relève avait signalé au CCF qu’il avait eu de la difficulté à freiner en descendant le tronçon Field Hill à bord du train 303-676, un train-bloc chargé de céréales. En fait, pendant la descente, le ML avait été si près de perdre complètement le contrôle qu’il avait demandé au CCF de libérer la voie, y compris les voies à Field. Il avait dû serrer à fond les freins du train et utiliser au maximum le frein dynamique de la locomotive pour maintenir la vitesseNote de bas de page 145. Le ML avait rempli un rapport sur les dangers, dans lequel il avait classé le danger comme « grave », mais il n’avait pas encore eu la chance de le déposer; le rapport a été retrouvé dans l’épave sur le lieu de l’événement après l’accident.

    Les données sur la température des roues pour ce train prises au point milliaire 130,6 de la subdivision de Laggan indiquaient que les freins de 56 % des wagons étaient inefficacesNote de bas de page 146. À Field, lors d’une inspection à l’arrivée, il a été déterminé que les freins d’un grand nombre de wagons du train n’étaient pas serrés.

    1.29.2.2 Évaluations des risques

    La procédure d’évaluation des risques du CP énumère les conditions dans lesquelles une évaluation des risques doit être réalisée. Elle indique, entre autres choses, les conditions suivantes [traduction] :

    • [lorsqu’]une « préoccupation en matière de sécurité » (c.-à-d. un danger ou une condition susceptible de présenter un risque direct pour la sécurité des employés ou de compromettre la sécurité ferroviaire) est cernée par l’analyse des données sur la sécurité;
    • [lorsqu’]une modification proposée aux activités du CP pourrait :
      • créer sur le lieu de travail un nouveau danger entraînant des conséquences néfastes,
      • nuire ou contrevenir à toute politique, procédure, règle ou pratique de travail existante utilisée pour assurer la conformité à la réglementation ou respecter toute exigence ou norme du CP,
      • créer ou aggraver un risque direct pour la sécurité des employés, des biens de la compagnie de chemin de fer, des biens transportés par la compagnie de chemin de fer, du public ou des biens adjacents au chemin de fer,
      • exiger l’autorisation d’un organisme de réglementation pour pouvoir être mise en œuvreNote de bas de page 147.

    Si l’une des circonstances susmentionnées se produit, elle déclenche la tenue d’une évaluation des risques. La procédure décrit la façon d’évaluer, en utilisant l’outil d’évaluation des risques du CP, chacune des préoccupations en matière de sécurité ou des modifications aux activités cernées. Le processus consiste à cerner tout danger potentiel associé à la portée de l’évaluation des risques, puis à déterminer tous les événements indésirables potentiels susceptibles de survenir à la suite d’une exposition aux dangers cernés. Une évaluation des risques est alors effectuée pour chaque événement indésirable.

    Le tableau 23 résume le nombre d’évaluations des risques réalisées par le CP entre 2015 et 2018 en vertu du SGS de la compagnie.

    Tableau 23. Évaluations des risques du Canadien Pacifique réalisées en vertu du système de gestion de la sécurité, par catégorie d’évaluation des risques, de 2015 à 2018
    Année Nombre total d’évaluations des risques Catégorie d’évaluation des risques
    Préoccupation en matière de sécurité Modification proposée Autre
    2015* 9 0 9 0
    2016 26 3 23 0
    2017 7 0 7 0
    2018 13 1 10 2
    Total 55 4 49 2

    * D’importantes modifications au Règlement sur le SGS sont entrées en vigueur en 2015.

    Selon les registres d’évaluations des risques du CP, entre 2015 et 2018 :

    • 47 % des évaluations des risques ont été effectuées en 2016;
    • 7 % ont été effectuées à la suite d’une préoccupation en matière de sécurité découlant d’une analyse des données sur la sécurité;
    • 89 % ont été effectuées à la suite d’une modification proposée aux activités.

    Aucun registre n’indiquait qu’une analyse ou une évaluation des risques avait été effectuée à la suite du dépôt par des équipes de train de rapports sur les dangers pour la sécurité dans lesquels elles documentaient leur difficulté à maîtriser des trains-blocs céréaliers sur le tronçon Field Hill. De plus, rien n’indiquait qu’une évaluation des risques avait servi à valider les modifications apportées aux FHOP entre 1998 et 2015.

    Depuis que le nouveau Règlement sur le SGS est entré en vigueur en 2015, le BST a enquêté sur 6 autres événements dans lesquels des lacunes dans le SGS du CP ont été cernées comme un facteur de risque. Dans certains cas, le CP avait jugé que ses modifications opérationnelles n’étaient pas assez importantes pour exiger une évaluation des risques; dans d’autres cas, il n’avait pas cerné et atténué tous les dangers (annexe I).

    1.29.2.3 Audit interne du système de gestion de la sécurité

    Les audits internes du SGS jouent un rôle essentiel dans l’amélioration continue du système en offrant à l’organisation l’occasion d’évaluer l’efficacité de ses processus de gestion de la sécurité et de prendre des mesures correctives proactives.

    En vertu des articles 30, 31 et 32 du Règlement sur le SGS, une compagnie de chemin de fer doit effectuer un audit de son SGS tous les 3 ans et établir un plan d’action pour répondre aux lacunes cernées.

    En 2017, le CP a retenu les services de Golder Associés pour effectuer l’audit de son SGS. La compagnie a reçu les constatations de l’audit le 17 juillet 2017. Golder Associés n’effectuait pas d’audit de non-conformité à la réglementation, mais classait plutôt ses constatations dans les catégories suivantes : non-conformités majeures, non-conformités mineures et possibilités d’amélioration (voir l’annexe J).

    L’audit n’a relevé aucun cas de non-conformité majeure. Trois constatations étaient liées aux dangers pour la sécurité et aux évaluations des risques et 5 étaient liées à la formation et aux examens des compétences.

    Constatations liées aux dangers pour la sécurité et aux évaluations des risques :

    • La variabilité dans les pratiques en vigueur concernant le signalement des dangers pour la sécurité donnait lieu à un jeu de données incomplet ou biaisé pour l’analyse des tendances liées aux préoccupations en matière de sécurité.
    • L’information provenant des inspections du comité de sécurité et des rapports sur les dangers gérés localement n’était pas évaluée afin de cerner les tendances et les préoccupations en matière de sécurité à l’échelle du système.
    • Il y avait une possibilité d’effectuer d’autres évaluations des risques pouvant être utiles ou mettre à jour la compréhension des stratégies d’atténuation des risques pertinentes.

    Constatations liées à la formation et aux examens des compétences :

    • Les outils de travail aidant à déterminer et à contrôler les risques pour la sécurité opérationnels/professionnels n’étaient pas toujours complets.
    • Les employés prenant part à des activités qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité ferroviaire n’avaient pas toujours suivi la formation appropriée.
    • Il y avait un manque d’uniformité dans la façon de faire passer les examens d’efficacité en ce qui concerne la consignation des résultats, les taux d’échecs et l’attribution des notes de passage et d’échec.
    • Des situations de communication incomplète avec les travailleurs/employés ont été signalées pendant les examens d’efficacité/des compétences.
    • Des préoccupations ont été exprimées concernant la compétence des directeurs/coordonnateurs de trains du CP pendant l’exécution des examens d’efficacité/des compétences.

    Le CP avait des procédures en place pour aborder les constatations de l’audit.

    1.30 Surveillance réglementaire de l’exploitation ferroviaire

    La sécurité ferroviaire est régie par la Loi sur la sécurité ferroviaire. TC fait la promotion de la sécurité et de la sûreté des réseaux de transport en élaborant des règlements et des normes de sécurité, ou, dans le cas des compagnies ferroviaires, en facilitant l’élaboration de règles par l’industrie ferroviaire. TC est ensuite responsable de leur mise en application. En outre, il fait l’essai et la promotion de technologies de sécurité, et il a instauré un règlement sur le système de gestion de la sécurité (SGS) qui exige que les compagnies ferroviaires gèrent leurs risques de sécurité.

    Pour atteindre les objectifs visés par la Loi sur la sécurité ferroviaire, la Direction générale de la sécurité ferroviaire de TC, qui se trouve à l’administration centrale de TC à Ottawa (Ontario), est chargée de l’élaboration et de la mise en application de règlements et de normes nationales, ainsi que de la mise en œuvre de programmes de surveillance, d’essai et d’inspection. Elle encadre également la surveillance de la sécurité ferroviaire en élaborant des politiques et des programmes. Les bureaux régionaux sont responsables de la mise en œuvre de ces politiques et programmes à l’échelle nationale. La planification et l’exécution des audits réglementaires des SGS visant les compagnies de chemin de fer nationales (CN, CP et VIA Rail Canada Inc.) sont effectuées par l’équipe responsable des SGS à l’administration centrale. Pour ce qui est des compagnies de chemin de fer interrégionales de compétence fédérale, la planification et l’exécution des audits réglementaires des SGS incombent aux bureaux régionaux.

    Les bureaux régionaux sont également responsables de réaliser les évaluations des compagnies de chemin de fer dans chaque région, d’attribuer les ressources régionales d’inspection et d’audit, ainsi que d’exécuter toute activité de suivi pour veiller à ce que les compagnies de chemin de fer respectent les règles et règlements et qu’elles mènent leurs activités en toute sécurité. La région des Prairies et du Nord (RPN) est responsable de la surveillance de la subdivision de Laggan du CP.

    Les inspecteurs de la sécurité ferroviaire régionaux assurent la surveillance et la promotion de la conformité aux dispositions réglementaires relatives à l’exploitation ferroviaire, à l’équipement, à l’infrastructure et aux passages à niveau.

    Les outils et les stratégies dont dispose TC pour surveiller le niveau de sécurité et de conformité dans l’industrie comprennent :

    • les inspections, qui servent à vérifier la conformité aux exigences réglementaires en matière de sécurité ferroviaire, à recueillir les données, et à cerner les dangers pour la sécurité ferroviaire devant faire l’objet de mesures correctives;
    • les audits de sécurité, qui servent à vérifier la conformité aux exigences réglementaires et à évaluer le rendement en matière de sécurité;
    • les audits du SGS, qui examinent le SGS de la compagnie, en tout ou en partie, pour en évaluer l’efficacité et déterminer si les opérations réelles de la compagnie se conforment aux procédures élaborées, afin de démontrer qu’elle respecte les exigences réglementaires applicables.

    Les inspections et les audits sont des processus complémentaires. Alors que les inspections portent sur les conditions, les vérifications portent sur les systèmes et les processus. Les inspections peuvent être utilisées pour aider à cibler les audits à venir et pour aider à surveiller les mesures correctives prises par suite des vérifications antérieures.

    1.30.1 Inspections de sécurité menées par la région des Prairies et du Nord

    1.30.1.1 Inspections d’entretien et de sécurité des wagons

    De 2014-2015 à 2018-2019, la RPN de TC a mené des inspections d’entretien et de sécurité des wagons dans le cadre de son programme général d’inspection. Le tableau 24 présente les données sur ces inspections (le nombre de wagons inspectés et le taux de défectuositésNote de bas de page 148 décelées) pour 3 groupes de wagons : wagons-trémies couverts du CP, wagons-trémies couverts de toutes les compagnies de chemin de fer et tous les wagons manutentionnés par le CP. Les données relatives aux wagons-trémies couverts du CP sont un sous-ensemble des données des 2 autres groupes.

    Les inspections ont été menées conformément au Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises.

    Tableau 24. Inspections des wagons par la région des Prairies et du Nord de Transports Canada, exercices financiers 2014-2015 à 2018-2019
    Exercice financier Wagons-trémies couverts du Canadien Pacifique Wagons-trémies couverts de toutes les compagnies de chemin de fer Tous les wagons du Canadien Pacifique
    Nombre de wagons inspectés Taux de défectuosité Nombre de wagons inspectés Taux de défectuosité Nombre de wagons inspectés Taux de défectuosité
    2014–2015 645 14 % 1015 13 % 839 19 %
    2015–2016 693 10 % 1174 12 % 869 14 %
    2016–2017 335 10 % 655 20 % 455 14 %
    2017–2018 591 13 % 993 17 % 692 16 %
    2018–2019 1417 15 % 1935 13 % 1528 17 %
    5 ans 3681 13 % 5772 14 % 4383 16 %
    1.30.1.2 Inspections des essais de frein no 1

    La RPN de TC a commencé à mener des inspections des essais de frein no 1 en juin 2016. Selon les registres fournis, de 2016-2017 à 2018-2019, les inspecteurs ont vérifié 58 trains et ont déterminé que 2 trains avaient moins de 95 % des freins fonctionnels (taux de défectuosité de 3 %).

    1.30.2 Audits du système de gestion de la sécurité du Canadien Pacifique

    1.30.2.1 Cadre pour les audits

    Le cadre de TC pour effectuer les audits des SGS des compagnies de chemin de fer comprend les phases suivantes :

    • Planification – La planification comprend la collecte de données (données provenant de TC et de sources externes comme le BST), de même que le choix des secteurs à auditer et des emplacements des audits, en s’appuyant sur les commentaires de la compagnie de chemin de fer.
    • Exécution – Il s’agit de l’exécution de l’audit même, y compris l’examen des documents et la tenue d’entrevues. Même si beaucoup de documents sont fournis dans le cadre d’une demande officielle, des éléments peuvent aussi se présenter en cours d’audit et entraîner l’examen d’autres documents.
    • Établissement du rapport – Un rapport préliminaire est préparé et transmis à la compagnie aux fins d’examen et de commentaire pour assurer l’exactitude du contenu. TC tient compte de la réponse de la compagnie et produit ensuite un rapport final. Les compagnies sont tenues de réagir aux constatations formulées dans le rapport final en élaborant un plan de mesures correctives.
    • Suivi – TC examine le plan de mesures correctives de la compagnie de chemin de fer et demeure en communication constante avec elle au sujet de son planNote de bas de page 149.

    En 2016, TC a intégré de nouvelles données sur la sécurité et de nouveaux renseignements régionaux sur les risques dans ses outils de planification. Un processus d’examen national de surveillance de la conformité et des problèmes de sécurité en cours pour tous les exploitants a été établi afin d’appuyer la tenue d’audits plus fréquents et plus poussés des SGS. TC s’est engagé à auditer tous les éléments des SGS des compagnies de chemin de fer de catégorie I selon un cycle de 3 à 5 ans.

    En 2016–2017, TC a commencé le premier cycle d’audits des SGS des compagnies de chemin de fer en vertu du nouveau Règlement sur le SGS. Le manuel d’exécution des audits du SGS, qui a été achevé et publié en novembre 2017, décrit les constatations à la suite d’un audit comme suit :

    Une non-conformité indiquera qu’au moins une exigence réglementaire n’a pas été respectée et une lacune indiquera que la compagnie n’a pas complètement mis en œuvre au moins un processus, une procédure, une méthode ou un plan établi dans le cadre de son système de gestion de la sécuritéNote de bas de page 150.

    Un rapport d’audit peut également aborder des possibilités d’amélioration. Ces dernières permettent à l’équipe responsable de l’audit de formuler des commentaires sur la qualité du SGS de la compagnie. La rubrique sur les possibilités d’amélioration est facultative et ne fait pas partie des constatations de l’audit.

    Une fois que l’audit est achevé, un rapport préliminaire est fourni à la compagnie de chemin de fer aux fins d’examen et de correction d’erreurs factuelles. Un rapport final est transmis à la compagnie qui y réagit en élaborant un plan de mesures correctives dans un délai de 30 jours. Le plan de mesures correctives documente les engagements de la compagnie et établit les objectifs d’achèvement.

    La procédure de TC indique que le Ministère assure un suivi de chaque audit afin de vérifier que les plans de mesures correctives sont mis en œuvre et que les constatations de l’audit sont abordées. TC tient un registre de ses interactions, mais jusqu’à présent, n’a pas effectué une validation ou un suivi à l’échelle du système de ses constatations d’audit détaillées dans l’ensemble de l’industrie.

    1.30.2.2 Constatations des audits

    De 2016-2017 à 2018-2019, TC a effectué 3 audits du SGS du CP, dont les constatations sont résumées dans le tableau 25.

    Tableau 25. Constatations des audits effectués par Transports Canada, par catégorie, exercices financiers 2016-2017 à 2018-2019
    Catégorie de constatation 2016–2017 2017–2018 2018–2019 Total
    Non-conformité 6 0 1 7
    Lacune 0 3 1 4
    Possibilité d’amélioration 1 0 3 4
    1.30.2.2.1 Audit de 2016–2017

    En 2016–2017, TC a vérifié la conformité du CP au processus visant les évaluations des risques (articles 15 à 17 du Règlement sur le SGS), et au processus visant à mettre en œuvre et évaluer les mesures correctives (articles 18 à 20 du Règlement sur le SGS). L’audit a relevé des cas de non-conformité au Règlement sur le SGS, notamment que le CP :

    • n’évaluait pas toujours l’efficacité des mesures correctives visant à réduire ou à éliminer un risque;
    • ne consultait pas de manière fiable les agents négociateurs dans la planification, la mise en œuvre et l’évaluation des modifications aux activités, la détermination des risques et l’évaluation de l’efficacité des mesures correctives;
    • ne documentait pas de manière fiable les consultations qui étaient menées;
    • n’avisait pas de manière fiable le ministre d’une modification proposée aux activités susceptible d’avoir une incidence sur la sécuritéNote de bas de page 151.

    Dans sa réponse, envoyée le 25 avril 2017, le CP a exprimé des réserves au sujet du processus d’audit. Selon le CP, les attentes de TC étaient déraisonnables et incompatibles avec les principes d’amélioration continue du SGSNote de bas de page 152. Le CP était aussi préoccupé par le fait que l’audit ne mettait pas en relief les forces du processus du SGS avec les lacunes cernées.

    Néanmoins, le CP s’est engagé à prendre les mesures correctives suivantes :

    • élaborer et mettre en place un programme de formation sur les évaluations des risques pour les directeurs d’exploitation au Canada, qui définira clairement les attentes au sujet de la consultation des agents négociateurs;
    • réviser l’outil électronique d’évaluation des risques pour aligner les rôles clés sur les tâches, et pour rappeler de documenter la participation et la consultation des agents négociateurs;
    • au besoin, examiner et ajuster les étapes pour évaluer l’efficacité des mesures correctives;
    • examiner et réviser les procédures de santé et de sécurité du CP pour veiller à ce que les rôles soient clairement définis, clarifier les étapes pour évaluer les mesures de sécurité et préciser les modifications dont il faut aviser le ministre.
    1.30.2.2.2 Audit de 2017–2018

    En 2017–2018, dans le cadre du processus de planification axé sur les risques, TC a évalué le processus du CP pour veiller au respect des règlements et des autres instruments (articles 10 et 11 du Règlement sur le SGS), et son processus pour gérer la connaissance (articles 25 à 27 du Règlement sur le SGS).

    L’audit a relevé 0 non-conformité et 3 lacunes concernant le processus pour gérer la connaissance :

    • La méthode utilisée par le CP pour vérifier si les employés étaient compétents et qualifiés pour exercer leurs fonctions n’avait pas été entièrement mise en œuvre.
    • La méthode utilisée par le CP pour veiller à ce que les tiers travaillant sur les voies du CP aient la connaissance requise n’avait pas été entièrement mise en œuvre.
    • La méthode utilisée par le CP pour vérifier la connaissance des entrepreneurs travaillant sur la propriété du CP, mais pas pour le CP, n’était pas suffisamment détaillée.

    TC a nuancé son audit, en soulignant que les employés titulaires de postes récemment comblés ne possédaient pas toutes les compétences et les qualifications requises pour exercer leurs fonctions. Par exemple, à Winnipeg, 14 des 22 employés titulaires d’un poste de coordonnateur de trains, de surintendant adjoint de l’exploitation ou de surintendant de l’exploitation ne possédaient pas les compétences d’un ML requises. TC n’a pas décrit cette situation comme une lacune ou une non-conformitéNote de bas de page 153,Note de bas de page 154.

    1.30.2.2.3 Audit de 2018–2019

    En 2018–2019, TC a vérifié la conformité du CP au Règlement sur le SGS en ce qui concerne les processus suivants : le processus pour gérer les accidents ferroviaires (article 12 du Règlement sur le SGS), le processus pour cerner les préoccupations en matière de sécurité (articles 13 et 14 du Règlement sur le SGS), le processus pour établir des objectifs et élaborer des initiatives (articles 21 à 23 du Règlement sur le SGS), et le processus pour signaler les infractions et les dangers pour la sécurité (article 24 du Règlement sur le SGS).

    L’audit a révélé 1 non-conformité et 1 lacune :

    • En ce qui a trait au processus pour établir des objectifs et élaborer des initiatives, l’audit a révélé que le rapport annuel sur le SGS du CP remis au gestionnaire supérieur responsable ne comprenait pas de conclusions des activités de surveillance liées expressément aux objectifs de sécurité.
    • En ce qui a trait au processus pour signaler les infractions et les dangers pour la sécurité, l’audit a révélé que le CP n’avait pas suffisamment communiqué la mise en place de la Ligne A (ligne d’alerte), la nouvelle option de la compagnie pour signaler de façon anonyme les infractions et les dangers pour la sécurité sans crainte de représailles.

    L’audit a également relevé 3 possibilités d’amélioration, soit :

    • En pratique, les comités de santé et de sécurité au travail (comités de SST) ne peuvent enquêter que sur les blessures mortelles et invalidantes; la procédure du CP énonce cette restriction, mais exige également que le comité de SST participe à tout événement qui nécessite un traitement médical (comme l’exige l’alinéa 136(5)g) de la partie II du Code canadien du travail).
    • La politique en matière de discrimination et de harcèlement du CP devrait prioriser davantage l’engagement de la compagnie à traiter les cas potentiels de représailles.
    • Les procès-verbaux du comité de SST démontrent que les préoccupations des employés en matière de sécurité sont examinées, mais ils ne documentent pas systématiquement les mesures prises.

    1.30.3 Recommandation antérieure relative aux audits du système de gestion de la sécurité ferroviaire

    À la suite de l’enquête du BST sur l’accident de Lac-Mégantic en juillet 2013, qui a causé la mort de 47 personnes et détruit le centre-ville et le principal quartier d’affairesNote de bas de page 155, le Bureau a indiqué que, grâce au nouveau Règlement sur le SGS qui devait être adopté en 2015, le TC allait disposer d’un cadre législatif et conceptuel pour exiger la mise en œuvre des SGS. Ce cadre est important, mais la façon dont l'organisme de réglementation se servira de ces outils et les mesures qu'il prendra au cours des prochaines années le sont tout autant. En outre, le Bureau a déclaré que jusqu’à ce que les SGS fassent partie de la culture des compagnies ferroviaires du Canada et que TC s'assure qu'ils ont été mis en œuvre d'une manière efficace, les avantages en matière de sécurité des SGS ne seraient pas réalisés. Le Bureau a donc recommandé que

    le ministère des Transports effectue des vérifications des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires assez poussées et assez fréquentes pour confirmer que les processus nécessaires sont efficaces et que des mesures correctives sont mises en œuvre pour améliorer la sécurité.
    Recommandation R14-05 du BST

    Dans sa réponse de février 2021 à cette recommandation, TC a indiqué avoir achevé en décembre 2020 ses vérifications exhaustives initiales de toutes les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale. Ces vérifications avaient débuté au cours de l’exercice 2016-2017. À la suite de ces vérifications, TC a demandé l’établissement de plans de mesures correctives, le cas échéant, et a continué de faire des suivis pour s’assurer que toutes les compagnies de chemin de fer ont pris des mesures correctives pour donner suite aux constatations. La réponse de TC indiquait également que le Ministère avait approuvé en juin 2020 un cadre de vérification ciblée visant à mesurer l’efficacité des processus de SGS. TC en est aux premières étapes de la mise en œuvre de ce cadre de vérification.

    Dans sa réévaluation de mars 2021 de la réponse de TC, le Bureau a dit juger prometteurs les progrès réalisés par TC et attendre avec impatience de recevoir de l’information sur les constatations relatives à l’efficacité des SGS des compagnies de chemin de fer de compétence fédérale. Par conséquent, le Bureau estimait que la réponse à la recommandation R14-05 dénotait une intention satisfaisanteNote de bas de page 156.

    1.30.4 Surveillance réglementaire de la santé et de la sécurité au travail

    La partie II du Code canadien du travail (le Code) définit les normes de santé et de sécurité au travail pour les employés qui travaillent dans une entreprise de compétence fédérale.

    Dans un feuillet résumant le Code, Ressources humaines et Développement des compétences Canada fournit les renseignements suivants :

    La partie II du Code a pour objet de prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi.

    […]

    En vertu du Code, l'employé a le droit d'être informé de tous les risques connus ou prévisibles présents dans son lieu de travail et de bénéficier de l'information, de la formation, de l'entraînement et de la supervision nécessaires à la protection de sa santé et de sa sécurité.

    […]

    Par l'entremise du comité d'orientation, du comité local ou du représentant en matière de santé et de sécurité, l'employé a le droit d'accéder aux rapports de l'État ou de l'employeur sur la santé et la sécurité des employés, […]Note de bas de page 157.

    Le Programme du travail du Canada est un portefeuille d’Emploi et Développement social CanadaNote de bas de page 158. Le Programme fait la promotion de milieux de travail sécuritaires, sains et productifs où règne la collaboration en favorisant de bonnes conditions de travail, des relations patronales-syndicales constructives et des milieux de travail sans discrimination.

    Un protocole d’entente (PE) a été conclu en 1988 entre la Direction générale du travail de Développement des ressources humaines Canada (DRHC – Travail) et TC afin d’établir une entente administrative conjointe pour l’application et l’exécution de la partie II du Code canadien du travail dans le secteur des transports de compétence fédérale. L’un des principes du PE prévoit que :

    [l]es deux ministères travailleront ensemble pour réaliser l'objet du Code qui consiste à « prévenir les accidents et les maladies liés à l'occupation d'un emploi »Note de bas de page 159.

    Pour ce faire, la responsabilité de l’application et de l’exécution du Code dans le secteur des transports de compétence fédérale est répartie comme suit : DRHC – Travail est responsable des employés sédentaires; et TC, au nom de DRHC – Travail et conformément au PE, est responsable des employés itinérantsNote de bas de page 160.

    Au moins tous les 3 ans, TC mène une inspection sur place des activités du comité de santé et de sécurité de chaque compagnie de chemin de fer en ce qui concerne les employés assujettis au Règlement sur la santé et la sécurité au travail (trains)Note de bas de page 161. Avant l’événement à l’étude, la dernière inspection du CCFHSC du CP avait eu lieu le 14 janvier 2016. Aucune non-conformité n’avait été relevée.

    1.31 Culture de sécurité

    Une définition reconnue pour la « culture de sécurité » d’une organisation est la suivante [traduction] : « des valeurs (ce qui est important) et des croyances partagées (la façon dont les choses fonctionnent) qui interagissent avec les structures et systèmes de contrôle d’une organisation pour donner lieu à des normes comportementales (notre façon de faire)Note de bas de page 162 ».

    La culture de sécurité d’une organisation est le produit des valeurs, des attitudes, des perceptions, des compétences et des modes de comportement individuels et collectifs qui déterminent l’engagement envers le système de gestion de la santé et de la sécurité de l’organisation, ainsi que le style et la compétence de l’organisation en cette matière.

    Une culture de sécurité efficace comprend des mesures proactives pour cerner et gérer les risques d’exploitation. Il existe de nombreuses descriptions de ce qui constitue une culture de sécurité efficace et coopérative. L’une de ces descriptions est composée de 4 élémentsNote de bas de page 163:

    • Une culture déclarante : Les dangers, les événements et les lacunes de sécurité sont signalés librement au sein de l’organisation, sans peur de représailles.
    • Une culture juste : L’erreur humaine normale est considérée comme un problème systémique et, par conséquent, n’est pas punie. Par contre, le comportement malicieux et la négligence sont punis. Les méthodes permettant de faire la distinction sont bien décrites et comprises.
    • Une culture de formation : L’organisation et ses employés apprennent en permanence afin d’améliorer leurs compétences opérationnelles et de mieux comprendre le rôle qu’ils assument par rapport à la gestion de la sécurité. Les leçons tirées grâce à l’expérience sont mises en commun activement à l’échelle de l’organisation.
    • Une culture éclairée : Les dangers et les risques associés à une activité sont bien compris et les employés d’une organisation ont les connaissances et les compétences nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute sécurité. Les employés savent comment participer à la gestion de la sécurité de l’organisation.

    Les politiques de recrutement, les procédures d’exploitation et la supervision opérationnelle, qui peuvent toutes avoir des effets sur le rendement humain, sont révélatrices de la culture d’une compagnie. Les pratiques qui encouragent la responsabilité, le professionnalisme et la participation de l’exploitant dans le cadre des questions de sécurité peuvent aiguiser l’attention de celui-ci aux détails relatifs à la sécurité, contrairement aux pratiques punitives. La pratique de jeter le blâme fait obstacle au processus d’apprentissage puisque [traduction] « lorsqu’on jette le blâme, il n’y a pas d’apprentissage […] l’ouverture d’esprit se renferme alors, les demandes de renseignements ont tendance à cesser et le désir de comprendre le système dans son ensemble est diminuéNote de bas de page 164 ».

    En avril 2016, le BST a organisé un Sommet sur la sécurité des transports qui a rassemblé plus de 70 cadres supérieurs et dirigeants représentant les exploitants, les organisations syndicales, les associations de l’industrie et les organismes de réglementation de tous les modes de transport. Un large consensus s’est dégagé des discussions sur le fait que, pour améliorer efficacement la sécurité, les SGS doivent clairement cerner les problèmes systémiques qui sous-tendent le comportement. En outre, la communication et la collaboration efficaces ont été des éléments clés pour établir la confiance nécessaire pour traiter les problèmes de sécurité à ce niveau. Toutefois, il a été reconnu que le plus grand défi à relever pour mettre en place une culture « juste » était la nécessité de gagner la confiance et le respect au sein d’organisations traditionnellement fondées sur une culture de blâmeNote de bas de page 165.

    1.31.1 Culture de sécurité du Canadien Pacifique

    En parallèle avec la mise en œuvre d’un SGS, le CP a reconnu l’importance d’instaurer une culture de sécurité efficace. En vue de renforcer sa culture de sécurité, le CP a lancé l’initiative « Home Safe », qui encourage à la fois l’engagement en faveur de la sécurité et la rétroaction [traduction] : « en inculquant [aux employés] l’importance d’assumer la responsabilité de leur propre sécurité ainsi que celle de leurs collègues, [le CP] peut mieux garantir que chacun rentre chez lui en toute sécurité après chaque quart de travailNote de bas de page 166 ». Dans le cadre de cette initiative du CP, tous les employés, y compris les gestionnaires, sont formés pour offrir et demander de l’aide, avertir leurs collègues s’ils pensent qu’ils se mettent en danger ou mettent en danger les autres, ainsi que pour cerner, signaler et éliminer les dangers.

    La procédure Signalement des infractions aux règles de sécurité, des risques pour la sécurité et des préoccupations liées à la sécurité de 2015 du CPNote de bas de page 167 indique qu’il incombe aux employés de signaler les dangers pour la sécurité et les infractions, et décrit la marche à suivre pour signaler et analyser les infractions et les dangers pour la sécurité. La procédure indique qu’un tel signalement n’entraînera aucune mesure disciplinaire, pourvu qu’il soit fait de bonne foi, ne concerne pas d’activité criminelle, de gestes malveillants ou de renseignements faux ou trompeurs. La procédure prévoit en outre plusieurs moyens de signaler des dangers :

    • verbalement à un superviseur;
    • par écrit au moyen d’un formulaire de signalement de danger pour la sécurité, si aucun superviseur n’est disponible;
    • par communication téléphonique avec la « Ligne A » (ligne d’alerte anonyme et confidentielle du CP) gérée par une organisation indépendante, si un employé n’est pas à l’aise de s’adresser directement à un superviseur.

    Cette procédure permet aux employés de signaler les dangers sans crainte de représailles, 2 éléments clés d’une culture de sécurité efficace. Lorsque les risques associés aux dangers signalés sont bien compris et communiqués, et que des mesures proactives sont prises pour atténuer ces risques, la culture de sécurité d’un organisme devient encore plus forte.

    Au CP, les équipes de train signalaient activement les dangers pour la sécurité liés au rendement au freinage médiocre des trains sur Field Hill. Ces signalements étaient clos sans qu’une évaluation des risques soit effectuée et sans que le CP prenne des mesures suffisantes pour atténuer ou éliminer les dangers récurrents.

    1.32 Événements similaires

    Entre 1996 et 1998, 3 autres événements mettant en cause des mouvements de train non contrôlés sur le tronçon Field Hill ont été signalés au BST.

    R96C0086 – Le 13 avril 1996, un train de marchandises du CP comptant 112 wagons a dévalé une pente abrupte de façon non contrôlée sur environ 4 milles, entre le point milliaire 128,8 de la subdivision de Laggan (tunnel Upper Spiral) et le point milliaire 0,15 de la subdivision de Mountain (triage de Field). Le train n’a pas déraillé et il n’y a pas eu de blessésNote de bas de page 168.

    R97C0147 – Le 2 décembre 1997, 66 wagons du train no 353-946 du CP ont déraillé pendant une descente non contrôlée à grande vitesse. Le train est arrivé à l’entrée est du tunnel Upper Spiral à environ 25 mi/h et a continué d’accélérer. Seize wagons ont déraillé à l’intérieur du tunnel Upper Spiral, et au point milliaire 134,4, 50 autres wagons ont déraillé alors que le train roulait à près de 47 mi/h. Aucun des 3 membres de l’équipe n’a été blesséNote de bas de page 169.

    R98C0001 – Le 2 janvier 1998, un train de marchandises du CP comptant 112 wagons est parti à la dérive entre le point milliaire 128,9 (tunnel Upper Spiral) et le point milliaire 136,6 (Field), et a atteint une vitesse de 42 mi/h. Cet incident n’a causé ni déraillement ni blessures.

    1.33 Statistiques du BST sur les événements de mouvements imprévus ou non contrôlés

    De 2010 à 2019, 589 événements relatifs à des mouvements imprévus ou non contrôlésNote de bas de page 170 sur l’ensemble des chemins de fer au Canada ont été signalés au BST (tableau 26).

    Tableau 26. Mouvements imprévus ou non contrôlés signalés au BST, 2010 à 2019
    Type de mouvement imprévu ou non contrôlé 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Total
    Perte de maîtrise 2 3 0 3 0 1 4 2 5 1 21
    Manœuvres sans freins à air 10 16 12 24 21 22 18 21 27 31 202
    Immobilisation insuffisante 25 32 44 42 38 37 29 39 34 46 366
    Total 37 51 56 69 59 60 51 62 66 78 589

    Nota : Les données sommaires sur le nombre annuel de mouvements non contrôlés n’ont pas été ajustées en fonction des variations des volumes de trafic ferroviaire.

    Les mouvements non contrôlés entrent généralement dans l’une des 3 catégories suivantes :

    1. Perte de maîtrise : un ML ou un opérateur de locomotive par télécommande n’est pas en mesure de maîtriser une locomotive, une rame de wagons ou un train au moyen des freins à air disponibles de la locomotive ou du train.
    2. Manœuvres sans freins à air : un matériel roulant est manœuvré en utilisant seulement les freins à air de la locomotive, sans freins à air sur les wagons manœuvrés ou lancés. La grande majorité de ces incidents se produisent dans des gares de triage.
    3. Immobilisation insuffisante : un wagon, une rame de wagons ou un train est laissé sans surveillance et se met à rouler de façon non contrôlée, en général, parce que :
    • un nombre insuffisant de freins à main ont été serrés sur un wagon, une rame de wagons ou un train;
    • les freins à main d’un wagon (ou de plusieurs wagons) sont défectueux ou inefficaces.

    Des 589 événements :

    • une perte de maîtrise était le facteur principal dans 22 (4 %) des cas, dont celui à l’étude;
    • des manœuvres sans freins à air étaient le facteur principal dans 202 (34 %) des cas;
    • une immobilisation insuffisante était le facteur principal dans 365 (62 %) des cas.

    Depuis 1994, le BST a enquêté sur 36 événements, y compris l’événement à l’étude, dans lesquels des mouvements non contrôlés sont survenus. Parmi les 36 événements, 14 (39 %) ont été causés par une perte de maîtrise (annexe K).

    1.34 Recommandation et préoccupation en matière de sécurité antérieures concernant les mouvements non contrôlés

    Le Bureau a émis 1 recommandation concernant les trains à la dérive en raison d’une immobilisation inappropriée du matériel selon sa définition des mouvements non contrôlés.

    Par suite de l’enquête du BST sur l’accident de Lac-Mégantic en juillet 2013 Note de bas de page 171, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive.
    Recommandation R14-04 du BST

    Cette recommandation porte précisément sur l’immobilisation insuffisante du matériel roulant. En réponse, TC a mis en œuvre plusieurs initiatives, notamment le renforcement des exigences relatives à l’immobilisation de la règle 112 du REF et l’introduction d’un plan de surveillance exhaustif pour cette règle renforcée. Dans son évaluation de la réponse de TC en mars 2021, le Bureau a indiqué que, malgré les mesures prises, les moyens de défense actuels ont été insuffisants pour réduire considérablement le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité. Tant que des consultations avec l’industrie ferroviaire et ses représentants syndicaux n’auront pas lieu, que des stratégies ne seront pas élaborées et que des mesures de défense physiques ne seront pas mises en œuvre, les mouvements non contrôlés continueront de constituer un risque pour le système de transport ferroviaire. Le Bureau a évalué que la réponse de TC à la recommandation R14-04 dénotait une attention en partie satisfaisante. Note de bas de page 172

    À la suite de l’enquête sur le mouvement non contrôlé de matériel sur la voie principale à Saskatoon (Saskatchewan) en 2016Note de bas de page 173, le BST a déterminé que le résultat souhaité, soit une importante réduction du nombre de mouvements non contrôlés, n’avait pas encore été réalisé malgré les initiatives mises en œuvre par TC et l’industrie. Par conséquent, le Bureau a émis la préoccupation en matière de sécurité suivante :

    le Bureau s'inquiète du fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et pour améliorer la sécurité.

    1.35 Liste de surveillance du BST

    La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. L’événement à l’étude fait ressortir 3 de ces enjeux.

    1.35.1 Mouvements imprévus ou non contrôlés d'équipement ferroviaire

    Les mouvements imprévus ou non contrôlés d'équipement ferroviaire figurent sur la Liste de surveillance 2020.

    Les mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire peuvent engendrer des situations très risquées aux conséquences potentiellement catastrophiques. De 2010 à 2019, le nombre de mouvements imprévus ou non contrôlés affichait une tendance à la hausse; le plus grand nombre a été enregistré en 2019, avec 78 événements (figure 46).

    Figure 46. Événements mettant en cause des mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire, de 2010 à 2019 (Source : BST)
    Image
    Événements mettant en cause des mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire, de 2010 à 2019 (Source : BST)

    * Tendance à la hausse du nombre d’événements pendant la période (τb = 0,6293, p = 0,0119). L’estimation de la pente selon Sen est une estimation objective de la pente véritable d’une tendance.

    TC et l’industrie ferroviaire ont pris des mesures importantes assorties d’autres mesures de protection d’ordre administratif pour prévenir de tels événements. Ils ont également pris des mesures pour réduire la fréquence de ces événements en utilisant des moyens de défense physiques, comme des dérailleurs, lorsque c’est nécessaire. Toutefois, le résultat souhaité, c’est-à-dire la réduction de la fréquence de ces événements, n’a pas été atteint.

    MESURES À PRENDRE

    Mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire

    Bien que les trois catégories de mouvements imprévus ou non contrôlés présentent certaines causes communes, elles nécessitent toutes l’application de stratégies uniques soit dans le but de prévenir les événements, soit pour réduire les risques connexes. TC, les compagnies de chemin de fer et les syndicats des travailleurs doivent collaborer, élaborer des stratégies et mettre en œuvre des mesures de défense physiques et des mesures de protection d’ordre administratif pour chaque type de mouvement non contrôlé. En ce qui concerne la sécurité des cheminots et du public, le BST souhaite que la tendance actuelle relative au nombre d’événements de ce genre soit renversée.

    1.35.2 Gestion de la sécurité

    La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2020.

    Toutes les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent avoir un SGS depuis 2001. De plus, les exigences réglementaires ont été considérablement améliorées en 2015. Cependant, depuis lors, les SGS des compagnies n’ont pas réalisé les améliorations attendues en matière de sécurité associées à une gestion de la sécurité et une culture de sécurité bien établies, puisque le taux d’accidents de train en voie principale ne s’est pas amélioré. De récentes enquêtes du BST ont mis en évidence de nombreuses lacunes dans le contexte desquelles des dangers n’ont pas été cernés et des mesures efficaces d’atténuation des risques n’ont pas été prises (rapports d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R17D0123, R17W0267 et R18H0039 du BST). Le BST croit que les SGS des compagnies de chemin de fer ne permettent pas encore de cerner efficacement les dangers et d’atténuer les risques dans ce secteur.

    MESURES À PRENDRE

    La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport ferroviaire jusqu’à ce que les données sur la sécurité soient recueillies et analysées afin de déterminer de façon fiable l’évaluation des risques et l’atténuation des risques, ce qui permet d’améliorer de façon mesurable la sécurité.

    1.35.3 Surveillance réglementaire

    La surveillance réglementaire figure sur la Liste de surveillance 2020.

    Certains transporteurs ne gèrent pas efficacement leurs risques en matière de sécurité, comme en témoignent l’augmentation du taux d’accidents sur voie principale, le nombre de mouvements non contrôlés et le nombre récent de pertes de vie chez les employés. De plus, les suivis et les interventions effectués par TC ne parviennent pas toujours à amener les entreprises à changer des pratiques d’exploitation non sécuritaires.

