Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R19T0107

Déraillement de train en voie principale
Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada
Train de marchandises M38331-27
Point milliaire 60,55, subdivision de Strathroy
Sarnia (Ontario)

Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Table des matières

    Résumé

    Le 28 juin 2019, le train de marchandises M38331-27 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) circulait dans le tunnel Paul M. Tellier du CN en direction de Port Huron (Michigan, États-Unis) lorsqu’un freinage d’urgence provenant de la conduite générale du trainNote de bas de page 1 s’est déclenché. Au total, 46 matériels roulants ont déraillé dans le tunnel, dont un wagon-citerne de marchandises dangereuses qui a subi une brèche pendant le déraillement et a déversé une quantité estimée à 12 000 gallons américains d’acide sulfurique (ONU 1830, classe 8, groupe d’emballage II). Il n’y a eu aucun blessé.

    L’accident

    Le train circulant en direction ouest avait quitté Sarnia (Ontario, Canada) (point milliaire 57,2 de la subdivision de Strathroy du CN) le 28 juin 2019, vers 4 h 02, heure avancée de l’Est. Le train était composé de 2 locomotives de tête et de 1 locomotive à traction répartie télécommandée en milieu de train, tirant un total de 140 wagons de marchandises. Il avait une longueur de 9541 pieds et pesait 15 674 tonnes.

    Un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché vers 4 h 20, alors que le train roulait à 44 mi/h dans le tunnel. La partie avant séparée du train s’est arrêtée à l’extérieur du tunnel au point milliaire 61,46, tandis que la partie arrière s’est arrêtée à l’extérieur du portail est du tunnel à Sarnia. Au total, 45 wagons de marchandises et la locomotive à traction répartie télécommandée ont déraillé et se sont immobilisés de part et d’autre de la frontière internationale à l’intérieur du tunnel.

    L’enquête a permis de déterminer que l’accident s’est produit lorsque le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, chargé de ferrailles d’acier, a subi une défaillance structurale et que le côté gauche du bout A du wagon s’est affaissé, ce qui a entraîné le déraillement du wagon dans le tunnel, du côté canadien de la frontière. Lorsque le wagon DJJX 30478 s’est affaissé, le bogie du bout A s’est décentré sous le wagon, ce qui a eu pour effet de renverser les 2 rails vers l’extérieur et de faire dérailler les wagons qui suivaient.

    La présence de défectuosités structurales dans les plaques de cisaillement, les longrines tronquées, les traverses pivots et les brancards ainsi que l’amincissement des sections d’acier en raison de la corrosion du wagon DJJX 30478 ont eu une incidence négative sur la capacité du wagon à résister aux forces exercées le long du train. Le wagon-tombereau baignoire DJJX 1978, construit par Berwick Forge & Fabricating Corporation (Berwick Forge) en 1978, a été utilisé dans le cadre d’un type d’exploitation exigeant (c.-à-d. le transport de ferrailles d’acier) pour lequel il n’avait pas été conçu à l’origine. Il n’y avait aucune exigence réglementaire ou de l’industrie visant l’exécution périodique d’une inspection complète du wagon afin de s’assurer qu’il conservait son intégrité structurale. Par conséquent, son intégrité structurale s’est détériorée et cela n’a pas été décelé avant l’accident.

    Dans le cadre de l’enquête, une analyse a été réalisée à l’aide de simulations des forces dynamiques du train et de la modélisation par éléments finis (FEM). Les simulations des forces dynamiques du train ont permis de déterminer que des forces de compression pouvant atteindre approximativement 388 kips (soit 388 000 livres de force) ont été exercées sur le wagon DJJX 30478 alors que celui-ci se trouvait dans le tunnel. L’analyse de défaillance par FEM a permis de confirmer que, compte tenu de la présence de défectuosités qui compromettaient l’intégrité structurale du wagon, les forces de compression exercées sur le wagon ont entraîné la défaillance structurale du bout A, qui a mené à la séquence de déraillement. La force de compression maximale calculée qui s’exerçait sur le wagon au moment de l’affaissement représentait une réduction de 61 % de la résistance nominale d’origine du wagon en raison de sa détérioration.

    Exigences réglementaires relatives à l’inspection et à la sécurité des wagons de marchandises

    Il est courant que le matériel roulant soit transféré d’un chemin de fer à un autre à un point d’échange. Ce processus est appelé échange. Il y a échange lorsqu’une compagnie de chemin de fer accepte qu’un wagon de marchandises d’une autre compagnie de chemin de fer soit mis en service sur son réseau à un point d’échange ou au passage de la frontière canado-américaine.

    Le Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises (2014) (Règlement sur la sécurité des wagons) approuvé par Transports Canada (TC) et le Code of Federal Regulations (CFR), titre 49, volume 4, partie 215 – Railroad Freight Car Safety Standards (2011) (normes de sécurité des wagons de marchandises) de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis établissent les critères de sécurité minimaux pour les wagons de marchandises exploités par les compagnies ferroviaires sous réglementation fédérale dans leur pays respectif. Les wagons de marchandises qui circulent au Canada ou aux États-Unis doivent respecter ces critères minimaux, bien que les documents susmentionnés renferment tous deux des dispositions qui permettent de déplacer des wagons de marchandises présentant des défectuosités vers un endroit pour y être réparés.

    Toutefois, ni le Règlement sur la sécurité des wagons du Canada ni les normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis ne contiennent de limites relatives aux dommages causés à des éléments de structure importants des wagons de marchandises, comme la déformation de montants latéraux; la rupture de tôles latérales, de tôles de bout et de sections de la tôle inférieure; la cambrure négative du brancard; la déformation des membrures supérieures; ou la présence de fissuration et de corrosion importantes. Par conséquent, les défectuosités structurales n’interdisaient pas l’échange du wagon DJJX 30478.

    Échange du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478

    Le wagon-tombereau qui a subi une défaillance dans le tunnel a servi au transport du charbon pendant environ 34 ans. L’Association of American Railroads (AAR) avait qualifié le wagon pour le « service prolongé », qui s’applique aux wagons de marchandises neufs construits depuis le 1er juillet 1974. La qualification pour le « service prolongé » permet d’exploiter le wagon pour une durée allant jusqu’à 50 ans à compter de la date de construction initiale sans avoir à obtenir de nouvelle qualification, sauf indication contraire.

    En 2012, le wagon avait été retiré du service de transport de charbon et acheté par le David J. Joseph Company Rail Equipment Group (DJJ Co.), dans le cadre d’un achat plus important de 1650 wagons semblables destinés au transport de ferrailles d’acier. DJJ Co. a modifié l’ensemble des 1650 wagons en remplaçant les 4 barres transversales de renfort, qui entravaient le chargement par le haut de la ferraille d’acier, par 2 grands profilés en U en acier mécanosoudés à l’intérieur du wagon pour compenser le changement structurel et renforcer la tôle inférieure. Les modifications apportées aux 1650 wagons ont été approuvées par l’AAR.

    Au moment de sa défaillance dans le tunnel, le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 était détérioré et présentait un certain nombre de défectuosités préexistantes qui ont contribué à réduire son intégrité structurale. L’examen visuel du wagon après l’accident a permis de déterminer que les défectuosités n’étaient pas récentes et qu’elles s’étaient développées au fil du temps avant l’accident.

    Malgré sa détérioration, le wagon DJJX 30478 se déplaçait fréquemment au Canada, aux États-Unis et entre les deux, et il avait fait l’objet de 16 échanges entre chemins de fer dans les 6 mois précédant l’accident.

    Au cours des 3 mois précédant l’accident, le wagon DJJX 30478 avait fait l’objet de 24 inspections autorisées des wagons réalisées à divers points d’échange du CN, avait été soumis à de nombreuses inspections au défilé et avait traversé plusieurs systèmes de détection en voie, sans qu’aucune défectuosité importante ne soit relevée. Pendant l’année qui a précédé l’accident, le wagon n’avait fait l’objet que de travaux d’entretien régulier.

    Essais de compression en queue de wagon des wagons-tombereaux baignoires DJJX effectués par le Conseil national de recherches Canada

    Le BST a retenu les services du Conseil national de recherches Canada (CNRC) pour effectuer des essais de compression en queue de wagon sur 3 wagons-tombereaux baignoires semblables au wagon DJJX 30478 qui se trouvaient dans la partie avant du train. Les essais visaient à évaluer la capacité de ces wagons à résister à 3 applications consécutives d’une force de compression longitudinale de 1000 kips dans leur état actuel d’usure après 40 ans de service. Les essais ont été effectués conformément aux critères du Manual of Standards and Recommended Practices de l’AAR pour la conception et la construction de nouveaux wagons de marchandises.

    Deux des wagons soumis aux essais, qui avaient été construits par ACF Industries Inc., comportaient des membrures de châssis en acier plus épaisses et ont chacun résisté à 3 applications consécutives d’une force de 1000 kips. Le troisième wagon (DJJX 30156), construit par Berwick Forge, qui était de la même conception et de la même année que le wagon DJJX 30478, a subi une défaillance structurale à une pression d’environ 628 kips (628 000 livres-force) au cours de la première application de force. Par conséquent, l’essai n’a pas pu être répété.

    Mesures de sécurité prises

    Bureau de la sécurité des transports du Canada

    À la suite de cet accident, le BST a communiqué des renseignements essentiels pour la sécuritéNote de bas de page 2 sur les éléments suivants :

    • les procédures d’urgence des compagnies de chemin de fer pour l’exécution d’inspections de trains après un déraillement dans un tunnel lorsque des marchandises dangereuses sont en cause (avis de sécurité ferroviaire 08/19 du BST, publié le 19 août 2019);
    • les procédures des compagnies de chemin de fer et des propriétaires de wagons pour identifier, inspecter et réparer les wagons-tombereaux baignoires qui sont munis de longrines tronquées et qui ont été construits à la fin des années 1970 et au début des années 1980 (avis de sécurité ferroviaire 09/19 du BST, publié le 16 septembre 2019);
    • la gestion des forces exercées le long du train (avis de sécurité ferroviaire 06/20 du BST, publié le 11 septembre 2020);
    • les problèmes de structure relevés sur les wagons-tombereaux baignoires fabriqués par Berwick Forge & Fabricating Corporation (avis de sécurité ferroviaire 07/20 du BST, publié le 11 septembre 2020).

    Transports Canada

    En réponse à l’avis de sécurité ferroviaire 08/19 du BST, Transports Canada a écrit à l’Association des chemins de fer du Canada et à la Western Canadian Short Line Railway Association pour recommander que les compagnies de chemin de fer canadiennes veillent à ce que leur matériel roulant, leurs procédures et leurs instructions soient examinés et mis à jour, au besoin, afin d’assurer la sécurité des employés.

    En réponse aux avis de sécurité ferroviaires 09/19 et 07/20 du BST, Transports Canada a communiqué avec l’AAR au sujet des problèmes mentionnés dans les 2 avis de sécurité ferroviaires et a continué d’exercer un suivi auprès de l’AAR pour s’assurer que tous les wagons visés par l’avis d’entretien (Maintenance Advisory) MA-0188 émis par l’AAR ont été inspectés.

    Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    Après le déraillement, le CN a repéré et inspecté 416 des 2130 wagons d’âge et de type semblables au wagon-tombereau baignoire de l’événement à l’étude, qui servaient au transport de ferrailles en Amérique du Nord. Le CN a constaté que 149 des 416 wagons (36 %) présentaient des défectuosités.

    En réponse à l’avis de sécurité ferroviaire 08/19 du BST, le CN a publié le bulletin sommaire novembre 2020 – avril 2021 en vertu de la règle 83(c), qui comprenait de nouvelles procédures d’urgence à suivre en cas d’urgence dans le tunnel.

    Association of American Railroads

    L’AAR a publié les avis d’entretien MA-0188 et MA-0198, le préavis d’alerte (Early Warning) EW-5344 et l’instruction sur le matériel roulant (Equipment Instruction) El-0017 à l’intention de l’industrie ferroviaire, exigeant l’inspection de wagons-tombereaux baignoires spécifiés. L’instruction sur le matériel roulant EI ‑0017, qui a été émise après les avis d’entretien et le préavis d’alerte, exige que les wagons-tombereaux baignoires Berwick Forge de même année que le wagon en cause dans l’événement à l’étude soient inspectés tous les 2 ans. Les wagons indiqués dans l’instruction sur le matériel roulant font automatiquement l’objet d’une interdiction d’échange en vertu des règles d’échange de l’AAR, à moins d’avoir été inspectés dans le délai de 2 ans et d’avoir été déclarés exempts des défectuosités mentionnées. Le processus se répétera tous les 2 ans pour chaque wagon figurant sur la liste.

    Les règles d’échange de l’AAR de 2020 qui régissent les longrines centrales, les longrines de traction, les supports d’attelage et les brancards ont été révisées afin d’inclure les défectuosités touchant les longrines tronquées et les brancards qui nécessitent une attention particulière.

    1.0 Renseignements de base

    Le 27 juin 2019, vers 15 h 30, heure avancée de l’EstNote de bas de page 3, le train de marchandises M38331-27 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), circulant vers l’ouest, a fait l’objet d’une inspection autorisée des wagons et d’un essai des freins à air no 1Note de bas de page 4 à la gare de triage MacMillan du CN, située près de Toronto (Ontario, Canada), sans qu’aucune défectuosité ne soit relevée. Le train était composé de 2 locomotives de tête (CN 2233 et CN 8857) et de 1 locomotive à traction répartie (TR) télécommandée en milieu de train (CN 8832), située entre les 81e et 82e wagons (entre la 81e et la 82e positionNote de bas de page 5). Il tirait au total 117 wagons de marchandises, soit 85 wagons chargés et 32 wagons vides, dont 14 wagons-citernes contenant des résidus de marchandises dangereuses (MD). Au total, 36 wagons se trouvaient derrière la locomotive à TR télécommandée (de la 82e à la 117e position). Le train mesurait 7620 pieds de long et pesait 11 698 tonnes.

    Vers 17 h 05, le train a quitté la gare de triage MacMillan à destination de Walbridge (Ohio, États-Unis) en passant par Flint (Michigan, États-Unis). Après avoir quitté la gare de triage MacMillan, le train a emprunté les subdivisions de Halton, d’Oakville, de Dundas et de Strathroy du CN jusqu’à Sarnia (Ontario, Canada) (figure 1).

    Figure 1. Carte montrant l’itinéraire du train et le lieu de l’événement (Source : Atlas du rail canadien, Association des chemins de fer du Canada, avec annotations du BST)
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    Carte montrant l’itinéraire du train et le lieu de l’événement (Source : Atlas du rail canadien, Association des chemins de fer du Canada, avec annotations du BST)

    En route vers Sarnia, le train a franchi un certain nombre de systèmes de détection en voie du CN et a été inspecté par 20 détecteurs de boîtes chaudes et de pièces traînantes, ainsi que par 1 détecteur de charges d’impact de roues, sans qu’aucune défectuosité ne soit relevée.

    Vers 1 h 55 le 28 juin 2019, le train est arrivé à la gare de triage de Sarnia, située au point milliaire 52,7 de la subdivision de Strathroy. À Sarnia, une équipe de train montante de 3 personnes, composée d’un mécanicien de locomotive (ML), d’un chef de train et d’un chef de train adjoint, a pris les commandes du train en vue de la traversée prévue du tunnel Paul M. Tellier du CN sous la rivière Sainte-Claire. Le tunnel (figure 2) relie Sarnia à Port Huron (Michigan, États-Unis) et traverse la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis au point milliaire 60,63 de la subdivision de Strathroy du CN. Les membres de l’équipe de train montante possédaient les qualifications requises pour leur poste, connaissaient bien le territoire et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et d’aptitude au travail.

    Figure 2. Portail du tunnel à Port Huron aux États-Unis (Source : BST)
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    Portail du tunnel à Port Huron aux États-Unis (Source : BST)

    Avant que le train ne quitte Sarnia, les 36 wagons de queue (de la 82e à la 117e position) ont été retirés du train et 59 wagons ont été ajoutés derrière la locomotive à TR télécommandée, de la 82e à la 140e position. Les 59 wagons ajoutés avaient fait l’objet d’une inspection autorisée des wagons et d’un essai des freins à air no 1 à la gare de triage de Sarnia avant d’être ajoutés au train, sans qu’aucune défectuosité ne soit relevée.

    Après le retrait des 36 wagons de queue et l’ajout des 59 wagons de queue à Sarnia, le train se composait désormais de 2 locomotives de tête et de 1 locomotive à TR télécommandée (située entre les 81e et 82e positions), tirant un total de 140 wagons de marchandises. Ces derniers comprenaient 125 wagons chargés, dont 21 wagons-citernes chargés de MD, et 15 wagons vides, dont 3 wagons-citernes de résidus de MD. Le train mesurait 9541 pieds de long et pesait 15 674 tonnes.

    1.1 L’accident

    Vers 4 h 02, le train a quitté Sarnia sur la subdivision de Strathroy, en direction de Port Huron. Au départ de Sarnia, le train était un train cléNote de bas de page 6 exploité sur un itinéraire cléNote de bas de page 7.

    Vers 4 h 14, le train est arrivé à la crête est du tunnel alors qu’il roulait à une vitesse d’environ 11 mi/h et que le manipulateur était à la position de ralenti. À partir de la crête, le manipulateur est demeuré dans cette position pendant que le train accélérait sous l’effet de la gravité le long de la pente descendante du tunnel, jusqu’à ce que les locomotives de tête arrivent au fond du tunnel. Une fois le train arrivé au fond, le ML a lentement fait passer le manipulateur de traction au cran 3 alors que le train entamait la montée vers le portail ouest du tunnel à Port Huron.

    Vers 4 h 20, tandis que le train roulait à 44 mi/h dans le tunnel, un freinage d’urgence provenant de la conduite généraleNote de bas de page 8 s’est déclenché alors que la locomotive de tête se trouvait au point milliaire 61,19. La tête du train s’est immobilisée à l’extérieur du tunnel au point milliaire 61,46, à environ 1670 pieds à l’ouest du portail ouest du tunnel à Port Huron (figure 3). La queue du train s’est immobilisée à l’extérieur du portail est du tunnel à Sarnia. À peu près au même moment, une alarme s’est affichée sur l’écran de contrôle de la circulation ferroviaire.

    Figure 3. Lieu de l’accident (Source : Google Maps, avec annotations du BST)
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    Lieu de l’accident (Source : Google Maps, avec annotations du BST)

    Une fois la tête du train immobilisée, l’équipe de train a diffusé un message d’urgence sur le canal radio d’urgence, conformément à la règle 102 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), et a signalé le freinage d’urgence au contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF). Elle a ensuite demandé que les lumières soient allumées et que les ventilateurs soient mis en marche dans le tunnel. Le CCF a répondu que les ventilateurs seraient mis en marche sous peu. À ce moment-là, le CCF n’avait pas encore déterminé la nature de l’alarme, car il devait ouvrir une autre fenêtre d’ordinateur pour voir les détails, et il n’a pas informé l’équipe au sujet de l’alarme.

    Lorsque l’équipe a mis fin à sa communication avec le CCF, elle a tenu une séance de briefing au cours de laquelle elle a discuté du contenu du train, notamment du wagon-citerne de MD rempli d’acide sulfurique. Peu après la séance, le ML et le chef de train adjoint sont restés dans la cabine de la locomotive pendant que le chef de train est sorti de la cabine avec une radio portative afin d’inspecter le train, conformément aux instructions de l’indicateur no 43 de la subdivision de Strathroy du CN et à la section 7.3 des Instructions générales d’exploitation (IGE) du CN. Le chef de train ne portait aucun équipement de protection respiratoire, et ces instructions ne l’exigeaient pas.

    Environ 5 minutes après que l’équipe de train eut diffusé le message d’urgence, le CCF a communiqué avec le ML et le chef de train adjoint dans la cabine de locomotive pour les informer que l’alarme de gaz toxique dans le tunnel s’était déclenchée. Étant donné que la locomotive à TR télécommandée était toujours dans le tunnel et qu’elle était encore en état de fonctionnement, on a présumé que l’échappement du moteur de la locomotive à TR télécommandée était la source probable de l’alarme. Le CCF a demandé si la direction dans laquelle les ventilateurs soufflaient importait, et l’équipe a répondu que non, tant que ceux-ci étaient en marche.

    Pendant ce temps, le chef de train avait inspecté la partie avant du train qui était sortie du portail du tunnel à Port Huron et n’avait relevé aucune défectuosité. Lorsque le chef de train est arrivé au portail du tunnel, il a cru entendre les ventilateurs fonctionner, mais il a remarqué que les lumières du tunnel étaient éteintes. Par la suite, alors que les lumières dans la partie ouest étaient toujours éteintes et que les ventilateurs de la partie est évacuaient l’air vers l’ouest, le chef de train est entré dans le tunnel pour terminer l’inspection du train.

    Le CCF a ensuite discuté de la situation avec son gestionnaire. Au bout d’une dizaine de minutes, le CCF a communiqué par radio avec le ML et le chef de train adjoint pour leur répéter qu’une alarme de gaz toxique dans le tunnel s’était déclenchée, et leur a demandé de ne pas y pénétrer.

    Étant donné que le chef de train était déjà entré dans le tunnel, le CCF, le ML, le chef de train adjoint et un coordonnateur de trains ont immédiatement tenté de communiquer avec le chef de train par radio, mais ils n’ont pas réussi à le joindre. Le chef de train adjoint est alors sorti de la cabine de la locomotive pour partir à la recherche du chef de train. Peu après, le chef de train adjoint a vu le chef de train, qui avait terminé l’inspection du train, sortir du tunnel.

    Pendant qu’il se trouvait dans le tunnel, le chef de train avait constaté que les roues arrière du wagon DJJX 19371 (51e position) avaient déraillé, tandis que toutes celles du wagon suivant, DJTX 30049 (52e position), avaient déraillé. Dans l’obscurité du tunnel, aucun autre wagon n’était visible derrière ce wagon. Par conséquent, cet événement a d’abord été signalé comme étant une séparation de train accompagnée du déraillement de 2 wagons. Cependant, à mesure que les intervenants d’urgence et le personnel du CN ont commencé à arriver, il est devenu évident qu’un accident beaucoup plus grave s’était produit.

    À l’insu de l’équipe à ce moment-là, 45 wagons de marchandises et la locomotive à TR télécommandée, situés entre les 51e et 98e positions inclusivement, avaient déraillé; les 90e, 91e et 95e positions n’avaient pas déraillé. Les wagons déraillés s’étaient empilés et immobilisés de part et d’autre de la frontière internationale à l’intérieur du tunnel, le bloquant complètement. Parmi les wagons déraillés figurait le wagon-citerne de MD UTLX 95205 (68e position), qui était chargé de 12 727 gallons américains (48 177 L) d’acide sulfurique à 94 % (numéro ONU 1830, classe 8, groupe d’emballage [GE] II). Au cours du déraillement, le wagon-citerne UTLX 95205 avait subi une brèche et avait déversé de l’acide sulfurique dans le tunnel.

    Après que le personnel fut sorti du tunnel, l’équipe d’intervention d’urgence du CN chargée des MD s’est rendue sur les lieux pour évaluer la situation. Une fois que l’équipe chargée des MD eut déterminé qu’il était possible de le faire en toute sécurité, la partie avant du train et les 50 premiers wagons ont été transportés à la gare de triage de Port Huron du CN et mis de côté en vue d’une inspection ultérieure. Il n’y a eu aucun blessé.

    1.1.1 Renseignements sur l’acide sulfurique

    L’acide sulfurique transporté dans le wagon UTLX 95205 avait été fabriqué à Oakville (Ontario). Il s’agit d’un liquide corrosif qui, au contact de la peau ou des yeux, peut causer de graves brûlures et des lésions. Il est conseillé au personnel d’éviter d’inhaler des vapeurs, de la brume ou des aérosols d’acide sulfurique. Il est conseillé de porter de l’équipement et des vêtements de protection dans les zones de déversements ou de fuites jusqu’à ce que le nettoyage soit terminé. L’acide sulfurique peut provoquer une réaction exothermiqueNote de bas de page 9 avec l’eau et d’autres produitsNote de bas de page 10.

    1.2 Intervention d’urgence et intervention environnementale

    Étant donné que la frontière entre le Canada et les États-Unis est située à peu près au milieu du tunnel et qu’elle était inaccessible, on ne savait pas si le point de déraillement (PDD) initial se trouvait du côté canadien ou américain de la frontière. Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a donc signalé l’accident au National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis. Par la suite, le BST, le NTSB et la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis ont chacun déployé des enquêteurs sur les lieux de l’accident.

    En raison du déversement d’acide sulfurique dans le tunnel, l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis a assumé le commandement des opérations américaines du côté américain dans le cadre d’une structure de commandement unifiée à laquelle participaient l’EPA, le CN, le comté de St. Clair, le service d’incendie de Port Huron, le corps de police de l’État du Michigan et le U.S. Customs and Border Protection. Ce groupe a collaboré de façon continue avec le BST, le NTSB et la FRA.

    L’EPA a également coordonné les activités d’intervention avec Environnement et Changement climatique Canada. En outre, des plans de santé et de sécurité ainsi que de surveillance de la qualité de l’air propres au site ont été élaborés par l’EPA en collaboration avec le CN. Ces plans ont été mis à jour en fonction de l’évolution de la situation. Des plans d’action en cas d’incident ont également été établis pour chaque période opérationnelle de 24 heures et chaque jour à 8 h, des réunions d’avancement conjointes ont été tenues avec tous les organismes présents,  pendant toute la durée de l’intervention.

    Le 28 juin 2019, l’EPA a ordonné au CN de cesser les opérations de relevage du côté américain du tunnel jusqu’à ce que les conséquences du déversement d’acide sulfurique soient atténuées.

    L’ingénieur qui a conçu le tunnel s’est rendu sur les lieux pour en évaluer l’intégrité structurale. Il a déterminé que cette dernière n’avait pas été compromise et qu’il était possible de poursuivre en toute sécurité les travaux dans le tunnel.

    1.2.1 Mesures d’atténuation des conséquences du déversement d’acide sulfurique

    L’EPA craignait au départ que le déversement d’acide sulfurique puisse provoquer des réactions chimiques exothermiques avec de l’eau et d’autres produits répandus pendant le déraillement.

    Le tunnel comportait un puisard en acier inoxydable d’une capacité de 20 000 L, et ce puisard était situé près du wagon-citerne d’acide sulfurique UTLX 95205 qui avait déraillé (68e position). Les pompes de puisard étaient raccordées à un réseau d’égouts pour eaux usées se trouvant du côté canadien du tunnel. Toutefois, la tuyauterie dans le tunnel qui raccorde le puisard au point de rejet avait été endommagée par le déraillement, et le CN avait fermé le système de pompes de puisard peu après l’accident.

    Le produit déversé s’était accumulé dans le puisard et le ballast du tunnel, et il n’y a eu aucun rejet dans la rivière Sainte-Claire. Les responsables des prises d’eau en aval dans la ville de Marysville, la ville de St. Clair, le canton d’East China et la ville d’Algonac avaient été informés de l’accident. Aucune de leurs usines d’approvisionnement en eau n’a été touchée.

    Des analyses effectuées le 30 juin 2019 ont permis de déterminer que le liquide du puisard était composé de 20 % à 30 % d’acide sulfurique. Des travaux ont été entrepris pour retirer (pomper) le liquide contaminé par l’acide qui se trouvait à l’intérieur du tunnel. Le puisard a continué à se remplir du liquide qui s’était précédemment accumulé dans le ballast, et le pompage s’est poursuivi jusqu’à ce que le liquide eut été retiré.

    Le CN a neutralisé le déversement d’acide restant à l’aide de chaux agricole pour atteindre un pH cible de 4, afin de respecter les normes de rejet dans l’atmosphère. La ventilation a été rétablie à la fois du côté canadien et du côté américain du tunnel, en évacuant l’air vers l’est par le portail est du tunnel, qui se trouve au Canada. Des entrepreneurs du CN ont effectué une surveillance de la qualité de l’air à l’intérieur et près du portail ouest du tunnel. Aucune réaction chimique exothermique n’a été signalée.

    Le 5 juillet 2019, environ 50 000 gallons américains de liquide contaminé avaient été pompés des flaques présentes dans le puisard. Le liquide a d’abord été pompé dans des bacsNote de bas de page 11, puis transféré dans un camion aspirateur, avant d’être transféré de nouveau dans des réservoirs de fracturationNote de bas de page 12 et des bacs situés dans une aire de transit à environ ½ mille à l’ouest du portail ouest du tunnel à Port Huron. Le processus a ensuite été modifié pour pomper le liquide contaminé directement dans les bacs, puis déplacer ces derniers vers l’aire de transit. Des entrepreneurs de l’EPA surveillaient périodiquement la température des réservoirs et des bacs dans l’aire de transit et inspectaient visuellement leur état.

    Après avoir sorti tout le matériel roulant du tunnel le 5 juillet 2019, le CN s’est concentré sur le traitement et le retrait du ballast contaminé. Le CN a établi la présence de ballast contaminé jusqu’à environ 1500 pieds à l’est et 310 pieds à l’ouest du puisard. L’EPA a indiqué que de l’hydroxyde de sodium avait été utilisé pour neutraliser l’acide contenu dans le ballast. Le plan consistait à enlever au moins les 4 premiers pouces de ballast après le traitement et à les expédier hors site pour qu’ils soient éliminés. Le CN a prélevé des échantillons carottés de béton dans le plancher du tunnel afin d’évaluer les répercussions éventuelles du déversement d’acide, mais aucune répercussion n’a été constatée. De plus, le CN a commandé un puisard de remplacement pour le tunnel, qui a été installé le 6 juillet 2019.

