Mouvement non contrôlé et déraillement
Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique
Rame de wagons
Point milliaire 196,7, subdivision de Belleville
Gare de triage Toronto
Toronto (Ontario)
Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.
Résumé
Le 13 mars 2022, vers 13 h, heure avancée de l’Est, pendant des activités de manœuvre d’aiguillage à la gare de triage Toronto de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique à Toronto (Ontario), une rame de 103 wagons a roulé de manière non contrôlée sur une distance d’environ 3200 pieds dans la pente descendante de la voie G05, entraînant le déraillement des 7 wagons de tête, dont 1 s’est immobilisé en obstruant la voie principale. Trois des wagons déraillés étaient chargés d’acide sulfurique (UN1830), et 2 étaient des wagons-citernes de résidus dont le dernier contenu avait été de l’acide sulfurique; il n’y a pas eu de fuites de marchandises dangereuses. Personne n’a été blessé.
1.0 Renseignements de base
Le 12 mars 2022, vers 9 hNote de bas de page 1, le train de marchandises 119-12 de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP)Note de bas de page 2 a quitté Smiths FallsNote de bas de page 3 à destination de la gare de triage Toronto du CP à Toronto, et circulait en direction ouest sur la subdivision de Belleville. Le train se composait de 2 locomotives – 1 en tête et 1 à la position 43 – et de 166 wagons de marchandises (100 wagons chargés de marchandises mixtes et 66 wagons vides); il mesurait environ 10 000 pieds et pesait environ 10 000 tonnesNote de bas de page 4, incluant les locomotives.
1.1 Gare de triage Toronto
La gare de triage Toronto est située dans le quartier Agincourt de Scarborough, dans la région du Grand Toronto. Les mouvements dans la gare de triage sont assujettis à la règle 105 du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), Circulation sur une voie non principaleNote de bas de page 5 .
Les employés d’exploitation travaillent à la gare de triage Toronto jour et nuit, 7 jours par semaine, pendant différents quarts de travail. Les équipes de la gare de triage sont chargées d’une combinaison d’affectations de triage, d’affectations de manœuvre locales et de trains de marchandises en voie principale. Plusieurs employés du service mécanique du CP jouent également des rôles de soutien.
Lorsqu’ils entrent dans la gare de triage Toronto depuis la voie principale nord au point milliaire 196,7 de la subdivision de Belleville, les wagons sont amenés vers l’ouest et placés sur l’une des 5 voies du triage G (figure 1). Ils sont ensuite redistribués sur d’autres voies de destination où de nouveaux trains sont formés en vue d’autres manœuvres et de leur départ.
1.2 L’événement
Le train est arrivé à la gare de triage Toronto vers 18 h. L’équipe a reçu l’instruction de garer tout le train en triage sur la voie G05. La queue du train resterait ainsi sur la voie principale nord sur une distance d’environ 4000 pieds, obstruant 2 emplacements contrôlés par signalNote de bas de page 6. L’équipe a fait part de préoccupations au chef de triage concernant cette approche et, après de plus amples discussions, il a été décidé que l’équipe séparerait le train en 2 parties, en laissant la queue sur la voie G05 et en effectuant un jumelage de ramesNote de bas de page 7 qui déplacerait la tête du train sur la voie G03.
Le train est sorti de la voie principale nord de la subdivision de Belleville et a été amené vers l’ouest sur la voie G05 de la gare de triage Toronto. Sachant qu’une rame de wagons serait immobilisée au moyen des freins à main, le mécanicien de locomotive (ML) a arrêté le train par un serrage minimal des freins à air; il a ensuite serré le frein indépendant de la locomotive et réduit de 2 lb/po2 de plus la pression dans la conduite générale. Pendant ce temps, le chef de train est descendu de la locomotive à l’aiguillage ouest de la voie G05 pour pouvoir séparer les 2 parties du train et immobiliser la rame de wagons qui resterait sur la voie G05Note de bas de page 8.
Le train s’est arrêté alors que les locomotives et les 63 premiers wagons se trouvaient à l’ouest de l’aiguillage ouest, en palier, tandis que les 103 autres wagons étaient sur une pente descendante de 0,45 %. Pour séparer le train entre les 63e et 64e wagons, le ML a desserré les freins à air sur tout le train pendant que le chef de train serrait le frein à main des 5 premiers wagons consécutifs de la rame qui devait rester sur la voie G05 (wagons aux positions 64 à 68)Note de bas de page 9.
Après avoir serré le frein à main du 68e wagon, le chef de train craignait que les 5 freins à main ne soient pas suffisants. Il a remarqué que le frein à main du 69e wagon était facilement accessible et l’a serré également. Une fois que les 6 freins à main ont été serrés, il a informé le ML qu’il pouvait commencer l’essai de l’efficacité des freins à mainNote de bas de page 10.
Pour effectuer l’essai, le ML a desserré le frein indépendant de la locomotive, a placé le manipulateur à la position 1 et a commencé à reculer pour pousser sur les wagons; lorsqu’il a jugé qu’il avait poussé les wagons suffisamment loin, il a resserré le frein indépendant. Pendant ce temps, le chef de train, de sa position près des wagons dont les freins à main étaient serrés, a observé un petit déplacement du wagon à la position 64 (le 1er wagon dont le frein à main avait été serré) et a constaté que les wagons derrière ce wagon ne bougeaient pas; il a donc jugé que l’essai était réussi.
En prévision du dételage des wagons, le chef de train a fermé le robinet d’arrêt de la conduite générale entre les wagons aux positions 63 et 64 et en a avisé le ML. Le ML a alors déclenché le dispositif de freinage d’urgence de l’unité de queue de train, faisant en sorte de serrer les freins à air des wagons aux positions 64 à 166Note de bas de page 11. Le chef de train, constatant que les 2 mâchoires d’attelage entre les wagons aux positions 63 et 64 étaient encore sous tension, a demandé au ML de refouler pour enlever la tension, car il n’était pas en mesure d’utiliser le levier de manœuvre pour ouvrir les mâchoires et ainsi dételer les wagons. Le ML a fait une autre marche arrière, et le chef de train a alors dételé les wagons.
L’équipe a laissé la rame de wagons immobilisée sur la voie G05. Elle se composait de 103 wagons (51 chargés et 52 vides) et avait une longueur de 6579 pieds et un poids de 7979 tonnes. L’équipe a ensuite effectué l’opération de jumelage de rames et immobilisé la tête du train, composée des locomotives et des 63 wagons restants, sur la voie G03. Convaincus que les 2 rames de wagons étaient entièrement immobilisées, les membres de l’équipe ont terminé leur quart de travail et sont partis.
Le lendemain matin, vers 11 h 45, en prévision de la manœuvre d’aiguillage des 103 wagons de la voie G05Note de bas de page 12, les employés du service mécanique du CP ont commencé à purger le système de freins à air, notamment en desserrant les freins à air d’urgence de chacun des wagons, en procédant de l’est vers l’ouest. Une fois que les freins à air du dernier des 103 wagons ont été purgés, la rame de wagons s’est mise à rouler de façon non contrôlée vers l’est en descendant la pente, les 6 freins à main étant toujours serrés à fond.
Les employés qui travaillaient à proximité de la voie G05 ont signalé sur le canal d’attente désigné qu’il se produisait un mouvement non contrôlé. Des employés de la direction des opérations d’un immeuble de bureaux situé à proximité, ainsi que des employés du service mécanique du CP qui se trouvaient à proximité, ont réagi et tenté de monter à bord des wagons roulants pour serrer d’autres freins à main. Cependant, cet effort a été abandonné, car le mouvement accélérait trop rapidement et il était devenu dangereux de monter à bord des wagons.
La rame de wagons est partie à la dérive sur une distance d’environ 3200 pieds. Les wagons sont ensuite arrivés à un dérailleur à aiguilleNote de bas de page 13 au point milliaire 196,7 de la subdivision de Belleville, et les 7 wagons de tête ont déraillé (figure 2).
Le 1er wagon à dérailler, un wagon-citerne chargé d’acide sulfurique (UN1830), s’est immobilisé sur son flanc. Le wagon suivant, un wagon couvert chargé de cloisons sèches, s’est aussi immobilisé sur son flanc, obstruant la voie principale nord (figure 3). Les 5 autres wagons – 2 wagons-citernes chargés d’acide sulfurique, 2 wagons de résidus dont le dernier contenu avait été de l’acide sulfurique et 1 wagon chargé de pâte de bois – ont déraillé sans se renverser. Il n’y a pas eu de déversement de marchandises dangereuses, et personne n’a été blessé.
Au moment de l’événement, la température était de −3 °C, et les vents soufflaient du nord-nord-est à 20 km/h. Le ciel était généralement nuageux, mais la visibilité était bonne.