    MESURES À PRENDRE

    La surveillance réglementaire restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport ferroviaire jusqu’à ce que la surveillance effectuée par TC permette de déterminer si les systèmes de gestion de la sécurité des exploitants sont efficaces, c.-à-d. que les exploitants cernent les dangers et évaluent les risques, que des mesures efficaces d’atténuation des risques sont mises en œuvre et que les exploitants valident l’efficacité des mesures de sécurité mises en œuvre. De plus, lorsque des exploitants ne sont pas en mesure de gérer efficacement la sécurité, TC doit intervenir de manière à modifier les pratiques d’exploitation non sécuritaires.

    1.36 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP213/2019 – Brake control valve examination [Examen des distributeurs de freins]
    • LP192/2019 – Wheels examination [Examen des roues]
    • LP075/2020 – Train dynamic analysis [Analyse de la dynamique des trains]
    • LP214/2019 – Handbrake testing and human performance assessment [Essais des freins à main et évaluation du rendement humain]
    • LP014/2022 – Brake retarding force calculations [Calculs de la force retardatrice des freins]

    2.0 Analyse

    2.1 Introduction

    Le train 301-349 de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (Canadien Pacifique, ou CP) s’est mis à rouler de lui-même après avoir été immobilisé sur la pente en terrain montagneux de Field Hill (Colombie-Britannique) pendant 2 heures 52 minutes par température extrêmement froide à la suite d’un serrage d’urgence des freins.

    Quelques heures plus tôt, lorsque le train s’engageait dans la partie la plus abrupte de la pente au point milliaire 125,6 de la subdivision de Laggan près de Partridge (Colombie-Britannique), le mécanicien de locomotive (ML) descendant n’avait pas pu maintenir la vitesse du train à la vitesse permise de 15 mi/h ou moins. Lorsque la vitesse du train avait dépassé de 5 mi/h la vitesse permise, l’équipe de train avait serré d’urgence les freins et avait immobilisé le train au point milliaire 127,46.

    Presque 3 heures plus tard, peu après l’arrivée de l’équipe de relève et, alors que les freins étaient encore serrés d’urgence et que les robinets de retenue étaient réglés à la position « haute pression » (HP) sur 84 des 112 wagons, le train avait commencé sa descente non contrôlée de la montagne.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le train a accéléré en dévalant la montagne, sur une pente abrupte descendante et dans des courbes prononcées, jusqu’à ce qu’il atteigne une vitesse de 53 mi/h, ce qui dépassait largement la vitesse maximale autorisée de la voie. Cette vitesse excessive a entraîné des forces centrifuges élevées qui, de concert avec les forces latérales générées par les forces compressives modérées s’exerçant sur le train, ont fait en sorte que la locomotive s’est renversée dans une courbe à 9,8° et a déraillé au point milliaire 130,6.

    Les 3 membres de l’équipe à bord de la locomotive de tête ont subi des blessures mortelles. Les mesures prises par l’équipe de relève n’avaient nullement contribué au mouvement non contrôlé du train.

    L’analyse de l’accident à l’étude portera sur les sujets suivants :

    • la formation des équipes et des superviseurs;
    • les instructions et procédures relatives aux opérations sur Field Hill;
    • les facteurs qui ont mené à la détérioration du rendement du système de freins à air du train;
    • les mesures et les décisions prises par l’équipe descendante et le coordonnateur de trains après le serrage d’urgence des freins à Partridge;
    • la technologie de freinage disponible qui aurait pu aider à prévenir l’accident;
    • la compétence des équipes;
    • l’historique des problèmes de rendement relatifs aux systèmes de freins à air des trains céréaliers du CP pendant les opérations hivernales;
    • les rapports sur les dangers et l’atténuation des risques;
    • la surveillance réglementaire.

    2.2 L’accident

    2.2.1 Avant le serrage d’urgence des freins

    Le train a atteint le sommet de la pente près de Stephen (Colombie-Britannique), au point milliaire 122,4. Une fois que tout le poids du train s’est trouvé sur la pente, le train a accéléré beaucoup plus vite que prévu.

    Pour essayer de contrôler la vitesse du train, le ML descendant s’est servi du frein dynamique de la locomotive en combinaison avec le niveau le plus bas possible du serrage des freins, c.-à-d. un serrage des freins par réduction minimale de la pression, conformément aux pratiques recommandées de manœuvre des trains.

    Une fois qu’ils sont serrés, les freins automatiques d’un train de marchandises ne peuvent pas être desserrés progressivement; ils peuvent seulement être soit serrés davantage, soit complètement desserrés et rechargés. C’est pourquoi on enseigne aux ML de se servir du niveau le plus bas possible de serrage des freins du train, de concert avec le frein dynamique de la locomotive, surtout en cours d’opérations sur une pente en terrain montagneux. Si un effort de freinage supplémentaire s’impose pour contrôler la vitesse, on a généralement recours à de petites augmentations progressives du serrage des freins (de l’ordre de 2 ou 3 lb/po²) pour augmenter le serrage des freins minimal utilisé au départ. Dans l’événement à l’étude, toutefois, ces augmentations progressives du serrage des freins ont été inefficaces, et le train a continué d’accélérer.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Après avoir dépassé le point milliaire 126, le train s’est engagé sur une des pentes les plus abruptes de Field Hill. À cette étape, les serrages des freins de service successifs faits par le ML descendant, de concert avec les freins dynamiques de locomotive disponibles, n’ont pas réussi à maintenir la vitesse du train en deçà de la limite de vitesse maximale de 15 mi/h. Par conséquent, conformément aux instructions de la compagnie, l’équipe a effectué un serrage d’urgence des freins et a immobilisé le train sur Field Hill au point milliaire 127,46.

    2.2.2 Pendant l’arrêt d’urgence

    Arrêter le lourd train-bloc en serrant d’urgence les freins sur une pente en terrain montagneux, surtout par temps extrêmement froid, a eu d’importantes répercussions. Pour rétablir les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins, l’équipe devait soit utiliser les robinets de retenue pour effectuer un desserrage et un resserrage des freins en descente (release and catch) sur une pente abrupte, soit immobiliser le train à l’aide des freins à main, une opération qui pouvait interrompre le trafic ferroviaire pendant plusieurs heures. Par comparaison, un train semblable arrêté sur une voie en palier n’aurait besoin que des freins indépendants de la locomotive pour rester stationnaire pendant qu’on rétablit les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins et qu’on recharge le circuit de freinage.

    Pour décider de la marche à suivre, l’équipe descendante et le coordonnateur de trains ont tenu une séance de briefing, conformément aux procédures d’exploitation de Field Hill (FHOP).

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    L’équipe descendante et le coordonnateur de trains ont choisi d’utiliser les robinets de retenue seulement, et la chef de train les a par la suite réglés à la position « haute pression » sur 75 % des wagons (84 wagons), conformément aux FHOP. Parce que le quart de travail de l’équipe touchait à sa fin, le directeur des contrôleurs de la circulation ferroviaire (CCF) a commandé une équipe de relève, qui rétablirait les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins et terminerait le voyage à Field.

    Une autorisation d’occupation de la voie a été délivrée pour permettre le transport de l’équipe descendante et de l’équipe de relève entre Yoho (Colombie-Britannique) et Partridge à bord d’un chasse-neige sur rail.

    Les membres de l’équipe de relève sont arrivés environ 2,5 heures après l’arrêt d’urgence du train; l’équipe avait pris du retard à Field, parce que le ML avait choisi de commencer son quart de travail 2 heures plus tard, conformément à sa convention collective, de même qu’à Yoho, en raison d’un dispositif d’aiguillage défectueux. Entre-temps, la capacité du système de freinage du train à maintenir le train immobilisé a continué de diminuer.

    2.2.3 Le mouvement non contrôlé

    L’équipe de relève et l’équipe descendante ont eu une discussion de transfert d’équipe à équipe, après laquelle les membres de l’équipe de relève ont assumé le contrôle du train. Avant de pouvoir commencer à desserrer et à recharger les freins à air en prévision du départ, ils devaient attendre que l’autorisation d’occupation de la voie soit résiliée. Le ML de relève a fait savoir au CCF au cours d’une conversation qu’il ne rétablirait pas les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins avant d’avoir reçu la confirmation que la voie devant lui n’était pas occupée.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Une dizaine de minutes environ après le transfert d’équipe à équipe, le train s’est mis à rouler de lui-même.

    Le train non contrôlé a accéléré progressivement jusqu’à atteindre une vitesse de 53 mi/h.

    Le train a réussi à franchir plusieurs courbes prononcées, y compris des contre-courbes successives; toutefois, il n’a pas pu franchir la courbe prononcée de 9,8° qui précède le pont de la rivière Kicking Horse et il a quitté les rails.

    La locomotive s’est renversée juste avant d’arriver au pont. Sous la force d’inertie, la locomotive a quitté la voie du côté haut de la courbe (du côté droit dans le cas à l’étude) et a suivi une trajectoire en ligne droite; au même moment, en raison de la force centrifuge, la locomotive s’est renversée et a déraillé.

    La structure de la voie était en bon état et solidement gelée dans le sol, et n’a joué aucun rôle dans le déraillement. Les rails étaient bien ancrés aux traverses et aucune marque ni entaille de roue n’était visible sur le dessus des rails, ce qui laisse croire que les roues à l’extérieur de la courbe n’ont pas sauté ni roulé par-dessus le rail extérieur. De plus, il n’y avait aucun signe de contact avec le sol (éraflures ou résidus de terre) sur le dessous de la locomotive. L’absence d’éraflures sur le dessus du rail et sur le dessous de la locomotive laisse croire que la locomotive s’est tout d’abord renversée et a quitté la voie, puis a glissé sur une certaine distance et s’est finalement immobilisée sur son flanc gauche dans le lit de la rivière.

    2.3 Formation

    La formation et le développement visent à créer un niveau de compétence suffisant pour permettre aux personnes ou aux équipes, une fois qu’elles se sont qualifiées, d’exercer leurs fonctions respectives en toute sécurité.

    En vertu des articles 25 à 27 du Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (le Règlement sur le SGS), une compagnie de chemin de fer doit également inclure ce qui suit dans son SGS à l’égard des employés exerçant des fonctions essentielles à la sécurité de l’exploitation ferroviaire :

    • un plan visant à s’assurer qu’ils acquièrent les compétences, les connaissances et les qualifications nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute sécurité,
    • une méthode pour vérifier qu’ils possèdent les compétences, les connaissances et les qualifications nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute sécurité.

    2.3.1 Formation de l’équipe descendante

    2.3.1.1 Chef de train

    La chef de train de l’équipe descendante s’était qualifiée en août 2018. Le soir de l’événement, la chef de train descendante en était à son 4e voyage sur Field Hill depuis qu’elle s’était qualifiée. Pendant la portion de sa formation donnée en classe, elle n’avait jamais reçu de formation sur simulateur pour Field Hill. En outre, une grande partie de sa formation en cours d’emploi avait eu lieu dans des cours de triage. Néanmoins, on l’avait affectée à un des territoires les plus exigeants au Canada et on s’attendait à ce qu’elle participe aux séances de briefing et qu’elle contribue à la discussion sur la meilleure façon de rétablir les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins. Puisque le programme de certification pour Field Hill à l’intention des chefs de train avait pris fin et qu’il n’y n’avait pas de formation en cours d’emploi spécifique sur Field Hill, elle n’avait pas suffisamment de connaissances des opérations en terrain montagneux pour être en mesure de donner un point de vue objectif quant aux plans d’action possibles après le freinage d’urgence du train.

    Étant donné que la formation de chef de train est uniformisée à l’échelle du réseau ferroviaire, il est compréhensible qu’elle porte sur les éléments que tous les territoires ont en commun, laissant les sujets d’intérêt local, tels que l’effet des températures extrêmement froides sur les systèmes de freinage, à couvrir dans le cadre de séances de formation ou de formations en cours d’emploi spécialisées.

    Fait établi quant aux risques

    Si la formation donnée en classe n’aborde pas les exigences uniques du territoire où les employés seront appelés à travailler, et si les employés ne reçoivent pas de formation en cours d’emploi sur ce territoire, ils ne seront pas bien préparés ni suffisamment formés pour exercer leurs fonctions en toute sécurité, ce qui augmente le risque d’accident.

    Après l’arrêt d’urgence sur Field Hill, la chef de train a réglé les robinets de retenue de 84 des wagons du train, comme convenu pendant la séance de briefing.

    Le réglage des robinets de retenue n’est pas une tâche que les chefs de train sont appelés à effectuer souvent, car il est rarement nécessaire de le faire sauf pour aider à l’exécution d’un scénario de desserrage et resserrage des freins en descente après un serrage d’urgence des freins sur une pente descendante raide ou en terrain montagneux. Le jour de l’événement, et pour la première fois, la chef de train s’était exercée à effectuer cette tâche avec l’aide du ML descendant pendant qu’ils attendaient le passage d’un autre train sur une voie d’évitement à Keith (Alberta). Avant ce jour, elle n’avait reçu aucune formation ou instruction sur la façon de régler les robinets de retenue et ne s’était pas encore trouvée dans une telle situation dans l’exercice de ses fonctions.

    La vérification des pistons de cylindre de frein pendant le réglage des robinets de retenue permet au chef de train de voir quels wagons ont déjà perdu toute la pression dans le cylindre de frein. N’ayant pas reçu de formation contenant cette information, la chef de train ne savait pas que l’observation de la position du piston pendant le réglage des robinets de retenue aurait pu lui indiquer l’état des freins des wagons. Cette observation peut donner lieu à une discussion sur la nécessité d’adopter un autre plan d’action. Ni le coordonnateur de trains ni le ML n’ont soulevé la question de la position des pistons au cours de la séance de briefing, et il n’y avait aucune instruction dans le FHOP indiquant de vérifier la position du piston pendant le réglage des robinets de retenue.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    En raison de lacunes du programme de formation, la chef de train descendante ne savait pas qu’il fallait observer la position du piston du cylindre de frein pendant le réglage des robinets de retenue et, par conséquent, des robinets de retenue ont probablement été réglés sur des wagons dont les freins étaient inefficaces.

    2.3.1.2 Mécanicien de locomotive

    Le ML de l’équipe descendante s’est qualifié en août 2012. Pendant sa formation en cours d’emploi, il a effectué de 2 ou 3 voyages par semaine, en compagnie de ML chevronnés. Après s’être qualifié, il est retourné à son ancien poste de chef de train et a travaillé comme ML de relève sur diverses subdivisions lorsqu’une affectation se présentait. Il est passé en permanence sur la liste de réserve de la subdivision de Laggan en 2018.

    Les ML doivent être certifiés pour la subdivision sur laquelle ils travaillent. Sur la subdivision de Laggan, la certification pour les ML prend environ 3 mois supplémentaires de formation spécialisée sur les opérations sur Field Hill, ce qui comprend des voyages pour s’exercer et se qualifier à descendre la pente en terrain montagneux et reprendre les opérations en toute sécurité lorsqu’un train doit être immobilisé sur la pente en terrain montagneux.

    Le ML avait suivi le programme spécialement conçu pour les opérations sur Field Hill et avait obtenu la certification pour Field Hill.

    Le programme de certification du CP pour Field Hill ne contient pas de module spécialement consacré aux défis que présentent les opérations en terrain montagneux par temps extrêmement froid. Une telle formation pourrait sensibiliser les employés aux problèmes liés au fonctionnement du système de freins à air par temps extrêmement froid et augmenter la vigilance des ML lorsqu’ils se trouvent dans des situations semblables à celle de l’équipe descendante dans l’événement à l’étude.

    2.3.2 Formation du coordonnateur de trains

    La supervision est un moyen de contrôle administratif qui soutient ou renforce les aspects liés aux facteurs humains, y compris le respect des procédures, les priorités, la charge de travail, les exigences en matière de repos, l’engagement et la motivation. Les superviseurs, en tant que symboles d’autorité, peuvent avoir un impact marquant sur de nombreux facteurs qui ont une incidence sur les comportements en milieu de travailNote de bas de page 174.

    Tout individu qui joue un quelconque rôle de supervision doit avoir la formation et les compétences voulues. Les compétences comprennent les aptitudes techniques aussi bien que des compétences non-techniques comme la planification, la communication et la délégation. Les compétences techniques devraient comprendre une compréhension des dangers et des mesures de contrôle liés au travail supervisé.

    Le coordonnateur de trains s’était qualifié comme ML dans le cadre du programme de formation des gestionnaires et avait travaillé comme ML dans d’autres subdivisions. Il avait travaillé dans la subdivision de Laggan en qualité de chef de train et possédait une expérience de la supervision de la subdivision en qualité de CCF, mais il n’avait pas travaillé comme ML qualifié dans cette subdivision. Par conséquent, il n’avait jamais reçu la formation spécialisée pour Field Hill, qui comprend des exercices sur le terrain et des scénarios de desserrage des freins et resserrage en descente sur une pente en terrain montagneux. De plus, bien qu’il ait effectué une centaine de voyages en tant que ML, le coordonnateur de trains n’avait jamais manœuvré un train sur Field Hill. Sa formation et son expérience pratique ne comprenaient pas la manœuvre de trains-blocs céréaliers par températures extrêmement froides en terrain montagneux et il n’avait pas acquis une connaissance concrète des caractéristiques topographiques du territoire en tant que ML.

    Les consignes disponibles dans les FHOP font état de [traduction] « conditions de freinage anormales qui exigent l’utilisation des freins à main ». Le train de l’événement à l’étude a été arrêté d’urgence parce que le serrage progressif des freins de service n’arrivait pas à lui seul à maintenir la vitesse en deçà de la vitesse maximale autorisée; malgré cela, le coordonnateur de trains n’a pas perçu ce fait comme une condition de freinage anormale. De plus, la température ambiante était inférieure à −25 °C, ce qui influe sur le système de freinage.

    Les programmes de formation devraient préparer suffisamment les personnes pour qu’elles soient en mesure de réagir à des circonstances d’exploitation défavorables comme des arrêts d’urgence sur des pentes en terrain montagneux.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La formation et l’expérience du coordonnateur de trains ne l’avaient pas préparé adéquatement à évaluer des circonstances anormales dans l’environnement d’exploitation complexe de Field Hill.

    Par le passé, les situations d’exploitation complexes comme rétablir les systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins sur Field Hill n’étaient pas gérées par des coordonnateurs de trains mais plutôt par des contremaîtres de locomotive. Le poste de coordonnateur de trains et celui de contremaître de locomotive se complètent et jouent tous deux un rôle essentiel dans l’exploitation des trains : les contremaîtres de locomotive sont des spécialistes qui se concentrent sur les aspects techniques de la manœuvre des trains et des locomotives, et les coordonnateurs de trains sont des généralistes qui effectuent diverses tâches, pouvant aller de l’exercice d’une supervision générale des ML et des chefs de train aux opérations ferroviaires quotidiennes et au soutien logistique (p. ex. prendre des dispositions pour le transport des équipes de train, mener des tests de compétence).

    Le poste de contremaître de locomotive au terminal de Calgary (Alberta) avait été vacant de 2016 à 2018. Pendant ce temps, les responsabilités et la charge de travail du poste avaient été prises en charge par les coordonnateurs de trains, qui n’étaient pas tenus d’être des ML chevronnés, qualifiés pour Field Hill. Ceci a entraîné une perte d’expertise et d’expérience techniques qui n’a pas été comblée, ce qui a diminué le soutien offert aux équipes de train afin d’assurer l’exploitation des trains en toute sécurité, surtout en situations d’urgence.

    Même si les coordonnateurs de trains ont assumé les fonctions de contremaître de locomotive, ils n’ont pas reçu la formation technique ni l’expérience pratique nécessaires pour acquérir les connaissances requises afin d’assurer un transfert de ces fonctions sans difficulté et en toute sécurité.

    Au moment de l’événement, une personne portait le titre de contremaître de locomotive au terminal de Calgary, mais son expertise et son expérience techniques étaient semblables à celles d’un coordonnateur de trains.

    Fait établi quant aux risques

    Lorsque les fonctions d’un spécialiste sont transférées à un poste de généraliste, à moins que de la formation technique et de l’expérience pratique ne viennent combler les écarts qui existent entre ces 2 postes, il y a un risque accru que ces fonctions ne soient pas effectuées convenablement.

    2.3.3 Formation sur la gestion des ressources en équipe

    Dans le cadre de recherches sur la performance humaine, des exemples portant sur le travail d’équipe révèlent que [traduction] : « une bonne communication dans le groupe, un niveau élevé de conscience de la situation, et une compréhension exhaustive du processus de prise de décision de la part de tous les membres du groupe sont tous des prérequis à la création d’une synergie et au rendement efficace de toute l’équipeNote de bas de page 175 ». La formation sur la gestion des ressources en équipe (CRM) aide les membres d’équipe à donner et à recevoir de l’information de manière à prendre de bonnes décisions.

    La formation sur la CRM n’est pas obligatoire dans l’industrie ferroviaire au Canada et, par conséquent, ne fait pas partie du plan de formation que doivent suivre les chefs de train et les ML en vertu du Règlement sur les normes de compétence des employés ferroviaires.

    Le CP donne une formation initiale sur la CRM à ses nouveaux employés d’exploitation. Cette formation fournit de l’information précieuse pour indiquer aux employés comment travailler en toute sécurité; toutefois, cette formation consiste en un module de 1 heure et est donnée à un moment où les employés en formation s’efforcent déjà d’absorber beaucoup de nouvelles informations. Il se peut que les employés ne saisissent pas bien la pertinence de l’information fournie sur la CRM à cette étape de leur formation, surtout en l’absence d’exercices pratiques visant à faire le lien entre les concepts couverts et leur mise en application sur le terrain.

    Au Canada, les Normes de service aérien commercial exigent que les exploitants de services aériens qui assurent une liaison régulière donnent à tous les membres d’équipage de conduite une formation initiale et une formation périodique annuelle sur la CRM. VIA Rail Canada Inc. donne à ses ML un cours de 8 heures sur la CRM suivi d’une formation périodique tous les 3 ans. Par contre, la formation sur la CRM du CP n’est pas offerte de façon périodique et n’est donnée qu’au cours de la formation initiale. En l’absence d’une formation périodique sur la CRM, il est possible que les principes de la CRM ne soient plus abordés après la formation initiale.

    Fait établi quant aux risques

    Lorsque les employés d’exploitation ne reçoivent pas de formation initiale et périodique adéquates sur la CRM, notamment sur la façon de prendre des décisions lorsqu’il y a un rapport d’autorité, la coordination et l’interaction entre les membres d’équipe pourraient ne pas être efficaces, ce qui augmente le risque d’accidents liés à des facteurs humains.

    2.4 Arrêt d’urgence

    2.4.1 Conduite du train avant l’arrêt d’urgence

    2.4.1.1 Augmentations du débit d’air lors du serrage des freins

    Peu après avoir quitté le triage Alyth, le ML descendant a remarqué une augmentation du débit d’air chaque fois qu’il serrait les freins à air. Ces augmentations se sont produites lorsque le train a été arrêté pour un croisement de trains à Keith, à Banff (Alberta) et à Eldon (Alberta). De plus, une augmentation soudaine et imprévue du débit d’air s’est manifestée peu après une réduction minimale de 7 lb/po² de la pression dans la conduite générale alors que la tête du train entamait la descente de Field Hill. Quelque 8 minutes plus tard, lorsque la pression dans la conduite générale a été encore réduite de 3 lb/po², une autre augmentation du débit d’air a été remarquée.

    Les données du consignateur d’événements de locomotive (CEL) de la locomotive à traction répartie au milieu du train indiquaient un débit d’air lors du serrage des freins allant jusqu’à 35 pieds cubes par minute (PCM). De plus, les locomotives à traction répartie de tête et de queue maintenaient la pression dans la conduite générale et on pourrait s’attendre à ce qu’elles aient enregistré un débit d’air semblable lorsque les freins étaient serrés.

    Une augmentation du débit d’air dans la conduite générale ne se produit normalement que lorsque les freins à air sont desserrés et pendant que la conduite générale et les réservoirs d’air des wagons sont rechargés. Une augmentation soudaine et imprévue du débit d’air lorsque les freins à air sont serrés indique une fuite d’air excessive ou un desserrage intempestif des freins.

    Fait établi : Autre

    Étant donné que la continuité de la conduite générale n’a été compromise à aucun moment ni d’aucune façon, et qu’aucun desserrage intempestif des freins du train n’est survenu avant le déraillement, la seule autre cause possible de l’augmentation du débit d’air lors du serrage des freins était une fuite d’air excessive sur un ou plusieurs wagons. Ceci peut entraîner une diminution de la pression dans le cylindre de frein ou le desserrage des freins à air sur des wagons.

    2.4.1.2 Essais de frein en marche

    Le sous-alinéa 12.1 de l’article 3 des instructions générales d’exploitation (IGE) du CP exige, en partie, de réaliser un essai de frein en marche sur tous les trains pour conditionner les freins et vérifier leur fonctionnement avant de descendre des pentes de 2 % et plus Note de bas de page 176. De plus, les procédures de conduite des trains du CP pour la subdivision de Laggan précisent que les trains roulant vers l’ouest doivent faire l’objet d’un essai de frein en marche avant d’arriver au point milliaire 113 Note de bas de page 177. Cette exigence vise à s’assurer que l’essai est effectué pendant que le train roule encore sur diverses pentes ascendantes avec un changement de niveau modéré. Après le point milliaire 113, le train commence à monter des pentes plus abruptes allant jusqu’à 1 %, ce qui rend difficile de vérifier convenablement le fonctionnement des freins en raison de l’effet de ralentissement causé par le changement de niveau plus prononcé.

    Lorsque le train arrive à Stephen (point milliaire 123,1), il entame une descente longue et abrupte sur Field Hill, au cours de laquelle les freins à air sont serrés constamment pendant 60 minutes environ avant d’arriver à Field (point milliaire 136,6).

    L’enquête a permis de constater que les freins à air automatiques du train à l’étude avaient été serrés à 2 endroits distincts sur une distance de 8,5 milles avant d’atteindre le point milliaire 113. Les freins avaient été serrés pour la première fois alors que le train s’engageait et s’immobilisait sur la voie d’évitement à Eldon, où il était demeuré pendant 90 minutes en attendant que 2 trains en direction inverse dégagent la voie. Les freins avaient été serrés une deuxième fois lorsque le train faisait marche arrière pour sortir de la voie d’évitement et qu’il s’était immobilisé au point milliaire 105,7.

    Les freins dynamiques avaient également été serrés pendant que le train faisait marche arrière, et étaient demeurés serrés pendant les 3600 derniers pieds. En outre, les freins indépendants de locomotive avaient été serrés progressivement au cours des 30 dernières secondes du mouvement pour aider à immobiliser le train juste à la sortie de l’aiguillage est de la voie d’évitement. Le train avait ensuite repris sa route vers l’ouest sans que les freins soient serrés de nouveau entre le départ d’Eldon et l’arrivée au point milliaire 113.

    Les 2 serrages des freins à Eldon ont été examinés dans le contexte des exigences des procédures de conduite des trains pour la subdivision de Laggan et du sous-alinéa 12.2 de l’article 3 des IGE. La procédure d’essai de frein en marche des IGE indique, en partie, de serrer les freins du train « avec suffisamment de force pour s’assurer qu’ils fonctionnent normalement » et de « ne pas serrer les freins de la locomotive à ce stade » Note de bas de page 178.

    Les serrages des freins à Eldon ont été effectués alors qu’il n’y avait ni poudrerie ni d’accumulation de neige au-dessus de la tête du rail, et avant que le train arrive au point milliaire 113. Compte tenu de la durée des 2 serrages des freins et des conditions en vigueur à ce moment-là, chaque serrage des freins aurait suffi pour conditionner les freins, évaluer la réponse au serrage des freins, et vérifier le bon fonctionnement du système de freinage.

    Bien que les freins dynamiques et les freins indépendants aient été utilisés un certain temps pendant que le train faisait marche arrière pour sortir de l’aiguillage est de la voie d’évitement à Eldon, on estime que ces sources de freinage supplémentaires ne pouvaient pas empêcher le ML d’évaluer le bon fonctionnement du système de freinage. Contrairement au sous-alinéa 12.2 de l’article 3 des IGE, qui indique de « ne pas serrer les freins de la locomotive à ce stade » Note de bas de page 179, certaines compagnies de chemin de fer, comme la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), exigent spécifiquement que les freins de locomotive demeurent serrés durant un essai de frein en marche pour s’assurer qu’ils sont également conditionnés Note de bas de page 180.

    Lorsque les conditions météorologiques sont défavorables, par exemple de la pluie verglaçante, une accumulation de neige au-dessus de la tête du rail, ou des températures ambiantes de moins de −15 °C Note de bas de page 181, il est d’une importance critique de maintenir les surfaces de freinage libres de glace et de neige et prêtes à être utilisées, et de vérifier le bon fonctionnement du système de freinage avant d’entamer la descente d’une pente abrupte. Toutefois, un essai de frein en marche réussi, même s’il est avantageux en soi, ne permet pas d’évaluer des problèmes potentiels de fuites qui peuvent réduire progressivement la capacité de freinage d’un train qui descend une longue pente abrupte.

    Les rencontres à Eldon ont eu lieu plus tôt pendant la soirée, soit entre 19 h et 20 h 30, avant que la température ambiante ne chute à moins de −25 °C, une température de froid extrême. Lorsque le train s’est engagé dans la voie d’évitement, les freins sont demeurés serrés pendant environ 35 minutes. Lorsque, par la suite, le train a fait marche arrière pour sortir de la voie d’évitement, les freins ont été serrés pendant environ 6 minutes. L’information consignée indique que les freins à air ont fonctionné comme prévu au cours des 2 arrêts du train; par conséquent, ces arrêts n’auraient pas permis de révéler de possibles problèmes de rendement.

    Fait établi : Autre

    L’essai de frein en marche effectué à Eldon n’a révélé aucune anomalie de freinage importante parce que les fuites dans le système de freinage n’avaient pas encore été aggravées par le temps extrêmement froid, parce que les serrages des freins n’ont pas duré assez longtemps pour que les fuites nuisent au rendement du système de freins à air, et parce que le train ne se trouvait pas sur la pente en terrain montagneux.

    L’effet cumulatif de fuites excessives dans le système de freins à air est plus prononcé pendant un long serrage des freins à air, surtout par températures ambiantes extrêmement froides.

    2.4.2 Modèle mental des conducteurs à l’égard de l’efficacité des freins du train

    Les personnes qui travaillent dans un milieu opérationnel complexe prennent des décisions en créant un modèle mental du milieu opérationnel. En raison des limites touchant les données et l’information sensorielle, ce modèle mental n’est jamais tout à fait exact. Normalement, les éléments opérationnels essentiels sont pris en compte comme il se doit, grâce à la formation et à l’expérience renforcées par les règles et procédures d’exploitation. Il arrive toutefois que l’information nécessaire pour créer un modèle mental soit corrompue ou complètement masquée, ce qui nuit à la création d’un modèle mental de la situation et, par conséquent, au reste du processus de prise de décision.

    2.4.2.1 Exposition répétée au freinage inefficace

    L’exposition répétée à une situation opérationnelle complexe sans conséquence négative peut entraîner un passage progressif d’un état de vigilance élevée à un état détendu ou normal. Chaque exposition successive sans conséquence négative diminue l’attention d’une personne à l’égard d’une source de risque, surtout lorsque les indices qui servent à évaluer la présence de risque sont confus, mal interprétés, ou considérés comme étant simplement une variation normale des conditions d’exploitation.

    Des rapports sur les dangers pour la sécurité portant sur des trains-blocs céréaliers ayant eu des problèmes de freinage pendant la descente de Field Hill avaient été présentés par des équipes de train en janvier et en février depuis nombre d’années. Le moment de l’année où ces incidents s’étaient produits indique que les problèmes de freinage de ces trains étaient intermittents et saisonniers; c’est-à-dire que le rendement des freins était surtout problématique lorsque la température ambiante était plus susceptible de chuter à moins de −25 °C.

    Le 3 février 2019, la veille de l’événement, le ML de relève a eu de la difficulté à descendre Field Hill en toute sécurité à bord d’un train-bloc chargé de céréales en raison d’un pauvre rendement des freins. Pendant la descente de la pente, il est passé si près d’une perte de maîtrise totale qu’il a demandé au CCF de dégager la voie devant lui, y compris les voies de Field. Il a dû effectuer un serrage à fond des freins du train et se servir au maximum des freins dynamiques de locomotive pour maintenir la vitesse du train. Après ce voyage, il a rempli un rapport sur un danger pour la sécurité.

    Dans les opérations du CP, les trains-blocs céréaliers étaient si souvent exploités tout près de la limite de leur capacité de freinage par températures extrêmement froides qu’une détérioration de la capacité de freinage était devenue normalisée.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Parce que la détérioration de la capacité de freinage se produisait de façon saisonnière à bord des trains-blocs céréaliers du CP par température extrêmement froide, cette situation était devenue normalisée de sorte que les équipes s’attendaient à devoir utiliser presque toute la capacité de freinage disponible pendant la descente de Field Hill.

    Par conséquent, les ML avaient acquis une tolérance au risque plus élevée et avaient adapté leurs pratiques normales de manœuvre des trains sur Field Hill par journées très froides.

    Fait établi quant aux risques

    Si les équipes de train travaillent régulièrement dans des conditions dangereuses, comme la dégradation du rendement au freinage par températures extrêmement froides, chaque voyage réussi augmente la tolérance au risque et réduit la capacité de l’équipe à reconnaître, à évaluer correctement et à gérer les dangers à l’avenir, ce qui augmente le risque d’accident.

    2.4.2.2 Affichage peu visible du débit d’air

    Le Manual of Standards and Recommended Practices de l’Association of American Railroads (AAR) stipule que, en matière de philosophie de conception, l’importance de l’information ferroviaire transmise par une alarme doit être indiquée par la couleur de fond (c.-à-d. que les alarmes sur fond rouge sont les plus urgentes, celles sur fond jaune sont moins urgentes, et celles sur fond blanc sont les moins urgentes).

    Bien que l’écran d’affichage du conducteur dans la cabine de la locomotive comprenait un champ d’affichage pour le débit d’air dans la conduite générale, le champ n’était pas particulièrement visible parmi toute l’information affichée. Le champ « Flow » sur l’écran du conducteur à bord de la locomotive à l’étude affichait un petit chiffre blanc qui ne clignotait pas et ne changeait ni de couleur ni d’importance, peu importe les circonstances ou le taux de débit d’air affiché.

    Malgré le fait qu’une augmentation du débit d’air dans la conduite générale à la suite d’un serrage des freins du train soit un signe reconnu de desserrage intempestif des freins du train, le débitmètre d’air affiché à l’écran du conducteur de la locomotive n’était pas conçu pour changer d’apparence afin d’attirer l’attention sur des changements du taux de débit d’air pouvant être problématiques. Malgré l’absence de tels indices, la compagnie de chemin de fer s’attendait à ce que les ML surveillent efficacement le débit d’air dans la conduite générale.

    Fait établi quant aux risques

    Si les principes de conception établis ne sont pas suivis pour afficher l’information essentielle à la sécurité sur l’écran d’affichage du conducteur de locomotive, des indices importants pourraient passer inaperçus, ce qui augmente le risque d’accident.

    2.4.2.3 Conscience réduite de l’importance des augmentations du débit d’air lors du serrage des freins

    À la suite d’événements mécaniques imprévus ou anormaux, la prise de décisions du conducteur se base sur le contexte opérationnel et sur son expérience personnelle. La documentation sur les facteurs humains Note de bas de page 182 décrit un modèle de rationalité limitée qui influe sur la perception du conducteur en fonction des contraintes en matière de ressources disponibles. Le respect d’un horaire, les limites quant aux heures de service et les délais sont des exemples de contraintes en matière de ressources que les conducteurs doivent gérer tout en essayant d’atteindre un juste équilibre entre de nombreux objectifs parfois contradictoires.

    En cours de route, le ML descendant a remarqué que le débit d’air augmentait chaque fois que les freins étaient serrés. Ces augmentations du débit d’air lors du serrage des freins se sont produites pendant qu’il arrêtait le train pour des croisements de trains à Keith, à Banff et à Eldon. Une augmentation du débit d’air a également été remarquée pendant que le train descendait Field Hill. Les augmentations qui s’étaient produites auparavant ont été communiquées au coordonnateur de trains par le ML descendant. Le coordonnateur de trains n’a pas fait le lien entre ces renseignements et la difficulté à contrôler le train et il a signalé qu’il étudierait la question plus tard dans le cadre d’un examen de suivi mené sur les données téléchargées du CEL.

    Après l’annulation du Bulletin CPSB048-13, l’obligation de signaler ces situations ne faisait plus partie des fonctions immédiates des équipes. Dans le secteur ferroviaire, le fait d’exiger le signalement de certains événements est un moyen de défense administratif lié à la sécurité et au contrôle de l’exploitation. Par conséquent, l’annulation de l’obligation de signaler au CCF les augmentations du débit d’air lors du serrage des freins a eu pour effet de diminuer l’importance de ces événements en tant que symptôme d’un mauvais fonctionnement du système de freinage et de diminuer la vigilance du ML descendante.

    Dans des systèmes complexes, les conducteurs doivent traiter des données présentées sous différentes formes afin de jeter les bases permettant de prendre des décisions opérationnelles. Bien que les instruments affichent la majorité des paramètres de fonctionnement normal du matériel, les indices distincts qui reflètent le fonctionnement plus en profondeur du système peuvent être plus difficiles à percevoir, surtout si le résultat de certaines interactions n’a pas été incorporé au système. Des indices manquants ou trompeurs liés au fonctionnement du système peuvent compromettre l’efficacité de la conscience de la situation (c.-à-d., la capacité de percevoir et de comprendre une situation et de prévoir son évolution)Note de bas de page 183. Cela peut avoir les répercussions suivantes sur le processus décisionnel :

    • Les conducteurs pourraient ne pas percevoir correctement, ou ne pas percevoir du tout, la situation qui se développe : ils pourraient ne pas remarquer des conditions hors tolérance si le système n’est pas conçu pour associer des alarmes, des mises en garde ou des avis au fonctionnement du système. D’autre part, les conducteurs pourraient percevoir incorrectement la situation qui se développe s’ils attribuent les indices à d’autres sources d’ennuis possibles.
    • Les conducteurs pourraient percevoir la situation sans la comprendre : p. ex., les augmentations du débit d’air lors du serrage des freins peuvent être rattachées à des facteurs environnementaux externes qui se répercutent sur le rendement du système de freinage.
    • Les conducteurs pourraient comprendre certains indices mais ne pas être en mesure de prévoir comment la situation peut se compliquer par la suite : p. ex., les augmentations du débit d’air lors du serrage des freins pourraient être rattachées au rendement du système de freinage sans être rattachées au rendement des robinets de retenue (c.-à-d. que la capacité du robinet de retenue à maintenir efficacement la pression résiduelle dans le cylindre de frein exige la présence d’une pression résiduelle dans le cylindre de frein au moment du réglage du robinet de retenue).

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Même si les augmentations du débit d’air lors du serrage des freins avaient été remarquées et avaient fait l’objet de discussions, leur importance comme principal indicateur du mauvais fonctionnement du système de freins n’a peut-être pas été pleinement comprise; on a ainsi raté l’occasion de diagnostiquer correctement la perte d’efficacité du système de freins à air du train.

    2.4.3 Détérioration de la capacité de freinage du train

    L’enquête a permis de constater que de multiples facteurs sous-jacents ont contribué, ou ont donné lieu, à une détérioration du rendement du système de freinage du train, plus particulièrement les fuites dans les composantes du système de freins à air (cylindre de frein, distributeur de wagon, conduite générale, réservoir auxiliaire et d’urgence), la faible réaction aux petites réductions progressives de la pression dans la conduite générale, le desserrage intempestif des freins, et le vieillissement de l’équipement. Plusieurs de ces conditions ont été aggravées par la température extrêmement froide et ont réduit la marge de sécurité pendant que le train descendait la pente en terrain montagneux par températures extrêmement froides.

    Des données provenant de plusieurs sources ont été examinées et analysées pour évaluer l’état du système de freinage du train :

    • l’état du matériel roulant après le déraillement;
    • les données du CEL;
    • les résultats des calculs de l’effort de freinage et des simulations de la dynamique du train;
    • les résultats d’une série d’essais effectués sur la locomotive et 13 wagons céréaliers récupérés sur le site de l’accident;
    • les mesures de température des roues prises sur les wagons du train à l’étude lors de voyages antérieurs effectués par des températures ambiantes différentes.
    2.4.3.1 Fuite d’air dans le cylindre de frein

    On s’attend à ce qu’une fuite d’air comprimé se produise dans un wagon, surtout lors des opérations pendant la saison froide. Le taux de fuite peut varier énormément d’un wagon à l’autre en fonction de plusieurs facteurs. La plupart des fuites qui peuvent se produire n’empêcheront pas le système de freins à air du wagon de fonctionner comme prévu et ne nuiront pas à l’efficacité des freins du wagon. Le cylindre de frein, toutefois, est un des éléments du frein à air qui peut être lourdement touché par une fuite d’air. La perte de pression dans le cylindre de frein d’un wagon, attribuable à une fuite, réduit la force de freinage fournie par ce wagon. Un cylindre de frein qui a une importante fuite pourrait se vider complètement, à un point tel que les semelles de frein n’entrent plus en contact avec la surface de la table de roulement de la roue, de sorte que les freins ne sont plus efficaces du tout. Un wagon qui ne fournit pas la force de freinage prévue ne contribue pas pleinement à la force retardatrice du train.

    La pression dans les cylindres de frein d’un wagon n’est maintenue que jusqu’à un maximum d’environ 8 à 12 lb/po², peu importe le serrage des freins à air en vigueur. Une fuite au cylindre de frein peut être particulièrement problématique pour les trains lourds qui descendent une longue pente où les freins à air demeureront serrés plus longtemps.

    Le taux de fuite maximal permissible au cylindre de frein est de 1 lb/po² par minute pendant un temps d’attente de 1 minute, selon la norme S-486, « Code of Air Brake System Tests for Freight Equipment - Single Car Test », de l’AAR. En cas de fuite d’air au cylindre de frein, même dans les limites acceptables, la force exercée par le piston est réduite, ce qui diminue l’efficacité du freinage du wagon.