    1.2.2 Surveillance de la qualité de l’air

    Le CN a retenu les services de GHD Limited (GHD) pour assurer la surveillance de la qualité de l’air et le soutien en matière d’hygiène industrielle sur les lieux du déraillement dans le tunnel. L’air a fait l’objet d’une surveillance visant à mesurer la teneur en acide sulfurique, en dioxyde de soufre, en oxygène, en sulfure d’hydrogène et en monoxyde de carbone ainsi que la limite inférieure d’explosivité (LIE)Note de bas de page 13 des composés organiques volatils (COV), qui auraient tous pu être présents lors du déraillement et des activités d’intervention connexes. Des techniciens de GHD et des intervenants du CN, équipés de dispositifs de surveillance de la qualité de l’air en temps réel, ont accompagné les enquêteurs du BST et du NTSB à chaque entrée dans le tunnel.

    L’EPA a établi 8 stations permanentes de surveillance de la qualité de l’air dans le périmètre (figure 4), 2 près du portail ouest du tunnel (stations 4 et 8) et 6 autour des lieux et des aires de transit. Des moniteurs AreaRAENote de bas de page 14 ou MultiRAENote de bas de page 15 ont été installés à 7 de ces stations afin d’assurer une surveillance générale de la qualité de l’air. Des unités SPM FlexNote de bas de page 16 ont également été déployées à 5 de ces stations pour surveiller de façon spécifique la présence d’acide sulfurique dans l’air.

    Figure 4. Emplacement des stations de surveillance de la qualité de l’air de l’EPA à Port Huron (Source : Environmental Protection Agency, avec annotations du BST)
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    Emplacement des stations de surveillance de la qualité de l’air de l’EPA à Port Huron (Source : Environmental Protection Agency, avec annotations du BST)

    L’EPA a établi des seuils d’intervention propres à chaque site.Note de bas de page 17 Ces seuils d’intervention n’ont pas été dépassés et aucune présence d’acide sulfurique n’a été détectée dans les 6 emplacements de surveillance du périmètre. Toutefois, la présence d’acide sulfurique a été détectée par les 2 stations les plus proches du portail américain. Une des stations a relevé un niveau supérieur au seuil d’intervention, ce qui a entraîné l’arrêt temporaire des travaux sur les lieux.

    Fait établi : Autre

    La structure de commandement unifié d’intervention d’urgence a bien fonctionné et les mesures mises en place pour protéger les intervenants, le public et l’environnement, dans le cadre des activités d’intervention d’urgence et d’atténuation des conséquences, ont été efficaces.

    1.3 Examen des lieux

    Diverses activités d’examen des lieux et d’enquête ont été menées sur une période de 9 jours s’étendant du 28 juin 2019 au 6 juillet 2019. Chaque journée commençait par une réunion d’avancement conjointe avec les organismes présents à ce moment-là. Les enquêteurs du BST et du NTSB ont travaillé en équipe de part et d’autre de la frontière, tout en se conformant à l’ensemble des exigences de sécurité des lieux.

    Des travaux de relevage visant à retirer tout le matériel roulant du tunnel ont été exécutés tant du côté canadien que du côté américain. Cependant, la plupart des wagons ont été traînés dans le tunnel vers le côté canadien. Les travaux de relevage du côté américain ont été lents et méthodiques, puisque les travaux étaient interrompus de façon périodique pour gérer le déversement d’acide sulfurique dans le tunnel. Par conséquent, les plans de travail de l’enquête étaient souples et ont été modifiés au gré de l’évolution des activités d’assainissement des lieux dans le tunnel.

    Dans la matinée du 28 juin 2019, des intervenants du CN sont arrivés et ont immédiatement entrepris les travaux de relevage du côté américain, et ce, sans procéder à une documentation complète des lieux de l’accident. Même si le tunnel était complètement bloqué dans la zone de la frontière (point milliaire 60,63), les enquêteurs du BST ont accédé au tunnel à partir de chaque côté pour documenter partiellement les wagons qui avaient déraillé. Pendant toute la durée des activités d’intervention, les enquêteurs ont accédé au tunnel par la passerelle située sur la partie supérieure des parois de renfort nord ou sud qui longent la voie ferrée à travers le tunnel.

    On croyait au départ que le PDD se trouvait au Canada, de sorte que le BST a assumé le rôle d’organisme d’enquête principal pour déterminer la cause du déraillement jusqu’à ce que le PDD soit confirmé et accepté par le BST, le NTSB et la FRA.

    Afin de réduire au minimum le dédoublement des efforts liés aux demandes d’information, le CN a fourni au BST tous les renseignements demandés et a également consenti par écrit à ce que le BST les communique au NTSB et à la FRA. Le CN et les 3 organismes ont travaillé en collaboration, mettant en commun les ressources et les renseignements à mesure qu’ils devenaient disponibles.

    Le 29 juin 2019, après la réunion d’avancement conjointe à Port Huron, le personnel du CN a accompagné les enquêteurs du BST et du NTSB lorsqu’ils sont entrés dans le tunnel du côté américain pour examiner le matériel roulant déraillé et les dommages connexes (figure 5).

    Figure 5. Entrée du tunnel du côté américain (Source : BST)
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    Entrée du tunnel du côté américain (Source : BST)

    Le premier matériel roulant déraillé que l’équipe a vu dans le tunnel était l’extrémité arrière du wagon-tombereau à fond plat DJJX 19371 (51e position) chargé de ferrailles.

    Le wagon suivant, DJTX 30049 (52e position), était également un wagon-tombereau à fond plat chargé de ferrailles. Toutes ses roues avaient déraillé, et le wagon s’était immobilisé au point milliaire 60,85. Au bout BNote de bas de page 18 arrière du wagon, la mâchoire d’attelage et l’attelage étaient restés intacts, et il n’y avait aucun dommage visible attribuable aux chocs. Derrière le wagon DJTX 30049 (52e position) (à l’est), le rail sud s’était renversé et il y avait une séparation de 696 pieds jusqu’au bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position), un wagon-tombereau baignoire chargé de 196 300 livres de ferrailles, au point milliaire 60,72.

    Toutes les roues du wagon DJJX 30478 (53e position) avaient déraillé et le bout A était lourdement endommagé. Le montant d’extrémité, le brancard et la tôle latérale s’étaient séparés de la plaque de cisaillement du côté gauche du bout A et semblaient s’être affaissés. Le bogie du bout A était décentré sur la diagonale. Le rail nord s’était renversé du côté nord et le rail sud du côté sud, vers les parois de renfort du tunnel. La mâchoire d’attelage du bout A était rompue (figure 6).

    Figure 6. Photo in situ du bout A du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 (53e position), montrant des dommages importants au wagon, une mâchoire d’attelage rompue, un bogie désaxé et un rail renversé (Source : Federal Railroad Administration, avec annotations du BST)
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     Photo in situ du bout A du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 (53e position), montrant des dommages importants au wagon, une mâchoire d’attelage rompue, un bogie désaxé et un rail renversé (Source : Federal Railroad Administration, avec annotations du BST)

    La surface de rupture de la mâchoire d’attelage rompue du bout A du wagon DJJX 30478 (53e position) présentait des caractéristiques de rupture fragile, mais aucune défectuosité visible (figure 7). Le bout A du wagon présentait également un certain nombre de défectuosités de carrosserie préexistantes qui laissaient croire que son intégrité structurale avait peut-être été compromise. Il n’y avait aucune marque visible d’impact sur les parois de renfort de tunnel adjacentes dans cette zone.

    Le bout B du wagon DJJX 30478 (53e position) était relativement intact, mais il était entouré de ferrailles provenant du chargement du wagon, qui s’étaient répandues sur la surface de la voie (figure 8).

    Figure 7. Surface de rupture de la mâchoire d’attelage brisée du bout A du wagon DJJX 30478 (53e position) (Source : BST)
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    Surface de rupture de la mâchoire d’attelage brisée du bout A du wagon DJJX 30478 (53e position) (Source : BST)
    Figure 8. Bout B du wagon DJJX 30478 (53e position), montrant des ferrailles sur le ballast (Source : BST)
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    Bout B du wagon DJJX 30478 (53<sup>e</sup> position), montrant des ferrailles sur le ballast (Source : BST)

    Vers l’est, à partir du bout B du wagon DJJX 30478 (53e position), on a constaté la présence de ferrailles d’acier par endroits sur le ballast le long du côté sud du tunnel, jusqu’au point milliaire 60,55 environ. Un schéma du tunnel illustrant le PDD initial et les points milliaires correspondant à l’emplacement du matériel roulant concerné est présenté à la figure 9.

    Figure 9. Schéma illustrant le point de déraillement initial et les points milliaires pertinents (Source : BST)
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    Schéma illustrant le point de déraillement initial et les points milliaires pertinents (Source : BST)

    La plupart des wagons de queue derrière le wagon DJJX 30478 (53e position) s’étaient mis en portefeuille et immobilisés dans diverses positions, bloquant le tunnel et empêchant le passage de l’équipement ou de personnes à pied à plusieurs endroits (figures 10 et 11).

    Figure 10. Exemple de wagons déraillés et de chargement bloquant le tunnel du côté américain (Source : Federal Railroad Administration)
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    Exemple de wagons déraillés et de chargement bloquant le tunnel du côté américain (Source : Federal Railroad Administration)
    Figure 11. Deuxième exemple de tunnel bloqué du côté américain (Source : Environmental Protection Agency)
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    Deuxième exemple de tunnel bloqué du côté américain (Source : Environmental Protection Agency)

    Au cours de l’après-midi du 29 juin 2019, le personnel du CN a accompagné les enquêteurs du BST et du NTSB lorsqu’ils sont entrés dans le tunnel du côté canadien et ont emprunté la passerelle située sur la partie supérieure de la paroi de renfort nord du tunnel jusqu’à l’endroit où la voie était infranchissable en raison des wagons déraillés (figure 12).

    Figure 12. Diagramme des wagons déraillés dans le tunnel (Source : BST)
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    Diagramme des wagons déraillés dans le tunnel (Source : BST)

    Tout comme du côté américain, de nombreux wagons déraillés s’étaient mis en portefeuille et immobilisés entre les parois de renfort du tunnel dans diverses positions (figure 13).

    Figure 13. Essieux montés déplacés, bogies et wagons déraillés du côté canadien (Source : BST)
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    Essieux montés déplacés, bogies et wagons déraillés du côté canadien (Source : BST)

    Le 30 juin 2019, l’épave du wagon-tombereau DJJX 30478 (53e position) déraillé, y compris la plaque de cisaillement du bout A et la longrine tronquée, a été retiré du tunnel (figure 14).

    Figure 14. La plaque de cisaillement du bout A et la longrine tronquée du wagon DJJX 30478 ont été retirées du tunnel. (Source : Environmental Protection Agency)
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    La plaque de cisaillement du bout A et la longrine tronquée du wagon DJJX 30478 ont été retirées du tunnel. (Source : Environmental Protection Agency)

    La FRA a procédé à l’inspection des 50 wagons de tête du train qui étaient mis de côté à la gare de triage de Port Huron du CN. Aucune défectuosité critique en vertu du Code of Federal Regulations (CFR), titre 49, volume 4, partie 215 – Railroad Freight Car Safety Standards (2011) (normes de sécurité des wagons de marchandises) de la FRA n’a été relevée. Par conséquent, la FRA a libéré la partie avant du train.

    Peu après, le BST et le NTSB ont inspecté les 50 mêmes wagons à la recherche de tout dommage évident qui aurait pu être lié au déraillement. Bien qu’aucun dommage n’ait été relevé, 5 wagons-tombereaux baignoires chargés de ferrailles présentaient des conditions structurales qui méritaient qu’on s’y attarde. Ces wagons étaient les suivants : DJJX 950782 (1re position), DJJX 30156 (13e position), DJJX 1576 (47e position), DJJX 882062 (48e position) et DJJX 950965 (50e position). Les 5 wagons ont été retirés du train et, en plus de l’épave du wagon déraillé DJJX 30478 (53e position), ils ont tous été mis de côté à la gare de triage de Port Huron du CN en vue d’un examen plus détaillé à une date ultérieure.

    Le 1er juillet 2019, lors de la réunion d’avancement conjointe à Port Huron, la discussion a porté sur la détermination de l’endroit où le freinage d’urgence initial s’est déclenché. Les renseignements limités recueillis jusqu’alors étaient quelque peu contradictoires et n’avaient pas encore été validés. La validation nécessitait un examen détaillé des données du consignateur d’événements de locomotive (CEL) et des journaux d’exploitation de la TR récupérés des locomotives de tête et de la locomotive à TR télécommandée en milieu de train.

    Le BST, le NTSB, la FRA et le CN ont convenu qu’il fallait s’entendre sur l’endroit où le freinage d’urgence initial s’est déclenché et, par conséquent, sur le PDD initial probable, afin de déterminer l’autorité compétente pour l’enquête. Les activités d’examen des lieux se sont poursuivies pendant que les renseignements consignés faisaient l’objet d’une analyse visant à déterminer si le freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’était déclenché du côté canadien ou américain de la frontière.

    1.3.1 Examen du wagon-citerne UTLX 95205

    Le wagon-citerne UTLX 95205 (68e position) était chargé de 12 727 gallons américains (48 177 L) d’acide sulfurique à 94 %. Le wagon-citerne avait été construit selon la spécification DOT-111A100W2 par ACF Industries Inc. en mars 1994, expressément pour le transport d’acide sulfurique. Le wagon avait une capacité de charge brute sur rail de 263 000 livres et une capacité de chargement de 13 739 gallons américains (eau). Le wagon était muni d’une soupape de sécurité de 100 lb/po2, d’un orifice de remplissage à ouverture rapide de 9 pouces et d’un raccord de vidange de 2 pouces, mais il n’était pas doté d’un robinet de déchargement par le bas, de boucliers protecteurs, d’une chemise ou d’un système de protection thermique.

    Le 1er juillet 2019, le CN a retenu les services d’Exelon Energy pour effectuer une inspection aérienne des espaces clos des épaves à l’aide d’un drone en cage. L’inspection a porté sur les wagons de marchandises inaccessibles au centre du déraillement, entre les 63e et 70e positions (figure 15).

    Figure 15. Schéma du déraillement dans le tunnel entre les 63e et 70e positions (Source : BST)
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    Schéma du déraillement dans le tunnel entre les 63<sup>e</sup> et 70<sup>e</sup> positions (Source : BST)

    L’inspection a permis de faire les observations suivantes :

    • Le wagon-citerne UTLX 95205 (68e position) s’est immobilisé en suspension à environ 4 pieds au-dessus de la paroi de renfort nord du tunnel.
    • Il se trouvait en diagonale par rapport au tunnel, le bout B avant se trouvant près de la paroi sud du tunnel et le bout A arrière près de la paroi nord du tunnel.
    • Le côté droit du bout A de la tête présentait un enfoncement important, mais aucune brèche visible, et la traverse pivot du côté droit du bout A était courbée (figure 16).
    • Les raccords supérieurs n’ont subi aucun dommage visible, mais des résidus d’acide ont été relevés sur l’évent de sécurité.
    • La longrine tronquée et l’attelage de l’extrémité arrière du wagon-trémie couvert VTGX 1238 (67e position) avaient percuté et perforé le quadrant inférieur gauche de la tête de citerne du bout B du wagon UTLX 95205 (figure 17).
    Figure 16. Vue aérienne du bout A arrière du wagon-citerne UTLX 95205 positionné en diagonale par rapport au tunnel, près de la paroi nord du tunnel (Source : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et Exelon Energy, avec annotations du BST)
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    Vue aérienne du bout A arrière du  wagon-citerne UTLX 95205 positionné en diagonale par rapport au tunnel,  près de la paroi nord du tunnel (Source : Compagnie  des chemins de fer nationaux du Canada  et Exelon Energy, avec annotations du  BST)
    Figure 17. Vue aérienne de la tête de citerne du bout B avant du wagon UTLX 95205 (68e position), qui a été perforée par l’attelage et la longrine tronquée du wagon VTGX 1238 (67e position) (Source : CN et Exelon Energy, avec annotations du BST)
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    Vue aérienne de la tête de citerne du bout B avant du wagon UTLX 95205 (68e position), qui a été perforée par l’attelage et la longrine tronquée du wagon VTGX 1238 (67e position) (Source : CN et Exelon Energy, avec annotations du BST)

    Après que le wagon-citerne UTLX 95205 eut été retiré du tunnel, un examen de suivi a permis de confirmer que tous les dommages constatés étaient attribuables au déraillement.

    1.3.2 Documentation des lieux et travaux de relevage

    Du 2 juillet 2019 au 4 juillet 2019, le BST et le NTSB ont poursuivi l’inspection des épaves et la coordination des activités de part et d’autre de la frontière. Toutes les parties ont travaillé en collaboration jusqu’à ce que l’autorité compétente soit établie et que l’organisme d’enquête principal soit confirmé.

    Avant de sortir les wagons et la locomotive à TR en milieu de train du tunnel, chaque élément de matériel roulant a été photographié in situ, dans la mesure du possible. Les parois de renfort ont été marquées pour indiquer l’extrémité avant et arrière de chaque wagon, par rapport à l’endroit où il s’est immobilisé, avant que le wagon soit retiré. Cette démarche était nécessaire pour permettre une meilleure documentation des lieux une fois le tunnel dégagé.

    Les travaux de relevage se sont poursuivis du côté canadien du tunnel. Le travail exigeait de couper le rail devant un wagon déraillé et de retirer le rail du tunnel. Ensuite, chacun des wagons était attaché à de l’équipement lourd (rétrocaveuses et bouteurs) au moyen de câbles d’acier puis traîné vers l’est hors du tunnel, où il était garé pour être examiné du côté canadien (figure 18). Tout le matériel roulant qui s’est immobilisé à l’est du wagon-citerne UTLX 95205 (de la 69e à la 98e position) a été retiré selon cette méthode.

    Figure 18. Équipement lourd utilisé dans le cadre des travaux de relevage (Source : BST)
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    Équipement lourd utilisé dans le cadre des travaux de relevage (Source : BST)

    Chaque wagon a fait l’objet d’un examen après avoir été sorti du tunnel. Hormis le wagon DJJX 30478 (53e position), aucun autre matériel roulant déraillé ne présentait de défectuosité critique préexistante.

    1.3.3 Compétence relative à l’enquête sur l’accident

    Tôt le matin du 4 juillet 2019, la frontière (point milliaire 60,63) est finalement devenue accessible (figure 19), après que le wagon de marchandises UCRY 15888 (61e position) eut été retiré par le côté américain du tunnel.

    Figure 19. Marqueur indiquant la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis au point milliaire 60,63 (Source : Environmental Protection Agency)
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    Marqueur indiquant la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis au point milliaire 60,63 (Source : Environmental Protection Agency)

    Le BST, le NTSB et le CN ont effectué des analyses indépendantes des données du CEL et des journaux d’exploitation de la TR. Bien que chacun ait utilisé des méthodologies, des entrées et des hypothèses légèrement différentes, les résultats étaient semblables. Les résultats ont confirmé que le freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est probablement déclenché à la suite de la séparation des wagons DJTX 30049 (52e position) et DJJX 30478 (53e position) à une distance de 400 à 600 pieds à l’est de la frontière, du côté canadien. Par conséquent, le BST a assumé la responsabilité de l’enquête sur l’accident. Le NTSB est demeuré sur place pour échanger des renseignements et aider le BST jusqu’à la fin des activités d’enquête sur les lieux.

    Le matin du 5 juillet 2019, le personnel du BST, du NTSB et du CN a parcouru à pied le tunnel d’est en ouest et a consigné de façon conjointe les mesures correspondant aux emplacements des wagons qui avaient été marqués sur les parois de renfort pendant les activités d’assainissement des lieux (annexe A). À 14 h 30, toutes les épaves avaient été dégagées du tunnel et les travaux de remise en état de la voie avaient commencé.

    Le 6 juillet 2019, les activités d’enquête du BST et du NTSB sur les lieux ont pris fin.

    1.3.4 Remise en état de la voie

    À 12 h le 9 juillet 2019, le CN avait remis en état l’ensemble de la voie située à l’intérieur et à l’extérieur du tunnel.

    Au total, environ 9000 pieds de rails ont été remplacés après l’accident, dont environ 7500 pieds qui avaient été endommagés, détruits ou enlevés à la suite du déraillement. Parmi les 7500 pieds de rails :

    • environ 4500 pieds de rails situés à l’intérieur du tunnel ont été endommagés ou détruits en conséquence directe du déraillement;
    • environ 3000 pieds ont dû être remplacés parce que les rails avaient été enlevés avant le retrait des wagons déraillés du tunnel ou endommagés pendant que les wagons déraillés étaient retirés du tunnel.

    Un autre tronçon de 1500 pieds de rails a été remplacé de façon opportuniste, puisque le CN disposait de nouveaux rails, de traverses, d’attaches boulonnées, de ballast, de main-d’œuvre et d’équipement sur place pour la remise à neuf de la voie du tunnel.

    Pendant les activités d’assainissement des lieux, la voie touchée par le déraillement a été examinée et aucun défaut de rail ou de voie n’a été observé.

    Une fois la remise à neuf du tunnel terminée, un premier train l’a traversé à 16 h le 9 juillet 2019.

    1.4 Renseignements sur la subdivision

    La subdivision de Strathroy est constituée d’une voie principale simple qui s’étend du point milliaire 0,0 (London, Ontario) au point milliaire 61,7 (Port Huron), où elle rejoint le point milliaire 334,2 de la subdivision de Flint du CN. Les mouvements des trains sont régis par le système de commande centralisée de la circulation comme l’autorise le Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada, et sont répartis par un CCF en poste à Toronto (Ontario).

    Le Règlement concernant la sécurité de la voie approuvé par TC, aussi appelé Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), décrit les catégories de voie et les vitesses maximales des trains autorisées dans chacune des catégories. La voie dans le tunnel est de catégorie 4 et la vitesse autorisée est de 60 mi/h pour tous les trains. Le Règlement relatif aux trains et aux itinéraires clés approuvé par TC, aussi appelé Règlement sur les trains clés (RTC), limite par ailleurs la vitesse des trains clés à 50 mi/h sur les voies principales.

    1.5 Renseignements sur le tunnel Paul M. Tellier du CN

    Mis en service en 1994, le tunnel a une longueur de 6130 pieds. Il relie la subdivision de Strathroy au Canada à la subdivision de Flint aux États-Unis et s’étend du portail est du tunnel à Sarnia (point milliaire 59,98) au portail ouest du tunnel à Port Huron (point milliaire 61,14).

    Au moment de l’événement, le trafic ferroviaire dans le tunnel était composé en moyenne de 18 trains de marchandises par jour. Le trafic ferroviaire total qui traverse le tunnel s’élève en moyenne à environ 125 millions de tonnes- milles brutes (MTMB) par année.

    Le tunnel comporte un puisard en acier inoxydable d’une capacité de 20 000 L, conçu pour éliminer l’excès d’humidité du tunnel. Il est également équipé de détecteurs de gaz toxiques, d’alarmes et d’un système de ventilation.

    1.5.1 Voie

    La voie qui mène au tunnel et le traverse est une voie principale simple de catégorie 4 en alignement généralement droit, avec seulement 3 courbes peu accentuées. La voie présente une pente descendante d’environ 2,00 % de la crête est (point milliaire 59,32) jusqu’à proximité de la frontière internationale (point milliaire 60,63), où elle s’aplatit légèrement avant de se transformer en pente ascendante pouvant aller jusqu’à 2,10 % et se terminant immédiatement après l’extrémité ouest de la subdivision de Strathroy (point milliaire 61,70) à Port Huron (figure 9).

    La voie est constituée de longs rails soudés (LRS) de 136 livres fabriqués par Nippon en 2009. Les rails ont été installés en 2009 et fixés à des traverses en béton au moyen de butées isolantes et d’attaches Pandrol « e-clip ». Le ballast était composé de pierre concassée de 3 pouces de diamètre, les cases étaient pleines et les épaulements de ballast s’étendaient jusqu’à chacun des côtés du tunnel pour faciliter la marche.

    La voie qui traverse le tunnel était inspectée et entretenue conformément aux exigences de la compagnie et de la réglementation, sans qu’aucun défaut soit constaté, et elle était en bon état.

    1.5.2 Système de surveillance des gaz toxiques et d’alarme

    Pour protéger les employés en cas de déversement de MD dans le tunnel, ce dernier est équipé d’un système de surveillance des gaz toxiques et d’un système d’alarme. Le système, qui utilise des capteurs pour assurer une surveillance continue de la concentration de divers gaz dans le tunnel, est également conçu pour déclencher une alarme si l’équipement de surveillance fonctionne mal ou s’il est endommagé à la suite d’un déraillement et n’est donc plus en état de fonctionner.

    L’équipe a signalé que les lumières et les ventilateurs à l’extrémité ouest du tunnel étaient éteints après le déraillement, alors que l’écran du CCF montrait qu’ils étaient activés. Toutefois, les indications affichées sur l’écran du CCF indiquent seulement que le système est activé et ne fournissent aucune information sur l’état du système. La seule façon de déterminer si les lumières, les ventilateurs ou les systèmes de surveillance des gaz toxiques avaient été endommagés pendant le déraillement ou s’il y avait vraiment eu un rejet de gaz toxique était d’inspecter physiquement le tunnel.

    1.5.3 Système de ventilation du tunnel

    Le tunnel est équipé de ventilateurs d’aérage qui sont mis en marche de façon automatique en cas de besoin. Les employés peuvent demander à un CCF d’allumer ou d’éteindre les ventilateurs et peuvent préciser la direction de l’écoulement de l’air.

    1.5.4 Procédures en cas d’urgence dans le tunnel

    L’indicateur no 43 de la subdivision de Strathroy du CN (daté du 15 septembre 2015) décrit les procédures d’urgence relatives au tunnel. Lorsqu’un mouvement est arrêté par un serrage d’urgence des freins à air, que ce soit à l’entrée, à l’intérieur, ou à la sortie du tunnel, les équipes de train doivent suivre les procédures d’urgence relatives au tunnel. Même si les procédures décrivent un certain nombre d’éléments qui doivent être respectés, elles ne contiennent aucune instruction ou directive particulière exigeant qu’une équipe de train attende de recevoir du CCF la confirmation qu’il est sécuritaire de pénétrer dans le tunnel avant de procéder à une inspection du train, par exemple à la suite d’un déraillement.

    1.6 Exploitation des trains dans le tunnel

    L’exploitation des trains du CN dans le tunnel fait appel à la gravité et à l’élan, comme dans les montagnes russes. De façon générale, les trains s’approchent habituellement du portail du tunnel à une vitesse d’environ 15 mi/h et on les laisse accélérer sans restriction (sans utiliser le manipulateur de la locomotive ou les freins à air du train) vers le bas de la pente, en utilisant la gravité et l’élan jusqu’à ce que la tête du train atteigne le bas de la pente. À ce moment-là, on augmente progressivement le manipulateur de la ou des locomotives pour

    • compenser la perte inévitable d’élan et surmonter la résistance croissante du train en raison des forces gravitationnelles et de la résistance au roulement sur la pente ascendante,
    • commencer à étirer le train et à réduire le jeu des attelages à mesure que la tête du train commence à gravir la pente;
    • éviter un décrochage du train dans le tunnel.

    En raison du profil de la voie dans le tunnel, le CN a établi des critères d’exploitation de train précis que les ML doivent respecter lorsqu’ils exploitent un train dans le tunnel afin de réduire au minimum les forces de traction et les risques de séparation d’un train lorsque ce dernier gravit la pente vers la sortie du tunnel.

    1.6.1 Instructions de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada relatives à l’exploitation d’un train dans le tunnel

    L’indicateur no 43 de la subdivision de Strathroy du CN (15 septembre 2015) décrivait les instructions d’exploitation pour les trains qui empruntent le tunnel. À l’époque, on estimait probable qu’une locomotive de tête perde la communication avec une locomotive à TR télécommandée lorsqu’un train traversait le tunnel. Les instructions d’expoloitation des trains de l’indicateur no 43 en tenaient compte et précisaient notamment ce qui suit [traduction] :

    Tous les trains doivent s’approcher de la crête du tunnel (Hobson pour les mouvements vers l’ouest; 16th Street à Port Huron pour les mouvements vers l’est) à une vitesse maximale de 15 mi/h.

    Pour les trains à traction répartie (TR), avant que le groupe à TR de tête n’entre dans le tunnel :

    Les trains à TR doivent être placés en mode de contrôle indépendant en utilisant la touche « MOVE TO BACK » de l’écran d’exploitation de TR pour installer la barrière de TR entre le groupe à TR de tête (« A ») et le groupe à TR télécommandé (« B »).

    À l’aide des touches TRACTION de l’écran d’exploitation de TR, placez le manipulateur du groupe à TR télécommandé sur « Throttle 2 » (manipulateur 2) pour un groupe télécommandé contenant une seule locomotive ou sur « Throttle 1 » (manipulateur 1) pour un ou plusieurs groupes télécommandés contenant 2 locomotives ou plus.