1.3 Renseignements sur l’équipe
L’équipe de train se composait d’un ML et d’un chef de train. Tous deux étaient qualifiés pour leur poste respectif, satisfaisaient aux exigences en matière d’aptitude au travail et de repos, et connaissaient bien la gare de triage Toronto, la pente dans le triage G et les exigences relatives aux freins à main pour l’immobilisation de matériel roulant. Tous deux comptaient plus de 30 années de service chacun.
1.4 Renseignements sur la subdivision
La subdivision de Belleville du CP s’étend de Smiths Falls (point milliaire 0,0) à Leaside (point milliaire 206,3). Les mouvements de train sur la subdivision de Belleville sont régis par le système de commande centralisée de la circulation autorisé en vertu du REF et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire en poste à Calgary (Alberta).
1.5 Exigences relatives aux freins à main
Tout le matériel roulant est muni d’un frein à main – un frein mécanique qui est indépendant du système de freins à air. Les freins à main sont serrés manuellement, soit en faisant tourner le volant de frein à main, soit en actionnant un levier de commande à cliquet. Une pression des semelles de frein est alors exercée sur la table de roulement des roues pour empêcher les roues de tourner ou pour retarder leur mouvement.
Le nombre de freins à main nécessaires pour fournir l’effort décélérateur de freinage nécessaire pour empêcher le matériel roulant immobilisé de se déplacer dépend de plusieurs facteurs, tels que le tonnage du matériel roulant et la pente de la voie. Le matériel roulant plus lourd et le matériel roulant qui se trouve en pente descendante ont besoin d’un plus grand effort décélérateur, et donc d’un plus grand nombre de freins à main serrés, pour rester immobilisés. Voilà pourquoi le REF exige un nombre minimum de freins à main serrés dans certaines situations, et les règles sont souvent complétées par des instructions des compagnies.
1.5.1 Exigences du Canadien Pacifique relatives aux freins à main en territoire à voie non principale
Au CP, comme le prescrit le REF et conformément à ses dispositions, des exigences relatives aux freins à main figurent dans les Instructions générales d’exploitation (IGE) du CP.
En ce qui concerne les exigences relatives aux territoires à voie non principale, tels que les gares de triage, les IGE indiquent, entre autres :
6.1 Lorsque des wagons sont laissés sans surveillance sur une voie autre que principale, d’évitement, de triage ou dans un emplacement à haut risque, il faut serrer un nombre suffisant de freins à air [lire : freins à main] et vérifier leur efficacité :
a) un wagon sera laissé avec un frein à main serré;
b) deux wagons ou plus seront laissés avec un nombre suffisant de freins à main serrés, au moins un, à moins qu’un plus grand nombre ne soit prescritNote de bas de page 14 .
Rien n’indique qu’au moment de l’événement, il existait des instructions supplémentaires exigeant un nombre minimum précis de freins à main serrés pour les voies du triage G.
1.5.2 Historique du processus d’immobilisation au triage G
Au fil des années, les pratiques d’immobilisation des wagons au triage G ont été modifiées à de nombreuses reprises. Entre 2008 et 2012, la pratique consistait à serrer un minimum de 5 freins à main tant à l’extrémité est qu’à l’extrémité ouest des voies. Vers 2012, la pratique a changé, prévoyant le serrage d’un minimum de 5 freins à main uniquement à l’extrémité est (au bas de la pente). Elle a de nouveau changé vers 2014 de sorte qu’au moment de l’événement, les freins à main pouvaient être serrés à l’une ou l’autre des extrémités du train, selon les instructions de la tour ouest. Dans chaque cas, le changement n’a pas été fait en fonction de facteurs liés aux variations de tonnage du matériel roulant.
En 2020 et 2021, 2 bulletins ont été publiés concernant les processus d’immobilisation des wagons lors de manœuvres d’aiguillage sans freins à air au triage G :
- Le 17 août 2020, le CP a publié le bulletin d’information SI-063-20, qui exigeait qu’un 2e employé monte à l’extrémité est d’un mouvement sans immobilisation par freins à air sur l’ensemble des wagons pendant la poussée en direction est pour entrer dans le triage GNote de bas de page 15. De plus, le bulletin exigeait que les équipes soient positionnées pour observer le mouvement lorsqu’elles tiraient des wagons en direction ouest dans le triage GNote de bas de page 16.
- Le 1er mars 2021, le CP a publié le bulletin d’exploitation SO-014-21, qui définissait plus précisément les mesures à prendre par le 2e employé susmentionné. Le bulletin indiquait en partie ce qui suit [traduction] : « En ce qui concerne les mouvements de poussée vers l’est sans freins à air, le 2e employé doit rester avec les wagons jusqu’à ce que l’équipement ait été correctement immobilisé et que l’efficacité de l’immobilisation ait été mise à l’essaiNote de bas de page 17. » Le bulletin précisait aussi que, dans le cas des mouvements en direction ouest, le 2e employé doit être à bord de la queue du mouvement (et non seulement observer) ou être positionné pour pouvoir intervenir efficacement, au besoin.
Outre les exigences prévues dans les IGE et les instructions que contiennent ces bulletins, au moment de l’événement, il n’y avait pas d’autres instructions ou exigences concernant l’immobilisation des wagons par les équipes de train au triage G.
1.6 Essais de l’efficacité des freins à main
L’efficacité d’un frein à main est directement proportionnelle à la force exercée par la personne qui serre le frein, force qui peut varier grandement d’une personne à l’autre. L’efficacité des freins à main peut par ailleurs être réduite à cause de facteurs comme l’usure en service et un coefficient de frottement des semelles de frein plus faible découlant de conditions telles que la présence de neige ou de glace. Quand certains des freins à main de matériel roulant ne sont pas pleinement efficaces, il faut serrer plus de freins à main pour obtenir l’effort décélérateur de freinage nécessaire pour assurer l’immobilisation.
En pratique, les opérateurs ne savent pas quel effort décélérateur ils exercent par l’entremise du volant de frein à main, car les freins à main ne sont dotés d’aucun moyen de fournir cette information. Les opérateurs ne savent pas non plus quel est le coefficient de frottement des semelles de frein ou si l’efficacité d’un frein à main est réduite par l’usure en service. Le seul moyen disponible pour déterminer si un nombre suffisant de freins à main a été serré est donc de réaliser un essai de l’efficacité des freins à main.
Les exigences relatives à l’essai de l’efficacité des freins à main sont énoncées dans la règle 112 du REF, qui indique ceci à l’alinéa (vi) :
(vi) Vérification de l’efficacité des freins à main
Lors de la vérification de l’efficacité des freins à main, s’assurer que tous les freins à air sont desserrés et faire ce qui suit :
(a) Laisser ou faire s’ajuster le jeu des attelages en constatant, quand les attelages se compriment ou s’étirent, que l’action des freins à main est suffisante pour empêcher le matériel roulant de bouger; ou
(b) Appliquer un effort de traction suffisant afin de déterminer qu’il y a assez de force dans les freins à main pour empêcher le matériel roulant de bouger après la cessation de l’effort de traction.
Si l’efficacité des freins à main n’est pas suffisante pour empêcher le matériel de bouger, serrer un ou plusieurs autres freins à main et vérifier à nouveauNote de bas de page 18.
Les IGE du CP énoncent les mêmes exigences que le REFNote de bas de page 19.
1.6.1 Complexités liées aux critères de réussite d’un essai de l’efficacité des freins à main
Pour effectuer correctement un essai de l’efficacité des freins à main, il faut bien comprendre le jeu des attelages et les facteurs qui l’influencent pendant les opérations d’immobilisation du matériel roulant.
Le jeu des attelages correspond à la quantité de mouvement nécessaire avant qu’un wagon transmette son mouvement à un wagon attelé adjacent. Le jeu entre les wagons peut varier en fonction du type d’appareil de traction installé sur chaque wagon. Pour chaque appareil de traction, il peut y avoir jusqu’à 3 pouces de jeu lorsqu’il est complètement comprimé, et ½ pouce de jeu supplémentaire à l’interface de la mâchoire et l’attelageNote de bas de page 20.
Le jeu des attelages se propage le long d’un train dans un effet domino : le 1er wagon bouge, puis transmet son mouvement au wagon adjacent, qui bouge à son tour, et ainsi de suite. Une force considérable peut être nécessaire pour comprimer ou étirer complètement le jeu. Selon la force appliquée, la résistance au roulement et la pente, les wagons peuvent ne pas se comprimer ou s’étirer complètement avant de commencer à se déplacer.