    Les fuites au cylindre de frein sont aggravées par la détérioration des joints d’étanchéité des joints en coupelle en raison de l’âge et de l’usure, de même que par la détérioration de la graisse lubrifiant le système de joints en coupelle. Ces fuites sont encore aggravées par températures froides, lorsque les joints en coupelle de caoutchouc, les joints d’étanchéité et la graisse se durcissent et se contractent. Rien n’exige un entretien périodique des cylindres de frein des wagons. Par conséquent, les cylindres de frein peuvent demeurer en service longtemps.

    Pendant une série de serrages progressifs des freins effectués après l’événement sur les 13 wagons céréaliers récupérés, la pression au cylindre de frein a chuté à 21 lb/po², soit 57 % du maximum théorique, après 19 minutes d’utilisation continue. Ces résultats donnent toutes les raisons de croire que le système de freins à air de ces wagons ne pourrait pas fournir un freinage suffisamment efficace, ce qui compromettrait l’exploitation en toute sécurité d’un train-bloc chargé de céréales dans une situation exigeant que les freins à air demeurent serrés pendant une longue période, comme lors de la descente d’une longue pente en terrain montagneux.

    Les essais effectués après l’événement ont permis de constater que la baisse de pression dans les cylindres de frein d’environ 50 % des 13 wagons céréaliers récupérés après 19 minutes d’utilisation continue a fait en sorte que les wagons n’ont pas fourni le plein effort de freinage attendu. Il a été démontré que le rendement de ces 13 wagons représentait celui des autres wagons du train à l’étude.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Les essais effectués après l’événement permettent de déduire que l’efficacité des freins à air de 52 des 112 wagons du train à l’étude était réduite pendant la première descente de Field Hill et que, par conséquent, un serrage d’urgence des freins s’imposait.

    Au cours des essais effectués à l’extérieur à Banff, on a mesuré les fuites d’air comprimé aux cylindres de frein avec le robinet de retenue réglé à la position haute pression (HP). Les fuites au cylindre de frein ont été mesurées après le desserrage d’un freinage à fond ou d’urgence. À la fin de l’essai (1 heure et 45 minutes), on a constaté et consigné que la pression dans 7 des 13 wagons récupérés (54 %) avait chuté à 0 lb/po².

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Dans le train à l’étude, compte tenu de la température extrêmement froide et de la longue période pendant laquelle les wagons sont demeurés immobilisés avec les freins serrés, le taux de perte de pression au cylindre de frein de certains des wagons sur lesquels les robinets de retenue étaient réglés était probablement excessif.

    Fait établi quant aux risques

    Lorsque les trains sont exploités par températures extrêmement froides, des fuites au cylindre de frein se produisent, ce qui augmente le risque que l’utilisation de robinets de retenue en vue de préserver la capacité de freinage soit inefficace.

    2.4.3.1.1 Fuite au cylindre de frein et augmentation du débit d’air lors du serrage des freins

    Au cours des essais effectués sur le banc d’essai de 150 wagons chez Wabtec, un taux de fuite au cylindre de frein de 1 lb/po² par minute a été induit sur la moitié des wagons de la rame d’essai, ce qui a augmenté le débit d’air d’environ 2,1 pi3/min à la suite d’une réduction de 10 lb/po² de la pression dans la conduite générale. Sur le train à l’étude, des valeurs de débit d’air de l’ordre de deux chiffres ont été remarquées lors du serrage des freins pendant la descente initiale du train en direction de Partridge, ce qui indique qu’il y avait des fuites excessives aux cylindres de frein d’un grand nombre de wagons, de même que des fuites d’autres sources, comme la conduite générale et les joints d’étanchéité plus âgés sur les distributeurs des wagons.

    Selon la courbe de détérioration du freinageNote de bas de page 184, une pression dans le cylindre de frein d’environ 40 lb/po² (engendrée par une réduction de 15 lb/po² de la pression dans la conduite générale) commencera à baisser et atteindra la pression de 10 lb/po², maintenue par la soupape de régulation rapide de service, après environ 20 minutes lorsque le cylindre de frein fuit à un taux initial de 1 lb/po² par minute. C’est ce qu’on a constaté au cours des essais effectués à l’extérieur à Banff sur les 13 wagons céréaliers récupérés. Lors de ces essais, 38 % des wagons avaient à toute fin pratique perdu leur effort de freinage pendant les serrages des freins de service : la pression aux cylindres de frein était passée de 38 lb/po² à des valeurs entre 0 et 10 lb/po² en l’espace de 19 à 20 minutes.

    Fait établi quant aux risques

    Lorsqu’un train descend une longue pente, où les freins peuvent demeurer serrés pendant plus de 20 minutes, même avec un taux de fuite au cylindre de frein respectant la limite acceptable maximale précisée dans la norme S-486 SCT (soit 1 lb/po² par minute) de l’AAR, il y a un risque que la fuite au cylindre de frein rende le système de freins à air inefficace.

    2.4.3.2 Petites réductions inefficaces de la pression dans la conduite générale

    Dans l’événement à l’étude, pour maintenir une vitesse maximale de 15 mi/h pendant la descente de la pente en terrain montagneux de 2,2 %, il aurait fallu que les freins à air soient serrés progressivement pour compenser la perte continue d’air comprimé aux cylindres de frein des wagons.

    Les résultats des essais effectués sur les wagons récupérés ont permis de constater que, dans le train à l’étude, après 20 minutes de serrage continuel des freins, la pression aux cylindres de frein était probablement épuisée à un point tel qu’un serrage d’urgence des freins s’imposait pour empêcher toute nouvelle accélération et immobiliser le train.

    Les wagons récupérés ont été soumis à des serrages des freins progressifs (2 à 3 lb/po²) sur des périodes allant de 7 à 20 minutes. Plus de 50 % des wagons n’ont pas réagi comme prévu et n’ont pas affiché une augmentation appréciable de la pression au cylindre de frein. Ce résultat souligne l’importance de réduire la pression dans la conduite générale par plus de 2 à 3 lb/po² lors de serrages successifs des freins à air.

    Fait établi : Autre

    De petites réductions progressives de la pression dans la conduite générale pourraient ne pas être suffisamment fortes pour se propager sur toute la longueur de la conduite générale lorsqu’un débit d’air élevé se produit simultanément. Elles peuvent également donner lieu à une vague de pression qui n’arrive pas à déclencher efficacement le serrage des freins voulu sur les distributeurs des wagons plus âgés ou moins sensibles.

    2.4.3.2.1 Faible réaction des dispositifs de serrage de type DB-10 à de petites réductions de pression dans la conduite générale

    Divers essais sur le terrain et en laboratoire effectués par les fabricants de distributeurs de wagon et par l’AAR ont démontré que les dispositifs de serrage de type DB-10 de la New York Air Brake (NYAB) fabriqués avant 2005 ne réagissaient pas comme prévu à de petites réductions progressives de la pression à la suite d’une réduction minimale de la pression dans la conduite générale. Les serrages des freins n’ont entraîné que très peu d’augmentation de la pression aux cylindres de frein sur certains wagons et, par conséquent, la pression du réservoir auxiliaire a fui vers la conduite générale par l’orifice d’échappement, entraînant un desserrage des freins intempestif.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Vingt-sept des wagons du train à l’étude avaient des distributeurs de wagon munis de dispositifs de serrage de type DB-10. Il est probable que la réaction de ces dispositifs de serrage aux faibles serrages progressifs des freins effectués alors que le train roulait entre Stephen et Partridge ait contribué à la difficulté à contrôler la vitesse du train, de sorte qu’un serrage d’urgence des freins s’imposait à Partridge.

    2.4.3.3 Fuite d’air aux distributeurs de wagon

    Les distributeurs de wagon réagissent aux réductions et aux augmentations de pression dans la conduite générale en serrant et en desserrant et rechargeant les freins des wagons qu’ils contrôlent. En milieux de froid extrême, les joints d’étanchéité internes de caoutchouc et les joints toriques des distributeurs de wagon peuvent rétrécir, causant une fuite d’air.

    L’enquête a permis de constater que les composantes en caoutchouc d’un certain nombre de distributeurs des wagons du train étaient déjà en mauvais état, ce qui a contribué au manque d’efficacité du système de freinage du train.

    Selon la lettre générale GL-490 de NYAB, les dispositifs de serrage NYAB-Knorr de type DB-10 des distributeurs de wagon fabriqués il y a plus de 13 ans peuvent être touchés par des problèmes de fuite par l’orifice d’échappement inférieur dans des températures extrêmement froides en raison d’un joint d’étanchéité de caoutchouc usé dans le dispositif de serrage. Ce problème est caractérisé par une augmentation du débit d’air dans la conduite générale et une fuite au réservoir auxiliaire lors du serrage des freins. Cette fuite pourrait entraîner le desserrage intempestif des freins de service d’un wagon.

    À la suite d’un mouvement non contrôlé sur l’embranchement industriel de Luscar du CN en 2018, des essais supplémentaires effectués par NYAB ont permis de relever des problèmes au niveau des dispositifs de serrage d’urgence de type DB-20. Ces essais ont permis de constater que des joints de caoutchouc usés et détériorés engendraient des fuites excessives aux distributeurs de wagon par températures extrêmement froides. Ces fuites entraîneraient un mauvais fonctionnement des distributeurs lors de serrages des freins de service et d’urgence. Ces situations ne se produiraient que lorsque les températures ambiantes sont extrêmement basses.

    Le train à l’étude comprenait 27 wagons céréaliers munis de dispositifs de serrage de type DB-10 et de dispositifs de serrage d’urgence de type DB-20 de NYAB-Knorr fabriqués il y a plus de 13 ans.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il est donc fort probable que le système de freins à air des 27 wagons céréaliers munis de dispositifs de serrage de type DB-10 et de dispositifs de serrage d’urgence de type DB-20 de NYAB-Knorr fabriqués il y a plus de 13 ans n’ait pas pu maintenir un freinage suffisamment efficace à cause de fuites excessives par des joints d’étanchéité de caoutchouc usés et détériorés.

    Jusqu’en 1992, le remplacement des distributeurs de wagon se faisait sur une base périodique. Au moment de l’événement, le remplacement des distributeurs de wagon se faisait selon l’état du distributeur, tel qu’établi par un essai sur wagon individuel (SCT). Cette pratique posait de sérieux risques pour la sécurité de trains-blocs chargés qui descendaient des pentes en terrain montagneux par températures extrêmement froides.

    Fait établi : Autre

    L’essai sur wagon individuel, qui est habituellement effectué dans un atelier ou sur une voie de réparation extérieure par températures plus chaudes, ne révèle pas les défectuosités des distributeurs de wagon qui se manifestent dans des conditions d’exploitation froides ou extrêmement froides.

    2.5 Le mouvement non contrôlé

    2.5.1 Prise de décision après l’arrêt d’urgence

    2.5.1.1 Procédures d’exploitation de Field Hill

    Les instructions d’exploitation pour la subdivision de Laggan se trouvent dans les indicateurs du CP, les IGE, les bulletins de marche, les instructions spéciales, les bulletins d’exploitation et les procédures de conduite des trains. Les instructions relatives à Field Hill se trouvent dans les FHOP.

    2.5.1.1.1 Révisions graduelles des procédures

    Dès leur création, les FHOP incitaient à utiliser des robinets de retenue comme première étape du rétablissement des freins à air après un arrêt d’urgence sur Field Hill.

    De 1998 jusqu’à 2012, les FHOP exigeaient l’utilisation de robinets de retenue sur au moins 65 % des wagons et, si les conditions d’exploitation (p. ex. conditions de freinage anormales) exigeaient l’utilisation de freins à main, les freins à main devaient être serrés sur la totalité (100 %) des wagons. C’était à l’équipe de train de décider s’il fallait utiliser les freins à main selon leur évaluation du rendement du train, de la météo et de l’état des rails. Les membres de l’équipe pouvaient demander les conseils et l’avis technique d’un gestionnaire de service de ligne mais, en fin de compte, c’est à eux surtout qu’incombait la décision de serrer les freins à main en plus de régler les robinets de retenue.

    En 2012, des modifications apportées aux FHOP ont établi une distinction entre la 1re et la 2e urgence pour ce qui est du pourcentage de robinets de retenue à régler et de freins à main à serrer.

    • Le pourcentage de robinets de retenue nécessaires après une 1re urgence est passé d’au moins 65 % des wagons chargés à au moins 75 % des wagons chargés, alors que le pourcentage de freins à main à serrer (lorsque des conditions anormales l’exigeaient) a baissé de 100 % à au moins 75 %.
    • Après la 2e urgence, les exigences étaient de régler les robinets de retenue sur 100 % des wagons chargés (plutôt qu’au moins 65 % des wagons chargés), ainsi que de serrer 40 freins à main sur les wagons à la tête du train, plutôt que sur chaque wagon.

    Les modifications apportées en 2012 ont indiqué clairement, dans une note, que [traduction] « [t]ous les trains circulant vers l’ouest qui doivent effectuer un deuxième freinage d’urgence après le point milliaire 123,0 doivent communiquer avec un gestionnaire du service de ligne et respecter ses instructions », alors qu’en 2008, cette exigence ne s’appliquait que dans le cas d’un 2e freinage d’urgence.

    Les FHOP de 2012 ont également ajouté une séance de briefing obligatoire entre l’équipe de train et le coordonnateur de trains après le 1er freinage d’urgence. La séance de briefing est une importante occasion pour les membres de l’équipe et le coordonnateur de trains de partager de l’information sur le rendement du train, les facteurs environnementaux, et tout risque lié à la conduite du train.

    Ensemble, la séance de briefing et les consignes des FHOP constituaient les ressources en vigueur au moment de l’accident permettant d’élaborer un plan d’action après un freinage d’urgence sur Field Hill.

    2.5.1.1.2 Lignes directrices procédurales de la compagnie comparativement à des procédures prescriptives

    Dans les FHOP en vigueur au moment de l’événement, les procédures pour le rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins sur Field Hill étaient des lignes directrices plutôt qu’une procédure d’urgence prescriptive. Les tâches étaient facultatives, et non obligatoires, ce qui poussait les conducteurs à prendre des décisions en fonction de leur expérience combinée et de leur compréhension de la situation. Les FHOP étaient fondées sur les présomptions suivantes :

    • une communication efficace pour en arriver à un consensus entre l’équipe de train et le coordonnateur de trains sur l’état actuel et prévu du train;
    • une entente entre les membres de l’équipe;
    • une prise en compte de conditions anormales, comme la météo ou un train qui freine mal, et une compréhension de leur effet;
    • une expertise technique de la part de chaque participant à la séance de briefing;
    • la connaissance des opérations, l’expérience et les qualifications requises pour circuler sur le territoire.

    Étant donné que les FHOP étaient des lignes directrices procédurales plutôt qu’une procédure d’urgence prescriptive, elles ne contenaient aucune instruction obligatoire axée sur des conditions environnementales ou mécaniques. Une approche fondée sur des lignes directrices pose le risque que les conducteurs les plus proches de la situation d’urgence sous-estiment la gravité de la situation.

    Dans l’événement à l’étude, le train avait eu une perte de maîtrise potentielle lorsque l’équipe descendante n’avait pas pu contrôler la vitesse du train, ce qui avait donné lieu à l’arrêt d’urgence à Partridge. À ce moment, la température ambiante se trouvait dans la plage de températures reconnues comme pouvant causer un fonctionnement anormal des freins à air—et elle continuait de descendre. Les FHOP indiquaient que des « conditions anormales » pourraient dicter un certain plan d’action, mais elles ne contenaient pas de seuil explicite de conditions anormales auquel les membres de l’équipe auraient été obligés de prendre des mesures précises.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Malgré que l’équipe descendante eût constaté un rendement au freinage médiocre du train ayant exigé un arrêt d’urgence, les FHOP n’ont pas mené l’équipe et le coordonnateur de trains à conclure que la situation justifiait de serrer des freins à main en plus de régler des robinets de retenue.

    Dans la mesure où les FHOP étaient conçues pour aider les employés à décider quelles mesures prendre après un arrêt d’urgence, elles étaient très différentes des outils de gestion des urgences en usage dans d’autres secteurs des transports.

    Par exemple, les listes de vérification du manuel de référence rapide utilisées en aviation commerciale sont conçues pour amener les utilisateurs à prendre des mesures précises en situation d’urgence. Elles sont faciles à lire et, par nature, définissent clairement et sans ambiguïté le comportement anormal du matériel et les mesures à prendre en conséquence.

    Une liste de vérification en cas d’arrêt d’urgence sur Field Hill pourrait inclure les conditions particulières dans lesquelles il serait obligatoire de serrer des freins à mains, par exemple une température ambiante froide précise, l’existence d’augmentations du débit d’air lors du serrage des freins ou une période maximale pendant laquelle un train est autorisé à rester immobilisé.

    Dans l’ensemble, ces listes de vérification sont conçues selon une approche axée sur la personne qui suppose que les équipes qui s’en servent ont des expériences différentes et travaillent dans des conditions de stress accru; cette approche réduit les possibilités d’erreur.

    Fait établi quant aux risques

    Si les consignes sur la façon de réagir en situation d’urgence ne sont pas explicites mais dépendent plutôt de l’interprétation de la situation par les employés, le processus décisionnel des employés pourrait ne pas reposer sur de l’information exacte, ce qui augmente le risque qu’un plan d’action dangereux soit mis en œuvre.

    2.5.1.2 Séance de briefing

    Après l’arrêt d’urgence du train sur Field Hill, les FHOP exigeaient la tenue d’une séance de briefing. Au cours de cette séance, le coordonnateur de trains, après consultation de l’équipe descendante, devait décider du meilleur plan d’action pour le rétablissement des systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins.

    2.5.1.2.1 Méthodes disponibles pour le rétablissement des systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins

    Comme condition préalable au rétablissement des systèmes de freinage après un arrêt d’urgence, la première méthode préconisée par les FHOP est de régler les robinets de retenue d’au moins 75 % des wagons chargés avant d’avoir recours à l’utilisation de freins à main. Les FHOP précisent que, lorsqu’ils envisagent de serrer des freins à main après un premier serrage d’urgence des freins sur Field Hill, les conducteurs devraient prendre leur décision en fonction de la situation (par exemple, l’emplacement du train sur la pente, la météo ou autres conditions qui pourraient compromettre la capacité de freinage du train). Si un deuxième serrage d’urgence des freins s’avérait nécessaire, les FHOP exigent que les robinets de retenue soient réglés sur 100 % des wagons chargés, et que 40 freins à main soient serrés à la tête du train.

    Le fait de laisser aux conducteurs le choix de régler seulement des robinets de retenue ou de serrer des freins à main après un premier arrêt d’urgence pose problème parce que ces méthodes diffèrent au niveau de l’effort requis, de leur usage et de leur efficacité, surtout dans des conditions environnementales extrêmes.

    Il est relativement facile pour un chef de train seul de régler des robinets de retenue. De par leur conception, ces robinets se servent du système de freins à air du wagon pour retenir une pression d’air résiduelle dans le cylindre de frein après le desserrage des freins et pendant leur rechargement. L’efficacité des robinets de retenue comme moyen temporaire pour limiter l’accélération du train pendant le desserrage et le rechargement du système de freinage dépend de composantes qui peuvent avoir déjà contribué à la détérioration du freinage et peuvent être déjà compromises; par conséquent, la pression d’air au cylindre de frein et l’effort de freinage attendus pourraient ne pas être disponibles.

    D’autre part, pour être fait correctement, le serrage des freins à main prend beaucoup plus de temps et d’énergie. En hiver, cette tâche se complique davantage parce que les vêtements d’hiver encombrants réduisent la mobilité et que la neige le long de la voie rend les déplacements difficiles. Parce que cette tâche prend du temps, le serrage d’un grand nombre de freins à main peut interrompre le trafic ferroviaire pendant des heures et peut avoir d’importantes répercussions sur les opérations ferroviaires à l’échelle du réseau.

    Vu l’ampleur des conséquences du serrage des freins à main, à la fois pour la charge de travail du chef de train et pour les opérations ferroviaires, il est extrêmement difficile de prendre et de justifier la décision de serrer les freins à main en l’absence de critères clairs et objectifs basés sur une évaluation du danger. Dans l’événement à l’étude, les membres de l’équipe et le coordonnateur de trains savaient que la queue du train bloquait l’aiguillage est de la voie d’évitement à Partridge, ce qui entravait la route aux autres trains dans les 2 directions.

    2.5.1.2.2 Évaluation de la situation par le coordonnateur de trains

    La sécurité est assurée lorsque les conducteurs réussissent à utiliser leurs connaissances pour atteindre des objectifs opérationnels dans des situations où les ressources sont restreintes. Le concept de rationalité limitée dans des secteurs complexes suppose que les ressources, y compris les connaissances du conducteur, sont invariablement limitées. Par conséquent, le plan d’action élaboré en fonction de ces ressources peut être incomplet ou erroné, surtout lorsqu’il y a de nombreux objectifs à atteindre avec un nombre limité de ressources.

    L’évaluation de l’arrêt d’urgence par le coordonnateur de trains était basée sur son expérience des trains céréaliers et sur la méthode adoptée dans plus d’une douzaine d’arrêts d’urgence au cours desquels le recours aux robinets de retenue avait été chose courante.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Après la séance de briefing, qui n’a pas abordé les facteurs critiques, comme la température ambiante, le rendement du système de freinage et l’importance des augmentations du débit d’air lors du serrage des freins, qui auraient pu pousser à serrer les freins à main, le coordonnateur de trains a décidé que régler les robinets de retenue était suffisant après ce premier arrêt d’urgence.

    2.5.1.2.3 Rôle du coordonnateur de trains à titre de chef technique pour la prise de décision

    En ce qui concerne le choix du plan d’action pour le rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins sur Field Hill, le pouvoir décisionnel du coordonnateur de trains est ancré dans les FHOP qui stipulent, en partie [traduction] : « Tous les trains en direction ouest qui effectuent un serrage d’urgence des freins après le point milliaire 123,5 doivent communiquer avec le coordonnateur de trains de service par l’entremise du CCF et suivre ses instructions »Note de bas de page 185. Telles qu’elles sont formulées, les FHOP accordent le pouvoir global au coordonnateur de trains, en raison de son rôle de superviseur et du fait qu’on présume qu’il possède une plus grande expérience dans le groupe et la compagnie, et des connaissances plus approfondies sur les arrêts d’urgence sur Field Hill.

    Le processus de prise de décision est éclairé par des séances de briefing avec les équipes de train et est conçu pour en arriver à une compréhension commune du travail à accomplir et des mesures à prendre en vue d’assurer l’exploitation en toute sécurité. Dans la pratique, les membres de l’équipe communiquent des renseignements essentiels relativement à l’exploitation sécuritaire du train, ce qui peut comprendre une discussion à propos des dangers possibles et des moyens à prendre pour s’en protéger. Afin d'assurer l'efficacité des interactions entre les membres de l'équipe dans le cadre de l'élaboration d'un plan d'action, chaque membre de l'équipe doit sentir qu'il peut apporter une contribution, comme son expérience ou son expertise technique, tout en étant ouvert aux contributions des autres membres, qui ont généralement une personnalité, une ancienneté et une expérience différentes.

    Dans l’événement à l’étude, la décision du coordonnateur de trains de seulement régler les robinets de retenue n’a pas été remise en question. Alors que la chef de train n’avait pas suffisamment d’expérience pour formuler une opinion, le ML descendant avait acquis de l’expérience et des connaissances sur le rendement des trains dans une des conditions d’exploitation variées. Il avait manœuvré le train d’Alyth jusqu’à Partridge et avait constaté que le train réagissait de façon inattendue et inadéquate lors d’une série de serrage de freins sur Field Hill, ce qui l’avait poussé à serrer d’urgence les freins. Le résultat de la séance de briefing était conforme aux FHOP, c’est-à-dire que l’équipe de train descendante avait respecté l’interprétation de la situation par le coordonnateur de trains et avait réglé les robinets de retenue.

    Le rôle de coordonnateur de trains en tant que titulaire du pouvoir décisionnel décrit dans les FHOP est un rôle de leadership critique, appuyé par des séances de briefing au cours desquelles l’échange de renseignements techniques entre les membres de l’équipe est essentiel. La communication avec les coordonnateurs de trains se fait généralement à distance; ils sont donc des membres à peine intégrés à l’équipe. Les circonstances entourant la prise de décision peuvent être pires si le coordonnateur de trains ne possède ni l’expertise technique, ni l’expérience de la conduite des trains en terrain montagneux nécessaires sur lesquelles s’appuyer pour cerner les risques dans une situation opérationnelle complexe. Dans l’événement à l’étude, l’efficacité du coordonnateur de trains à titre de chef technique dans la prise de décision a probablement été amoindrie par les incompatibilités entre son expérience, le manque de ressources comme des arbres décisionnels et d’autres aides à la décision, et les exigences liées à la supervision des opérations en terrain montagneux dans la subdivision de Laggan. Par conséquent, les possibilités de mettre à profit les compétences techniques et la conscience situationnelle de l’équipe descendante ont probablement été réduites. La structure de prise de décision des FHOP constitue une faiblesse potentielle si le coordonnateur de trains est mal préparé pour son rôle de chef technique. Même si la possibilité de créer un document de dépannage à l’intention des coordonnateurs de trains avait été abordée lors de réunions du comité de santé et de sécurité interfonctionnel de Calgary (Calgary Cross-Functional Health and Safety Committee, ou CCFHSC), comme l’indiquent les procès-verbaux des réunions du CCFHSC pour avril 2018, ce document n’a jamais été créé.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le coordonnateur de trains n’était pas certifié pour Field Hill et n’avait pas d’expérience antérieure d’un arrêt d’urgence sur Field Hill. Par conséquent, son processus décisionnel s’appuyait probablement sur les consignes décrites dans les FHOP, qui étaient communément interprétées comme signifiant que seuls les robinets de retenue devaient être réglés après un premier arrêt d’urgence sur Field Hill.

    2.5.2 Perte de la force retardatrice pendant l’arrêt sur Field Hill

    Le tableau 27 donne l’heure et l’endroit des principaux événements qui se sont produits sur Field Hill. Comme on peut le voir, le train était resté immobilisé avec les freins serrés d’urgence pendant environ 2 heures et 52 minutes lorsque le train s’est mis à rouler de lui-même. À ce moment-là, il s’était écoulé en tout environ 3 heures et 14 minutes depuis la réduction initiale de 7 lb/po2 de la pression dans la conduite générale alors que la tête du train entamait la descente de Field Hill. Pendant tout ce temps, des fuites d’air d’importance variée se produisaient aux cylindres de frein des wagons.

    Tableau 27. Temps total écoulé entre le premier serrage des freins et le début du mouvement non contrôlé
    Heure Endroit Point milliaire Événement Temps entre chaque événement
    21 h 28 min 13 s Stephen 123,12 Premier serrage des freins 00:00:00
    21 h 49 min 33 s Partridge 127,46 Arrêt d’urgence 00:21:20
    0 h 42 min 02 s Partridge 127,46 Le train se met à rouler 02:52:29
    Temps total écoulé 03:13:49

    Des calculs théoriques de la force de freinage indiquent que, compte tenu du poids du train, de la pente, de la vitesse du train, et de la distance dont le train a eu besoin pour s’arrêter après le serrage d’urgence des freins, il eut fallu une pression moyenne au cylindre de frein d’environ 47 lb/po2 pour exercer la force de freinage nécessaire pour arrêter le train. Une fois le train immobilisé, la force retardatrice nécessaire pour maintenir le train immobile sur la pente de 2,2 % aurait dû être fournie en petite partie par les freins indépendants des locomotives, mais aurait dû être principalement fournie par le système de freinage des wagons. En moyenne, chaque wagon aurait dû fournir au moins 31 lb/po2 de pression aux cylindres de frein. Tant que la pression aux cylindres de frein demeurait au-dessus de cette moyenne, on pouvait s’attendre à ce que le train demeure immobilisé.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Trois heures et 14 minutes après le premier serrage des freins à Stephen, il est probable que la pression moyenne aux cylindres de frein ait baissé en-deçà de 31 lb/po2 de sorte que la force retardatrice n’était plus suffisante pour empêcher le train de se mettre à rouler de façon non contrôlée vers le bas de la pente en terrain montagneux.

    Des essais effectués sur une rame d’essai de 150 wagons à Wabtec ont permis d’observer la diminution de la pression dans les cylindres de frein à divers taux de fuite induits. Les résultats de ces essais ont démontré que, à un taux de fuite de 0,5 lb/po2 par minute, la pression dans les cylindres de frein baissait de 47 lb/po2 à 31 lb/po2 en l’espace de 1 heure et 50 minutes. Puisque la pression moyenne aux cylindres de frein du train à l’étude est passée de 47 lb/po2 à moins de 31 lb/po2 en l’espace de 2 heures et 52 minutes, le taux moyen de fuite des cylindres de frein était probablement inférieur à 0,5 lb/po2 par minute sur les wagons dont les freins fonctionnaient. Ce taux de fuite se situe en-deçà du taux maximal acceptable pour l’essai de fuite au cylindre de frein de l’essai sur wagon individuel décrit dans la norme S-486 de l’AAR (1 lb/po2 par minute). Toutefois, le train était resté immobilisé sur la pente en terrain montagneux trop longtemps pour maintenir une pression moyenne aux cylindres de frein supérieure aux 31 lb/po2 nécessaires pour qu’il reste immobilisé.

    2.5.3 Évanouissement des semelles de frein dû au frottement

    Les trains exploités en territoire montagneux sont susceptibles de subir un évanouissement des semelles de frein dû au frottement. Ceci peut se produire lorsque les freins demeurent serrés pendant une longue période alors que le train roule. L’évanouissement des semelles de frein dû au frottement, aussi appelé évanouissement par frottement, se produit lorsque les températures à la surface de la table de roulement des roues atteignent le point où le coefficient de frottement entre les semelles composites à haut coefficient de frottement et les tables de roulement chute rapidement, habituellement lorsque la puissance au frein (BHP) est de plus de 30. La quantité de chaleur dégagée est proportionnelle à la BHP, qui est elle-même proportionnelle à la vitesse du train et à la force retardatrice des freins.

    Les calculs du BST démontrent qu’à partir de Stephen, où la première réduction de la pression dans la conduite générale a eu lieu, jusqu’à l’arrêt d’urgence à Partridge, la BHP est demeurée bien en-deçà du seuil d’évanouissement par frottement.

    Néanmoins, pendant le mouvement non contrôlé, le train a accéléré jusqu’à 53 mi/h. Sur les wagons dont les freins étaient efficaces, les conditions nécessaires à l’évanouissement par frottement auraient été présentes : à cette vitesse, la BHP aurait été de plus de 30 et aurait pu atteindre jusqu’à 67.

    Cette fourchette de BHP élevée ne se serait produite qu’au cours des 4 dernières minutes des 8,5 minutes au cours desquelles le mouvement non contrôlé a continué à accélérer sur la pente descendante en terrain montagneux avant de dérailler. Il s’agit d’une période relativement courte comparativement à la plupart des événements mettant en cause l’évanouissement par frottement, qui se développe habituellement de façon plus graduelle en raison d’une augmentation moins rapide de la vitesse et de l’effort de freinage. Toutefois, les semelles de frein de tout wagon du train à l’étude dont les freins étaient serrés d’urgence et conservaient une pression aux cylindres de frein d’au moins 50 lb/po2 exerçaient une grande force de freinage. Sur ces wagons, la BHP aurait dépassé 30 à une vitesse d’environ 12,5 mi/h.

    Les essais effectués à l’extérieur à Banff sur les 13 wagons récupérés ont permis de constater que 9 des wagons (soit 69 %) avaient une pression aux cylindres de frein de 50 lb/po2 ou plus après que les freins eurent été serrés d’urgence continuellement pendant 3 heures.

    Ces wagons auraient eu une BHP élevée et auraient subi un évanouissement des freins par frottement pendant le mouvement non contrôlé. Ces wagons auraient eux aussi subi un évanouissement des freins par frottement et un certain niveau de décoloration de teinte bleue serait apparu sur la surface de la table de roulement de leurs roues.

    L’examen des essieux montés récupérés a permis de constater que 59 % des surfaces des tables de roulement de roues réparties dans tout le train montraient des indices de bleuissage, ce qui indique un évanouissement par frottement, et près de 10 % des surfaces de roues présentaient un bleuissage important (prononcé et très prononcé).

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Un évanouissement par frottement des semelles de frein s’est produit sur les wagons dont les freins étaient efficaces, ce qui a contribué à la grande vitesse pendant le mouvement non contrôlé.

    2.5.4 Proportion de wagons dont les freins étaient inefficaces

    Une pression aux cylindres de frein moins élevée que prévu, ou qui diminue avec le temps en raison de fuites, est un signe d’une détérioration de l’efficacité du freinage. Par conséquent, on peut déduire le pourcentage de wagons du train dont les freins étaient inefficaces en comparant la pression au cylindre de frein théorique à la pression réelle obtenue pendant le freinage (de service et d’urgence).

    Les forces retardatrices ont été calculées pour le train chargé de céréales en fonction de son poids approximatif de 15 000 tonnes et en tenant compte du fait que 110 des 112 wagons avaient des freins qui fonctionnaient et que le train roulait sur une pente descendante de 2,2 % en moyenne. Les calculs ont permis de constater ce qui suit :

    • Pour maintenir la vitesse du train à 15 mi/h sur la pente descendante, il aurait fallu une pression moyenne de 25 lb/po2 au cylindre de frein de chaque wagon, de concert avec le niveau moyen de frein dynamique de la locomotive. Une réduction de pression dans la conduite générale de 10 lb/po2 aurait dû produire une pression au cylindre de frein de cette ampleur, et une réduction de 16 lb/po2 de la pression dans la conduite générale aurait dû produire une pression au cylindre de frein de 40 lb/po2. Toutefois, pendant que le train descendait Field Hill, les réductions graduelles de la pression dans la conduite générale, qui ont atteint un total de 16 lb/po2, n’ont pas produit la pression minimale au cylindre de frein de 25 lb/po2 nécessaire pour maintenir la vitesse du train, et celui-ci a continué d’accélérer.
    • La force retardatrice nécessaire pour immobiliser le train à partir d’une vitesse de 23 mi/h sur une distance de 1815 pieds sur la pente descendante aurait pu être produite avec une pression moyenne de 47 lb/po2 aux cylindres de frein. Si le système de freinage du train avait été pleinement efficace, un serrage d’urgence des freins aurait produit une pression moyenne de 77 lb/po2 aux cylindres de frein. Par conséquent, chaque wagon du train, en moyenne, n’a fourni qu’environ 61 % de son effort de freinage.
    • La force retardatrice nécessaire pour maintenir le train immobilisé après le serrage d’urgence des freins sur la pente descendante aurait pu être produite avec une pression moyenne de 31 lb/po2 (40 % du maximum théorique) aux cylindres de frein.

    Fait établi : Autre

    Selon les calculs de freinage, les wagons du train fournissaient, en moyenne, environ 61 % de leur effort de freinage à la suite du serrage d’urgence des freins à Partridge. Environ 3 heures plus tard, lorsque le train s’est mis à rouler de lui-même, l’effort de freinage s’était détérioré à moins de 40 % de l’effort de freinage maximal théorique.

    2.5.4.1 Proportion de wagons dont les roues étaient froides

    La température des roues de chacun des 112 wagons a été tirée des données enregistrées lors de leur voyage précédent en direction ouest vers Vancouver, quelque 2 semaines avant l’événement. Selon les températures enregistrées par les détecteurs de température des roues, environ 18 % des wagons étaient froids et les freins d’environ 60 % des wagons du train étaient efficaces. Toutefois, ces températures ont été prises lorsque la température ambiante se situait entre −0,5 °C et −4,0 °C; il faisait beaucoup plus froid (−25,0 °C) au moment où les freins du train à l’étude ont été serrés d’urgence.

    La température ambiante joue un rôle important dans l’efficacité du système de freinage et, de ce fait, dans les températures enregistrées par les détecteurs de température des roues. C’est pourquoi, bien que les données antérieures sur la température recueillies par les détecteurs de température des roues montraient que 18 % des wagons étaient « froids », ces données n’étaient sans doute pas représentatives, et constituaient probablement une surestimation, de la capacité de freinage du train à l’étude le soir de l’événement alors qu’il descendait la pente en terrain montagneux entre Stephen et Partridge.

    Le rendement du système de freinage est probablement mieux représenté par les données enregistrées pour 2 autres trains-blocs céréaliers circulant vers l’ouest qui sont passés devant les détecteurs de température de roues lorsque la température ambiante était semblable à celle du jour de l’événement. Lorsque ces trains sont passés devant le détecteur de température de roues situé au point milliaire 130 sur la subdivision de Laggan la veille de l’événement, alors que la température ambiante était de −25,6 °C, le pourcentage de wagons froids enregistrés était de 55 % et 56 %.

    Par températures extrêmement froides, certains des wagons du train à l’étude qui avaient affiché précédemment des températures de roue moyennes dans la fourchette marginale (entre 100 °F et 150 °F) auraient subi des fuites plus importantes au cylindre de frein, ce qui auraient rendu leurs freins inefficaces; de ce fait, le pourcentage de wagons du train dont les roues étaient froides le jour de l’événement devait être beaucoup plus élevé que les 18 % enregistrés par le détecteur de température de roues lors d’un voyage antérieur.

    Puisque la différence de température aurait eu la même incidence sur le train à l’étude que sur les trains-blocs céréaliers semblables qui se dirigeaient vers l’ouest, le pourcentage de wagons froids ou dont les freins étaient inefficaces du train à l’étude aurait été semblable (56 %) à une température ambiante semblable, soit −25,6 °C.

    Fait établi : Autre

    Compte tenu des données enregistrées par les WTD pour des trains-blocs céréaliers semblables exploités par températures extrêmement froides, c.-à-d. moins de −25 °C, les calculs indiquent qu’au moins 50 % des wagons du train à l’étude étaient froids, selon les critères pour les WTD établis par la compagnie de chemin de fer, au moment de l’événement.

    2.5.4.2 Proportion de roues dont la table de roulement était bleuie

    Les roues récupérées sur le site de l’événement ont été examinées pour vérifier si leurs tables de roulement étaient bleuies.

    Le bleuissage à la surface des tables de roulement des roues du matériel roulant, qui est causé par la chaleur générée par le frottement au cours d’un serrage important ou prolongé des freins, peut servir de mesure qualitative de la force de freinage relative exercée sur chaque roue.

    Environ 52 % des roues examinées montraient un bleuissage classé au niveau 0 (aucun bleuissage) et au niveau 1 (très léger bleuissage), ce qui indique que les roues n’avaient pas subi de chaleur frictionnelle élevée par frottement des semelles de frein pressées contre la table de roulement de la roue. Ceci porte à croire que les freins de ces wagons ne fonctionnaient pas (niveau 0) ou ne fonctionnaient que très peu (niveau 1).

    Le pourcentage de roues montrant un bleuissage de niveau 0 et de niveau 1 (52 % en tout) est comparable au pourcentage de wagons froids (56 %) relevé sur les trains céréaliers qui avaient circulé en direction ouest la veille de l’événement, alors que la température était de −25,6 °C.

    2.6 Efficacité des essais des freins à air obligatoires pour détecter les wagons dont les freins sont défectueux

    Les répercussions négatives de températures ambiantes extrêmement froides sur le rendement des freins et sur l’efficacité de la force de freinage sont bien connues. Il est toutefois très difficile de diagnostiquer un rendement des freins à air qui laisse à désirer à l’aide des essais des freins à air obligatoires pour les trains ou dans le cadre des essais sur wagon individuel (SCT) périodiques qui sont effectués lorsque les wagons de marchandises sont inspectés et mis à l’essai dans un atelier chauffé.

    Le train avait subi et réussi un essai de frein no 1 avant son départ du triage Alyth. L’essai, effectué sur un train immobilisé par des inspecteurs accrédités de wagons, vérifie si le système de freins à air est complètement chargé et si les freins à air se serrent et se desserrent en réaction à des réductions et des augmentations de la pression dans la conduite générale. L’essai comprend également l’inspection du système de freins à air du train pour vérifier si les boyaux sont accouplés, si les robinets d’arrêt sont à la bonne position, et si la timonerie de frein est intacte et fonctionnelle.

    En plus de vérifier visuellement si les pistons du cylindre de frein de chaque wagon se déploient et rentrent en réaction au serrage et au desserrage des freins à air, les inspecteurs cherchent également à cerner toute défectuosité de sécurité apparente susceptible de compromettre l’exploitation en toute sécurité de chaque wagon. Bien que l’essai de frein no 1 permette de vérifier la capacité de réagir du système de freins à air en s’assurant que les freins se serrent et se desserrent, il ne permet pas d’évaluer l’efficacité du système de freins à air. En outre, contrairement aux essais automatisés de l’efficacité des freins de train (Automated Train Brake Effectiveness [ATBE]), l’essai de frein no 1 évalue le fonctionnement des freins sur des trains immobilisés, mais ne met pas en évidence les défectuosités du système de freinage qui se manifestent seulement lorsque le train se déplace, comme des fuites intermittentes dans les boyaux et la timonerie ainsi que les mauvais fonctionnements des distributeurs de wagon causés par des vibrationsNote de bas de page 186.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Tant les mesures prises par les WTD que les rapports sur les dangers pour la sécurité soumis par les équipes de train à bord de trains-blocs chargés de céréales roulant en direction ouest confirment que les essais de frein no 1 effectués au triage Alyth n’ont pas permis de détecter adéquatement les wagons dont les freins ne seraient pas pleinement efficaces par les températures extrêmement froides dans lesquelles le train à l’étude s’est trouvé pendant la descente de Field Hill.

    Lorsqu’il fait extrêmement froid dans les montagnes, la différence de température qu’il peut y avoir entre Calgary et Stephen joue sans aucun doute un rôle important dans la détérioration du freinage que subissent ces trains lorsqu’ils atteignent Field Hill.