    [...]

    Les trains à traction répartie (TR) perdront les communications de TR une fois que le groupe de tête entrera dans le tunnel. Une fois la communication de TR perdue, les trains à TR doivent retirer la barrière de TR en appuyant sur la touche « MOVE TO FRONT » jusqu’à ce que la barrière de TR disparaisse de l’écran d’exploitation de TR. Le ou les groupes télécommandés conserveront leur dernier réglage de manipulateur jusqu’à ce que la communication de TR soit rétablie. Note de bas de page 19

    En juin 2016, le CN a mis à niveau le système de répéteur de signaux radio dans le tunnel. Grâce à cette amélioration, on ne s’attendait plus à une perte de communication entre une locomotive de tête et une locomotive à TR télécommandée. À la suite de la mise à niveau, le 24 octobre 2016, le CN a publié le bulletin d’exploitation no 508 pour la sous-région des Grands Lacs, qui modifiait en conséquence les instructions d’exploitation des trains dans le tunnel de Port Huron/Sarnia. Ces instructions d’exploitation des trains modifiées, énoncées dans le bulletin d’exploitation no 508 et dans le bulletin sommaire subséquent en vertu de la règle 83 (c) pour la subdivision de Strathroy, stipulent notamment ce qui suit [traduction] :

    Tous les trains doivent s’approcher de la crête du tunnel (Hobson pour les mouvements vers l’ouest; 16th Street à Port Huron pour les mouvements vers l’est) à une vitesse maximale de 15 mi/h.

    Les trains à traction répartie devraient être exploités en mode synchrone de TR (sans lever la barrière de TR) lorsqu’ils s’engagent sur la pente descendante vers l’entrée du tunnel.

    L’écran d’exploitation de TR doit afficher le Control Menu et la touche « MOVE TO BACK » doit être visible, car cette dernière servira plus tard.

    Pour les trains à TR, appuyez sur la touche « MOVE TO BACK » pour lever la barrière de TR avant que la locomotive de tête n’entre dans le tunnel. À ce moment-là, utilisez la touche « LESS TRACTION » pour ramener le manipulateur de la locomotive à TR télécommandée à la position de ralenti, s’il n’est pas déjà au ralenti.

    [...]

    Pour les trains à TR, utilisez le compteur de pieds pour estimer le moment où le groupe à TR télécommandé atteint le fond du tunnel. À ce moment-là, commencez à utiliser les touches « MORE TRACTION » et « LESS TRACTION » pour maintenir le manipulateur de la locomotive à TR télécommandée à une position inférieure de 2 crans à celle du manipulateur de la locomotive de tête. (Par exemple, si le manipulateur de la locomotive de tête est en position 5, placez le manipulateur de la locomotive à TR télécommandée en position 3 […], etc.).Note de bas de page 20

    Le CN procède désormais à la révision des indicateurs en publiant un bulletin sommaire trimestriel en vertu de la règle 83 (c). Par conséquent, le bulletin d’exploitation no 508 a été intégré au bulletin sommaire de la sous-région des Grands Lacs de la Région de l’Est du Canada du CN en vertu de la règle 83 (c) pour la subdivision de Strathroy. Les instructions modifiées sur l’exploitation des trains dans le tunnel de Port Huron/Sarnia ont été reportées à chaque nouvelle édition du bulletin sommaire jusqu’à ce qu’elles soient incluses dans l’indicateur révisé no 44 de la subdivision de Strathroy du CN, publié le 1er septembre 2020.

    1.7 Renseignements consignés

    D’après les données du CEL récupérées des 3 locomotives, le train a quitté la gare de triage de Sarnia du CN, s’est dirigé vers l’ouest et est arrivé à la crête est du tunnel à une vitesse d’environ 11 mi/h.

    Après avoir atteint la crête, le train est ensuite entré dans le tunnel et a continué d’accélérer par gravité dans la pente descendante jusqu’à ce que la tête du train arrive au fond du tunnel.

    Une fois au fond du tunnel, le ML a fait accélérer les 3 locomotives. Alors que le train remontait du côté ouest du tunnel, un freinage d’urgence intempestif (UDE) provenant de la conduite générale s’est déclenché et le train s’est immobilisé.

    Certains événements enregistrés présentaient de légères différences de temps entre les locomotives de tête et la locomotive à TR télécommandée; ces différences variaient de 1 à 3 secondes. Ces différences étaient principalement attribuables aux délais de transmission prévus pour les communications par signaux radio à l’intérieur du tunnel. En général, les 3 locomotives étaient synchronisées. Les événements relatifs à la conduite du train correspondants sont résumés au tableau 1.

    Tableau 1. Résumé des événements relatifs à la conduite du train enregistrés par les consignateurs d’événements de locomotive
    Événement Heure (HAE) Durée (secondes) Temps d’exécution (secondes) Point milliaire Distance (pi) Vitesse (mi/h) Position du manipulateur Pression d’air au cylindre de frein (lb/po2) Pression d’air dans la conduite générale lb/po2) Pression d’air en queue de train (lb/po2) Frein d’urgence
    T-1 04:02:18 12 0 57,89 305 659 0 T-1 60 89 89 Non
    Ralenti 04:02:30 32 12 57,89 305 659 1 Ralenti 1 89 89 Non
    T-1 04:03:02 58 44 57,89 305 659 0 T-1 50 88 89 Non
    T-2 04:04:00 376 102 57,90 305 712 1 T-2 0 88 89 Non
    T-1 04:10:16 213 478 58,60 309 408 10 T-1 0 88 89 Non
    Ralenti 04:13:49 299 691 59,22 312 682 11 Ralenti 0 88 89 Non
    T-1 04:18:48 7 990 60,65 320 232 37 T-1 0 88 89 Non
    T-2 04:18:55 16 997 60,73 320 654 39 T-2 0 88 89 Non
    T-3 04:19:11 25 1013 60,90 321 552 41 T-3 0 88 89 Non
    Chute de PCG 04:19:36 1 1038 61,19 323 083 44 T-3 0 71 89 Non
    UDE/IPT 04:19:37 1 1039 61,20 323 136 44 T-3 3 4 89 Oui
    Ralenti 04:19:38 2 1040 61,22 323 242 43 Ralenti 11 0 89 Oui
    EIE 04:19:40 3 1042 61,24 323 347 42 Ralenti 40 0 89 Oui
    QdT 0 lb/po2 04:19:43 1 1045 61,27 323 506 41 Ralenti 73 0 8 Oui
    Affranchissement* 04:19:44 31 1046 61,29 323 611 40 Ralenti 60 0 0 Oui
    0 mi/h 04:20:15 s/o 1077 61,46 324 509 0 Ralenti 14 0 0 Oui

    Remarques :
    PCG : pression dans la conduite générale
    HAE : heure avancée de l’Est
    EIE : freinage d’urgence commandé par le mécanicien de locomotive
    QdT : queue de train
    IPT : freinage d’urgence intempestif provenant de la conduite générale
    UDE : serrage d’urgence intempestif provenant de la conduite générale
    * L’affranchissement consiste à évacuer l’air comprimé des cylindres de frein de la locomotive après un serrage des freins automatiques. Pour ce faire, il faut ouvrir le robinet de frein indépendant, ce qui empêche ou annule le serrage des freins automatiques de la locomotive.

    En général, le ML a respecté les lignes directrices du CN en matière de conduite des trains à l’approche du tunnel et pendant la descente au fond de celui-ci. Cependant, après avoir atteint le fond du tunnel, le ML n’a pas suivi les instructions d’exploitation des trains du CN qui ont été modifiées en octobre 2016 et qui étaient en vigueur au moment de l’accident. Selon ces instructions, le ML devait changer le mode de conduite de la locomotive à TR télécommandée pour qu’elle fonctionne de façon indépendante afin de maintenir le manipulateur du groupe télécommandé à la position de ralenti ou à une position inférieure de 2 crans à celle du manipulateur de la locomotive de tête.

    Le ML a plutôt exploité les 3 locomotives en mode de TR synchronisée, le manipulateur de toutes les locomotives étant à la même position, conformément aux exigences de l’indicateur no 43 de la subdivision de Strathroy qui étaient en vigueur jusqu’en octobre 2016.

    1.8 Forces exercées le long du train

    Les forces exercées le long du train sont des forces dynamiques de compression (qui poussent) et de traction (qui tirent) appliquées aux wagons et à leurs composants lorsqu’un train est en mouvement. Ces forces longitudinales exercent une pression sur les wagons, leurs composants et potentiellement sur l’infrastructure de la voie.

    Un train circulant sur une voie en alignement génère des forces longitudinales constantes exercées le long du train. Sur une pente ascendante, un train génère une force de traction. L’ampleur de la force de traction est déterminée par le tonnage en queue du train, l’effort de traction de la locomotive, la déclivité de la pente ascendante et la résistance au roulement du train. De même, sur une pente descendante, lorsqu’un train décélère ou maintient une vitesse constante, il génère une force de compression. L’ampleur de la force de compression est déterminée par le ralentissement du frein dynamique et du frein à air de la locomotive, le tonnage en queue du train et la déclivité de la pente descendante.

    Le terme « jeu des attelages » fait référence au mouvement longitudinal aux extrémités d’un wagon et au mouvement cumulatif des wagons du train. Ce mouvement se produit lorsque les forces exercées le long du train se propagent d’un wagon à l’autre pendant l’exploitation du train. Le jeu des attelages peut causer un écart de vitesse dans le train sous forme d’un effet de compressionNote de bas de page 21 ou de tractionNote de bas de page 22 des attelages. Alors que le train commence à avancer, un wagon à la fois, le jeu des attelages augmente. Le jeu peut varier en fonction du type d’appareil de choc et de traction installé sur chaque wagon.

    La gestion efficace des forces exercées le long du train dans le cadre des limites de sécurité établies exige une approche systématique qui tient compte des éléments suivants :

    • la formation des trains (y compris la position des locomotives à TR dans un train),
    • la conduite des trains;
    • la topographie du territoire sur lequel circule un train ainsi que la pente et la courbure de la voie qui y sont associées.

    1.8.1 Attelage et appareil de choc et de traction

    Un attelage est un dispositif mécanique installé à l’extrémité de chaque wagon pour relier les wagons d’un train. L’attelage comprend généralement un bras, une mâchoire, un pivot de mâchoire et un mécanisme de verrouillage.

    Conjointement avec l’attelage, un appareil de choc et de traction est installé aux 2 extrémités d’un wagon pour faciliter l’absorption de l’énergie produite par les mouvements du train. Les appareils de choc et de traction protègent les wagons et le chargement en absorbant l’énergie lors des chocs et limitent le mouvement relatif entre les wagons attelés lorsque les forces d’attelage sont transmises le long du trainNote de bas de page 23. Les appareils de choc et de traction sont essentiellement des amortisseurs de choc conçus pour se comprimer et s’étirer jusqu’à un certain point lorsqu’une force y est appliquée. En raison des appareils de choc et de traction, le point de raccordement entre les wagons attelés présente un certain jeu, selon la conception de l’appareil.

    L’appareil de choc et de traction peut utiliser soit des appareils de traction à friction standard, soit des appareils amortisseurs en bout de wagon, selon la conception et l’utilisation prévue du wagon.

    • Un appareil de traction à friction standard est l’appareil de choc et de traction le plus rudimentaire et offre une protection limitée contre les chocs. Le déplacement maximal de l’appareil de traction qui se produit pendant la sortie et la rentrée, appelé longueur de course de l’attelage, est limité à seulement 3 ½ pouces environ.
    • Un appareil amortisseur en bout de wagon est conçu pour offrir une protection supplémentaire contre les effets des chocs. Le système de choc d’un appareil amortisseur en bout de wagon est doté d’un attelage à long bras et d’un piston qui lui confère une grande course, de 10 à 18 pouces, car l’amortisseur entre et sort du boîtier de l’appareil amortisseur en bout de wagon.

    Les appareils amortisseurs en bout de wagon sont conçus pour réduire les effets des chocs et les dommages causés au chargement lors des manœuvres de triage et ils peuvent également contribuer à amortir les forces exercées le long du train dans certaines situations. Cependant, lorsqu’un grand nombre d’appareils amortisseurs en bout de wagon sont regroupés et concentrés dans une section d’un train, ils peuvent avoir un effet cumulatif et néfaste sur le jeu des attelages, ce qui se traduit par une augmentation des forces exercées le long du train. Par conséquent, lorsqu’il y a un grand nombre de wagons équipés d’appareils amortisseurs en bout de wagon dans un train, et en particulier lorsque les wagons sont chargés, le ML doit demeurer vigilant afin de contrôler le jeu des attelages. Sinon, une compression ou une traction soudaine du jeu des attelages pourrait entraîner un déraillement par rupture d’attelage, par mise en ligne droite ou par mise en portefeuille. Selon le Train Make-Up Manual Note de bas de page 24 de l’Association of American Railroads (AAR), les wagons munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon font augmenter le jeu des attelages et peuvent accroître de manière considérable les forces exercées le long du train. En général, les grandes rames de wagons vides ou de wagons légèrement chargés, qu’ils soient équipés d’appareils de traction à friction ou d’appareils amortisseurs en bout de wagon, ne devraient pas être placées devant de longues rames de wagons chargés dans les trains exploités sur la voie principale.

    1.9 Formation des trains

    Les termes « formation des trains » et « composition des trains » font référence au positionnement prévu des wagons dans un train. Il existe différentes approches pour la formation des trains; par exemple, des wagons peuvent être positionnés selon différents critères, tels que la longueur, le poids, la destination ou d’autres facteurs.

    Les critères de formation peuvent servir à gérer la sécurité des trains en limitant les forces maximales exercées le long du train dans des scénarios d’exploitation précis. L’interprétation des forces exercées le long du train et une compréhension approfondie de leur influence sur la sécurité du train et la prévention des déraillements sont les pierres angulaires des pratiques exemplaires en matière de formation des trains. Plus le train est long et lourd, plus l’ordre des wagons lourds et des wagons légers devient important pour gérer les forces exercées le long du train.

    Les pratiques d’exploitation de chaque compagnie de chemin de fer en matière de formation des trains, de conduite des trains et d’utilisation de la TR jouent toutes un rôle dans la réduction des forces exercées le long des trains. Cependant, il n’existe pas de pratiques, de lignes directrices ou de limites communes à l’échelle de l’industrie pour guider l’élaboration de pratiques d’exploitation sécuritaires pour les longs trains Note de bas de page 25,Note de bas de page 26.

    Au moment de l’événement, il n’y avait pas de lignes directrices précises sur la formation des trains approuvées par TC ni d’exigences réglementaires de limiter les forces maximales exercées le long des trains par voie de formation des trainsNote de bas de page 27. Les chemins de fer du Canada élaborent leurs propres règles et instructions de formation des trains pour faciliter la gestion des forces exercées le long des trains et prévenir les déraillements.

    1.9.1 Pratiques relatives à la formation des trains de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    En 2010, le CN a commencé à mettre en œuvre des règles en matière de formation des trains à l’échelle du système et propres à chaque subdivision sur l’ensemble de son réseau principal, lesquelles portent essentiellement sur la répartition du poids des trains. Ces règles reposaient sur les pratiques exemplaires de l’industrie, l’analyse des données et une approche fondée sur les risques afin de permettre une gestion plus efficace des forces exercées le long des trains. En outre, des règles propres au service ferroviaire ont été mises en œuvre pour les trains ordinaires et les trains à TR afin de limiter le poids et la longueur maximum des trains, y compris la vérification du positionnement des locomotives à TR télécommandées dans un train.

    Afin de gérer l’intégrité et la conformité de la formation des trains, ces règles ont été programmées dans le programme du système informatique Service Reliability Strategy (SRS) du CN. Pour s’assurer que les trains sont assemblés conformément aux exigences en matière de formation des trains dans les principales gares de triage du CN, le système déclenche de façon automatique une alarme de formation des trains si un bulletin de composition est créé et qu’il présente un problème de non-conformité. De plus, afin de vérifier la conformité en cours de route, un rapport d’exception est généré de façon automatique dans le cadre du processus de recours hiérarchique relativement à la surveillance de la formation des trains du CN si des problèmes de non-conformité sont détectés chaque fois qu’un train fait l’objet d’un balayage par un site d’identification automatique du matériel roulant en voie.

    Parmi ces règles figurent les suivantes :

    • La règle 1 relative à la formation des trains du CN stipule que la portion arrière du train composant 25 % de la longueur du train ne doit pas excéder 33 % du poids du train. Le CN s’appuie sur cette règle générale de répartition du poids des trains pour éviter qu’un train ait un poids excessif à l’arrière, une situation généralement appelée « train ayant un excès de poids en queue ».
    • Le positionnement des locomotives à TR en milieu de train établi dans le cadre de la formation des trains du CN, qui repose sur la puissance disponible et la répartition du tonnage, selon laquelle 2/3 de l’effort de traction disponible de la locomotive est en traction et 1/3 de l’effort de traction disponible de la locomotive est en compression, tout en respectant les restrictions du CN en matière de formation des trains dans les zones de télécommande Note de bas de page 28. Cela crée généralement une petite zone située immédiatement devant la locomotive à TR télécommandée où les wagons sont en force de compression (état de compression). Cette zone sert à amortir les ajustements du jeu des attelages et à absorber les effets de traction des attelages qui peuvent survenir en raison des réglages normaux de la conduite du train et des caractéristiques du relief. En général, une locomotive à TR télécommandée unique en milieu de train est placée environ aux deux tiers de la longueur totale du train lorsque le poids et la longueur du train sont répartis de façon uniforme. Les trains de marchandises long parcours transportent souvent divers types de wagons (de conception, de longueur et/ou de poids différents) et circulent invariablement sur différents types de reliefs. Par conséquent, on utilise habituellement des critères généralisés pour déterminer le positionnement optimal d’une locomotive à TR en milieu de train dans une composition de train.

    Depuis la mise en œuvre initiale des règles par le CN, ses initiatives en matière de formation des trains ont évolué et certains éléments ont été intégrés à d’autres documents du CN, tels que son aide-mémoire sur la formation des trains (publié en juillet 2018) et ses Instructions générales d’exploitation (IGE).

    Bien que la règle 1 serve à gérer de façon générale la répartition du poids dans un train, les critères de formation des trains du CN n’exigent pas expressément que les wagons vides ou les wagons légèrement chargés, comme les wagons porte-automobiles, soient placés en queue d’un train exploité en voie principale au CN.

    1.9.2 Formation du train de l’événement

    Au départ de Sarnia, le train comprenait un lot de wagons porte-automobiles d’une longueur de 90 pieds, plus légers, chargés et munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon hydrauliques à longue course, situés de la 70e à la 97e position. La locomotive à TR télécommandée se trouvait entre la 81e et la 82e position. Elle était précédée par 12 wagons porte-automobiles et suivie par 17 wagons porte-automobiles. Les autres wagons de queue du train (de la 98e à la 140e position) étaient principalement des wagons lourdement chargés.

    Les derniers 25 % de la longueur du train représentaient 31,1 % de son tonnage (figure 20), ce qui faisait en sorte que, selon les règles de formation des trains du CN, il était à la limite de l’excès de poids en queue. De plus, le positionnement de la locomotive à TR télécommandée entre la 81e et la 82e position n’était pas conforme aux critères de positionnement du CN pour les locomotives à TR télécommandées. Pour le train partant de Sarnia, selon l’aide-mémoire sur la formation des trains du CN, la locomotive à TR télécommandée aurait dû être placée entre la 114e et la 115e position.

    Figure 20. Profil de poids du train de l’événement (Source : BST)
    Image
    Profil de poids du train de l’événement (Source : BST)

    1.10 Simulations des forces dynamiques

    Les simulations des forces dynamiques sont théoriques et sont souvent réalisées pour étayer les enquêtes sur les déraillements. Les données utilisées pour la simulation comprennent diverses informations enregistrées (tirées du CEL) et de relevés techniques de la voie, combinées à certaines hypothèses raisonnables fondées sur l’expérience. L’un des objectifs de toute simulation des forces dynamiques est de déterminer la combinaison de facteurs et de forces menant à des résultats qui correspondent le plus fidèlement aux preuves matérielles relevées sur les lieux d’un accident. Habituellement, d’autres simulations sont aussi effectuées pour fournir des clarifications quant aux stratégies d’atténuation potentielles. Il s’agit de la démarche qui a été adoptée pour l’événement en question.

    L’examen des lieux a permis de déterminer que le wagon DJJX 30478 (53e position) a probablement été le premier à dérailler lorsque le bout A du wagon a subi une défaillance structurale sous l’effet des forces de compression exercées le long du train alors que celui-ci traversait le tunnel.

    Afin de déterminer l’ampleur des forces de compression longitudinales maximales agissant sur le bout A avant du wagon DJJX 30478, le laboratoire du BST a effectué une série de simulations des forces dynamiques du train. On a utilisé le logiciel Train Energy Dynamic Simulation (TEDS) pour évaluer les forces exercées le long du train et qui sont associées à l’exploitation du train en question ainsi que d’autres configurations et options de conduite du train. Selon les calculs, la force maximale de compression exercée le long du train immédiatement avant le freinage d’urgence intempestif provenant de la conduite générale sur le premier wagon qui a déraillé (DJJX 30478) était d’environ 388 kips dans les conditions de l’événement.

    Les simulations ont été réalisées en tenant compte des éléments présentés ci-dessous.

    1.10.1 Train à l’étude

    La simulation TEDS de référence a permis d’estimer les forces exercées le long du train lorsque celui-ci circulait sur le profil de la voie dans le tunnel. Le script relatif à la conduite du train a été créé à partir des commandes de conduite du train enregistrées par le CEL en temps réel. Les commandes de conduite du train ont été appliquées de manière synchrone au groupe de locomotives de tête et à la locomotive à TR télécommandée. Le profil de composition et de tonnage du train correspondait à celui indiqué dans le bulletin de composition.

    1.10.2 Positionnement des wagons porte-automobiles en queue de train

    Aux fins de cette simulation, les wagons porte-automobiles munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon ont été déplacés en queue de train à partir de leur position initiale, devant et derrière la locomotive à TR télécommandée. Pour le reste, la simulation utilisait le même profil de voie et les mêmes commandes de conduite que le train à l’étude.

    1.10.3 Positionnement de la locomotive à traction répartie télécommandée

    En utilisant le même profil de voie et en conservant par ailleurs les mêmes commandes de conduite et la même formation du train que celles indiquées par le CEL et le bulletin de composition, la locomotive à TR télécommandée a été déplacée entre la 114e et la 115e position à partir de sa position réelle dans le train, conformément aux exigences du CN.

    1.10.4 Modification d’octobre 2016 des exigences de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada en matière de conduite des trains pour le tunnel

    Le ML exploitait les 3 locomotives de manière synchronisée dans le tunnel. Cette façon de procéder différait légèrement des instructions du CN en matière de conduite des trains qui avaient été modifiées en octobre 2016 et qui étaient en vigueur au moment de l’accident. La modification apportée aux instructions de conduite des trains stipulait que le manipulateur de la locomotive à TR télécommandée devait être à la position de ralenti, ou à une position inférieure de 2 crans à celle des locomotives de tête, pendant que ces dernières gravissaient la pente.

    On a élaboré un script de conduite des trains qui comprenait les exigences de conduite des trains modifiées du CN. La conduite du train était la même que celle enregistrée par le CEL jusqu’à ce que la locomotive à TR télécommandée atteigne le fond du tunnel. À partir de ce moment, les positions du manipulateur enregistrées par le CEL pour les locomotives de tête ont été conservées, tandis que le manipulateur de la locomotive à TR télécommandée a été placé à la position de ralenti ou à une position inférieure de 2 crans à celle des locomotives de tête, selon les besoins.

    Le même script a ensuite été appliqué à toutes les simulations afin d’évaluer l’effet potentiel que l’autre conduite des trains aurait pu avoir.

    Le tableau 2 présente un résumé de tous les résultats de simulation qui prédisent la force de compression maximale s’exerçant sur le bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position).

    Tableau 2. Résultats de la simulation des forces dynamiques pour la force de compression maximale prévue s’exerçant sur le bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position).
    Configuration du train Force de compression maximale enregistrée en utilisant la conduite réelle du train (kips) Force de compression maximale enregistrée en utilisant la conduite des trains du CN modifiée en 2016 (kips)
    Train à l’étude 388 420
    Wagons porte-automobiles déplacés en queue de train 235 232
    Locomotive à TR télécommandée placée entre la 114e et la 115e position 414 426

    1.11 Exigences réglementaires relatives à l’inspection et à la sécurité des wagons de marchandises

    Le Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises (2014) approuvé par TC (Règlement sur la sécurité des wagons) et le CFR, titre 49, volume 4, partie 215 – Railroad Freight Car Safety Standards (2011) de la FRA des États-Unis (annexe B), appelés les normes de sécurité des wagons de marchandises, fournissent les critères de sécurité minimums pour les wagons de marchandises exploités par les compagnies de chemin de fer sous réglementation fédérale dans chaque pays. Bien que les 2 documents renferment des dispositions qui permettent le déplacement de wagons de marchandises présentant des défectuosités vers un endroit pour y être réparés, les wagons de marchandises qui circulent au Canada ou aux États-Unis doivent respecter ces critères minimums. Le Règlement et les normes sont modifiés de façon périodique, à mesure que les exigences de sécurité évoluent.

    Une exploitation ferroviaire efficace et sans heurts entre le Canada et les États-Unis est devenue essentielle à l’économie des 2 pays. Par conséquent, les exigences réglementaires relatives à la sécurité des wagons de marchandises en vertu du Règlement sur la sécurité des wagons du Canada et des normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis sont pratiquement identiques. Cette harmonisation de la réglementation sert également à faciliter l’échange et l’interopérabilité du matériel ferroviaire qui circule entre tous les transporteurs ferroviaires sous réglementation fédérale dans les 2 pays, ainsi qu’entre le Canada et les États-Unis.

    1.11.1 Échange de wagons de marchandises

    Il est courant que le matériel roulant soit transféré d’un chemin de fer à un autre à un point d’échange. Ce processus est appelé échange. Il y a échange lorsqu’une compagnie de chemin de fer accepte qu’un wagon de marchandises d’une autre compagnie de chemin de fer soit mis en service sur son réseau aux points d’échange et lors du passage de la frontière canado-américaine.

    Des règles officielles applicables aux échanges nationaux et transfrontaliers entre les compagnies de chemin de fer régissent l’exploitation, la maintenance et l’entretien sécuritaires du matériel roulant. Jusqu’en 2012, l’échange entre compagnies de chemin de fer au Canada exigeait que des inspecteurs accrédités de matériel remorqué de la compagnie assurant la conduite inspectent physiquement les wagons de marchandises conformément au Field Manual of the AAR Interchange Rules (règles d’échange  de l’AAR) de l’Association of American Railroads (AAR) avant de procéder à l’échange. De même, la compagnie de chemin de fer réceptrice devait demander à ses inspecteurs accrédités de matériel remorqué d’inspecter les wagons de marchandises conformément aux règles d’échange de l’AAR avant d’accepter la mise en service des wagons. Au cours de ces inspections d’échange, tout wagon de marchandises qui présentait des défectuosités considérées comme étant critiques par l’AAR se voyait interdire de faire l’objet d’un échange.

    En 2012, le Règlement sur la sécurité des wagons du Canada a été modifié de façon qu’il soit davantage en harmonie avec les normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis. Cette modification éliminait la nécessité de faire inspecter un train en fonction des règles d’échange de l’AAR, à condition qu’il existe des documents confirmant qu’une vérification de sécurité avait été effectuée par du personnel qualifié conformément au Règlement sur la sécurité des wagons du Canada ou aux normes de sécurité des wagons de marchandises américaines. Par conséquent, il n’était plus nécessaire de procéder à des inspections d’échange de l’AAR à un point d’échange ou lors du passage de la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis.

    1.11.2 Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par Transports Canada

    1.11.2.1 Vérifications de sécurité

    Les articles 4 et 5 de la partie 1 du Règlement concernant l’inspection et la sécurité des wagons de marchandises(2014) approuvé par TC énoncent les exigences relatives aux vérifications de sécurité des wagons de marchandises et stipulent notamment ce qui suit :

    4.1 Sous réserve des articles 20 et 21 du présent Règlement, les compagnies ferroviaires doivent s’assurer que les wagons qu’elles mettent ou maintiennent en service sont exempts de toutes les défectuosités relatives à la sécurité décrites dans la Partie II du présent Règlement [...].

    4.2 Les vérifications de sécurité doivent être effectuées par des inspecteurs accrédités de matériel remorqué aux lieux désignés pour de telles vérifications dans les circonstances suivantes :

    1. là où les trains sont formés;
    2. sur les wagons ajoutés aux trains;
    3. là où des wagons sont échangés.

    De telles vérifications peuvent avoir lieu avant ou après le placement d’un wagon dans un train à l’endroit considéré.

    4.3 Tous les wagons soumis précédemment à une inspection au titre du paragraphe 5.1 du présent Règlement doivent faire l’objet d’une vérification de sécurité dans le sens de la marche de la part d’un inspecteur accrédité de matériel remorqué au lieu que la compagnie ferroviaire aura désigné pour une telle vérification à l’intention du train considéré.