Les configurations topographiques des voies varient considérablement quant à la courbure et à la pente, que ce soit d’une gare de triage à l’autre ou dans la même gare de triage. De plus, la longueur, le poids et la configuration des wagons du matériel roulant à immobiliser varient d’une affectation à l’autre. Pour un essai de l’efficacité des freins à main, il n’existe pas de règle précise concernant l’effort de traction de locomotive à appliquer au matériel roulant à immobiliser, ni le temps qu’il faut laisser s’écouler pour que le jeu des attelages se propage. Les wagons doivent être poussés ou tirés suffisamment pour que le jeu des attelages combiné parvienne aux wagons dont le frein à main est serré, et pour qu’une personne se trouvant au sol à côté de ces wagons puisse s’assurer qu’ils ne bougent pas. Lorsqu’elles immobilisent du matériel, les équipes de train doivent se fier à leurs connaissances, à leur expérience et à leur jugement.
1.6.2 Essai de l’efficacité des freins à main pour la rame de wagons sur la voie G05
Pour comprendre les étapes exécutées et le jeu des attelages qui s’est produit pendant l’essai de l’efficacité des freins à main lors de l’événement à l’étude, le BST a examiné les données du consignateur d’événements de locomotive (CEL) et a calculé la distance approximative que le train avait parcourue pendant l’essai (annexe A).
L’examen des données du CEL a indiqué que la locomotive de tête avait poussé sur une distance de 21,7 pieds pendant la marche arrière effectuée lors de l’essai de l’efficacité des freins à main. Par conséquent, étant donné qu’il y avait du jeu à comprimer sur les 63 wagons de tête, la marche arrière a comprimé une partie de ce jeu, jusqu’à ce que le chef de train voie ce qu’il croyait être le jeu comprimé atteindre le 1er wagon dont le frein à main était serré. Il a jugé que la marche arrière avait été suffisante pour mettre à l’essai l’efficacité des freins à main. Après avoir refoulé sur 16,5 pieds, le ML a commencé à resserrer le frein indépendant des locomotives avant de terminer l’essai de l’efficacité des freins à main.
Les données du CEL ont aussi indiqué que, lorsque le ML a ensuite fait refouler les wagons pour relâcher la tension dans les mâchoires afin de séparer les 2 rames de wagons, il a fait un refoulement sur 9 pieds de plus.
1.7 Autres événements récents de mouvements non contrôlés à la gare de triage Toronto
En incluant l’événement à l’étude, 4 mouvements non contrôlés importants ont eu lieu à la gare de triage Toronto au cours des 5 dernières années, dont plusieurs au triage G. En mars 2023, le BST a par conséquent émis l’avis de sécurité du transport ferroviaire 03/23 à Transports Canada (TC).
R18H0039 – Le 14 avril 2018, alors qu’une équipe de triage du CP effectuait des opérations d’aiguillage sans freins à air à la gare de triage Toronto, le groupe de traction et 88 wagons sont partis à la dérive dans une pente descendante de 0,88 %. Le mouvement a continué à rouler de façon non contrôlée sur environ 3 milles et a franchi l’aiguillage du signal 1952B qui protégeait la voie principale et affichait une indication d’arrêt absolu. L’événement n’a entraîné ni déraillement ni collision. Personne n’a été blesséNote de bas de page 21.
R22H0020 – Le 20 février 2022, une rame de 85 wagons est partie à la dérive dans la pente descendante de la voie G01 de la gare de triage Toronto. Les wagons ont parcouru environ 3200 pieds jusqu’à ce que les 4 wagons de tête déraillent à l’emplacement du dérailleur à aiguille, au point milliaire 195,9 de la subdivision de Belleville. Au moment de l’événement, les vents soufflaient à 70 km/h. Avant l’événement, la rame de wagons avait été immobilisée sur la voie pendant environ 28 heures. Les wagons avaient été immobilisés à l’aide de freins à main, conformément à la politique du CP, et avaient été laissés avec les freins à air d’urgence serrés. Les wagons sont partis à la dérive, les freins à main étant toujours serrés, après que le personnel du CP a desserré les freins à air de tous les wagons en prévision d’opérations d’aiguillage sans freins à air. Personne n’a été blessé.
R23T0014 – Le 15 janvier 2023 (moins de 1 an après cet événement), 67 wagons ont roulé de façon non contrôlée sur une distance d’environ 3400 pieds dans la pente descendante de la voie G05 de la gare de triage Toronto pendant des activités de manœuvre d’aiguillage, ce qui a entraîné le déraillement de 4 wagons-citernes de résidus dont le dernier contenu avait été des marchandises dangereuses. Les 4 wagons ont déraillé après avoir franchi un dérailleur à aiguille installé récemment à l’extrémité de la voie G05Note de bas de page 22. Les wagons sont partis à la dérive, même si 13 freins à main avaient été serrés. Il n’y a eu aucun déversement de produit ni aucun blessé.
1.8 Statistiques du BST sur les événements de mouvements non contrôlés
De janvier 2013 à décembre 2023, 617 événements de mouvements imprévus ou non contrôlés ont été signalés au BST pour l’ensemble des chemins de fer de compétence fédérale au Canada (tableau 1).
Type de mouvement non contrôlé | 2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | 2018 | 2019 | 2020 | 2021 | 2022 | 2023 | Total |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Perte de maîtrise | 3 | 0 | 1 | 4 | 2 | 5 | 2 | 1 | 1 | 0 | 1 | 20 |
Manœuvres d’aiguillage | 24 | 21 | 22 | 18 | 21 | 27 | 35 | 12 | 16 | 22 | 14 | 232 |
Immobilisation | 42 | 38 | 37 | 29 | 39 | 34 | 40 | 30 | 32 | 27 | 17 | 365 |
Total | 69 | 59 | 60 | 51 | 62 | 66 | 77 | 43 | 49 | 49 | 32 | 617 |
Nota : Les données sommaires sur le nombre annuel de mouvements imprévus ou non contrôlés n’ont pas été ajustées en fonction des variations des volumes annuels de trafic ferroviaire.
Le BST a classé les mouvements imprévus ou non contrôlés en 3 catégories distinctes :
- Perte de maîtrise : Un ML ou l’opérateur d’un système de télécommande de locomotive n’est pas en mesure de maîtriser une locomotive, un wagon, une rame de wagons ou un train au moyen des systèmes de freins à air de locomotive ou de train disponibles.
- Manœuvres d’aiguillage : Lorsqu’un mouvement effectue une manœuvre d’aiguillage et que 1 ou plusieurs wagons
- qui sont manœuvrés roulent plus loin que prévu, ce qui entraîne une collision ou un dépassement des limites;
- qui sont sous surveillance roulent de façon non contrôlée;
- sont refoulés.
La grande majorité de ces incidents se produisent dans des gares de triage.
- Immobilisation : Un wagon, une rame de wagons ou un train est laissé sans surveillance et se met à rouler de façon non contrôlée, en général, parce que
- un nombre insuffisant de freins à main ont été serrés sur un wagon, une rame de wagons ou le train;
- les freins à main d’un wagon (ou de plusieurs wagons) sont défectueux ou inefficaces.
Depuis 2012, outre l’événement à l’étude, le BST a enquêté sur 17 autres événements de mouvements imprévus ou non contrôlés dans l’industrie (annexe B), dont 6 qui sont liés à l’immobilisation.
1.9 Recommandation et préoccupation liée à la sécurité antérieures concernant les mouvements non contrôlés
Il y a 1 recommandation active du Bureau qui concerne les mouvements non contrôlés découlant d’une immobilisation insuffisante de l’équipement; le Bureau a également émis 1 préoccupation liée à la sécurité concernant les mouvements non contrôlés en général.
Le 6 juillet 2013, un train transportant du pétrole brut (UN1267), laissé sans surveillance dans une pente descendante avec une immobilisation insuffisante, a roulé de façon non contrôlée et a déraillé au centre de la ville de Lac-Mégantic (Québec), causant directement la mort de 47 personnes et détruisant le centre-ville et le principal quartier d’affairesNote de bas de page 23 . À la suite de l’enquête du BST, le Bureau a recommandé que
le ministère des Transports exige que les compagnies ferroviaires canadiennes mettent en place des moyens de défense physiques additionnels pour empêcher le matériel de partir à la dérive.
Recommandation R14-04 du BST
Dans sa réponse de décembre 2023, TC a indiqué qu’aborder l’enjeu à multiples facettes des mouvements non contrôlés de matériel ferroviaire demeurait une priorité pour le Ministère, notamment en s’assurant que les moyens de défense physiques actuels sont efficaces. À cette fin, le Ministère a non seulement renforcé son cadre réglementaire, mais il a également fait avancer considérablement la recherche sur les technologies visant à atténuer le risque associé aux mouvements non contrôlés. TC a également entrepris une étude de recherche pour évaluer les facteurs humains liés aux mouvements non contrôlés dans l’industrie ferroviaire.