    L’étude comparative des données des essais de frein no 1 et des ATBE a démontré que l’essai de frein no 1 ne détectait qu’une très faible proportion des wagons défectueux que les détecteurs de température de roues pouvaient détecter. Le grand nombre de roues froides détectées par les détecteurs de température de roues laisse supposer que l’inefficacité des freins d’un grand nombre de trains céréaliers n’est pas détectée lors des essais de frein no 1 et des inspections effectués par des inspecteurs accrédités de wagons au triage Alyth.

    Fait établi quant aux risques

    Tant que les méthodes d’essai des freins de train ne permettront pas d’évaluer avec précision l’efficacité des freins à air, les trains exploités par températures extrêmement froides demeureront susceptibles d’avoir un freinage inefficace, ce qui augmente le risque de perte de maîtrise et de déraillement.

    Les données des détecteurs de température de roues permettent de détecter plus facilement les wagons dont les freins ont un rendement marginal ou médiocre susceptible de ne se manifester que lorsque les trains se déplacent. Les données sont recueillies tout au long de l’année et offrent une certaine souplesse dans la planification proactive des réparations aux wagons signalés comme ayant des roues froides. En outre, les données des détecteurs de température de roues recueillies en hiver permettent aux compagnies de chemin de fer de surveiller la sensibilité à la température et le rendement des freins à air des wagons lorsqu’ils sont le plus susceptibles de fuir.

    Fait établi : Autre

    Les données des détecteurs de température de roues recueillies en hiver pour les trains exploités par des températures de –25 °C ou moins donnent des renseignements précieux sur l’état général du système de freinage des trains. Ces données pourraient servir à élaborer des critères d’exploitation hivernale pour assurer l’exploitation en toute sécurité des trains-blocs céréaliers par températures extrêmement froides.

    Les essais effectués à l’extérieur à Banff sur les 13 wagons récupérés se sont déroulés dans des températures ambiantes aussi semblables que possible aux températures en vigueur au moment de l’événement. Dans le cadre de ces essais, un essai de frein no 1 effectué à l’aide de la méthode de débit d’air a été réussi et a servi à vérifier que tous les wagons, sauf un, étaient conformes aux exigences obligatoires relatives aux freins à air.

    Par la suite, chacun des 13 wagons a échoué un SCT effectué à l’extérieur dans les mêmes températures froides. Lorsque les 13 wagons ont été soumis à un autre SCT quelques mois plus tard en atelier dans des températures plus chaudes, 6 des wagons (45 %) ont échoué l’essai.

    En comparant les données des détecteurs de température de roues (recueillies avant l’événement) pour les 6 wagons qui ont échoué le SCT effectué en atelier, on a pu constater que 2 des wagons avaient eu des roues froides et réagissaient donc aux commandes de freinage de manière complètement inefficace. Aucune roue froide n’avait été enregistrée sur les 4 autres wagons. Les résultats des essais effectués à l’extérieur à Banff montrent clairement que les essais normalisés des freins à air, comme les essais de frein no 1 et no 1A, et les essais de fuite de la conduite générale, ne détectent pas de façon fiable les wagons dont les freins sont inefficaces par températures extrêmement froides.

    2.7 Avancées technologiques relatives aux freins des trains de marchandises

    2.7.1 Freins d’immobilisation en stationnement

    Les freins à main conventionnels doivent être serrés manuellement sur chaque wagon. Cette tâche exige beaucoup de temps et de travail.

    Les freins d’immobilisation en stationnement, quant à eux, sont serrés et desserrés automatiquement sur tous les wagons à la fois en fonction de la pression dans la conduite générale du train et, par conséquent, peuvent immobiliser un train en très peu de temps sans intervention manuelle des équipes de train.

    Sur un train muni de la technologie de freins d’immobilisation en stationnement, dès que les freins sont serrés d’urgence, ce qui fait baisser la pression dans la conduite générale, les freins d’immobilisation en stationnement s’activent, ce qui immobilise complètement et indéfiniment le train sur une pente en terrain montagneux, peu importe la pression perdue aux cylindres de frein en raison de fuites.

    Les freins d’immobilisation en stationnement éliminent la nécessité de serrer les freins à main du train. Néanmoins, lorsqu’il s’apprête à remettre le train en marche, le ML doit tout de même effectuer un desserrage des freins et un resserrage en descente, de sorte qu’il faudra avoir recours aux robinets de retenue (ou au module de contrôle pneumatique, si les freins d’immobilisation en stationnement en sont munis) sur certains des wagons.

    Les freins d’immobilisation en stationnement peuvent être configurés pour être utilisés sur des cylindres de frein montés sur bogie ou montés sur caisse, et ils peuvent être installés sur des wagons de marchandises existants sans qu’il soit nécessaire de modifier le système de freins à air.

    2.7.2 Fonction de maintien de la pression au cylindre de frein

    Tous les distributeurs de wagon approuvés par l’AAR sont munis d’une fonction de maintien de la pression par la soupape de régulation rapide de service qui garantit que la pression au cylindre de frein est maintenue entre 8 et 12 lb/po2 même lorsqu’il y a une fuite dans le cylindre de frein.

    En plus de la fonction de maintien de la pression de la soupape de régulation rapide de service, tous les distributeurs de wagon approuvés par l’AAR conçus après 2014 comprennent une fonction de maintien de la pression au cylindre de frein (BCM), qui compense la fuite d’air non seulement pendant les serrages minimum des freins, mais aussi pendant le serrage à fond des freins de service. Sur les trains munis de ces distributeurs de wagon modernes, il n’est plus nécessaire d’exécuter des serrages graduels des freins pour rétablir le niveau voulu de pression au cylindre de frein, même s’il y a une fuite. On se sert de la fonction de BCM pour améliorer le rendement des freins du train et pour améliorer la sécurité et l’efficacité des opérations. Toutefois, la fonction de BCM peut masquer les fuites de pression au cylindre de frein sur le terrain, et n’est pas active lors d’un serrage d’urgence des freins, alors que la pression dans la conduite générale est complètement épuisée.

    2.7.3 Maintien de la force de freinage dynamique sur les locomotives télécommandées

    Le maintien du freinage dynamique est une fonctionnalité qui permet au frein dynamique d’une locomotive de continuer à fonctionner en cas de serrage d’urgence des freins. Cette fonctionnalité est exigée sur tous les territoires où des locomotives munies de freins dynamiques sont affectées. À l’heure actuelle, on considère que cette exigence est satisfaite si le maintien du freinage dynamique est disponible pour le groupe de traction de tête.

    Sur les systèmes de traction répartie plus anciens, comme ceux en usage sur le train à l’étude, le maintien du freinage dynamique n’est pas disponible sur les locomotives télécommandées qui sont reliées à la locomotive de tête par communication radio de traction répartie. Par conséquent, lorsque le train s’est arrêté d’urgence sur Field Hill, le freinage dynamique a été coupé sur les 2 locomotives de traction répartie télécommandées. Ceci s’est traduit par une perte de 98 000 livres de force retardatrice du frein dynamique par locomotive, soit environ 196 000 livres en tout.

    Bien que le frein dynamique de locomotive soit considéré comme étant un système de freinage supplémentaire, la force retardatrice du frein dynamique fournit une importante marge de sécurité additionnelle. Par exemple, une seule locomotive à courant alternatif exploitée avec la force de freinage dynamique maximale disponible peut fournir à des vitesses de moins de 20 mi/h une force de freinage efficace qui équivaut au serrage à fond des freins de service d’environ 4 wagons.

    GE-Wabtec, le fabricant du système de contrôle de traction répartie, a récemment mis au point une nouvelle amélioration logicielle visant à permettre le maintien de la pleine fonctionnalité de freinage dynamique sur une locomotive de traction répartie télécommandée fonctionnelle pendant un serrage d’urgence des freins, semblable à la fonctionnalité de maintien du freinage dynamique qui est présentement exigée pour les locomotives de tête. Certaines compagnies de chemin de fer nord-américaines de catégorie 1 ont mis en œuvre le maintien du freinage dynamique sur les locomotives télécommandées dans le cadre des améliorations normales apportées à leurs activités de traction répartie. Au moment de l’événement à l’étude, aucune des 2 locomotives télécommandées du train n’était munie de la fonctionnalité de maintien du freinage dynamique. Parce que les systèmes de freinage n’avaient pas été rétablis après le serrage d’urgence des freins, l’interrupteur de commande pneumatique était resté en position ouverte et la fonctionnalité de freinage dynamique était restée inactive sur les locomotives de traction répartie télécommandées.

    Si les 2 locomotives de traction répartie télécommandées du train à l’étude avaient été munies de la fonctionnalité de maintien du freinage dynamique, elles auraient pu continuer de fournir une force retardatrice combinée maximale de 196 000 livres. Ceci représente une force retardatrice bien supérieure aux 50 000 livres de force retardatrice combinée fournie par les 45 lb/po2 de pression dans le cylindre du frein indépendant de chacune des 2 locomotives télécommandées après le serrage d’urgence des freins par l’équipe de train. La force retardatrice fournie par le frein dynamique ne se détériore pas en raison de l’évanouissement par frottement des semelles de frein. La force retardatrice additionnelle qu’auraient pu fournir les 2 locomotives télécommandées si leur freinage dynamique maximal avait été disponible aurait aidé à ralentir l’accélération du train dans une certaine mesure, et ainsi améliorer les chances que le train arrive à franchir la courbe prononcée juste avant le pont de la rivière Kicking Horse. Toutefois, il n’est pas certain que le train n’aurait pas déraillé tout de même compte tenu des dynamiques du train et des autres facteurs en jeu.

    2.7.4 Systèmes de freins pneumatiques à commande électronique

    Les systèmes de freins pneumatiques à commande électronique offrent plusieurs avantages comparativement à la technologie standard de freins pneumatiques qui est exclusivement utilisée sur les trains de marchandises en Amérique du Nord. Si le train à l’étude avait été muni d’un système de freins pneumatiques à commande électronique, plusieurs des problèmes de freinage qui ont contribué au mouvement non contrôlé auraient pu être évités ou atténués.

    Le train à l’étude n’avait aucun moyen pour afficher à l’écran du conducteur quels wagons avaient des fuites. Les systèmes de freins pneumatiques à commande électronique ont une fonctionnalité de surveillance à distance qui aurait donné cette information au ML.

    L’enquête a permis de déterminer que, lorsque le ML descendant a effectué le serrage d’urgence des freins, plus de 30% des wagons avaient probablement des freins inefficaces. Un système de freins pneumatiques à commande électronique aurait généré automatiquement un freinage de contrôle lorsqu’il aurait détecté que 15 % des wagons avaient des freins inefficaces.

    Lorsque le ML descendant a arrêté le train d’urgence sur Field Hill, la pression dans la conduite générale a été réduite à 0 lb/po2 et le chargement des réservoirs d’air des wagons s’est immédiatement arrêté. Pendant que le train est resté immobilisé sur la pente, la pression aux cylindres de frein de nombreux wagons a diminué en raison de fuites jusqu’à ce que la force de freinage ne soit plus suffisante pour retenir le train. Un système de freins pneumatiques à commande électronique aurait pu charger en continu la conduite générale pour maintenir une pression de 90 lb/po2 et, de ce fait, les réservoirs des wagons auraient été chargés et auraient rechargé constamment les cylindres de frein. Ainsi, la pression aux cylindres de frein aurait été maintenue continuellement à la pression maximale ciblée lors d’un serrage des freins à air.

    En l’absence d’un système de freins pneumatiques à commande électronique, les wagons ne peuvent être isolés que lorsqu’on constate que leurs freins sont inefficaces pendant une inspection en voie. Les systèmes de freins pneumatiques à commande électronique, quant à eux, comprennent une fonctionnalité automatique d’isolement des wagons qui isole les wagons dont les cylindres de frein subissent une fuite excessive en cours de route dès que le système détecte la fuite.

    Sur le train à l’étude, certaines des faibles (2 lb/po2) réductions de la pression dans la conduite générale s’atténuaient à mesure que la vague de pression d’air se propageait d’un wagon à l’autre par la conduite générale. Par conséquent, les demandes de serrage des freins à air voulues n’atteignaient pas certains wagons et la pression aux cylindres de freins de ces wagons n’augmentait pas comme on s’y attendait par suite des réductions de la pression dans la conduite générale. Si le train avait été muni d’un système de freins pneumatiques à commande électronique, les demandes de freinage auraient été transmises à chaque wagon simultanément par signaux électroniques, garantissant ainsi que les faibles demandes de serrage des freins seraient reçues et mises à exécution.

    Sur les systèmes de freins pneumatiques standard, dont le train à l’étude était muni, l’effort de freinage peut être augmenté en réduisant davantage la pression dans la conduite générale, mais les freins ne peuvent pas être desserrés graduellement; ils doivent être complètement desserrés, puis serrés de nouveau alors qu’ils sont partiellement chargés (opération appelée desserrage et resserrage des freins en descente [release and catch]). Un système de freins pneumatiques à commande électronique, pour sa part, comprend une fonctionnalité qui permet de desserrer les freins graduellement. Lorsque la vitesse du train augmente soudainement, le système peut transmettre des signaux d’effort de freinage plus élevé, puis desserrer graduellement ou réduire le serrage des freins alors que la vitesse du train se stabilise pour respecter les limites de vitesse permises sur la voie, ce qui élimine la nécessité d’effectuer un desserrage des freins et resserrage en descente. De plus, l’utilisation de cette fonctionnalité après un serrage d’urgence des freins permet de remettre le train en marche directement à partir de la cabine de locomotive sans devoir régler des robinets de retenue, en réduisant juste ce qu’il faut de pression aux cylindres de frein pour remettre le train en marche à une vitesse sécuritaire.

    Les systèmes de freins pneumatiques à commande électroniques ont presque été rendus obligatoires par la Federal Railroad Administration des États-Unis en 2015. Ces systèmes auraient été exigés sur tous les trains-blocs transportant des marchandises dangereuses aux États-Unis. Toutefois, cette initiative a été abandonnée en 2018 en raison des coûts élevés de mise en œuvre initiale et de problèmes de logistique relatifs à l’interopérabilité entre les trains munis d’un tel système et ceux munis de systèmes de freins pneumatiques conventionnels.

    Toutefois, des événements de perte de maîtrise se produisent encore et entraînent parfois des pertes de vie. En plus de l’événement à l’étude, 5 autres cas importants de trains partis à la dérive se sont produits en Amérique du Nord entre 2017 et 2019.

    2.7.5 Semelles de frein à haut coefficient de résistance à l’évanouissement

    La vitesse du train lorsqu’il a déraillé au pont de la rivière Kicking Horse était de 53 mi/h. Les trains munis de semelles de frein à haut coefficient de résistance à l’évanouissement sont moins sujets à l’évanouissement par frottement. Des calculs basés sur les données recueillies du CEL indiquent qu’en l’absence d’évanouissement par frottement, la vitesse du train lorsqu’il a atteint le pont de la rivière Kicking Horse aurait été de 44,4 mi/h, vitesse à laquelle d’autres mouvements non contrôlés de train sur Field Hill avaient réussi à franchir des courbes semblables.

    Le Bureau a déjà enquêté sur un mouvement non contrôlé au cours duquel une diminution de l’efficacité de freinage attribuable à l’évanouissement par frottement des semelles de frein avait contribué à l’accident (Rapport d’enquête ferroviaire R06V0136 du BST). Dans le cadre de cette enquête, on a fait remarquer qu’une norme de l’AAR pour les semelles de frein résistant à l’évanouissement par frottement avait été élaborée et que des semelles de frein résistant à l’évanouissement avaient été mises au point, mais que leur utilisation n’avait pas été rendue obligatoire. Par conséquent, le Bureau s’inquiétait du fait que les wagons les plus lourds continueraient d’être exploités avec des semelles de frein répondant aux anciennes spécifications. Au mois de décembre 2021, l’AAR n’avait pas adopté de cadre prévoyant l’utilisation obligatoire de semelles de frein haute capacité résistant à l’évanouissement sur le matériel utilisé en service d’échange.

    Fait établi quant aux risques

    Tant que l’utilisation de semelles de frein résistant à l’évanouissement ne sera pas obligatoire sur les trains-blocs exploités en territoire montagneux, il y aura un risque accru d’évanouissement par frottement de l’efficacité des semelles de frein et de perte de maîtrise lorsque ces trains descendent de longues pentes en terrain montagneux.

    2.7.6 Nécessité de moyens de défense physiques additionnels

    Par suite de l’enquête du BST sur l’accident de Lac-Mégantic survenu en juillet 2013Note de bas de page 187, qui a causé directement la mort de 47 personnes et a détruit le cœur de la ville et le quartier commercial, le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive.
    Recommandation R14-04 du BST

    Cette recommandation porte spécifiquement sur l’immobilisation insuffisante du matériel roulant. En réponse à la recommandation, Transports Canada (TC) a mis en œuvre plusieurs initiatives, y compris des exigences plus rigoureuses de la règle 112 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) en matière d’immobilisation et l’introduction d’un plan de surveillance exhaustif pour cette nouvelle règle. Dans son évaluation de mars 2021 de la réponse de TC, le BST a déclaré que, malgré les mesures prises, les moyens de défense actuels se sont révélés insuffisants pour réduire considérablement le nombre de mouvements non contrôlés et améliorer la sécurité. Tant que des consultations avec l’industrie ferroviaire et ses représentants syndicaux n’auront pas lieu, que des stratégies ne seront pas élaborées et que des moyens de défense physiques ne seront pas mis en œuvre, les mouvements non contrôlés continueront de constituer un risque pour le système de transport ferroviaire. Le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation R14-04 dénote une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 188.

    Une saine gestion de la sécurité doit cerner les dangers, évaluer les risques connexes et élaborer des stratégies d’atténuation des risques. Les risques qui ne peuvent pas être éliminés doivent être gérés. Pour gérer les risques, des moyens de défense peuvent être utilisés. Ces moyens peuvent généralement être classés comme étant des moyens administratifs, physiques, ou une combinaison des deux. Les moyens de défense administratifs, comme les règles ou procédures, ne sont généralement pas aussi efficaces que les moyens de défense physiques, comme un cadenas d’aiguillage, un dispositif mécanique, ou une fonctionnalité de sécurité intégrée.

    Depuis la publication de la recommandation R14-04, la règle 112 du REF (Immobilisation d’un matériel roulant laissé sans surveillance) a été révisée à maintes reprises, un certain nombre d’arrêtés ministériels relatifs à l’immobilisation des trains ont été émis, et une nouvelle règle, la règle 66 du REF (Immobilisation du matériel roulant après un serrage d’urgence des freins en déclivité) a été publiée. Toutes ces mesures constituent des moyens de défense administratifs additionnels ou renforcés. Aucune n’ajoute de nouveaux moyens de défense physiques.

    Les avancées technologiques susmentionnées sont des exemples de moyens de défense physiques qui auront vraisemblablement une incidence positive sur la fréquence des mouvements imprévus et non contrôlés du matériel roulant ferroviaire. Il y a peut-être d’autres moyens de défense physiques en cours d’élaboration qui pourraient améliorer encore davantage la sécurité.

    Fait établi quant aux risques

    Tant que des moyens de défense physiques additionnels ne seront pas mis en œuvre, il subsistera un risque que des mouvements imprévus et non contrôlés de matériel roulant ferroviaire continuent de se produire et entraînent des déraillements, des collisions et des risques inacceptables pour les employés ferroviaires, le public et l’environnement.

    2.8 Canadien Pacifique

    2.8.1 Évaluations d’encadrement et examens des compétences

    Le CP fait passer des évaluations d’encadrement (évaluations de pré-qualification et voyages de stage pratique) à ses stagiaires et des examens des compétences (examens d’efficacité et voyages accompagnés) aux membres qualifiés de ses équipes pour s’assurer que les ML et les chefs de train possèdent les compétences et les qualifications nécessaires pour s’acquitter de tâches essentielles à la sécurité.

    Dans le cadre de leur formation, le ML et la chef de train de l’équipe descendante avaient subi des évaluations de pré-qualification.

    • Dans le cas du ML, qui avait reçu sa formation en 2012, tous les examens s’étaient déroulés sur la subdivision de Laggan et avaient porté sur les tâches pertinentes au territoire, qui étaient bien décrites sur le formulaire d’évaluation. Les résultats des examens comportaient toujours des commentaires constructifs.
    • Dans le cas de la chef de train, qui avait reçu sa formation en 2018, seulement 9 % des évaluations de pré-qualification s’étaient déroulées sur la subdivision de Laggan, ce qui compliquait l’évaluation de ses compétences sur ce territoire. De plus, seulement 42 % des évaluations comportaient de la rétroaction indiquant quelles tâches opérationnelles elle avait bien réussies pendant les évaluations et dans quels domaines elle devait s’améliorer.

    Une fois qualifiés pour leurs postes respectifs, les 2 membres de l’équipe descendante avaient effectué des voyages accompagnés tous les ans dans le cadre du programme d’examen des compétences du CP. Toutefois, les résultats de ces voyages n’étaient pas disponibles. En l’absence de mesures consignées des habiletés, il n’est pas possible de déterminer si les équipes de train effectuent en toute sécurité les tâches opérationnelles exigées par leur poste.

    Les superviseurs du CP sont tenus de faire passer un certain nombre d’examens de l’efficacité par semaine et par mois; toutefois, il n’y a aucune exigence minimale quant au nombre d’examens que chaque employé doit subir chaque année. Par conséquent, certains membres d’équipe de train peuvent subir moins d’examens que d’autres.

    En outre, l’enquête a relevé un manque de cohérence dans la façon dont sont menés les évaluations de pré-qualification et les examens des compétences :

    • Les évaluations de pré-qualification du ML descendant contenaient toutes des commentaires constructifs, mais la plupart des évaluations de pré-qualification de la chef de train n’en contenaient pas.
    • Il y a une importante tendance à la baisse du nombre d’examens de l’efficacité effectués : en 2018, le nombre d’examens passés par ML de l’équipe descendante était 50 % moins élevé qu’au cours des 5 années précédentes.
    • L’audit interne du SGS du CP, effectué par Golder Associés, a relevé des incohérences dans la façon dont les examens des compétences étaient menés; selon le rapport de la société d’experts-conseils, des préoccupations ont été soulevées à l’égard des compétences des gestionnaires et coordonnateurs de trains du CP qui faisaient passer ces examens.

    Fait établi quant aux risques

    En l’absence d’examens des compétences suffisants pour tous les membres d’équipe de train, et en l’absence de résultats d’examens qui donnent de la rétroaction qualitative, il y a un risque que des lacunes au niveau des aptitudes, des qualifications ou des connaissances d’un employé ne soient pas convenablement cernées et qu’aucune mesure corrective ne soit prise pour améliorer la sécurité.

    2.8.2 Plan d’exploitation hivernale de la compagnie de chemin de fer

    Les fuites du système de freinage par températures extrêmement froides peuvent s’avérer particulièrement problématiques en territoire montagneux où le contrôle en toute sécurité de la vitesse du train sur de longues pentes descendantes exige une pression aux cylindres de frein plus élevée pendant une longue période. De même, lorsqu’un train est immobilisé pendant une longue période sur une pente en terrain montagneux au moyen des freins à air, les cylindres de frein sont enclins à fuir, ce qui peut entraîner des mouvements non contrôlés, comme dans l’événement à l’étude.

    L’enquête a permis de déterminer que des restrictions hivernales ponctuelles pour Field Hill avaient été mises en œuvre dans le passé par des superviseurs locaux. Par exemple, en 2014, la vitesse des trains était limitée à 10 mi/h lorsque la température était de −20 °C ou moins, et, si la température chutait à moins de −25 °C, les trains céréaliers étaient mis en attente la nuit. En 2015, un bulletin d’exploitation avait été émis pour les trains roulant vers l’ouest sur la subdivision de Laggan, qui limitait la vitesse maximale des trains à 10 mi/h à partir de l’aiguillage est de la voie d’évitement à Partridge jusqu’à Field lorsque la température enregistrée par le détecteur de boîtes chaudes situé au point milliaire 111,0 chutait à moins de −25 °C, jusqu’à ce qu’on se soit assuré que le freinage était suffisant. Toutefois, au moment de l’événement à l’étude, ni le plan d’exploitation hivernale du CP ni les FHOP ne contenaient de directives particulières pour l’exploitation en toute sécurité des trains en terrain montagneux par températures extrêmement froides. Parce que les défis que pose l’exploitation des trains par temps extrêmement froid n’apparaissent que de façon intermittente, il est probable que la nécessité d’activer ces mesures ait été négligée d’année en année. Lorsque le problème disparaissait, une solution n’était plus nécessaire.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Entre 2015 et le moment de l’événement, le CP n’avait imposé aucune restriction relative à l’exploitation des trains-blocs céréaliers sur Field Hill par températures extrêmement froides.

    Compte tenu de l’effet des températures extrêmement froides sur les systèmes de freins à air des wagons, une réduction des activités lorsque les températures passent à moins de −25 °C, pourrait s’avérer la solution la plus sécuritaire, notamment

    • arrêter toute activité lorsque les températures atteignent un seuil prédéterminé, ou les restreindre aux activités de jour seulement;
    • mettre en œuvre des protocoles d’essai plus rigoureux pour le matériel, par exemple, ajouter un délai entre le moment où les freins sont serrés et le moment où le matériel est inspecté pour s’assurer que le serrage des freins est maintenu;
    • tirer parti de technologies comme l’ATBE pour surveiller en temps réel le nombre et la récurrence de wagons froids, et prendre les mesures qui s’imposent à la lumière des données en vue d’assurer la sécurité.

    Fait établi quant aux risques

    Si des restrictions adéquates pour l’exploitation saisonnière visant à garantir la sécurité de l’exploitation de trains-blocs par températures extrêmement froides en territoire montagneux ne sont pas invariablement activées d’année en année, il y a un risque accru de pertes de maîtrise et de déraillements.

    2.8.2.1 Aptitude au travail de l’équipe de relève

    Être « apte au travail » signifie se présenter au travail reposé et prêt à demeurer vigilant pour toute la durée du quart de travail. Du point de vue de la performance humaine, les installations d’hébergement sur le terrain fournies aux membres d’équipe qui travaillent loin de chez eux ont pour but de leur permettre de se reposer et de les encourager à le faire avant leur quart de travail. Le fait d’être reposé et bien préparé est un élément important de la résilience Note de bas de page 189, qui est définie comme étant la capacité de s’adapter efficacement pour faire face à l’adversité, aux traumatismes, aux menaces ou aux sources importantes de stress.

    L’équipe de relève avait profité de plus de 8 heures de congé consécutives, conformément aux exigences en matière de repos et de condition physique. Toutefois, une panne d’électricité causée par une tempête hivernale avait coupé le chauffage et le courant électrique au pavillon-dortoir du CP où les membres de l’équipe de relève se reposaient. La température à l’intérieur du pavillon-dortoir seraient tombées à 8 °C. On s’est servi de la cuisinière au gaz propane pour générer suffisamment de chaleur pour empêcher la température de baisser davantage.

    La panne d’électricité au pavillon-dortoir, qui a coupé le chauffage, a pu avoir une incidence sur le repos et l’aptitude au travail de l’équipe de relève.

    En outre, la panne d’électricité et la panne de communication ont contribué aux défis de logistique pour la poursuite des activités ferroviaires; p. ex., il n’était plus possible d’appeler les équipes au travail par téléphone ni de recevoir les bulletins de marche au pavillon-dortoir.

    Bien que la tempête hivernale fût hors du contrôle de la compagnie de chemin de fer, une planification d’urgence aurait pu aider à se préparer pour de telles éventualités. Par exemple, la génératrice de Field n’avait plus de carburant; des sources fiables d’alimentation de secours et de chauffage auraient aidé à garantir qu’on pouvait maintenir en tout temps un milieu confortable propice à un repos réparateur.

    Fait établi quant aux risques

    Lorsque les conditions dans les installations de repos désignées ne sont pas propices à un repos réparateur des employés, il y a un risque accru que les employés ne soient pas complètement reposés à la fin d’une période de repos désignée.

    2.8.3 Système de gestion de la sécurité

    Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux compagnies de gérer efficacement les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités. La Liste de surveillance du BST insiste sur la nécessité d’une mise en œuvre efficace du SGS pour veiller à ce que les dangers soient cernés de façon proactive et que les risques soient atténués à un niveau acceptable. Le Règlement de 2015 sur la gestion de la sécurité ferroviaire (le Règlement sur le SGS), en vertu duquel les compagnies de chemin de fer sont responsables de la gestion de leurs risques en matière de sécurité, stipule que les compagnies de chemin de fer doivent se doter d’un processus pour cerner les préoccupations en matière de sécurité et pour mettre en œuvre et évaluer des mesures correctives. Aux termes du Règlement sur le SGS, les compagnies de chemin de fer doivent également analyser leur exploitation ferroviaire pour cerner toute tendance actuelle ou naissante ou toute situation récurrente.

    Depuis 2015, TC a accompli d’importants progrès dans l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme visant à instruire le secteur ferroviaire et former le personnel au sujet du nouveau règlement, de même qu’à exécuter un programme exhaustif de vérification pour s’assurer que les exploitants ferroviaires ont un SGS conforme au règlement. Les compagnies de chemin de fer ont démontré, sur papier du moins, qu’elles disposent de tous les éléments exigés par le Règlement sur le SGS, mais les données de sécurité ne montrent pas les améliorations attendues d’un SGS qui est en vigueur depuis 20 ans.

    Bien que certaines compagnies considèrent que la sécurité est adéquate tant qu’elles respectent les exigences réglementaires, les règlements ne peuvent pas, à eux seuls, prévoir tous les risques propres à une activité particulière. Une gestion de la sécurité efficace exige de cerner et d’atténuer les dangers continuellement pour gérer les risques. Cette activité dépend de la culture de sécurité de l’organisation, qui est caractérisée par des valeurs, des attitudes, des perceptions, des compétences et des comportements communs qui interagissent en vue d’améliorer la sécurité.

    2.8.3.1 Données recueillies des détecteurs de température de roues

    En vertu de l’article 13 du Règlement sur le SGS, les compagnies de chemin de fer sont tenues d’analyser les données tirées des technologies de surveillance de la sécurité pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les tendances actuelles ou naissantes, ou les situations récurrentes. Les données des détecteurs de température de roues, à titre de technologie de surveillance de la sécurité, sont visées par cette disposition.

    Dans le cadre de l’enquête menée après le déraillement, les données des détecteurs de température de roues recueillies pour les 5 trains céréaliers précédents roulant en direction ouest ont été demandées au CP et analysées. L’analyse a permis de constater que les trains avaient été exploités dans des températures ambiantes allant de −2 °C à −26 °C et qu’un pourcentage important de roues froides avaient été détectées sur ces trains lorsqu’ils étaient passés devant le détecteur de température de roues situé au point milliaire 130,2 de la subdivision de Laggan.

    En général, les données ont montré que le nombre de roues froides était beaucoup plus élevé lorsque les trains étaient exploités par températures plus froides. Deux trains avaient été balayés par le détecteur de température de roues lorsque la température ambiante était de moins de −25 °C, une température semblable à celle du jour de l’événement. Dans le cas de chacun de ces 2 trains, on a jugé qu’environ 56 % des wagons avaient des freins inefficaces. Dans leur ensemble, les résultats de l’analyse des données des détecteurs de température de roues ont confirmé l’effet nuisible que la température peut avoir sur le rendement des freins des trains céréaliers.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Bien que les données des détecteurs de température de roues étaient recueillies et qu’elles indiquaient des pourcentages élevés de freins inefficaces sur les trains céréaliers au cours des 2 jours précédant l’événement, le CP n’analysait pas ces données et n’a pris aucune mesure particulière ou corrective.

    2.8.3.2 Signalement des dangers

    Aux termes du Règlement sur le SGS, les compagnies de chemin de fer doivent analyser constamment leur exploitation ferroviaire pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les tendances actuelles ou naissantes, ou les situations récurrentes. Ces analyses doivent reposer sur des renseignements comme les dangers pour la sécurité signalés par des employés et les données enregistrées par les technologies de surveillance de la sécurité.

    Un examen des rapports sur les dangers pour la sécurité présentés au CCFHSC du CP à Calgary avant l’événement a permis de constater de nombreuses occasions où des équipes de train qui manœuvraient des trains-blocs chargés de céréales en direction ouest et descendaient Field Hill dans des conditions d’exploitation hivernale avaient eu de la difficulté à contrôler la vitesse du train. Ces rapports faisaient état de problèmes de rendement des freins à air sur des trains-blocs céréaliers qui avaient réussi un essai de frein no 1.

    Selon le Règlement sur le SGS et la procédure de signalement des infractions aux règles de sécurité, des risques pour la sécurité et des préoccupations liées à la sécurité du CP, les rapports de dangers pour la sécurité présentés par les employés doivent être analysés pour cerner les tendances ou les situations récurrentes. Rien n’indique dans les dossiers du CCFHSC qu’une telle analyse ait été faite, malgré le fait que les conditions dangereuses signalées se répétaient. De plus, la gravité des rapports de dangers n’était pas uniformément cotée. En outre, certains rapports ont été clos sans indication claire quant à la mesure corrective prise, ni aucune vérification à savoir si la mesure était en place ni si elle était efficace.

    Les membres du comité savaient que les trains chargés de céréales, même ceux qui avaient passé une inspection avant départ des freins à air, avaient de la difficulté à contrôler la vitesse sur Field Hill. Les procès-verbaux du mois d’août 2018 montraient que les équipes de train avaient demandé que le détecteur au point milliaire 130,2 de la subdivision de Laggan soit utilisé pour observer les wagons dont les freins à air ne fonctionnaient pas. Néanmoins, les procès-verbaux des réunions indiquaient que les signalements individuels de ce danger étaient clos, et pourtant de nouveaux rapports semblables ont continué d’être consignés dans le système de signalement.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Bien que la procédure du CP relative au signalement des dangers pour la sécurité eût été suivie activement au terminal de Calgary, le processus de suivi ne permettait pas d’analyser les tendances et de régler les problèmes en matière de sécurité liés au rendement des systèmes de freins à air de la flotte de wagons céréaliers exploités par températures extrêmement froides sur la subdivision de Laggan de manière efficace.

    2.8.3.3 Évaluations des risques

    Les évaluations des risques sont la pierre angulaire d’un SGS qui fonctionne bien et est efficace, et elles sont essentielles à l’exploitation en toute sécurité d’une compagnie. Aux termes du Règlement sur le SGS, les compagnies de chemin de fer sont tenues d’effectuer une évaluation des risques dans les circonstances suivantes, entre autres :

    • lorsqu’elles cernent une préoccupation en matière de sécurité à la suite de l’analyse de leur exploitation ferroviaire;
    • lorsqu’un changement proposé à leur exploitation ferroviaire pourrait avoir une incidence sur la sécurité du public ou du personnel ou sur la protection des biens et de l’environnement;
    • lorsqu’une modification touchant le personnel est apportée, y compris une augmentation ou une réduction du nombre d’employés ou une modification de leurs responsabilités ou de leurs fonctions Note de bas de page 190.
    2.8.3.3.1 Évaluation des risques soulevés dans les rapports de dangers pour la sécurité

    Le SGS du CP exige d’effectuer une évaluation des risques lorsque l’analyse des données de sécurité met en évidence une préoccupation en matière de sécurité (un danger ou une condition qui risque de compromettre directement la sécurité des employés ou de menacer la sécurité de l’exploitation ferroviaire).

    Les équipes de train considèrent le faible rendement des freins des trains-blocs céréaliers comme un danger qui risque de compromettre directement la sécurité des employés et de menacer la sécurité de l’exploitation ferroviaire. Par conséquent, lorsque les équipes avaient de la difficulté à contrôler la vitesse de leur train sur Field Hill, elles présentaient des rapports de danger pour la sécurité. L’examen des procès-verbaux des réunions du CCFHSC remontant jusqu’en décembre 2016 montrent que, depuis au moins les 3 hivers précédant l’événement à l’étude, les équipes avaient régulièrement présenté des rapports de danger à ce sujet par les voies appropriées. Néanmoins, d’année en année, les rapports relatifs au freinage médiocre des trains-blocs céréaliers sur Field Hill étaient clos, aucune évaluation des risques n’était effectuée et les mesures correctives prises étaient insuffisantes.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le CP estimait que la tendance dans les rapports de danger pour la sécurité ne représentait pas une « préoccupation en matière de sécurité » au sens du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, et il n’a pas pris suffisamment de mesures pour régler les causes sous-jacentes du freinage inefficace des trains-blocs céréaliers qui descendaient Field Hill par températures extrêmement froides.

    Le fait de considérer que la tendance dans les rapports de dangers pour la sécurité présentés par les équipes ne constituait pas une préoccupation en matière de sécurité laisse supposer que l’utilisation de la pleine puissance de freinage et du freinage d’urgence sur Field Hill était une pratique d’exploitation acceptable.

    Fait établi quant aux risques

    Lorsque des pratiques d’exploitation exigeant l’utilisation de la pleine puissance de freinage d’un train pour contrôler la vitesse sur des pentes en terrain montagneux deviennent normalisées, la marge de sécurité est grandement compromise, ce qui augmente le risque d’accident.

    2.8.3.3.2 Évaluation des risques posés par les modifications apportées aux procédures d’exploitation de Field Hill

    Bien qu’elles soient importantes pour les activités quotidiennes, les évaluations des risques sont d’une importance critique lorsqu’une compagnie apporte des changements à son exploitation, car c’est à ce moment que de nouveaux dangers peuvent apparaître.

    Au cours des 10 années précédant l’événement, le CP avait apporté plusieurs modifications graduelles aux FHOP, notamment

    • des modifications du seuil de vitesse auquel les trains étaient autorisés à descendre Field Hill,
    • des modifications aux exigences relatives aux robinets de retenue et aux freins à main après un arrêt d’urgence sur Field Hill,
    • introduction d’une nouvelle exigence pour la tenue d’une séance de briefing avec un coordonnateur de trains après un arrêt d’urgence, et le transfert du pouvoir décisionnel au coordonnateur de trains.

    Le CP n’a pas effectué une analyse des risques pour évaluer les répercussions de ces modifications sur la sécurité.

    Pour s’assurer de maintenir un niveau de sécurité équivalent lors de la modification d’une politique ou d’une procédure d’exploitation, les compagnies de chemin de fer doivent analyser l’incidence des modifications sur l’exploitation des trains et déterminer quels nouveaux dangers elles pourraient engendrer. Des mesures d’atténuation peuvent ainsi être mises en place et surveillées pour en évaluer l’efficacité.

    Fait établi quant aux risques

    Si les compagnies de chemin de fer modifient leurs politiques et leurs procédures sans cerner tous les dangers d’avance, des mesures d’atténuation des risques appropriées peuvent ne pas être prises, ce qui augmente le risque que les marges de sécurité s’estompent.

    2.8.3.3.3 Évaluation des risques posés par la modification de la formation de chef de train dans les procédures d’exploitation de Field Hill

    Le CP a un programme de formation pour les chefs de train qui seront appelés à travailler sur la subdivision de Laggan. La formation, qui porte sur l’exploitation en terrain montagneux et en pente raide, s’ajoute à la formation générale de chef de train. En 2017–2018, ce programme a été accéléré à cause d’un besoin plus grand de chefs de train attribuable à une augmentation du trafic ferroviaire. Les nouvelles exigences pour qu’un chef de train puisse travailler sur Field Hill ont été réduites à un examen en classe des FHOP à l’aide de documents de travail et de schémas des voies. Les simulations de voyages sur Field Hill ont été éliminées du programme et les chefs de train n’étaient plus tenus d’être certifiés pour Field Hill.

    Le Règlement sur le SGS exige que les compagnies de chemin de fer s’assurent que les employés exécutant des tâches essentielles à l’exploitation sécuritaire des chemins de fer (comme les chefs de train) aient les compétences et les qualifications nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions en toute sécurité. Toutefois, lorsque le CP a modifié son programme de formation pour les chefs de train qui travaillent sur la subdivision de Laggan, la compagnie n’a pas effectué une évaluation des risques posés par cette modification.

    2.8.3.3.4 Évaluation des risques fondée sur les données de recherche sur les essais automatisés de l’efficacité des freins de train

    En 2015, TC, le Conseil national de recherches du Canada (CNRC) et le CP ont lancé un projet de recherche conjoint pour évaluer la technologie d’inspection automatisée de l’efficacité des freins de train (Automated Train Brake Effectiveness [ATBE]) comme remplacement ou complément de l’essai de frein no 1. Les résultats de cette étude, publiée le 4 octobre 2018, montraient qu’un grand nombre de trains-blocs céréaliers avaient des roues froides pendant le freinage et une plus grande variation de températures des roues.

    Les chercheurs ont ensuite mené une étude comparative entre les données des essais de frein no 1 et les données de l’ATBE. L’étude a montré que l’essai de frein no 1 ne détectait qu’une très petite proportion des wagons ayant des freins inefficaces que l’ABTE pouvait détecter. Ces constatations laissent croire que l’essai de frein no 1 pourrait ne pas être fiable pour les trains-blocs chargés de céréales exploités en terrain montagneux.

    Fait établi : Autre

    Ni le CP ni TC, qui étaient des participants à part entière dans l’élaboration et la mise en œuvre des recherches sur l’ATBE, ne se sont servis des constatations de l’étude au sujet de l’état de la flotte de wagons-trémies céréaliers pour entreprendre une évaluation des risques liés à l’exploitation de trains-blocs céréaliers.

    2.8.4 Culture de sécurité

    Le rapport de 2007 sur l’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire souligne que « [l]a clé de voûte d’un SGS authentiquement fonctionnel est une solide culture de sécurité Note de bas de page 191. » Une solide culture de sécurité dans une compagnie de chemin de fer peut réduire sensiblement le nombre d’accidents et est à la base d’un programme de sécurité efficace. La force de la culture de sécurité d’une organisation trouve son origine dans la haute gestion et se caractérise par des mesures proactives visant à éliminer ou à atténuer les risques opérationnels.