    4.4 Une vérification de sécurité n’est pas obligatoire pour les lots de wagons qui ont été soumis précédemment à une telle vérification, dans le sens de la marche, pour laquelle est disponible une information sur l’état d’inspection.

    4.5 Une vérification de sécurité n’est pas obligatoire à un point d’échange et/ou à l’entrée au Canada, pourvu qu’il existe des dossiers indiquant qu’une telle vérification en vertu du présent Règlement ou une inspection par un personnel qualifié de la Mécanique aux États-Unis a été effectuée.

    4.6 Il est permis d’acheminer pour réparation à un autre endroit, selon la façon de procéder de la compagnie, un wagon sur lequel on a constaté, ailleurs que dans un lieu désigné pour les vérifications de sécurité, une défectuosité relative à la sécurité et, même s’il est chargé, de le placer en vue de son déchargement, pourvu qu’un responsable l’autorise et s’assure de ce qui suit :

    1. le wagon peut être acheminé sans danger;
    2. un moyen est mis en œuvre pour protéger le mouvement du wagon, y compris celui d’indiquer à l’intention des employés concernés la nature des défectuosités et les restrictions applicables au mouvement, le cas échéant;
    3. un wagon vide ne doit être à nouveau chargé qu’après sa réparation;
    4. les documents appropriés sont conservés durant quatre-vingt-dix (90) jours.

    […]

    INSPECTION AVANT DÉPART

    5.1 Aux endroits où aucun inspecteur accrédité de matériel remorqué n’est en service pour inspecter les wagons, une inspection avant départ du train ou des wagons ajoutés doit être effectuée par une personne qualifiée [...]Note de bas de page 29.

    [...]

    1.11.2.2 Défectuosités relatives à la sécurité

    La partie II du Règlement comporte une liste de défectuosités relatives à la sécurité qui, lorsqu’elles sont présentes, interdisent la mise ou le maintien en service d’un wagon par une compagnie ferroviaire. L’article 14 de cette partie décrit les défectuosités relatives à la sécurité des caisses de wagons de marchandises, qui comprend les composants structurels. À l’exception des dispositions concernant les wagons-citernes et les wagons couverts, le Règlement stipule, en partie, ce qui suit :

    14.1 Les compagnies ferroviaires ne doivent pas mettre ni maintenir en service un wagon présentant une des anomalies suivantes :

    […]

    (b) la longrine centrale est :

    1. rompue;
    2. fissurée sur plus de 6 po (152,40 mm); ou
    3. déformée ou gauchie en permanence sur plus de 2 ½ po (63,50 mm) par longueur de 6 pi (1,83 mm);

    (c) une fixation de longrine tronquée est fissurée sur une longueur de plus de 6 po;

    […]

    (e) un brancard de caisse est fissuré sur plus de 6 po (152,40 mm), lorsque le wagon n’est pas équipé d’une longrine centrale pleine longueur;

    (f) une poutre transversale ou une traverse pivot est rompue;

    (g) un support d’attelage est :

    1. rompu;
    2. manquant; ou
    3. sans élasticité et la tête d’attelage est de type F;

    […]

    (i) la crapaudine :

    1. est mal fixée : plus de 25 % des fixations sont manquantes ou on peut observer que la crapaudine s’est déplacée;
    2. est rompue; ou
    3. présente dans la partie transversale de son épaisseur au moins deux fissures se prolongeant dans la partie de la crapaudine qui est invisible lorsque le bogie est en place;

    […]

    (l) il s’agit d’un wagon chargé muni de dispositifs de retenue du chargement usés ou endommagés au point de ne pouvoir retenir le chargement;

    (m) un objet dépasse de la caisse, sauf si le wagon est ainsi construit;

    (n) le chargement n’est pas conforme au document intitulé AAR Rules Governing the Loading of Commodities on Open Top Cars ou à la circulaire correspondante de l’Association des chemins de fer du Canada; ou

    (o) il y a sur le plancher du wagon un objet qui n’est pas bien arrimé et qui pourrait tomber Note de bas de page 30.

    1.12 Manuels de l’Association of American Railroads

    L’AAR publie les règles d’échange de l’AAR qui régissent les questions relatives à l’échange de wagons de marchandises entre les chemins de fer et précisent la responsabilité du coût des réparations des wagons de marchandises en raison de l’usure normale ou de la mise en œuvre d’améliorations de la sécurité conformément aux normes de l’AAR. Les compagnies de chemin de fer et les propriétaires de wagons acceptent de suivre les règles d’échange de l’AAR et les autres manuels et publications applicables de l’AAR, s’ils possèdent ou exploitent du matériel roulant qui peut être échangé.

    Les règles d’échange de l’AAR contiennent des critères supplémentaires souvent plus rigoureux que le Règlement sur la sécurité des wagons approuvé par TC et les normes de sécurité de la FRA qui régissent l’exploitation et l’entretien sécuritaires du matériel roulant. Elles précisent les limites critiques qui s’appliquent à toutes les pièces de wagon et à tous les états. Des réparations s’imposent dès que ces limites sont atteintes ou dépassées.

    1.12.1 Field Manual of the AAR Interchange Rules

    Au moment de l’accident, les règles d’échange de l’AAR de 2019 était en vigueur. Les règles d’échange de l’AAR pertinentes à l’événement à l’étude ont été examinées et ont donné lieu aux observations suivantes  :

    Règle 57 – Longrines centrales

    La règle contient des directives sur la réparation par éclisses des longrines centrales, mais ne contient aucune information sur les longrines tronquées Note de bas de page 31 ou les défectuosités relatives aux longrines tronquées qui nécessitent une attention particulière.

    Règle 58 – Longrines tronquées

    La règle 58 s’applique aux longrines tronquées et la section A de la règle indique « au besoin » comme motif de remplacement. La règle ne fournit aucune directive sur les défectuosités relatives aux brancards qui nécessitent une attention particulière.

    Règle 89 – Conditions régissant la livraison et l’acceptation

    La règle 89 énonce les conditions régissant la livraison et l’acceptation des wagons lors d’un échange entre compagnies de chemin de fer. La Section D précise les conditions dans lesquelles un wagon ne peut être accepté dans un échange [traduction].

    Section D – Inacceptable dans le cadre d’un échange

    [...]

    c. Wagon dont le châssis est constitué de longrines centrales tronquées qui se prolongent jusqu’à la traverse pivot et qui se ramifient en deux brancards ou plus, offert par le propriétaire, et dont le brancard est rompu ou courbé sur plus de 1 ½ pouce entre les traverses pivots, à moins qu’il ne soit couvert par une étiquette de réforme. Note de bas de page 32

    1.13 Universal Machine Language Equipment Register

    L’Universal Machine Language Equipment Register (UMLER) est le répertoire central de l’industrie ferroviaire en ce qui concerne le matériel ferroviaire et intermodal enregistré en Amérique du Nord. Le système UMLER est géré par Railinc. L’un des principaux avantages d’UMLER est qu’il contient une liste détaillée des spécifications relatives à chaque wagon. Il présente également les dates d’inspection exigées par les règles d’échange de l’AAR pour divers composants de wagons, des détails précis sur les dimensions internes et externes, les capacités de transport exprimées en gallons américains et en pieds cubes, ainsi que les limites de tare et de poids sous charge du matériel roulant. De plus, on y trouve la liste des pièces d’équipement spécialisées présentes sur l’ensemble des wagons, des remorques routières et des conteneurs qui sont utilisés dans le cadre des échanges de matériel ferroviaire ou du service commercial. Il y a plus de 2 millions de pièces d’équipement enregistrées dans le système UMLER.

    À la suite du déraillement survenu dans le tunnel de Sarnia et de l’examen des 5 wagons-tombereaux baignoires semblables à Port Huron, le CN a effectué une recherche dans la base de données du système UMLER et a trouvé environ 2130 wagons de type et d’âge semblables qui servaient au transport de ferrailles en Amérique du Nord. Au 16 septembre 2019, le CN avait inspecté 416 des 2130 wagons recensés au fur et à mesure de leur arrivée sur le réseau du CN et constaté que 36 % (149/416) d’entre eux présentaient des défectuosités d’après les règles d’échange de l’AAR.

    Cependant, les recherches dans le système UMLER afin de déterminer avec exactitude le nombre de ces types de wagons qui ont été construits par ce constructeur et qui sont demeurés en service ont mis en évidence certaines difficultés. Plus précisément :

    • Le champ de données relatif au constructeur du matériel roulant n’est pas toujours rempli pour les wagons construits avant 2010.
    • Le champ date de construction du wagon de marchandises est rempli par le propriétaire du wagon, mais il est considéré confidentiel et n’est donc pas accessible à tous les utilisateurs. 
    • Le type de longrine centrale (tronquée ou pleine) du wagon de marchandises n’est pas un champ désigné et cette information est donc absente.
    • Lorsque des wagons de marchandises changent de propriétaire et/ou sont renumérotés, le champ d’identification antérieur du matériel affiche le numéro antérieur du wagon, mais les renseignements antérieurs relatifs au wagon ne sont pas toujours disponibles.

    1.14 Types de wagons-tombereaux

    Il existe 2 types de wagons-tombereaux découverts : les wagons-tombereaux à fond plat et les wagons-tombereaux baignoires.

    1.14.1 Wagons-tombereaux à fond plat

    Au début des années 1970, avant la création des wagons-tombereaux baignoires, l’industrie ferroviaire avait recours à des wagons-tombereaux à fond plat (figure 21) pour transporter les matières premières (p. ex. le charbon). Ces wagons étaient chargés et déchargés à partir de la partie supérieure ouverte par des moyens mécaniques tels que des pelles rétrocaveuses.

    Figure 21. Wagon-tombereau à fond plat typique (Source : I. McCord)
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    Wagon-tombereau à fond plat typique (Sou ce : I. McCord)

    Les wagons-tombereaux à fond plat possèdent une longrine centrale continue qui se prolonge sur toute la longueur du wagon. De lourdes traverses pivots en acier et des armatures de brancard en acier fixent la longrine centrale aux brancards pour compléter le châssis. Un plancher en acier ou un plancher en bois de 2 pouces d’épaisseur est fixé au châssis. Le châssis et le plancher constituent une plateforme robuste pour le chargement en vrac, mais ils ajoutent également un poids considérable au wagon, ce qui limite la quantité de chargement pouvant être transportée.

    Les wagons-tombereaux à fond plat sont construits de manière à offrir une capacité de transport de 70 ou 100 tonnes. La longueur des wagons est variable et leur hauteur par rapport au rail est de 8 à 10 pieds. Les wagons de 100 tonnes ont généralement une tare d’environ 63 000 livres et une limite de charge, ou capacité de chargement, de 200 000 livres, ce qui donne un poids brut sur rail total de 263 000 livres pour les wagons de marchandises chargés, ce qui constitue la norme pour les wagons de marchandises de 100 tonnes.

    1.14.2 Wagons-tombereaux baignoires

    En 1973, un modèle de wagon-tombereau plus léger, de type baignoire, a été lancé dans l’industrie ferroviaire par Anthony Teoli du CPNote de bas de page 33. Les wagons plus légers ont été conçus et construits précisément pour le transport du charbon. Chaque wagon était muni d’un attelage fixe F70CC au bout B du wagon et d’un attelage pivotant au bout A de ce même wagon. Cette disposition facilitait le déchargement par registres pivotant des wagons de charbon, de sorte qu’au moins 2 wagons pouvaient être déchargés à la fois dans les installations de charbon, et éliminait la nécessité d’un déchargement mécanique.

    Le modèle de wagon-tombereau baignoire Teoli (figure 22) a d’abord été construit pour le CP par National Steel Car et Hawker Sidley au Canada. Le modèle original mesurait entre 56 pieds 10 pouces et 58 pieds 7 pouces de long et environ 12 pieds de haut (mesuré à partir du rail). Le dessin a ensuite été vendu à des constructeurs américains de wagons, tels que Berwick Forge & Fabricating Corporation (Berwick Forge), ACF Industries Inc. et Thrall, qui ont construit une version plus courte de 53 pieds et 1 pouce de long du wagon pour se conformer aux stations de déchargement du charbon par registres pivotants des États-Unis. En 1980, plus de 3200 wagons de ce type avaient été vendus aux États-Unis. Aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des wagons de ce type et de cet âge qui ont été transformés en wagons d’entretien des voies ou en wagons de transport de ferraille de fer et d’acier, car il n’existe aucune restriction industrielle quant à leur utilisation.

    Figure 22. Vue de côté du wagon-tombereau baignoire DJJX 30156 (13e position), qui était un wagon de même conception que le wagon DJJX 30478 (Source : BST)
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    Vue de côté du wagon-tombereau baignoire DJJX 30156 (13e position), qui était un wagon de  même conception que le wagon  DJJX 30478 (Source : BST)

    1.15 Construction d’un wagon-tombereau baignoire

    Le wagon-tombereau baignoire (figure 22) est muni de panneaux latéraux en tôle d’acier renforcée qui convergent vers le bas. Les tôles sont soudées solidement au cadre supérieur et aux brancards du wagon. De chaque côté du wagon, il y a des montants latéraux et des montants latéraux intermédiaires légèrement plus petits qui relient le cadre supérieur et les brancards. Tous les éléments structuraux sont situés à l’extérieur des tôles de bout, des tôles latérales et de la tôle inférieure de la coque du wagon. Les tôles latérales et les tôles de bout sont effilées et tous les coins carrés sont arrondis.

    Figure 23. Schéma d’un wagon-tombereau baignoire et nomenclature connexe (Source : BST)
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    Schéma d’un wagon-tombereau baignoire et nomenclature connexe (Sou ce : BST)
    Légende
    1 – Tôle latérale en acier convergeant vers le bas 2 – Tôle de bout en acier convergeant vers le bas 3 – Tôle inférieure à courbure parabolique
    4 – Tôle de fermeture d’extrémité inclinée pour la tôle inférieure 5 – Cadre supérieur 6 – Brancard
    7 – Montant latéral 8 – Montant latéral intermédiaire 9 – Traverse pivot
    10 – Longrine centrale tronquée (devant et derrière les traverses pivots du wagon) 11 – Barre transversale de renfort inférieure 12 – Barre transversale de renfort supérieure
    13 – Support de montage pour la barre transversale de renfort supérieure 14 – Plaque de cisaillement 15 – Renforts d’extrémité diagonaux en forme de V

    Pour éviter tout mouvement latéral des panneaux latéraux, 2 barres transversales de renfort inférieures sont soudées, à intervalles réguliers, aux brancards. De même, 2 barres transversales de renfort supérieures, alignées verticalement avec les barres de renfort inférieures, sont soudées à un support de montage fixé près du cadre supérieur.

    Entre les bogies des wagons de marchandises, une tôle d’acier inférieure à courbure parabolique est intégrée à la structure du wagon et soudée aux brancards. Les extrémités de la tôle inférieure sont fermées par soudure de tôles inclinées qui se terminent aux plaques de cisaillement et y sont soudées. La conception avec tôle inférieure à courbure parabolique éliminait le besoin d’un châssis classique comportant une longrine centrale complète et des traverses pivots. Lorsque le wagon est chargé de charbon, la pression du chargement granulaire stabilise la tôle inférieure et répartit uniformément le poids du chargement sur le châssis du wagon. La tôle inférieure n’a pas besoin d’être renforcée, car elle est surtout soumise à des contraintes de traction lors de son utilisation. L’absence d’un châssis entièrement en acier permet d’obtenir un wagon plus léger, dont la charge utile dépasse de 10 000 livres celle des wagons-tombereaux classiques à fond plat ayant un poids brut sur rail de 263 000 livres.

    À chaque extrémité du wagon, les brancards reposent sur des plaques de cisaillement fixées aux traverses pivots, qui font partie intégrante des longrines tronquées. Grâce à cette disposition, toutes les forces longitudinales exercées sur la longrine tronquée d’un wagon-tombereau sont transmises par la plaque de cisaillement et les brancards sur toute la longueur du wagon jusqu’à l’autre extrémité, ce qui permet essentiellement de contourner la tôle inférieure. Les plaques de cisaillement et les brancards sont exposés à des charges plus élevées et jouent un rôle important dans la transmission des forces longitudinales exercées le long du train lorsque les wagons sont en déplacement.

    Les caractéristiques structurales du wagon-tombereau baignoire ont permis de créer un wagon pouvant transporter davantage de chargement et offrant un intérieur de wagon relativement exempt d’obstruction qui, lorsqu’il est combiné avec le dispositif de déchargement par registres pivotants, favorise le libre écoulement du chargement granulaire et l’évacuation rapide du chargement sans laisser de résidus ou presque dans le wagon.

    1.15.1 Transport de produits en vrac

    Le wagon-tombereau baignoire plus léger a été précisément conçu pour le chargement uniforme de produits granulaires en vrac. Il n’était pas destiné au transport d’autres produits et de marchandises générales. Dès que ces wagons sont utilisés pour d’autres types d’activités (p. ex. le transport de ferrailles d’acier et de traverses de chemin de fer), le chargement n’est plus uniforme et les éléments de structure peuvent être exposés à une répartition inégale du chargement pour laquelle ils n’ont pas été conçus.

    En comparaison avec le transport de chargements granulaires, les wagons qui transportent des ferrailles sont soumis à des conditions beaucoup plus exigeantes. Les ferrailles d’acier peuvent être chargées à l’aide d’une grue qui contrôle un gros aimant. Au moyen de l’aimant, la grue ramasse les ferrailles d’acier, qui se présentent parfois sous forme de morceaux d’acier détachés et parfois sous forme de plus gros blocs d’acier comprimés, et les laisse tomber dans le wagon. Au fur et à mesure que le wagon se remplit, malgré les panneaux « Ne pas tasser » apposés sur le wagon, les grutiers « tassent » parfois les ferrailles d’acier pour égaliser et comprimer le chargement afin de pouvoir en ajouter davantage. Le chargement peut également être effectué à l’aide d’un chargeur frontal qui laisse tomber les matières mises au rebut dans la partie supérieure ouverte du wagon.

    Un processus semblable est utilisé pour décharger l’acier du wagon. Les opérations de déchargement peuvent être exécutées à l’aide d’un aimant ou d’une rétrocaveuse qui peut descendre profondément à l’intérieur du wagon pour récupérer les pièces de ferraille. Lorsque ces wagons sont utilisés pour le transport des ferrailles d’acier, les chargements et les déchargements répétés peuvent parfois endommager les éléments de structure intérieurs qui peuvent être présents. Ces conditions extrêmes et répétées de chargement et de déchargement peuvent causer des dommages importants à l’intérieur du wagon, y compris à toute structure de renfort (comme les supports de renfort ajoutés au wagon de l’événement à l’étude en 2012).

    1.16 Wagon DJJX 30478

    Les dossiers du système UMLER pour le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 ont été examinés et ont révélé ce qui suit. Le wagon était en acier et avait été construit en 1978 par Berwick Forge, qui n’est plus en activité. Le dossier du système UMLER indiquait que le wagon mesurait 53 pieds 1 pouce de long et 12 pieds 5 pouces de haut (à partir du rail). Il avait une tare de 52 900 livres et une limite de charge de 210 100 livres, pour un poids brut sur rail total en charge de 263 000 livres. Le dossier du système UMLER précisait également que le wagon avait été qualifié pour le « service prolongé » par l’AAR, lequel s’applique aux wagons de marchandises neufs construits depuis le 1er juillet 1974. La qualification pour le « service prolongé » permet d’exploiter le wagon pour une durée allant jusqu’à 50 ans à compter de la date de construction initiale sans devoir subir de nouvelle qualification, sauf indication contraire; par exemple, les wagons-citernes doivent être qualifiés tous les 10 ans.

    Le wagon avait d’abord été utilisé pour le transport du charbon jusqu’en 2012 environ, année où il avait été acheté par le David J. Joseph Company Rail Equipment Group (DJJ Co.).

    Tels qu’ils avaient été conçus à l’origine, les wagons-tombereaux baignoires étaient munis de barres transversales de renfort (2 supérieures et 2 inférieures) qui étaient fixées aux brancards et aux membrures supérieures de l’intérieur du wagon pour assurer la stabilité latérale. Toutefois, les barres transversales constituaient des obstacles au chargement des ferrailles d’acier et, par conséquent, en prévision de la transition vers le transport de cette matière, DJJ Co. a proposé de modifier la structure interne de ces wagons.

    La modification proposée exigeait que les 2 barres de renfort supérieures soient retirées et remplacées par des raidisseurs verticaux tandis que les 2 barres de renfort inférieures devaient être encloisonnées et protégées. La modification avait l’apparence de 2 grands profilés en U en acier à l’intérieur du wagon pour compenser le changement structurel (figure 24). Cette modification était également nécessaire pour renforcer la tôle inférieure à courbure parabolique et la fixer aux brancards et aux tôles latérales du wagon.

    Figure 24. Wagon DJJX 30156, tel qu’il a été modifié, comportant 2 grands profilés en U en acier mécanosoudés à l’intérieur du wagon pour compenser le retrait des 2 barres transversales supérieures de renfort (source : BST)
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    Wagon DJJX 30156, tel qu’il a été modifié, comportant 2 grands profilés en U en acier mécanosoudés à l’intérieur du wagon pour compenser le retrait des 2 barres transversales supérieures de renfort (source BST)

    Entre 2008 et 2012, DJJ Co. a présenté 4 demandes à l’AAR dans lesquelles figurait la modification de conception proposée pour ses wagons-tombereaux baignoires. L’AAR a déclaré que son examen et son approbation de la modification proposée [traduction]

    étaient fondés sur les exigences relatives à la conception des wagons de marchandises énoncées dans la norme M-1001 de l’AAR (Specifications for the Design, Fabrication and Construction of Freight Cars), qui couvre ce qui est considéré comme un usage normal. L’efficacité des modifications, comme tout renforcement, ne sera satisfaisante que si elle n’est pas exposée à un environnement qui sollicite les composants au-delà de leur résistance inhérente.

    Par la suite, l’AAR a approuvé la modification de 1650 wagons-tombereaux baignoires de DJJ Co. au total (tableau 3), en vue de la transition vers le transport de ferrailles d’acier.

    Tableau 3. Dates d’approbation par l’AAR de la modification du wagon-tombereau baignoire de DJJ Co.
    Date d’approbation par l’AAR Nombre de wagons-tombereaux baignoires
    21 avril 2008 168
    1er septembre 2010 624
    19 mars 2012 247
    7 août 2012 611
    Nbre total 1650

    Au 14 août 2019, DJJ Co. comptait au total 1331 wagons baignoires de ce type encore utilisés pour le transport de ferrailles d’acier, dont 692 avaient été construits par Berwick Forge.

    1.16.1 Activité de mouvement du wagon

    Les dossiers des activités de mouvement du wagon DJJX 30478 ont été examinés pour la période de 6 mois précédant l’accident. L’examen a permis de constater que le wagon DJJX 30478 effectuait de fréquents déplacements au Canada et aux États-Unis et entre ces deux pays. Pendant cette période, le wagon

    • avait été échangé 16 fois entre les chemins de fer,
    • avait traversé au moins 8 fois la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis.
      • À 3 reprises, le wagon DJJX 30478 avait roulé à vide entre un point d’échange du CN aux États-Unis et la gare de triage MacMillan, au Canada.
      • À 5 reprises, le wagon DJJX 30478 avait été chargé de ferrailles d’acier et s’était rendu de la gare de triage MacMillan à un point d’échange du CN aux États-Unis.

    1.16.2 Dossiers d’inspection et de maintenance

    Entre le 8 mars et le 28 juin 2019, le wagon DJJX 30478 a fait l’objet de 24 inspections autorisées des wagons qui ont été réalisées à divers points d’échange du CN sans qu’aucune défectuosité importante ne soit relevée.

    Aucune défectuosité importante n’a été décelée dans le cadre des inspections au défilé, des systèmes de détection en voie ou des vérifications d’échange au Canada et aux États-Unis.

    Les dossiers de maintenance du wagon DJJX 30478 couvrant l’année précédant l’accident ont été examinés et ont révélé que le wagon n’avait eu besoin que d’une maintenance de routine pendant cette période (annexe F).

    1.17 Examen de suivi du wagon DJJX 30478 (53e position) et de 5 autres wagons-tombereaux baignoires DJJX

    À la fin de juillet 2019, le BST et le NTSB se sont rendu à la gare de triage de Port Huron du CN et ont procédé à un examen plus détaillé du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 (53e position) qui avait défailli et de 5 autres wagons-tombereaux baignoires DJJX d’âge semblable qui ont été choisis parmi les wagons de tête du train de l’événement à l’étude en vue d’un examen ultérieur. Les renseignements relatifs aux 6 wagons figurent à l’annexe D.

    1.17.1 Examen détaillé du wagon DJJX 30478 (bout A)

    La caisse restante du wagon DJJX 30478 a été placée à l’endroit le long de la voie pour commencer l’examen détaillé (figure 25). Le bout A avait été sectionné du wagon.

    Figure 25. Caisse du wagon DJJX 30478, telle qu’elle a été récupérée à la gare de triage de Port Huron du CN (Source : BST)
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    Caisse du wagon DJJX 30478, telle qu’elle a été récupérée à la gare de triage de Port Huron du CN (Sou ce : BST)

    À partir du bout A, en regardant à l’intérieur du wagon, on constatait la présence d’une détérioration importante sur l’ensemble du wagon (figure 26). Les renforts en acier qui avaient remplacé les barres transversales étaient fortement corrodés et leur partie inférieure, qui servait à renforcer la tôle inférieure, était manquante. Les soudures qui fixaient les renforts à la tôle inférieure étaient fortement corrodées, ce qui indique que ce problème était sans doute présent depuis un certain temps avant l’accident.

    Figure 26. Wagon DJJX 30478, vue de l’intérieur du wagon à partir du bout A (Source : BST)
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    Wagon DJJX 30478, vue de l’intérieur du wagon à partir du bout A (Sou ce : BST)

    Le wagon présentait plusieurs défectuosités pré-existantes, était fortement corrodé et présentait de nombreuses fissures dans les soudures qui unissaient la plaque de cisaillement du bout A avec la longrine tronquée, la traverse pivot et les brancards. Le brancard gauche, une partie de la traverse pivot et une section de la plaque de cisaillement étaient arrachés (figure 27).

    Figure 27. Restes du bout A du wagon DJJX 30478, placés à l’endroit. La photo (a) est une vue d’ensemble; les photos (b), (c) et (d) sont des gros plans des encadrés rouge, vert et jaune figurant sur la photo (a), respectivement; la photo €(e) est un gros plan de l’encadré bleu figurant sur la photo (c). (Source : BST)
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    Restes du bout A du wagon  DJJX 30478, placés à l’endroit. La photo (a) est une vue d’ensemble; les  photos (b), (c) et (d) sont des gros plans des encadrés rouge, vert et jaune  figurant sur la photo (a), respectivement; la photo €( e) est un gros plan de l’encadré bleu  figurant sur la photo (c). (Source : BST)

    Légende :
    1 – longrine tronquée
    2 – traverse pivot
    3 – plaque de cisaillement
    4 – brancard
    5 – attelage
    G – gauche
    D – droite
    *Les flèches jaunes figurant sur les photos (a), (b) et (c) indiquent la ligne de fracture primaire.
    *Les flèches blanches figurant sur la photo (b) montrent les taches et les rainures causées par le contact avec les composants lors de la séparation.
    *La flèche blanche figurant sur la photo (e) indique la présence de corrosion préférentielle.
    *La flèche verte figurant sur la photo (d) indique l’emplacement de la corrosion de l’enceinte du congé de raccordement

    De plus, l’examen a permis de faire les constatations suivantes :

    • La rupture de la plaque de cisaillement s’est propagée sur une longueur de 24 pouces le long du côté gauche de la longrine tronquée (figure 26 (a) et (b)) avant de se déplacer en diagonale et de s’étendre vers l’extérieur le long de la traverse pivot du wagon.
    • La surface de rupture de la plaque de cisaillement était fortement corrodée, mais ne présentait aucune déformation plastique, ce qui correspond à une rupture causée par une défectuosité liée à la structure plutôt que par une surcharge.
    • La plaque de cisaillement qui était demeurée en place sur le côté gauche et à l’arrière de la traverse pivot était fortement déformée et présentait de multiples ruptures secondaires.
    • Le côté gauche de la traverse pivot du wagon s’était rompu à environ 30 pouces à l’extérieur de la longrine tronquée (f€re 25 (c)). La surface de rupture de la traverse ne présentait aucune déformation plastique visible, ce qui indique qu’elle s’est sans doute également produite en raison d’une défectuosité liée à la structure.
    • La surface de rupture de la paroi verticale de la traverse pivot du wagon était stratifiée et très corrodée €igure 25 (e)), ce qui laisse croire que la tôle d’acier a probablement été fortement attaquée par la corrosion préférentielle à cet endroit.

    1.17.2 Examen détaillé du wagon DJJX 30478 (bout B)

    Le wagon DJJX 30478 a été couché sur le côté pour examiner la structure du châssis du bout B. Le bout B ne s’est pas séparé de la caisse du wagon et n’a subi aucun dommage attribuable aux chocs lors du déraillement. Comme pour le bout A, des fissures préexistantes ont été relevées dans les soudures qui unissaient la plaque de cisaillement du bout B avec la longrine tronquée, la traverse pivot et les brancards (figure 28).