Ces mesures sont complétées par les nombreuses modifications des règles d’exploitation qui ont été apportées pour renforcer les procédures d’exploitation afin de réduire les mouvements non contrôlés. Il s’agit notamment de nouvelles dispositions relatives à l’immobilisation des trains arrêtés en terrain montagneux, à l’utilisation des freins à main et aux exigences concernant les locomotives équipées d’une protection contre les dérives.
Dans son évaluation de la réponse de TC en mars 2024, le Bureau a indiqué qu’il trouvait encourageantes les mesures de sécurité prises à ce jour. Le nombre d’événements signalés en 2023 est le plus faible de la dernière décennie et est inférieur à la moyenne décennale de 58 signalée entre 2013 et 2022. Bien que le nombre de mouvements non contrôlés ait diminué depuis 2020, le nombre d’événements signalés en 2020 et 2021 peut être en partie attribuable à l’incidence que la COVID-19 a eue sur l’industrie ferroviaire ainsi qu’à d’autres perturbations des services. Malgré cette diminution récente du nombre d’événements, des données supplémentaires sont nécessaires pour déterminer s’il s’agit d’une tendance statistiquement significative et si les moyens de défense mis en place permettent effectivement de produire le résultat souhaité. Malgré cette diminution récente du nombre d’événements signalés et les améliorations apportées aux moyens de défense administratifs, le Bureau estime que des couches supplémentaires de moyens de défense physiques constituent le moyen le plus efficace pour réduire le risque de mouvements non contrôlés. Par conséquent, le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation R14-04 dénotait une attention en partie satisfaisanteNote de bas de page 24.
En mars 2016, un mouvement non contrôlé d’équipement s’est engagé sur la voie principale à partir de la gare de triage Sutherland, à Saskatoon (Saskatchewan); personne n’a été blessé et il n’y a pas eu de déraillement. L’enquête du BST sur cet événement a permis de déterminer que, malgré les initiatives de TC et du secteur, le résultat recherché, soit une forte réduction du nombre de mouvements non contrôlés, ne s’était pas encore concrétisé. Par conséquent, le Bureau a émis la préoccupation liée à la sécurité suivante :
Le Bureau s’inquiète du fait que les moyens de défense actuels ne sont pas suffisants pour réduire le nombre de mouvements non contrôlés et pour améliorer la sécuritéNote de bas de page 25 .
1.10 Systèmes de gestion de la sécurité
Un système de gestion de la sécurité (SGS) est un cadre reconnu à l’échelle internationale qui permet aux entreprises de cerner les dangers, de gérer les risques et d’améliorer la sécurité de leurs activités. Un SGS améliore la sécurité en s’appuyant sur les processus existants, en démontrant la diligence raisonnable de la compagnie et en développant la culture générale de sécurité.
La gestion de la sécurité représente une approche systémique de la sécurité qui comprend, sans toutefois s’y limiter, un processus d’amélioration continue de la sécurité (figure 4). Un SGS efficace intègre les 4 piliers de la gestion de la sécurité : la politique et les objectifs de sécurité, la gestion des risques de sécurité, l’assurance de la sécurité et la promotion de la sécurité.
Le cadre du SGS n’est pas une nouveauté pour les opérations ferroviaires canadiennes. Une réglementation sur le SGS a été mise en place en 2001. En 2013, l’enquête sur le déraillement mortel de Lac-MéganticNote de bas de page 26 a mis en évidence des lacunes dans cette réglementation, ce qui a mené à sa révision en 2015. En vertu du Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire (Règlement sur le SGS), les compagnies ferroviaires doivent élaborer un SGS qui comprend des processus pour déterminer les préoccupations liées à la sécuritéNote de bas de page 27 , effectuer des évaluations des risques ainsi que mettre en œuvre des mesures correctives (de sécurité) et les évaluerNote de bas de page 28,Note de bas de page 29. Cependant, un processus conforme aux règles ne garantit pas nécessairement l’efficacité d’un SGS.
Les mesures de sécurité prises ne constituent qu’une étape du processus du SGS. Par conséquent, toute mesure de sécurité prise à la suite d’un événement doit s’inscrire dans un processus d’amélioration continue de la sécurité, où la portée du changement est définie, les dangers sont cernés, les risques sont évalués, les mesures de sécurité sont mises en œuvre et évaluées, et l’ensemble du processus est consigné. Dès lors, l’efficacité des mesures de sécurité prises (leur efficacité à réduire la probabilité ou la gravité d’un événement indésirable) peut être mesurée objectivement.
Le BST enquête sur des événements afin de cerner les lacunes de sécurité, y compris celles du SGS d’une compagnie, et rend compte des cas où le système de sécurité pourrait gérer les risques de façon plus efficace ou proactive.
1.10.1 Système de gestion de la sécurité du Canadien Pacifique
Conformément au Règlement sur le SGS, le CP a élaboré et mis en œuvre un SGS qui prévoit une politique et une procédure d’évaluation des risques. La procédure d’évaluation des risques indique les conditions dans lesquelles une évaluation des risques doit être réalisée. Elle prévoit notamment ceci [traduction] :
Une évaluation des risques confidentielle doit être menée […] dans tous les cas où :
- une « préoccupation liée à la sécurité » (c.-à-d. un danger ou une condition susceptible de présenter un risque direct pour la sécurité des employés ou de compromettre la sécurité ferroviaire) est cernée par l’analyse des données sur la sécurité;
- une modification proposée aux activités du CP pourrait :
- créer sur le lieu de travail un nouveau danger entraînant des conséquences néfastes,
- nuire ou contrevenir à toute politique, procédure, règle ou pratique de travail existante utilisée pour assurer la conformité à la réglementation ou respecter toute exigence ou norme du CP,
- créer ou aggraver un risque direct pour la sécurité des employés, des biens de la compagnie de chemin de fer, des biens transportés par la compagnie de chemin de fer, du public ou des lieux adjacents au chemin de fer,
- exiger l’autorisation d’un organisme de réglementation pour pouvoir être mise en œuvre.
Une évaluation des risques doit être menée le plus tôt possible après avoir cerné une préoccupation liée à la sécurité, avant le début des travaux concernés ou la mise en œuvre des changements proposés. […]Note de bas de page 30
Les pratiques d’immobilisation des wagons au triage G ont changé plusieurs fois au cours des années. Il y a également eu 4 mouvements non contrôlés importants à la gare de triage Toronto au cours des 5 dernières années. Toutefois, le CP n’a aucun document indiquant qu’avant l’événement à l’étude, il aurait effectué une évaluation des risques en réaction à ces mouvements non contrôlés ou pour justifier les changements apportés à ses instructions d’immobilisation.
1.10.2 Recommandation antérieure relative au système de gestion de la sécurité du Canadien Pacifique
À la suite de son enquête sur un événement survenu le 4 février 2019, au cours duquel un train de marchandises du CP avait déraillé dans une pente abrupte descendante près de Field (Colombie-Britannique), et les 3 membres de l’équipe qui se trouvaient à bord ont subi des blessures mortellesNote de bas de page 31, le BST a déterminé que les SGS de certaines compagnies ferroviaires ne permettaient pas encore de cerner efficacement les dangers et d’atténuer les risques dans le transport ferroviaire. Lorsque les dangers ne sont pas cernés, que ce soit par les signalements, les analyses des tendances des données ou les évaluations de l’incidence des changements opérationnels, et lorsque les risques qu’ils posent ne sont pas rigoureusement évalués, des lacunes dans les moyens de défense peuvent ne pas être atténuées, ce qui augmente le risque d’accident.
Le Bureau a également déterminé que, tant que la culture de sécurité générale et le cadre du SGS du CP n’incluront pas des moyens de cerner les dangers de façon exhaustive, notamment par l’examen des rapports de sécurité et l’analyse des tendances des données, et d’évaluer les risques avant d’apporter des changements opérationnels, le SGS du CP ne sera pas pleinement efficace. C’est pourquoi le Bureau avait recommandé que
le ministère des Transports exige que la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique démontre que son système de gestion de la sécurité permet de cerner efficacement les dangers résultant des opérations, en utilisant toute l’information disponible, comme les signalements de dangers par les employés et les tendances des données; qu’il évalue les risques connexes; et qu’il mette en œuvre des mesures d’atténuation et en valide l’efficacité.