    Une organisation ayant une solide culture de sécurité a généralement une solide culture de signalement. Une telle culture permet non seulement au personnel de signaler une préoccupation en matière de sécurité sans crainte de représailles, mais aussi de savoir que lorsqu’une préoccupation en matière de sécurité est signalée, elle sera examinée et analysée en profondeur, et que les mesures qui s’imposent seront prises. Ces mesures font la promotion d’une culture de sécurité juste, dans laquelle la main-d’œuvre a conscience et convient de ce qui est acceptable ou inacceptable, et dans laquelle les employés participent aux préoccupations en matière de sécurité au sein de leur organisation.

    L’initiative « Home Safe » du CP encourage à la fois l’engagement en faveur de la sécurité et la rétroaction. Dans le cadre de cette initiative, les employés sont formés pour cerner, signaler et éliminer les dangers. Un examen de 3 années de procès-verbaux des réunions du CCFHSC a montré que les équipes de train signalaient effectivement les dangers pour la sécurité liés à la conduite des trains sur Field Hill auxquels elles avaient dû faire face. Toutefois, bien que les dangers eurent été signalés, très peu de mesures prises à l’égard des dangers signalés avaient été consignées.

    Fait établi quant aux risques

    Si les dangers ne sont pas convenablement cernés et analysés, les lacunes dans les moyens de défense peuvent continuer à passer inaperçues et ne pas être atténuées, ce qui augmente le risque d’accident.

    Une culture de sécurité positive est une culture éclairée, où les dangers et les risques liés à une activité sont bien compris et bien communiqués. Un exemple de risque dans une organisation complexe comme le CP peut être la façon dont les modifications apportées aux procédures d’exploitation sont évaluées et communiquées. En l’occurrence, les FHOP du CP avaient été modifiées progressivement au cours des 10 années précédant l’événement. Ces procédures sont des consignes techniques et, de ce fait, visent à aider à gérer certains des dangers propres à l’exploitation des trains sur Field Hill. Lorsque des modifications graduelles aux procédures ne sont pas évaluées au moment de leur entrée en vigueur afin de cerner de nouveaux risques en matière de sécurité qui pourraient en découler, le risque pour l’exploitation ferroviaire pourrait augmenter.

    L’audit interne du SGS du CP a relevé des incohérences dans la façon dont le CP mettait en application son processus de gestion des modifications apportées aux procédures et aux instructions d’exploitation, ainsi que dans la façon dont les modifications étaient communiquées aux employés.

    Une culture éclairée est également une culture au sein de laquelle les membres de l’organisation reçoivent les connaissances et les aptitudes nécessaires pour travailler en toute sécurité. La formation que le CP donne aux chefs de train et aux ML sur la subdivision de Laggan n’aborde pas les défis que présente la conduite des trains sur des pentes en terrain montagneux par températures extrêmement froides. Une telle formation pourrait sensibiliser les équipes aux problèmes et risques liés au fonctionnement du système de freins à air dans de telles conditions. Lorsque les dangers et les risques ne sont pas communiqués aux personnes qui ont besoin de ces connaissances pour s’acquitter de tâches essentielles à la sécurité, ces personnes seront moins conscientes des risques, ce qui augmente la possibilité qu’une décision mal avisée soit prise.

    Une autre caractéristique d’une solide culture de sécurité est la capacité d’apprendre de ses expériences et de partager ces connaissances à l’échelle de l’organisation. Après avoir distribué la lettre générale GL-490 de NYAB, le CP a publié le Bulletin CPSB048-13 en novembre 2013 à titre d’avis d’entretien à l’intention du personnel de manœuvre des trains. Cette initiative a permis de diffuser des renseignements essentiels pour la sécurité afin de mettre en garde les équipes de train et d’augmenter leur vigilance à l’égard des augmentations du débit d’air lors du serrage des freins, causées par des fuites d’air aux dispositifs de serrage de service NYAB-Knorr de type DB-10 des distributeurs de wagon.

    Toutefois, 1 an plus tard, le Bulletin CPSB048-13 a été annulé, bien que le problème des dispositifs de serrage NYAB-Knorr de type DB-10 des distributeurs de wagon persistait. Le CP a continué d’exploiter des trains-blocs munis d’anciens distributeurs de wagon à dispositifs de serrage NYAB-Knorr de type DB-10 et, chaque hiver, des fuites d’air excessives par ces dispositifs entraînaient des problèmes de freinage sur ces trains. Toutefois, les répercussions des fuites excessives et les risques pour le système de freinage et pour la pression résiduelle des robinets de retenue n’étaient ni communiqués, ni bien compris.

    Le Bulletin CPSB048-13 était une mesure de contrôle administrative que le CP avait mise en place pour contrer un danger potentiel mentionné par NYAB. Lorsque le bulletin a été annulé, aucune évaluation des dangers n’a été effectuée pour déterminer si l’annulation du bulletin aurait un effet sur le risque de l’activité. De plus, les équipes de train n’ont été informées d’aucune mesure corrective prise pour remplacer le bulletin.

    Une culture de sécurité efficace comporte des mesures proactives pour cerner et gérer le risque opérationnel. Cerner les dangers dans le cadre d’une évaluation des risques est essentiel pour déterminer les mesures d’atténuation qui s’imposent et est à la base d’un SGS efficace.

    Fait établi quant aux risques

    Si le SGS d’une compagnie de chemin de fer ne se fonde pas sur une culture de sécurité positive, son efficacité à cerner et à atténuer les dangers diminue, ce qui augmente le risque d’accidents.

    2.9 Transports Canada

    2.9.1 Surveillance des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies de chemin de fer

    Les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale, comme le CP, doivent avoir un SGS depuis 2001. Dans le cadre de la surveillance réglementaire des SGS, TC doit pouvoir évaluer l’efficacité avec laquelle la compagnie de chemin de fer met son SGS en application. Cette surveillance comprend l’évaluation périodique de la façon dont la compagnie analyse ses activités pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, y compris toute nouvelle tendance ou situation récurrente.

    Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Règlement sur le SGS en 2015, TC a concentré ses efforts sur la collaboration avec les compagnies de chemin de fer pour s’assurer qu’elles ont élaboré et documenté le SGS conformément aux attentes de TC. On continue d’effectuer des vérifications exhaustives du SGS pour relever toute lacune dans ce processus.

    En 2018–2019, TC a achevé ses vérifications du SGS de chaque compagnie de chemin de fer de compétence fédérale pour s’assurer que les processus essentiels du SGS avaient été mis en place. En 2020, TC a entrepris un cycle quinquennal de vérifications afin d’évaluer l’efficacité du SGS des compagnies de chemin de fer.

    Fait établi : Autre

    Bien que les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale soient tenues d’avoir un SGS depuis 2001, et que le nouveau Règlement sur le SGS soit entré en vigueur en 2015, l’efficacité du SGS de chaque compagnie de chemin de fer n’a pas encore été évaluée par TC.

    2.9.2 Surveillance du Comité de santé et sécurité

    Emploi et Développement social Canada (EDSC) et TC ont la responsabilité partagée d’examiner le fonctionnement des comités de santé et sécurité du CP, y compris le CCFHSC puisque ce dernier couvre aussi bien les employés itinérants que les employés sédentaires. TC participe à une réunion du CCFHSC tous les 3 ans pour en examiner l’efficacité. Lors du dernier examen effectué par TC et EDSC, aucun problème n’a été relevé dans la façon dont le CP menait ses réunions ni dans la façon dont la compagnie réglait les problèmes soulevés par les employés. TC n’a pas relevé les lacunes liées à la fermeture de rapports particuliers sur des dangers récurrents alors que des rapports semblables continuaient d’être consignés dans le système de signalement.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La surveillance du comité de santé et sécurité interfonctionnel de Calgary effectuée par TC n’a pas permis de relever le manque de mesure corrective à l’égard des rapports sur le rendement insuffisant du système de freinage des trains-blocs céréaliers qui descendent Field Hill.

    2.9.3 Surveillance du programme de formation

    Les compagnies de chemin de fer fournissent à TC des renseignements sur leurs programmes de formation, mais TC n’évalue pas si ces programmes sont adéquats pour chaque compagnie de chemin de fer. TC n’est pas tenu d’examiner le matériel didactique ni d’évaluer le programme. Par conséquent, une fois que les compagnies de chemin de fer ont satisfait aux exigences réglementaires en matière de formation, de consultation et de rapports, TC n’effectue plus aucune autre surveillance de la formation du personnel d’exploitation ferroviaire.

    Fait établi quant aux risques

    S’il n’y a aucune surveillance réglementaire de la pertinence et l’efficacité des programmes de formation du personnel d’exploitation ferroviaire, il y a un risque accru que ces programmes ne soient pas suffisamment rigoureux pour garantir que le personnel d’exploitation ferroviaire possède les connaissances et l’expérience qui conviennent pour travailler en toute sécurité.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. Après avoir dépassé le point milliaire 126, le train s’est engagé sur une des pentes les plus abruptes de Field Hill. À cette étape, les serrages des freins de service successifs faits par le mécanicien de locomotive descendant, de concert avec les freins dynamiques de locomotive disponibles, n’ont pas réussi à maintenir la vitesse du train en deçà de la limite de vitesse maximale de 15 mi/h. Par conséquent, conformément aux instructions de la compagnie, l’équipe a effectué un serrage d’urgence des freins et a immobilisé le train sur Field Hill au point milliaire 127,46.
    2. L’équipe descendante et le coordonnateur de trains ont choisi d’utiliser les robinets de retenue seulement, et la chef de train les a par la suite réglés à la position « haute pression » sur 75 % des wagons (84 wagons), conformément aux procédures d’exploitation de Field Hill. Parce que le quart de travail de l’équipe touchait à sa fin, le directeur des contrôleurs de la circulation ferroviaire a commandé une équipe de relève, qui rétablirait les systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins et terminerait le voyage à Field.
    3. Une dizaine de minutes environ après le transfert d’équipe à équipe, le train s’est mis à rouler de lui-même.
    4. Le train a accéléré en dévalant la montagne, sur une pente abrupte descendante et dans des courbes prononcées, jusqu’à ce qu’il atteigne une vitesse de 53 mi/h, ce qui dépassait largement la vitesse maximale autorisée de la voie. Cette vitesse excessive a entraîné des forces centrifuges élevées qui, de concert avec les forces latérales générées par les forces compressives modérées s’exerçant sur le train, ont fait en sorte que la locomotive s’est renversée dans une courbe à 9,8° et a déraillé au point milliaire 130,6.
    5. Malgré que l’équipe descendante eût constaté un rendement au freinage médiocre du train ayant exigé un arrêt d’urgence, les procédures d’exploitation de Field Hill n’ont pas mené l’équipe et le coordonnateur de trains à conclure que la situation justifiait de serrer des freins à main en plus de régler des robinets de retenue.
    6. Parce que la détérioration de la capacité de freinage se produisait de façon saisonnière à bord des trains-blocs céréaliers du Canadien Pacifique par température extrêmement froide, cette situation était devenue normalisée de sorte que les équipes s’attendaient à devoir utiliser presque toute la capacité de freinage disponible pendant la descente de Field Hill.
    7. Même si les augmentations du débit d’air lors du serrage des freins avaient été remarquées et avaient fait l’objet de discussions, leur importance comme principal indicateur du mauvais fonctionnement du système de freins n’a peut-être pas été pleinement comprise; on a ainsi raté l’occasion de diagnostiquer correctement la perte d’efficacité du système de freins à air du train.
    8. Après la séance de briefing, qui n’a pas abordé les facteurs critiques, comme la température ambiante, le rendement du système de freinage et l’importance des augmentations du débit d’air lors du serrage des freins, qui auraient pu pousser à serrer les freins à main, le coordonnateur de trains a décidé que régler les robinets de retenue était suffisant après ce premier arrêt d’urgence.
    9. En raison de lacunes du programme de formation, la chef de train descendante ne savait pas qu’il fallait observer la position du piston du cylindre de frein pendant le réglage des robinets de retenue et, par conséquent, des robinets de retenue ont probablement été réglés sur des wagons dont les freins étaient inefficaces.
    10. Le coordonnateur de trains n’était pas certifié pour Field Hill et n’avait pas d’expérience antérieure d’un arrêt d’urgence sur Field Hill. Par conséquent, son processus décisionnel s’appuyait probablement sur les consignes décrites dans les procédures d'exploitation de Field Hill, qui étaient communément interprétées comme signifiant que seuls les robinets de retenue devaient être réglés après un premier arrêt d’urgence sur Field Hill.
    11. La formation et l’expérience du coordonnateur de trains ne l’avaient pas préparé adéquatement à évaluer des circonstances anormales dans l’environnement d’exploitation complexe de Field Hill.
    12. Les essais effectués après l’événement permettent de déduire que l’efficacité des freins à air de 52 des 112 wagons du train à l’étude était réduite pendant la première descente de Field Hill et que, par conséquent, un serrage d’urgence des freins s’imposait.
    13. Dans le train à l’étude, compte tenu de la température extrêmement froide et de la longue période pendant laquelle les wagons sont demeurés immobilisés avec les freins serrés, le taux de perte de pression au cylindre de frein de certain des wagons sur lesquels les robinets de retenue étaient réglés était probablement excessif.
    14. Vingt-sept des wagons du train à l’étude avaient des distributeurs de wagon munis de dispositifs de serrage de type DB-10. Il est probable que la réaction de ces dispositifs de serrage aux faibles serrages progressifs des freins effectués alors que le train roulait entre Stephen et Partridge ait contribué à la difficulté à contrôler la vitesse du train, de sorte qu’un serrage d’urgence des freins s’imposait à Partridge.
    15. Il est fort probable que le système de freins à air des 27 wagons céréaliers munis de dispositifs de serrage de type DB-10 et de dispositifs de serrage d’urgence de type DB-20 de New York Air Brake-Knorr fabriqués il y a plus de 13 ans n’ait pas pu maintenir un freinage suffisamment efficace à cause de fuites excessives par des joints d’étanchéité de caoutchouc usés et détériorés.
    16. Trois heures et 14 minutes après le premier serrage des freins à Stephen, il est probable que la pression moyenne aux cylindres de frein ait baissé en-deçà de 31 lb/po2 de sorte que la force retardatrice n’était plus suffisante pour empêcher le train de se mettre à rouler de façon non contrôlée vers le bas de la pente en terrain montagneux.
    17. Un évanouissement par frottement des semelles de frein s’est produit sur les wagons dont les freins étaient efficaces, ce qui a contribué à la grande vitesse pendant le mouvement non contrôlé.
    18. Tant les mesures prises par les détecteurs de température de roues que les rapports sur les dangers pour la sécurité soumis par les équipes de train à bord de trains-blocs chargés de céréales roulant en direction ouest confirment que les essais de frein no 1 effectués au triage Alyth n’ont pas permis de détecter adéquatement les wagons dont les freins ne seraient pas pleinement efficaces par les températures extrêmement froides dans lesquelles le train à l’étude s’est trouvé pendant la descente de Field Hill.
    19. Entre 2015 et le moment de l’événement, le Canadien Pacifique n’avait imposé aucune restriction relative à l’exploitation des trains-blocs céréaliers sur Field Hill par températures extrêmement froides.
    20. Bien que les données des détecteurs de température de roues étaient recueillies et qu’elles indiquaient des pourcentages élevés de freins inefficaces sur les trains céréaliers au cours des 2 jours précédant l’événement, le Canadien Pacifique n’analysait pas ces données et n’a pris aucune mesure particulière ou corrective.
    21. Bien que la procédure du Canadien Pacifique relative au signalement des dangers pour la sécurité eût été suivie activement au terminal de Calgary, le processus de suivi ne permettait pas d’analyser les tendances et de régler les problèmes en matière de sécurité liés au rendement des systèmes de freins à air de la flotte de wagons céréaliers exploités par températures extrêmement froides sur la subdivision de Laggan de manière efficace.
    22. Le Canadien Pacifique estimait que la tendances dans les rapports de danger pour la sécurité ne représentait pas une « préoccupation en matière de sécurité » au sens du Règlement sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, et il n’a pas pris suffisamment de mesures pour régler les causes sous-jacentes du freinage inefficace des trains-blocs céréaliers qui descendaient Field Hill par températures extrêmement froides.
    23. La surveillance du comité de santé et sécurité interfonctionnel de Calgary effectuée par Transports Canada n’a pas permis de relever le manque de mesure corrective à l’égard des rapports sur le rendement insuffisant du système de freinage des trains-blocs céréaliers qui descendent Field Hill.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. Si la formation donnée en classe n’aborde pas les exigences uniques du territoire où les employés seront appelés à travailler, et si les employés ne reçoivent pas de formation en cours d’emploi sur ce territoire, ils ne seront pas bien préparés ni suffisamment formés pour exercer leurs fonctions en toute sécurité, ce qui augmente le risque d’accident.
    2. Lorsque les fonctions d’un spécialiste sont transférées à un poste de généraliste, à moins que de la formation technique et de l’expérience pratique ne viennent combler les écarts qui existent entre ces 2 postes, il y a un risque accru que ces fonctions ne soient pas effectuées convenablement.
    3. Lorsque les employés d’exploitation ne reçoivent pas de formation initiale et périodique adéquates sur la gestion des ressources en équipe, notamment sur la façon de prendre des décisions lorsqu’il y a un rapport d’autorité, la coordination et l’interaction entre les membres d’équipe pourraient ne pas être efficaces, ce qui augmente le risque d’accidents liés à des facteurs humains.
    4. Si les équipes de train travaillent régulièrement dans des conditions dangereuses, comme la dégradation du rendement au freinage par températures extrêmement froides, chaque voyage réussi augmente la tolérance au risque et réduit la capacité de l’équipe à reconnaître, à évaluer correctement et à gérer les dangers à l’avenir, ce qui augmente le risque d’accident.
    5. Si les principes de conception établis ne sont pas suivis pour afficher l’information essentielle à la sécurité sur l’écran d’affichage du conducteur de locomotive, des indices importants pourraient passer inaperçus, ce qui augmente le risque d’accident.
    6. Lorsque les trains sont exploités par températures extrêmement froides, des fuites au cylindre de frein se produisent, ce qui augmente le risque que l’utilisation de robinets de retenue en vue de préserver la capacité de freinage soit inefficace.
    7. Lorsqu’un train descend une longue pente, où les freins peuvent demeurer serrés pendant plus de 20 minutes, même avec un taux de fuite au cylindre de frein respectant la limite acceptable maximale précisée dans la norme S-486 Single Car Test (soit 1 lb/po² par minute) de l’Association of American Railroads, il y a un risque que la fuite au cylindre de frein rende le système de freins à air inefficace.
    8. Si les consignes sur la façon de réagir en situation d’urgence ne sont pas explicites mais dépendent plutôt de l’interprétation de la situation par les employés, le processus décisionnel des employés pourrait ne pas reposer sur de l’information exacte, ce qui augmente le risque qu’un plan d’action dangereux soit mis en œuvre.
    9. Si des restrictions adéquates pour l’exploitation saisonnière visant à garantir la sécurité de l’exploitation de trains-blocs par températures extrêmement froides en territoire montagneux ne sont pas invariablement activées d’année en année, il y a un risque accru de pertes de maîtrise et de déraillements.
    10. Tant que les méthodes d’essai des freins de train ne permettront pas d’évaluer avec précision l’efficacité des freins à air, les trains exploités par températures extrêmement froides demeureront susceptibles d’avoir un freinage inefficace, ce qui augmente le risque de perte de maîtrise et de déraillement.
    11. Tant que l’utilisation de semelles de frein résistant à l’évanouissement ne sera pas obligatoire sur les trains-blocs exploités en territoire montagneux, il y aura un risque accru d’évanouissement par frottement de l’efficacité des semelles de frein et de perte de maîtrise lorsque ces trains descendent de longues pentes en terrain montagneux.
    12. Tant que des moyens de défense physiques additionnels ne seront pas mis en œuvre, il subsistera un risque que des mouvements imprévus et non contrôlés de matériel roulant ferroviaire continuent de se produire et entraînent des déraillements, des collisions et des risques inacceptables pour les employés ferroviaires, le public et l’environnement.
    13. En l’absence d’examens des compétences suffisants pour tous les membres d’équipe de train, et en l’absence de résultats d’examens qui donnent de la rétroaction qualitative, il y a un risque que des lacunes au niveau des aptitudes, des qualifications ou des connaissances d’un employé ne soient pas convenablement cernées et qu’aucune mesure corrective ne soit prise pour améliorer la sécurité.
    14. Lorsque les conditions dans les installations de repos désignées ne sont pas propices à un repos réparateur des employés, il y a un risque accru que les employés ne soient pas complètement reposés à la fin d’une période de repos désignée.
    15. Lorsque des pratiques d’exploitation exigeant l’utilisation de la pleine puissance de freinage d’un train pour contrôler la vitesse sur des pentes en terrain montagneux deviennent normalisées, la marge de sécurité est grandement compromise, ce qui augmente le risque d’accident.
    16. Si les compagnies de chemin de fer modifient leurs politiques et leurs procédures sans cerner tous les dangers d’avance, des mesures d’atténuation des risques appropriées peuvent ne pas être prises, ce qui augmente le risque que les marges de sécurité s’estompent.
    17. Si les dangers ne sont pas convenablement cernés et analysés, les lacunes dans les moyens de défense peuvent continuer à passer inaperçues et ne pas être atténuées, ce qui augmente le risque d’accident.
    18. Si le système de gestion de la sécurité d’une compagnie de chemin de fer ne se fonde pas sur une culture de sécurité positive, son efficacité à cerner et à atténuer les dangers diminue, ce qui augmente le risque d’accidents.
    19. S’il n’y a aucune surveillance réglementaire de la pertinence et l’efficacité des programmes de formation du personnel d’exploitation ferroviaire, il y a un risque accru que ces programmes ne soient pas suffisamment rigoureux pour garantir que le personnel d’exploitation ferroviaire possède les connaissances et l’expérience qui conviennent pour travailler en toute sécurité.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. Étant donné que la continuité de la conduite générale n’a été compromise à aucun moment ni d’aucune façon, et puisqu’aucun desserrage intempestif des freins du train n’est survenu avant le déraillement, la seule autre cause possible de l’augmentation du débit d’air lors du serrage des freins était une fuite d’air excessive sur un ou plusieurs wagons. Ceci peut entraîner une diminution de la pression dans le cylindre de frein ou le desserrage des freins à air sur des wagons.
    2. L’essai de frein en marche effectué à Eldon n’a révélé aucune anomalie de freinage importante parce que les fuites dans le système de freinage n’avaient pas encore été aggravées par le temps extrêmement froid, parce que les serrages des freins n’ont pas duré assez longtemps pour que les fuites nuisent au rendement du système de freins à air, et parce que le train ne se trouvait pas sur la pente en terrain montagneux.
    3. De petites réductions progressives de la pression dans la conduite générale pourraient ne pas être suffisamment fortes pour se propager sur toute la longueur de la conduite générale lorsqu’un débit d’air élevé se produit simultanément. Elles peuvent également donner lieu à une vague de pression qui n’arrive pas à déclencher efficacement le serrage des freins voulu sur les distributeurs des wagons plus âgés ou moins sensibles.
    4. L’essai sur wagon individuel, qui est habituellement effectué dans un atelier ou sur une voie de réparation extérieure par températures plus chaudes, ne révèle pas les défectuosités des distributeurs de wagon qui se manifestent dans des conditions d’exploitation froides ou extrêmement froides.
    5. Selon les calculs de freinage, les wagons du train fournissaient, en moyenne, environ 61 % de leur effort de freinage à la suite du serrage d’urgence des freins à Partridge. Environ 3 heures plus tard, lorsque le train s’est mis à rouler de lui-même, l’effort de freinage s’était détérioré à moins de 40 % de l’effort de freinage maximal théorique.
    6. Compte tenu des données enregistrées par les détecteurs de température de roues pour des trains-blocs céréaliers semblables exploités par temps extrêmement froid, c.-à-d. moins de −25 °C, les calculs indiquent qu’au moins 50 % des wagons du train à l’étude étaient froids, selon les critères pour les détecteurs de température de roues établis par la compagnie de chemin de fer, au moment de l’événement.
    7. Les données des détecteurs de température de roues recueillies en hiver pour les trains exploités par des températures de –25 °C ou moins donnent des renseignements précieux sur l’état général du système de freinage des trains. Ces données pourraient servir à élaborer des critères d’exploitation hivernale pour assurer l’exploitation en toute sécurité des trains-blocs céréaliers par temps extrêmement froid.
    8. Ni le Canadien Pacifique ni Transports Canada, qui étaient des participants à part entière dans l’élaboration et la mise en œuvre des recherches sur la technologie d’inspection automatisée de l’efficacité des freins de train (Automated Train Brake Effectiveness), ne se sont servis des constatations de l’étude au sujet de l’état de la flotte de wagons-trémies céréaliers pour entreprendre une évaluation des risques liés à l’exploitation de trains-blocs céréaliers.
    9. Bien que les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale soient tenues d’avoir un système de gestion de la sécurité depuis 2001, et que le nouveau Règlement sur le système de gestion de la sécurité soit entré en vigueur en 2015, l’efficacité du système de gestion de la sécurité de chaque compagnie de chemin de fer n’a pas encore été évaluée par Transports Canada.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada

    4.1.1.1 Avis de sécurité ferroviaire 04/19 du BST

    Le BST a envoyé l’avis de sécurité ferroviaire 04/19, « Prévention de mouvements incontrôlés des trains immobilisés d’urgence dans des déclivités de moins de 1,8 % », à Transports Canada (TC) le 11 avril 2019.

    L’avis indiquait entre autres que des fuites pourraient réduire la marge de sécurité si l’on se fie au système de freinage d’un train durant une période prolongée. Il ajoutait qu’une baisse critique de pression au cylindre de frein causée par des fuites pourrait entraîner un mouvement non contrôlé.

    Enfin, l’avis mentionnait qu’en se fondant sur les calculs préliminaires, un train immobilisé d’urgence durant une période prolongée pourrait commencer à bouger de façon non contrôlée sur une déclivité de moins de 1,8 %.

    Compte tenu des conséquences potentielles d’un mouvement de train non contrôlé, l’avis indiquait que TC souhaiterait peut-être s’assurer que des procédures de sécurité efficaces soient appliquées à tous les trains immobilisés d’urgence dans les pentes raides comme dans les pentes en terrain montagneux.

    4.1.1.2 Avis de sécurité ferroviaire 05/19 du BST

    Le BST a envoyé l’avis de sécurité ferroviaire 05/19, « Inspection et maintenance du circuit de freins à air sur les wagons-trémies céréaliers des trains-blocs du CP [Canadien Pacifique] », à TC le 11 avril 2019.

    La lettre indiquait qu’à la suite de l’accident, le BST avait mis à l’essai, du 8 au 10 février 2019, le circuit de freins à air des 13 wagons-trémies céréaliers qui n’avaient pas déraillé. L’essai avait révélé que :

    • le circuit de freins à air sur ces wagons ne pouvait assurer une efficacité de freinage suffisante pour garantir l’exploitation sécuritaire d’un train-bloc chargé de céréales dans une situation exigeant le serrage des freins à air durant une période prolongée, par exemple en descendant une pente abrupte;
    • par rapport à la pression maximale attendue durant la série de serrages des freins de service, la pression au cylindre de frein avait chuté à 56 % en 15 minutes;
    • par rapport à la pression maximale attendue durant le serrage d’urgence des freins, la pression au cylindre de frein avait chuté à 61 % à la fin de la période d’essai de 3 heures.

    Comme les 13 wagons-trémies céréaliers représentaient environ 11 % des 112 wagons du train à l’étude, les résultats de l’essai étaient généralement représentatifs de la performance des freins à air du train 301-349 lorsqu’il traversait Partridge et au moment de l’événement.

    D’autres observations sur la performance des freins à air du train à l’étude étaient formulées :

    • Chacun des 13 wagons-trémies céréaliers avait échoué des essais additionnels réalisés au moyen d’un dispositif d’essai automatisé sur wagon individuel. La température ambiante durant les essais (menés les 24 et 25 février 2019) variait de −21 °C à −26 °C.
    • Ni la règle 3 du Field Manual de l’Association of American Railroads (AAR), ni les spécifications S-486 et S-4027, section E du Manual of Standards and Recommended Practices de l’AAR n’exigent que les essais se déroulent à la plus basse température ambiante à laquelle pourraient être exposés les wagons. Par conséquent, il se peut que les résultats d’essais réalisés dans un atelier de réparation ou à des températures extérieures modérées ne révèlent pas les problèmes potentiels de performance des freins à air susceptibles d’apparaître à des températures d’exploitation extrêmement froides.

    Le CP a mis en place plusieurs mesures d’atténuation des risques pour les trains-blocs de vrac qui empruntent Field Hill. Les températures ambiantes plus douces du printemps aideront à rétablir l’efficacité des freins à air. Toutefois, compte tenu des conséquences potentielles des mouvements non contrôlés, en particulier en territoire montagneux, le BST a indiqué que TC souhaiterait peut-être vérifier l’efficacité des procédures d’inspection et de maintenance des wagons-trémies céréaliers qui composent les trains-blocs céréaliers du CP (et d’autres compagnies ferroviaires, le cas échéant) pour s’assurer que l’exploitation de ces wagons est sécuritaire en tout temps.

    4.1.1.3 Avis de sécurité ferroviaire 04/20 du BST

    Le BST a envoyé l’avis de sécurité ferroviaire 04/20, « Efficacité des essais de frein no 1 », à TC le 17 avril 2020.

    L’avis indiquait que le train à l’étude, le train 301-349 du CP, avait subi et réussi un essai de train no 1 le 3 février 2019 avant de quitter le triage Alyth à Calgary, en Alberta. L’essai, réalisé par des inspecteurs accrédités de matériel remorqué sur un train immobilisé, permet de vérifier que le système de freins à air fonctionne comme prévu avant le départ du train.

    De plus, l’avis indiquait que TC, le Conseil national de recherches du Canada et le CP avaient entamé un projet de recherche conjoint sur l’essai automatisé de l’efficacité des freins de train (automated train brake effectiveness [ATBE]) pour vérifier si cet essai automatisé pouvait remplacer ou compléter l’essai de frein manuel actuellement exigé par la réglementation canadienne. Dans le cadre de la recherche, on a examiné les données sur la température des roues qui ont été obtenues d’une série de détecteurs de roues froides installés au bas de longues pentes où il est nécessaire de serrer les freins à air de façon prolongée pour maîtriser la vitesse des trains. Par la suite, les chercheurs ont comparé les données de l’ATBE et les résultats des essais de frein no 1 pour un échantillon de 44 trains de céréales.

    Les résultats de l’essai de l’ATBE aussi bien que les rapports de danger liées aux anomalies du système de freinage sur Field Hill semblent indiquer que l’essai de frein no 1 ne permet pas de détecter de façon fiable les freins inefficaces des wagons.

    À la lumière de ces renseignements, TC a été informé qu’une autre méthode est nécessaire pour vérifier l’efficacité des freins à air des wagons afin de veiller à ce que les trains qui partent aient un nombre suffisant de freins efficaces pour être exploités en toute sécurité.

    4.1.2 Transports Canada

    Le 8 février 2019, TC a émis l’arrêté 19-03 qui vise un certain nombre de compagnies de chemin de fer de compétence fédérale, dont le CP. L’arrêté prévoyait entre autres ce qui suit :

    Lorsqu’un train est arrêté à l’aide des freins d’urgence dans une déclivité de 1,8 % ou plus (c.-à-d. une déclivité montagneuse), serrer immédiatement un nombre suffisant de freins à main, déterminé selon [le] tableau de l’Annexe A, avant d’alimenter le circuit de frein à air pour prévenir tout mouvement involontaire de l’équipement.

    L’arrêté ministériel 19-03 devait rester en vigueur jusqu’à ce qu’il soit annulé par écrit par le ministre des Transports.

    Le 27 décembre 2019, TC a fourni une réponse aux avis de sécurité ferroviaire 04/19 et 05/19 du BST qui indiquait entre autres qu’il avait chargé SHARMA (une firme d’experts-conseils en génie et en recherche) d’effectuer une analyse pour évaluer les pratiques actuelles et les solutions de rechange d’exploitation ferroviaire en terrain montagneux. TC s’attendait à recevoir le rapport d’analyse en mars 2020.

    Le 24 avril 2020, TC a approuvé la nouvelle règle 66 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), Immobilisation du matériel roulant après un serrage d’urgence des freins en déclivité, proposée par l’industrie ferroviaire, qui décrit les exigences relatives aux freins à main pour immobiliser les trains sur des pentes raides et sur des pentes en terrain montagneux (c.-à-d. toute pente de plus de 1,0 %).

    Le 27 avril 2020, TC a émis l’arrêté 20-08, qui indiquait entre autres ce qui suit :

    [A]fin de surveiller la mise en œuvre de la règle 66 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada approuvée par le ministre des Transports le 24 avril 2020, toutes les compagnies énumérées à l’annexe A de l’arrêté MO 20-08 sont tenues de déclarer à Transports Canada tout serrage d’urgence des freins lorsqu’un train se trouve sur une pente raide ou sur une pente en terrain montagneux. Cette exigence entrera en vigueur le 1er juillet 2020 et le restera pendant 12 mois, soit jusqu’au 1er juillet 2021.

    L’arrêté exigeait également que soient déclarés tous les serrages d’urgence des freins à l’autorité appropriée .

    Toujours le 27 avril 2020, TC a ordonné, conformément à l’article 36 de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF), que des compagnies de chemin de fer de compétence fédérale, y compris le CP, déposent auprès de TC avant le 25 mai 2020 une copie de toutes leurs instructions liées à la règle 66 du REF. Cette exigence est entrée en vigueur le 24 juin 2020.

    En décembre 2020, TC a approuvé l’utilisation de la technologie d’essai automatisé de l’efficacité des freins de train (ATBE) afin de remplacer l’exigence d’un essai de frein no 1 pour les trains-blocs céréaliers du CP exploités entre certains endroits de l’Ouest canadien et le port de Vancouver.

    Le 13 avril 2021, l’arrêté ministériel 19-03 a été révoqué puisqu’il a été remplacé par la règle 66 du REF.

    Le 29 juillet 2021, TC a émis l’arrêté ministériel 21-04, qui rétablissait les exigences de l’arrêté ministériel 20-08, obligeant ainsi les compagnies ferroviaires à déclarer tous les serrages d’urgence des freins lorsqu’un train se trouve sur une pente raide ou sur une pente en terrain montagneux. L’arrêté ministériel est entré en vigueur le 1er septembre 2021 pour une période de 12 mois.

    Après l’événement à l’étude, TC a également entrepris une enquête sur un décès lié à la santé et la sécurité au travail en vertu de la partie II du Code canadien du travail et, en conséquence, a émis une directive à l’employeur (CP) en septembre 2020. TC a assuré un suivi auprès du CP et a vérifié que ce dernier avait mis en œuvre des mesures correctives. Un rapport sur les constatations de l’enquête, accompagné de recommandations, a été transmis à l’employeur et à son comité de santé et sécurité au travail le 9 octobre 2020.

    4.1.3 Canadien Pacifique

    Le 6 février 2019, le CP a émis le bulletin de système CPSB-005-019, qui révisait les procédures de conduite des trains pour la subdivision de Laggan en ce qui concerne le rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins sur les pentes en terrain montagneux. Les procédures révisées indiquaient que, sur les 25 premiers wagons, les freins à mains doivent être serrés et les robinets de retenue réglés à la position haute pression (HP). Les instructions indiquaient également que les robinets de retenue doivent être réglés à la position HP sur tous les wagons restants.

    Le 8 février 2019, le CP a émis le bulletin d’exploitation OPER-AB-015-19 avisant le terminal de Calgary d’une révision aux procédures de conduite des trains pour la subdivision de Laggan, qui devait entrer en vigueur le jour même. Ce bulletin indiquait entre autres [traduction] :

    4.0         Restriction de vitesse par temps froid :

    Si le DBC [détecteur de boîtes chaudes] au point milliaire 111,0 signale une température de -20 °C ou moins, aucun mouvement dont le poids par frein fonctionnel est égal ou supérieur à 100 tonnes ne doit dépasser les 10 mi/h entre le signal 1267 et Field.

    5.0         Desserrage intempestif

    Tous les mouvements circulant en direction ouest qui subissent un desserrage intempestif des freins à air entre le point milliaire 125,7 et Field doivent s’arrêter, en évitant de le faire à l’intérieur des tunnels en spirale si possible. Les robinets de retenue doivent être réglés à la position haute pression (HP) sur 100 % des wagons chargés. Tous les desserrages intempestifs des freins doivent être immédiatement signalés au CCF, qui avisera à son tour le coordonnateur de trains.

    6.0         Rétablissement des systèmes de freinage après le serrage d’urgence des freins (tous les trains)

    Les instructions suivantes s’appliquent à tous les trains arrêtés par un freinage d’urgence sur une pente en terrain montagneux.

    1. Le chef de train doit immédiatement immobiliser le mouvement au moyen des freins à main conformément à l’annexe A de la section 4 des IGENote de bas de page 192.

    Le 12 février 2019, le CP a commencé à vérifier les roues sur tous les trains céréaliers circulant vers l’ouest et passant devant des détecteurs de roues froides installés sur la subdivision de Laggan (au point milliaire 130,2) et sur la subdivision de Mountain (aux points milliaires 30,2, 95,1 et 111,7). En conséquence, on a déterminé que plus de 5000 wagons avaient de mauvais freins et ont été déclarés en mauvais état de fonctionnement. En outre, toujours le 12 février 2019, le CP a commencé à recueillir et à surveiller les données de l’ATBE portant sur son parc de wagons céréaliers afin de déterminer l’efficacité et l’exactitude du processus. Les algorithmes initiaux de l’ATBE ont été ajustés en fonction des résultats pour être appliqués au parc de wagons céréaliers.

    Le 25 février 2019, le CP a émis le bulletin de système CPSB 009-19 concernant une révision à l’article 32.10B de la section 1 des instructions générales d’exploitation. La révision était la suivante [traduction] :

    Dans les conditions météorologiques susmentionnées, lorsque les trains approchent d’un endroit qui exigera l’utilisation des freins à air du train, le mécanicien de locomotive doit faire un serrage minimum efficace des freins assez longtemps avant d’arriver à cet endroit pour pouvoir déterminer si les freins fonctionnent convenablement.

    Le 4 mars 2019, le CP a rendu obligatoire, dans le cadre de son programme de réparation des roues froides, le remplacement des 4 joints d’étanchéité du réservoir avant de réaliser l’essai de frein sur wagon individuel (SCT). Le CP a également rendu obligatoire l’utilisation d’un savon calibré et d’un pinceau applicateur.

    Le 7 mars 2019, le CP a émis le bulletin de système CPSB 011-19, qui stipule entre autres [traduction] :

    Rehausser la norme de freins fonctionnels de l’essai de frein numéro 1 du CP à 100 % sur tous les trains exploités sur le réseau canadien, ce qui représente une augmentation par rapport à la norme réglementaire de 95 %.

    Toujours en 2019, le CP a mis à jour le câblage dans ses locomotives de type SD70 en vue d’appuyer une modification logicielle mise au point en collaboration avec le fabricant. La modification comprend des améliorations au freinage dynamique permettant aux trains à traction répartie de conserver le freinage dynamique sur toutes les locomotives télécommandées après un serrage d’urgence des freins. Des modifications logicielles supplémentaires, mises au point en collaboration avec le fabricant des locomotives General Electric du parc du CP, ont été apportées en 2021. Au mois de décembre 2021, la mise à jour logicielle avait été installée sur 741 (soit environ 95 %) des 782 locomotives.

    Après l’événement, le CP a également élaboré un programme de formation avancée des mécaniciens de locomotive baptisé ALET (advanced locomotive engineer training) visant à compléter les compétences des mécaniciens de locomotive (ML) et à leur offrir une préparation supplémentaire afin de leur permettre de composer avec diverses conditions adverses sur le terrain. Ce programme a été élaboré entre avril et septembre 2019 et a été intégré aux programmes de formation et de requalification des ML en octobre 2019. La formation de 8 heures, qui approfondit les principes qui étaient toujours présents dans les programmes de formation des ML, est constitué d’un cours d’appoint de 2 heures sur les freins à air et de 5 simulations avancées.

    Le cours d’appoint de 2 heures sur les freins à air couvre les sujets suivants :

    • les composants et les caractéristiques des freins;
    • le freinage par cycle (resserrer les freins alors que le système de freins à air n’est pas complètement chargé); Note de bas de page 193
    • les effets de petites réductions successives par opposition à une forte réduction immédiate;
    • les effets du freinage d’urgence sans activer le système de contrôle et de freinage en queue de train (TIBS);
    • les effets des robinets de retenue lorsqu’ils sont réglés;
    • les effets de la traction répartie sur la conduite générale.

    En ce qui concerne les conditions adverses, les 5 simulations comprises dans le programme ALET couvrent les sujets suivants :

    • la réaction à une panne de communication avec l’unité de queue de train;
    • la réaction à une panne de communication de traction répartie;
    • la réaction à un changement mineur et majeur dans le débit d’air et aux fluctuations dans la conduite générale;
    • la réaction à un desserrage intempestif des freins à air;
    • les procédures de freinage par cycle sur une pente raide et une pente en terrain montagneux;
    • l’utilisation appropriée du frein dynamique;
    • la réaction à une efficacité de freinage qui ne correspond pas aux attentes;
    • les procédures de rétablissement des systèmes de freinage après un serrage d’urgence des freins à air.

    4.2 Mesures de sécurité à prendre

    Le 3 février 2019, vers 21 h 36, heure normale des Rocheuses, le train de marchandises 301-349 de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (Canadien Pacifique, ou CP), un train-bloc céréalier de 112 wagons, descendait la pente abrupte de 2,2 % de Field Hill, près de Field (Colombie-Britannique), dans la subdivision de Laggan du CP. Quand le mécanicien de locomotive (ML) n’a plus été en mesure de maintenir la vitesse du train en deçà de la vitesse maximale permise de 15 mi/h, les freins ont été serrés d’urgence pour immobiliser le train à Partridge (Colombie-Britannique), au point milliaire 127,46.