    Les fissures dans les zones illustrées à la figure 28 peuvent accroître les contraintes et nuire à la capacité de transférer les forces exercées le long du train par les plaques de cisaillement et les brancards, conformément à la conception originale du wagon. Dans certains cas, cela peut entraîner une défaillance structurale.

    Figure 28. Châssis du bout B du wagon DJJX 30478. La photo (a) montre le dessous du bout B, y compris la longrine tronquée et la traverse pivot; les photos (b) et (c) sont des gros plans des fissures relevées sur la plaque de cisaillement (flèches jaunes) dans la photo (a); les photos (d) et (e) montrent les fissures relevées dans le joint entre la traverse pivot et le brancard dans la photo (a). (Source : BST)
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    Châssis du bout B du wagon DJJX 30478. La photo (a) montre le dessous du bout B, y compris la longrine tronquée et la traverse pivot; les photos (b) et (c) sont des gros plans des fissures relevées sur la plaque de cisaillement (flèches jaunes) dans la photo (a); les photos (d) et (e) montrent les fissures relevées dans le joint entre la traverse pivot et le brancard dans la photo (a). (Source : BST)

    Légende :
    1 – longrine tronquée
    2 – traverse pivot
    3 – plaque de cisaillement
    4 – brancard
    *Les flèches jaunes indiquent les fissures.

    1.17.3 Examen de suivi de 5 autres wagons-tombereaux baignoires DJJX

    Parmi les 5 wagons-tombereaux baignoires DJJX d’âge semblable qui ont été retirées de la tête du train après l’accident se trouvait le wagon DJJX 30156 (figure 22), qui était un wagon-sœur du wagon DJJX 30478 défaillant (53e position). Les deux wagons ont été construits en 1978 par Berwick Forge.

    Les 4 autres wagons-tombereaux baignoires DJJX étaient des « Coalveyors » construits en 1980 par ACF Industries Inc. Les constations suivantes ont été faites lors de l’examen de suivi :

    • Deux des wagons d’ACF étaient en bon état, car ils avaient fait l’objet de nombreuses réparations et leurs brancards avaient été renforcés.
    • Tout comme le wagon défaillant (DJJX 30478), les wagons DJJX 30156 (1re position), DJJX 950782 (13e position) et DJJX 950965 (50e position) présentaient chacun des fissures semblables dans les soudures unissant les plaques de cisaillement avec la longrine tronquée, la traverse pivot et les brancards à chaque extrémité du wagon. On a aussi relevé sur les wagons des renflements, des flambages, des fissures ou des affaissements dans des éléments de structure clés, comme les longrines tronquées, les plaques de cisaillement et les brancards.

    À la suite de l’examen, les wagons DJJX 950782, DJJX 30156 et DJJX 950965 ont été choisis pour des essais de compression en queue de wagon et envoyés au Conseil national de recherches Canada (CNRC), à Ottawa (Ontario).

    L’épave du wagon DJJX 30478 a été acheminée au Laboratoire d’ingénierie du BST à Ottawa à des fins d’analyse de défaillance.

    1.18 Autres défaillances semblables de wagon-tombereau baignoire

    La défaillance du wagon DJJX 30478 n’était pas un événement isolé. En mai 2018, une compagnie de chemin de fer américaine a diffusé un préavis d’alerte interne concernant les wagons-tombereaux baignoires de type et d’âge semblables après que la caisse de certains de ces wagons eut subi une défaillance catastrophique à cause de fissures dans les brancards. Le nombre exact de défaillances ne figurait pas dans le préavis.

    1.19 Essais de charge d’extrémité de compression du Conseil national de recherches Canada

    La section Specification M-1001 du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’AAR énonce les exigences minimales pour la conception et la construction de nouveaux wagons de marchandises destinés à être utilisés au Canada et aux États-Unis. Les wagons de marchandises construits conformément au MSRP après le 1er juillet 1974 sont qualifiés pour une durée de service de 50 ans sans nécessité de nouvelle qualification, à condition qu’ils répondent aux critères de conception d’origine de l’AAR, qui comprennent des essais de compression en queue de wagon. Note de bas de page 34

    Étant donné que les wagons étaient qualifiés pour une durée de service de 50 ans, le BST a confié au CNRC le soin d’effectuer des essais de compression en queue de wagon sur les 3 wagons-tombereaux baignoires choisis à la gare de triage Port Huron du CN afin d’évaluer l’aptitude au service du type de wagon-tombereau baignoire qui a subi une défaillance structurale dans le tunnel de Sarnia. Les essais ont permis d’évaluer la capacité de ces 3 wagons-tombereaux baignoires de résister à la charge statique de compression longitudinale requise dans leur état actuel d’usure après 40 ans de service. Le calendrier des essais était le suivant :

    • Le 17 décembre 2019, les essais ont commencé avec le wagon qui présentait le moins de dommages, le DJJX 950965 (50e position).
    • Le 31 janvier 2020, les essais se sont poursuivis avec le wagon qui présentait des dommages modérés, le DJJX 950782 (1re position).
    • Le 2 mars 2020, les essais se sont terminés avec le wagon qui présentait le plus de dommages, le DJJX 30156 (13e position), un wagon-sœur du DJJX 30478 qui a connu une défaillance dans le tunnel.

    1.19.1 Inspections de wagon

    Le CNRC a effectué des inspections visuelles de chaque wagon avant de procéder aux essais. Dans chaque cas, on a constaté des dommages importants. Chaque wagon présentait les signes suivants, entre autres problèmes :

    • déformation de montants latéraux,
    • rupture de tôles latérales, de tôles de bout et de sections de la tôle inférieure,
    • courbure négative du brancard,
    • déformation de la membrure supérieure (horizontale),
    • présence de diverses fissures et de corrosion.

    En complément des inspections visuelles, des mesures de rectitude des membrures supérieures (cadre) et de courbure (affaissement) des brancards ont été prises avant et après l’essai, afin de déceler toute défectuosité liée à la structure. Un changement négatif de la rectitude de la membrure supérieure indique une déformation vers l’intérieur du wagon. Une valeur négative de courbure du brancard indique une déformation vers le bas. Les résultats pour les côtés droit et gauche de chaque wagon sont présentés dans le tableau  4 ci-dessous :

    Tableau 4. Déplacement maximal des membrures supérieures et des brancards sur la base des mesures prises avant et après l’essai.
    Essai Rectitude supérieure avant l’essai (pouces) Rectitude supérieure après l’essai (pouces) Courbure du brancard avant l’essai (pouces) – limite de l’AAR de 1½ pouce Courbure du brancard après l’essai (pouces) – limite de l’AAR de 1½ pouce
    Gauche Droit Gauche Droit Gauche Droit Gauche Droit
    DJJX 950965 (moins de dommages) -7 −73/16 −7¼ −71/16 −19/16 −13/16 −1½ −13/16
    DJJX 950782 (dommages modérés) -8 -5 −79/16 −51/8 −2¼ −21/16 −25/16 −115/16
    DJJX 30156 (plus de dommages) -3 −3¾ -3 −41/8 −15/16 −2¾ −13/16 −33/8

    1.19.2 Procédure d’essai

    Des essais à grande échelle ont été effectués à l’aide du banc d’essai de compression et de tension du CNRC pour évaluer l’intégrité structurale de chaque wagon vide. Le banc d’essai est constitué de 2 poutres en I mécanosoudées avec une traverse fixe et une traverse d’enceinte de réaction en translation qui se trouvent à l’intérieur d’une série de plaques de cisaillement pour permettre de réaliser des essais sur des wagons de différentes longueurs. Les deux traverses sont contraintes lors de l’essai, et une charge longitudinale est appliquée au wagon au moyen d’un bélier hydraulique (figure 29).

    Figure 29. Schéma du banc d’essai de l’installation de compression et de tension (Source : Conseil national de recherches Canada)
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    Schéma du banc d’essai de l’installation de compression et de  tension (Source : Conseil national de recherches Canada)

    Les résultats des essais ont été enregistrés par un ensemble de capteurs de déplacement et de jauges de contrainte. Avant de procéder à l’essai, les instruments ont été placés à des endroits désignés sur chaque wagon. Les instruments enregistraient les forces et mesuraient tout déplacement se produisant pendant les essais. Un système d’acquisition de données à 32 canaux enregistrait les signaux des instruments pour les essais. Un vérin hydraulique d’une capacité de 600 tonnes a été utilisé pour appliquer les charges requises au bélier pendant les essais.

    1.19.3 Résultats des essais de compression en queue de wagon

    L’essai exigeait qu’une charge statique de compression horizontale de 1000 kips (1 000 000 livres-force) soit appliquée à l’axe de l’appareil de choc et de traction et qu’elle soit maintenue durant au moins 60 secondes avant de relâcher la pression. Cette procédure doit être effectuée 3 fois de suite sans qu’il y ait de défaillance structurale pour qu’un wagon réussisse l’essai.

    Les résultats suivants ont été enregistrés :

    • Les 2 wagons construits par ACF Industries (DJJX 950965 et DJJX 950782; 1re et 50e positions) ont chacun résisté à 3 applications consécutives de 1000 kips.
    • Le wagon DJJX 30156 (13e position) construit par Berwick Forge a subi une défaillance structurale à une pression d’environ 628 kips (628 000 livres-force) au cours de la première application de la force. Par conséquent, l’essai n’a pas pu être répété.
      • Le graphique de déplacement de la force pour l’essai a présenté un changement de courbe à environ 450 kips (450 000 livres-force), ce qui indique que le wagon DJJX 30156 se comportait de façon non élastique avant la rupture.

    Les 2 wagons-tombereaux baignoires construits par Berwick Forge – le DJJX 30478 qui a connu une défaillance dans le tunnel et le DJJX 30156 qui a échoué à l’essai de compression en queue de wagon – ont subi une défaillance structurale dans une zone semblable de l’extrémité gauche du bout A (AG) de chaque wagon (figures 30 et 31).

    Figure 30. Défaillance AG du wagon DJJX 30478 dans le tunnel (Source : Federal Railroad Administration)
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    Défaillance AG du wagon DJJX 30478 dans  le tunnel (Source : Federal Railroad Administration)
    Figure 31. Défaillance AG du wagon DJJX 30156 pendant l’essai (Source : Conseil national de recherches Canada)
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    Défaillance AG du wagon DJJX 30156 pendant  l’essai (Source : Conseil national de recherches Canada)

    1.19.4 Épaisseur de la plaque de cisaillement

    Bien que les wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge et d’ACF Industries Inc. se ressemblaient, leur structure présentait plusieurs différences. Comparativement aux wagons d’ACF, ceux de Berwick Forge étaient construits avec des brancards plus petits et des plaques de cisaillement plus minces. De par la conception technique, la charge critique de flambage d’une plaque de cisaillement dépend de son épaisseur lorsque les autres paramètres de conception demeurent inchangés. En utilisant des matériaux plus légers, les wagons de Berwick Forge étaient en mesure de transporter un chargement plus important.

    L’épaisseur des plaques de cisaillement de chacun des 3 wagons-tombereaux baignoires choisis pour les essais de compression en queue de wagon a été mesurée à l’aide d’un pied à coulisse numérique ou d’une technique par ultrasons. La méthode par ultrasons a été utilisée lorsqu’un pied à coulisse numérique ne pouvait pas être utilisé sans couper un échantillon.

    Étant donné qu’il n’a pas été possible de retrouver les plans de construction du wagon d’origine, la seule façon d’estimer l’épaisseur de la plaque de cisaillement d’origine a été de prendre des mesures, à l’aide d’un pied à coulisse numérique, dans les zones qui ne présentaient pas de perte importante de matériau. Les mesures ont toujours indiqué que l’épaisseur d’origine des plaques de cisaillement, telles que conçues, était probablement de 0,31 pouce pour les wagons de Berwick Forge et de 0,43 pouce pour les wagons d’ACF.

    Plusieurs mesures d’épaisseur ont été prises sur chaque plaque de cisaillement. Les valeurs moyennes de l’épaisseur mesurée des plaques de cisaillement des wagons de Berwick Forge et d’ACF sont présentées dans le tableau 5.

    Tableau 5. Épaisseur mesurée des plaques de cisaillement des 3 wagons choisis pour les essais de compression
    Numéro du wagon DJJX 30156 DJJX 950965 DJJX 950782
    Constructeur du wagon Berwick Forge ACF ACF
    Épaisseur estimée de la plaque de cisaillement telle que conçue (pouce) 0,31 0,44 0,44
    Valeurs moyennes de l’épaisseur mesurée des plaques de cisaillement à l’intérieur de la traverse pivot (pouces) 0,24 0,39 0,38
    % moyen de réduction de l’épaisseur des plaques de cisaillement 23 % 11 % 13 %

    Des mesures semblables de l’épaisseur des plaques de cisaillement dans l’épave du wagon DJJX 30478 (53e position), qui s’est rompu dans le tunnel, ont également été réalisées et les résultats sont comparés à ceux du wagon-sœur, DJJX 30156, 13e position, comme le montre le tableau 6.

    Tableau 6. Épaisseur moyenne et minimale mesurée des plaques de cisaillement de Berwick Forge
    Mesures Wagon-sœur DJJX 30156 Wagon défaillant DJJX 30478
    Épaisseur mesurée Bout A Bout B Bout A Bout B
    Épaisseur moyenne (pouce) 0,24 0,26 0,21 0,19
    % moyen de réduction de l’épaisseur 23 % 17 % 33 % 39 %
    Épaisseur minimale enregistrée (pouce) 0,16 0,21 0,11 0,07

    Les observations visuelles et les valeurs enregistrées ont permis de constater que les plaques de cisaillement de chaque wagon s’étaient amincies en raison de la corrosion qui s’est produite au cours de la durée de vie utile des wagons.Note de bas de page 35

    1.20 Examen métallurgique du matériau et des soudures de la plaque de cisaillement du bout A du wagon DJJX 30478 au laboratoire du BST

    Le laboratoire du BST a procédé à un examen métallurgique du matériau de la plaque de cisaillement du bout A et des soudures qui la fixaient.

    Aucune propriété de matériau ou spécification de soudure n’était disponible pour cette conception particulière de wagon-tombereau baignoire. L’examen métallurgique a porté sur la détermination des propriétés de la plaque de cisaillement rompue afin de connaître la résistance mécanique à la traction de l’acier, dans le but d’inclure cette valeur dans un modèle d’éléments finis en cours d’élaboration aux fins d’analyse ultérieure de la défaillance structurale.

    L’affaissement du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 a commencé au niveau de la plaque de cisaillement AG. Les soudures unissant la plaque de cisaillement AG avec la longrine tronquée, la traverse pivot et le brancard, présentaient toutes une corrosion importante ainsi qu’une perte de matériau.

    L’examen des plaques de cisaillement du côté droit du bout A (AD) ainsi que du côté gauche (BG) et du côté droit (BD) du bout B a révélé une corrosion et une perte de matériau semblables. Dans certains cas, l’acier de la plaque de cisaillement s’était complètement corrodé, laissant un trou.

    Un examen métallurgique a été effectué sur 7 échantillons prélevés dans des zones de la plaque de cisaillement du bout A du wagon DJJX 30478 qui s’est rompue. Un microscope électronique à balayage équipé d’un spectre dispersif en énergie a été utilisé pour analyser la composition élémentaire des échantillons de chaque zone de la plaque de cisaillement. Les résultats des essais n’étaient pas définitifs, mais ils indiquaient que le matériau de la plaque de cisaillement était probablement un acier faiblement allié, couramment utilisé dans la construction des wagons de marchandises.

    Des essais de dureté ont été effectués sur les sections transversales des échantillons polis. Les résultats ont indiqué que le matériau avait une dureté Rockwell B (HRB)Note de bas de page 36 moyenne de 95,4, qui, une fois converti, donne une résistance mécanique à la traction approximative de 102,0 ksi (kilo livres par pouce carré)Note de bas de page 37.

    1.20.1 Examen des soudures

    L’examen métallurgique de plusieurs des sections transversales de soudures entièrement intactes a révélé une bonne pénétration et un bon profil de soudure. Le profil du cordon de soudure mesurait généralement environ ⅜ pouce, et la dureté de la soudure correspondait bien aux tôles d’acier soudées. On n’a observé aucun défaut de soudage dans les soudures intactes qui ont fait l’objet d’un examen.

    1.20.2 Corrosion superficielle

    On a constaté une corrosion superficielle et une perte de métal sur la majeure partie de la plaque de cisaillement du bout A. Cela a entraîné une réduction importante de l’épaisseur de la plaque ou une perte totale de métal (trous). Une telle situation réduirait la résistance de la plaque de cisaillement et pourrait provoquer des fissures ou une surcharge de celle-ci.

    1.21 Analyse de la défaillance structurale du wagon-tombereau baignoire au laboratoire du BST

    Le laboratoire du BST a effectué une analyse de la défaillance structurale du wagon-tombereau baignoire intégrant un modèle d’éléments finis (FEM).

    L’examen de l’épave a permis de constater que le wagon DJJX 30478 à l’étude présentait à ses deux extrémités de nombreuses défectuosités liées à la structure, notamment de longues fissures et un amincissement des plaques de cisaillement dû à la corrosion qui s’était produite avant l’événement. Ces défectuosités ont compromis l’intégrité structurale du wagon. Compte tenu de la présence de ces défectuosités, un FEM de la plateforme du wagon-tombereau baignoire a été construit et une analyse a été effectuée pour mieux comprendre le type et l’ampleur des charges qui agissaient sur le wagon au moment de l’accident.

    Les wagons-tombereaux baignoires ont été conçus de telle sorte que les charges de compression et de traction vont de la longrine tronquée et de la traverse pivot à la plaque de cisaillement, puis de la plaque de cisaillement aux brancards. Lors de l’exploitation d’un train, les brancards transfèrent les charges de compression et de traction d’un bout à l’autre du wagon, tandis que la tôle inférieure à courbure parabolique demeure suspendue au châssis.

    1.21.1 Type de force

    Plusieurs forces agissaient sur le wagon au moment de l’accident. Ces forces étaient notamment les suivantes :

    • la force gravitationnelle des poids combinés du wagon et du chargement,
    • la force de traction s’exerçant sur le train,
    • la force de compression s’exerçant sur le train.
    1.21.1.1 Force gravitationnelle

    En présence d’importantes défectuosités liées à la structure, si le poids combiné du wagon et du chargement causait une défaillance de la structure du wagon, les surfaces de rupture des brancards présenteraient des caractéristiques de flexion vers le bas. Toutefois, aucune de ces caractéristiques n’a été relevée sur le wagon DJJX 30478, de sorte que l’analyse du FEM a permis de conclure que la surcharge attribuable au poids n’a joué aucun rôle dans cet accident.

    1.21.1.2 Force de traction

    Le FEM tenait compte des défectuosités liées à la structure relevées au bout A du wagon DJJX 30478. L’analyse du FEM a permis de déterminer que la combinaison des forces agissant sur le bout A lorsqu’il était soumis à la force de traction s’exerçant sur le train produirait un couple important à droite de la ligne de rupture constatée (figure 33). Dans ce cas, la majeure partie de la structure de la plateforme située à droite de la ligne de rupture serait tordue ou tournée vers l’extérieur, vers l’avant et vers le côté droit. Étant donné que ce scénario ne correspondait pas aux constatations faites sur les lieux et à l’examen de l’épave du wagon, l’analyse du FEM a permis de conclure que les forces de traction exercées le long du train n’ont joué aucun rôle dans la défaillance structurale du bout A du wagon DJJX 30478.

    Figure 32. Forces de traction exercées le long du train (FT) qui agissent sur le wagon pendant que le train traversait le tunnel (flèche droite). La flèche circulaire indique le couple résultant de la force exercée. La ligne pointillée montre la ligne de rupture constatée. (Source : BST)
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    Forces  de traction exercées  le long du train (FT) qui  agissent sur le wagon pendant que le train traversait le tunnel (flèche droite).  La flèche circulaire indique le couple résultant de la force exercée. La ligne  pointillée montre la ligne de rupture constatée . (Source : BST)
    1.21.1.3 Force de compression

    L’analyse du FEM a également permis de déterminer que la combinaison des forces agissant sur le bout A du wagon DJJX 30478 lorsqu’il était soumis à la force de compression s’exerçant sur le train produirait un couple important à droite de la ligne de rupture constatée (figure 33). Dans ce cas, la majeure partie de la structure de la plateforme du bout A située à droite de la ligne de rupture serait tordue ou tournée vers l’intérieur, ce qui concorde avec les constatations faites sur les lieux, l’examen de l’épave du wagon et les résultats de l’analyse du FEM. Cela a permis de confirmer que la force de compression s’exerçant sur le train a joué un rôle dans la défaillance structurale du bout A du wagon DJJX 30478.

    Figure 33. Forces de compression exercées le long du train (FC) agissant sur le wagon pendant que le train traversait le tunnel (flèche droite). La flèche circulaire indique le couple résultant de la force exercée. La ligne pointillée montre la ligne de rupture constatée. (Source : BST)
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    Forces  de compression exercées  le long du train (FC) agissant  sur le wagon pendant que le train traversait le tunnel (flèche droite). La  flèche circulaire indique le couple résultant de la force exercée. La ligne  pointillée montre la ligne de rupture constatée . (Source : BST)

    1.21.2 Estimation de l’ampleur de la force de compression qui a contribué à la défaillance structurale

    Compte tenu de l’étendue des défectuosités liées à la structure constatées sur le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, on a également utilisé le FEM pour estimer l’ampleur de la force de compression sous laquelle la structure pouvait se rompre (annexe E).

    Une modélisation des structures de bout du wagon-sœur DJJX 30156 a également été réalisée, dont les résultats étaient cohérents avec ceux des essais de compression en queue de wagon (628 kips). Elle a permis de valider la méthodologie utilisée pour déterminer le mécanisme de défaillance du wagon et la force calculée exercée sur celui-ci lors de la défaillance structurale.

    Un FEM pour la structure de la plateforme du bout B du wagon DJJX 30478, qui est demeurée intacte lors de l’événement à l’étude, a été construit sur la base de l’état observé du wagon et des défectuosités qui étaient présentes après le déraillement. Le FEM a permis de déterminer que le flambage de la plaque de cisaillement du bout B du wagon DJJX 30478 se serait produit sous l’effet d’une force de compression d’environ 410 kips.

    Toutefois, il n’a pas été possible de construire adéquatement un FEM pour la structure de la plateforme du bout A du wagon DJJX 30478, dans la mesure où une grande partie de la plaque de cisaillement et la totalité du brancard gauche n’ont pas été récupérées, de sorte que l’état exact des défectuosités qui étaient présentes au moment de l’accident n’a pas pu être établi avec précision.

    1.21.3 Examen de la principale défectuosité liée à la structure des wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge

    Bien que divers types de défectuosités liées à la structure aient été constatés sur le wagon sujet DJJX 30478 et le wagon DJJX 30156, de même conception, la réduction de l’épaisseur et la fissuration de la plaque de cisaillement dues à la corrosion semblent être la cause principale de la diminution importante de la résistance des structures de la plateforme de bout des wagons.

    De par la conception technique, la charge critique de flambage d’une plaque de cisaillement dépend de son épaisseur lorsque les autres paramètres de conception demeurent inchangés. Comparativement aux wagons d’ACF examinés, les wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge étaient construits avec des plaques de cisaillement plus minces, ce qui rendait les wagons plus susceptibles de se rompre par flambage, surtout lorsqu’ils étaient exposés à une corrosion réduisant l’épaisseur de ces plaques.

    1.22 Rapports de laboratoire du BST

    Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

    • LP176/2019 Dynamics Simulation (Simulation des forces dynamiques)
    • LP177/2019 Structural Failure Analysis of Bathtub Gondola (Analyse de la défaillance structurale du wagon-tombereau baignoire)
    • LP141/2020 Sarnia Gondola Car Metallurgical Examination Scoping (Établissement de la portée de l’examen métallurgique du wagon-tombereau de Sarnia)
    • LP012/2021 Sarnia Gondola Car Coupon Metallurgical Examination (Examen métallurgique des coupons du wagon-tombereau de Sarnia)

    Le BST a conclu un contrat de sous-traitance pour produire le rapport d’ingénierie suivant dans le cadre de cette enquête :

    • NRC Bathtub Gondola Car Testing Report AST-2020-0009 Rev 1 – Final, Dated 17 September 2020 (Rapport des essais du CNRC sur les wagons-tombereaux baignoires AST-2020-0009, rév. 1 — rapport final, daté du 17 septembre 2020)

    2.0 Analyse

    L’accident s’est produit à l’intérieur du tunnel Paul M. Tellier de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), sous la rivière Sainte-Claire; le tunnel relie Sarnia (Ontario, Canada) à Port Huron (Michigan, États-Unis). La voie qui traverse le tunnel était en bon état et ne présentait aucun défaut susceptible d’être considéré comme un facteur causal. Les membres de l’équipe du train de marchandises M38331-27 du CN circulant vers l’ouest connaissaient bien le territoire et étaient qualifiés pour occuper leurs postes respectifs.

    Pour que cet accident se produise, il fallait que la structure du wagon à l’étude soit dans un état détérioré et que des forces suffisantes, supérieures à la résistance structurale réduite du wagon, s’exercent le long du train. L’analyse portera sur la défaillance structurale du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, l’intervention d’urgence de l’équipe de train après le déraillement du train dans le tunnel, la formation du train et la gestion des forces exercées le long du train, les inspections réglementaires et les inspections aux points d’échange des wagons de marchandises, l’état du matériel roulant, ainsi que la collaboration entre organismes de multiples compétences dans le cadre d’une intervention sur les lieux d’un déraillement qui chevauchait la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis.

    2.1 L’accident

    À partir de la crête est du tunnel, le manipulateur est demeuré à la position de ralenti et le train a accéléré sous l’effet de la gravité le long de la pente descendante du tunnel, jusqu’à ce que les locomotives de tête arrivent au fond du tunnel. Une fois le train arrivé au fond, le mécanicien de locomotive (ML) a lentement fait passer le manipulateur de traction au cran 3 alors que le train entamait la montée vers le portail ouest du tunnel à Port Huron. Tandis que le train roulait à 44 mi/h dans le tunnel, un freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’est déclenché alors que la locomotive de tête se trouvait au point milliaire 61,19. La tête, séparée du reste du train, s’est immobilisée à l’extérieur du tunnel au point milliaire 61,46, tandis que la queue se trouvait à l’extérieur du portail est du tunnel à Sarnia.

    À l’insu de l’équipe à ce moment-là, 46 des 49 matériels roulants situés de la 51e à la 98e position inclusivement avaient déraillé et s’étaient immobilisés de part et d’autre de la frontière internationale à l’intérieur du tunnel.

    L’examen des lieux a commencé au portail de Port Huron et a progressé vers l’est. Le premier matériel déraillé que l’équipe a vu dans le tunnel était l’extrémité arrière du wagon DJJX 19371 (51e position). Toutes les roues du wagon suivant, DJTX 30049 (52e position), avaient quitté la voie et le wagon s’était immobilisé au point milliaire 60,85. Au bout B arrière du wagon DJTX 30049, la mâchoire d’attelage et l’attelage étaient demeurés intacts, et il n’y avait aucun dommage visible attribuable aux chocs. Derrière le wagon DJTX 30049 (à l’est), le rail sud s’était renversé et il y avait une séparation de 696 pieds jusqu’au bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position), un wagon-tombereau baignoire chargé de ferrailles d’acier, au point milliaire 60,72.

    Toutes les roues du wagon DJJX 30478 avaient déraillé et le bout A était lourdement endommagé. Le montant d’extrémité, le brancard et la tôle latérale du côté gauche du bout A s’étaient détachés de la plaque de cisaillement et s’étaient affaissés. Le bogie du bout A était décentré sur la diagonale, et les 2 rails s’étaient renversés vers l’extérieur. Le wagon s’était enfoncé dans la plateforme de voie, et la mâchoire du bout A s’était rompue. Le bout B du wagon était relativement intact, mais il était entouré du chargement de ferrailles d’acier du wagon qui s’était répandu sur la surface de la voie vers l’est à partir du bout B du wagon DJJX 30478. On a relevé la présence de ferrailles d’acier par endroits sur le ballast le long du côté sud du tunnel, jusqu’au point milliaire 60,55 environ.

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    L’accident s’est produit lorsque le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 (53e position), chargé de ferrailles d’acier, a subi une défaillance structurale et que le côté gauche du bout A du wagon s’est affaissé, ce qui a entraîné le déraillement du wagon dans le tunnel Paul M. Tellier du CN au point milliaire 60,55, à environ 425 pieds à l’est de la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis, du côté canadien.

    Lorsque le wagon DJJX 30478 s’est affaissé, le bogie du bout A s’est décentré sous le wagon, ce qui a eu pour effet de renverser les 2 rails vers l’extérieur et de faire dérailler les wagons qui suivaient.

    Après s’être affaissé, le wagon s’est enfoncé dans la plateforme de voie, et la mâchoire d’attelage du bout A s’est rompue lorsque le train s’est séparé entre l’extrémité arrière du wagon DJTX 30049 (52e position) et le bout A du wagon DJJX 30478 (53e position), ce qui a entraîné le déclenchement du freinage d’urgence provenant de la conduite générale.

    Parmi les wagons qui ont déraillé figurait le wagon-citerne de marchandises dangereuses (MD) UTLX 95205 (68e position), qui était chargé d’acide sulfurique à 94 % (numéro ONU 1830, classe 8, groupe d’emballage [GE] II).