Recommandation R22-03 du BST
Dans sa réponse de décembre 2023, TC a indiqué qu’au cours des 16 mois précédents, il avait pris de nombreuses mesures pour évaluer l’efficacité du SGS du CP. En juillet 2022, TC a exigé des dépôts périodiques de rapports sur le SGS de la part du CP afin de faciliter l’évaluation de l’efficacité des processus du CP pour déterminer les dangers, cerner les préoccupations liées à la sécurité et évaluer les risques. En plus, TC a effectué 2 vérifications ciblées du SGS du CP. À la suite de ces vérifications, TC a communiqué ses attentes au CP, dont celle de la modification du processus de la compagnie pour cerner les préoccupations liées à la sécurité. Le processus modifié du CP a été reçu et TC est en train de l’examiner et l’évaluer. De plus, TC a augmenté sa fréquence d’inspection des comités de santé et sécurité au travail du CP, le nombre d’inspections ayant augmenté de 7 au cours des exercices 2020-2021 et 2021-2022.
Dans son évaluation de la réponse de TC en février 2024, le Bureau a indiqué qu’il voyait d’un bon œil le fait que TC a effectué des vérifications ciblées du SGS du CP et qu’il a augmenté la fréquence de ses inspections de surveillance des comités de santé et sécurité au travail, et qu’il attendait avec intérêt les résultats de l’examen et de l’évaluation menés par TC quant aux processus de SGS modifiés du CP. Le Bureau a estimé que la réponse de TC à la recommandation R22-03 dénotait une intention satisfaisanteNote de bas de page 32.
1.11 Liste de surveillance du BST
La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. L’événement à l’étude fait ressortir 2 de ces enjeux.
1.11.1 Mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire
Les mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire figurent sur la Liste de surveillance 2022 et sont un enjeu sur la Liste de surveillance depuis 2020.
Les mouvements non contrôlés sont des événements à faible probabilité; toutefois, lorsqu’ils se produisent, que ce soit sur la voie principale ou hors de celle-ci, ils peuvent entraîner des conséquences catastrophiques, en particulier si des marchandises dangereuses sont en cause.
Malgré les importantes mesures de sécurité prises par TC et l’industrie ferroviaire visant à réduire la fréquence des mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire, des mouvements non contrôlés continuent de se produire, ce qui pose un risque considérable pour le système de transport ferroviaire.
MESURES À PRENDRE : Mouvements imprévus ou non contrôlés d’équipement ferroviaire Bien que les 3 types de mouvements non contrôlés présentent certaines causes communes, ils nécessitent tous l’application de stratégies uniques soit dans le but de prévenir les événements, soit pour réduire les risques connexes. TC, les compagnies de chemin de fer et les syndicats des travailleurs doivent collaborer, élaborer des stratégies et mettre en œuvre non seulement des mesures de protection d’ordre administratif, mais également des moyens de défense physiques pour chaque type de mouvement non contrôlé. Pour la sécurité des cheminots, de l’environnement et du public, le BST souhaite voir une tendance à la baisse dans le nombre de mouvements non contrôlés. |
1.11.2 Gestion de la sécurité
La gestion de la sécurité figure sur la Liste de surveillance 2022 et est un enjeu sur la Liste de surveillance depuis 2010.
Toutes les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale doivent avoir un SGS depuis 2001. De plus, les exigences réglementaires ont été considérablement rehaussées en 2015. Toutefois, le secteur n’a pas encore montré les changements en matière de culture de sécurité et d’amélioration de la sécurité attendus à la suite de la mise en œuvre des SGS. Des enquêtes du BST continuent de relever des dangers dont les exploitants ne sont pas toujours conscients et dont ils n’évaluent pas toujours les risques en vue de pouvoir prendre des mesures efficaces d’atténuation des risques. Par conséquent, le BST a déterminé que les SGS des compagnies de chemin de fer ne permettent pas encore de cerner efficacement les dangers et d’atténuer les risques dans le secteur du transport ferroviaire.MESURES À PRENDRE : Gestion de la sécurité L’enjeu de la gestion de la sécurité dans le secteur du transport ferroviaire restera sur la Liste de surveillance jusqu’à ce que les transporteurs démontrent à TC que leur SGS est efficace. |
2.0 Analyse
L’analyse portera sur l’essai de l’efficacité des freins à main effectué par l’équipe pour s’assurer que le nombre de freins à main utilisés suffisait à immobiliser la rame de wagons sur la voie G05, sur les pratiques d’immobilisation du matériel roulant au triage G de la gare de triage Toronto, et sur la gestion des risques associés aux changements opérationnels mis en œuvre au fil des années en ce qui concerne l’immobilisation des wagons au triage G.
2.1 L’événement
Le 12 mars 2022, une équipe de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a immobilisé 103 wagons sur la voie G05 de la gare de triage Toronto du CP avec 6 freins à main, et elle a procédé à l’essai de l’efficacité des freins à main. Les wagons ont été laissés avec les freins à main et les freins à air d’urgence serrés.
Environ 18 heures plus tard, en prévision de la manœuvre d’aiguillage des 103 wagons sur la voie G05, des membres du personnel du service mécanique du CP ont desserré les freins à air de la rame de wagons. Une fois les freins à air desserrés sur tous les wagons, les 6 freins à main serrés n’ont pas été suffisants pour retenir les wagons, qui se sont mis à rouler de façon non contrôlée dans la pente descendante de 0,45 %.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Le déraillement s’est produit lorsqu’une rame de 103 wagons à l’arrêt, qui avait été immobilisée pendant environ 18 heures à l’aide de 6 freins à main et des freins à air d’urgence, a roulé de façon non contrôlée dans une pente descendante de 0,45 % après que les freins à air ont été desserrés.
2.2 Essai de l’efficacité des freins à main
Dans l’événement à l’étude, l’équipe avait serré un plus grand nombre de freins à main que ne l’exigeait la pratique du CP et était convaincue, d’après les résultats de l’essai de l’efficacité des freins à main, qu’elle avait complètement immobilisé la rame de wagons sur la voie G05.
Les 2 membres de l’équipe étaient des employés chevronnés, comptant chacun plus de 30 années de service. Ils avaient serré des freins à main de façon sûre et sécuritaire un nombre incalculable de fois pendant leur carrière, y compris au triage G; ils comprenaient parfaitement le processus.
Pour comprendre la façon dont l’essai de l’efficacité des freins à main a été effectué et ce qui a amené l’équipe à croire que l’essai était réussi, les enquêteurs du BST ont examiné les données sur la conduite du train provenant du consignateur d’événements de locomotive (CEL). Les données ont indiqué que la locomotive de tête avait poussé sur une distance de 21,7 pieds pendant la marche arrière effectuée lors de l’essai de l’efficacité des freins à main. Au lieu de procéder comme le voudrait la règle 112, alinéa (vi) du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF), après avoir refoulé sur 16,5 pieds, le mécanicien de locomotive (ML) a commencé à resserrer le frein indépendant des locomotives avant de terminer l’essai de l’efficacité des freins à main, ce qui a réduit la force exercée sur les wagons au cours de l’essai.
La force de compression exercée par une locomotive pendant un essai de l’efficacité des freins à main se propage le long d’un train en passant par le 1er wagon, en comprimant le jeu des attelages dans l’appareil de traction qui relie le wagon et en transmettant son mouvement au wagon adjacent. Cette force se propage ensuite au wagon suivant, et ainsi de suite, jusqu’à ce que la force parvienne au 1er wagon dont le frein à main est serré.
Dans l’événement à l’étude, la locomotive a exercé une force jusqu’à ce que le ML juge qu’il avait poussé les wagons suffisamment loin, moment auquel le chef de train a jugé que l’essai était réussi. Le fait que le chef de train n’a pas réussi à ouvrir le levier de manœuvre du 63e wagon pour ouvrir la mâchoire et séparer la rame indique que les mâchoires étaient encore sous tension et que la force exercée par la locomotive sur les wagons et la distance parcourue pendant l’essai de l’efficacité des freins à main n’étaient pas suffisantes pour que tout le jeu des attelages soit comprimé. Voilà pourquoi le ML a dû pousser les wagons sur une distance supplémentaire de 9 pieds pour relâcher la tension dans les mâchoires de sorte que le levier de manœuvre puisse être utilisé pour ouvrir la mâchoire et séparer la rame.
Il n’existe pas de règle précise régissant le temps qu’il faut laisser s’écouler pour que le jeu des attelages d’un train s’ajuste. Pour mener à bien cette tâche, les équipes de train doivent se fier à leurs connaissances, à leur expérience et à leur jugement. Leurs actions et leurs décisions reposent sur leur compréhension des nombreux facteurs interdépendants qui interviennent dans l’immobilisation de wagons, y compris la configuration de la voie, les conditions environnementales, le tonnage du matériel, le jeu disponible selon le type de wagon ainsi que le jeu des attelages. Dans le triage G, la voie d’accès à la voie G05 (à l’ouest de l’aiguillage ouest) est en palier, tandis que la voie G05 est en pente descendante. Par conséquent, lors de l’essai de l’efficacité des freins à main, la durée de la réaction du jeu des attelages variait sur les 2 sections du train, fait qui pourrait ne pas être pris en compte par les équipes de train, quelle que soit leur expérience.