    Après l’arrêt d’urgence, il a été décidé de régler les robinets de retenue sur 84 des wagons, une tâche qui a pris environ 1 heure. Les robinets de retenue limitent l’accélération après le desserrage des freins, ce qui permet aux freins à air du train de se recharger pendant que le train poursuit sa descente. Aucun frein à main n’a été serré.

    Il a également été décidé qu’une équipe de relève prendrait la garde et le contrôle du train et terminerait le voyage jusqu’à Field. Une série de circonstances a contribué à retarder l’arrivée au train de l’équipe de relève; l’équipe de relève s’est préparée à se remettre en route environ 3 heures après l’arrêt d’urgence.

    Avant que l’équipe de relève ne desserre les freins pour se remettre en route, toutefois, le train a commencé à rouler de lui-même et à accélérer en descendant la montagne. Le train à la dérive a parcouru 3,14 milles et atteint une vitesse de 53 mi/h, mais n’a pas pu franchir la courbe prononcée de 9,8° juste avant le pont de la rivière Kicking Horse. Deux locomotives et 99 wagons ont déraillé. Les 3 membres de l’équipe de relève à bord du train ont été mortellement blessés.

    L’enquête a révélé un certain nombre de lacunes de sécurité qui ont contribué à l’accident, soit :

    • La dégradation des systèmes de freins à air par température extrêmement froide
    • Les limites des méthodologies actuelles d’essai des freins de train pour ce qui est d’évaluer avec exactitude le rendement des freins à air à ces températures
    • La nécessité de moyens de défense physiques supplémentaires pour prévenir les mouvements non contrôlés de matériel roulant
    • La nécessité de mieux cerner les dangers au moyen de signalements, de l’analyse des tendances des données et d’évaluations des risques dans le cadre du système de gestion de la sécurité du CP afin d’appuyer les mesures d’atténuation des risques

    4.2.1 Réduction du risque de mouvements non contrôlés par la mise en œuvre d’exigences visant l’entretien périodique des cylindres de frein

    Dans l’événement à l’étude, les cylindres de frein des wagons de marchandises perdaient de l’air comprimé, situation aggravée par l’âge et l’état des cylindres, et par la température extrêmement froide (la température ambiante était de l’ordre de −25 °C à −28 °C), ce qui réduisait la capacité de freinage du système de freins à air automatique du train. D’après les essais réalisés après l’événement, on a déterminé que l’efficacité des freins à air d’environ 50 % des wagons du train à l’étude était réduite pendant la descente initiale de Field Hill et, par conséquent, un serrage d’urgence des freins était nécessaire. Compte tenu de la température extrêmement froide et du temps pendant lequel les wagons du train sont restés immobiles avec les freins serrés à Partridge, le taux de fuite aux cylindres de frein de certains wagons était probablement excessif. Par conséquent, environ 3 heures plus tard, les freins ne pouvaient plus garder le train immobilisé et ce dernier a commencé à rouler de lui-même.

    La fuite d’air comprimé des composants du système de freins à air est un problème fondamental par températures ambiantes froides. Les fuites des freins à air augmentent habituellement lorsque la température chute et peuvent devenir assez importantes par froid extrême (à −25 °C ou moins). De nombreux joints d’étanchéité et garnitures dans le système de freins à air sont faits de caoutchouc ou d’un matériau composite. Les effets des températures froides sur le caoutchouc peuvent varier en fonction de sa composition, de son âge et de son usure. En outre, on sait de façon générale que les températures froides réduisent la résilience de rebondissement, rendant le caoutchouc plus rigide et moins efficace pour prévenir les fuites. C’est particulièrement vrai pour les composants des freins à air en service depuis longtemps, comme les joints d’étanchéité du distributeur, des joints en coupelle du cylindre de frein et des joints à bride de la conduite générale.

    Une fuite au cylindre de frein des wagons peut être particulièrement problématique lors de la descente d’une longue pente abrupte, parce qu’une pression au cylindre de frein suffisante est nécessaire pendant une période prolongée pour maintenir la vitesse du train. Descendre la pente de 13,5 milles de Field Hill à 15 mi/h exige que les freins à air restent serrés et fournissent une force retardatrice de freinage constante pendant plus de 52 minutes.

    Pour atténuer le risque que les cylindres de frein des wagons de marchandises développent des fuites d’air excessives, il est essentiel que les cylindres de frein soient régulièrement mis à l’essai et entretenus. Toutefois, il n’existe dans le secteur ou la réglementation aucune exigence particulière quant à l’entretien régulier des cylindres de frein des wagons de marchandises.

    L’historique de réparation des 112 wagons du train à l’étude indiquait qu’il y avait eu un remplacement ou un entretien de cylindre de frein sur 23 wagons (20,5 %) au cours des 5 années précédentes en raison de l’échec d’un SCT.

    Les fuites au cylindre de frein demeurent au deuxième rang des causes d’échec au SCT, derrière les défaillances du distributeur de wagon.

    Le secteur ferroviaire s’est penché sur le problème des fuites au cylindre de frein. En 2011, le comité sur les systèmes de frein (Brake Systems Committee) de l’Association of American Railroads (AAR) a proposé de réduire de moitié le taux maximal acceptable de fuite au cylindre de frein pendant un SCT périodique, un essai qui permet de vérifier le fonctionnement prévu des freins du wagon et de garantir, entre autres, que les freins restent serrés et ne présentent pas de taux de fuite supérieurs aux taux permissibles.

    D’après la norme S-486 de l’AARNote de bas de page 194, la limite maximale acceptable de fuite au cylindre de frein lors d’un SCT est de 1 lb/po2 par minute. À ce taux de fuite, le train à l’étude aurait perdu 52 lb/po2 de pression au cylindre de frein pendant la descente de Field Hill, ce qui représente une perte de 81,3 % de la capacité de freinage. Près du bas de la pente, la pression au cylindre de frein restante du train aurait été équivalente à un serrage des freins par réduction minimale de la pression (7 lb/po2), ce qui aurait été insuffisant pour permettre au train de rester en deçà de la vitesse maximale permise de 15 mi/h. Par comparaison, si le taux de fuite maximal acceptable proposé de 1 lb/po2 par 2 minutes était adopté, un train descendant Field Hill conserverait assez de pression au cylindre de frein pour effectuer toute la descente à 15 mi/h avec un seul serrage supplémentaire des freins pour compenser la fuite.

    La proposition du comité sur les systèmes de frein de l’AAR n’a pas été acceptée. Le secteur estimait que cette révision de la norme n’était pas nécessaire pour l’ensemble de l’Amérique du Nord, principalement en raison de la nature régionale du problème : le taux de fuite maximal plus rigoureux n’est nécessaire que pour descendre des pentes abruptes en hiver par températures froides.

    Par le passé, les cylindres de frein devaient régulièrement subir une remise en état de type nettoyage, graissage, essai et marquage (COT&S), mais ces exigences ont été abandonnées par l’AAR en 1992Note de bas de page 195. Depuis, l’approche de l’entretien des cylindres de frein adoptée par le secteur est devenue une approche d’entretien préventif volontaire ou « d’utilisation jusqu’à la défaillance ». Cependant, comme l’a montré l’événement à l’étude, en l’absence d’entretien périodique planifié, les fuites au cylindre de frein peuvent compromettre l’exploitation sécuritaire d’un train lorsqu’un serrage soutenu des freins est nécessaire, en particulier par températures froides.

    Les exigences en matière de COT&S avaient également été abandonnées pour les distributeurs de wagon en 1992. Cependant, à la suite d’un événement survenu le 10 janvier 2018 à l’embranchement industriel de Luscar à Leyland (Alberta), au cours duquel un train de marchandises est parti à la dérive en descendant une pente en terrain montagneuxNote de bas de page 196, et en réaction à de nombreux autres événements survenus au Canada et aux États-Unis, l’AAR a révisé sa position et a apporté des changements aux règles de façon à rétablir un calendrier de COT&S pour les distributeurs de wagon dans certaines circonstancesNote de bas de page 197. L’AAR a défini les conditions dans lesquelles les distributeurs de wagon devraient être remplacés en raison de leur âge et de l’exposition à des conditions de service par températures froides. Cette nouvelle exigence s’applique aux wagons de marchandises exploités en hiver au nord du 37e parallèle et qui sont équipés de distributeurs dont la dernière date de COT&S remonte à plus de 13 ans.

    Les cylindres de frein sont également sujets à un déclin du rendement après de longues périodes passées en service sans entretien, notamment sans lubrification et remplacement des joints et garnitures de caoutchouc essentiels à la sécurité. Toutefois, contrairement aux exigences en matière de COT&S qui ont récemment été rétablies pour les distributeurs, il n’existe aucune exigence de l’AAR concernant l’entretien ou le remplacement des cylindres de frein sur les wagons de marchandises à intervalle fixe.

    Des fuites excessives aux cylindres de frein des wagons de marchandises sur des pentes descendantes abruptes par températures ambiantes froides augmentent le risque d’une perte de maîtrise due à une capacité de freinage dégradée. Les mouvements non contrôlés d’équipement ferroviaire, quoique rares, sont des événements qui peuvent engendrer des situations très risquées aux conséquences potentiellement catastrophiques.

    Lorsqu’un train descend une longue pente par températures froides, où les freins doivent être serrés pendant une longue période, comme sur Field Hill, si les cylindres de frein fuient à un taux de 1 lb/po2 par minute (la limite maximale acceptable précisée dans la norme S-486 de l’AAR), il y a un risque que les fuites au cylindre de frein rendent le système de freins à air inefficace. Pour empêcher les mouvements non contrôlés dans ces situations, les limites de fuites au cylindre de frein doivent être fixées à des niveaux maximum acceptables plus rigoureux.

    Afin d’atténuer le risque que les wagons de marchandises développent des fuites excessives aux cylindres de frein, il est essentiel que les cylindres de frein fassent l’objet d’un entretien régulier et axé sur le temps.

    Si TC et le secteur ferroviaire ne prennent aucune mesure pour prévenir les fuites excessives aux cylindres de frein des wagons de marchandises, le risque d’une perte de maîtrise due à une capacité de freinage insuffisante subsistera, risque qui augmente sur des pentes descendantes abruptes, en particulier par températures ambiantes froides. Par conséquent, le Bureau recommande que

    le ministère des Transports établisse des normes d’essai rigoureuses et des exigences de maintenance en fonction du temps pour les cylindres de frein des wagons de marchandises exploités sur des pentes descendantes abruptes par température ambiante froide.
    Recommandation R22-01 du BST

    4.2.2 Réduction du risque de mouvements non contrôlés par la mise en œuvre de la technologie de frein d’immobilisation en stationnement

    Le problème des mouvements non contrôlés d’équipement ferroviaire n’est pas nouveau. Le BST souligne la nécessité de moyens de défense robustes pour empêcher les mouvements non contrôlés depuis 1996. Le 12 août de cette année-là, les 3 occupants de la cabine d’exploitation d’une locomotive ont été mortellement blessés lorsque leur train est entré en collision de face avec une rame de 20 wagons à la dérive près d’Edson (Alberta)Note de bas de page 198. Dans son rapport d’enquête, le BST a indiqué que les faits entourant cet événement soulevaient des préoccupations, notamment en ce qui concerne les moyens de défense secondaires contre les mouvements non contrôlés.

    Ce problème est revenu à l’avant-plan en 2013 lorsque, le 6 juillet, un train à la dérive a déraillé au centre de la ville de Lac-Mégantic (Québec), détruisant le centre-ville et le principal quartier d’affaires et causant la mort de 47 personnesNote de bas de page 199. Dans son rapport d’enquête, le BST a indiqué que les cas de matériel parti à la dérive sont peu probables et peuvent avoir des conséquences extrêmement graves, et que le coût en matière de vies humaines et de répercussions sur nos communautés peut être incalculable. Pour cette raison, le Bureau avait recommandé que

    le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive.
    Recommandation R14-04 du BST

    Depuis, la tendance du nombre de mouvements non contrôlés est en hausse. En 2014, l’année après l’accident de Lac-Mégantic, il y a eu 59 événements; en 2019, il y en a eu 78, y compris l’événement à l’étude. Les mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire demeurent un enjeu d’actualité qui figure sur la Liste de surveillance 2020 du BST, une liste d’enjeux qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr.

    Au cours des années qui ont suivi l’émission de la recommandation R14-04, pour s’efforcer d’aborder ces préoccupations, TC a mis en œuvre plusieurs initiatives visant à renforcer et à clarifier les exigences du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) qui régissent le serrage des freins à main. Ces initiatives comprenaient une révision de la règle 112 en 2015, qui a donné au secteur un tableau de serrage des freins à main complet pour composer avec diverses situations d’exploitation lors de l’immobilisation de matériel laissé sans surveillance.

    Après l’événement survenu à Field, TC a encore une fois modifié le REF en y ajoutant des exigences concernant l’utilisation des freins à main. Il a instauré la règle 66 (Immobilisation du matériel roulant après un serrage d’urgence des freins en déclivité) pour l’immobilisation des trains arrêtés d’urgence dans des pentes raides et en terrain montagneuxNote de bas de page 200. La nouvelle règle comprend également un tableau de serrage des freins à main complet. Elle est entrée en vigueur le 24 juin 2020.

    Un frein à main est un dispositif mécanique utilisé pour immobiliser l’équipement ferroviaire et prévenir les mouvements non contrôlés. Des freins à main sont installés sur tout le matériel roulant ferroviaire. Ils sont serrés à la main en faisant tourner le volant de frein à main. Cela presse les semelles de frein contre la table de roulement des roues afin de ralentir le mouvement des roues ou de les empêcher de bouger.

    Afin de bien retenir un train avec les freins à main, il faut en serrer le bon nombre pour générer la force de freinage nécessaire.

    Le tableau de serrage des freins à main de la règle 66 indique le nombre de freins à main qui doivent être serrés sur un train en fonction du tonnage du train et de la pente descendante. Par exemple, compte tenu du poids d’environ 15 000 tonnes du train à l’étude et de la pente moyenne de 2,2 % de Field Hill, pour respecter les exigences de la règle 66, il aurait fallu serrer 75 freins à main sur le train après qu’il se fut arrêté d’urgence.

    Plusieurs facteurs peuvent toutefois réduire l’efficacité des freins à main, en particulier un faible couple de serrage (la quantité de force exercée par l’opérateur sur le volant de frein à main), l’usure et la réduction du coefficient de frottement des semelles de frein par l’état du rail, comme la présence de neige ou de glace. Quand certains des freins à main d’un train ne sont pas pleinement efficaces, il faut serrer plus de freins à main pour obtenir la force de freinage nécessaire pour maintenir le train stationnaire.

    En pratique, les opérateurs ne savent pas quelle force ils exercent sur le volant de frein à main, et les freins à main ne fournissent pas ce type de rétroaction. Les opérateurs ne savent pas non plus quel est le coefficient de frottement des semelles de frein ou si l’efficacité d’un frein à main est réduite par l’usure. Le seul moyen disponible pour déterminer si un nombre suffisant de freins à main a été serré est donc de réaliser un essai d’efficacité des freins à main. Cet essai consiste à desserrer les freins à air pour confirmer que le train ne commence pas à rouler. Si le train se met à rouler, il faut serrer davantage de freins à main et refaire l’essai. Dans les scénarios d’exploitation couverts par la règle 66, toutefois, cet essai n’est pas réalisable pour un train arrêté sur une pente raide ou en terrain montagneux. Dans ces circonstances, il serait très risqué de desserrer les freins à air, puisque le train pourrait commencer à rouler très rapidement et il peut ne pas être possible de l’arrêter à nouveau. Par conséquent, les opérateurs doivent se fier au nombre prédéterminé de freins à main exigé par la règle. Si certains des freins à main du train ne sont pas pleinement efficaces, ce nombre peut être insuffisant et il y a un risque de mouvement non contrôlé.

    Le serrage des freins à main est une tâche longue et physiquement exigeante. Les opérateurs doivent monter sur le wagon en grimpant à l’échelle latérale, se placer de façon sécuritaire près du volant de frein à main, et faire tourner le volant dans le sens horaire pour tendre la chaîne avant d’exercer une force maximale sur la manivelle. Ils doivent ensuite descendre du wagon, marcher jusqu’au wagon suivant et répéter la manœuvre. Serrer un grand nombre de freins à main exige un effort soutenu sur plusieurs heures. Avec le temps et la fatigue, la force que les opérateurs peuvent exercer sur chaque volant de frein à main peut diminuer; avec un couple moindre, l’efficacité des freins à main diminue, ce qui exige de serrer davantage de freins à main.

    Le tableau 28 montre combien de freins à main seraient nécessaires pour tenir un train de 15 000 tonnes sur une pente descendante de 2,2 %, en présumant d’un couple au serrage de 55 pieds-livres (la force que les participants à l’évaluation du rendement humain ont réussi à produire) et un coefficient de frottement de l’ordre de 0,3 à 0,4. En cas de fuites au cylindre de frein, il faudrait serrer un nombre de plus en plus grand de freins à main à mesure que la pression diminue. D’après ce tableau, les 75 freins à main exigés par la règle 66 seraient suffisants selon un coefficient de frottement de 0,39 et une pression aux cylindres de frein de 10 lb/po2.

    Comme le montre le tableau, le nombre de freins à main nécessaire pour tenir un train varie considérablement en fonction de plusieurs variables sur lesquelles les équipes de train n’ont aucun contrôle.

    Tableau 28. Nombre de freins à main à serrer à un couple de 55 pieds-livres pour tenir un train de 15 000 tonnes sur une pente descendante de 2,2 %, en fonction du coefficient de frottement des semelles de frein et de la pression moyenne aux cylindres de frein*
    Coefficient de frottement Nombre de freins à main requis en fonction de la pression moyenne aux cylindres de frein
    77 lb/po2** 65 lb/po2 50 lb/po2 35 lb/po2 25 lb/po2 10 lb/po2 0 lb/po2
    0,30 42 40 46 55 67 102 162
    0,31 40 39 44 53 64 98 156
    0,32 39 37 43 51 62 95 151
    0,33 37 36 41 50 60 92 146
    0,34 36 35 40 48 58 88 141
    0,35 35 34 38 46 56 86 136
    0,36 34 33 37 45 54 83 132
    0,37 33 32 36 44 52 80 128
    0,38 32 31 35 42 51 78 124
    0,39 31 30 34 41 49 75 120
    0,40 30 29 33 40 48 73 116

    * Les chiffres dans ce tableau présument d’un rapport net de freins à main de 6,5 %.
    ** Une pression au cylindre de frein de 77 lb/po2 correspond à la pression après un serrage d’urgence des freins, lorsqu’il n’y a pas de fuite au cylindre de frein.

    Il existe une technologie d’immobilisation des trains approuvée par l’AAR qui permet de retirer la plupart de ces variables de l’équation : les freins d’immobilisation en stationnement pour les véhicules ferroviaires, comme l’Automatic Park Brake (APB) de Wabtec et le ParkLoc de New York Air Brake (NYAB). La technologie de freins d’immobilisation en stationnement a été mise à l’essai et approuvée pour une utilisation sur les chemins de fer nord-américains, mais elle n’a pas été adoptée de façon généralisée.

    Les freins d’immobilisation en stationnement sont des cylindres de frein munis d’un loquet automatique actionné mécaniquement qui verrouille le piston du cylindre au besoin, selon la pression restante dans la conduite générale. Quand la pression dans la conduite générale est épuisée (p. ex. après un freinage de service ou d’urgence), le système verrouille automatiquement le piston du cylindre de frein en position sorti, ce qui permet de conserver la force de freinage. Cela se produit sans intervention ou action particulière de l’équipe de train. Quand la pression dans la conduite générale recommence à augmenter, le système dégage automatiquement le verrou et rétracte le piston du cylindre de frein, ce qui enlève la force de freinage. Les freins d’immobilisation en stationnement peuvent être configurés pour être utilisés aussi bien avec des systèmes de frein montés sur bogie qu’avec des systèmes de frein montés sur châssis, et ils peuvent être installés en rattrapage sur les wagons de marchandises existants sans devoir modifier le système de freins à air.

    Parce que les freins d’immobilisation en stationnement verrouillent le piston du cylindre de frein en position sur les wagons, leur efficacité ne dépend pas du couple de serrage et n’est pas affectée par les fuites au cylindre de frein. Les freins d’immobilisation en stationnement peuvent donc tenir un train sur une pente abrupte indéfiniment.

    Les mouvements non contrôlés d’équipement ferroviaire, quoique rares, peuvent engendrer des situations très risquées aux conséquences potentiellement catastrophiques. Les enquêtes du BST sur les mouvements non contrôlés ont révélé que la séquence des événements comprend presque toujours une immobilisation inadéquate du train. TC a apporté plusieurs améliorations aux règles régissant le serrage des freins à main. Toutefois, même avec un ensemble complet de règles, il a été démontré au fil des ans qu’il ne suffit pas de compter uniquement sur l’application correcte des règles pour maintenir la sécurité dans un système de transport complexe. Le concept de « défense en profondeur » oriente la réflexion dans le monde de la sécurité depuis de nombreuses années. Le cumul des moyens de défense, ou la redondance en matière de sécurité, s’est avéré une approche fructueuse dans beaucoup de secteurs pour veiller à ce qu’une seule et unique défaillance n’entraîne pas des conséquences catastrophiques.

    L’augmentation du nombre et de la qualité des moyens de défense administratifs n’a pas réussi à établir une redondance en matière de sécurité contre les mouvements non contrôlés. Jusqu’à maintenant, le secteur ferroviaire canadien et l’organisme de réglementation n’ont toujours pas cherché à aller au-delà du renforcement d’un moyen de défense administratif comme l’utilisation des freins à main.

    Tant que des moyens de défense physiques comme les freins d’immobilisation en stationnement ne seront pas mis en œuvre dans tout le réseau ferroviaire canadien, le risque de mouvements non contrôlés dus à une immobilisation inadéquate des trains subsistera, en particulier sur les pentes abruptes où il est impossible de tester l’efficacité des freins à main. Par conséquent, le Bureau recommande que

    le ministère des Transports exige que les chemins de fer de marchandises canadiens dressent et mettent en œuvre un échéancier d’installation de freins d’immobilisation en stationnement sur les wagons de marchandises, en priorisant l’installation en rattrapage sur les wagons utilisés dans les trains-blocs de marchandises en vrac exploités en terrain montagneux.
    Recommandation R22-02 du BST

    4.2.3 Gestion du risque par l’identification des dangers, l’analyse des tendances des données et l’évaluation des risques

    Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux compagnies de gérer les risques efficacement et de rendre les opérations plus sûres. Les évaluations des risques sont la pierre angulaire d’un SGS pleinement fonctionnel et efficace, et sont essentielles pour permettre à une compagnie de fonctionner en toute sécurité. Le Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS) oblige les compagnies de chemin de fer à réaliser des évaluations des risques, notamment lorsqu’une préoccupation en matière de sécurité est mise en évidence. Toutefois, les dispositions réglementaires ne définissent pas ce qu’est une préoccupation en matière de sécurité, ce qui permet diverses interprétations.

    Pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les compagnies de chemin de fer doivent analyser continuellement leurs activités, les tendances actuelles ou naissantes, et les situations récurrentes. Ces analyses sont fondées sur des renseignements comme les signalements par les employés de dangers pour la sécurité et les données des technologies de surveillance de la sécurité.

    La procédure de signalement des infractions aux règles de sécurité, des risques pour la sécurité et des préoccupations liées à la sécurité du CP définit une préoccupation en matière de sécurité de la façon suivante :

    Préoccupation liée à la sécurité : danger ou condition qui pourrait entraîner un événement non désiré qui présente

    • une menace pour l’exploitation sécuritaire du chemin de fer ou qui pourrait réduire la sécurité des activités ferroviaires;
    • un risque direct pour la sécurité des employés, de la propriété du chemin de fer, des produits transportés par le chemin de fer, le grand public ou des biens adjacents à la voie ferrée.Note de bas de page 201

    Au moment de l’événement, la procédure du CP décrivait les situations dans lesquelles on devait signaler un danger pour la sécurité et effectuer une analyse pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les tendances actuelles ou naissantes, et les situations récurrentes. Elle indiquait également les étapes à suivre pour transmettre progressivement un enjeu de sécurité à l’échelon supérieur jusqu’à ce qu’il soit réglé. Cependant, l’enquête a révélé que le processus n’était pas toujours suivi, que les signalements de dangers n’étaient pas toujours cotés ou évalués, et que certains rapports étaient clos sans indication claire quant à la mesure corrective prise, ni aucune vérification à savoir si la mesure était en place ni si elle était efficace.

    Avant l’événement à l’étude, des rapports sur les dangers pour la sécurité portant sur des trains-blocs céréaliers ayant eu des problèmes de freinage pendant la descente de Field Hill par températures froides en hiver avaient été présentés par des équipes de train en janvier et en février depuis nombre d’années. Bien que la procédure du CP relative au signalement des dangers pour la sécurité ait été activement suivie au terminal de Calgary, le processus de suivi était inefficace pour analyser les tendances. Le CP estimait que la tendance présentée par les signalements des dangers pour la sécurité ne constituait pas une « préoccupation en matière de sécurité » aux termes du Règlement sur le SGS ou de sa propre procédure de signalement des infractions aux règles de sécurité, des risques pour la sécurité et des préoccupations liées à la sécurité.

    Les signalements individuels de ces dangers étaient clos, et pourtant de nouveaux rapports semblables continuaient d’être consignés dans le système de signalement. Malgré tout, d’année en année, les rapports relatifs au freinage médiocre des trains-blocs céréaliers sur Field Hill étaient clos, aucune évaluation des risques n’était effectuée et les mesures correctives prises étaient insuffisantes. Puisque la dégradation du rendement au freinage était un phénomène saisonnier touchant les trains-blocs céréaliers du CP par températures extrêmement froides, cette condition était devenue normalisée de sorte que l’on s’attendait à avoir besoin de la quasi-totalité du freinage disponible pour descendre Field Hill.

    Par ailleurs, la surveillance par TC du comité de santé et de sécurité au travail de Calgary n’a pas permis de cerner le manque de mesures correctives à l’égard du rendement au freinage médiocre des trains-blocs céréaliers descendant Field Hill.

    Le CP recueille les données des détecteurs de température des roues (WTD) sur son réseau. Ces détecteurs facilitent l’identification des wagons ayant des roues froides, qui sont un indicateur de mauvais rendement au freinage. Les données recueillies en hiver permettent à la compagnie de chemin de fer de surveiller la sensibilité à la température et le rendement des freins à air des wagons lorsqu’ils sont le plus susceptibles aux fuites. Les WTD sont une technologie de surveillance de la sécurité et, à ce titre, les données qu’ils fournissent doivent être analysées pour cerner les préoccupations en matière de sécurité, les tendances actuelles ou naissantes, ou les situations récurrentes. Toutefois, au moment de l’événement, le CP n’analysait pas activement les données disponibles et a raté l’occasion de cerner le danger et d’atténuer tout risque lié au rendement au freinage des trains céréaliers par température extrêmement froide.

    Des évaluations des risques doivent être réalisées avant de mettre en œuvre des changements opérationnels susceptibles de créer de nouveaux dangers ou d’accroître la gravité des dangers existants. Au cours des années précédant l’événement, le CP a apporté plusieurs changements aux procédures d’exploitation de Field Hill, notamment au seuil de vitesse auquel les trains sont autorisés à descendre Field Hill de même qu’aux exigences en matière de robinets de retenue et de freins à main après un serrage d’urgence des freins. Le CP n’a réalisé aucune analyse des risques pour évaluer l’incidence de ces changements sur la sécurité.

    Le Règlement sur le SGS exige que les compagnies de chemin de fer s’assurent que les employés exécutant des tâches essentielles à l’exploitation sécuritaire des chemins de fer (comme les chefs de train) ont les compétences et les qualifications nécessaires pour s’acquitter de leurs fonctions en toute sécurité. Toutefois, lorsque le CP a modifié son programme de formation pour les chefs de train qui travaillent sur la subdivision de Laggan, il n’a pas effectué une évaluation des risques posés par cette modification.

    Depuis l’entrée en vigueur du nouveau Règlement sur le SGS en 2015, le BST a enquêté sur 11 événements, y compris l’événement à l’étude, dans lesquels des lacunes en matière d’identification des dangers, d’analyse des données pertinentes sur la sécurité ferroviaire ou d’évaluation des risques ont été cernées comme un facteur de risque. De ce nombre, 7 se sont produits pendant des opérations du CP.

    Le Bureau a émis une recommandation au ministère des Transports concernant l’efficacité des SGS des compagnies de chemin de fer en 2014, à la suite de son enquête sur l’accident de juillet 2013 à Lac-Mégantic (Québec). Dans son rapport d’enquête, le Bureau a indiqué que jusqu’à ce que les compagnies de chemin de fer du Canada intègrent les SGS dans leur culture et que TC s’assure que les SGS ont été mis en œuvre d’une manière efficace, les avantages en matière de sécurité des SGS ne seraient pas réalisés. Le Bureau a recommandé que

    le ministère des Transports effectue des vérifications des systèmes de gestion de la sécurité des compagnies ferroviaires assez poussées et assez fréquentes pour confirmer que les processus nécessaires sont efficaces et que des mesures correctives sont mises en œuvre pour améliorer la sécurité.
    Recommandation R14-05 du BST

    Depuis lors, TC a achevé ses vérifications exhaustives initiales de toutes les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale. À la suite de ces vérifications, TC a demandé l’établissement de plans de mesures correctives, le cas échéant, et a déclaré continuer de faire des suivis pour s’assurer que toutes les compagnies de chemin de fer ont pris des mesures correctives pour donner suite aux constatations. Dans sa réévaluation de mars 2021 de la réponse de TC, le Bureau a dit juger prometteurs les progrès réalisés par TC et attendre avec impatience de recevoir de l’information sur les constatations.

    L’efficacité des SGS des compagnies de chemin de fer demeure préoccupante et figure sur la Liste de surveillance 2020 du BST, une liste des enjeux qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Comme l’indique la Liste de surveillance, les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent avoir un SGS depuis 2001, et les exigences réglementaires ont été considérablement améliorées en 2015. Cependant, depuis lors, les SGS des compagnies n’ont pas réalisé les améliorations attendues en matière de sécurité associées à une gestion de la sécurité et une culture de sécurité bien établies, puisque le taux d’accidents de train en voie principale ne s’est pas amélioré. Le BST croit que les SGS des compagnies de chemin de fer ne permettent pas encore de cerner efficacement les dangers et d’atténuer les risques dans le secteur du transport ferroviaire. La gestion de la sécurité restera sur la Liste de surveillance du secteur de transport ferroviaire jusqu’à ce que les données sur la sécurité soient recueillies et analysées afin de déterminer de façon fiable l’évaluation des risques et l’atténuation des risques, ce qui permet d’améliorer la sécurité de façon mesurable.

    Une culture de sécurité efficace comprend des mesures proactives pour cerner et gérer les risques d’exploitation. L’identification des dangers dans le cadre d’une évaluation des risques est essentielle pour cerner les mesures d’atténuation nécessaires et est à la base d’un SGS efficace.

    Lorsque les dangers ne sont pas identifiés, que ce soit par les signalements, les analyses des tendances des données ou les évaluations de l’incidence des changements opérationnels, et lorsque les risques qu’ils posent ne sont pas rigoureusement évalués, des lacunes dans les moyens de défense peuvent ne pas être atténuées, ce qui augmente le risque d’accident. En fin de compte, ce sont les compagnies de chemin de fer elles-mêmes qui doivent s’assurer de mettre en place la culture, les processus et les procédures nécessaires pour permettre l’identification proactive des dangers, l’évaluation des risques et la mise en œuvre des stratégies d’atténuation. Cependant, TC a également la responsabilité de veiller à ce que les compagnies de chemin de fer non seulement respectent le Règlement sur le SGS, mais gèrent également les risques dans leurs opérations de manière efficace.

    Tant que la culture de sécurité générale et le cadre du SGS du CP n’incluront pas des moyens de cerner les dangers de façon exhaustive, notamment par l’examen des rapports de sécurité et de l’analyse des tendances des données, et d’évaluer les risques avant d’apporter des changements opérationnels, le SGS du CP ne sera pas pleinement efficace. Par conséquent, le Bureau recommande que

    le ministère des Transports exige que la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique démontre que son système de gestion de la sécurité permet de cerner efficacement les dangers résultant des opérations, en utilisant toute l’information disponible, comme les signalements de dangers par les employés et les tendances des données; qu’il évalue les risques connexes; et qu’il mette en œuvre des mesures d’atténuation et en valide l’efficacité.
    Recommandation R22-03 du BST

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

    Annexes

    Annexe A – Freins des locomotives et wagons de marchandises

    Freins d’un train

    Les locomotives sont équipées de 2 systèmes de freinage pneumatique : automatique et indépendant.

    Le système de freinage automatique serre les freins sur chaque locomotive de même que sur chaque wagon du train; il est normalement utilisé au cours de la marche du train pour le ralentir et l’arrêter.

    Chaque locomotive est aussi munie d’un système de freinage indépendant, qui serre les freins à air sur la locomotive seulement. Les freins indépendants ne sont en général pas utilisés pendant la marche du train, mais servent principalement de frein d’immobilisation en stationnement, parfois de concert avec le frein à main de la locomotive.

    Les locomotives sont aussi munies d’un système de freinage dynamique qui utilise les moteurs de traction de locomotive afin d’offrir une résistance à la rotation des essieux.

    Système de freinage automatique

    Le système de freinage automatique d’un train est alimenté par l’air provenant de compresseurs situés sur chaque locomotive en service. L’air est filtré, séché, comprimé et stocké dans les principaux réservoirs de la locomotive. La pression de l’air dans les principaux réservoirs est maintenue entre 130 et 140 lb/po². Ces réservoirs fournissent de l’air à chaque locomotive et wagon d’un train au moyen d’une conduite générale qui court sur toute la longueur du train. La conduite générale de chaque locomotive et wagon du train est connectée à celle de la locomotive ou du wagon suivant au moyen d’une conduite de wagon à wagon.

    Le système de freinage automatique est équipé d’une valve de régulation qui sert à régler la pression d’air fournie à la conduite générale à environ 90 lb/po².Note de bas de page 202 Avec un délai suffisant, l’ensemble du système de freinage du train se chargera jusqu’à 90 lb/po². Le temps nécessaire à la recharge complète d’un système de freinage de train dépend de la longueur du train, de la température ambiante, du positionnement des locomotives dans tout le train et de la quantité de fuitesNote de bas de page 203 dans tout le train.

    Les wagons sont équipés des 6 composantes de base suivantes pour les freins à air : la conduite générale, un distributeur de wagon, des réservoirs d’air auxiliaire et d’urgence, un cylindre de frein et une valve de retenue (figure A1). Un distributeur de wagon comporte 2 dispositifs de serrage, un pour le freinage de service et l’autre pour le freinage d’urgence, tous deux fixés sur un support de conduite (figure A2). Le distributeur de wagon a 3 fonctions : charger les réservoirs auxiliaire et d’urgence à partir de la conduite générale, serrer les freins et desserrer les freins.

    Figure A1. Composantes d’un frein à air d’un wagon de marchandises (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Reproduction en français : BST)
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    Composantes d’un frein à air d’un wagon de marchandises (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Reproduction en français : BST)
    Figure A2. Composantes d’un frein à air d’un wagon de marchandises (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Reproduction en français : BST)
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    Composantes d’un frein à air d’un wagon de marchandises (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Reproduction en français : BST)

    La conduite générale fournit de l’air comprimé à chaque wagon Note de bas de page 204 du train lorsque les freins du train sont desserrés et que le système se charge. Le réservoir auxiliaire de chaque wagon fournit de l’air comprimé au cylindre de frein lorsque les freins sont serrés et se recharge lorsque les freins sont desserrés. Cette action est contrôlée par le distributeur du wagon en réaction aux changements de pression de la conduite générale.

    La conduite générale sert de ligne de signal pour serrer les freins du train ou les desserrer et les recharger. Le signal est commandé à partir du robinet de mécanicien sur la locomotive de tête en modifiant la pression d’air dans la conduite générale. Le fonctionnement des freins à air des trains est fondé sur le principe de l’abaissement de la pression de la conduite générale pour serrer les freins et de l’augmentation de la pression de la conduite générale pour desserrer les freins. Ainsi, le système de freinage pneumatique doit être suffisamment chargé pour fonctionner comme prévu.

    Lorsque le système de freinage pneumatique d’un train de marchandises est suffisamment chargé, les freins sont serrés par le biais d’une réduction contrôlée de la pression de la conduite générale. Cela s’appelle un serrage de service. Les freins de train peuvent être actionnés avec un minimum de serrage, ce qui est le frein le plus léger possible, et serrés progressivement plus fort par étapes jusqu’à ce qu’un serrage à fond Note de bas de page 205 soit réalisé. Bien qu’il soit possible d’augmenter progressivement le serrage d’un frein de train, il ne peut pas être libéré progressivement; il ne peut qu’être entièrement desserré.

    Pour serrer les freins de train plus fort qu’un serrage à fond, il faut utiliser un serrage des freins d’urgenceNote de bas de page 206. Pour ce faire, on évacue l’air de la conduite générale à une vitesse incontrôlée, ce qui permet à la pression de tomber rapidement à 0 lb/po². Une fois qu’un serrage des freins d’urgence est lancé, la chute de la pression de la conduite générale à 0 lb/po² ne peut pas être arrêtée.

    Le distributeur d’un wagon de marchandises réagit à une chute abrupte de la pression d’air en permettant à la pression d’air stockée dans le réservoir d’urgence de s’écouler dans le cylindre de frein. Le réservoir auxiliaire est également utilisé lors d’un freinage d’urgence. Cela entraîne une augmentation de la pression des cylindres de frein plus rapide et plus élevée, ce qui entraîne un serrage plus fort des freins et un arrêt plus rapide.

    Lorsqu’un serrage des freins automatiques de service est requis, le mécanicien de locomotive (ML) déplace la poignée du robinet de mécanicien (figure A3) à la position souhaitée. Cette action évacue l’air de la conduite générale à un taux de serrage de service. Quand chaque distributeur de wagon perçoit une réduction suffisante de la pression, l’air s’écoule du réservoir auxiliaire situé sur chaque wagon dans le cylindre de frein de ce wagon, pressant les semelles de frein contre les roues.

    Figure A3. Poignée du robinet de mécanicien (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)
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    Poignée du robinet de mécanicien (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada)

    Pour desserrer les freins, le ML déplace la poignée du robinet de mécanicien à la position de desserrage. Cette action permet de diriger l’air du réservoir principal vers la conduite générale, ce qui permet d’y rétablir la pression de 90 lb/po². Détectant cette augmentation de la pression de l’air dans la conduite générale, le distributeur de chaque wagon laisse s’échapper de l’air du cylindre de frein par la valve de retenue, ce qui éloigne les semelles de frein des roues.

    Pour serrer de nouveau les freins du train après un desserrage, la pression de la conduite générale doit à nouveau être réduite à l’aide du robinet de mécanicien. Avant de serrer de nouveau les freins du train, le système a besoin de temps pour se recharger. Ne pas laisser suffisamment de temps pour que le système se recharge peut faire en sorte que les freins ne se serrent pas ou qu’ils se desserrent involontairement après un court délai.

    Système de freinage indépendant

    Sur une locomotive, les freins indépendants sont également alimentés en air à partir du réservoir principal. Contrairement au système de freinage automatique, le système de freinage indépendant est un système à air direct. Un robinet de frein indépendant contrôle une valve de relais qui permet à l’air du réservoir principal de s’écouler dans les cylindres de frein des locomotives seulement.

    Lorsqu’un freinage indépendant à fond est requis, le ML déplace la poignée du robinet de frein indépendant (figure A4) jusqu’à la position de serrage à fond, et la pression d’air est fournie aux cylindres de frein de la locomotive. Cette action serre les semelles de frein seulement sur les roues de la locomotive. La pression du cylindre de frein peut également être graduellement augmentée ou diminuée selon les besoins, en déplaçant la poignée du distributeur dans la zone de serrage.

    Pour desserrer les freins indépendants, le ML déplace la poignée du robinet de frein indépendant à la position de desserrage. L’air est ainsi expulsé des cylindres de frein de la locomotive, et les semelles de frein sont éloignées des roues de la locomotive. La pression d’air dans les cylindres de frein de la locomotive varie selon la position de la poignée du robinet de frein indépendant.

    Figure A4. Positions de la poignée du robinet de frein indépendant (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada. Reproduction en français : BST)
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    Positions de la poignée du robinet de frein indépendant (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, reproduction en français : BST)
    Distributeurs

    Chaque wagon est muni d’un distributeur de wagon, qui comprend un dispositif de serrage de service et un dispositif de serrage d’urgence. La pression d’air est fournie par les compresseurs d’air de locomotive du train et est acheminée vers chacun des wagons par l’entremise de la conduite générale. L’air comprimé de la conduite générale est poussé dans le té de la conduite dérivée, qui fait le fait passer par le robinet d’isolement vers le distributeur de wagon. Le distributeur de wagon fournit une pression d’air au réservoir combiné, qui se trouve sur chaque wagon de marchandises. Le réservoir combiné comprend 2 sections distinctes : un réservoir auxiliaire (pour les serrages de freins de service d’urgence) et un réservoir d’urgence (qui fournit principalement de la pression d’air pour un serrage des freins d’urgence).

    Lorsque le système de freins du wagon de marchandises est complètement chargé (lorsque les freins sont desserrés), la pression dans la conduite générale ainsi que dans les réservoirs auxiliaires et d’urgence présentent tous une pression égale à 90 lb/po2. Lors d’un serrage automatique des freins, la pression dans la conduite générale est réduite, ce qui signale au distributeur de wagon de serrer les freins en acheminant l’air dans le réservoir auxiliaire vers le cylindre de frein du wagon; l’air fait sortir le piston, déplace les poutres-freins et presse les semelles de frein contre les roues.