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Pendant le déraillement, la longrine tronquée et l’attelage de l’extrémité arrière du wagon-trémie couvert VTGX 1238 (67e position) ont percuté et perforé le quadrant inférieur gauche du bout B avant de la tête de citerne du wagon-citerne de marchandises dangereuses UTLX 95205 (68e position), ce qui a entraîné le déversement d’environ 12 172 gallons américains (46 076 L) d’acide sulfurique dans le tunnel.

    2.2 Intervention d’urgence de l’équipe de train à la suite du déraillement d’un train dans un tunnel

    Lorsque le train a déraillé, une alarme s’est affichée sur l’écran de contrôle de la circulation ferroviaire. Toutefois, pour voir l’alarme, le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) devait ouvrir une autre fenêtre sur l’ordinateur pour voir les détails.

    Une fois que la partie séparée de tête du train s’est immobilisée, l’équipe de train a diffusé un message d’urgence sur le canal radio d’urgence, conformément à la règle 102 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), pour signaler le freinage d’urgence au CCF. L’équipe de train a ensuite demandé que les lumières soient allumées et que les ventilateurs soient mis en marche dans le tunnel. Toutefois, à ce moment, le CCF n’avait pas encore déterminé la nature de l’alarme et n’avait pas informé l’équipe de l’alarme. L’équipe a ensuite tenu une séance de briefing au cours de laquelle elle a discuté du contenu du train, notamment du wagon-citerne de MD rempli d’acide sulfurique.

    Peu après la séance de briefing, le chef de train, qui ne portait aucun équipement de protection respiratoire, est sorti de la cabine de la locomotive pour entrer dans le tunnel et inspecter le train, conformément aux instructions du CN. Les instructions du CN en vigueur à l’époque n’exigeaient pas que l’équipe du train attende que le CCF confirme qu’il était sécuritaire d’entrer dans le tunnel après un déraillement.

    Fait établi quant aux risques

    L’absence d’exigence de la compagnie selon laquelle l’équipe de train doit attendre la confirmation qu’il est sécuritaire d’entrer dans un tunnel pour effectuer une inspection du train après un événement mettant en cause des marchandises dangereuses présente un risque que les membres de l’équipe soient exposés inutilement à une situation dangereuse.

    Environ 5 minutes après que l’équipe de train eut lancé l’appel d’urgence, le CCF a communiqué avec le ML et le chef de train adjoint dans la cabine de locomotive pour les informer que l’alarme de gaz toxique dans le tunnel s’était déclenchée. Le CCF leur a ensuite demandé si la direction dans laquelle les ventilateurs soufflaient avait de l’importance, ce à quoi l’équipe de train a répondu non, tant que les ventilateurs soufflaient.

    Fait établi quant aux risques

    Lorsqu’il y a une possibilité que des marchandises dangereuses se déversent dans un tunnel lors d’un déraillement, si les ventilateurs du tunnel soufflent vers des employés qui pénètrent dans le tunnel sans aucune protection respiratoire, il existe un risque accru de conséquences négatives en cas d’exposition aux marchandises dangereuses.

    2.2.1 Alarme de gaz toxique dans le tunnel

    Le tunnel était équipé de moniteurs de gaz toxiques et d’un système d’alarme qui assurait une surveillance continue afin de signaler tout déversement de MD. Le système était également conçu pour déclencher une alarme si l’équipement fonctionnait mal ou était endommagé à la suite d’un déraillement et n’était donc plus en état de fonctionner. Toutefois, l’affichage du CCF lié au système d’alarme indiquait seulement si le système était activé et ne fournissait aucune rétroaction sur l’état du système. Par conséquent, le CCF n’avait aucun moyen de confirmer s’il y avait une alarme de gaz toxique ou si le système était défectueux ou endommagé.

    Après avoir inspecté la tête du train à l’ouest du tunnel, le chef de train s’est rendu au portail du tunnel de Port Huron. Il a entendu les ventilateurs fonctionner, mais a remarqué que les lumières du tunnel étaient toujours éteintes.

    Le CCF a par la suite communiqué avec le ML et le chef de train adjoint, les a informés que l’alarme de gaz toxique dans le tunnel s’était déclenchée, et leur a ordonné de ne pas entrer dans le tunnel. Il a été supposé que les gaz d’échappement de la locomotive à traction répartie (TR) télécommandée étaient la source probable de l’alarme, sans tenter d’en obtenir la confirmation. Après la discussion, les lumières étaient toujours éteintes et les ventilateurs est évacuaient l’air vers l’ouest en direction du chef de train, qui entrait dans le tunnel sans aucune protection respiratoire. Comme le chef de train se trouvait déjà dans le tunnel, le CCF, le ML et le chef de train adjoint ont immédiatement tenté de communiquer avec lui par radio, mais ils n’ont pas réussi à le joindre. À ce moment-là, ils ne savaient pas que le système de répéteur radio du tunnel avait été endommagé par le déraillement.  Par la suite, le chef de train adjoint est sorti de la cabine de la locomotive pour partir à la recherche du chef de train et l’a vu sortir du tunnel en toute sécurité.

    Fait établi quant aux risques

    Si une alarme de gaz toxique se déclenche à la suite d’un déraillement mettant en cause des marchandises dangereuses dans un tunnel et si les employés des chemins de fer présument de la source du déclenchement sans obtenir de confirmation supplémentaire, il existe un risque accru qu’un employé soit exposé à des marchandises dangereuses, de même qu’un risque tout aussi élevé qu’il subisse des blessures graves.

    2.3 Compétence

    Il s’agissait d’un événement unique dans lequel de multiples organismes canadiens et américains sont intervenus à la suite d’un accident ferroviaire qui s’est produit à proximité d’une frontière internationale, et il a fallu plusieurs jours pour établir qui avait compétence.

    Le tunnel traverse la frontière entre le Canada et les États-Unis. Étant donné que les wagons déraillés bloquaient l’accès à la frontière à l’intérieur du tunnel, on ne savait pas si le point de déraillement (PDD) initial se trouvait du côté canadien ou américain de la frontière. L’accident a d’abord été signalé au BST qui, à son tour, a avisé le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis. Par la suite, le BST, le NTSB et la Federal Railroad Administration (FRA) ont chacun déployé une équipe d’enquêteurs sur les lieux.

    Les diverses activités d’examen des lieux et d’enquête ont été menées sur une période de 9 jours s’étendant du 28 juin au 6 juillet 2019. Tout au long du déploiement, l’équipe conjointe composée du BST et du NTSB a géré et coordonné toutes les activités d’enquête entre les membres de l’équipe et les autres organismes d’intervention, au besoin.

    Les équipes d’enquête ont déterminé que le freinage d’urgence provenant de la conduite générale indiquait que le train s’était séparé au PDD initial ou à proximité de celui-ci. Afin d’établir la compétence, le BST, le NTSB, la FRA et le CN ont chacun effectué des analyses distinctes des données du consignateur d’événements de locomotive (CEL) et du journal d’exploitation du système de TR. Bien que chaque partie ait utilisé des méthodes et des hypothèses légèrement différentes, chacune des analyses a permis de confirmer que le freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’était probablement déclenché à la suite de la séparation du train entre les wagons DJTX 30049 (52e position) et DJJX 30478 (53e position) à une distance d’environ 400 à 600 pieds à l’est de la frontière, du côté canadien.

    Faits établis : Autre

    Des analyses des données récupérées des CEL et des journaux d’exploitation de la TR ont permis de confirmer que le freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’était déclenché à la suite d’une séparation du train entre les 52e et 53e wagons du côté canadien de la frontière, si bien que le BST a assumé la responsabilité de l’enquête sur l’accident.

    Les équipes déployées par le BST et le NTSB ont collaboré de façon transparente et efficace pour accomplir les diverses tâches liées à l’enquête de part et d’autre de la frontière, et ce, dans des circonstances parfois difficiles.

    2.4 Défaillance structurale du wagon DJJX 30478

    Le bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position) a été lourdement endommagé et s’est affaissé. Le DJJX 30478 a probablement été le premier wagon à dérailler, car le bout A du wagon a subi une défaillance structurale pendant qu’il roulait dans le tunnel. Au moment de l’accident, le wagon DJJX 30478 présentait un certain nombre de défectuosités préexistantes qui ont probablement contribué à réduire son intégrité structurale. Parmi ces défectuosités liées à la structure, mentionnons les suivantes :

    • Les profilés en U de renfort en acier, qui ont été installés lorsque le wagon a été modifié en vue de transporter des ferrailles d’acier, étaient fortement corrodés, et leur partie inférieure était manquante.
    • L’état constaté des soudures qui fixaient les profilés en U à la tôle inférieure indiquait que cette défectuosité était sans doute présente depuis un certain temps avant l’accident.
    • Le wagon était fortement corrodé et présentait de nombreuses fissures dans les soudures qui unissaient les 2 plaques de cisaillement avec la longrine tronquée, à la traverse pivot et aux brancards.
    • Les 2 plaques de cisaillement présentaient un amincissement important en raison de la corrosion qui s’était produite avant l’événement à l’étude.
    • Les membrures supérieures et un grand nombre de montants latéraux étaient déformés.
    • Plusieurs tôles latérales, tôles de bout et sections de la tôle inférieure étaient rompues et endommagées.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Les défectuosités structurales touchant les plaques de cisaillement, les longrines tronquées, les traverses pivots et les brancards du wagon DJJX 30478 ont eu une incidence négative sur la capacité de ce dernier à transférer les forces exercées le long du train.

    2.4.1 Épaisseur de la plaque de cisaillement

    Bien que les wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge & Fabrication Corporation (Berwick Forge) et d’ACF Industries Inc. (ACF) ayant fait l’objet d’essais de compression se ressemblaient, leur structure présentait plusieurs différences. Comparativement aux wagons d’ACF, ceux de Berwick Forge avaient été construits avec des brancards légèrement plus petits et des plaques de cisaillement plus minces. Plus précisément, l’épaisseur de la plaque de cisaillement d’origine des wagons d’ACF était de 0,44 pouce, tandis que celle des wagons de Berwick Forge était de 0,31 pouce.

    Compte tenu de la corrosion importante et de la rupture de la plaque de cisaillement constatées sur le wagon DJJX 30478, on a comparé la réduction moyenne en pourcentage de l’épaisseur des plaques de cisaillement des wagons-tombereaux baignoires d’ACF et de Berwick Forge. La réduction moyenne en pourcentage de l’épaisseur des plaques de cisaillement était de 12 % pour les wagons d’ACF et de 29,5 % pour les wagons de Berwick Forge. 

    De par la conception technique, la charge critique de flambage d’une plaque de cisaillement, lorsqu’elle est soumise à une force de compression, dépend de son épaisseur lorsque les autres paramètres de conception demeurent inchangés. Bien que divers types de défectuosités liées à la structure aient été relevés sur les 2 wagons de Berwick Forge (wagon sujet DJJX 30478 et wagon DJJX 30156 de même conception), la réduction de l’épaisseur et la fissuration de la plaque de cisaillement dues à la corrosion semblaient être la cause principale de la diminution importante de la résistance des structures de la plateforme de bout des wagons.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Les wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge avaient été construits avec des plaques de cisaillement plus minces que celles des wagons d’ACF examinés, ce qui les avait rendus plus susceptibles aux ruptures par flambage, surtout qu’ils avaient été exposés à la corrosion tout au long de leur vie utile, ce qui avait eu pour effet de réduire davantage l’épaisseur des plaques de cisaillement.

    2.5 Essais de compression en queue de wagon des wagons-tombereaux baignoires DJJX

    La Specification M-1001 du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’Association of American Railroads (AAR) énonce les exigences minimales pour la conception et la construction de nouveaux wagons de marchandises destinés à être utilisés au Canada et aux États-Unis. Les wagons de marchandises construits conformément au MSRP de l’AAR après le 1er juillet 1974 sont qualifiés pour une durée de service de 50 ans sans nécessité de nouvelle qualification, à condition qu’ils répondent aux critères de conception originaux de l’AAR, qui comprennent des essais de compression en queue de wagon.

    Le BST a retenu les services du Conseil national de recherches Canada (CNRC) pour effectuer des essais de compression en queue de wagon sur les 3 wagons-tombereaux baignoires choisis à la gare de triage Port Huron du CN. Compte tenu de l’état d’usure des wagons après 40 années de service, les essais visaient à évaluer la capacité de ces 3 wagons-tombereaux baignoires de résister à la charge statique de compression longitudinale requise par la Specification M-1001 du MSRP de l’AAR.

    2.5.1 Résultats des essais de compression en queue de wagon

    L’essai exigeait qu’une charge statique de compression horizontale de 1 000 000 livres-force soit appliquée à l’axe central de l’appareil de choc et de traction et qu’elle soit maintenue pendant au moins 60 secondes avant de relâcher la pression. Cette procédure doit être effectuée 3 fois de suite sans qu’il y ait de défaillance structurale pour qu’un wagon réussisse l’essai.

    Alors que les 2 wagons d’ACF ont réussi l’essai, le wagon DJJX 30156 (13e position) construit par Berwick Forge, de même conception que le wagon DJJX 30478, a subi une défaillance structurale à une pression d’environ 628 kips (628 000 livres-force) au cours de la première application de la force. Par conséquent, l’essai n’a pas pu être répété. De plus, le graphique de déplacement de la force pour l’essai a présenté un changement de courbe à environ 450 kips (450 000 livres-force), ce qui indique que le wagon DJJX 30156 se comportait de façon non élastique avant la rupture.

    Les 2 wagons-tombereaux baignoires construits par Berwick Forge – le DJJX 30478 qui a connu une défaillance dans le tunnel et le DJJX 30156 qui a échoué à l’essai de compression en queue de wagon – ont chacun subi une défaillance structurale dans une zone semblable du côté gauche du bout A de chaque wagon.

    2.6 Modélisation par éléments finis

    Compte tenu de la présence de défectuosités qui compromettaient l’intégrité structurale du wagon DJJX 30478, un modèle d’éléments finis (FEM) de la plateforme du wagon-tombereau baignoire a été construit et analysé afin de comprendre le type et l’ampleur des charges qui agissaient sur le wagon au moment de l’accident.

    À dessein, les charges de compression et de traction s’exerçant sur les wagons-tombereaux baignoires sont transmises de la longrine tronquée et de la traverse pivot à la plaque de cisaillement, puis de la plaque de cisaillement aux brancards. Pendant l’exploitation du train, les brancards transfèrent les charges de compression et de traction d’un bout à l’autre du wagon.

    Bien que plusieurs forces agissaient sur le wagon au moment de l’accident, l’analyse de défaillance par le FEM a permis de déterminer que, lorsque la plateforme du bout A du wagon DJJX 30478 a été soumise à la force de compression s’exerçant sur le train, un couple important a été produit à droite de la ligne de rupture de la plateforme du bout A. Cela a causé une torsion ou une rotation de la structure de la plateforme du bout A vers l’intérieur, ce qui concordait avec les constatations faites sur les lieux et avec l’examen de l’épave du wagon.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La modélisation par éléments finis et l’analyse de défaillance ont permis de confirmer que, compte tenu de la présence de défectuosités qui compromettaient l’intégrité structurale du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, la force de compression le long du train s’exerçant sur le wagon a causé la défaillance structurale du bout A, qui a mené à la séquence de déraillement.

    2.6.1 Ampleur de la force de compression qui a contribué à la défaillance structurale

    Compte tenu de l’importance des défectuosités liées à la structure constatées sur le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, on a également utilisé le FEM pour estimer l’ampleur de la force de compression sous laquelle la structure pouvait se rompre.

    Une modélisation des structures de bout du wagon DJJX 30156, de même conception que le wagon DJJX 30478, a également été réalisée, et ses résultats étaient cohérents avec ceux des essais de compression en queue de wagon (628 kips) du CNRC, ce qui a permis de valider l’exactitude du FEM.

    Il n’a pas été possible de construire un FEM pour la structure de la plateforme du bout A du wagon DJJX 30478, parce qu’une grande partie de celle-ci n’a pas été récupérée, de sorte que l’état exact des défectuosités qui étaient présentes n’a pas pu être établi. Toutefois, un FEM pour la structure de la plateforme du bout B du wagon DJJX 30478 a été construit sur la base de l’état constaté du wagon et des défectuosités présentes après le déraillement. L’analyse du FEM a permis de déterminer que le flambage de la plaque de cisaillement du bout B du wagon DJJX 30478 se serait produit avec une force de compression appliquée d’environ 410 kips.

    Bien que l’approbation de la conception originale du wagon ait été subordonnée à la démonstration qu’il satisfaisait à la norme de l’ARR en matière d’essai de charge de compression de 1000 kips (1 000 000 livres-force), l’analyse de défaillance par FEM du bout B intact du wagon DJJX 30478 à l’étude a indiqué que la défaillance structurale pouvait se produire à environ 410 kips. En comparaison avec la conception originale du wagon, cela représente une réduction considérable (environ 59 %) de la résistance globale du wagon en raison de la présence des défectuosités liées à la structure relevées au bout B du wagon DJJX 30478.

    Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    L’analyse de défaillance par FEM du bout B intact du wagon DJJX 30478 a permis de calculer qu’une défaillance structurale se produirait lorsque le wagon serait soumis à une force de compression d’environ 410 kips, ce qui, par rapport à l’exigence de conception de l’AAR de 1000 kips, représente une réduction de 59 % de la résistance nominale du wagon en raison de la présence des défectuosités liées à la structure relevées.

    Étant donné que le bout B du wagon DJJX 30478 est demeuré intact alors que le bout A a subi une défaillance structurale dans le tunnel, la force de compression qui agissait sur le bout A du wagon DJJX 30478 au moment de l’événement devait être inférieure aux forces agissant sur son bout B.

    2.7 Simulations des forces dynamiques

    Au départ de Sarnia, le train avait été formé en plaçant un lot de wagons porte-automobiles plus légers, chargés et munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon à longue course, de la 70e à la 97e position. Étant donné que la locomotive à TR télécommandée se trouvait entre la 81e et la 82e position, elle était précédée par 12 wagons porte-automobiles chargés plus légèrement et suivie par 17 autres wagons porte-automobiles chargés plus légèrement. Les autres wagons de queue du train (de la 98e à la 140e position) étaient principalement des wagons lourdement chargés. Les derniers 25 % de la longueur du train représentaient 31,1 % de son tonnage, ce qui faisait en sorte qu’il était à la limite de l’excès de poids en queue.

    L’examen des lieux a permis de déterminer que le wagon DJJX 30478 (53e position) avait été le premier à dérailler lorsque le bout A du wagon a subi une défaillance structurale sous l’effet des forces de compression exercées le long du train alors que celui-ci traversait le tunnel. Le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 était dans un état de détérioration au moment de l’événement et, par conséquent, n’a pas pu supporter les forces de compression exercées le long du train.

    Afin de déterminer l’ampleur des forces de compression longitudinales maximales agissant sur le bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position), le laboratoire du BST a effectué une série de simulations des forces dynamiques du train. On a utilisé le logiciel Train Energy Dynamic Simulation (TEDS) pour évaluer les forces exercées le long du train et qui sont associées à l’exploitation du train à l’étude, ainsi que d’autres configurations et options de conduite du train. On a calculé que la force de compression maximale s’exerçant sur le train au niveau du premier wagon déraillé (DJJX 30478) immédiatement avant le freinage d’urgence déclenché par la conduite générale était d’environ 388 kips.

    Le bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position) s’est donc affaissé et s’est rompu en raison de sa détérioration lorsqu’il a été soumis à une force de compression pouvant atteindre approximativement 388 kips, ce qui représentait une réduction d’environ 61 % de la résistance nominale d’origine du wagon.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    La simulation des forces dynamiques a permis de déterminer que le bout A du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 s’est affaissé et s’est rompu dans le tunnel lorsqu’il a été soumis à une force de compression pouvant atteindre approximativement 388 kips, ce qui représente une réduction de 61 % de sa résistance nominale d’origine en raison de sa détérioration.

    2.7.1 Positionnement des wagons porte-automobiles dans le train

    Selon le Train Make-Up Manual de l’AAR, les wagons munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon font augmenter le jeu des attelages et peuvent accroître de manière considérable les forces exercées le long du train. En général, les rames de wagons vides munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon ne devraient pas être placées devant de longues rames de wagons chargés munis d’appareils de traction standard pour les trains exploités sur la voie principale.

    Bien que le train au départ de Sarnia ait été conforme aux lignes directrices actuelles du CN en matière de formation des trains, il était à la limite de l’excès de poids en queue, puisque les derniers 25 % de sa longueur représentaient 31,1 % de son tonnage. De plus, le tonnage en queue de train suivait un lot de 29 wagons porte-automobiles chargés plus légèrement et munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon hydrauliques à longue course.

    Au cours de la simulation des forces dynamiques du groupe de traction de l’événement à l’étude, les forces de compression calculées exercées sur le wagon sont passées de 200 à 388 kips sur une distance d’approximativement 1279 pieds en 22 secondes environ avant qu’un serrage d’urgence des freins à air ne se produise. Le wagon aurait subi une défaillance structurale pendant cet intervalle et aurait probablement parcouru une certaine distance en état de compression avant que les tuyaux à air ne se détachent et ne déclenchent le freinage d’urgence. L’enquête n’a donc pas permis de déterminer la force exacte à laquelle la défaillance structurale s’est produite.

    Toutefois, d’autres simulations des forces dynamiques ont permis de démontrer que le fait de déplacer le lot de 29 wagons porte-automobiles chargés plus légèrement et munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon vers la queue du train à l’étude, et derrière les 31,1 % du tonnage de queue qui avait été ajouté au train à Sarnia, aurait réduit la force de compression maximale s’exerçant sur le wagon DJJX 30478 (53e position) à environ 235 kips.

    Fait établi : Autre

    Les simulations du BST ont permis de calculer que la force de compression exercée sur le wagon à l’étude aurait pu être réduite d’environ 388 kips à 235 kips si le lot de wagons porte-automobiles plus légers avait été placé en queue de train.

    2.7.2 Positionnement de la locomotive à traction répartie télécommandée et conduite du train

    Selon les exigences du CN, la locomotive à TR télécommandée du train qui est parti de Sarnia aurait dû être placée entre la 114e et la 115e position. Toutefois, dans l’événement à l’étude, la locomotive à TR télécommandée du train a été placée entre la 81e et la 82e position.

    Les simulations ont également démontré que, si la locomotive à TR télécommandée du train avait été déplacée entre la 114e et la 115e position, conformément aux lignes directrices du CN, la conduite réelle du train aurait produit une force maximale exercée le long du train légèrement supérieure de 414 kips au wagon DJJX 30478. Si les instructions modifiées du CN relatives à la conduite des trains avaient été suivies, la force maximale s’exerçant sur le train au wagon DJJX 30478 aurait été portée à 426 kips.

    Fait établi : Autre

    Bien que le positionnement de la locomotive à TR télécommandée entre la 81e et la 82e position ne respectait pas les critères de positionnement du CN pour les locomotives à TR télécommandées, cette situation n’a joué aucun rôle dans l’accident.

    En général, le ML a respecté les lignes directrices du CN en matière de conduite des trains lors de l’approche du tunnel et de la descente au fond de celui-ci. Après avoir atteint le fond du tunnel, il a exploité les 3 locomotives de façon synchronisée, conformément aux exigences de l’indicateur no 43 de la subdivision de Strathroy.

    Cette façon de procéder différait légèrement des instructions du CN relatives à la conduite des trains qui avaient été modifiées en octobre 2016 et qui étaient en vigueur au moment de l’accident. La modification apportée aux instructions relatives à la conduite des trains exigeait que le manipulateur de la locomotive à TR télécommandée soit à la position de ralenti ou à une position inférieure de 2 crans à celle des locomotives de tête, pendant que ces dernières gravissaient la pente.

    Dans l’événement à l’étude, la conduite réelle du train aurait pu générer une force de compression maximale le long du train estimée de 388 kips. Toutefois, pour le train à l’étude, si le ML avait suivi les exigences modifiées du CN en matière de conduite des trains en vigueur au moment de l’accident, cela aurait pu se traduire par une force maximale estimée s’exerçant sur le train de 420 kips au wagon DJJX 30478.

    Fait établi : Autre

    Bien que la conduite du train à l’étude ait différé des instructions du CN relatives à la conduite des trains dans le tunnel, elle n’a joué aucun rôle dans l’accident.

    2.8 Transition du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 du transport de charbon au transport de ferrailles d’acier

    Avant la création des wagons-tombereaux baignoires, on avait recours à des wagons-tombereaux à fond plat pour transporter les matières premières. Ces wagons étaient chargés et déchargés à partir de la partie supérieure ouverte par des moyens mécaniques tels que des pelles rétrocaveuses. Les wagons-tombereaux à fond plat possèdent une longrine centrale continue qui s’étend sur toute leur longueur, de lourdes traverses pivots en acier et des armatures de brancard en acier qui fixent la longrine centrale aux brancards, ainsi qu’un plancher lourd fixé au châssis. Le châssis et le plancher constituaient une plateforme robuste pour le chargement en vrac, mais ils ajoutaient également un poids considérable au wagon, ce qui limitait la quantité de chargement pouvant être transportée.

    En 1973, le modèle de wagon-tombereau baignoire a fait son apparition dans l’industrie ferroviaire. Ce wagon plus léger avait été spécifiquement conçu pour le chargement uniforme de produits granulaires en vrac comme le charbon. Dans la conception du wagon-tombereau baignoire, les forces longitudinales le long du train exercées sur la longrine centrale tronquée du wagon sont transmises par la plaque de cisaillement et les brancards sur toute la longueur du wagon jusqu’à l’autre extrémité, ce qui permet de contourner la tôle inférieure à courbure parabolique et d’éliminer le besoin d’un châssis classique. Tels qu’ils avaient été conçus à l’origine, les wagons étaient également munis de barres transversales de renfort (2 supérieures et 2 inférieures) qui étaient fixées aux brancards et aux membrures supérieures de l’intérieur du wagon pour assurer la stabilité latérale.

    Lorsque le wagon était chargé de charbon, le chargement granulaire était réparti de manière égale dans le wagon et la pression exercée par le chargement stabilisait la tôle inférieure de sorte qu’il n’était pas nécessaire de la renforcer. L’absence d’un châssis entièrement en acier a permis d'obtenir un wagon plus léger dont la capacité de charge était de 5 tonnes supérieure à celle des wagons-tombereaux à fond plat.

    Le wagon-tombereau construit par Berwick Forge, qui a subi une défaillance dans le tunnel, avait servi initialement au transport du charbon pendant environ 34 ans. En 2012, le wagon avait été retiré du service de transport de charbon et acheté par le David J. Joseph Company Rail Equipment Group (DJJ Co.), dans le cadre d’un achat plus important de 1650 wagons semblables destinés au transport de ferrailles d’acier, puis il a été renuméroté DJJX 30478.

    Étant donné que les wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge étaient munis à l’origine de barres transversales qui entravaient le chargement des ferrailles d’acier, DJJ Co. a reçu l’approbation de l’AAR pour procéder à une modification; les 1650 wagons ont été modifiés en remplaçant les 4 barres transversales de renfort par 2 grands profilés en U en acier mécanosoudés à l’intérieur du wagon pour compenser le changement structurel ainsi qu'en renforçant la tôle inférieure et en la fixant aux brancards et aux tôles latérales du wagon.

    Il n’est pas rare de voir des wagons de ce type et de cet âge qui ont été transformés en wagons d’entretien des voies ou en wagons de transport de ferrailles d’acier, et leur utilisation ne fait l’objet d’aucune restriction de la part de l’industrie. Au 14 août 2019, DJJ Co. comptait au total 1331 wagons baignoires de ce type encore utilisés pour le transport de ferrailles d’acier, dont 692 ont été construites par Berwick Forge.

    Les wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge avaient une conception plus légère qui intégrait une tôle d’acier inférieure à courbure parabolique. Les wagons avaient été construits spécifiquement pour le transport de chargements granulaires. Dès que ces wagons étaient utilisés pour d’autres types d’activités (c.-à-d. le transport de ferrailles d’acier et de traverses de chemin de fer), le chargement n’était plus uniforme et les éléments de structure étaient exposés à une répartition inégale du chargement pour laquelle ils n’avaient pas été conçus.

    L’industrie reconnaît que le transport de ferrailles d’acier, en particulier, est une activité nettement plus exigeante que le transport de chargements granulaires. Les ferrailles d’acier sont chargées à l’aide d’une grue ou d’une pelle rétrocaveuse qui ramasse les matériaux, qui se présentent parfois sous forme de morceaux d’acier détachés et parfois sous forme de plus gros blocs d’acier comprimés, et les laisse tomber dans le wagon. À mesure que le wagon se remplit, les grutiers « tassent » parfois les ferrailles d’acier pour égaliser et comprimer le chargement afin de pouvoir en ajouter davantage. Un processus semblable est utilisé pour décharger l’acier du wagon.

    Dans le cas du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 construit par Berwick Forge, le chargement et le déchargement répétés de ferrailles d’acier ont également entraîné la destruction des éléments de structure que DJJ Co. avait ajoutés à l’intérieur du wagon pour remplacer les barres transversales de renfort, ce qui a contribué à compromettre davantage l’intégrité structurale du wagon.