Les données du CEL ont indiqué que la locomotive de tête avait reculé jusqu’à une distance où le jeu des attelages n’était partiellement comprimé que sur le 1er wagon dont le frein à main était serré (64e wagon). Même si la force exercée lors de l’essai de l’efficacité des freins à main n’était pas suffisante pour comprimer complètement le jeu de tous les attelages, elle a été suffisante pour causer un petit ajustement sur le 64e wagon. Étant donné que les autres wagons dont le frein à main était serré n’ont pas bougé, le chef de train a déterminé que les freins à main exerçaient une force suffisante.
Après avoir jugé que l’essai de l’efficacité des freins à main était réussi, l’équipe a procédé à la séparation des wagons. Le chef de train a fermé le robinet d’arrêt entre les 63e et 64e wagons et en a informé le ML. Dix-sept secondes après l’arrêt complet du mouvement, le ML a déclenché la fonction de freinage d’urgence de l’unité de queue de train. Le freinage d’urgence a fait en sorte d’interrompre immédiatement tout ajustement additionnel du jeu des attelages et a fourni une force d’immobilisation supplémentaire pour empêcher les wagons de bouger.
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
La force exercée par la locomotive sur le mouvement pendant l’essai de l’efficacité des freins à main et le temps accordé pour que les wagons réagissent ont été insuffisants pour permettre au jeu des attelages de s’ajuster complètement jusqu’aux wagons à séparer avant que le ML ne serre le frein indépendant. Par conséquent, l’essai de l’efficacité des freins à main a été incomplet et l’équipe ne savait pas que le nombre de freins à main serrés pour immobiliser les wagons était insuffisant pour la pente descendante.
2.3 Pratiques d’immobilisation du matériel roulant au triage G
L’immobilisation adéquate des wagons au triage G est une tâche complexe qui nécessite une bonne compréhension du jeu des attelages dans diverses conditions, y compris le tonnage et la pente de la voie; ceci peut être difficile même pour des équipes formées et expérimentées.
Au CP, les exigences en matière d’immobilisation du matériel roulant en voie non principale sont énoncées dans les Instructions générales d’exploitation (IGE) et dans des bulletins d’exploitation propres à chaque emplacement, le cas échéant. En ce qui concerne le nombre de freins à main à serrer lors de l’immobilisation de matériel sur une voie non principale, les IGE indiquent que « deux wagons ou plus seront laissés avec un nombre suffisant de freins à main serrés, au moins un, à moins qu’un plus grand nombre ne soit prescritNote de bas de page 33 ».
Entre 2008 et 2012, la pratique consistait à serrer un minimum de 5 freins à main tant à l’extrémité est qu’à l’extrémité ouest des voies. Vers 2012, la pratique a changé, prévoyant le serrage d’un minimum de 5 freins à main uniquement à l’extrémité est (au bas de la pente). Elle a de nouveau changé vers 2014 de sorte qu’au moment de l’événement, les freins à main pouvaient être serrés à l’une ou l’autre des extrémités du train, selon les instructions de la tour ouest.
Les instructions d’exploitation, telles que celles contenues dans les IGE et dans les bulletins d’exploitation, indiquent aux équipes ce qu’elles doivent faire en général. Au moment de la rédaction du présent rapport, aucun de ces documents ne fournissait d’orientation détaillée aux employés sur la façon d’accomplir toutes les phases des tâches requises, par exemple selon les différences potentielles dans le jeu des attelages dans diverses combinaisons de pentes (c.-à-d. en palier, ascendantes et descendantes).
Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs
Les répercussions du jeu des attelages sur diverses combinaisons de pentes propres au triage G lors de l’essai de l’efficacité des freins à main n’étaient pas abordées dans les instructions du CP fournies aux équipes et n’étaient pas pleinement prises en compte lorsque l’essai était effectué pour vérifier l’immobilisation des wagons.
2.4 Systèmes de gestion de la sécurité
Depuis 2010, la Liste de surveillance du BST met l’accent sur l’importance de la mise en œuvre efficace d’un système de gestion de la sécurité (SGS) par un exploitant pour que les dangers soient cernés de façon proactive et que les risques soient atténués.
La gestion efficace des risques n’élimine pas complètement les risques. Elle ramène plutôt les risques au niveau le plus faible raisonnablement réalisable tel que défini et communiqué au sein de la compagnie et aux intervenants. Par conséquent, lorsque le BST cerne un danger qui a probablement contribué à un événement ou à un risque d’événement, il doit se demander si le SGS de la compagnie a été appliqué, et, dans l’affirmative, s’il a été appliqué efficacement.
Dans l’événement à l’étude, malgré les nombreux changements apportés aux pratiques d’immobilisation du matériel roulant au triage G au fil des années, y compris des changements au nombre de freins à main qu’il fallait serrer, et malgré au moins 2 mouvements non contrôlés d’importants lots de wagons qui ont entraîné des déraillements, le CP n’a pas pu fournir de documents indiquant que les changements avaient été analysés conformément au SGS du CP. Plus précisément, il n’y a pas eu d’analyses pour déterminer les dangers associés aux changements apportés aux opérations d’immobilisation non plus que d’évaluations des risques connexes ni de plans des mesures de sécurité, de documentation connexe et de vérification de leur efficacité. Ainsi, aucune mesure particulière d’atténuation des risques n’a été établie pour l’immobilisation du matériel roulant au triage G.
Fait établi quant aux risques
Si le SGS du CP n’est pas appliqué lors d’un changement aux opérations ferroviaires, comme des changements aux procédures d’immobilisation des wagons, les dangers peuvent ne pas être cernés, et leurs risques peuvent ne pas être évalués et atténués, ce qui accroît le risque d’accident.
3.0 Faits établis
3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs
Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.
- Le déraillement s’est produit lorsqu’une rame de 103 wagons à l’arrêt, qui avait été immobilisée pendant environ 18 heures à l’aide de 6 freins à main et des freins à air d’urgence, a roulé de façon non contrôlée dans une pente descendante de 0,45 % après que les freins à air ont été desserrés.
- La force exercée par la locomotive sur le mouvement pendant l’essai de l’efficacité des freins à main et le temps accordé pour que les wagons réagissent ont été insuffisants pour permettre au jeu des attelages de s’ajuster complètement jusqu’aux wagons à séparer avant que le mécanicien de locomotive ne serre le frein indépendant. Par conséquent, l’essai de l’efficacité des freins à main a été incomplet et l’équipe ne savait pas que le nombre de freins à main serrés pour immobiliser les wagons était insuffisant pour la pente descendante.
- Les répercussions du jeu des attelages sur diverses combinaisons de pentes propres au triage G lors de l’essai de l’efficacité des freins à main n’étaient pas abordées dans les instructions de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique fournies aux équipes et n’étaient pas pleinement prises en compte lorsque l’essai était effectué pour vérifier l’immobilisation des wagons.
3.2 Faits établis quant aux risques
Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.
- Si le système de gestion de la sécurité de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique n’est pas appliqué lors d’un changement aux opérations ferroviaires, comme des changements aux procédures d’immobilisation des wagons, les dangers peuvent ne pas être cernés, et leurs risques peuvent ne pas être évalués et atténués, ce qui accroît le risque d’accident.
4.0 Mesures de sécurité
4.1 Mesures de sécurité prises
4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada
Le 13 mars 2023, le BST a adressé à Transports Canada (TC) l’avis de sécurité du transport ferroviaire 03/23 concernant les pratiques d’aiguillage et d’immobilisation des wagons à la gare de triage Toronto de la Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP).
La lettre a été envoyée à la suite de 3 mouvements non contrôlés survenus récemment au triage G de la gare de triage Toronto du CP. Elle indiquait que, lors de chacun des mouvements non contrôlés, l’immobilisation des rames de wagons avait été inadéquate dans les circonstances, ce qui avait fait en sorte que les wagons partent à la dérive et que les wagons de tête déraillent. Dans 2 des 3 événements, l’essai de l’efficacité des freins à main exigé par la règle 112, alinéa (vi) du Règlement d’exploitation ferroviaire du Canada (REF) n’avait pas été effectué correctement.
La lettre indiquait que TC voudrait peut-être vérifier les pratiques d’aiguillage et d’immobilisation des wagons du CP à la gare de triage afin de s’assurer que des procédures adéquates sont en place pour prévenir les mouvements non contrôlés.