    Lors de chaque serrage des freins de service, la pression de la conduite générale et celle du réservoir auxiliaire sont égales sur le wagon de marchandises. Le distributeur de wagon surveille tout différentiel de pression entre la conduite générale et le réservoir auxiliaire. Les freins sont desserrés lorsque la pression de la conduite générale augmente de 1,5 à 2 lb/po2 au-dessus de la pression du réservoir auxiliaire.

    Un freinage d’urgence du train survient soit parce que le ML a réglé la poignée de frein à air à la position d’urgence, soit parce que des tuyaux souples d’extrémité de wagon de marchandises se sont déconnectés entre les wagons. Dans un cas comme dans l’autre, les distributeurs de wagon détectent la diminution très rapide de la pression d’air provenant de la conduite générale (la pression de la conduite générale chuterait à 0 lb/po2 à un taux de 900 à 950 pieds par seconde) et achemine la pression d’air des réservoirs auxiliaire et d’urgence vers le cylindre de frein afin d’appliquer la force de freinage maximum dans le but d’immobiliser le train.

    Finalement, lorsque les freins sont desserrés, la pression d’air du cylindre de frein retourne vers le distributeur de wagon et est purgée dans l’atmosphère par le biais du robinet de retenue.

    Indicateur de débit d’air

    Sur les locomotives équipées d’écrans d’affichage du conducteur, le débit d’air est affiché dans une boîte désignée par le terme « Flow » (débit) (figure A5). La valeur affichée à l’écran indique le débit d’air entrant dans la conduite générale en pieds cubes par minute (pi3/min). Ce type d’indicateur de débit d’air affiche 0 lorsque la demande d’air est inférieure à 20 pi3/min.

    Figure A5. Écran d’affichage de l’opérateur de GE, l’indicateur de débit d’air encerclé (Source : General Electric, avec annotation du BST)
    Image
    Écran d’affichage de l’opérateur de GE, l’indicateur de débit d’air encerclé (Source : General Electric, avec annotation du BST)

    Lorsque le système de freinage du train est en train d’être chargé, l’indicateur de débit d’air affiche une valeur élevée, souvent supérieure à 60 pi3/min. Cela indique qu’il y a un débit d’air élevé entrant dans la conduite générale. Au fur et à mesure que le système est chargé, la valeur affichée diminue, ce qui indique une diminution du débit.

    Lorsque la valeur de l’indicateur de débit d’air cesse de chuter et se stabilise, cela indique que la demande d’air est constante et que le système est entièrement chargé. La fonction de maintien de la pression du robinet de mécanicien compense les fuites de la conduite générale. En cas de fuite de la conduite générale, la valeur de débit ne baissera pas à 0 pi3/min lorsque le système de freinage du train est complètement chargé.

    Étant donné que l’indicateur de débit d’air mesure le débit d’air vers la conduite générale, il peut également indiquer :

    • le taux auquel un train est chargé ou rechargé;
    • une forte demande en air dans la conduite générale, si un tuyau s’est séparé ou rompu;
    • un débit d’air entrant dans la conduite générale, du fait que la fonction de maintien de la pression du robinet de mécanicien compense les fuites normales.

    Si l’indicateur de débit d’air indique une augmentation du débit d’air pendant le serrage des freins, cela pourrait indiquer :

    • que les freins se desserrent (desserrage non intentionnel);
    • qu’un tuyau d’attelage de conduite générale s’est détaché quelque part dans le train;
    • qu’un tuyau ou la conduite générale s’est rompu quelque part dans le train;
    • qu’il y a des fuites excessives.
    Maintien de la pression de la conduite générale

    Le maintien de la pression est une fonction du robinet de mécanicien qui permet à l’air de s’écouler dans la conduite générale à une vitesse contrôlée pour compenser les fuites normales de la conduite générale sans que les freins du train se desserrent. Pendant le serrage de service des freins, il permet de maintenir pendant de longues périodes la réduction de la pression de la conduite générale sélectionnée. Cette fonction permet aux trains de descendre de longues pentes montagneuses avec les freins serrés comme il convient.

    Sans maintien de la pression de la conduite générale, la fuite d’air provoquerait la chute de la pression de la conduite générale lorsque les freins sont serrés. La pression de la conduite générale finirait par tomber à 0 lb/po². Par conséquent, il est difficile de contrôler la vitesse d’un train pendant les longues descentes sans maintenir la pression de la conduite générale.

    Le maintien de la pression fonctionne toujours lorsqu’une locomotive est préparée pour être la locomotive de tête ou la locomotive menante du groupe de traction répartie, mais elle est désactivée sur les locomotives préparées pour être menéesNote de bas de page 207.

    Freinage d’urgence

    Un freinage d’urgence est le serrage maximal des freins à air d’un train, pendant lequel la pression de la conduite générale est rapidement réduite à 0, soit à cause d’une séparation de la conduite générale, soit à partir d’une action initiée par le conducteur. À la suite d’un serrage d’urgence des freins, l’air des réservoirs auxiliaires et des réservoirs d’urgence se combine dans le cylindre de frein. Lorsque la pression de la conduite générale est inférieure à 45 lb/po², on ne peut pas compter sur une réduction rapide de la pression de la conduite générale pour déclencher un freinage d’urgence.

    Robinets de retenue de pression

    Un robinet de retenue de pression est un robinet manuel qui peut être utilisé pour limiter l’évacuation de la pression d’air du cylindre de frein après le desserrage du frein automatique. Le dispositif de retenue comprend 3 réglages, effectués à l’aide d’une rotation de la poignée jusqu’au cran approprié :

    • Le réglage d’échappement direct (DE), aussi appelé « échappement » (EX), évacue toute la pression d’air évacuée vers l’atmosphère (il s’agit du réglage par défaut des robinets de retenue des trains).
    • Le réglage de haute pression (HP) est conçu pour conserver nominalement jusqu’à 20 lb/po2 d’air comprimé dans le cylindre de frein après le desserrage du frein à air du wagon. Ce réglage peut aider à maintenir le train en position immobilisée ou à contrôler la vitesse, pendant la recharge du système de freinage pneumatique. Dans une situation où la pression au cylindre est inférieure à 20 lb/po2 au moment où le frein à air est desserré, le robinet de retenue retiendra initialement la pression existante à ce moment.
    • Le réglage direct lent (SD) permet d’évacuer toute la pression au cylindre de frein vers l’atmosphère, mais beaucoup plus lentement, lorsqu’un serrage de frein est commandé.

    Une fois les réglages effectués, les fonctions HP et SD s’exécutent seulement après le desserrage de frein initial. L’utilisation de robinets de retenue ne fournit aucune force de freinage supplémentaire pendant que les freins du train demeurent serrés. Les robinets de retenue servent plutôt à fournir une quantité résiduelle de force de freinage après le desserrage des freins du train (freins à air automatiques).

    Freins dynamiques

    Le système de freins dynamiques (DB) est conçu pour être utilisé en tant que système de freinage supplémentaire pour le système de freinage pneumatique du train. Le système de DB fonctionne au moyen d’une conversion électrique des moteurs de traction d’une locomotive en mouvement en génératrices électriques. L’une des caractéristiques d’une génératrice (moteur de traction) est de résister à la rotation lorsqu’elle produit de l’électricité. Cette résistance est un champ magnétique dans lequel l’armature du moteur de traction tourne. Le mouvement de la poignée de DB contrôle la force du champ magnétique et la force retardatrice. Lorsque les DB sont serrés, les moteurs de traction sont inversés, ce qui exerce un effet de traînée ou de freinage sur le train. La rotation de l’armature des moteurs de traction dans le champ magnétique produira un courant. Le courant est ensuite transmis aux résistances qui produisent de la chaleur. Les ventilateurs montés sur le toit de la locomotive refroidissent les résistances et la chaleur est dissipée dans l’atmosphère.

    Lorsque seuls les DB de la locomotive sont utilisés, les forces de compression sont concentrées derrière les locomotives. Lorsque les DB utilisées en combinaison avec les systèmes de freinage pneumatiques d’un train, ces forces sont distribuées de manière plus égale dans le train. L’utilisation des DB dans de longues pentes en terrain montagneux empêche la perte d’efficacité des semelles de frein sur les locomotives, car les moteurs de traction de locomotive fournissent une résistance. Il n’y a aucun contact entre les tables de roulement de roue et les semelles de frein, et aucune chaleur de frottement n’est produite. Lorsqu’un DB est utilisé pour renforcer les freins à air du train, une force de freinage moins importante est nécessaire, ce qui réduit le risque de perte d’efficacité des semelles de frein sur le train et permet de réserver la capacité des freins à air du train pour une utilisation en cas d’urgence.

    Annexe B – Inspection et essai des systèmes de freinage pneumatique

    Essai de frein no 1

    Conformément aux exigences du Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des freins sur les trains de marchandises et de voyageurs approuvé par Transports Canada et aux Instructions générales d’exploitation du CP, les essais de frein no 1 sont menés par des inspecteurs accrédités de wagons aux endroits où les trains sont formés ou à des endroits désignés pour les trains en service. Les inspecteurs effectuant ces essais doivent vérifier l’intégrité et la continuité de la conduite générale, ainsi que l’état de la timonerie de frein de chaque wagon, afin de s’assurer que les freins respectent les exigences minimales.

    Afin d’effectuer cet essai, les freins sont serrés et les pistons de cylindre de frein sont vérifiés visuellement afin de s’assurer que les freins sont serrés sur chaque wagon et que la course du piston de cylindre de frein correspond aux spécifications. Après le desserrage des freins, les pistons de cylindre de frein sont de nouveau vérifiés visuellement sur chaque wagon afin de s’assurer que les freins se sont desserrés. Au moins 95 % des freins à air des trains partant des lieux d’inspection de sécurité désignés doivent être en service Note de bas de page 208.

    Le Règlement relatif à l’inspection et à la sécurité des freins sur les trains de marchandises et de voyageurs approuvé par Transports Canada établit l’exigence pour un essai de frein no 1 comme suit :

    11.         ESSAI DE FREIN No 1

    11.1       Un essai de frein no 1 doit être effectué par un inspecteur accrédité de matériel remorqué dans un lieu désigné pour les vérifications de sécurité :

    a) sur les trains formés à cet endroit;

    b) sur les wagons ajoutés à un train à cet endroit;

    c) sur les wagons échangés;

    d) sur un train formé ailleurs que dans un lieu désigné pour les vérifications de sécurité, l’essai de frein no 1 doit être effectué à celui que la compagnie ferroviaire aura désigné pour ce train dans le sens de la marche de celui-ci.

    11.2       Exceptions – Il n’est pas nécessaire d’effectuer un essai de frein no 1 :

    a) sur les trains circulant sur des voies principales, entre des triages, jusque dans un rayon de trente (30) milles [cinquante (50) kilomètres)]. Ces trains doivent être affectés exclusivement au garage ou au ramassage de matériels de l’industrie et/ou au transfert de matériels entre des triages et leur liste communiquée au Ministère.

    b) dans le cas d’un transfert de lots de wagons qui ont été sans air pour une période de temps n’excédant pas 24 heures et pouvant être prolongée à 48 heures après en avoir avisé le Ministère.

    11.3       L’essai de frein no 1 doit permettre de vérifier :

    a)  l’intégrité et la continuité de la conduite générale;

    b) que l’état de la timonerie de frein sur chaque véhicule dans le train satisfait aux exigences minimales énoncées aux articles 20, 21 et 22 du présent Règlement;

    c)  que le serrage et le desserrage des freins de chaque véhicule sont constatés par une vérification visuelle du déplacement du piston ou de l’indicateur de freinage; et

    d) que la course du piston sur chaque véhicule est conforme aux normes.

    11.4       Un inspecteur accrédité de matériel remorqué peut effectuer une surveillance au défilé pour vérifier le desserrage des freins du train.

    11.5       Les inspecteurs accrédités de matériel remorqué doivent faire rapport, conformément aux marches à suivre et aux instructions de travail de la compagnie, de tous les résultats des essais de frein effectués. Toute anomalie du système de freinage constatée au cours de l’essai de frein et non réparée avant le départ doit être consignée comme une avarie et signalée au chef de train ou, en son absence, au mécanicien. Le chef de train ou le mécanicien devra mettra à jour en conséquence le système d’information sur la situation des freins de train en y consignant les anomalies reconnues. Les résultats de tels essais doivent être conservés durant quatre-vingt-douze (92) jours.

    11.6       Après un essai de frein no 1, un train peut quitter un lieu désigné pour les vérifications de sécurité avec quatre-vingt-quinze (95) pour cent de ses freins en service, à la condition que tout effort raisonnable ait été fait pour maintenir un taux de cent (100) pour cent de freins en service. Cette exigence ne s’applique pas aux véhicules dont il est question au paragraphe 8.4 du présent Règlement.

    11.7       Il n’est pas nécessaire d’effectuer un essai de frein no 1 à un point d’échange et/ou à un point d’entrée au Canada si le mécanicien a accès à des documents qui indiquent qu’un tel essai, conformément au présent Règlement, ou un essai de frein au terminal d’origine par un personnel de la Mécanique aux États-Unis, a eu lieu Note de bas de page 209.

    Essai des freins à air d’un wagon individuel

    Un essai sur wagon individuel Note de bas de page 210 (SCT) vérifie le fonctionnement du système de freins à air sur un wagon particulier. Même si cet essai peut être effectué à l’extérieur sur une voie de réparation désignée, il est le plus souvent effectué à l’intérieur d’un atelier à température ambiante. Le dispositif utilisé pour effectuer cet essai est doté d’un distributeur spécial et d’un débitmètre afin de vérifier les fonctions de freinage essentielles. Au cours de l’essai, la perte de pression est mesurée dans les cylindres de frein pendant 4 minutes subséquemment à une dépression de 10 lb/po² dans la conduite générale. La perte de pression admissible est de 1 lb/po² (ou moins).

    Conformément au Field Manual of the AAR Interchange Rules, un essai sur wagon individuel est requis :

    • lorsqu’un wagon est sur une voie de réparation ou dans un atelier et n’a pas été soumis à un essai sur wagon individuel depuis plus d’un an;
    • lorsqu’un wagon a été en service sans avoir été soumis à un essai sur wagon individuel pendant une période de 5 ans;
    • lorsqu’un wagon est en service sans avoir été soumis à un essai pendant depuis 5 ans (8 ans pour les nouveaux wagons)Note de bas de page 211.

    L’essai automatisé sur wagon individuel (ASCT) est couramment utilisé par le personnel d’entretien des voies ferrées aux fins d’inspection, d’essais et de diagnostic des problèmes liés au système de freinage pneumatique des wagons. En plus de déceler la présence d’une fuite prononcée (système, conduite générale, fuite de robinet de retenue, réservoir), l’ASCT permet de tester certains éléments comme le serrage minimal, la stabilité du distributeur de service, le desserrage de service, le fonctionnement du distributeur de ventilation d’urgence, le desserrage accéléré d’urgence et le fonctionnement du dispositif vide/chargé.

    L’essai n’est pas un seul essai, mais un programme d’essais comprenant une série progressive d’étapes d’essai, toutes conçues individuellement pour évaluer un aspect en particulier du rendement des freins à air. Chaque étape d’essai doit être terminée avec succès de passer à la prochaine étape. Si une étape d’essai donnée échoue, le problème sous-jacent doit être examiné et réglé. Une fois que la réparation est terminée, le programme d’essai continue afin de passer au prochain niveau d’essai. Dans un environnement d’atelier, la séquence d’essai, de dépannage, de réparation et de reprise des essais sera suivie jusqu’à ce que toutes les étapes aient été terminées avec succès.

    Essai de fuite de cylindre de frein

    La procédure d’essai pour une fuite de cylindre de frein comprend les étapes suivantes :

    1. Appliquer une réduction de freinage de 10 lb/po2.
    2. Attendre 3 minutes après la stabilisation de la pression dans la conduite générale à 80 lb/po2.
    3. Noter la pression indiquée sur le manomètre du cylindre de frein.
    4. Attendre 1 minute.
    5. Revérifier la pression du cylindre de frein.

    Annexe C – Historique de maintenance des wagons du train à l’étude

    Les 112 wagons à céréales du train ont été assemblés à partir de 3 parcs distincts de wagons-trémies présentant chacun un historique de maintenance différent. Dans le cadre de l’enquête, l’historique de remplacement des composants des freins a été examiné, en particulier les semelles de frein, les cylindres de frein et les distributeurs de wagon.

    Les wagons de chaque parc étaient munis de systèmes de freinage différents et de configurations de freins différentes (tableau C1). La disposition des freins à air sur tous les wagons était conforme aux spécifications S-400 et S-401 de l’Association of American Railroads (AAR).

    Tableau C1. Configuration du système de freinage des 112 wagons à céréales du train à l’étude
    Parc Nombre de wagons Type de cylindre de frein Commentaires
    SOO 29 Monté sur bogie Wabco TMX et New York Air Brake (NYAB) TMB-60 munis d’un régleur de timonerie automatique
    SOO 22 Monté sur châssis Wabco ou NYAB muni d’un régleur automatique de timonerie
    Loué 21 Monté sur châssis Wabco ou NYAB muni d’un régleur automatique de timonerie
    Canadien Pacifique* 40 Monté sur bogie Wabcopac/Nycopac non muni d’un régleur de timonerie

    * 2 wagons de la série CP 384000–384999 et 38 wagons du gouvernement du Canada de la série CP 600000–608591.

    Remplacement des semelles de frein

    Le tableau C2 présente le nombre total de semelles de frein remplacées sur les 112 wagons au cours des 5 années précédentes en fonction des catégories de température utilisées pour les données de détecteur de température des roues (WTD) à la section 1.19.2.3 : froide (moins de 100 °F), marginale (de 100 °F à 150 °F) et adéquate (plus de 150 °F).

    Tableau C2. Nombre et pourcentage de semelles de frein remplacées sur les wagons du train à l’étude de 2014 à 2019, par classement de la température moyenne des wagons
    Classement de la température moyenne des wagons Nombre de wagons Semelles de frein remplacées Pourcentage de semelles de frein remplacées par wagon
    Adéquate 67 858 12,8
    Marginale 25 333 13,3
    Froide 20 258 12,9

    Remplacement des distributeurs de wagon

    L’historique de maintenance indique qu’un total de 70 dispositifs de serrage de distributeurs de wagon ont été remplacés sur les 112 wagons au cours des 5 dernières années. Comme chaque wagon a 2 dispositifs de serrage de distributeur (un dispositif de serrage de service et un dispositif de serrage d’urgence), le taux de remplacement au cours de la période de 5 ans est de 31 %. Le tableau C3 présente le nombre de distributeurs remplacés pour chaque catégorie de température de roue.

    Tableau C3. Nombre et pourcentage de distributeurs remplacés sur les wagons du train à l’étude de 2014 à 2019, par classement de la température moyenne des wagons
    Classement de la température moyenne des wagons Nombre de wagons Distributeurs remplacés Pourcentage de distributeurs remplacés
    Adéquate 67 29 21,6
    Marginale 25 22 44,0
    Froide 20 19 47,5

    Essai d’un wagon individuel

    Le tableau C4 indique le nombre total d’essais de wagon individuel effectués sur les 112 wagons au cours des 5 dernières années, présenté en fonction des catégories de température.

    Tableau C4. Nombre d’essais de wagon individuel effectués sur les wagons du train à l’étude de 2014 à 2019, par classement de la température moyenne des wagons
    Classement de la température moyenne des wagons Nombre de wagons Essais de wagon individuel Pourcentage d’essais par wagon
    Adéquate 67 105 1,57
    Marginale 25 57 2,28
    Froide 20 55 2,75

    Remplacement des cylindres de frein

    Il n’y a aucune exigence de l’AAR relativement à l’entretien ou au remplacement des cylindres de frein sur les wagons de marchandises selon un intervalle de temps donné. L’historique de réparation des 112 wagons indique qu’il y a eu un remplacement ou un entretien de cylindre de frein sur 23 wagons (20,5 %) au cours des 5 dernières années en raison de l’échec d’un essai de wagon individuel (tableau C5).

    Tableau C5. Nombre et pourcentage de wagons du train à l’étude dont le cylindre de frein a été remplacé après l’échec d’un essai sur wagon individuel, par type de cylindre de frein installé, de 2014 à 2019
    Type de cylindre de frein Nombre de wagons Nombre de wagons dont les cylindres ont été remplacés (%)
    Wabcopac monté sur bogie 40 14 (35 %)
    Wabco TMX monté sur bogie 51 7 (13,7 %)
    Monté sur châssis 21 2 (9,5 %)
    Total 112 23 (20,5 %)

    Annexe D – Liste détaillée des événements de conduite du train

    Les tableaux dans cette annexe présentent des données sur les événements de conduite du train compilées à partir des données du consignateur d’événements de locomotive (CEL). Les données du CEL de la locomotive télécommandée en milieu de train (UP 5359) ont été utilisées comme source principale d’information. Même si la locomotive a été fortement endommagée lors du déraillement, le module de mémoire du CEL a survécu à l’accident, on a pu récupérer les données du CEL. L’information de CEL retenue de la locomotive de queue télécommandée CEFX 1040 a été incluse aussi, au besoin. Les données couvrent les événements de conduite du train jusqu’à, et y compris, l’arrêt d’urgence du train à Field Hill.

    Données du consignateur d’événements de locomotive concernant les événements de conduite du train, par événement

    Dans ces tableaux :

    • « HNR » signifie « heure normale des Rocheuses ».
    •  « PM locomotive de tête » signifie le point milliaire (PM) auquel la locomotive de tête se trouvait.
    •  « ET/DB (kips)Note de bas de page 212 » désigne la force produite, en kips, par un effort de traction (ET) ou le serrage d’un frein dynamique (DB).
    • « RE (lb/po2) » désigne la pression, en livres par pouce carré, produite par le réservoir d’égalisation.
    • « PCG (lb/po2) » désigne la pression dans la conduite générale, en livres par pouce carré.
    • « IND (lb/po2) » désigne la pression, en livres par pouce carré, produite par le frein indépendant de locomotive (IND).
    • Les valeurs de débit d’air ne représentent pas le débit d’air total de la conduite générale; elles représentent uniquement le débit d’air du système de freins à air dans la locomotive télécommandée en milieu de train (UP 5259), l’une des trois sources fonctionnelles d’air comprimé sur le train.
    • Les changements au frein dynamique indiqués sont les niveaux de freinage dynamique activés au moment des changements à la vitesse et aux freins à air.
    Tableau D1. Le train prend la voie d’évitement Eldon, passe à la butte et s’arrête à l’extrémité ouest afin de libérer la voie principale pour un train en sens inverse
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    1 19:02:04 105,71 22 T6 46 0 89 88 0 0
    2 19:07:18 106,96 10 T3 36 0 82 81 0 0
    3 19:07:31 107,00 9 T2 17 0 79 79 0 0
    4 19:09:40 107,14 0 Ralenti 0 0 80 78 0 53
    Tableau D2. Le train se prépare à quitter la voie d’évitement Eldon, mais, en raison d’un problème lié à l’aiguillage à double commande à l’extrémité est, le train effectue un déplacement en marche arrière vers l’est afin de sortir de la voie d’évitement en marche arrière, dans une pente moyenne de 0,55 %
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    5 20:19:22 107,15 0 T1 0 0 89 85 89 71
    6 20:19:39 107,15 1 T2 51 0 89 87 78 0
    7 20:19:50 107,15 2 T3 51 0 90 87 67 0
    8 20:21:53 106,77 18 T2 16 0 90 88 29 0
    9 20:22:03 106,72 18 T1 4 0 90 88 27 0
    10 20:22:31 106,57 19 Ralenti 0 0 90 88 26 0
    Tableau D3. La vitesse du train vient tout juste d’atteindre 21 mi/h et la vitesse maximale autorisée est de 20 mi/h; afin de contrôler la vitesse, le frein dynamique est serré
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    11 20:22:53 106,44 21 Ralenti 0 Réglage 90 88 22 0
    12 20:23:25 106,25 20 Ralenti 70 6 90 88 0 0
    Tableau D4. À partir d’une vitesse de 16 mi/h, les freins dynamiques toujours serrés, une réduction de 9 lb/po2 de la pression de la conduite générale est effectuée, suivie d’un serrage complet du dispositif de serrage de service (26 lb/po2), afin d’arrêter la locomotive de tête du train à une certaine distance de l’aiguillage est d’Eldon
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) (IND (lb/po2)
    13 20:24:41 105,85 16 Ralenti 81 7 79 79 0 0
    14 20:25:10 105,76 4 Ralenti 25 8 61 62 0 30
    Tableau D5. Les freins à air étant desserrés pour continuer le voyage vers l’ouest, le train commence à monter la pente ascendante d’une longueur de 17 milles entre Eldon et Stephen; le manipulateur est augmenté progressivement du cran 2 au cran 8
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    15 20:25:47 105,75 0 T2 0 0 90 82 106 73
    16 20:52:52 105,75 0 T3 53 0 89 83 103 18
    17 20:26:18 105,75 1 T4 87 0 89 85 79 0
    18 20:27:26 105,84 6 T5 76 0 89 88 56 0
    19 20:27:54 105,90 9 T6 82 0 89 88 45 0
    20 20:28:04 105,93 9 T7 102 0 89 88 41 0
    21 20:28:25 105,99 11 T8 108 0 89 88 36 0
    22 20:53:48 116,20 21 T8 67 0 89 88 0 0
    23 21:17:20 121,50 12 T8 110 0 89 88 0 0
    Tableau D6. Le train s’approche du signal ouest de Stephen (1229N); après 52 minutes à une vitesse de 12 mi/h avec le manipulateur au cran 8, la vitesse du train est graduellement réduite à 2 mi/h
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    24 21:20:29 122,15 12 T7 105 0 89 88 0 0
    25 21:20:32 122,16 11 T6 94 0 89 88 0 0
    26 21:20:36 122,17 10 T5 71 0 89 88 0 0
    27 21:20:47 122,20 9 T4 57 0 89 88 0 0
    28 21:21:00 122,24 8 T5 54 0 89 88 0 0
    29 21:21:17 122,28 9 T6 81 0 89 88 0 0
    30 21:21:26 122,31 12 T7 103 0 89 88 0 0
    31 21:22:38 122,52 12 T5 84 0 89 88 0 0
    32 21:22:39 122,52 12 T6 74 0 89 88 0 0
    33 21:22:42 122,53 12 T5 69 0 89 88 0 0
    34 21:23:20 122,66 12 T3 47 0 89 88 0 0
    35 21:23:24 122,67 10 T2 24 0 89 88 0 0
    36 21:23:44 122,74 8 T1 10 0 89 88 0 0
    37 21:24:07 122,80 5 Ralenti 0 0 89 88 0 0
    38 21:24:37 122,85 2 T1 0 0 89 88 0 0
    39 21:25:30 122,91 3 T2 28 0 89 88 0 0
    40 21:25:53 122,93 3 T1 16 0 89 88 0 0
    Tableau D7. Le manipulateur est modulé entre les crans 2 et 3 pour que le train continue à avancer dans la pente descendante plus abrupte qui commence au point milliaire 123
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    41 21:25:55 122,93 3 T2 21 0 89 88 0 0
    42 21:26:44 122,97 3 T3 46 0 89 88 0 0
    43 21:27:44 123,06 7 T2 36 0 89 88 0 0
    Tableau D8. La tête du train commence à descendre Field Hill
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    44 21:27:49 123,07 7 T3 21 0 89 88 0 0
    Tableau D9. Un serrage minimal des freins à air automatiques (réduction de 7 lb/po2 de la pression dans la conduite générale) est effectué à partir d’une vitesse d’environ 9 mi/h afin de contrôler la vitesse du train. Il s’agit du premier serrage des freins à air depuis le départ d’Eldon. La pression dans la conduite générale chute à 81 lb/po2. Le manipulateur est diminué jusqu’au cran 2
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    45 21:28:13 123,12 8 T3 41 0 84 88 0 0
    46 21:28:27 123,15 9 T3 38 0 83 81 0 0
    47 21:28:34 123,17 9 T2 29 0 83 81 0 0
    Tableau D10. Environ 10 secondes après le serrage des freins à air, le débit d’air augmente jusqu’à 21 pi3/min
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    48 21:28:37 123,18 9 T2 17 0 83 81 21 0
    Tableau D11. Le manipulateur est modulé entre les crans 1 et 3, et la vitesse du train augmente jusqu’à 10 mi/h; le débit d’air varie entre 27 et 32 pi3/min
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête (H/E) Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    49 21:28:47 123,20 8 T1 8 0 83 81 27 0
    50 21:29:23 123,28 7 T2 11 0 83 81 29 0
    51 21:29:39 123,32 6 T3 26 0 83 81 30 0
    52 21:30:00 123,36 7 T3 47 0 83 81 32 0
    53 21:31:17 123,54 10 T2 23 0 83 81 29 0
    54 21:31:33 123,59 10 T1 9 0 83 81 30 0
    55 21:31:58 123,66 10 T2 9 0 83 81 28 0
    56 21:32:16 123,71 10 T1 9 0 83 81 29 0
    Tableau D12. Le train s’approche du passage à niveau public du lac O’Hara au point milliaire 123,9; le manipulateur est réglé à la position de ralenti au point milliaire 123,75 afin de contrôler la vitesse au passage à niveau
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    57 21:32:29 123,75 10 Ralenti 0 0 83 81 32 0
    Tableau D13. Les freins dynamiques sont serrés en vue de la pente plus abrupte à venir; le débit d’air augmente à 33 pi3/min juste avant le passage à niveau du lac O’Hara
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    58 21:32:39 123,78 10 Ralenti 0 Réglage 83 81 33 0
    59 21:33:16 123,90 12 Ralenti 7 1 83 81 32 0
    Tableau D14. À l’approche du lac Wapta, le frein dynamique est augmenté au maximum. La pression dans la conduite générale est réduite davantage de 2 à 3 lb/po2; le débit d’air chute brièvement sous 20 pi3/min, ce qui coïncide avec le serrage des freins, puis augmente à 20 pi3/min peu après
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    60 21:36:59 124,79 19 Ralenti 78 8 80 79 0 0
    61 21:37:15 124,88 19 Ralenti 89 8 80 78 20 0
    Tableau D15. Alors que le relief s’aplanit, les freins dynamiques sont desserrés et le manipulateur est modulé entre les crans 1 et 4. Le débit d’air reste stable entre 27 et 29 pi3/min, les freins à air étant toujours serrés
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    62 21:38:34 125,24 14 Ralenti 0 0 80 78 28 0
    63 21:38:44 125,28 14 T2 0 0 80 78 28 0
    64 21:38:53 125,32 14 T3 12 0 80 78 29 0
    65 21:39:09 125,38 13 T2 20 0 80 78 28 0
    66 21:39:18 125,42 13 T3 13 0 80 78 27 0
    67 21:39:42 125,51 13 T4 31 0 80 78 27 0
    Tableau D16. Le manipulateur est modulé entre les crans 1 et 3; la vitesse du train est réduite à 10 mi/h
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    68 21:39:57 125,56 12 T3 31 0 80 78 28 0
    69 21:39:59 125,57 12 T2 19 0 80 78 27 0
    70 21:40:29 125,67 11 T1 7 0 80 78 28 0
    71 21:40:30 125,68 11 T2 8 0 80 78 28 0
    72 21:40:40 125,71 11 T1 8 0 80 78 28 0
    73 21:40:59 125,76 10 T2 7 0 80 78 30 0
    74 21:41:03 125,77 10 T3 21 0 80 78 30 0
    75 21:41:21 125,83 10 T2 26 0 80 78 29 0
    76 21:41:25 125,84 10 T1 8 0 80 78 29 0
    77 21:41:36 125,87 10 T2 8 0 80 78 29 0
    78 21:41:51 125,91 10 T1 9 0 80 78 28 0
    Tableau D17. Le manipulateur est réglé à la position de ralenti afin de contrôler la vitesse du train, et les freins dynamiques sont réglés à la position DB 6 jusqu’à ce qu’un signal vert soit observé à l’est de Partridge (au signal 1268). La vitesse du train diminue de 10 à 7 mi/h, la moitié du train seulement dans la pente descendante de 2,0 %
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    79 21:41:59 125,93 10 Ralenti 0 0 80 78 28 0
    80 21:42:08 125,96 10 Ralenti 0 Réglage 80 78 27 0
    81 21:42:41 126,05 8 Ralenti 66 6 80 78 25 0
    82 21:45:22 126,34 7 Ralenti 0 0 79 78 31 0
    83 21:45:28 126,36 9 Ralenti 0 Réglage 79 78 30 0
    Tableau D18. La pression dans la conduite générale est réduite de 1 à 2 lb/po2 supplémentaire et le frein dynamique est serré. La pression dans la conduite générale a maintenant été réduite de 12 lb/po2 au total. Le débit d’air chute brièvement sous 20 pi3/min, ce qui coïncide avec le serrage des freins, puis augmente de nouveau. La totalité du train se trouve dans la pente de 2,0 %, et la vitesse du train augmente à 15 mi/h
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    84 21:46.01 126,46 14 Ralenti 39 3 77 76 0 0
    85 21:46:29 126,58 15 Ralenti 90 8 78 76 20 0
    Tableau D19. En vue du déplacement du train dans une pente plus abrupte de 2,2 %, la pression dans la conduite générale est réduite progressivement, initialement de 1 à 3 lb/po2, avec une réduction supplémentaire de 2 à 3 lb/po2 environ 36 secondes plus tard, puis après 34 secondes supplémentaires, la réduction totale a atteint 19 lb/po2. Pendant ce temps, malgré les réductions de pression de la conduite générale, la vitesse du train passe de 16 à 22 mi/h (la vitesse maximale autorisée étant de 20 mi/h). Le débit d’air est réduit et demeure inférieur à 20 pi3/min (affiché à 0 pi3/min), ce qui coïncide avec le serrage accru des freins. L’augmentation initiale de la pression au cylindre de frein de locomotive à 21 h 47 min 48 s indique que le ML a commencé à diriger la poignée du robinet de freinage d’urgence vers la position d’urgence conformément à la politique de seuil de vitesse maximale de Field Hill lorsque le train a atteint une vitesse de 21 mi/h. Les freins ont été serrés d’urgence à 21 h 48 min 08 s et la commande radio de traction répartie a été reçue dans la locomotive à traction répartie en milieu de train à 21 h 48 min 10 s
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    86 21:46:46 126,66 16 Ralenti 91 8 75 74 0 0
    87 21:47:19 126,82 19 Ralenti 83 8 73 72 0 0
    88 21:47:48 126,98 21 Ralenti 86 8 70 70 0 1
    89 21:48:05 127,09 22 Ralenti 37 8 69 68 0 61
    90 21:48:10 127,12 22 Ralenti 14 0 68 33 0 60
    Tableau D20. La vitesse atteint 23 mi/h alors que le serrage d’urgence des freins se propage le long de la conduite générale. Le train continue de ralentir au cours des 82 prochaines secondes et s’arrête complètement à 21 h 49 min 33 s
    Élément Heure (HNR) PM locomotive de tête Vitesse (mi/h) Position du manipulateur ET/DB (kips) Cran DB RE (lb/po2) PCG (lb/po2) Débit d’air (pi3/min) IND (lb/po2)
    91 21:48:11 127,13 23 Ralenti 0 0 62 3 0 51
    92 21:48:12 127,13 23 Ralenti 0 0 57 0 0 48
    93 21:49:33 127,46 0 Ralenti 0 0 0 0 0 44

    Annexe E – Essais mécaniques et évaluation des facteurs humains relativement à l’immobilisation des trains à l’aide de freins à main

    Même si les freins à main n’ont pas été serrés sur le train à l’étude, dans le cadre de la présente enquête, les Services à l’appui des opérations du BST ont effectué des essais mécaniques et une évaluation des facteurs humains relativement aux problèmes liés à l’immobilisation des trains de marchandises à l’aide des freins à main dans des pentes en terrain montagneux. L’objectif était de déterminer le nombre de freins à main qui auraient été nécessaires pour maintenir le train immobilisé à Field Hill, et s’il aurait été possible pour un seul conducteur d’appliquer aux freins à main un couple de serrage suffisant, en moyenne, afin que le train puisse générer la force retardatrice nécessaire pour demeurer immobilisé.

    Exigences réglementaires concernant le nombre de freins à main à serrer sur un train

    Dans le cadre de l’étude, le BST a examiné les exigences réglementaires qui dictent le nombre de freins à main à serrer sur un train dans diverses situations.

    Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, Règle 112 : Immobilisation d’un matériel roulant laissé sans surveillance

    La règle 112 du REF porte sur les exigences relatives à l’immobilisation de matériel roulant laissé sans surveillance. Étant donné que le train à l’étude n’a pas été laissé sans surveillance, la règle 112 ne s’appliquait pas. Toutefois, un examen de cette règle fournit tout de même de précieux renseignements aux fins de cette étude, car la règle dicte le nombre minimal de freins à main qui doivent être serrés en fonction de diverses déclivités et pour différents poids de train lorsque les trains sont laissés sans surveillance.

    Compte tenu du poids du train à l’étude d’environ 15 000 tonnes et de la déclivité moyenne de 2,2 %, si le train avait été laissé sans surveillance, il aurait fallu au moins 98 freins à main pour l’immobiliser, selon le tableau de la règle 112(g) du REFNote de bas de page 213.

    Arrêté ministériel 19-03 de Transports Canada

    À la suite de ce déraillement, Transports Canada a émis l’arrêté ministériel 19-03 selon lequel les équipes de train doivent immédiatement immobiliser leur train avec le nombre prédéterminé de freins à main (selon le tonnage du train et la déclivité) après un freinage d’urgence en terrains montagneux.

    Pour satisfaire aux exigences de cet arrêté sur le train à l’étude, il aurait fallu serrer les freins à main sur 98 wagons après l’arrêt d’urgence du train sur le tronçon Field Hill, compte tenu du tonnage du train et de la déclivité.

    Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, Règle 66 : Immobilisation du matériel roulant après un serrage d’urgence des freins en déclivité

    Le 24 avril 2020, le ministre des Transports a approuvé la règle 66 du REF, qui porte sur les exigences relatives à l’immobilisation après un serrage d’urgence des freins en déclivité. Cette règle est entrée en vigueur le 24 juin 2020 et a remplacé l’arrêté ministériel 19-03.

    Compte tenu du tonnage du train à l’étude et du terrain montagneux, pour satisfaire aux exigences de la règle 66, il aurait fallu serrer 75 freins à main sur le train à l’étude après le serrage d’urgence, 23 freins à main de moins que ceux exigés par la règle 112 du REF.

    Essais mécaniques des freins à main sur les wagons récupérés

    Le BST a effectué des essais mécaniques sur les 13 wagons à céréales récupérés au site de l’événement, afin de déterminer le rendement et l’efficacité de leurs freins à main. Les 13 wagons provenaient de 4 constructeurs de wagons différents et comptaient entre 3 et 43 ans de service. Les essais mécaniques ont été effectués à un atelier de wagons du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) à Port Coquitlam (Colombie-Britannique).

    Les essais comprenaient l’utilisation de divers appareils étalonnés afin de mesurer le couple d’entrée et les forces de sortie impliqués, et ont suivi un plan d’essai complet qui couvrait divers scénarios de serrage des freins.

    Efficacité des freins à main dans des pentes abruptes

    La règle 112 du REF énonce la manière dont l’« efficacité des freins à main » doit être testée. L’article (vi) de la règle indique ce qui suit :

    (vi)    Vérification de l’efficacité des freins à main

    Lors de la vérification de l’efficacité des freins à main, s’assurer que tous les freins à air sont desserrés et faire ce qui suit :

    (a)      Laisser ou faire s’ajuster le jeu des attelages en constatant, quand les attelages se compriment ou s’étirent, que l’action des freins à main est suffisante pour empêcher le matériel roulant de bouger; ou

    (b)     Appliquer un effort de traction suffisant afin de déterminer qu’il y a assez de force dans les freins à main pour empêcher le matériel roulant de bouger après la cessation de l’effort de tractionNote de bas de page 214.

    Dans les pentes abruptes, comme à l’endroit où le train à l’étude s’est arrêté, il ne serait pas possible de desserrer tous les freins à air afin de tester l’efficacité des freins à main serrés. Par conséquent, lorsque les trains sont arrêtés d’urgence dans une pente abrupte, ils sont immobilisés grâce au serrage d’un nombre prédéterminé de freins à main en plus du serrage des freins d’urgence.

    Dans de telles conditions, produire une force retardatrice suffisante afin de maintenir un train immobilisé dépend de la force des freins à main serrés et de la pression au cylindre de frein produite en raison du serrage d’urgence des freins du train.

    Les essais des freins à main sur les 13 wagons récupérés ont servi à tenter d’évaluer la force de freinage nette qui aurait été générée par la combinaison des freins à main et des freins à air d’urgence sur le train à l’étude.

    Coefficient de freinage net des freins à main

    Les wagons-trémies à céréales sont munis d’un frein à main activé par volant vertical de 22 pouces de diamètre. L’AAR exige que ces freins à main produisent un coefficient de freinage net (NBR) supérieur ou égal à 10 % du poids brut du wagon chargé au moment de la construction. De plus, la spécification de conception de l’AAR indique que l’usure de service ne doit pas faire en sorte que le NBR des freins à main soit inférieur à 6,5 % sur un wagonNote de bas de page 215.

    Le NBR des freins à main est déterminé en divisant la somme de la force des semelles de frein de chaque volant de frein à main par le poids brut du wagon, en fonction de la force de 125 livres appliquée sur le volant de frein à main (couple de 115 pieds-livres). Le frein à main doit produire le NBR minimum à un effort à la chaîne de 3350 livresNote de bas de page 216.

    Objectifs des essais

    Les essais effectués sur les wagons récupérés consistaient en des essais de référence et des essais simulant les conditions des freins à main serrés d’urgence.

    Les essais de référence ont été effectués avec 2 objectifs principaux :

    • s’assurer que le frein à main sur chaque wagon respectait le NBR minimum conformément aux exigences de conception;
    • déterminer, pour une gamme de couples d’entrée sur le volant de frein à main, la relation entre le couple d’entrée et le coefficient de freinage.