    Lorsque des modifications structurales internes sont requises pour les wagons de marchandises découverts en service prolongé qui sont affectés à un type de transport pour lequel ils n’ont pas été conçus, il faut tenir compte du processus de chargement et de déchargement du nouveau produit et de la façon dont cela peut nuire à la structure d’origine et à la structure modifiée. Dans ces cas, tout processus d’approbation de modification structurale devrait également inclure une exigence d’inspection périodique de la structure interne et externe du wagon afin de s’assurer qu’il conserve son intégrité structurale. En l’absence d’une telle exigence, les propriétaires de wagons pourraient également prendre l’initiative d’inspecter périodiquement leur matériel roulant modifié pour y déceler d’éventuelles défectuosités liées à la structure.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, construit par Berwick Forge, était utilisé dans le cadre d’un service de transport exigeant pour lequel il n’avait pas été conçu à l'origine. Il n'y avait aucune exigence réglementaire ou de l’industrie relative à l’exécution périodique d’une inspection complète du wagon afin de s’assurer qu’il conserve son intégrité structurale. Par conséquent, son intégrité structurale s’est détériorée et cette détérioration n’a pas été décelée avant l’accident.

    2.9 Échange de wagons de marchandises présentant des défectuosités de structure

    Il y a échange lorsqu’une compagnie de chemin de fer accepte qu’un wagon de marchandises d’une autre compagnie de chemin de fer soit mis en service sur son réseau, à des points d’échange qui comprennent la frontière canado-américaine. Une exploitation ferroviaire efficace et sans heurts entre le Canada et les États-Unis est devenue essentielle à l’économie des deux pays. Par conséquent, les exigences réglementaires du Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises 2014 (Règlement sur la sécurité des wagons), approuvé par TC, et le Code of Federal Regulations (CFR), titre 49, volume 4, partie 215 – Railroad Freight Car Safety Standards (2011) (normes de sécurité des wagons de marchandises) de la FRA des États-Unis sont pratiquement identiques.

    Le Règlement sur la sécurité des wagons du Canada et les normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis établissent les critères de sécurité minimums pour les wagons de marchandises exploités par les compagnies ferroviaires sous réglementation fédérale dans chaque pays. Les règles aussi bien que les normes renferment des dispositions qui permettent le déplacement de wagons de marchandises présentant des défectuosités vers un endroit pour y être réparés. Toutefois, ni le Règlement sur la sécurité des wagons du Canada ni les normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis ne contiennent de limites relatives aux dommages causés à des éléments importants de la structure des wagons de marchandises, comme la déformation de montants latéraux, la rupture de tôles latérales, de tôles de bout et de sections de la tôle inférieure, la cambrure négative du brancard, la déformation des membrures supérieures ou la présence de fissuration et de corrosion importantes.

    De plus, au moment de l’accident, le Field Manual of the AAR Interchange Rules de 2019 (règles d’échange de l’ARR) de l’Association of American Railroads (AAR) régissait l’échange de wagons de marchandises entre les compagnies de chemin de fer. Les règles d’échange de l’AAR sont révisées, améliorées et publiées à nouveau chaque année. Les compagnies de chemin de fer et les propriétaires de wagons acceptent de suivre les règles d’échange de l’AAR et les autres manuels et publications applicables de l’organisation, s’ils exploitent ou possèdent du matériel roulant susceptible d’être échangé.

    2.9.1 Field Manual of the AAR Interchange Rules

    Les règles d’échange de l’AAR de 2019 régissent les questions relatives à l’échange de wagons de marchandises entre les chemins de fer et précisent la responsabilité du coût des réparations des wagons de marchandises en raison de l’usure normale ou de la mise en œuvre d’améliorations de la sécurité conformément aux normes de l’AAR. Les règles précisent les limites critiques qui s’appliquent à toutes les pièces et à tous les états de wagon. Des réparations s’imposent dès que ces limites sont atteintes ou dépassées. En ce qui concerne la structure des wagons-tombereaux baignoires :

    • La règle 57 s’appliquait aux longrines centrales, mais ne contenait aucune information sur les longrines tronquées ou les défectuosités relatives aux longrines tronquées qui nécessitaient une attention particulière.
    • La règle 58 s’appliquait aux brancards, mais ne contenait aucune directive sur les défectuosités relatives aux brancards qui nécessitaient une attention particulière.
    • La règle 89 énonçait les conditions régissant la livraison et l’acceptation des wagons lors des échanges entre les compagnies de chemin de fer. La règle stipulait que l’échange d’un wagon dont les longrines centrales tronquées se prolongeaient au-delà de la traverse pivot et se ramifiaient en 2 brancards ou plus, et dont un brancard était rompu ou courbé sur plus de 1 ½ pouce entre les traverses pivots, était interdit.

    2.9.2 Inspections visuelles et mesures préalables aux essais du Conseil national de recherches Canada

    Les inspections visuelles des wagons-tombereaux baignoires vides DJJX 950782 (1re position) et DJJX 950965 (50e position) construits par ACF, ainsi que du wagon vide DJJX 30156 construit par Berwick Forge (13e position), réalisées par le CNRC avant les essais de compression en queue de wagon, ont permis de relever des dommages importants sur chaque wagon. Chacun des 3 wagons présentait des signes de certains des dommages suivants :

    • déformation de montants latéraux,
    • rupture de tôles latérales, de tôles de bout et de sections de conteneur,
    • cambrure négative du brancard,
    • déformation des membrures supérieures,
    • présence de fissuration et de corrosion importantes.

    Toutefois, aucun des dommages relevés n'était considéré comme étant critique en vertu du Règlement sur la sécurité des wagons du Canada ou des normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis.

    En complément des inspections visuelles, le CNRC a pris des mesures avant et après les essais sur les 3 wagons vides pour vérifier la rectitude des membrures supérieures (cadre) et la courbure (affaissement) des brancards. Dans chaque cas, la courbure du brancard mesurée avant les essais, pour au moins 1 brancard de chaque wagon, dépassait la limite de 1 ½ pouce définie par la règle 89 des règles d’échange (Interchange Rules) de l’AAR. Cela signifie que, techniquement, les wagons-tombereaux baignoires DJJX 950782 (1re position) et DJJX 950965 (50e position) construits par ACF, ainsi que le wagon-tombereau baignoire DJJX 30156 (13e position) construit par Berwick Forge, auraient dû être interdits à l’échange. Étant donné que le wagon DJJX 30478 (53e position) construit par Berwick Forge a subi une défaillance dans le tunnel, mais pas le wagon DJJX 30156 (13e position), il est probable que le wagon DJJX 30478 était en plus mauvais état que les 3 wagons soumis aux essais, mais on l’a quand même laissé en service.

    2.9.3 Échange

    Au moment de sa défaillance dans le tunnel, le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 était dans un état de détérioration grave et présentait un certain nombre de défectuosités préexistantes qui ont contribué à réduire son intégrité structurale. L’examen visuel du wagon a permis de déterminer que les défectuosités n’étaient pas récentes et qu’elles étaient apparues au fil du temps avant l’accident.

    Malgré sa détérioration, le wagon DJJX 30478 se déplaçait fréquemment au Canada, aux États-Unis et entre les deux pays, et il a été échangé 16 fois entre compagnies de chemins de fer au cours des 6 mois précédant l’accident.

    Au cours des 3 mois précédant l’accident, le wagon DJJX 30478 avait fait l’objet de 24 inspections autorisées des wagons réalisées à divers points d’échange du CN, avait été soumis à de nombreuses inspections au défilé et avait traversé plusieurs systèmes de détection en voie, sans qu’aucune défectuosité importante ne soit relevée. Pendant l’année qui a précédé l’accident, le wagon n’avait exigé qu’une maintenance de routine.

    Jusqu’en 2012, l’échange entre compagnies de chemin de fer exigeait que les inspecteurs accrédités de matériel remorqué de la compagnie assurant la conduite inspectent physiquement les wagons de marchandises conformément aux règles d’échange (Interchange Rules) de l’AAR avant de procéder à l’échange. De même, la compagnie de chemin de fer réceptrice demandait à ses inspecteurs accrédités de matériel remorqué d’inspecter les wagons de marchandises conformément aux règles d’échange de l’AAR avant d’accepter leur mise en service. Au cours de ces inspections d’échange, les wagons de marchandises qui présentaient des défectuosités considérées comme étant critiques par l’AAR se voyaient interdits d’échange.

    Cependant, en 2012, le Règlement sur la sécurité des wagons du Canada a été modifié et aux termes de cette modification, il n’était plus requis de procéder à une inspection d’échange à un point d’échange ou au moment de traverser la frontière. L'inspection d'échange a été remplacée par une inspection de sécurité effectuée conformément au Règlement sur la sécurité des wagons du Canada ou aux normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis.

    Au moins 1 brancard de chacun des 3 wagons-tombereaux baignoires présentait une cambrure négative supérieure à la limite définie par la règle 89 des règles d’échange (Interchange Rules) de l’AAR (1 ½ pouce). Il est probable que le wagon DJJX 30478 était en plus mauvais état que les 3 wagons-tombereaux baignoires ayant fait l'objet d'essais. Dans ces 4 cas, si une inspection d’échange avait été effectuée, les wagons se seraient probablement vus interdits d’échange en raison d’une cambrure négative excessive des brancards. Cependant, les inspections d’échange des wagons de marchandises de l’AAR ne s’appliquaient plus parce qu’elles avaient été remplacées par des inspections de sécurité qui ne considéraient pas la cambrure négative du brancard comme une défectuosité relative à la sécurité.

    Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Quatre des wagons-tombereaux baignoires DJJX du train présentaient de nombreuses défectuosités de structure, notamment une cambrure négative du brancard dépassant la limite de 1 ½ pouce fixée par la règle d’échange 89 de l’AAR. Toutefois, étant donné que ni le Règlement sur la sécurité des wagons approuvé par Transports Canada ni les normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis ne désignent les défectuosités de structure comme des défectuosités relatives à la sécurité, les 4 wagons sont demeurés en service dans un état de détérioration sans faire l’objet de restrictions jusqu’à ce que le wagon DJJX 30478 se rompe dans le tunnel.

    Le règlement et les normes relatifs à la sécurité des wagons de marchandises ne considèrent pas la déformation des montants latéraux, la rupture des tôles latérales, des tôles de bout et des sections de la tôle inférieure, la cambrure négative des brancards, la déformation des membrures supérieures ou la présence de fissuration et de corrosion importantes comme des défectuosités relatives à la sécurité. Cela démontre que le Règlement sur la sécurité des wagons du Canada et les normes de sécurité des wagons de marchandises des États-Unis ne suffisent pas dans tous les cas à assurer l’exploitation sécuritaire des wagons de marchandises.

    Fait établi quant aux risques

    Si le règlement et les normes relatifs à la sécurité des wagons de marchandises ne désignent pas les défectuosités de structure comme des défectuosités relatives à la sécurité, il existe un risque accru qu’un wagon de marchandises vieillissant dans un état de détérioration puisse subir une défaillance structurale en service et causer un déraillement.

    2.10 Universal Machine Language Equipment Register

    À la suite du déraillement d’un train du CN survenu dans le tunnel et de l’examen des 5 wagons-tombereaux baignoires semblables à Port Huron, le CN a effectué une recherche dans le système UMLER (Universal Machine Language Equipment Register) et a trouvé environ 2130 wagons de type et d’âge semblables qui servaient au transport de ferrailles en Amérique du Nord.

    Au 16 septembre 2019, le CN avait inspecté 416 des 2130 wagons recensés à mesure qu’ils arrivaient sur le réseau du CN et constaté que 36 % des wagons (149 sur 416) présentaient des défectuosités d’après les règles d’échange de l’AAR.

    Cependant, il s’est avéré difficile de déterminer avec exactitude le nombre de ces types de wagons qui ont été construits par le même constructeur et qui sont demeurés en service. Bien que le système UMLER contienne des spécifications détaillées pour chaque wagon enregistré, il y a des lacunes dans certains des renseignements consignés. Plus précisément, les champs de données dans le système UMLER peuvent ne pas être consignés de façon cohérente, être confidentiels pour le propriétaire du wagon ou ne pas être consignés du tout.

    L’absence de ces renseignements dans le système UMLER a fait en sorte qu’il a été difficile de déterminer et de localiser de manière cohérente les wagons de marchandises potentiellement défectueux. Par conséquent, il y avait peut-être encore plus que 2130 wagons de ce type et de cet âge qui étaient utilisés pour le transport de ferrailles d’acier dans toute l’Amérique du Nord.

    Fait établi quant aux risques

    Étant donné que certains renseignements sur les wagons dans le système UMLER ne sont pas systématiquement consignés ou affichés pour tous les utilisateurs du système, la capacité de repérer tous les wagons potentiellement défectueux devant faire l’objet d’un rappel pour inspection serait entravée, ce qui accroît le risque que la défaillance d’un composant ou d’une structure d’un de ces wagons cause un accident.

    3.0 Faits établis

    3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

    Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

    1. L’accident s’est produit lorsque le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 (53e position), chargé de ferrailles d’acier, a subi une défaillance structurale et que le côté gauche du bout A du wagon s’est affaissé, ce qui a entraîné le déraillement du wagon dans le tunnel Paul M. Tellier de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada au point milliaire 60,55, à environ 425 pieds à l’est de la frontière internationale entre le Canada et les États-Unis, du côté canadien.
    2. Lorsque le wagon DJJX 30478 s’est affaissé, le bogie du bout A s’est décentré sous le wagon, ce qui a eu pour effet de renverser les 2  rails vers l’extérieur et de faire dérailler les wagons qui suivaient.
    3. Après s’être affaissé, le wagon s’est enfoncé dans la plateforme de voie, et la mâchoire d’attelage du bout A s’est rompue lorsque le train s’est séparé entre l’extrémité arrière du wagon DJTX 30049 (52e position) et le bout A du wagon DJJX 30478 (53e position), ce qui a entraîné le déclenchement du freinage d’urgence provenant de la conduite générale.
    4. Pendant déraillement, la longrine tronquée et l’attelage de l’extrémité arrière du wagon-trémie couvert VTGX 1238 (67e position) ont percuté et perforé le quadrant inférieur gauche du bout B avant de la tête de citerne du wagon-citerne de marchandises dangereuses UTLX 95205 (68e position), ce qui a entraîné le déversement d’environ 12 172 gallons américains (46 076 L) d’acide sulfurique dans le tunnel.
    5. Les défectuosités structurales touchant les plaques de cisaillement, les longrines tronquées, les traverses pivots et les brancards du wagon DJJX 30478 ont eu une incidence négative sur la capacité de ce dernier à transférer les forces exercées le long du train.
    6. Les wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge & Fabricating Corporation avaient été construits avec des plaques de cisaillement plus minces que celles des wagons d’ACF Industries Inc. examinés, ce qui les avait rendus plus susceptibles aux ruptures par flambage, surtout qu’ils avaient été exposés à la corrosion tout au long de leur vie utile, ce qui avait eu pour effet de réduire davantage l’épaisseur des plaques de cisaillement.
    7. La modélisation par éléments finis et l’analyse de défaillance ont permis de confirmer que, compte tenu de la présence de défectuosités qui compromettaient l’intégrité structurale du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, la force de compression le long du train s’exerçant sur le wagon a causé la défaillance structurale du bout A, qui a mené à la séquence de déraillement.
    8. L’analyse de défaillance par modélisation par éléments finis du bout B intact du wagon DJJX 30478 a permis de calculer qu’une défaillance structurale se produirait lorsque le wagon serait soumis à une force de compression d’environ 410 kips, ce qui, par rapport à l’exigence de conception de l’AAR de 1000 kips, représente une réduction de 59 % de la résistance nominale du wagon en raison de la présence des défectuosités liées à la structure relevées.
    9. Étant donné que le bout B du wagon DJJX 30478 est demeuré intact alors que le bout A a subi une défaillance structurale dans le tunnel, la force de compression qui agissait sur le bout A du wagon DJJX 30478 au moment de l’événement devait être inférieure aux forces agissant sur son bout B.
    10. La simulation des forces dynamiques a permis de déterminer que le bout A du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 s’est affaissé et s’est rompu dans le tunnel lorsqu’il a été soumis à une force de compression pouvant atteindre approximativement 388 kips, ce qui représente une réduction de 61 % de sa résistance nominale d’origine en raison de sa détérioration.
    11. Le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478, construit par Berwick Forge & Fabricating Corporation, était utilisé dans le cadre d’un service de transport exigeant pour lequel il n’avait pas été conçu à l'origine. Il n'y avait aucune exigence réglementaire ou de l’industrie relative à l’exécution périodique d’une inspection complète du wagon afin de s’assurer qu’il conserve son intégrité structurale. Par conséquent, son intégrité structurale s’est détériorée et cette détérioration n’a pas été décelée avant l’accident.
    12. Quatre des wagons-tombereaux baignoires DJJX du train présentaient de nombreuses défectuosités de structure, notamment une cambrure négative du brancard dépassant la limite de 1 ½ pouce fixée par la règle d’échange 89 de l’Association of American Railroads. Toutefois, étant donné que ni le Règlement concernant l'inspection et la sécurité des wagons de marchandises approuvé par Transports Canada, ni le Code of Federal Regulations, titre 49, volume 4, partie 215 – Railroad Freight Car Safety Standards de la Federal Railroad Administration des États-Unis ne désignent les défectuosités de structure comme des défectuosités relatives à la sécurité, les 4 wagons sont demeurés en service dans un état de détérioration sans faire l’objet de restrictions jusqu’à ce que le wagon DJJX 30478 se rompe dans le tunnel.

    3.2 Faits établis quant aux risques

    Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

    1. L’absence d’exigence de la compagnie selon laquelle l’équipe de train doit attendre la confirmation qu’il est sécuritaire d’entrer dans un tunnel pour effectuer une inspection du train après un événement mettant en cause des marchandises dangereuses présente un risque que les membres de l’équipe soient exposés inutilement à une situation dangereuse.
    2. Lorsqu'il y a une possibilité que des marchandises dangereuses se déversent dans un tunnel lors d'un déraillement, si les ventilateurs du tunnel soufflent vers des employés qui pénètrent dans le tunnel sans aucune protection respiratoire, il existe un risque accru de conséquences négatives en cas d'exposition aux marchandises dangereuses.
    3. Si une alarme de gaz toxique se déclenche à la suite d’un déraillement mettant en cause des marchandises dangereuses dans un tunnel et si les employés des chemins de fer présument de la source du déclenchement sans obtenir de confirmation supplémentaire, il existe un risque accru qu’un employé soit exposé à des marchandises dangereuses, de même qu’un risque tout aussi élevé qu’il subisse des blessures graves.
    4. Si le règlement et les normes relatifs à la sécurité des wagons de marchandises ne désignent pas les défectuosités de structure comme des défectuosités relatives à la sécurité, il existe un risque accru qu’un wagon de marchandises vieillissant dans un état de détérioration puisse subir une défaillance structurale en service et causer un déraillement.
    5. Étant donné que certains renseignements sur les wagons dans le système Universal Machine Language Equipment Register ne sont pas systématiquement consignés ou affichés pour tous les utilisateurs du système, la capacité de repérer tous les wagons potentiellement défectueux devant faire l’objet d’un rappel pour inspection serait entravée, ce qui accroît le risque que la défaillance d’un composant ou d’une structure d’un de ces wagons cause un accident.

    3.3 Autres faits établis

    Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

    1. La structure de commandement unifié d’intervention d’urgence a bien fonctionné et les mesures mises en place pour protéger les intervenants, le public et l’environnement, dans le cadre des activités d’intervention d’urgence et d’atténuation des conséquences, ont été efficaces.
    2. Des analyses des données récupérées des consignateurs d'événements de locomotive et des journaux d’exploitation de la TR ont permis de confirmer que le freinage d’urgence provenant de la conduite générale s’était déclenché à la suite d’une séparation du train entre les 52e et 53e wagons du côté canadien de la frontière, si bien que le BST a assumé la responsabilité de l’enquête sur l’accident.
    3. Les équipes déployées par le BST et le NTSB ont collaboré de façon transparente et efficace pour accomplir les diverses tâches liées à l’enquête de part et d’autre de la frontière, et ce, dans des circonstances parfois difficiles.
    4. Les simulations du BST ont permis de calculer que la force de compression exercée sur le wagon à l’étude aurait pu être réduite d’environ 388 kips à 235 kips si le lot de wagons porte-automobiles plus légers avait été placé en queue du train.
    5. Bien que le positionnement de la locomotive à traction répartie télécommandée entre la 81e et la 82e position ne respectait pas les critères de positionnement du CN pour les locomotives à traction répartie télécommandées, cette situation n’a joué aucun rôle dans l’accident.
    6. Bien que la conduite du train à l’étude ait différé des instructions du CN relative à la conduite des trains dans le tunnel, elle n’a joué aucun rôle dans l’accident.

    4.0 Mesures de sécurité

    4.1 Mesures de sécurité prises

    4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada

    À la suite de cet accident, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a émis les avis de sécurité ferroviaire (ASF) 08/19 et 06/20 à l’intention de Transports Canada (TC). En outre, les ASF 09/19 et 07/20 ont été émises à TC et à la Federal Railroad Administration (FRA).

    4.1.1.1 Avis de sécurité ferroviaire 08/19 – Inspection d’un train de marchandises dangereuses après un déraillement dans un tunnel

    Le 19 août 2019, le BST a émis l’ASF 08/19. L’ASF souligne qu’après le déraillement, l’équipe a suivi les procédures d’urgence de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) qui étaient en vigueur au moment de l’accident. Le chef de train est entré dans le tunnel pour inspecter le train tandis que le mécanicien de locomotive et le chef de train adjoint restaient dans la cabine de la locomotive. Environ 10 minutes plus tard, le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) a informé l’équipe de train qu'une alarme de gaz toxique dans le tunnel s’était déclenchée et leur a demandé de ne pas entrer dans le tunnel. Bien que le chef de train ignorait que l’alarme de gaz toxique s’était déclenchée lorsqu’il est entré dans le tunnel, il en est ressorti sans blessure.

    L’ASF mentionne que le CN n’avait pas de consignes ni de lignes directrices particulières indiquant qu’une équipe de train devait attendre que le CCF confirme qu’il était sécuritaire d’entrer dans un tunnel (ou une autre installation similaire) avant de procéder à l’inspection d’un train après un déraillement. En outre, l’ASF avançait que TC pourrait souhaiter veiller à ce que les compagnies ferroviaires intègrent dans leurs procédures d’urgence des consignes ou lignes directrices particulières sur les inspections de train après un déraillement dans un tunnel lorsque des marchandises dangereuses sont en cause.

    4.1.1.2 Avis de sécurité ferroviaire 09/19 – Wagons-tombereaux baignoires potentiellement défectueux affectés au transport de ferrailles

    Le 16 septembre 2019, le BST a émis l’ASF 09/19. L’ASF indiquait que le bout A du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 semblait avoir subi une défaillance structurale lorsqu’il avait été soumis à des forces de compression élevées exercées le long du train pendant qu’il traversait le tunnel. Un examen détaillé du wagon avait révélé un certain nombre de défectuosités préexistantes, comme de la corrosion et des fissures d’une longueur allant jusqu’à 24 pouces dans les soudures qui unissaient la plaque de cisaillement du bout A avec la longrine tronquée, la traverse pivot et les brancards.

    Le wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 avait été construit en 1978 par Berwick Forge & Fabricating Corporation (Berwick Forge), entreprise qui n’existe plus. Le wagon avait initialement été conçu pour le transport de matières premières, soit le charbon et le soufre, et utilisé à cette fin. En 2012, il avait été acquis par la David J. Joseph Company (DJJ Company) et affecté au service plus agressif de transport de ferrailles.

    Après le déraillement, le CN a effectué une recherche dans le système UMLER (Universal Machine Language Equipment Register) et a trouvé quelque 2130 wagons d’âge et de type semblables qui servaient au transport de ferrailles en Amérique du Nord. Le CN a inspecté 416 des 2130 wagons à mesure qu’ils arrivaient sur son réseau et a constaté que 149 de ces 416 wagons (36 %) présentaient des défectuosités.

    L’ASF indique que les wagons-tombereaux baignoires munis d’une longrine tronquée construits à la fin des années 1970 et au début des années 1980 pourraient être susceptibles de subir des défaillances structurales, en particulier s’ils sont soumis à des forces de compression élevées exercées le long du train. L’ASF avançait que TC et la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis pourraient souhaiter s’assurer que les compagnies de chemin de fer et les propriétaires de wagons aient des procédures en place pour identifier, inspecter et réparer les wagons-tombereaux baignoires qui sont munis de longrines tronquées, en particulier ceux qui ont été construits à la fin des années 1970 et au début des années 1980 et qui servent au transport de ferrailles.

    4.1.1.3 Avis de sécurité ferroviaire 06/20 – Gestion des forces exercées le long des trains

    Le 11 septembre 2020, le BST a émis l’ASF 06/20. L’ASF indiquait que le train comprenait 2 locomotives de tête, 1 locomotive à traction répartie (TR) télécommandée en milieu de train (entre les 81e et 82e positions) et 140 wagons (125 chargés, 12 vides et 3 de résidus). Le train mesurait 9541 pieds de long et pesait 15 674 tonnes. Il comprenait un lot de wagons porte-automobiles chargés plus légers et munis d’appareils amortisseurs en bout de wagon à longue course, situés en amont et en aval de la locomotive à TR télécommandée (de la 70e à la 97e position), suivis principalement par des wagons lourdement chargés en queue de train (de la 98e à la 140e position).

    Dans l’événement à l’étude, le bout A du wagon-tombereau baignoire DJJX 30478 semblait avoir subi une défaillance structurale lorsqu’il avait été soumis à des forces de compression élevées exercées le long du train pendant qu’il traversait le tunnel. Afin de déterminer l’ampleur des forces de compression longitudinales agissant sur le bout A avant du wagon, le Laboratoire du BST a réalisé une série de simulations de la dynamique des trains à l’aide du logiciel Train Energy and Dynamics Simulator (TEDS). Ces simulations ont donné les résultats suivants :

    • Dans le cas du train à l’étude, la force de compression longitudinale prévue s’exerçant au bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position) immédiatement avant le freinage d’urgence déclenché par la conduite principale était d’environ 388 kipsNote de bas de page 38.
    • Lorsque les wagons porte-automobiles étaient déplacés en queue de train à partir de leur position initiale qui se trouvait devant et derrière la locomotive à TR télécommandée, la force de compression maximale prévue s’exerçant le long du train au bout A avant du wagon DJJX 30478 (53e position) était considérablement réduite, à environ 235 kips.

    L’ASF soulignait que, malgré la mise en œuvre des règles opérationnelles sur la formation des trains de la compagnie, le CN continuait d’éprouver des difficultés à gérer de façon uniforme et sécuritaire les forces exercées le long des trains. L’ASF avançait que TC pourrait vouloir s’assurer que toutes les compagnies ferroviaires mettent en place des pratiques adéquates pour gérer efficacement les forces exercées le long des trains.

    4.1.1.4 Avis de sécurité ferroviaire 07/20 – Problèmes structurels sur les wagons-tombereaux baignoires fabriqués par Berwick Forge & Fabricating Corporation

    Le 11 septembre 2020, le BST a émis l’ASF 08/19. L’ASF indiquait que la spécification M-1001 du Manual of Standards and Recommended Practices (MSRP) de l’Association of American Railroads (AAR) énonce les exigences minimales pour la conception et la construction de nouveaux wagons de marchandises destinés à être exploités au Canada et aux États-Unis. Les wagons de marchandises construits après le 1er juillet 1974 sont qualifiés pour une durée de service de 50 ans sans nécessité de nouvelle qualification, à condition qu’ils répondent aux critères de conception de l’AAR, qui comprennent des essais de compression en queue de wagon.Note de bas de page 39

    Étant donné que les wagons étaient qualifiés pour une durée de service de 50 ans, le BST a retenu les services du Conseil national de recherches Canada (CNRC) pour effectuer des essais de compression en queue de wagon sur 3 des 5 wagons-tombereaux baignoires qui ont été retirés de la tête du train après le déraillement. Deux des 3 wagons-tombereaux soumis aux essais avaient été construits par ACF Industries Inc. (ACF), tandis que le 3e wagon (DJJX 30156) avait été construit par Berwick Forge et était un wagon de même conception que le wagon DJJX 30478, qui s’est rompu dans le tunnel.

    Les 2 wagons-tombereaux baignoires construits par ACF (1re et 50e positions) ont chacun réussi l’essai. Cependant, le wagon DJJX 30156 (construit par Berwick Forge) a subi une défaillance structurale à environ 628 000 livres-force au cours de la première application de force. Par conséquent, l’essai n’a pas pu être répété. Le graphique de déplacement de la force pour l’essai présentait un changement de courbe à environ 450 000 livres-force, ce qui indique que la structure du wagon DJJX 30156 avait cédé se comportait de façon non élastique avant la rupture.

    Les 2 wagons-tombereaux baignoires construits par Berwick Forge – le DJJX 30478 qui a connu une défaillance dans le tunnel et le DJJX 30156 qui a échoué à l’essai de compression en queue de wagon – ont chacun subi une défaillance structurale du côté gauche du bout A du wagon. Les plaques de cisaillement des bouts A et B des 2 wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge étaient détériorées par la corrosion. Les mesures de l’épaisseur du matériau des plaques de cisaillement enregistrées pour les 2 wagons ont permis de déterminer que le matériau des plaques de cisaillement présentait des réductions d’épaisseur allant de 33 % à 77 % aux endroits les plus minces.