4.1.2 Transports Canada
Le 21 juin 2023, TC a répondu à l’avis de sécurité du transport ferroviaire 03/23, indiquant que [traduction] :
à la suite des trois événements, TC a effectué des inspections et a déterminé que les trois mouvements non contrôlés étaient le résultat d’une non-conformité avec la règle 112 du REF. L’inspection effectuée à la suite de l’événement R22T0045 a également amené Transports Canada à émettre au CP un avis en vertu de l’article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire. L’avis a été émis parce que la compagnie ferroviaire « n’avait pas mis en œuvre des mesures efficaces pour prévenir le mouvement non contrôlé d’équipement à la gare de triage Toronto du CP ».
L’avis de TC incitait la compagnie à prendre des mesures de sécurité; des inspections réalisées ultérieurement par TC à la gare de triage ont permis de confirmer la mise en œuvre des mesures de sécurité.
Dans sa réponse, TC indiquait en outre que, compte tenu de l’engagement de TC de réduire le nombre de mouvements non contrôlés d’équipement pendant les activités de manœuvre d’aiguillage, TC prévoyait, pour 2023 à 2024, effectuer 8 inspections du rendement des équipes à la gare de triage Toronto du CP, ainsi que 60 inspections visant expressément les activités de manœuvre d’aiguillage et d’immobilisation à l’échelle nationale.
En plus de ces activités de surveillance planifiées, TC continuera de recueillir et d’analyser des données sur les mouvements non contrôlés dans le but d’éclairer d’autres activités de surveillance, y compris un audit, s’il y a lieu.
4.1.3 Canadien Pacifique
Immédiatement après l’événement à l’étude, le CP a effectué des simulations à Calgary (Alberta), qui ont été suivies d’une évaluation des risques liés aux procédures d’immobilisation des wagons au triage G en fonction du tonnage des wagons et de la pente de la voie. L’évaluation des risques a permis de déterminer que des freins à main supplémentaires étaient nécessaires pour immobiliser adéquatement les wagons laissés sans surveillance dans tout le triage G.
Le 15 mars 2022, le CP a procédé à des essais de l’efficacité des freins à main au triage G afin de valider ces simulations. Les essais ont tenu compte de la composition des trains et des variables météorologiques, de la vérification mathématique du nombre de freins à main requis (d’après les calculs de l’industrie sur la force de freinage et la résistance au roulement) et de l’intégration des effets du vent à la modélisation des freins à main.
Le CP a ainsi élaboré un nouveau tableau des freins à main à utiliser pour immobiliser l’équipement laissé sans surveillance au triage G. Le CP a publié en conséquence le bulletin d’exploitation SO-007-22Note de bas de page 34, lequel contenait un nouveau schéma des freins à main minimums pour les wagons laissés sans surveillance au triage G. Dans le nouveau schéma, le nombre minimal de freins à main pour un train ayant le même tonnage que le train à l’étude est de 10. Le bulletin, qui a été communiqué à tous les employés d’exploitation qui travaillaient à la gare de triage Toronto, énonçait également les mesures suivantes :
- l’obligation de confirmer le jeu des attelages par rapport aux freins à main serrés (comprimés pour les wagons immobilisés à l’extrémité est et étirés pour les wagons immobilisés à l’extrémité ouest du triage G) et de communiquer cette information à un autre membre de l’équipe ou à une ou plusieurs personnes qualifiées;
- l’obligation pour les employés du service mécanique du CP de vérifier visuellement le nombre de freins à main serrés sur les wagons avant de purger l’air des wagons, et d’obtenir du superviseur approprié la confirmation que les exigences minimales en matière de freins à main sont conformes au schéma pour le triage G.
Le 1er avril 2022, le CP a publié une révision du bulletin d’exploitation SO-007-22, mettant en œuvre les changements suivants afin d’aborder et d’atténuer davantage la possibilité d’un mouvement non contrôlé, compte tenu de la pente à l’extrémité est du triage G :
- Il est interdit de laisser des wagons sans surveillance et immobilisés à l’extrémité ouest du triage G avec les freins à main serrés à moins que le mouvement, les trains ou les transferts ne soient attelés à une locomotive qui :
- est équipée d’un dispositif de protection contre la dérive;
- est conditionnée correctement pour la position de tête et a fait l’objet d’un essai des freins avec le reste des wagons du train;
- a réparti de l’air dans tous les wagons compris dans le mouvement.
Le 3 août 2023, le CP a publié le bulletin d’exploitation SO-032-23, instituant l’utilisation de sabots d’arrêt comme moyen de défense physique pour prévenir les mouvements non contrôlés.
Le CP a aussi pris des mesures pour mieux renseigner les employés sur les exigences d’immobilisation au triage G. En font partie, par exemple :
- un aide-mémoire fourni à tous les employés, indiquant les exigences minimales en matière de freins en fonction du tonnage du matériel sur la voie;
- de la formation pour les nouveaux employés portant sur les procédures d’immobilisation;
- des campagnes éclair de sécurité :
- une campagne éclair de sécurité menée du 13 au 26 décembre 2023, comprenant un examen d’événements antérieurs d’immobilisation inadéquate à la gare de triage Toronto, au cours de laquelle 269 essais d’efficacité ont été effectués,
- une campagne éclair de sécurité menée le 1er janvier 2024, comprenant un examen des procédures d’immobilisation du matériel, comme le serrage de freins à main et l’exigence d’une confirmation verbale entre membres d’équipe;
- des essais d’efficacité effectués du 1er au 7 janvier 2024, soit 195 essais réalisés par l’équipe locale, en lien avec des activités pouvant prévenir ou atténuer les mouvements non contrôlés.
Depuis l’événement à l’étude, les dirigeants locaux effectuent aussi des vérifications quotidiennes de l’immobilisation à la gare de triage Toronto pour repérer les cas de non-conformité. Les constatations font l’objet de discussions avec les autres employés pendant les séances de briefing avant les quarts de travail.
Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le 10 avril 2024. Le rapport a été officiellement publié le 16 mai 2024.
Annexes
Annexe A – Événements de conduite du train sélectionnés
Le tableau A1 énumère des événements de conduite du train sélectionnés qui se sont produits lors de l’événement à l’étude, d’après les données du consignateur d’événements de la locomotive, ainsi que les distances d’effet de traction calculées du train pendant l’essai de l’efficacité des freins à main. Les calculs ont tenu compte des variations de la pente à l’est et à l’ouest de l’aiguillage de la voie G05 ainsi que du jeu des attelages disponible.
Dans le tableau A1,
- « PRE (lb/po2) » désigne la pression, en livres par pouce carré, produite par le réservoir d’égalisation de la locomotive de tête.
- « PCG (lb/po2) » désigne la pression dans la conduite générale, en livres par pouce carré, relevée sur la locomotive de tête.
- « UQT (lb/po2) » désigne la pression, en livres par pouce carré, mesurée par l’unité de queue de train (UQT).
- « PCF (lb/po2) » désigne la pression au cylindre de frein sur la locomotive de tête, en livres par pouce carré.