    Des essais ont ensuite été effectués sur les wagons ayant subi un serrage d’urgence des freins. L’objectif principal de ces essais était d’examiner la rétention des freins à main alors que la pression d’air dans le cylindre de frein diminuait d’un serrage d’urgence complet à zéro.

    Conclusions des essais

    Les essais n’ont pas pu être effectués sur 2 des 13 wagons en raison d’une rotation de poutre-frein excessive qui a endommagé les capteurs de charge.

    Quatre des 11 wagons restants ne respectaient pas le critère de conception relatif au NBR de 6,5 % établi par l’AAR, même à la valeur de couple maximale de 110 pieds-livres.

    Lorsque les cylindres de frein ont présenté une fuite en raison d’une pression de serrage d’urgence de 25 lb/po2, les wagons ont eu besoin d’au moins 30 pieds-livres de couple pour atteindre un NBR minimal de 6,5 %.

    Avec une pression au cylindre de frein de seulement 10 lb/po2 (serrage de frein minimal), il fallait exercer un couple d’au moins 75 pieds-livres sur le volant de frein à main des wagons pour atteindre un NBR de 6,5 %.

    Si les freins à main sur les wagons ne généraient que le NBR minimal de conception requis de 6,5 %, il aurait pu falloir jusqu’à 111 freins à main pour immobiliser le train à l’étude (112 wagons) dans cette pente, selon le coefficient de frottement des semelles de frein.

    Pour une valeur moyenne de 55 pieds-livres de couple au volant de frein à main (valeur moyenne des essais sur le terrain effectués par le BST), l’immobilisation du train à l’étude dans la pente de 2,2 % aurait nécessité une pression au cylindre de frein minimale de 10 lb/po2 ainsi que le serrage de 73 à 102 freins à main (selon le coefficient de frottement des semelles de frein, qui variait de 0,3 à 0,4).

    Pour une pression au cylindre de frein moyenne de 25 lb/po2 sur les wagons de marchandises, ce qui est considéré faible (la pression au cylindre de frein d’urgence est de 77 lb/po2 pour un wagon entièrement chargé, sans fuites), le train devrait rester immobilisé avec 48 à 67 freins à main serrés, selon le coefficient de frottement des semelles de frein, qui variait de 0,3 à 0,4.

    Le tableau E1 montre combien de freins à main seraient nécessaires pour tenir un train de 15 000 tonnes sur la pente descendante de 2,2 % de Field Hill, en présumant un couple au serrage de 55 pieds-livres et un coefficient de frottement de l’ordre de 0,3 à 0,4. En cas de fuites au cylindre de frein, il faudrait serrer un nombre de plus en plus grand de freins à main à mesure que la pression diminue.

    Tableau E1. Nombre de freins à main à serrer à un couple de 55 pieds-livres pour tenir un train de 15 000 tonnes sur la pente descendante de 2,2 % de Field Hill, en fonction du coefficient de frottement des semelles de frein et de la pression moyenne aux cylindres de frein*
    Coefficient de frottement Nombre de freins à main requis en fonction de la pression moyenne aux cylindres de frein
    77 lb/po2** 65 lb/po2 50 lb/po2 35 lb/po2 25 lb/po2 10 lb/po2 0 lb/po2
    0,30 42 40 46 55 67 102 162
    0,31 40 39 44 53 64 98 156
    0,32 39 37 43 51 62 95 151
    0,33 37 36 41 50 60 92 146
    0,34 36 35 40 48 58 88 141
    0,35 35 34 38 46 56 86 136
    0,36 34 33 37 45 54 83 132
    0,37 33 32 36 44 52 80 128
    0,38 32 31 35 42 51 78 124
    0,39 31 30 34 41 49 75 120
    0,40 30 29 33 40 48 73 116

    * Les chiffres dans ce tableau présument d’un rapport net de freins à main de 6,5 %.
    **     Une pression au cylindre de frein de 77 lb/po2 correspond à la pression après un serrage d’urgence des freins, lorsqu’il n’y a pas de fuite au cylindre de frein.

    Pour une valeur moyenne de 75 pieds-livres de couple au volant de frein à main, le train à l’étude n’aurait besoin d’aucune pression supplémentaire au cylindre de frein pour le tenir sur la pente si entre 112 et 83 freins à main étaient serrés (selon le coefficient de frottement des semelles de frein, qui variait de 0,3 à 0,4).

    Évaluation de la performance humaine de la tâche de serrage des freins à main

    Dans l’arrêté ministériel 19-03, on a évoqué la possibilité que le serrage de freins à main soit obligatoire dans un plus grand nombre de situations. Il était donc important durant les essais des freins à main d’évaluer la tâche modifiée de serrage des freins à main par un seul conducteur du point de vue de la performance humaine.

    L’objectif principal de l’évaluation de la performance humaine du serrage des freins à main était de prédire l’ampleur des efforts s qui pourraient être produits par les équipes de train afin d’immobiliser un train arrêté dans une pente dans des conditions semblables à celles de l’événement. Les objectifs étaient les suivants :

    • quantifier le couple moyen qu’un conducteur peut appliquer pour un nombre élevé de serrages de freins à main;
    • quantifier la diminution supposée du couple appliqué avec environ 100 wagons à céréales et le temps requis pour terminer la tâche;
    • déterminer si un seul conducteur peut immobiliser un train de manière efficace en utilisant uniquement les freins à main.

    Les essais ont été menés en tant qu’évaluation indépendante à des températures d’été sur un terrain plat, ce qui représente des conditions environnementales idéales pour les participants. Des conditions d’exploitation hivernales en terrain montagneux avec de l’équipement de protection individuelle hivernal augmenterait considérablement le niveau de difficulté du serrage des freins à main.

    Les essais ont été effectués sur une rame de 115 wagons à céréales. Les wagons provenaient de différents constructeurs, et les dates de fabrication étaient variées. La rame de wagons était située le long d’un segment de voie présentant un accès routier à chaque extrémité et bordée de part et d’autre par des terres agricoles à Coalhurst (Alberta).

    Sept participants (5 hommes et 2 femmes) de taille variée ont serré des freins à main sur les 100 premiers wagons. La moitié des wagons présentait une pression au cylindre de frein qui reproduisait les conditions d’un serrage de freins d’urgence, et l’autre moitié reproduisait les conditions de freins à air desserrés sur les wagons. Pour des raisons de sécurité, les 15 wagons restants ont été déclarés hors limite et leurs freins à main ont été serrés pour immobiliser la rame.

    L’outil d’indice de charge de travail (TLX) de la National Aeronautics and Space Administration (NASA) a été utilisé pour recueillir et interpréter les évaluations subjectives de la charge de travailNote de bas de page 217 des participants pour effectuer la tâche, en ciblant les variables que l’on présume influer sur l’efficacité (c.-à-d. la variation anthropométrique, l’effort physique, la charge de travail cognitive et les techniques individuelles).

    Les évaluations suivantes ont été effectuées pour chacun des participants à l’essai :

    • temps requis pour effectuer la tâche;
    • valeurs de couple appliquées et valeur de couple moyenne pour les 100 wagons;
    • évaluations d’endurance;
    • mouvement le long du parcours, temps d’embarquement et de débarquement;
    • rétroaction après l’activité.

    Les efforts et la performance de chaque participant ainsi que le temps requis pour effectuer les activités/tâches ont été consignés pendant et après chaque évaluation individuelle. Diverses mesures anthropométriques ont été recueillies et un questionnaire de charge de travail a été distribué afin de comparer les efforts et la forme physique des participants avant, pendant et après la tâche. L’incidence de la conception et de l’état des wagons sur la performance des participants a également été consignée.

    Les résultats de ces évaluations sont résumés ci-dessous.

    • Le temps moyen requis pour embarquer dans un wagon et serrer un frein à main était de 40,2 secondes.
    • Le temps moyen requis pour serrer 100 freins à main était de 2 heures et 5 minutes.
    • Le couple d’entrée moyen possible pour 100 freins à main était de 55 pieds-livres.
    • La conception actuelle des freins à main nécessite un couple d’entrée de 75 à 103 pieds-livres, selon le coefficient de frottement, afin d’immobiliser le train à l’étude avec 84 freins à main.
    • Les variations dans la conception des postes de travail (p. ex. les échelles d’embarquement et les poignées) à l'endroit où la personne devait serrer le frein à main ont augmenté la difficulté de la tâche.
    • La conception du volant de frein à main a causé des blessures superficielles aux mains des participants bien qu’ils portaient deux paires de gants de travail.
    • Le résultat subjectif de charge de travail moyen avec l’outil TLX de la NASA était de 51/100, ce qui représente un niveau d’effort moyen malgré les pressions physiques et cognitives subies par les participants.
    • Il serait improbable qu’une personne ayant une condition physique réduite (c.-à-d. une mauvaise endurance cardiovasculaire ou une force musculosquelettique réduite) puisse serrer de façon sécuritaire et efficace 100 freins à main l’un après l’autre.
    Tige de frein

    En plus de l’évaluation de la performance humaine, une tige de frein a fait l’objet d’un court test afin de déterminer son efficacité.

    Une tige de frein est un outil de serrage et de desserrage de frein à main utilisé par certaines des principales compagnies de chemin de fer américaines, y compris Norfolk Southern Railroad et Union Pacific Railroad. Il s’agit essentiellement d’une tige télescopique munie d’un crochet à une extrémité et d’une poignée à l’autre extrémité, conçue pour s’engager dans les rayons de volant de frein à main (figures E1 et E2).

    Figure E1. Tige de frein (Source : BST)
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    Tige de frein (Source : BST)
    Figure E2. Le conducteur utilise une tige de frein pour serrer un frein à main du sol (Source : Aldon Company, Inc.)
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    Le conducteur utilise une tige de frein pour serrer un frein à main du sol (Source : Aldon Company, Inc.)

    Dans le cadre de l’évaluation de la portée limitée, on n’a pas inclus une évaluation officielle de l’efficacité d’une tige de frein pour serrer les freins à main, mais selon des observations anecdotiques, un tel dispositif pourrait augmenter considérablement l’efficacité (c.-à-d. réduire le temps et l’effort) de la tâche avec un doublement potentiel du couple exercé.

    Conclusions de l’étude

    Il n’aurait pas été possible pour le participant moyen à cette étude d’immobiliser le train à l’étude dans la pente en terrain montagneux uniquement à l’aide des freins à main, compte tenu de la conception et de l’état de l’équipement fourni.

    En tenant compte du couple d’entrée moyen de 55 pieds-livres indiqué dans le cadre de cette étude, entre 116 et 162 freins à main, selon le coefficient de frottement des semelles de frein, auraient été nécessaires pour retenir le train à l’étude de 112 wagons dans la pente de 2,2 %.

    Au lieu de régler les robinets de retenue, un serrage de 84 freins à main au couple d’entrée moyen de 55 pieds-livres n’aurait pas immobilisé le train avec les freins à main desserrés, mais aurait ralenti sa vitesse de descente.

    La conception actuelle des freins à main nécessiterait un couple d’entrée de 75 à 103 pieds-livres, selon le coefficient de frottement des semelles de frein, pour le train à l’étude, si 84 freins à main avaient été serrés. Ce couple d’entrée est plus élevé que ce que le participant moyen pouvait fournir au cours des essais.

    Annexe F – Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)

    Annexe F Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)
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    Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)
    Annexe F Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)
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    Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)
    Annexe F Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)
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    Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)
    Annexe F Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)
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    Lettre circulaire C-12027 de l’Association of American Railroads et lettre générale GL-490 de New York Air Brake (en anglais seulement)

    Annexe G – Bulletin CPSB048-13 du Canadien Pacifique (en anglais seulement)

    Annexe G Bulletin CPSB048-13 du Canadien Pacifique (en anglais seulement)
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    Bulletin CPSB048-13 du Canadien Pacifique (en anglais seulement)

    Annexe H – Enquêtes du BST portant sur la gestion des ressources en équipe des compagnies de chemin de fer

    R17W0267 – Le 22 décembre 2017, une contremaître et un aide de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) effectuaient des opérations d’aiguillage à la gare de triage Melville du CN à Melville (Saskatchewan). La contremaître conduisait le train facultatif de manœuvre Y1XS-01 au moyen d’un système de télécommande de locomotive lorsqu’elle a été coincée entre le train de manœuvre et le wagon de tête d’un mouvement non contrôlé pendant qu’elle serrait un frein à main. La contremaître a été mortellement blessée. Il n’y a eu aucun déraillement, et aucune marchandise dangereuse n’était en cause. Dans l’événement à l’étude, même si la contremaître et l’aide avaient tenu 2 séances d’information sur les travaux, plusieurs éléments du plan n’ont pas été communiqués ou coordonnés efficacement. Si les membres de l’équipe ne reçoivent aucune formation sur la gestion des ressources en équipe améliorée pour développer les compétences de communication et de coordination de l’équipe, il y a un risque accru qu’une communication inadéquate dans l’équipe mène à une exploitation non sécuritaire.

    R16E0051 – Le 4 juin 2016, le train 112 du CN circulant vers l'est dans la subdivision d'Edson a heurté la queue du train 302 du CN à 18 mi/h, qui était immobilisé près de Carvel (Alberta). La collision n'a pas causé de déraillement. Un wagon-trémie vide du train 302 a subi des dommages mineurs. L’enquête a permis de déterminer que le chef de train, qui était aussi un mécanicien de locomotive (ML) qualifié, mais moins expérimenté que le ML dans l’événement à l’étude, n’a rien dit au ML concernant la vitesse à laquelle le train avait franchi le signal de marche à vueNote de bas de page 218. De plus, le chef de train n’a questionné davantage le ML lorsque la décision a été prise de ne pas signaler la collision. Si le personnel d'exploitation ferroviaire ne reçoit pas de formation en gestion des ressources de l'équipe, y compris sur la prise de décisions lorsqu'il y a chaîne d'autorité, la coordination et l'interaction des équipes peuvent ne pas être efficaces, ce qui fait croître les risques d'accidents causés par des facteurs humains.

    R07E0129 – Le 27 octobre 2007, le train 417 du CN qui roulait en direction ouest n’a pas pu être arrêté après avoir franchi un signal d’arrêt près de Peers (Alberta), dans la subdivision d’Edson, et a heurté le train 342 du CN qui s’engageait sur la voie d'évitement. Par conséquent, les locomotives et 22 wagons du train 417 ont déraillé, et 5 wagons du train 342 ont déraillé. L’enquête a permis de déterminer que le chef de train s'en est remis à l'expérience du ML, et il n'a pas contesté les gestes que ce dernier a posés. L’enquête a également permis de déterminer que, en l'absence de procédures qui tiennent compte des risques inhérents aux chaînes d'autorité, la communication entre les occupants de la cabine de commande risque d'être inefficace.

    R98V0148 – Le 11 août 1998, le train 463 du CP a heurté l'arrière du train 839 du CP au point milliaire 78,0 de la subdivision de Shuswap, près de Notch Hill (Colombie-Britannique). Un wagon du train 463 et 2 wagons du train 839 ont déraillé. L’enquête a permis de déterminer que ni le chef de train ni le ML n'ont contesté l'identification des signaux qui a été faite par l'autre; la différence dans la chaîne d'autorité entre les deux membres de l'équipe a probablement empêché le chef de train de contester le ML et de faire part de ses préoccupations.

    R96Q0050 – Le 14 juillet 1996, le train FCS 45 du Chemin de fer du littoral nord et du Labrador (QNS&L) a heurté la queue du train PH-475 qui était immobilisé au point milliaire 131,68 de la subdivision de Wacouna près de Mai (Québec). Les 3 derniers wagons du train immobilisé ont déraillé. La locomotive du train en marche a été lourdement endommagée. Le ML du train en marche a été légèrement blessé. L’enquête a permis de déterminer que le chemin de fer n’avait pas de programme de gestion des ressources de l'équipe pour s’assurer que toutes les personnes concernées disposent de l'information la plus récente et la plus exacte sur le mouvement des trains et des locomotives.

    Annexe I − Enquêtes du BST portant sur l’identification des dangers, l’analyse des tendances des données et l’évaluation des risques au Canadien Pacifique

    R19C0002 – Le 6 janvier 2019, vers 6 h 55, heure normale des Rocheuses, l’équipe de la manœuvre de triage CW11-06 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) déplaçait des wagons vers l’est sur les voies de classement de la gare de triage Alyth C à Calgary (Alberta), lorsque 56 wagons se sont séparés du mouvement et ont roulé de manière non contrôlée sur la voie d’accès jusque sur la voie d’urgence désignée, puis sont entrés en contact avec une rame immobile de wagons-trémies chargés. La collision a entraîné le déraillement d’un total de 22 wagons.

    Le triage Alyth C, qui avait déjà été utilisé comme triage à butte, a été mis hors service en 2013, puis il a été rouvert le 22 décembre 2018 comme triage en palier. Même si une évaluation des risques avait été effectuée en prévision du changement opérationnel, une série de mouvements non contrôlés se sont produits au cours des 16 premiers jours d’exploitation, ce qui indique que certains dangers existants n’ont pas été relevés, ou alors que les stratégies d’atténuation des risques mises en application étaient inadéquates. Lorsqu’une évaluation des risques menée avant un changement opérationnel ne permet pas de cerner certains dangers, il se peut que les risques connexes ne soient pas adéquatement atténués, ce qui augmente le risque d’accident.

    R18H0039 – Le 14 avril 2018, vers 2 h 15, heure avancée de l’Est, un contremaître de triage et un aide de triage du CP effectuaient des manœuvres à la gare de triage de Toronto du CP, à Toronto (Ontario), à l’aide d’un système de télécommande de locomotive (STL). Le contremaître de triage était aux commandes du train de manœuvre T16-13 lorsque le mouvement est parti à la dérive en direction est sur la voie de raccordement Staines. L’événement n’a entraîné ni déraillement ni collision. Aucune personne n’a été blessée.

    Puisque la majorité des manœuvres avaient lieu à l’extrémité ouest de la gare de triage, il a été recommandé d’installer des dérailleurs dans l’extrémité ouest du triage pour protéger la voie principale contre les mouvements non contrôlés. Lorsque le CP a augmenté le nombre d’affectations de triage à 2 affectations en tout temps en février 2018, la deuxième équipe travaillait principalement à l’extrémité est du triage. Le CP ne croyait pas que l’ajout d’équipes de triage constituait un changement à son exploitation, même si la deuxième équipe était appelée à travailler principalement dans une zone différente de la gare de triage. Par conséquent, on n’a pas réalisé une nouvelle évaluation des risques, et on a manqué l’occasion de cerner les nouveaux dangers causés par l’ajout de la deuxième équipe travaillant à l’extrémité est du triage.

    R17D0123 – Le 8 novembre 2017, l’affectation de triage FS23 du CP effectuait des opérations d’aiguillage au triage St-Luc, au point milliaire 46,9 de la subdivision d’Adirondack du CP, à Montréal (Québec). Vers 6 h, heure normale de l’Est, alors qu’elle était en marche arrière à environ 10 mi/h vers le sud dans l’obscurité, l’affectation de triage a heurté et mortellement blessé l’aide de triage.

    Lors de la fermeture du faisceau de triage en 2012, la plupart des manœuvres au triage St-Luc ont été transférées à la traversée, dont la configuration était très différente de celle du faisceau de triage. Étant donné les différences entre la configuration du faisceau de triage et celle de la traversée, il aurait été judicieux d’analyser les tâches du contremaître de triage et de l’aide de triage.

    Une analyse des tâches aurait pu déterminer les différences entre les zones de libération, les risques d’obstruction des voies durant la libération de wagons ou la manœuvre des aiguillages, les risques de trébuchement et la réduction du niveau d’éclairement. On aurait pu ainsi établir des mesures d’atténuation comme un meilleur éclairage, des surfaces de marche plus sûres, une identification des aiguillages et de leurs cibles, et la modification des raccordements de manœuvre et des zones de libération. Les risques que des employés obstruent la voie durant les manœuvres auraient ainsi été réduits.

    Parce que le CP ne considérait pas la fermeture du faisceau de triage St-Luc comme une modification d’importance à l’exploitation du triage St-Luc, aucune évaluation des risques n’a été effectuée en 2012. Par conséquent, l’occasion a été perdue d’identifier les nouveaux dangers créés par les changements dans les manœuvres au triage St-Luc.

    R16C0065 – Le 3 septembre 2016, vers 9 h 25, heure avancée des Rocheuses, le train 303-646 du CP, qui circulait vers l’ouest à environ 22 mi/h au point milliaire 171,7 de la subdivision de Brooks, est entré en collision avec la queue du train 113-31, qui était immobilisé sur la voie PT01, près du triage Alyth, à Calgary (Alberta). Deux locomotives à la tête du train 303-646 ont déraillé, tout comme 2 wagons-trémies couverts derrière les locomotives. Le dernier wagon du train 113-31, un wagon porte-conteneurs à 3 plateformes, a également déraillé. Il n’y a pas eu de blessés. Aucune marchandise dangereuse n’a été déversée.

    En juin 2013, à la suite de l’affaissement du pont Bonnybrook, le CP a changé la désignation de la voie PT01 entre Ogden et le début/la fin de la zone enclenchée à 12th Street East, la faisant passer de territoire à voie principale en commande centralisée de la circulation (CCC) à territoire à voie non principale. Toutefois, à la reprise du trafic ferroviaire sur ce pont, le CP n’a pas rétabli la CCC à cet endroit. Lorsqu’il a été décidé de maintenir la désignation de ce tronçon de voie comme voie non principale, il n’y a eu aucune évaluation des risques, que la réglementation en vigueur n’exigeait pas d’ailleurs.

    Sans évaluation des risques, la compagnie de chemin de fer ignorait les dangers particuliers liés à la circulation à cet endroit et les préoccupations en matière de sécurité des équipes de train à cet égard. Par conséquent, la compagnie de chemin de fer n’avait pris aucune mesure précise pour atténuer les dangers potentiels. L’enquête a permis de déterminer que si aucune évaluation des risques n’a lieu après des changements touchant l’exploitation ferroviaire, il est possible que les dangers potentiels associés à ces changements ne soient pas cernés ou atténués de façon adéquate, ce qui augmente les risques d’accident.

    R16W0074 – Le 27 mars 2016, vers 2 h 35, heure normale du Centre, pendant qu’elle effectuait des manœuvres au triage Sutherland à Saskatoon (Saskatchewan), la manœuvre de formation au système de télécommande de locomotive 2300 du CP poussait une rame de wagons jusque sur la voie F6. Lorsque la manœuvre s’est arrêtée, le wagon-trémie couvert vide EFCX 604991 s’est dételé du train à l’insu de l’équipe. Le wagon non contrôlé a traversé le triage et s’est rendu jusque sur la voie principale, à l’intérieur de la zone de marche prudente de la subdivision de Sutherland. Le wagon a parcouru environ 1 mille et a franchi 2 passages à niveau publics munis de systèmes d’avertissement automatiques avant de s’arrêter de lui-même. Il n’y a eu aucun blessé ni aucun déraillement. Aucune marchandise dangereuse n’était en cause.

    Au début de 2016, plusieurs changements opérationnels ont été adoptés au triage Sutherland. Ces changements opérationnels ont amené le CP à effectuer une évaluation combinée des risques conformément au Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire.

    Bien que l’évaluation des risques ait porté sur les opérations effectuées au moyen du STL et sur l’instauration d’une zone de protection des mouvements non accompagnés, elle n’a pas tenu compte des répercussions de la réduction du nombre d’équipes de manœuvre ni du changement dans la pratique locale qui consistait à effectuer les manœuvres principalement sans freins à air. De plus, l’évaluation des risques n’a pas spécifiquement cerné le danger possible lié au manque d’expérience des membres d’équipe ni la conséquence possible d’un mouvement non contrôlé. Par conséquent, aucune mesure corrective visant à éviter la possibilité d’un mouvement non contrôlé, telle que la pose d’un dérailleur, n’a été envisagée ni mise en œuvre pour protéger contre les mouvements non contrôlés pendant les manœuvres sans freins à air.

    R16H0024 – Le 6 mars 2016, vers 15 h 40, heure normale de l'Est, le train de marchandises 100-03 du CP circulait vers l'est à environ 35 mi/h lorsqu'il a heurté un véhicule rail-route immobilisé au point milliaire 118,36. Le contremaître et l'opérateur de machine avaient quitté le véhicule rail-route juste avant la collision.

    Dans le cadre de son SGS, le CP recueille et analyse les données sur la sécurité pour discerner les nouvelles tendances, y compris les situations récurrentes compromettant la sécurité. Rien n'indiquait dans cet événement que le CP avait constaté la tendance à la hausse du nombre de dépassements des limites d'autorisation par des véhicules d'entretien. Toutefois, le CP avait commencé à travailler sur son système d'employé responsable, visant à atténuer les risques pour la sécurité dans la conduite de véhicules d'entretien. Si on n'examine pas périodiquement les données sur la sécurité ferroviaire pour en dégager les tendances établies, les nouvelles tendances et les situations récurrentes, et si des mesures correctives appropriées ne sont pas prises, des risques pour la sécurité peuvent passer inaperçus et ne pas être atténués, ce qui augmente les risques d'accident.

    Annexe J – Audit mené par Golder Associés du système de gestion de la sécurité du Canadien Pacifique (audit interne du CP)

    En application des articles 30, 31 et 32 du Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire, les compagnies de chemin de fer doivent effectuer un audit de leur système de gestion de la sécurité (SGS) tous les 3 ans et établir un plan d’action pour régler les lacunes cernées.

    En 2017, la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a retenu les services de Golder Associés pour effectuer un audit de son SGS, et Golder a présenté ses constatations le 17 juillet 2017 sous les catégories suivantes : « non-conformités majeures (MA) », « non-conformités mineures (MI) » et « possibilités d’amélioration (OFI) ». Les constatations ont aussi été évaluées en fonction de leur degré d’urgence au moyen de la classification suivante [traduction] :

    • Grande priorité (HI) – Une constatation de grande priorité remplit au moins l’un des critères suivants :
      • présente un risque imminent ou accru de répercussions importantes sur la santé, la sécurité, la réglementation ou la réputation;
      • pourrait être non conforme à une exigence réglementaire;
      • exige des efforts, des travaux, des ressources et/ou un temps considérables ou inhabituels pour la correction;
      • doit être examinée en priorité afin que les aspects fondamentaux des autres éléments du SGS puissent fonctionner.
    • Priorité modérée (MO) – Une constatation de priorité modérée remplit au moins l’un des critères suivants :
      • n’aura pas de répercussion importante sur la santé, la sécurité, la réglementation ou la réputation;
      • peut être corrigée au fil du temps sans risque que le problème s’aggrave;
      • peut être corrigé dans le cycle annuel normal d’amélioration continue du SGS (p. ex., dans le cadre d’un processus d’examen annuel de la gestion).
    • Priorité faible (LO) Une constatation de priorité faible remplit au moins l’un des critères suivants :
      • ne présente aucun risque direct de répercussions sur la santé, la sécurité, la réglementation ou la réputation;
      • ne nuit pas au fonctionnement d’autres éléments du SGS;
      • peut être corrigé dans le cadre de l’entretien continu périodique du SGS.Note de bas de page 219

    Les tableaux J1 et J2 présentent certaines des constatations et des possibilités d’amélioration relevées dans le cadre de cet audit qui sont pertinentes pour cet événement.

    Constatations de non-conformité sélectionnées à partir de l’audit du système de gestion de la sécurité de Canadien Pacifique effectué en 2017 (Source : Golder Associés)
    Numéro de constatation Priorité Énoncé de la constatation
    MI-12-1 MO Il semble y avoir un manque d’uniformité dans le niveau d’enquête et d’analyse des incidents, y compris les événements ferroviaires.
    MI-12-1 MO Les inspections du comité de santé et de sécurité au travail dans certains secteurs ne sont pas suffisamment efficaces pour vérifier ou maintenir la conformité aux exigences légales.
    MI-13-2 MO La variabilité dans les pratiques en vigueur concernant le signalement des dangers pour la sécurité donne lieu à un jeu de données incomplet ou biaisé pour l’analyse des tendances liées aux préoccupations en matière de sécurité.
    MI-13-3 MO L’information provenant des inspections du comité de sécurité et des rapports sur les dangers gérés localement ne sont pas évalués afin de cerner les tendances et les préoccupations en matière de sécurité à l’échelle du système.
    MI-24-1 MO Les outils de signalement décrits dans les procédures de signalement ne sont pas bien connus et/ou ne sont pas utilisés de façon uniforme.
    MI-26-1 MO Quelques cas ont été signalés dans lesquels la formation d'appoint obligatoire devait être suivie, mais ne l'a pas été.
    MI-27-1 MO Les mesures de vérification du contrôle des versions sont insuffisantes pour certains documents clés sur la sécurité des activités.
    MI-9-1 LO Des affiches sur la politique de sécurité désuète se trouvaient sur les tableaux d’affichage et ailleurs dans le lieu de travail aux triages Toronto et Coquitlam.
    MI-20-1 LO La façon dont le processus actuel pour évaluer l’efficacité des mesures correctives fait participer les unités de négociation n’est pas claire.
    MI-25-1 LO Les employés prenant part à des activités qui pourraient avoir une incidence sur la sécurité ferroviaire n’ont pas toujours suivi la formation appropriée.
    MI-29-1 LO Les documents sur les procédures liées au SGS devraient être examinés pour veiller à ce que la date des prochains examens prévus soit exacte.
    Tableau J2. Possibilités d’amélioration de priorité modérée sélectionnées à partir de l’audit du système de gestion de la sécurité de Canadien Pacifique effectué en 2017 (Source : Golder Associés)
    Numéro de constatation Priorité Énoncé de la constatation
    OFI-12-1 MO Les rapports d’incident qui se trouvent dans le système du gestionnaire des incidents (IM) ne comprennent pas l’information signalée au BST dans le rapport initial.
    OFI-12-2 MO La procédure du CP concernant le signalement des incidents ne renvoie pas au formulaire du rapport d’incident initial.
    OFI-12-3 MO Il y a un manque d’uniformité entre les procédures du CP et le Règlement sur le BST en ce qui a trait à la définition d’un événement ferroviaire.
    OFI-13-1 MO Les outils de travail aidant à déterminer et à contrôler les risques pour la sécurité opérationnels/professionnels ne sont pas toujours complets.
    OFI-13-2 MO Les employés qui soulèvent des préoccupations ne sont pas toujours contactés rapidement ou efficacement.
    OFI-13-3 MO Il est possible d’améliorer l’échange des renseignements sur la sécurité des activités entre le CP et ses entrepreneurs.
    OFI-13-4 MO Il est possible d’améliorer les outils de gestion des renseignements, selon l’importance des données sur le plan opérationnel.
    OFI-15-1 MO Il y a une possibilité d’effectuer d’autres évaluations des risques pouvant être utiles ou mettre à jour la compréhension des stratégies d’atténuation des risques pertinentes.
    OFI-17-1 MO Un manque d’uniformité entre les évaluations des risques a été noté en ce qui a trait aux méthodes utilisées pour estimer la probabilité.
    OFI-21-1 MO Les objectifs actuels sont seulement mesurés à l’aide d’indicateurs retardés, même si plusieurs indicateurs avancés sont disponibles.
    OFI-25-1 MO Dans certains cas, un manque de clarté dans la présentation ou la compréhension des règles et des exigences relatives à la sécurité a été observé.
    OFI-25-2 MO La gestion du processus de changement, pour ce qui est des changements aux instructions et aux procédures d’exploitation, n’est pas conforme entre les services.
    OFI-25-3 MO Il n’existe pas de façon uniforme de confirmer et de démontrer que les communications sur les changements apportés aux règles ont été reçues par chaque employé.
    OFI-26-1 MO Il y a un manque d’uniformité dans l’exécution des examens d’efficacité en ce qui concerne la consignation des résultats, les taux d’échecs et l’attribution des notes de passage et d’échec.
    OFI-27-1 MO Des situations de communication incomplète avec les travailleurs/employés ont été signalées pendant les examens d’efficacité/des compétences.
    OFI-27-2 MO Des préoccupations ont été exprimées concernant la compétence des directeurs/coordonnateurs de trains du CP pendant l’exécution des examens d’efficacité/des compétences.
    OFI-28-1 MO Les principes de la science de la fatigue énoncés dans le Règlement sur le SGS sont pris en compte dans le modèle d’établissement des horaires qu’utilise le CP, mais le modèle ne prend pas en compte d’autres facteurs qui peuvent aussi contribuer à la fatigue.

    Annexe K – Enquêtes du BST sur des mouvements non contrôlés

    Numéro de l’événement Date Description Lieu Cause
    R19C0015 (événement à l’étude) 2019-02-04 Mouvement non contrôlé de matériel roulant et déraillement de train en voie principale, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, train de marchandises 301-349, point milliaire 130,6, subdivision de Laggan Yoho (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R18M0037 2018-12-04 Mort d’un employé, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train de manœuvre L57211-04, point milliaire 1,03, subdivision de Pelletier Edmundston (Nouveau-Brunswick) Immobilisation insuffisante
    R18Q0046 2018-05-01 Mouvement non contrôlé et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Chemin de fer QNS&L, rame de wagons Sept-Îles (Québec) Manœuvres sans freins à air
    R18H0039 2018-04-14 Mouvement non contrôlé de matériel roulant, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, système de télécommande de locomotive, train de manœuvre T16-13, point milliaire 195,5, subdivision de Belleville Toronto (Ontario) Perte de maîtrise
    R18E0007 2018-01-10 Mouvement non contrôlé de matériel roulant, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train de marchandises L76951-10, point milliaire 0,5, embranchement industriel de Luscar Leyland (Alberta) Perte de maîtrise
    R17W0267 2017-12-22 Mort accidentelle d’une employée, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train facultatif de manœuvre Y1XS-01 Melville (Saskatchewan) Manœuvres sans freins à air
    R17V0096 2017-04-20 Mouvement non contrôlé, collision et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Englewood Railway, Western Forest Products Inc., rame de wagons Woss (Colombie-Britannique) Manœuvres sans freins à air
    R16W0242 2016-11-29 Mouvement non contrôlé, collision et déraillement, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, train de ballast BAL-27 et train de marchandises 293-28, point milliaire 138,70, subdivision de Weyburn Estevan (Saskatchewan) Perte de maîtrise
    R16T0111 2016-06-17 Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, système de télécommande de locomotive, manœuvre de triage de l’embranchement industriel ouest de 21 h, point milliaire 23,9, subdivision de York, triage MacMillan Vaughan (Ontario) Perte de maîtrise
    R16W0074 2016-03-27 Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, manœuvre de formation au système de télécommande de locomotive de 23 h, point milliaire 109,7, subdivision de Sutherland Saskatoon (Saskatchewan) Manœuvres sans freins à air
    R16W0059 2016-03-01 Matériel roulant à la dérive, Cando Rail Services, manœuvre de 22 h affectée au Co-op Refinery Complex, point milliaire 91,10, subdivision de Quappelle Regina (Saskatchewan) Immobilisation insuffisante
    R15D0103 2015-10-29 Wagons partis à la dérive et déraillement en voie non principale, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, rame de wagons entreposée, point milliaire 2,24, embranchement d’Outremont Montréal (Québec) Immobilisation insuffisante
    R15T0173 2015-07-29 Dérive, collision et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, rame de wagons et train A42241-29, point milliaire 0,0, subdivision de Halton, triage MacMillan Concord (Ontario) Manœuvres sans freins à air
    R13D0054 2013-07-06 Train parti à la dérive et déraillement en voie principale, train de marchandises MMA-002, point milliaire 0,23, subdivision de Sherbrooke Lac-Mégantic (Québec) Immobilisation insuffisante
    R12E0004 2012-01-18 Collision en voie principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, matériel roulant à la dérive et train A45951-16, point milliaire 44,5, subdivision de Grande Cache Hanlon (Alberta) Immobilisation insuffisante
    R11Q0056 2011-12-11 Train parti à la dérive, Chemin de fer QNS&L, train de marchandises LIM-55, point milliaire 67,20, subdivision de Wacouna Dorée (Québec) Perte de maîtrise
    R09D0053 2009-09-09 Collision hors d’une voie principale, VIA Rail Canada Inc., locomotive 6425, Centre de maintenance de Montréal de VIA Rail Canada Inc. Montréal (Québec) Manœuvres sans freins à air
    R09T0057 2009-02-11 Train à la dérive et déraillement hors d’une voie principale, Southern Ontario Railway, train de manœuvre de 9 h de Hagersville, points milliaires 0,10 et 1,9, embranchement de Hydro Nanticoke (Ontario) Immobilisation insuffisante
    R08V0270 2008-12-29 Dérive et collision hors d’une voie principale, Kettle Falls International Railway, mission de Waneta, point milliaire 141,20, subdivision de Kettle Falls Waneta (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R07H0015 2007-07-04 Matériel roulant à la dérive, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, rame de wagons à la dérive, point milliaire 119,5, subdivision de Winchester Smiths Falls (Ontario) Immobilisation insuffisante
    R07V0109 2007-04-23 Déraillement sur une voie non principale, Kootenay Valley Railway (KVR), manœuvre Trail de 7 h, point milliaire 19,0, subdivision de Rossland Trail (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R06V0183 2006-09-03 Train à la dérive et déraillement, White Pass and Yukon Route, train de travaux 114, point milliaire 36,5, subdivision de Canadian Log Cabin (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R06V0136 2006-06-29 Matériel roulant parti à la dérive et déraillement, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train de marchandises L-567-51-29, point milliaire 184,8, subdivision de Lillooet Lillooet (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R05H0011 2005-05-02 Wagons à la dérive et collision en voie principale, Ottawa Central Railway, train de marchandises 441, point milliaire 34,69, subdivision d’Alexandria Maxville (Ontario) Immobilisation insuffisante
    R04V0100 2004-07-08 Matériel roulant à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train M-359-51-07, point milliaire 57,7, subdivision de Fraser Bend (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R03T0026 2003-01-21 Collision dans un triage, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, wagon HOKX 111044, point milliaire 197,0, subdivision de Belleville, triage de Toronto Agincourt (Ontario) Manœuvres sans freins à air
    R03T0047 2003-01-22 Collision dans un triage, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, wagon-citerne PROX 77811, point milliaire 25,0, subdivision de York Toronto (Ontario) Manœuvres sans freins à air
    R99D0159 1999-08-27 Wagons partis à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, rame de wagons, point milliaire 69,4, subdivision de Kingston, embranchement de Wesco Cornwall (Ontario) Immobilisation insuffisante
    R98M0029 1998-09-24 Dérive de wagons, collision et déraillement en voie principale, Chemin de fer de la Matapédia, train A402-21-24 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, point milliaire 105,4, subdivision de Mont-Joli Mont-Joli (Québec) Immobilisation insuffisante
    R98M0020 1998-07-31 Dérive d’un wagon et collision en voie principale, VIA Rail Canada Inc., train de voyageurs 14 et wagon de type « five-pak » à la dérive, point milliaire 105,7, subdivision de Mont-Joli du Chemin de fer de la Matapédia Mont-Joli (Québec) Immobilisation insuffisante
    R97C0147 1997-12-02 Dérive et déraillement, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, train 353-946, subdivision de Laggan Field (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R96C0172 1996-08-12 Collision en voie principale, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train 117 et 20 wagons partis à la dérive, point milliaire 122,9, subdivision d’Edson Près d’Edson (Alberta) Immobilisation insuffisante
    R96C0209 1996-10-09 Wagons partis à la dérive, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, manœuvre de triage de 7 h du CP, point milliaire 166,2, subdivision de Willingdon, voie d’échange de Clover Bar Edmonton (Alberta) Immobilisation insuffisante
    R96T0137 1996-04-24 Cinq wagons-citernes partis à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, point milliaire 0,0, subdivision de Hagersville Nanticoke (Ontario) Immobilisation insuffisante
    R96C0086 1996-04-13 Train parti à la dérive, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique, train de marchandises 607-042, point milliaire 133,0, subdivision de Laggan Field (Colombie-Britannique) Perte de maîtrise
    R95M0072 1995-12-14 Wagons partis à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train 130-13, point milliaire 0,0, subdivision de Pelletier Edmundston (Nouveau-Brunswick) Immobilisation insuffisante
    R94V0006 1994-01-18 Train parti à la dérive, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, train de marchandises 459-GP-18, point milliaire 175, subdivision de Grande Cache Latornell (Alberta) Perte de maîtrise

    Glossaire

    AAR
    Association of American Railroads (États-Unis)
    ASCT
    essai automatisé sur wagon individuel
    ATBE
    essai automatisé de l’efficacité des freins de train
    BCM
    maintien de la pression au cylindre de frein
    BM 
    bulletin de marche
    BST
    Bureau de la sécurité des transports du Canada
    CCF  
    contrôleur de la circulation ferroviaire
    CCFHSC 
    Calgary Cross-Functional Health and Safety Committee (comité de santé et de sécurité interfonctionnel de Calgary)
    CEL 
    consignateur d’événements de locomotive
    CN  
    Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
    CNRC  
    Conseil national de recherches du Canada
    COT&S 
    nettoyage, graissage, essai et marquage
    CP   
    Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique
    CRM 
    gestion des ressources en équipe
    DB
    frein dynamique
    FEO
    fabricant d’équipement d’origine
    FHOP
    procédures d’exploitation de Field Hill
    HP
    haute pression
    IGE
    instructions générales d'exploitation
    IS
    instructions spéciales
    lb/po2
    livres par pouce carré
    mi/h
    milles à l’heure
    ML
    mécanicien de locomotive
    NTSB
    National Transportation Safety Board des États-Unis
    NYAB
    New York Air Brake
    OFI
    possibilité d’amélioration
    pi3/min
    pieds cubes par minute
    RE
    réservoir d’égalisation
    REF
    Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
    Règlement sur le SGS
    Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire
    RPN
    région des Prairies et du Nord
    SCT
    essai sur wagon individuel
    SD
    réglage direct lent
    SGS
    système de gestion de la sécurité
    TC
    Transports Canada
    WTD
    détecteur de température des roues

    Notes de bas de page