    L’ASF indiquait qu’il était probable que la détérioration par la corrosion des plaques de cisaillement des wagons-tombereaux baignoires construits par Berwick Forge ait considérablement réduit la résistance de ces wagons aux charges en compression. Bien que les wagons aient été qualifiés par l’AAR pour une durée de service de 50 ans à partir de la construction (1978), la détérioration constatée dans des zones critiques des plaques de cisaillement ont rendu ces wagons susceptibles de subir une défaillance structurale avant qu’ils n’atteignent la fin de leur durée de vie estimée. L’ASF avançait que les organismes de réglementation de l’industrie pourraient vouloir veiller à identifier, à localiser et à examiner tous les wagons-tombereaux baignoires construits par Berwick Forge qui sont en service en Amérique du Nord afin d’assurer la sécurité continue de l’exploitation ferroviaire.

    4.1.2 Transports Canada

    4.1.2.1 Inspection d’un train de marchandises dangereuses après un déraillement dans un tunnel

    En réponse à l’ASF 08/19 du BST, le 5 février 2021, TC a fourni les renseignements suivants :

    • TC a fait remarquer qu’en vertu de la partie II du Code canadien du travail, les compagnies de chemin de fer sont responsables de la santé et de la sécurité de leurs employés en cas d’urgence.
    • TC a résumé certaines des mesures prises par le CN et estimait que celles-ci répondaient au problème soulevé dans l’ASF 08/19.
    • TC a fait remarquer qu’il est responsable de la surveillance de la partie II du Code canadien du travail pour les employés ferroviaires itinérants. Par conséquent, au nom du ministre du Travail, TC écrira aux compagnies de chemin de fer pour les informer de cet événement afin qu’elles puissent procéder à une vérification du matériel roulant et à un examen des procédures d’exploitation des autres tunnels de leur réseau pour s’assurer que les mesures de sécurité appropriées sont en place.
    • En février 2021, TC a écrit à l’Association des chemins de fer du Canada et à la Western Canadian Short Line Railway Association pour décrire l’événement à l’étude et souligner que, bien qu’aucun employé des chemins de fer n’ait été blessé lors de cet événement, celui-ci avait mis en lumière les risques encourus par les employés qui effectuent des inspections de trains dans les tunnels. TC a recommandé que les compagnies de chemin de fer canadiennes prennent note de ce risque possible et veillent à ce que leur matériel roulant, leurs procédures et leurs instructions soient examinés et mis à jour, au besoin, afin d’assurer la sécurité des employés.
    4.1.2.2 Wagons-tombereaux baignoires potentiellement défectueux affectés au transport de ferrailles

    En réponse aux ASF 09/19 et 07/20 du BST, le 9 novembre 2020, TC a indiqué ce qui suit :

    • TC avait été en communication régulière avec l’AAR au sujet des questions mentionnées dans les 2 ASF.
    •  L’AAR a informé TC qu’en date du 20 octobre 2020, 1174 des 1650 wagons visés par l’avis d’entretien (Maintenance Advisory) MA-0188, ce qui représente un peu plus de 70 % du nombre total de wagons visés dans l’avis, avaient vu leur avis être clos.
    • TC continuait de faire un suivi auprès de l’AAR pour s’assurer que les progrès se poursuivaient et que tous les wagons visés par le MA-0188 étaient inspectés.
    • À la suite de la publication du MA-0188, le préavis d’alerte (Early Warning, EW) 5344 relatif à l’inspection des wagons-tombereaux baignoires a été créé. En juin 2021, Railinc et l’AAR ont apporté des modifications au système d’application du préavis d’alerte et ce problème est désormais couvert par le nouveau système d’avis sur le matériel roulant ― instruction sur le matériel roulant (Equipment Instruction, EI) 0017. En octobre 2022, l’EI avait été levée pour 975 des 1266 wagons actuellement visés par l’EI 0017. Pour lever l’EI, la compagnie de chemin de fer ou le propriétaire du wagon aurait procédé à une inspection et déterminé que le wagon ne présentait aucun problème de structure, que les problèmes constatés avaient été corrigés ou que le wagon avait été mis à la ferraille.

    4.1.3 Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

    En réponse à l’ASF 08/19 du BST, le 24 septembre 2019, CN a fourni les renseignements suivants :

    • Le tunnel est doté de capteurs qui surveillent la présence de gaz toxiques. Outre la surveillance des gaz, les capteurs sont également conçus pour envoyer un signal d’alarme lorsqu’ils se désactivent à la suite de dommages qui rendent l’équipement non fonctionnel.
    • Les indications relatives aux lumières et aux ventilateurs du tunnel affichées sur l'écran du CCF ne fournissent qu’une indication visuelle de l’activation de ces systèmes par le CCF et ne fournissent aucune rétroaction sur une quelconque défaillance du système.
    • Le CN a mis en place des procédures de CCF et des instructions de l'indicateur à l’intention des employés des transports concernant les urgences survenant dans le tunnel de Sarnia. Depuis cet accident, le CN revoit ses procédures et la conception du système d’alarme et apportera les améliorations jugées nécessaires.
    • Après le déraillement, à titre de mesure provisoire, le CN a publié un bulletin d’exploitation qui indiquait aux membres de l’équipe le nom des personnes à contacter et les mesures à prendre en cas de panne du mouvement à l’intérieur du tunnel.
    • En novembre 2020, le CN avait installé des alarmes visuelles et sonores permanentes dans les portails du tunnel, qui avertiront les employés de la présence de gaz toxiques. Le CN a également mis à jour ses instructions de l’indicateur pour refléter l’installation et le fonctionnement de cet équipement.
    • Le 1er novembre 2020, le CN a publié le bulletin sommaire novembre 2020 – avril 2021 en vertu de la règle 83 (c), bulletin qui comprenait la subdivision de Strathroy. Le bulletin renfermait de nouvelles procédures d’urgence à suivre en cas d’urgence dans le tunnel : [traduction]

      Lorsqu’un mouvement est immobilisé par un serrage d’urgence des freins à air à l’entrée ou à la sortie du tunnel, un employé doit lancer un appel d’urgence, en donnant l’identification et l’emplacement, indiquant que le mouvement s’est arrêté par mesure d’urgence.

      Les membres de l’équipe à bord du train en panne dans le tunnel doivent communiquer immédiatement avec le CCF et suivre les instructions qui leur sont transmises. Ne pas entrer dans le tunnel avant que le CCF ne confirme qu’il est sécuritaire de le faire. À l'intérieur du tunnel, communiquer de façon fréquente avec le mécanicien de locomotive ou le CCF. Si les communications radio tombent en panne ou se brouillent, sortir immédiatement du tunnel.

    • Après le déraillement, le CN a effectué une recherche dans le système UMLER et a trouvé quelque 2130 wagons d’âge et de type semblables qui servaient au transport de ferrailles en Amérique du Nord. Le CN a inspecté 416 des 2130 wagons à mesure qu’ils arrivaient sur son réseau et a relevé des défectuosités sur 149 de ces 416 wagons (36 %).

    4.1.4 Association of American Railroads

    4.1.4.1 Avis d’entretien 0188 (MA-0188) de l’AAR – Inspection des wagons-tombereaux baignoires

    Le 12 décembre 2019, l'AAR publie le MA-0188, qui exigeait l’inspection des wagons-tombereaux baignoires répertoriés. Les wagons devaient être arrêtés une fois vides et leurs brancards devaient faire l’objet d’une inspection pour déceler la présence de fissures et d’affaissement.

    Le MA-0188 soulignait que l’industrie ferroviaire avait récemment été confrontée à de nombreuses défaillances de wagons-tombereaux baignoires munis de longrines tronquées présentant un profil en V distinctif à chaque extrémité.

    Deux types de défaillances s’étaient produites. Premièrement, des fissures qui se sont formées à l'intérieur de la traverse pivot sur le brancard latéral se sont propagées, ce qui a entraîné la séparation de l’extrémité du reste du wagon. Deuxièmement, des wagons de ce type ont subi un affaissement des brancards, ce qui a conduit à l’effondrement de la caisse.

    Le comité technique du matériel roulant (Equipment Engineering Committee) de l’AAR a réclamé un avis d’entretien exigeant l’inspection obligatoire de ces wagons pour déceler les fissures et les affaissements. Les propriétaires des wagons devront assumer les frais d’inspection et les wagons devront être inspectés de nouveau tous les 2 ans.

    4.1.4.2 Préavis d'alerte (Early Warning) 5183 de l’AAR (EW-5344) – MA-0188 élevé à EW-5344 : Inspection des wagons-tombereaux baignoires

    Le 12 décembre 2020, l’AAR a fait passer le MA-0188 à l’état de préavis d’alerte en émettant le EW-5344 à l’intention de l’industrie ferroviaire. En substance, le EW-5344 maintient et prolonge les mêmes critères d’inspection pour les wagons-tombereaux baignoires suspects mentionnés dans le MA-0188.

    4.1.4.3 Avis d’entretien 0198 (MA-0198) de l’AAR – Inspection des wagons-tombereaux baignoires

    Le 2 avril 2021, l’AAR publie le MA-0198. Cet avis d’entretien fait suite au MA-0188 et au EW-5344 et présente le même contenu et les mêmes lignes directrices concernant l’inspection. Le MA-0188 avait été élevé à l’état de préavis d’alerte dans le cadre du EW-5344, et un peu plus de 400 wagons qui n'avaient pas encore été inspectés étaient passés à l'état de préavis d’alerte. Les autres wagons qui n’ont pas été inspectés, soit environ 280 wagons maintenant, ont été inclus dans cet avis, avec d’autres wagons que l’AAR a récemment jugé être de la même construction. Cet avis d’entretien a demeuré en vigueur jusqu’à la mise en œuvre d’un nouveau système d’avis.

    En juin 2021, les systèmes d’avis d’entretien et de préavis d’alerte de Railinc ont été remplacés par un système d’avis sur le matériel roulant plus avancé. Les wagons de Berwick-Forge ont été transférés à l’instruction sur le matériel roulant El-0017 et doivent être inspectés tous les 2 ans. Les wagons figurant sur la liste font automatiquement l’objet d’une interdiction d’échange en vertu du Field Manual of the AAR Interchange Rules (règles d’échange de l’AAR), à moins d’avoir été inspectés dans le délai de 2 ans et d’avoir été déclarés exempts des défectuosités mentionnées. Le processus se répétera tous les 2 ans pour chaque wagon figurant sur la liste.

    Le comité technique du matériel roulant (Equipment Engineering Committee) de l’AAR a recensé ces wagons et a élaboré une stratégie visant à les faire inspecter conformément aux avis d’entretiens, aux préavis d’alerte et à l’actuelle El-0017. Certains de ces wagons ont été désignés comme matériel d’entretien de la voie et ne sont donc pas autorisés à être utilisés en service d’échange. Beaucoup d’entre eux ont atteint les 50 ans de service et ont été retirés de la circulation. Des centaines de ces wagons ont été mis à la ferraille.

    4.1.4.4 Field Manual of the AAR Interchange Rules 2020

    Les règles du Field Manual of the AAR Interchange Rules de 2020 régissant les longrines centrales, les longrines de traction, les supports d’attelage et les brancards ont été révisées comme suit [traduction] :

    Règle 57 – Longrines centrales, longrines de traction et supports d’attelage

    A. Motif d’attention

    1. En tout temps :
      1. Longrine rompue
      2. Longrine fissurée sur une longueur de 6 pouces ou plus, ou toute longueur de fissure se propageant dans la semelle inférieure
      3. Longrine déformée ou gauchie de façon permanente sur plus de 2,5 pouces par longueur de 6 pieds
      4. Supports d'attelage rompus, fissurés ou manquants
    2. Lorsque le wagon est en atelier ou sur une voie de réparation, pour toute raison
      1. Longrine fissurée sur une longueur de 2 pouces ou plus
      2. Rainures atteignant une profondeur de 25 % ou plus sur la bride rompue de la longrine
      3. Support d’attelage déformé

    Règle 58 – Brancards

    A. Motif d’attention

    1. En tout temps :
      1. Rompus
      2. Fissurés sur une longueur de 6 pouces ou plus
      3. Déformés ou gauchis de façon permanente sur plus de 2,5 pouces par longueur de 6 pieds

    Brancard des wagons à longrine tronquée

      1. Toute fissure qui s’est prolongée dans l’âme verticale du brancard
      2. Affaissement de 1 ½ pouce ou plus, peu importe sur quelle longueur, sur un wagon vide
    1. Lorsque le wagon est en atelier ou sur une voie de réparation, pour toute raison
      1. Rainures atteignant une profondeur de 25 % ou plus sur la bride rompue du brancard
      2. Fissuré sur une longueur de 2 pouces ou plusNote de bas de page 40

    Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 18 octobre 2023. Le rapport a été officiellement publié le 18 décembre 2023.

    Annexes

    Annexe A – Marques indiquant l’emplacement du wagon dans le tunnel, consignées le 5 juillet 2019

    Mesurée à partir de la tête est du tunnel Pieds
    Queue du wagon UNPX 122944 (98e position) 225
    Marqueur de 500 pieds dans le tunnel 499
    Marqueur de 1000 pieds dans le tunnel 1000
    Marqueur de 1500 pieds dans le tunnel 1498
    Marqueur de 2000 pieds dans le tunnel 1996
    Avant de la locomotive à traction répartie (TR) (entre la 81e et la 82e position) 2336
    Arrière de la locomotive à TR (entre la 81e et la 82e position) 2407
    Avant du wagon PW 306029 (72e position) 2850
    Zone de transition entre les traverses intactes et détruites. 2915
    Arrière du 70e wagon 2933
    Arrière du 68e wagon (chargement d’acide sulfurique) 2950
    Arrière du 67e wagon 3027
    Arrière du 66e wagon 3118
    Arrière du 66e wagon 3185
    Arrière du 63e wagon 3305
    Arrière du 62e wagon 3367
    Frontière 3385
    Arrière du 61e wagon 3418
    Arrière du 60e wagon 3475
    Marqueur de 3500 pieds dans le tunnel 3488
    Arrière du 59e wagon 3531
    Arrière du 58e wagon 3588
    Arrière du 57e wagon 3644
    Arrière du 56e wagon 3699
    Arrière du 53e wagon 3866
    Marqueur de 4000 pieds dans le tunnel 3988
    Marqueur de 4500 pieds dans le tunnel 4487
    Marqueur de 5000 pieds dans le tunnel 4985
    Marqueur de 5500 pieds dans le tunnel 5483
    Marqueur de 6000 pieds dans le tunnel 5980
    Tête ouest du tunnel 6138

    Annexe B –Code of Federal Regulations, titre 49, volume 4, Partie 215 – Railroad Freight Car Safety Standards (2011) de la Federal Railroad Administration des États-Unis [traduction]

    § 215.13 Inspection avant départ.

    1. À chaque endroit où un wagon de marchandises est placé dans un train, le wagon de marchandises doit être inspecté avant le départ du train. Cette inspection peut être effectuée avant ou après la mise en train du wagon.
    2. À un endroit où un inspecteur désigné en vertu de l’article 215.11 est de service pour inspecter les wagons de marchandises, l’inspection exigée aux termes de l’alinéa (a) du présent article doit être effectuée par cet inspecteur pour déterminer si le wagon est conforme à la présente partie.
    3. À un endroit où une personne désignée en vertu de l’article 215.11 n’est pas en service pour inspecter les wagons de marchandises, l’inspection exigée aux termes de l’alinéa (a) doit, au minimum, être effectuée pour les points énumérés à l’annexe D de la présente partie.
    4. L’exécution de l’inspection prescrite par le présent article ne dégage pas une compagnie de chemin de fer de sa responsabilité en vertu de l’article 215.7 en cas de non-respect de toute autre disposition de la présente partie.

    § 215.121 Caisse de wagon défectueuse.

    Une compagnie de chemin de fer ne peut mettre ni maintenir en service un wagon présentant une des défectuosités suivantes :

    1. Le dégagement entre le dessus des rails et toute partie de la caisse, du bogie ou de leurs accessoires, à l'exception des roues, est inférieur à 2 ½ pouces;
    2. La longrine centrale du wagon est :
      1. rompue;
      2. fissurée sur une longueur de plus de 6 pouces;
      3. déformée ou gauchie de façon permanente sur une longueur de plus de 2 ½ pouces par longueur de 6 pieds.
    3. Un support d’attelage du wagon est :
      1. rompu;
      2. manquant;
      3. sans élasticité et la tête d’attelage est de type F.
    4. Après le 1er décembre 1983, il s’agit d’un wagon couvert dont les portes latérales ne sont pas munies de brides de suspension fonctionnelles, ou l’équivalent, pour les empêcher de se dégager.
    5. La crapaudine du wagon :
      1. est mal fixée;
      2. présente une partie manquante;
      3. est rompue;
      4. présente dans sa partie transversale (épaisseur) au moins deux fissures se prolongeant dans la partie de la crapaudine qui est invisible lorsque le bogie est en place;
    6. Un brancard, une traverse pivot ou une traverse de caisse du wagon est rompu.

    Annexe C – Dossiers d’inspection et de maintenance du wagon DJJX 30478

    Numéro du wagon Compagnie de chemin de fer Date de la réparation Quantité Description de la réparation
    DJJX 30478 ST 2018-06-06 3 Semelle de frein en matière composite à coefficient de frottement élevé de 1 ½ pouce
    DJJX 30478 CSXT 2018-07-18 1 Semelle de frein en matière composite à coefficient de frottement élevé de 1 ½ pouce
    DJJX 30478 CSXT 2018-07-18 1 Clavette de semelle de frein
    DJJX 30478 CSXT 2019-02-21 1 Raccord pour extension de conduites flexibles de frein
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 2 Joint – ou dispositif d’étanchéité de raccord de tuyauterie – distinct
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 2 Potence de flexible de liaison de frein – complet
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 1 Essai des freins à air d’un wagon individuel
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 1 Matériau de remplissage, levier de dételage non télescopique
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 1 Support de montage d’échelle de type B
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 4 Boulon dont le diamètre est inférieur ou égal à 5/8 pouce et dont la longueur est inférieure à 6 pouces.
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 1 Goupille de retenue du boyau
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 4 Boulon dont le diamètre est inférieur ou égal à 5/8 pouce et dont la longueur est inférieure à 6 pouces.
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 1 Autocollant de course de piston de cylindre de frein
    DJJX 30478 CSXT 2019-04-09 1 Autocollant de course de piston de cylindre de frein
    DJJX 30478 CN 2019-05-19 1 Potence de flexible de liaison de frein – complet

    CN : Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada;
    CSXT : CSX Transportation;
    ST : Springfield Terminal Railway.

    Annexe D – Wagons-tombereaux baignoires examinés à Port Huron

    Position Numéro de wagon Code de matériel dans le système UMLER Constructeur Date de construction Type de longrine Charge brute sur rail Service
    1 DJJX 950782 J312 ACF Industries Octobre 1980 Tronquée 263 000 Transport de ferrailles de fer et d’acier
    13 DJJX 30156 E106 Berwick Forge Mars 1978 Tronquée 263 000 Transport de ferrailles de fer et d’acier
    47 DJJX 1576 J302 ACF Industries Mai 1981 Tronquée 263 000 Transport de ferrailles de fer et d’acier
    48 DJJX 882062 J302 ACF Industries Mai 1981 Tronquée 263 000 Transport de ferrailles de fer et d’acier
    50 DJJX 950965 J312 ACF Industries Décembre 1980 Tronquée 263 000 Transport de ferrailles de fer et d’acier
    53 DJJX 30478 E106 Berwick Forge Novembre 1978 Tronquée 263 000 Transport de ferrailles de fer et d’acier

    Annexe E – Modélisation par éléments finis du wagon-tombereau baignoire de Berwick Forge

    L’objectif de la création d’une analyse de modèle d’éléments finis (FEM) était d’estimer la charge de compression sous laquelle la structure de la plateforme de bout du wagon-tombereau baignoire de Berwick Forge & Fabrication Corporation (Berwick Forge) pourrait se rompre en présence de défectuosités liées à la structure.

    En raison de l’absence de dessin détaillé des wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge dans l’événement à l’étude, un modèle de dessin assisté par ordinateur (DAO) a été construit à partir de la mesure des dimensions des principaux éléments structuraux. Le type d’acier utilisé dans la construction du wagon étant inconnu, on a procédé à un examen métallurgique et à des mesures de microdureté. Les résultats indiquaient que le matériau aurait une résistance mécanique à la traction d'environ 102 ksi,Note de bas de page 41 ce qui correspondrait à la catégorie des aciers à haute résistance.

    La limite d’élasticité conventionnelle du matériau n’a pu être déterminée. Étant donné que les principaux éléments structuraux sont soudés ensemble, on a également procédé à un échantillonnage transversal des soudures et à des mesures afin de déterminer le type de soudure utilisé et ses spécifications. Le tableau E1 énumère le type d’acier le plus probable, ses principales propriétés ainsi que les spécifications des soudures utilisées dans la construction des wagons-tombereaux baignoires de Berwick Forge.

    Tableau E1. Propriétés mécaniques de l’acier ordinaire vraisemblablement utilisé dans la construction de la structure de la plateforme du wagon, qui a servi dans le FEM
    Type d’acier ordinaire Indéterminé, mais probablement un acier à haute résistance.
    Résistance mécanique à la traction (ksi) 102
    Module de Young (ksi) 29 000
    Limite d’élasticité conventionnelle (ksi) Indéterminée*
    Spécification des soudures Cordon de 3/8 pouce

    * Bien qu’indéterminée, la limite d’élasticité conventionnelle se situerait dans une fourchette comprise entre 0,65 et 0,90 de la résistance mécanique à la traction de l’acier de construction. (Source : A. Bannister, SINTAP – Structural Integrity Assessment Procedure for European Industry, Brite Euram Project BRPR950024 Final Report, British Steel Swinden Technology Centre, UK [1999]).
    ** Étant donné que l’examen métallurgique n’a pas permis de mettre en évidence une faiblesse dans la soudure qui aurait pu contribuer à la rupture du wagon, la soudure est exclue de l’analyse de défaillance dans le cadre du FEM.

    La construction d’un modèle de DAO complet pour l’ensemble du wagon-tombereau baignoire de Berwick Forge n’était pas possible en raison de l’absence de dessin détaillé, et n’était pas non plus nécessaire, étant donné que les charges de compression et de traction sont principalement supportées par la structure de la plateforme du wagon, qui se compose d’une longrine tronquée, de traverses pivots, de plaques de cisaillement et de brancards. Essentiellement, les charges de compression et de traction sont transmises, par conception, de la longrine tronquée et de la traverse pivot à la plaque de cisaillement, puis de la plaque de cisaillement aux brancards. Les brancards transfèrent les charges de compression et de traction d’une extrémité à l’autre. Par conséquent, seul le modèle de DAO de la structure de la plateforme du wagon a été utilisé pour l’analyse des contraintes sous différentes charges de compression.

    On a généralement recours à un demi-modèle dans le cadre d’un FEM lorsqu’un modèle est symétrique et peut être divisé en 2 moitiés sans que cela ait une incidence sur le résultat de la modélisation. L’avantage que présente l’utilisation d’un demi-modèle est de réduire la puissance de calcul nécessaire.

    Pour le demi-modèle illustré (figure E1), les extrémités de coupe des 2 brancards étaient entièrement contraints (c.-à-d. qu’elles étaient bloquées dans le sens longitudinal et qu’elles ne pouvaient pas être déplacées dans le sens latéral et vertical). Une force de compression (appelée charge de compression dans le modèle) a été appliquée à l’extrémité de la tige, qui a été insérée dans la longrine tronquée, de la même manière que l’on utilise une tige pour appliquer une charge de compression lors d’un essai de charge statique de compression, comme cela a été fait au Conseil national de recherches Canada (CNRC).

    Figure E1. Modèle par éléments finis d’un wagon-tombereau baignoire de Berwick Forge & Fabrication Corporation (Source : BST)
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    Modèle par éléments finis d’un  wagon-tombereau baignoire de Berwick Forge &  Fabrication Corporation  (Source : BST)

    L’analyse de modélisation a été réalisée à l’aide du logiciel Inventor Nastran d’Autodesk. Étant donné que le wagon soumis à l’essai mené au CNRC s’est rompu lors du flambage de la plaque de cisaillement, on a choisi de procéder à une analyse de flambage linéaire pour connaître la charge critique de flambage des wagons. Une charge de compression de 1 000 000 livres-force a été appliquée pour l’ensemble des analyses. Lorsqu’un modèle de wagon se rompt par flambage, l’analyse produit une valeur propre (EIGV), qui est un facteur de la charge appliquée. La charge critique de flambage du wagon est déterminée en multipliant la valeur propre de sortie et la charge de compression appliquée, qui est de 1 000 000 livres-force dans le cas présent. Si la valeur propre de sortie est inférieure à 1, la charge critique de flambage du wagon serait inférieure à 1 000 000 livres, ce qui signifie que le wagon se romprait en présence d’une charge appliquée de moins de 1 000 000 livres. Si la valeur propre de sortie est supérieure à 1, la charge critique de flambage du wagon serait supérieure à 1 000 000 livres, ce qui signifie que le wagon se romprait en présence d’une charge appliquée de plus de 1 000 000 livres.

    Tout d’abord, on a analysé un modèle correspondant à une structure de plateforme intacte de l’extrémité du wagon sans y introduire de défectuosité. Le résultat (figure E2) montre que la valeur propre de sortie (soulignée en rouge) d’un wagon intact est d’environ 1,08. La charge critique de flambage du wagon intact est donc calculée comme étant de 1 080 000 livres-force (c.-à-d. charge critique de flambage = valeur propre ´ charge appliquée = 1,08 ´ 1 000 000 livres-force = 1 080 000 livres), ce qui indique que le modèle d’un wagon intact peut supporter une charge de compression de 1 000 000 livres-force sans défaillance,Note de bas de page 42 et qu’une telle défaillance ne se produirait que lorsque la charge de compression atteint 1 080 000 livres. L’emplacement des plis de flambage dans la plaque de cisaillement et leur orientation correspondent aux résultats des essais de compression réalisés au CNRC.

    Figure E2. Analyse de flambage linéaire de la structure de la plateforme d’un wagon-tombereau intact (Source : BST)
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    Analyse de flambage linéaire de la structure de la plateforme d’un wagon-tombereau intact (Source : BST)

    Le modèle du bout A du wagon DJJX 30156, qui était de même conception que le wagon rompu DJJX 30478, a ensuite été construit en introduisant dans le modèle intact les défectuosités relevées. Plus précisément, on a réduit l’épaisseur de la plaque de cisaillement de 0,31 à 0,24 pouce et on a ajouté au modèle les fissures relevées dans la plaque de cisaillement ainsi qu’entre la traverse pivot et la plaque de cisaillement.

    Les résultats (figure E3) montrent que la valeur propre de sortie est d’environ 0,63, ce qui signifie que la charge critique de flambage du modèle du wagon DJJX 30156 était réduite à environ 630 000 livres-force (0,63 x 1 000 000), ce qui correspond étroitement au résultat expérimental (628 000 livres-force) obtenu lors de l’essai de compression avec un écart relativement faible, ce qui indique que le modèle est d’une fidélité raisonnable.

    Figure E3. Analyse de flambage linéaire de la structure de la plateforme du bout A du wagon DJJX 30156 (Source : BST)
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    Analyse de flambage linéaire de la structure de la plateforme du bout A du wagon DJJX 30156 (Source : BST)

    Un modèle du bout B du wagon DJJX 30478 à l’étude a par la suite été construit selon la même procédure en introduisant dans le modèle intact les défectuosités relevées. On a réduit l’épaisseur de la plaque de cisaillement de 0,31 à 0,19 pouce et on a ajouté une longue fissure relevée dans la plaque de cisaillement à l'endroit où elle est unie au brancard. L’analyse a révélé que la valeur propre de sortie était d’environ 0,41 (figure E4), ce qui indique que la charge critique de flambage du wagon était réduite à 410 000 livres-force (0,41 x 1 000 000) et que le bout B du wagon DJJX 30478 à l’étude pourrait se rompre lorsque les charges de compression atteindraient environ 410 000 livres-force.

    Figure E4. Analyse de flambage linéaire de la structure de la plateforme du bout B du wagon DJJX 30478 à l’étude (Source : BST)
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    Analyse de flambage linéaire de la structure de la plateforme du bout B du wagon DJJX 30478 à l’étude (Source : BST)

    Il n’a pas été possible de construire un modèle de la structure de la plateforme du bout A du wagon DJJX 30478 à l’étude, en raison de l’impossibilité d’obtenir des données de mesure complètes sur les défectuosités liées à la structure de l’extrémité du wagon. Une bonne partie de la plaque de cisaillement, le quart de la traverse pivot et le brancard gauche n’ont pas été récupérés.

    L’analyse du FEM de la structure de la plateforme du bout B du wagon DJJX 30478 a permis de calculer que le bout B se romprait sous une charge de compression d’environ 410 000 livres-force (410 kips). Par conséquent, le bout A du wagon à l’étude, qui a subi une défaillance dans le tunnel, s’est probablement rompu sous une charge de compression inférieure à 410 kips.