Heure (HNE) | Vitesse (mi/h) | Position du manipulateur | PRE (lb/po2) | PCG (lb/po2) | UQT (lb/po2) | PCF (lb/po2) | Événement |
---|---|---|---|---|---|---|---|
18 h 12 min 48 s | 4,6 | Ralenti | 89 | 89 | 83 | 0 | Le train se dirige lentement vers l’ouest sur la voie G05 de la gare de triage Toronto après être entré dans celle-ci à partir de la voie principale nord au point milliaire 196,7 de la subdivision de Belleville. |
18 h 12 min 50 s | 4,2 | Ralenti | 82 | 85 et en baisse | 83 | 0 | Le mécanicien de locomotive (ML) effectue un serrage minimal des freins. |
18 h 12 min 55 s | 3,9 | 1 | 82 | 82 | 83 | 0 | Pendant le serrage minimal des freins, le ML commence à augmenter la puissance moteur. |
18 h 13 min 12 s | 2,8 | 2 | 82 | 81 | 77 | 0 | La pression dans la conduite générale entre la tête de train et l’UQT se stabilise. |
18 h 13 min 30 s | 2,5 | 4 | 82 | 81 | 77 | 0 | Le ML règle le manipulateur à la position 4 (la position maximale du manipulateur pendant le serrage minimal des freins). |
18 h 13 min 51 s | 2,8 | 3 | 82 | 81 | 77 | 0 | Le ML commence à réduire la puissance pour arrêter le train. |
18 h 14 min 3 s | 2,1 | Ralenti | 82 | 81 | 77 | 0 | Le manipulateur est baissé jusqu’au ralenti. |
18 h 14 min 18 s | 0 | Ralenti | 82 | 81 | 77 | 0 | Le train s’arrête après avoir parcouru 312 pieds avec un serrage minimal des freins. |
18 h 14 min 19 s | 0 | Ralenti | 82 | 81 | 77 | 3 et en hausse | Le ML commence à serrer le frein indépendant sur les locomotives. |
18 h 14 min 23 s | 0 | Ralenti | 82 | 81 | 77 | 71 | La force maximale de freinage indépendant est obtenue. |
18 h 14 min 26 s | 0 | Ralenti | 80 | 80 et en baisse | 77 | 71 | Le ML effectue une réduction supplémentaire de 2 lb/po2 de la pression dans la conduite générale. |
18 h 14 min 31 s | 0 | Ralenti | 80 | 79 | 77 | 71 | La pression dans la conduite générale se stabilise; la pression en queue de train reste inchangée. |
18 h 14 min 37 s | 0 | Ralenti | 81 et en hausse | 79 | 77 | 71 | Le ML desserre le frein automatique pendant que le chef de train serre les freins à main. |
18 h 18 min 18 s | 0 | Ralenti | 89 | 89 | 80 | 71 | Les pressions maximales sont atteintes. |
18 h 18 min 19 s | 0 | 1 | 89 | 89 | 80 | 69 et en baisse | Le ML commence l’essai de l’efficacité des freins à main en desserrant le frein indépendant et en déplaçant le manipulateur à la position 1 en marche arrière. |
18 h 18 min 26 s | 0,4 | 1 | 89 | 89 | 80 | 3 | La marche arrière commence. |
18 h 18 min 29 s | 0,4 | 1 | 89 | 89 | 80 | 0 | Le frein indépendant est entièrement desserré. |
18 h 18 min 43 s | 1,1 | Ralenti | 89 | 89 | 80 | 0 | Le ML se prépare à arrêter le mouvement en réglant le manipulateur au ralenti. |
18 h 18 min 44 s | 1,1 | Ralenti | 89 | 88 | 80 | 2 et en hausse | Alors que le mouvement est toujours en marche, le ML commence à serrer le frein indépendant. La locomotive de tête a parcouru une distance de 16,5 pieds. |
18 h 18 min 46 s | 0,7 | Ralenti | 89 | 88 | 80 | 52 | La pression maximale du frein indépendant atteint 52 lb/po2. |
18 h 18 min 47 s | 0 | Ralenti | 89 | 88 | 80 | 44 | La locomotive de tête s’arrête temporairement après avoir parcouru 4,2 pieds supplémentaires; la pression du frein indépendant est de 44 lb/po2. |
18 h 18 min 48 s | 0,4 | Ralenti | 89 | 88 | 80 | 26 | Il n’y a plus de jeu à la tête du train, ce qui provoque une brève augmentation de vitesse, et le mouvement couvre 1 pied de plus. |
18 h 18 min 50 s | 0 | Ralenti | 89 | 88 | 80 | 39 et en hausse | La locomotive de tête s’arrête complètement. La distance totale parcourue pendant l’essai de l’efficacité des freins à main est de 21,7 pieds. |
18 h 18 min 56 s | 0 | Ralenti | 89 | 88 | 80 | 71 | La pression maximale du frein indépendant atteint 71 lb/po2. |
18 h 19 min 7 s | 0 | Ralenti | 89 | 88 | 0 | 71 | Après que le chef de train l’a informé que l’essai de l’efficacité des freins à main a été réussi et qu’il a fermé le robinet d’arrêt entre les 63e et 64e wagons, le ML déclenche l’UQT. |
18 h 19 min 24 s | 0,4 | 1 | 89 | 89 | 0 | 4 et en baisse | Après que le chef de train lui a demandé plus de jeu pour pouvoir actionner le levier de dételage de l’attelage et ouvrir une des mâchoires afin de séparer les 63e et 64e wagons, le ML commence à faire marche arrière afin de fournir le jeu demandé. |
18 h 19 min 37 s | 0 | Ralenti | 89 | 89 | 0 | 65 | La locomotive de tête s’arrête après avoir parcouru environ 9 pieds. |
18 h 19 min 50 s | 0,4 | 2 | 89 | 89 | 0 | 2 et en baisse | La locomotive de tête avance pour effectuer un jumelage de rames sur la voie G03. |
Annexe B – Enquêtes du BST sur des mouvements non contrôlés
No | Numéro de l’événement | Date | Description | Lieu | Cause |
---|---|---|---|---|---|
1 | R20V0230 | 2020-11-13 | Mouvement non contrôlé de matériel roulant, Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), système de télécommande de locomotive (STL), train de manœuvre 1500 North end, point milliaire 462,4, subdivision de Chetwynd | Prince George (Colombie-Britannique) | Perte de maîtrise |
2 | R19C0015 | 2019-02-04 | Mouvement non contrôlé de matériel roulant et déraillement de train en voie principale, Compagnie de chemin de fer Canadien Pacifique (CP), train de marchandises 301-349, point milliaire 130,6, subdivision de Laggan | Yoho (Colombie-Britannique) | Perte de maîtrise |
3 | R18Q0046 | 2018-05-01 | Mouvement non contrôlé et déraillement de matériel roulant en voie non principale, Chemin de fer QNS&L, rame de wagons, gare de triage Sept-Îles | Sept-Îles (Québec) | Manœuvres d’aiguillage |
4 | R18M0037 | 2018-12-04 | Mouvement non contrôlé de matériel roulant et mort d’un employé, train de manœuvre L57211-04 du CN, point milliaire 1,03, subdivision de Pelletier | Edmundston (Nouveau-Brunswick) | Immobilisation |
5 | R18H0039 | 2018-04-14 | Mouvement non contrôlé de matériel roulant, STL du CP, train de manœuvre T16-13, point milliaire 195,5, subdivision de Belleville | Toronto (Ontario) | Perte de maîtrise |
6 | R18E0007 | 2018-01-10 | Mouvement non contrôlé de matériel roulant, train de marchandises L76951-10 du CN, point milliaire 0,5, embranchement industriel de Luscar | Leyland (Alberta) | Perte de maîtrise |
7 | R17W0267 | 2017-12-22 | Mouvement non contrôlé et mort d’une employée, STL du CN, train facultatif de manœuvre Y1XS-01, gare de triage Melville | Melville (Saskatchewan) | Manœuvres d’aiguillage |
8 | R17V0096 | 2017-04-20 | Mouvement non contrôlé, collision et déraillement en voie non principale, Englewood Railway, Western Forest Products Inc., rame de wagons | Woss (Colombie-Britannique) | Manœuvres d’aiguillage |
9 | R17Q0061 | 2017-07-25 | Mouvement non contrôlé, train PH651 du Chemin de fer QNS&L, point milliaire 128,6, subdivision de Wacouna | Mai (Québec) | Immobilisation |
10 | R16W0242 | 2016-11-29 | Mouvement non contrôlé, collision et déraillement, train de ballast BAL-27 et train de marchandises 293-28 du CP, point milliaire 138,70, subdivision de Weyburn | Estevan (Saskatchewan) | Perte de maîtrise |
11 | R16T0111 | 2016-06-17 | Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, STL du CN, affectation de triage de l’embranchement industriel ouest de 21 h, point milliaire 23,9, subdivision de York, triage MacMillan | Vaughan (Ontario) | Perte de maîtrise |
12 | R16W0074 | 2016-03-27 | Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, manœuvre de formation au STL de 23 h du CP, point milliaire 109,7, subdivision de Sutherland | Saskatoon (Saskatchewan) | Manœuvres d’aiguillage |
13 | R16W0059 | 2016-03-01 | Mouvement non contrôlé de matériel ferroviaire, Cando Rail Services, manœuvre de 22 h affectée au Co-op Refinery Complex, point milliaire 91,10, subdivision de Quappelle | Regina (Saskatchewan) | Immobilisation |
14 | R15D0103 | 2015-10-29 | Wagons partis à la dérive et déraillement de wagons en voie non principale, rame de wagons entreposée du CP, point milliaire 2,24, embranchement d’Outremont | Montréal (Québec) | Immobilisation |
15 | R15T0173 | 2015-07-29 | Dérive, collision et déraillement de matériel roulant en voie non principale, rame de wagons et train A42241-29 du CN, point milliaire 0,0, subdivision de Halton | Concord (Ontario) | Manœuvres d’aiguillage |
16 | R13D0054 | 2013-07-06 | Train parti à la dérive et déraillement en voie principale, Montreal, Maine & Atlantic Railway, train de marchandises MMA-002, point milliaire 0,23, subdivision de Sherbrooke | Lac-Mégantic (Québec) | Immobilisation |
17 | R12e0004 | 2012-01-18 | Collision en voie principale, matériel roulant à la dérive et train A45951-16 du CN, point milliaire 44,5, subdivision de Grande Cache | Hanlon (Alberta) | Immobilisation |